Patrimoines éco-gastronomiques et Tourisme durable
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Patrimoines éco-gastronomiques et Tourisme durable
Table des matières TABLE DES MATIERES ___________________________________________ 1 TABLE DES FIGURES ____________________________________________ 3 INTRODUCTION GENERALE _______________________________________ 4 Objectifs, méthodologie, structure et limites de la recherche _____________6 PARTIE THEORIQUE CHAPITRE 1 : LES PATRIMOINES ECO‐GASTRONOMIQUES ET LES PRODUCTEURS 13 1) La gastronomie et sa dimension patrimoniale _______________________ 13 1.1) « gastronomie » ? __________________________________________________ 13 1.1.1) Un marqueur identitaire de l’espace et des sociétés _____________________ 14 a) L’espace social alimentaire ou l’interface milieu/culture_______________________ 14 b) « Dis‐moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » ____________________________ 16 1.2) La gastronomie : un patrimoine ? ____________________________________ 17 2) La gastronomie et son rapport avec la durabilité _____________________18 2.1) Le développement durable, en bref___________________________________18 2.2) « Eco‐gastronomie » ? ______________________________________________21 2.3) Un système alimentaire moderne non durable ? ________________________22 2.3.1) Evolutions et caractéristiques du système alimentaire moderne ___________22 2.3.2) Bilan et conséquences ____________________________________________ 23 a) Des logiques de production non durables ? _________________________________ 24 b) Des logiques de distribution non durables ?_________________________________ 26 3)L’éco‐gastronomie et la valorisation des producteurs locaux ___________29 3.1) La problématique de la pêche artisanale ______________________________29 3.1.1) Qu’est ce que la pêche artisanale ? __________________________________29 3.1.2) L’importance de la pêche artisanale : une pêche durable ?________________ 30 3.2) La perspective des acteurs : les pêcheurs artisans_______________________ 32 3.2.1) Une population active en baisse, âgée et peu valorisée __________________ 32 3.2.2) le maillon faible de la filière commerciale halieutique ___________________ 33 4) Conclusions : Vers une diversification et une valorisation de la pêche artisanale ?_______________________________________________________ 35 CHAPITRE 2 : PATRIMOINES ECO‐GASTRONOMIQUES ET TOURISME DURABLE _ 38 1) Des relations étroites et diversifiées________________________________38 1.1) Un ingrédient essentiel de la consommation touristique ? _______________39 1.1.1) Une composante essentielle de l’image de la destination_________________ 39 1.1.2) Un facteur déclencheur du déplacement variable ______________________40 1.1.3) Une part importante du temps et des dépenses touristiques ______________ 41 1 1.2) Un contexte touristique favorable ? __________________________________42 1.2.1 Une consommation au‐delà de la satisfaction des besoins physiques _______42 1.2.2) Un archétype des nouvelles formes de consommation touristiques ? _______44 2) Un levier de développement local et touristique durable ? _____________46 2.1) Le tourisme durable en bref ________________________________________ 46 2.1.1) La gastronomie : une perspective manquante au tourisme durable ? _______48 2.1.2) Une nouvelle approche de la durabilité touristique ? ____________________49 2.2) Une « rétroalimentation » entre deux secteurs _________________________50 2.2.1) Le développement local par le tourisme ______________________________ 51 2.2.2) Formes, niveaux et modalités de valorisation touristique durable des patrimoines éco‐gastronomiques ________________________________________52 a) les ressources intangibles _______________________________________________ 53 2.3. Conclusions _______________________________________________________58 ETUDE DE CAS 1) METHODOLOGIE ET STRUCTURE DE L’ETUDE DE CAS __________________ 60 2) INTRODUCTION A LA GALICE ___________________________________ 64 2.1) La Galice en quelques mots, cartes et chiffres ______________________64 2.2) Le tourisme en Galice : un rapide tour d’horizon ____________________66 2.3.1) Importance de la gastronomie comme ressource touristique __________ 69 2.3) La problématique de la pêche artisanale galicienne _________________ 72 3) MARDELIRA OU UN PROJET LOCAL DE VALORISATION TOURISTIQUE DU PATRIMOINE HALIEUTIQUE ARTISANAL DURABLE ______________________ 74 3.1) Description du projet ___________________________________________74 3.2) Analyse, impacts et obstacles au projet ___________________________79 3.3) Conclusions ___________________________________________________90 CONCLUSIONS GENERALES ______________________________________ 93 BIBLIOGRAPHIE _______________________________________________96 2 Table des figures Figure 1 Le développement durable : un équilibre entre trois piliers _______________________ 19 Figure 2 Pêche artisanale vs pêche industrielle ________________________________________ 30 Figure 3 Impacts écologiques et socioéconomiques des pêcheries industrielles vs artisanales___ 32 Figure 4 Filière de la pêche artisanale et ses nombreux intermédiaires_____________________ 34 Figure 5 La gastronomie comme facteur de déclenchement du voyage ____________________ 40 Figure 6 Food Tourism Market ____________________________________________________ 41 Figure 7 Significations associées aux produits locaux par les consommateurs _______________ 42 Figure 8 Model of local food consumption at a holiday destination _______________________ 44 Figure 9 Schéma du tourisme durable _______________________________________________ 46 Figure 10 Liens entre les 12 objectifs et les piliers du développement durable _______________ 47 Figure 11 Typology of value added in gastronomy tourism ______________________________ 52 Figure 12 Relation directe entre le producteur et le consommateur _______________________ 55 Figure 13 Coopération entre producteurs_____________________________________________ 56 Figure 14 Les producteurs locaux fournissent directement les restaurants locaux ____________ 56 Figure 15 Modèle type de réseau idéal _______________________________________________ 57 Figure 16 La Galice, une région périphérique d'Espagne et d'Europe _______________________ 64 Figure 17 Le drapeau galicien. ______________________________________________________ 64 Figure 18 Carte topographique de la Galice ___________________________________________ 65 Figure 19 Carte démographique de la Galice. _________________________________________ 65 Figure 20 Produits et destinations touristiques en Galice _______________________________ 66 Figure 21 Carte schématique de la Galice Touristique. __________________________________ 66 Figure 22 Carte de la Galice et localisation des 63 confréries de pêcheurs __________________ 73 Figure 23Localisation de Lira sur la Costa da Morte_____________________________________ 74 Figure 24 Le village de Lira et son port _______________________________________________ 74 Figure 25 La plage "Mardelira"______________________________________________________ 75 Figure 26 Représentation schématique du projet de Mardelira et de son réseau d’acteurs. ____ 81 Figure 27La dimension territoriale du patrimoine halieutique de Lira ? _____________________ 91 3 Introduction générale Dans nos pays “développés”, l’alimentation fait à tel point partie de nos vies quotidiennes, elle est tellement disponible partout, en permanence et en abondance, que l’on omet bien souvent de réfléchir à son origine, son mode de production, sa fonction, son histoire, … Déconnecté de son univers bio‐culturel par l’industrialisation et la globalisation du système alimentaire le mangeur moderne a oublié que “Manger est un acte agricole et produire est un acte culturel”. (SLOW FOOD, 2009) Depuis quelques années toutefois, suite notamment aux désastres causés par l’industrialisation de la production et de la distribution alimentaire et face aux craintes suscitées par les forces, a priori, homogénéisantes de la globalisation et de la mondialisation, apparait un mouvement de relocalisation alimentaire et un intérêt renouvelé pour d’autres modes de production, de distribution et de consommation alimentaire. Perçus comme des marqueurs identitaires de l’espace et des sociétés et comme une réponse potentielle aux effets pervers du système alimentaire moderne (industriel et globalisé) non durable , les patrimoines éco‐gastronomiques attisent l’intérêt d’un nombre important d’acteurs aux origines diverses : mouvements associatifs et citoyens, certains partis politiques, les médias, la ‘filière du manger’,… Le secteur touristique loin d’échapper au phénomène, vient le renforcer. Unis par un lien indissociable, la gastronomie et le tourisme se côtoient depuis toujours. En effet, qu’ils soient spécifiquement intéressés par le fait alimentaire ou pas, “manger” est une nécessité physiologique, humaine, quotidienne, qui ne disparait pas lors de la pratique touristique, bien au contraire… Mais aujourd’hui, face à cet intérêt renouvelé pour le « local », pour un rapprochement réel ou imaginaire (label) avec le producteur et la nécessité tant pour la gastronomie et le tourisme d’être durables, la relation qui unit ces deux secteurs se pose en termes nouveaux. Force de la mondialisation et de la globalisation alimentaire, le tourisme devient aujourd’hui et parallèlement, un des moteurs de sa relocalisation. « Problems of globalization for local food production present as much an opportunity as they do a threat. » (HALL, 2003, 32) 4 Comme jamais auparavant, aux quatre coins du monde, dans le milieu rural, comme dans le milieu urbain, les patrimoines gastronomiques locaux se construisent, se valorisent et se marchandisent. Apparaissant, au même titre que le patrimoine culturel et naturel, comme une ressource touristique essentielle : facteur d’attractivité, de diversification touristique… mais également de durabilité. En effet, selon Scarpato, « Gastronomy add a missing perspective to the quest of sustainable tourism ». (SCARPATO, 2002, 140) Peu étudiée par les Sustainable Tourism Studies ou mis en avant par les indicateurs de durabilité touristique, l’alimentation, dans la vie quotidienne comme dans la pratique touristique, peut avoir des impacts locaux et globaux plus ou moins forts, tant environnementaux, socio‐culturels qu’ économiques. Si nous sommes assez dépourvus au niveau des données, plusieurs indices nous permettent de déceler des pratiques touristiques alimentaires non‐durables (“buffet international”, “fast‐food”…), pouvant dans certains cas, amplifier la quantité de nourriture importée (pollution, concurrence avec les productions locales…), contribuer à déstructurer les systèmes alimentaires locaux (abandon des productions locales pour des productions à destination des touristes, dépendance…) ou à diluer les traditions alimentaires locales (folklorisation, McDonaldisation…). (TEFLER & WALL, 1996 ; BELISLE, 1984). A l’inverse, la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomiques, apparait comme une perspective essentielle de la notion du tourisme durable. Lequel, selon Hall, pour être réellement durable, doit faire partie non pas d’une économie linéaire, mais d’une économie circulaire localisée promouvant des modes de production et de consommation durables et contribuant à la conservation du capital naturel reconnue comme une notion intégrante à un développement qualitatif et économique. (HALL, 2009, 54) On le voit, les enjeux que pose la valorisation touristique des patrimoines gastronomiques ne se limitent pas à des fins touristiques ou communicationnelles, mais se manifestent comme pouvant faire partie d’une stratégie plus générale de développement local et touristique durable. En effet, comme le mentionnent différents auteurs : “it’s apparent that from the seeds of globalization strong local food identities and sustainable food systems have the potential to grow with tourism playing an important role in this process.” (HALL & MITCHELL, 2002, 83) Et à Everett d’ajouter, « Food tourism has a role in securing the ‘triple bottom line’ of economic, social, environmental sustainability (…) in strenghtening a region’s identity, sustaining cultural heritage, consteting fear of global homogenisation and facilitating the régénération of an area’s sociocultural fabric. » (EVERETT,2009,150) 5 Objectifs, méthodologie, structure et limites de la recherche I. OBJECTIFS Nous basant sur les postulats de Hall & Mitchell, Everett et Scarpato susmentionnés, notre recherche a pour finalité heuristique de tenter de répondre à la question suivante : « Pourquoi et comment la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomiques peut‐elle contribuer au développement local et touristique durable des zones rurales ? » Nous partons de l’hypothèse qu’il y a une convergence d’intérêts entre les producteurs alimentaires locaux qui cherchent à se diversifier, à conserver et à valoriser leurs patrimoines éco‐gastronomiques en dehors de la filière commerciale habituelle et le tourisme, qui tente d’être durable. Nous voulons donc démontrer que ces deux secteurs peuvent se rétroalimenter et que la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomiques peut contribuer à l’amélioration tant de la durabilité du tourisme que de celle des communautés locales hôtes, via la promotion de systèmes alimentaires localisés et durables (de la production à la consommation) et en donnant une réelle valeur culturelle, identitaire, sociale, économique et environnementale aux patrimoines éco‐gastronomiques. II. LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE Stratégie : une étude de cas Selon Hjalager & Richards, de récents travaux sur le tourisme et la gastronomie ont montré que l’étude de cas est une stratégie de recherche efficace, permettant de faire le lien entre la théorie et la pratique. « Case study can identify relevant issues and the various driving forces that are important for the development of tourism and gastronomy in a particular area » (HJALAGER & RICHARDS, 2002, 228) En effet, comme l’indique Robson l’étude de cas est une “strategy for doing research which involves an empirical investigation of a particular contemporary phenomenon within a real life context using multiple source of evidence” (ROBSON, 2002, 178) Ainsi, désirant illustrer notre modèle théorique au travers l’analyse d’un projet particulier dans un territoire rural significatif, nous sommes tournée vers la Galice, région où nous avons réalisé notre Erasmus et qui, comme beaucoup d’autres destinations, tente de valoriser touristiquement son patrimoine gastronomique local à travers différentes stratégies et évènements. Si le contexte général et touristique de la Galice, indissociable de notre étude de 6 cas, sera abordé, celle‐ci se centrera sur un projet de développement local et touristique durable. En effet, sous les conseils de notre coordinateur Erasmus de l’Université de la Corogne, notre choix s’est porté sur le projet tout particulier de « Mardelira » désirant unir « pêche, tourisme et durabilité ». Il s’agit d’un projet de valorisation touristique initié par la confrérie de pêcheurs artisans de la petite communauté de Lira, en partenariat avec Lonxanet, une société alternative de vente directe des produits de la mer (créée par deux professeurs de l’Université de la Corogne : Antonio Allut et Juan Freire). Militants pour le maintient de la pêche artisanale et la promotion de la pêche durable et équitable, différentes stratégies ont été mises en place telles la création de la première réserve marine d’intérêt halieutique de Galice1 et la valorisation touristique du patrimoine halieutique durable de leur localité (poissons et fruits de mer issus de la réserve marine). Cela se concrétise au travers de la mise en tourisme du travail et du lieu de vie des pêcheurs (journée en mer avec les pêcheurs, visite de la criée locale, … ), la création d’attractions touristiques (atelier de pêche, musée de la pêche, routes touristiques…), la création d’un réseau local durable avec les restaurateurs de la localité qui valorisent directement les ressources halieutiques issues de la réserve, et qui organisent en partenariat avec la confrérie de pêcheurs des dégustations de produits locaux, des cours de cuisines, des concours et journées gastronomiques… Si la taille touristique du projet reste pour l’instant modeste et rentre dans la philosophie « solution locale à un désordre global », les ambitions du projet sont grandes et globales : un de ses « rêves » étant à terme de créer une version adaptée à la mer de l’agrotourisme ou de l’oenotourisme. Désir qui, depuis peu, retient l’attention de la Xunta (gouvernement galicien) décidé à développer un réseau de « pêche tourisme » basé sur la gastronomie et le patrimoine culturel des communautés de pêcheurs artisans qui parsèment le littoral galicien. Le dynamisme de la confrérie de pêcheurs de Lira, est tel qu’elle a par ailleurs donné naissance à plusieurs associations régionales tel Slow Food Lira, O mar da fin da Terra et internationales tel Fishernet project, elle participe également à des mouvements mondiaux tels Slow Fish. Comme il le sera abordé plus en profondeur dans la partie consacrée à la méthodologie de notre étude de cas, les outils méthodologiques mobilisés seront d’une part, l’observation dans un premier temps non participative, puis participative et d’autre part, des interviews semi‐directifs avec les principaux acteurs concernés par ce projet (pêcheurs, 1 Egalement, la première au niveau mondial à être née de l’initiative propre des pêcheurs locaux. 7 confrérie, restaurateurs, directeur de Lonxanet, offices du tourisme locaux et régionaux, …) selon la méthode de l’entretien compréhensif de Kauffman. Approche qualitative inductive et déductive La méthodologie utilisée pour ce projet de recherche sera donc purement exploratoire et qualitative et s’inscrit dans le courant de recherche phénoménologique2. Autrement dit, nous allons tenter d’interpréter et de comprendre les tenants et les aboutissants d’un phénomène particulier – la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomique dans une perspective de développement local et touristique durable – en l’abordant tout d’abords de façon contextuelle et théorique, pour ensuite l’illustrer au travers du projet particulier de Mardelira. Si nous le présentons logiquement dans cet ordre (théorie ‐>pratique), force est de constater que tout notre projet de recherche fut basé sur un continuum induction‐déduction. Autrement dit, tandis que le passage en revue de la littérature scientifique nous permît de mieux saisir les variables à mettre en exergue dans notre étude de cas, cette dernière nous éclaira sur les enjeux à aborder dans notre partie contextuelle et théorique. Ce va et vient incessant nous amena à reformuler à plusieurs reprises notre question problème, ainsi que notre modèle d’analyse. Au niveau de la littérature scientifique, les sources sélectionnées sont à l’instar de la thématique prise au sens de large de « tourisme et gastronomie » extrêmement multidisciplinaires. Toutefois, malgré le caractère de bien imprescriptible de la gastronomie dans la pratique touristique, nous avons très vite constaté que cet objet de recherche est étonnamment récent. (ex : BESSIERE, 1998 ; HALL, 2002 ; HJALAGER and RICHARDS, 2002, HALL & SHARPLES, 2003,…). Aujourd’hui, les interrelations tourisme et gastronomie ont donné lieu à toute une série de publications scientifiques abordant la problématique depuis différentes perspectives (marketing, développement territorial..), toutefois, comme le déplorent différents auteurs (EVERETT, 2008 ; HALL, 2009 ; HALL & GÖSSLING, 2010 ; SIMS, 2009 ; SCARPATO, 2002) beaucoup de perspectives restent à aborder, des modèles et des outils à développer, notamment lorsqu’il est question de durabilité : « In recent years, a wide range of publications has addressed interrelationships of food and tourism (…) However, issues related to sustainability have received comparably little 2 Selon Altinay et Paraskevas (2008), il existe deux philosophies de recherche principales : le positivisme et le phénoménologisme. “ Positivism promotes a more objective interpretation of reality, using hard data from surveys and experiments, while phenomenology (or interpretivism) is concerned with methods that examine people and their social behaviour.” (ALTINAY ET PARASKEVAS,2008, 69) 8 attention, despite the food sector’s importance regarding land conversion, biodiversity, biosecurity, nutrient cycles, animal welfare, greenhouse gas emissions, use of harmful substances, production patterns, culture and heritage, social justice, food security, employment and income generation.” (HALL & GÖSSLING, 2010) Et à SIMS d’ajouter, « News subjects need to investigate whether the growth of the "alternative"food sector and the renewed interest in 'local' food can provide a boost to rural destinations looking to develop a sustainable domestic tourism industry" (SIMS, 2009, 322) Dès lors, comme susmentionné (induction‐déduction), la phase d’élaboration de notre modèle d’analyse ne se basa pas exclusivement sur la littérature scientifique (livre, articles scientifiques…), elle fut également enrichie par les entretiens que nous avons eu sur le terrain de notre étude de cas, ainsi que par les informations que nous avons pu retirer lors de notre participation à quatre colloques.3 III. STRUCTURE DE LA RECHERCHE Notre mémoire est divisé en deux parties, tout d’abords une partie théorique et contextuelle et une partie consacrée à notre étude de cas. La première partie théorique a pour objectif la ‘contextualisation’ de notre problématique et la construction de notre modèle d’analyse : il s’agira donc de définir les concepts mobilisés, de développer et de relier théoriquement les clefs de lecture nécessaires à la compréhension de notre problématique et à l’analyse de notre étude de cas. Dans un premier temps, l’angle d’attaque choisi sera exclusivement “éco‐gastronomique”. Autrement dit, à travers l’exemple de la pêche, nous tenterons de mettre en perspective les évolutions et les enjeux globaux et locaux qui sont à la base de l’intrusion de la notion de « patrimoine » et de “durabilité” dans la gastronomie. Ensuite, en abordant la problématique de la pêche artisanale, nous tenterons de mettre en exergue la situation et le rôle fondamental des producteurs alimentaires locaux (les pêcheurs artisans) qui, aujourd’hui marginalisés par le système alimentaire industriel et globalisé, sont gestionnaires d’un patrimoine naturel commun (la mer et ses ressources) et détenteurs d’un patrimoine culturel (savoir, savoir‐faire,…) susceptible de transmettre des valeurs et des connaissances bénéfiques à notre société dominée par une rationalité économique, productiviste et en quête de durabilité. Nous conclurons ce premier chapitre sur la nécessité de diversifier la pêche artisanale et de valoriser les produits halieutiques locaux et le rôle des pêcheurs artisans. 3 « Alimentation et tourisme durable » organisé par l’ULB à Bruxelles (21/04/2009), « Conservación da biodiversidade, turismo e desenvolvemento local » organisé par le Centro de Extensión Universitaria e Divulgación Ambiental de Galicia à Santa Cruz (Galice) (01/07/2009), « Tourisme et patrimoines alimentaires, passion ou raison ? » entretiens Jaques Cartier, université de Lyon à Lyon ( 30/11/2009‐1/12/2009) “comprendre les enjeux de notre assiette » organisé par Ethopia à Bruxelles (27/03/2009) 9 Dans un second temps, nous dresserons un bref aperçu général du rôle de la gastronomie locale dans la consommation touristique en soulignant l’importance du contexte touristique actuel qui est favorable à une relocalisation alimentaire, pour ensuite insister sur le rôle de la gastronomie – bien touristique imprescriptible ‐ comme perspective négligée et pourtant intégrante au concept de tourisme durable. Ces diverses constatations nous amèneront à aborder la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomiques sous l’angle spécifique du levier de développement local et touristique durable en milieu rural. Il s’agira de démontrer la convergence d’intérêts et la rétroalimentation qu’il peut y avoir entre les producteurs locaux et le tourisme durable. A savoir, d’une part, l’intérêt que peut constituer le tourisme pour la valorisation des patrimoines éco‐gastronomiques et les enjeux auxquels les producteurs locaux sont aujourd’hui confrontés. Et d’autre part, l’intérêt particulier que peuvent receler les patrimoines éco‐gastronomiques locaux pour le développement touristique durable de la localité. A partir de la littérature existant, nous tenterons de mettre en exergue de façon théorique les modalités et les facteurs clefs de succès pour qu’une telle rétroalimentation et un développement local durable par le tourisme puissent avoir lieu. La seconde partie de ce mémoire sera donc consacrée à notre étude de cas, qui comme susmentionné a pour objet l’analyse d’un projet particulier de valorisation touristique du patrimoine halieutique galicien. L’étude de ce projet nous permettra d’illustrer et de vérifier les variables explicatives du modèle d’analyse élaboré au cours de la partie théorique de notre recherche en étudiant particulièrement, la rétroalimentation qu’il peut y avoir entre le secteur de la pêche artisanale locale et celui du tourisme durable. A savoir entre d’une part, les pêcheurs artisanaux de Lira qui tentent de préserver et valoriser leurs patrimoines naturel (les ressources halieutiques) et culturel (savoir‐faire, traditions,…), de diversifier leurs activités et de commercialiser leurs produits alimentaires en dehors de la filière halieutique habituelle, et le secteur du tourisme qui tente d’être durable en contribuant au développement local durable des communautés hôtes. Partant de la perspective des acteurs, il s’agira de mettre en exergue d’une part, les enjeux et les spécificités du patrimoine éco‐ gastronomique que constituent les produits de la mer issus de la pêche artisanale et ceux de ce milieu rural côtier particulier. Et d’autre part, d’appréhender les logiques internes au projet et à sa structuration ainsi que ses impacts et les obstacles existant à sa bonne mise en œuvre. 10 IV. LIMITES DE LA RECHERCHE Notre recherche comporte de nombreuses limites. Comme susmentionné nous avons très vite été confrontée au manque de données (théoriques et statistiques) pour nous guider tant dans la construction de notre modèle d’analyse et que dans l’interprétation de notre étude de cas. La valorisation des patrimoines éco‐gastronomiques est un sujet de recherche récent et très vaste qui comprend de multiples enjeux globaux comme locaux. Force est d’admettre que ces enjeux globaux et systémiques nous ont pris à cœur et que nous avons été bien souvent tenté de déborder du cadre précis de notre recherche, pour les mettre en avant. De même, si nous avons essayé de rester objective et de garder un esprit critique tout au long de notre étude, celle‐ci reste le résultat des lectures et des rencontres que nous avons faites. Or, il faut reconnaître que le monde de la pêche artisanale galicienne est un milieu spécifique que nous ne connaissions que superficiellement auparavant et qui reste très éloigné de notre quotidien. Lors de notre recherche sur le terrain nous nous sommes réellement rendue compte, qu’entre la formulation théorique et « intellectualisée » des processus de valorisation touristique et de développement local qui est faite par les théoriciens et celle « plus terre à terre » et à court terme des acteurs individuels sur le terrain, si la logique globale reste la même, un énorme fossé peut exister Dès lors, si nous avons tenté de prendre du recul dans l’analyse de nos entretiens de nombreux biais de l’observateur sont à relever, malgré le recoupement des dispositifs méthodologiques mobilisés (observation directe/indirecte et entretiens). En effet, si ces biais sont bien souvent inévitables, l’exercice fut d’autant plus périlleux dans notre cas, au vu de la barrière culturelle et linguistique existante, le manque de données quantitatives existant sur le projet Mardelira et à la difficulté que nous avons pu éprouver auprès de certains acteurs à imposer notre statut de « chercheuse » et non de simple « touriste ». Enfin, si nous pensons, à l’issue de notre recherche, être parvenue à identifier toute une série d’enjeux, de convergence d’intérêts qu’il peut exister entre les patrimoines éco‐ gastronomiques et le tourisme durable, force est de constater qu’il reste difficile, à l’issue de notre étude de cas, de généraliser nos conclusions ou d’en tirer des “recettes” qui s’appliqueraient avec succès dans une variété de contextes différents. Nous sommes donc consciente que notre recherche reste partielle, et que d’autres recherches futures seront nécessaires pour la perfectionner et la compléter. 11 PARTIE THEORIQUE 12 Chapitre 1 : Les patrimoines éco-gastronomiques et les producteurs Au cours de ce premier chapitre, nous allons tenter de contextualiser notre problématique en définissant d’une part, les concepts mobilisés et en explicitant les enjeux sous‐jacents à l’intrusion de la notion de patrimoine et de durabilité dans la gastronomie et d’autre part, à travers l’exemple de la pêche artisanale, prendre la perspective des producteurs, en expliquant le rôle essentiel de ceux‐ci ainsi que leur situation de maillon faible au sein du système alimentaire moderne que nous allons très vite qualifié de d’industriel, de globalisé et de fondamentalement non durable. 1) La gastronomie et sa dimension patrimoniale 1.1) « gastronomie » ? Comme mentionné dans notre avant‐propos, la signification du terme “gastronomie” a évolué au cours du temps aboutissant parfois, à une vision restrictive, voire élitiste, du concept pouvant masquer les dynamiques qui sont à la base de l’intérêt actuel porté à la gastronomie locale comme ressources culturelle, naturelle, patrimoniale et, in fine, comme levier de développement touristique durable. Tout au long de ce mémoire, nous nous baserons sur la définition qu’en fit Brillat‐Savarin reprise dans notre avant‐propos. A savoir d’une gastronomie faisant référence à l’ensemble du système alimentaire : comprenant tant les produits alimentaires bruts et transformés, les savoirs et savoir‐faire mobilisés qui leurs sont associés (techniques de production, d’obtention et de préparation) que leur dégustation, leur commercialisation et leur mode de distribution. (PETRINI, 2006 ; BESSIERE & TIBERE, 2010, 1). Partie intégrante de la vie quotidienne, il est assez surprenant de constater que la gastronomie ne soit devenue que récemment un objet d’étude à part entière. Au même titre et davantage encore que le tourisme, la gastronomie a été considérée pendant longtemps, comme une discipline académique marginale et peu sérieuse (exceptions faites ‐ bien sûr ‐ des recherches visant à en augmenter sa productivité…). (HALL & SHARPLES, 2003, 1‐3 ) Aujourd’hui, la situation a changé, la signification sociale et culturelle de la gastronomie bénéficie enfin de la reconnaissance méritée et est devenue un sujet important pour beaucoup de disciplines différentes. Cette gastronomie, à la suite de différents auteurs, tel C. Levis‐Strauss (1960), G.Condominas (1980) ou plus récemment, C.Fischler et J‐P Poulain, nous la concevons 13 comme un marqueur identitaire de l’espace et des sociétés, comme une rétroaction entre la nature et la culture. 1.1.1) Un marqueur identitaire de l’espace et des sociétés Comment expliquer la diversité des gastronomies existant de par le monde ? Selon Malassi, « C’est la recherche de la nourriture qui développa l’homme culturellement et structura initialement les sociétés” (MALASSI,1996,1) D’après Fischler, l’homme a un “satut d’omnivore”, autrement dit, il jouit d’une adaptabilité alimentaire très importante, lui permettant de vivre dans des biotopes extrêmement différents et de peupler ainsi la quasi totalité de la planète. Mais le mangeur est néanmoins soumis à quelques règles : 1) biologiquement, il est soumis à la diversité alimentaire 2) il ne peut ‘incorporer’ que des produits culturellement identifiés et valorisés. (FISCHLER, 1990, cité par POULAIN, 2002, 133‐134) A partir de là, l’homme a tout un espace de liberté de connexion à la nature. a) L’espace social alimentaire ou l’interface milieu/culture Les théories du rapport de l’homme à la nature sont au cœur de la géographie humaine. L’on peut classifier celles‐ci tout d’abord en deux courants majeurs : le déterminisme naturaliste et le possibilisme. 1) Selon les théories déterministes, c’est le milieu (par la disponibilité des ressources naturelles, la saisonnalité, les climats…) qui détermine les formes et les modes de l’alimentation.“ L’environnement naturel modèle les civilisations” (DECROLY, 2007,5) 2) Les théories possibilistes “nient l’action mécanique des facteurs naturels sur une humanité purement réceptrice” (FEBVRE, 1922, cité par POULAIN, 2002, 134) “ La nature propose l’homme dispose” Cherchant à dépasser l’opposition entre les théories déterministes et possibilistes, les théories environnementalistes postulent une rétroaction entre culture et nature “ L’homme n’est pas contraint par le milieu physique à adopter telle technique d’exploitation de la nature (…) il ne fait pas un choix conscient parmi les “possibilités” naturelles. Ce qui compte ce sont les possibilités offertes par les techniques dont dispose le groupe humain étudié. Les possibilités sont de l’homme et non de la nature; elles sont données à l’homme par la civilisation (la culture) à laquelle il appartient”. (GOUROU, 1953, cité par POULAIN,2002, 134) 14 A la suite de ces théories environnementalistes, J‐P Poulain, explique le fondement des différentes gastronomies en reprenant le concept d’espace social alimentaire : entre les contraintes biologiques (le fait de devoir manger de façon variée) et les contraintes écologiques (l’environnement et le climat), les sociétés ont tout un espace de liberté pour construire leur gastronomie. Et, qu’en conséquence, les aliments ne sont pas choisis en fonction de leurs disponibilités et de leurs utilités, mais sont culturellement déterminés. En effet, aucune plante ne s’est imposée où que ce soit, mais elles ont fait l’objet de choix (économique, idéologique, techniques, religieux,…) (FUMEY, 2007,3) Cette « sélection alimentaire culturelle » influence en retour les paysages du territoire :cultural landscape. “Les paysages des rizières irriguées asiatiques sont, tout à la fois le résultat du goût pour le riz, de sa valorisation symbolique, de l’organisation du repas asiatique et de la maîtrise des techniques d’irrigation. (…) d’autre produits alimentaires auraient naturellement été possibles, mais c’est une civilisation du riz qui a été construite. (…) Ce n’est pas seulement des raisons de productivité qui ont guidé ce choix, car de hauts niveaux de productivité alimentaire auraient pu être obtenus avec d’autres céréales et d’autres techniques culturales, c’est un ensemble de raisons qui s’enracine dans l’interface milieu‐culture.” (CONDOMINAS, 1980, 198‐221, cité par POULAIN, 2002, 135) En 1942, J. Brunhes disait que l’alimentation inscrit les hommes dans un espace physique. « Manger, c’est incorporer un territoire (…) Les repas d’un être humain représentent la tonte d’une étendue plus ou moins restreinte du tapis végétal ou cultivé » (BRUHNES, 1942, 19, cité par POULAIN, 2002, 134) L’espace social alimentaire de chaque groupe social se décline en différentes dimensions : 1) L’espace du mangeable et son inscription dans le système culturel (interdits alimentaires, aliments centraux,…) : sélection dans l’ensemble des produits naturels possédant une charge nutritionnelle ceux qui vont être considérés comme « aliments ». 2) Le système alimentaire : « l’ensemble des structures technologiques et sociales, de la production jusqu’à la préparation culinaire, en passant par la distribution et la commercialisation. » 3) Le système culinaire : « l’ensemble des techniques qui contribuent à la construction du statut d’aliment. » 4) Les habitudes de consommation : « L’ensemble des rituels spatio‐temporels qui accompagnent la consommation alimentaire. » 5) La temporalité alimentaire : les grands rythmes alimentaires journaliers, hebdomadaires, annuels… (ex : carême, ramadan…) 6) L’espace de différentiation sociale : “Manger dessine les frontières identitaires entre les groupes humains d’une culture à l’autre, mais aussi à l’intérieur d’une même culture entre les sous‐ensembles qui la constituent.” (POULAIN, 2002, 235) 15 b) « Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » “Lorsqu’un anthropologue est au fait des coutumes alimentaires d’un groupe social, il en sait déjà beaucoup”‐ LEVIS STRAUSS‐ Nous sommes ce que nous mangeons, non seulement dans le sens physiologique mais également dans le sens psychologique et sociologique. « Manger, c’est incorporer, faire siennes les qualités d’un aliment » nous dit Fischer. Ceci est vrai du point de vue objectif, les nutriments devenant le corps propre du mangeur, mais également du point de vue subjectif (imaginaire)4, où le mangeur croit s’approprier les qualités symboliques de l’aliment44 (FISCHLER, 1990). Sur le versant psychosociologique, comme nous venons de le voir, la gastronomie (aliments, cuisine, traditions,…) étant culturellement déterminée, elle insère donc le mangeur dans un univers social et dans un ordre culturel. (POULAIN, 2002, 132‐133). En effet, comme nous le montre Leigh, nos habitudes et traditions alimentaires sont des comportements qui nous ont été appris, sont étroitement liés à notre culture. “Some Catholics still avoid meat on Friday, as an act of contrition, and so often eat fish on this day. Japanese love raw fish. Chinese eat dogs and monkeys. Moslems and Jews do not eat pork. Hindus do not eat beef. French eat frogs, snails, horses and raw meat. Arabs eat camel meat and drink camel milk. Aborigines eat earth grubs. Greeks drink sheep’s milk. Some African tribes drink blood. Yanamamo Indians of South America eat fresh uncooked lice and fried insects.” (LEIGH, 2000) L’acte alimentaire est fondateur de notre identité collective et, du même coup, dans un jeu d’identification distinction, de l’altérité. C’est sur les pratiques alimentaires que se construit le sentiment d’appartenance ou de différence sociale et qu’une société transmet et permet l’intériorisation de ses valeurs. C’est par l’alimentation que se tissent et s’entretiennent les liens sociaux. (POULAIN, 2002, 133) Point de rencontres entre des ressources culturelles et naturelles, marqueur identitaire des territoires et des sociétés, la gastronomie apparait non pas comme une ressource fossilisée, inchangée, mais qui évolue au gré des influences, “qui ne fait pas seulement le lien entre le passé et le présent mais qui est aussi un réservoir de significations pour comprendre le monde” (BESSIERE, 1998, 26‐27). Autrement dit, la gastronomie est un patrimoine. 4 « Le sauvage croit communément que, en mangeant la chair d’un animal ou d’un homme, il acquiert les qualités non seulement physiques mais aussi morales et intellectuelles qui sont caractéristiques de cet animal ou de cet homme » (FRAZER, 1911 cité par POULAIN, 2002) 16 1.2) La gastronomie : un patrimoine ? La notion de patrimoine est un terme interdisciplinaire très large. C’est sans doute la raison pour laquelle il est très largement discuté mais rarement défini. (ZOUAIN, 31.11.09) “Almost unconsciously we carry with us our gastronomic heritage. Definitions of heritage do not reveal this : (…) Gastronomy however is rarely seen as food for inclusion in such listings – although it is generally seen as a part of culture it is not seen as an aspect of heritage.” (VAN WESTERING, 1998, 3) Si officiellement la dimension patrimoniale de la gastronomie a mis du temps à être reconnue5, aujourd’hui, l’on assiste, selon Berard & Marchenay, à une “patrimonialisation généralisée (de la gastronomie), qui doit être mise en perspective avec cette relation au temps de plus en plus mal contrôlée et par conséquent mal vécue. Elle trahit l’urgence et la compensation, voire le refus moderne d’assurer l’impératif économique de la destruction – lié à la consommation – à laquelle sont sur abonnées nos sociétés ». (BERARD & MARCHENAY, 2004, 7) En effet, “Le patrimoine n’existe pas a priori”. (DI MEO, 2008, 10) Il est plus le résultat d’une construction et d’une interprétation sociale menées par des acteurs, plutôt que quelque chose de fossilisé qui se transmettrait comme tel, de génération en génération. “L’élection d’un objet au statut de patrimoine est donc davantage liée au processus qui se met en place qu’au statut intrinsèque de l’objet”. Tout objet peut potentiellement acquérir le statut de patrimoine, même si tous ne le deviennent pas, tout dépend du regard local porté sur lui. (SENIL, 2006, 690 ; BESSIERE, 1998, 26‐28, TIBERE, 2009). La mise en patrimoine des gastronomies locales traduisent donc une nécessité de protection et de transmission intergénérationnelle due à une situation de transformation des pratiques sociales vécue sur le mode de la dégradation (disparition des savoir‐faire, des techniques de production, des produits alimentaires, des particularités culinaires,…) et plus largement, du risque de perte d’identité. (POULAIN, 2002 ; DE MYTTENAERE, 2009) Ce processus de patrimonialisation de la gastronomie est défini par J.P. POULAIN, comme “une transformation des représentations associées à l’espace social alimentaire. Il pose les produits alimentaires plus ou moins transformés, les objets et les savoirs faire utilisés dans leur production, leur 5 Au niveau de l’UNESCO, ce n’est que depuis la convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel datant de 2003, que la gastronomie peut officiellement faire partie de la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir‐faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes, et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recrée en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et créative humaine. » (UNESCO, 2003) A cette gastronomie reconnue comme patrimoine immatériel s’aggrègent de éléments matériels de la culture (produits alimentaires, ustensils, outils,…) 17 transformation, leur conservation et leur consommation, ainsi que les manières de table comme des objets culturels, porteur d’une part de l’histoire et de l’identité d’un groupe social et qu’il convient de préserver en tant que témoins identitaires »6. (POULAIN, 2002, 137) La patrimonialisation induit une valorisation, à savoir, “un changement d’usage (…) qui apporte une valeur supplémentaire à l’objet, (…) supérieure à sa valeur initiale”. (SENIL, 2006, 690‐92) En combinant, “héritage et innovation, stabilité et changement, le patrimoine produit un nouveau sens social en prenant appui sur le passé.” (TIBERE & BESSIERE, 2010, 1) Il devient non seulement un facteur d’expression et de différentiation identitaire, mais également, une ressource et un support nouveau pour l’innovation, le développement territorial et touristique. (TIBERE, 2009, TIBERE & BESSIERE, 2010) Comme le dit G. Zouain, ancien directeur adjoint de l’UNESCO, “les patrimoines gastronomiques ont des racines, qui vivent, évoluent et se transforment, notamment suite à leur valorisation touristique et donc marchande (…) D’économique à son origine (la propriété familiale), le patrimoine redevient un élément économique, d’une manière différente et pas toujours la meilleure…” (ZOUAIN, 31.11.09) Mais comment expliquer ce besoin pressant de protéger, de valoriser et de transmettre ces patrimoines gastronomiques, qui apparaît comme symptomatique de nos sociétés contemporaines ? Tentons de répondre à cette question en analysant les évolutions survenues dans la gastronomie et les rapports qu’entretient celle‐ci avec la durabilité. 2) La gastronomie et son rapport avec la durabilité A ces « patrimoines gastronomiques » que nous venons de décrire, à l’instar de Slow Food, nous y avons ajouté le préfixe “éco” venant du grec “ “οἶκος”: la maison, l’habitat. Aujourd’hui, ce préfixe est de plus en plus utilisé pour signifier le “respect de l’environnement” et par extension, des principes du développement durable. (CAVALLA, 2002,45) 2.1) Le développement durable, en bref Le développement durable est une nouvelle approche globale du développement qui a émergé officiellement en 19877 et qui tente de concilier « deux visions radicalement différentes des problèmes mondiaux : 6 Les ressources des patrimoines gastronomiques sont multiples et variées par exemple l’on pourrait celles du patrimoine halieutique comme suit 1) Patrimoine culturel : culture de la mer, techniques de pêche, de conservation du poisson (salaison…), patrimoine ethnographique : (constructions traditionnelles, embarcations, outils), patrimoine architectural (Phares, ports, criée…), traditions : préparations culinaires, fêtes gastronomiques… 2) Patrimoine naturel : paysages naturels (plages, falaises…), réserves marines, réserves naturelles, faune et flore (poissons, mollusques, crustacés, algues…) 18 1) Remise en question du modèle de développement à l’occidentale et de ses effets environnementaux…2) Mise en avant de la persistance de la grande pauvreté, pour revendiquer le droit des populations des Pays en voie de développement à connaître le même processus que les États développés.” (DECROLY, 2009,5) Le développement durable se définit comme “un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.” (CMED, 1988, 51) Il implique une solidarité synchronique (intra‐générationnelle) et diachronique (intergénérationnelle). En 1992, lors du sommet de la Terre de Rio, le développement durable fut pour la première fois, conceptualisé en tant qu’équilibre entre trois piliers (DUBIGEON, 2005, 234) : le pilier économique : accroissement du bien être de la population (produire plus) ; le pilier social : lutte contre les inégalités sociales (répartir mieux) ; le pilier environnemental : sauvegarde de la biosphère : (dans le respect de l’environnement) 8 (DECROLY, 2009, 6). Le développement doit être viable , vivable9 et équitable10. Figure 1 Le développement durable : un équilibre entre trois piliers (adaptation à partir de DECROLY, 2009,7) Souvent présenté comme “le défi de notre siècle”, la durabilité est devenu un terme idéologique, qui selon Mowforth & Munt, souffre des mêmes distorsions que des mots établis depuis longtemps comme “justice” et “démocratie” : un “buzzword” dont tout le monde parle et auquel tout le monde adhère spontanément…en théorie du moins. (MOWFORTH & MUNT, 1998, 122) 7 Le développement durable est un concept qui fut élaboré par la Commission mondiale sur l'environnement et le développement (CMED). Il a été rendu public en 1987 lors de la publication du rapport Brundtland de la CMED « Notre avenir à tous ». 8 « Le développement viable signifie que les facteurs économiques et environnementaux doivent être pris en compte ensemble, c'est‐à‐dire permettre à long terme et de façon autosuffisante une croissance économique basée sur les ressources renouvelables ». (BENSAHEL, 2009, 29) 9 Le développement vivable : il s'agit de prendre en compte les facteurs environnementaux et sociaux, c'est‐à‐dire d'assurer un cadre de vie acceptable. Cela revient notamment à l'idée de réduire les inégalités entre pays du Nord et du Sud. (BENSAHEL, 2009, 29) 10 Le développement équitable : l'objectif est d'allier la croissance économique tout en respectant les droits de l'homme, de parvenir à une plus grande équité notamment dans le commerce mondial. (BENSAHEL, 2009,29) 19 Pourtant, aujourd’hui, différents auteurs (JACKSON11, DALY12, HALL13…) sont d’avis qu’il faut aller au‐ delà du développement durable, car celui‐ci ne prendrait pas en compte le conflit fondamental existant entre la conservation du capital naturel non substituable14 et la croissance économique perpétuelle (ainsi que les moteurs sous‐jacents à cette dernière : la productivité et le consumérisme). (JACKSON, 2009; HALL, 2009) Couplé à la croissance économique dans nos pays développés, le développement ne peut être durable, l’équilibre15 entre les trois piliers ne peut être atteint. Car, “All is environmentally determinated”. (HALL, 2009, 26) et les tentatives de découplage s’avèrent échouer. (JACKSON, 29.04.2010) “As portrayed via government and supranational institutions, sustainable development suggests that it is able to cope with ecological crisis without affecting existing economic relationships of power and with capitalism and ecology not appearing contradictory.” (BEATEN, 2000, cité par Hall, 2009, 23) Comme nous le montre le graphique situé en annexe pages 6‐7 : “Growth economy is failing. (…) the quantitative expansion of the economic subsystem increases environmental and social cost faster than production benefits.” (DALY, 2008, cité par HALL, 2009b,9) En effet, “More does not mean better, and growth does not mean development16.” (HALL, 2009, 59) Ainsi, selon ces auteurs précités, pour atteindre les objectifs du développement durable, c’est tout le système sur lequel est basé notre société qu’il convient de changer : mettre un frein à la croissance économique perpétuelle afin de réduire l’empreinte écologique globale17 et parvenir à l’établissement d’une “steady‐state economy”: « a system that encourages qualitative development but not aggregate quantitative growth that unsustainably reduces natural capital ». (HALL, 2009, 54) Autrement dit la création d’un système dont les pierres angulaires seraient la promotion de modes de production et de consommation durable 11 Tim Jackson est l’auteur du livre Prosperity Without Growth (2009). Un livre dont certains estiment devenir aussi important que le rapport Brundtland. (ETHOPIA, 2010). Tim Jackson est venu faire une conférence à l’ULB, le 29 .04.2010. La vidéo de cette conférence se trouve en ligne sur http://www.etopia.be/spip.php?article1532 12 Daly est l’auteur de « A Steady‐State Economy : A failed growth economy and a steady‐state economy are not the same thing; they are the very different alternatives we face”(2008) 13 Hall a adapté le concept de steady‐state economy au tourisme dans son article « Degrowing Tourism : décroissance, sustainable consumption and steady‐state tourism » (2009) 14 The natural capital is ‘the stock of all environmental and natural resource assets, from oil in the ground to the quality of soil and groundwater, from the stock of fish in the ocean to the capacity of the globe to recycle and absorb carbon’. Natural capital includes all natural assets; humans can modify and reduce it, and enhance its reproduction, but humans cannot create it and it is therefore non‐substitutable. (PEARCE ET AL. 1990, 1 cité par HALL, 2009,30) 15 ”The problem with the notion of ‘balance’ is that, while perhaps conceptually attractive, it underplays key questions of what is being balanced for whose benefit, and devalues the importance of the natural capital that actually underpins all economic growth and socio‐economic well‐being and is fundamental to an ecological understanding of sustainability.” (HALL, 2009, 25) 16 Du moins dans nos pays développés où, comme vous pouvez le voir sur les graphiques situés en annexes pages… la croissance économique, si elle a pu apporter bon nombre d’améliorations, aujourd’hui, n’augmente plus le bien‐être des populations. (FILIPO & SCHNEIDER cité par HALL, 2009, 47) 17 L’empreinte écologique est un indicateur de l’impact de notre consommation sur les ressources de la planète. Elle représente une estimation de la somme des surfaces terrestres et aquatiques, biologiquement productives, nécessaires à la production des ressources consommées par les sociétés humaines et à l’assimilation des déchets produits dans les conditions de gestion et d’exploitation de l’année considérée. (DECROLY 2009, 36) Elle s’exprime en unité de surface : l’hectare (10.000 m²). Si on faisait une répartition égale de la surface biologiquement productive de la Terre entre tous ses habitants, chacun de nous aurait donc « droit » à 2,1 ha. Or, en moyenne, chaque habitant de la Terre « consommait » déjà 2,7 hectares en 2005, Il y a des différences très marquées entre les pays du Nord et les pays du Sud. De plus, l’empreinte écologique des pays industrialisés et la population mondiale ne cessant d’augmenter : la surface productive disponible par personne diminue donc jour après jour. (IBGE, 2010) 20 (HALL, 2009, 38) et d’une autre prospérité qui, selon Tim Jackson, ne se mesurerait plus au travers l’indicateur du PIB/hab, mais au travers de “la capacité des communautés locales à s’épanouir à l’intérieur des limites écologiques d’une planète finie.” (JACKSON,29.04.2010) 2.2) « Eco-gastronomie » ? L’irruption des questions de durabilité dans la gastronomie est un fait relativement nouveau. Popularisée par SLOW FOOD devenu un mouvement international, dès 1989, le concept d’ « éco‐gastronomie », bien que repris aujourd’hui par beaucoup de personnes (médias, associations, politiques…) et même, par plusieurs membres de la communauté scientifique, notamment issus du champ touristique (HALL, SCARPATO, SIMS, EVERETT,…), ne bénéficie toujours pas, à notre connaissance, d’une définition scientifique consensuelle. C’est pourquoi, nous vous proposons de reprendre la définition de Slow Food : « Bon, propre et juste »… Telle est l’approche de la qualité gastronomique du mouvement Slow Food ‐ en rupture avec la mode fast food – lancé par Carlo Petrini en Italie en 1986. BON : c’est la qualité qui répond au plaisir des sens que recherche tout gourmet, qu’il soit amateur ou gastronome. C’est une alimentation source de plaisirs, de convivialité. Riche de la diversité des peuples et cultures, des savoir‐faire et traditions. PROPRE : qui respecte la vie des hommes en préservant ou en construisant la santé, qui préserve les ressources naturelles, qui protège la vie des espèces animales, végétales et des écosystèmes et qui évite une pression sur le milieu naturel (pollutions, dégradation de l’environnement…), dans le souci d’offrir une alimentation saine. JUSTE : c’est le droit reconnu aux producteurs d’exercer leur activité dignement. C’est la réponse au travail des agriculteurs, des paysans qui ont le droit de vivre du fruit de leur travail et d’être rémunérés au prix juste. C’est le droit reconnu des populations, partout dans le monde, à la souveraineté et à l’autonomie alimentaires. Ce droit à la souveraineté alimentaire sous‐tend un principe fondamental de Slow Food : celui de produire localement ‐ consommer localement. » (SLOW FOOD, cité par LAMBERT, 2007) Il s’agit donc d’une gastronomie qui replace le producteur (agriculteur, pêcheur, éleveur, artisan...) au cœur du processus, qui se veut durable et par conséquent locale. “envisions a futur food system that is based on the principles of high quality and taste, environmental sustainability and justice. (…) In essence, a food system that is good, clean, and fair” (SIMS, 2009, 323) Comment en sommes nous arrivés là ? Pour mieux saisir les enjeux sous‐jacents à l’intrusion de la durabilité dans la gastronomie, analysons brièvement les principales caractéristiques du système alimentaire moderne ainsi que ses impacts. Devenu global, ce système implique tant le Nord que le Sud de la planète, mais dans le cadre de notre recherche 21 nous nous centrerons sur les pays européens. De même, si ce genre d’analyse aborde généralement les mutations survenues dans l’agriculture, nous nous focaliserons sur le secteur de la pêche, au niveau de ses logiques de production et de distribution. 2.3) Un système alimentaire moderne non durable ? Comme nous l’avons vu, le système alimentaire – 2ème dimension de l’espace social alimentaire ‐ est défini comme « l’ensemble des structures technologiques et sociales, de la production jusqu’à la préparation culinaire, en passant par la distribution et la commercialisation. » (POULAIN, 2002, 235) Ou encore selon Malassi, c’est « la manière dont les hommes s’organisent, dans l’espace et dans le temps, pour obtenir et consommer leur nourriture. (…) Les systèmes alimentaires concernent l’ensemble des activités qui concourent à la fonction alimentation dans une société donnée » (MALASSIS, 1996, 1). 2.3.1) Evolutions et caractéristiques du système alimentaire moderne Né il y a 500 millénaires avec l’invention du feu, ce système alimentaire est passé par différentes étapes dans l’histoire des sociétés humaines et des pays. Comme susmentionné, issu d’un interface milieu/culture, il est marqué par un développement cumulatif de techniques quant à la production, la distribution, la préparation et la consommation alimentaire. Selon Malassi, ce système aurait connu 4 âges : l’âge pré‐agricole, l’âge agricole18, l’âge agro‐industriel et aujourd’hui, se dessine l’âge agro‐tertiaire19. (MALASSI, 1996, 2‐ 5) Au cours de ces évolutions, nous sommes passés d’un stade où l’alimentation était produite et consommée localement, variant selon les saisons, à un stade où l’agriculture, l’élevage puis la pêche vont être conçus comme des activités industrielles guidées par l’économie de marchés globalisés. (RATSOIN, 2005,1 ; ALLEMAND, 2004,6 ) L’autoproduction et les systèmes alimentaires locaux vont régresser au profit d’une production et d’une consommation alimentaire industrielle standardisée de masse et d’une chaîne alimentaire s’allongeant tant en distance qu’en nombre d’intermédiaires. Si la révolution industrielle touche le système alimentaire à la moitié du 19ème Siècle, c’est surtout après la seconde guerre mondiale, dans un contexte de démographie grandissante et de reconstruction (plan Marshall), que de profondes mutations vont être engagées et s’accélérer. (ROUSSEAU, 27.03.2010). C’est le début de l’ère du paradigme productiviste ou fordiste, 18 il y a 10 000 ou 5000 ans selon les régions du monde : passage du stade de prédateur (cueilleur‐ chasseur‐pêcheur) à l’agriculture. 19 Stade où selon Malassi, “les aliments tendent à devenir – du point de vue de leur contenu économique – non plus des biens matériels mais des services.” (MALASSI, 1996, 5) 22 renforcé par la logique capitaliste, où “consommation“, "croissance”, “quantité” et “profit” vont devenir les maîtres mots. Cette étape est également marquée par le développement des grandes surfaces de distribution et l’intensification des échanges commerciaux et financiers internationaux et transnationaux accélérant le processus de mondialisation20. Outre les progrès techniques, cette économie de marché globalisée est favorisée entre autres, par les politiques de privatisation, de déréglementation, et de libéralisation des marchés qui ne tardèrent pas à se mettre en place dans les années 70’ dans le sillage de l’idéologie néolibérale promue par les gouvernements nationaux des grandes puissances du Nord (G8,…) et les institutions internationales (BM, FMI, OMC…). Ceux‐ci tentant en effet, d’imposer leur modèle de “développement” « (sur)productiviste et capitaliste » basé sur « la culture idéologique de la consommation » au Nord21 comme au Sud22 de la planète. (HIGGINS‐ DESBIOLLES, 2009, 119 ; TOUSSAINT, 2004 ; RATSOIN, 2006a,1‐12 ; 2006b, 33 ; 2008, 61‐68) 2.3.2) Bilan et conséquences Si ce système alimentaire moderne qualifié par Ratsoin “d’intensif, spécialisé, concentré, financiarisé et en voie de globalisation” (RASTSOIN, 2006a,2) peut être considéré positivement à différents égards (augmentation des rendements, autosuffisance alimentaire globale, baisse très forte du prix des aliments, hyperchoix alimentaire…), il montre aujourd’hui ses limites23 et est criblé de paradoxes24. Analysé sous l’ange de la durabilité, il a engendré toute une série d’externalités négatives25 sur l’environnement, mais aussi d’importantes conséquences socio‐économiques qui peuvent s’analyser au niveau local comme global, ces deux niveaux étant devenus complètement interdépendants. Ainsi, en moyenne, en Belgique, « 1/3 de l’empreinte écologique d’un ménage est lié à son alimentation et 10% de sa consommation énergétique est liés aux activités alimentaires. » (CRIOC, 27.03.2010). 21 Via entre autres des subsides massifs (subventions à la production, aux exportations accordés au secteur agro‐industriel dans le cadre de la PAC ou à la pêche industrielle dans le cadre de la PCP. 22 Via notamment les plans d’ajustements structurels (PAS) imposés aux pays du Tiers‐Monde endettés. (csq : monocultures d’exportations, l’ouverture de leurs marchés à toutes sortes de produits alimentaires surproduits et largement subventionnés par les pays du Nord (ex : le poulet congelé) qui vendus moins chers, viennent directement concurrencer les producteurs locaux ne disposant pas des mêmes subsides, des même technologies (niveau de productivité), … (= dumping) (TOUSSAINT, 2004) 23 Aujourd’hui les rendements n’augmentent plus. Et depuis 2007, les cours des denrées alimentaires ont fortement progressés. (en cause : la concurrence des agro‐carburants (largement subventionnée) et la spéculation croissante sur les produits agricoles (MILLET & TOUSSAINT, 24.08.2008) Et quant à l’hyperchoix alimentaire, si les supermarchés proposent en moyenne 15 000 produits tandis qu’en 1960, une épicerie n’en proposait que 2000, cet hyperchoix alimentaire n’est qu’une apparence. « sur un potentiel de 30 000 végétaux comestibles les scientifiques estiment qu’à peine 120 sont largement cultivés et 9 seulement assurent 75% des besoins de la populations mondiale, dont 3 (blé, riz, maîs) représent 60%. » (RAOULT‐WALK, 2001) 24 Pour ne citer qu’un exemple : Si les famines d’origines alimentaires sont aujourd’hui éradiquées (les famines contemporaines sont d’origines politiques, militaires ou résultent de catastrophes naturelles) et qu’il est techniquement possible de nourrir tout les habitants de la planète, 1,02 milliard de personnes sont touchées par la faim dont la plupart sont des paysans, pêcheurs et ouvriers agricoles des pays du sud, tandis que dans les sociétés occidentales, l’abondance alimentaire est devenue une des principales cause de mortalité (BRIAND, 2005) 25 càd “des nuisances ou des dysfonctionnements dont il n’assume pas actuellement les coûts .Ces externalités négatives n’entrent pas dans les mesures de productivité et de croissance économique et pèsent encore peu dans les décisions stratégiques des acteurs dominants” (GADREY, 2008, 49) 23 Analysons globalement ces impacts, au travers de l’exemple de la pêche au niveau des logiques de production et ensuite au niveau des logiques de distribution. a) Des logiques de production non durables ? Comme susmentionné, le modèle de production alimentaire industrielle et son mot clef “productivité” a également été appliqué au secteur de la pêche dans les années 50’. Ainsi, comme vous pouvez le constatez en annexe page 12, alors que le monde prélevait 13 millions de tonnes de poissons en 1950, ses ponctions atteignent désormais chaque année 85 millions de tonnes. (FAO, 2009, cité par CHEVALIER, 2009, 25, FREIRE, 2002) Conformément à cette logique de “productivité”, le développement industriel de la pêche a été encouragé par la progressive libéralisation du marché et par des politiques, comme celles mises en place au niveau européen, à partir de 1983, dans le cadre de la Politique Commune de la Pêche (PCP). Plusieurs auteurs dénoncent aujourd’hui, la contribution de la PCP à “la promotion d’un modèle unique de pêche de type industriel déterritorialisée, opérant loin du port d’attache, principalement tourné vers la maximisation des quantités pêchées – la qualité se limitant à la fraîcheur – et donc vers la recherche de la plus grande productivité.” (CENTI et TEMPIER, 2001, cite par GUERIN, 2007,28). En effet, la PCP a non seulement subventionné l’augmentation de la capacité26 et de l’effort de pêche industrielle, mais également encouragé cette “la logique de quantité : “pêcher pour pêcher’”, en assurant un prix de retrait27 à tous les produits de la mer débarqués même s’il n’existe pas de débouché, de marché. (GUERIN, 2006, 13‐38) Comme le dit Guerin, le problème fondamental de la PCP est d’avoir considéré la pêche comme une activité productrice : “une production issue de l’exploitation de stocks mettant à disposition des quantités sur le marché”, alors qu’il s’agit d’une cueillette et les stocks sont des populations d’espèces marines, qui sont par essence limitées. (GUERIN, 2007, 14) Aujourd’hui, “Les bateaux de pêche industrielle représentent 1% du nombre total de bateaux, (…) mais capturent à peu près les deux tiers28 des prises déclarées dans le monde.” (VUARIN, 2002, 2) “Six décennies de pêche industrielle ont porté l’exploitation des océans et des mers à des niveaux insoutenables (…) L’on estime que la flotte mondiale des bateaux de pêche a une 26 Caractéristiques : volume, puissance, tonnage, techniques de plus en plus perfectionnés) Un système comparable aux prix de retrait existe au niveau de l’organisation commune des produits agricoles (FEOGA). 28 Ces bateaux de pêche industrielle capturent notamment les 30% des prises mondiales de poissons qui sont transformées en farines et en huile de poisson, principalement pour le bétail, les porcs, la volaille et aussi de plus en plus pour alimenter des 28 poissons en aquaculture . (VUARIN, 2002, 3) 29 Dans un contexte d’épuisement des ressources, la surcapacité des bateaux de pêche industrielle pousse les pays du Nord à exporter leur capacité de pêche dans les pays du Sud, en essayant d’obtenir des accords avec les pays pour pêcher dans leurs zones de pêche au niveau national. menaçants dès lors les revenus de subsistance des pêcheurs locaux qui ne possèdent pas le mêmes techniques de pêche. 30 « L’aquaculture consomme actuellement 40% de l’huile de poisson mondiale et un tiers de la farine de poisson mondiale. » (VUARIN, 2002,3) 27 24 capacité de 2,5 fois supérieure à ce que peut “produire” l’océan de manière durable”. (CHEVALIER, 2009, 25) Face à cette situation de la « tragédie des biens communs » (HARDIN, 1968) et dans un contexte de libre accès, différentes mesures ont été prises, tels, le système de quotas de pêche et le développement de l’aquaculture. Mais, selon Ben‐Yami, ces quotas de pêche (privatisation du droit de pêcher) étant transférables aboutissent, in fine, à une plus grande concentration du secteur au profit des grands opérateurs financièrement forts et au détriment. des petites entreprises de pêche individuelles et familiales.29 (BEN‐YAMI, 2003,42) De même, l’aquaculture industrielle dont la production ne cesse d’augmenter, est toujours loin d’être une alternative durable à la pêche, puisque pour un kilo de poisson d’aquaculture,30 il faut 6 kilos de poisson sauvage. (SARANO, 2003,1) On l’aura compris, la pêche telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui n’est pas durable, la crise est tant écologique, sociale qu’économique. (GUERIN, 2007, 10) Au niveau écologique, des techniques de pêche de plus en plus perfectionnées permettent aux navires de pêcher toujours plus, au‐delà de la capacité de régénération des écosystèmes (surpêche). Celles‐ci sont non sélectives, endommagent les fonds marins, perturbant les écosystèmes et occasionnant 30 millions de tonnes de poissons non ciblées qui sont rejetés à la mer blessés ou morts. (Ces captures « accidentelles » représentent chaque année 30% des captures mondiales). (JOACHIM, 2007a, 1) Cette surpêche ainsi que d’autres phénomènes : tels l’urbanisation côtière, le réchauffement climatique…(cf.annexe page 15) ont pour conséquence un épuisement des ressources et de la biodiversité halieutiques, dont le signe le plus explicite est la stagnation des prises depuis les années 1980. (CHEVALIER, 2009, 25) D’après la FAO, en 2004, 25% des ressources halieutiques étaient sous‐exploitées, 50%, pleinement exploitées, 15% surexploitées, et enfin 10% étaient épuisées. (FAO, 2004, 156) En 2006, une étude internationale31 réalisée par 15 spécialistes est arrivée à la conclusion d’une “disparition complète du stock de poissons, au niveau mondial, en 2048, si les pratiques de pêche continuent, en l’état”. En effet, l’océan n’est 31 Cette étude à entre autres établi que « 70 % des coraux qui permettent la protection des côtes, des zones de reproduction, sont en voie de disparition ; 50 % des mangroves (lieux importants de reproduction marine) des régions tropicales chaudes ont disparu ; Les fruits de mer qui ont pour fonction de filtrer l’eau de mer, se trouvent dans un processus de diminution ; 7 % des espèces marines ont disparu depuis 1950 (certaines baleines, espadons, tortues, requins, raies n’existent plus..) ; 29 % des six cents groupes d’espèces pêchées sont en voie de disparition, soit 10% des stocks encore disponibles: thon rouge, morue, saumon, colin, églefin…; 53 % des espèces pêchées sont capturées à un niveau de 50 % de leur stock. »(WORM cité par JOIGNOT, 2007,29) Cet article se trouve en annexe page13. 25 pas un aquarium, mais un écosystème. “Dans les océans chaque espèce compte. Si l’une se dégrade, toutes sont affectées.” (WORM cité par JOIGNOT, 2007)32) Au niveau socio‐économique, en 1990, la FAO estimait à 50 milliards de $, le coût annuel de la surcapacité de la pêche mondiale. Sans oublier les nombreux subsides publics soutenant des activités devenues non rentables33. (GUERIN, 2006, 10). Au niveau de l’emploi, alors que le nombre d’engins de pêche a diminué, la capacité et la productivité (produire plus avec moins de main d’œuvre) de ceux‐ci ont fortement augmenté. Couplée à la baisse de « rendement » actuelle, cette situation a entraîné d’énormes pertes d’emplois directs et indirects dans le secteur de la pêche industrielle. Ainsi, globalement en Europe34,la population active directement dans la pêche a diminué de 21% (66 000 emplois) de 1990 et 1998 et entre 2003 et 2006, ce sont 28 000 autres pêcheurs européens qui auraient perdu leur travail. . (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,3) “En 2002/2003, le secteur de la pêche (européenne) employait un total d’approximativement 421 000 personnes, dont environ un tiers de femmes, employées essentiellement dans l’industrie de la transformation, et quelque 205 000 travailleurs (presque exclusivement) masculins à bord des navires. Sur ces 205 000 pêcheurs, quelque 95 000 travaillent à bord de navires côtiers, les 110 000 autres constituant les flottes hauturières. Mais le nombre de pêcheurs n’a cessé de baisser d’environ 45 % chaque année depuis lors – ne laissant que quelque 190 à 195 000 pêcheurs actifs dans l’UE‐25.” ( DG PÊCHE ET AFFAIRES MARITIMES, 2006,3) Comme nous le verrons dans la suite de ce mémoire, le secteur de la pêche artisanale particulièrement en Espagne 35, est le secteur et le pays qui souffre le plus des pertes d’emploi 36. (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,2) Abordons à présent brièvement les conséquences survenues au niveau des logiques de distribution. b) Des logiques de distribution non durables ? Comme susmentionné, le système alimentaire moderne est caractérisé par des logiques de distribution qui se sont fortement allongées tant en distance qu’en nombre d’intermédiaires. A un système alimentaire local où l’on consommait ce qui était produit 33 « En France, l’ensemble des concours publics, directs ou indirects, nationaux et communautaires, s’est élevé en 2004 à 808 millions d’euros pour un chiffre d’affaires à la première vente de 1,1 milliard € (TANGUY, 2006, cite par GUERIN, 2006, 10). Voir en annexe page 16, le deficit de la pêche mondiale 34 Dans le monde, “Plus de 38 millions de personnes sont directement engagées dans des activités de pêche ou d’aquaculture, soit 200 millions de personnes qui dépendent de ces activités en tenant compte des emplois induits” 35 En effet, selon l’UE, la population espagnole active directement et indirectement dans la pêche représente 21% de la population européenne active directement et indirectement dans la pêche. (UE, 2007) Voir en Annexe page 17_18, la diminution de l’emploi dans le secteur de la pêche espagnole. 36 Rien qu’entre 1984 et 2002, la population active dans la pêche, est passée de 102.156 à 55 700. (INE, cité par FREIRE, 2003) 26 localement et selon les saisons, s’est substitué dans nos pays occidentaux, un système alimentaire où les aliments ‐ voire même les composantes de ces aliments37 ‐ font des milliers de km avant de parvenir dans nos assiettes. A savoir, un système organisé globalement où l’on importe en permanence toute une série de denrées alimentaires : tant celles qui ne sont pas produites localement, que celles qui le sont et même celles qui sont exportées38. Cet allongement extraordinaire des chaînes alimentaires a des conséquences environnementales évidentes mais également socio‐économiques et culturelles. Au niveau environnemental, tout comme les modes de production, les logiques de distribution modernes sont caractérisées par une dépendance accrue au pétrole. Et selon les variables foodmiles (distance) et le mode de transport utilisé (bateau, train, camion, avion)39 génèrent des émissions de Co2 qui concourent fortement au réchauffement climatique. Rarement calculé, le coût économique de l’impact environmental du transport est très important. “Calculation indicate that reducing food sourcing to within 20km would lead to an environmental saving of £ 2.1 bn annually in the UK.” (HOLT & AMILIEN, 2007, 7) De plus, ce coût environnemental du transport n’étant pas internalisé dans le coût de revient et donc dans le prix des aliments, ces produits importés rentrent en compétition directe avec les productions alimentaires locales, qui sont bien souvent plus chères. Comme le mentionne, Amilien & Holt, le manque à gagner pour l’économie locale est énorme, « locally‐produced food generates almost twice as much income for local economy as the same amount spent in typical supermarket » (AMILIEN & HOLT, 2007,2) En effet, ce sont les intermédiaires et surtout les multinationales de la grande distribution qui sont les grandes gagnantes de l’allongement et de l’industrialisation des chaînes alimentaires. Outre, la pression qu’elles exercent sur les producteurs, ce sont elles qui concentrent la majorité des bénéfices40. Comme il apparait sur le tableau en annexe page 19‐ 37 En effet, selon C. ROUSSEAU, les produits alimentaires contemporains sont de plus en plus le résultat d’ « assemblages internationaux » Par exemple, en cumulant les distances parcourues par l’ensemble des composants nécessaires à sa fabrication et sa livraison, l’on a établi qu’un pot de yaourt « contenait » 8000 km de transport (foodmiles).(ROUSSEAU, 27.03.210) (cf.annexe p 19) 38 Par exemple : “En 1998, l’Angleterre a exporté 60 000 tonnes de poulet vers les Pays‐Bas.” même temps l’Angleterre a importé 30 000 tonnes de poulet des Pays‐Bas.” (CRIOC, 2006) Dans la rubrique des trajets inutiles, ajoutons encore, le cas des trajets aliments qui produits localement, font des trajets intermédiaires, avant de revenir sur leurs lieux de productions pour y être vendus. C’est le cas, par exemple de certaines crevettes pêchées à la mer du nord, qui sont décortiquées manuellement au Maroc (en raison de normes sociales et de coûts de main d’œuvre plus bas) et qui retournent en Belgique pour y être vendues. 39 Par exemple, “pour transporter 100 kg d'oranges d'Espag ne en Belgique (2000 km), les émissions de CO2 s'élèvent à 3 à 6 kg si le voyage se fait par bateau, 6 kg par train, 33 à 35 kg par voiture (6X plus), 42 à 286 kg par camion (48X plus), 114 à 316 kg par avion (53Xplus)” (ETHOPIA, 23.03.10). L’avion est donc le moyen de transport le plus énergivore. Et comme le mentionne P.OZER, dans un contexte où le kérozène n’est toujours pas taxé (son prix étant inférieur à un litre d’eau plate en bouteille), l’on enregistre une augmentation du transport commercial aérien de plus de 700% depuis 1960. (OZER, 2007) 40 « 80% of the retail cost of supermarket produce goes to wholesalers, jobbers, packers and transporters, leaving only 20% in the farmers’ pocket. (…) in the USA ‘the farm share retail prices range from approximately 7% in the case of cereals and baked goods to 46% for eggs. The average farm share is 18‐21% for fresh and processed fruits and vegetables » (HALL, MITCHELL & SHARPLES, 2003, 30) Dans le prix final du produit, la part des matières premières agricoles représente moins de 20%, 30% représentent la transformation industrielle et 50% le transport, marketing et publicité. (MALASSI, 1996, 2‐5) 27 20, les supermarchés détiennent au niveau mondial 60 à 80 % des parts de marchés, ne laissant que peu de place aux circuits de distribution alternatifs (vente à la ferme, épicerie…) (HALL & SHARPLES, 2008, 25). Notons, enfin, que ces circuits de grande distribution sont aujourd’hui aux mains de quelques multinationales qui, dans certains cas, contrôlent l’entièreté du système alimentaire de la production industrielle à la distribution. Au niveau de la pêche, c’est par exemple le cas, de la multinationale halieutique espagnole Pescanova.(NOEL, 2009,3) Enfin, du point de vue du consommateur, les logiques de distributions contemporaines ont entraîné une “distanciation” croissante entre le producteur et le mangeur. Selon C. Rousseau, cette distance est « déconscientisante » (ROUSSEAU, 27.03.2010). Le consommateur a perdu conscience du produit, de son origine, de son mode de production, de la façon de le préparer… Déconnecté de son univers bio‐ culturel, il ne sait plus ce qui est exotique, de saison, ce qui constitue sa culture gastronomique...., il est en perte de repères et d’identité. Couplé aux discours contradictoires sur l’alimentation et la médiatisation croissante des effets pervers du système alimentaire globalisé et industriel, le mangeur moderne serait selon Poulain et Fishler atteint de “gastro‐anomie”. « Tout se passe comme si “le mangeur moderne confronté à un univers de surabondance, et à des formes sociales dans lesquelles les valeurs de l’individu s’affirment de plus en plus, se trouvait projeté dans l’anomie ” (FISCHLER, 1979, cité par POULAIN, 1996, 138) En effet, “l’aliment est devenu un artefact mystérieux, un OCNI (Objet Comestible Non identifié) sans passé ni origine connue (…) or, “incorporer un aliment c’est sur le plan réel comme sur un plan imaginaire incorporer tout ou partie de ses propriétés: nous devenons ce que nous mangeons. De ce principe de la construction du mangeur par l’aliment se déduit la nécessité vitale d’identifier les aliments. Or si nous ne savons pas ce que nous mangeons, ne devient‐il pas difficile de savoir non seulement ce que nous allons devenir, mais aussi ce que nous sommes ? ” (FISCHLER, 1990, 72, cité par BERARD & MARECHNAY, 7) L’industrialisation et la globalisation du système alimentaire ne sont pas les seules causes de cette anomie. Des phénomènes socio‐économiques tels que l’urbanisation, le travail féminin, ainsi que l’individualisme… jouent également un rôle important dans la mutation qualitative des comportements alimentaires des occidentaux : déstructuration du repas traditionnel en famille, des rituels, forte réduction du temps consacré à la préparation et à la prise des repas… (POULAIN, 2002, 136‐138) 28 3) L’éco-gastronomie et la valorisation des producteurs locaux Comme susmentionné l’ “éco‐gastronomie : ” veut replacer les producteurs au cœur du processus gastronomique, valoriser leurs savoir‐faire et leur permettre de vivre dignement des fruits de leur travail. Analysons à présent, à travers le cas spécifique de la pêche artisanale, le rôle essentiel de ces producteurs alimentaires locaux, qui, « marginalisés par le système alimentaire global, sont gestionnaires d’un patrimoine naturel commun (la mer) et détenteurs d’un patrimoine culturel susceptible de transmettre des valeurs et des connaissances qui seraient fortement bénéfiques à une société dominée par une rationalité économique et productiviste» (ALLUT, 2005, 1) Notons qu’en vue de notre étude de cas et en raison du peu d’études existant sur la pêche artisanale au niveau européen, les analyses qui suivent sont essentiellement basées sur des recherches réalisées par des scientifiques espagnols, ainsi que de notre propre observation de terrain et décrivent donc essentiellement, la problématique globale de la pêche artisanale en Espagne. 3.1) La problématique de la pêche artisanale Si la pêche industrielle est aujourd’hui en crise, tel est également le cas de la pêche artisanale. Mais contrairement à la première, la pêche artisanale n’a que très peu bénéficié des subventions publiques, que ce soit au niveau européen dans le cadre de la PCP (IFOP41), ou au niveau national.(ALLUT, 2005, 6, FREIRE, 2003, 7; GUERIN, 2007, 40) Si l’on serait tenté de comparer la situation des pêcheurs artisanaux, à celle des producteurs agro‐alimentaires locaux, force est de constater qu’au‐delà des nombreux défis similaires, la pêche artisanale reste un monde à part et ses ressources et ses acteurs sont confrontés à des logiques et des enjeux très particuliers. 3.1.1) Qu’est ce que la pêche artisanale ? Définir la pêche artisanale de façon univoque peut s’apparenter à un casse‐tête, tant il s’agit d’une pêche marquée par un enracinement culturel et par des savoirs et techniques qui se sont développés en fonction des écosystèmes particuliers où elle se déploie. Ce que l’on entend par pêche artisanale peut en effet correspondre à des réalités différentes selon les 41 « Au cours des 20 dernières années, l’IFOP (Instrument Financier d’Orientation de la Pêche) a essentiellement servi à réaliser un programme de modernisation de la flotte européenne selon une politique de « casse et construction » qui consomme plus de 50% du budget de la PCP ( …) la pêche artisanale n’a que très peu profité de ces fonds : 10%. » (LOSADA, 2000, 11) Voir en annexes tableau des subsides européens et espagnols à la pêche (p 21) 29 régions. Toujours est‐il, qu’il s’agit le plus souvent d’une petite pêche côtière ou estuarienne qui, selon la Commission Européenne, se déploie à maximum 12 milles du littoral et ne comprend que des bateaux de maximum 12 mètres de long, mais dont peuvent également faire partie, comme c’est le cas en Galice, des pêcheurs à pied (avec ou sans embarcation) qui récoltent des coquillages. (LOURO, 03.07.2009) Souvent définie par rapport à la pêche industrielle, reprenons quelques caractéristiques qui, selon ALLUT & FREIRE, opposent ces deux modèles : PECHE ARTISANALE zones de pêche ‐ Ecosystème côtier (12 milles) ‐ dimension géographique (territoriale) importante et nécessaire ‐ savoir écologique empirique et systémique de l’aire de pêche. “Entreprise” à caractère familial de 1 à 5 pêcheurs dont le propriétaire du bateau est le “patron”. Propriété des moyens de production ‘Production de marchandises’ Division du travail Système de rémunérat ion Technologie techniques et modalités de pêche PECHE INDUSTRIELLE ‐ haut niveau d’incertitude : oscillation des captures (quantité et prix à la criée) ‐ production pour un « marché » ‐ aucun contrôle sur les processus de commercialisation Seule marque de différence est celle existant entre les pêcheurs et le patron (propriétaire qui dirige le bateau) pas d’autres divisions du travail. Rémunération « à la part » (sans contrats). Les pêcheurs assument les risques de l’entreprise et sont rémunérés en fonction des bénéfices réalisés à la criée. faible niveau technologique (boussole, radio …) à moyen (GPS, Radar…) ‐ peut combiner jusqu’à cinq techniques (arts) de pêche différentes (en fonction du cycle annuel de la pêche) ‐ journée de pêche (entre 6h et 15h) ‐ zones de pêche loin du port (zones océaniques) ‐ dimension géographique plus ou moins ignorée ‐ décisions guidées par la technologie. Le propriétaire est une entreprise capitaliste qui ne participe pas à l’activité de pêche et ne connaît pas ses employés ‐ plus bas niveau d’incertitude (technologies) ‐ production pour un marché et pour les entreprises de transformations (qui peuvent appartenir à la même entreprise) ‐ grand contrôle des processus de commercialisation Grande division sociale du travail et hiérarchie sociale Combinaison entre salaire et pourcentage sur les captures. Salaire en fonction des tâches réalisées. haut niveau technologique ‐ Une seule technique pêche intensive (spécialisation) ‐ campagne de pêche qui peut durer de un à plusieurs mois Figure 2 Pêche artisanale vs pêche industrielle (libre adaptation de ALLUT & FREIRE, 2005, 17‐20, ALLUT, 2005, 2‐4, FREIRE, 2003) En annexe page 22‐25, vous retrouverez l’entièreté de ces tableau. 3.1.2) L’importance de la pêche artisanale : une pêche durable ? « Alors qu’une grande partie de société tend à voir le secteur de la pêche comme une unité relativement homogène (…) la pêche artisanale et la pêche industrielle sont deux modèles d’exploitations des ressources marines complètement différents, tant au niveau de leurs effets écologiques que de leurs bénéfices socio‐économiques. La pêche artisanale permet une exploitation plus rationnelle et équitable des ressources halieutiques, contribue au maintient de la biodiversité des écosystèmes marins et favorise la reproduction sociale des communautés locales qui en dépendent directement.” (ALLUT, 2005,1‐2) 30 En effet, l’importance de la pêche artisanale va au‐delà de sa contribution au PIB. Si, comparée à la productivité de la pêche industrielle, elle fait rentrer moins d’argent dans les caisses de l’Etat, elle profite directement à plus de personnes et contribue à la vitalité du tissu socio‐économique, l’animation et la structuration de nombreuses communautés et territoires côtiers ruraux en Europe et dans le monde. Ainsi en Espagne, la pêche artisanale ne représente qu’un tiers des captures et 30% de la capacité de pêche (TRB) mais 87% des bateaux (15 000 bateaux sur 17 200). Figure 3 Impacts écologiques et bénéfices socio‐économiques des pêcheries industrielles vs artisanales (FREIRE, 2003, 16) Selon A. Allut, la pêche artisanale est importante à plusieurs points de vue: ‐ Importance socioéconomique : la pêche artisanale crée proportionnellement plus de richesses et plus d’emplois que la pêche industrielle pour des coûts d’exploitation moindre et pour une meilleure valeur unitaire des espèces capturées. Chaque emploi direct dans la pêche artisanale génère 1 à 3 emplois dans les activités connexes. ‐ Importance écologique : son empreinte écologique est nettement moindre. Elle utilise des techniques de pêche sélectives (pas de rejets de poissons morts, blessés) et moins 31 préjudiciables pour les écosystèmes marins. ‐ Importance culturelle : tant au niveau des techniques de pêche, des traditions qu’au niveau des connaissances écologiques systémiques que possèdent les pêcheurs et qui se sont transmises sur le terrain de générations en générations42. (ALLUT, 2005, 2‐3) Malgré son importance multidimensionnelle la pêche artisanale est actuellement menacée. Certes, ce déclin n’est pas réellement un fait nouveau et peut être à certains points de vue analysé parallèlement à l’essor de la pêche industrielle, encouragée par les subsides institutionnels et la création des Z.E.E.43 Mais aujourd’hui, dans un contexte où l’épuisement des ressources halieutiques est devenu patent, cette problématique et le conflit qui oppose ces deux modèles de production ont pris des proportions sans précédents, tant dans la mer (les bateaux de pêche industrielle empiétant de plus en plus sur la zone des 12 milles réservée à la pêche artisanale, rachats de quotas,…), que sur le marché des produits de la mer, où entre importations à bas prix et produits halieutiques industriels de masse, les captures issues de la pêche artisanale peinent à se valoriser à leur juste valeur. En effet, la crise n’est pas qu’écologique, elle est également socioéconomique, territoriale et identitaire. 3.2) La perspective des acteurs : les pêcheurs artisans Analysons la problématique actuelle de la pêche artisanale, au travers de ses acteurs principaux, les pêcheurs artisans. Souvent stigmatisés et marginalisés, leur rôle est pourtant crucial, car ce sont eux qui prennent tous les risques et mettent le système pêche en contact avec l’environnement. (GUERIN, 2007 ; DANS & FREIRE, 2002, 3) 3.2.1) Une population active en baisse, âgée et peu valorisée En Espagne, de 1997 à 2007, la population active dans la pêche artisanale a diminué de 33,83%. Et tout porte à croire que cette situation s’accélérera encore dans le futur car, la moyenne d’âge des actifs de la pêche artisanale est très élevée : 84% ont entre 25 et 54 ans et 10% plus de 55 ans44. (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,3‐4) Cette quasi absence de relève générationnelle au sein de la communauté locale s’explique par les conditions de travail difficiles, la faible reconnaissance sociale et économique du métier de pêcheur artisan, mais 42 « En la pesca artesanal, el aprendizaje es el resultado del proceso de enculturación (identidad) y socialización (comunidades de práctica ) en el que intervienen los saberes acumulados en el contexto familiar y la experimentación temprana” (ALLUT, 2005,3) 43 Zone Economique Exclusive , espace maritime où des Etats ont des droits de souveraineté économique. 44 Ajoutons encore que le niveau de formation des pêcheurs artisans est en moyenne très faible, les plus âgés n’ayant bien souvent qu’un diplôme d’école primaire. (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,3‐4) 32 également des femmes, qui jouent un rôle méconnu mais également fondamental dans ce secteur. Récemment, l’on a évalué qu’en Europe, ces femmes45 qui travaillent comme pêcheuses à pied, ramendeuses, dans la transformation, la commercialisation halieutique,… représentaient plus de 35% des emplois du secteur de la pêche. (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,4) Pour la plupart mécontents46 de leur situation actuelle, les pêcheurs artisans sont très pessimistes quant à leur futur. A un point tel, qu’espérant un meilleur avenir pour leurs enfants, beaucoup ne les encouragent plus à suivre leurs traces dans ce secteur et préfèrent les voir émigrer dans les centres urbains pour trouver un emploi plus rémunérateur dans le secteur secondaire au tertiaire. (LOURO, 31.06.09) Cette situation occasionne une désertification et une déstructuration des zones côtières rurales, mais également une perte d’identité territoriale et la non transmission d’un patrimoine culturel dont on a vu combien il pouvait être bénéfique à notre société dominée par une rationalité économique et des modes de production et de distribution non durables. 3.2.2) Le maillon faible de la filière commerciale halieutique La précarité économique des pêcheurs artisans s’explique par leur situation de maillon faible au sein de la filière commerciale haliéutique artisanale, caractérisée par une logique bien spécifique. En effet, contrairement à la pêche industrielle, la pêche artisanale est déconnectée du marché et les pêcheurs artisans ne maîtrisent rien des processus de commercialisation et de distribution. Manquant de représentativité au niveau des organes de décisions politiques, contrairement aux grandes entreprises de pêche, ils n’ont que peu de moyens de pression pour faire changer le système en leur faveur. (ALLUT & FREIRE, 2002, 3‐4) Les pêcheurs artisans ne sont donc pas salariés, mais sont payés en fonction du “système à la part”. Autrement dit, ils reçoivent un pourcentage47 des bénéfices de la vente quotidienne de la capture de pêche réalisée à la criée de leur confrérie. En effet, chaque pêcheur artisan 45 Sans oublier toutes ces femmes « épouses collaboratrices » qui non rémunérées apportent un soutien considérable à l’entreprise de pêche familiale. 46 En 2003, une étude réalisé par le Ministère du travail espagnol qui cherchait à mesurer le niveau de satisfaction des différentes occupation professionelles, révela que les pêcheurs étaient ceux qui présentaient le moins bon niveau de satisfaction par rapport à leur emploi : 5 / 10 et les femmes actives dans la pêche valorisait leur travail à hauteur de 3/10. (MONTERO LLERANDI & MORENO JIMENEZ, 2007,5) 47 Ce pourcentage est calculé comme suit : Bénéfices réalisés à la criée – les frais de fonctionnement (pétrole, entretien du bateau, part allouée au propriétaire, cotisation allant à la confrérie (+‐ 3% des bénéfices de la vente…) / le nombre de pêcheurs (1 à 5 en moyenne). Notons que le propriétaire du bateau : le patron reçoit un pourcentage plus élevé que les autres pêcheurs. 33 appartient à une confrérie48, à laquelle il est, en principe, obligé de vendre sa capture de pêche. Comparable au système de vente aux enchères, la vente à la criée est un système ancien, qui a été créé dans le but de faciliter la concentration de l’offre des produits de la mer « frais » et leur distribution rapide sur le marché. Ce circuit de commercialisation halieutique reste à ce jour le seul possible pour les pêcheurs artisans (légalement du moins). Or, ce système marginalise complètement les pêcheurs et ajoute à l’incertitude quotidienne de la quantité de poissons pêchés, celle de leur valeur économique. D’un jour à l’autre, d’une criée à l’autre, les prix des ressources halieutiques (au kg) peuvent en effet, fortement osciller. Censé refléter les critères de l’offre (quantité et qualité) et de la demande, ce système de « première vente » à la criée aboutit selon Allut et Freire, à des « transactions économiques opaques et spéculatives » de la part des intermédiaires. (ALLUT & FREIRE, 2002, 11‐13 ) Figure 4 Filière de la pêche artisanale et ses nombreux intermédiaires (Schéma simplifié) Premier maillon de la filière de distribution des produits de la mer, les mareyeurs 49 ont un pouvoir immense sur les pêcheurs, puisque ils sont non seulement incontournables, mais ce sont eux qui, in fine, selon le principe des enchères, décident du prix d’achat des poissons et fruits de mer. Egalement mis de plus en plus sous pression par leurs clients, en raison 48 Les confréries sont des corporations de droits publics, disposant en principe d’un pouvoir de décision concernant la gestion de la pêcherie locale. Elles représentent les intérêts sociaux, économiques et corporatifs des pêcheurs artisans locaux. (ALLUT & FREIRE, 2002,5) 49 Les mareyeurs sont des intermédiaires spécialement habilités à acheter en gros les poissons et fruits de mer à la criée. Ceux‐ci les revendront ensuite aux supermarchés, à d’autres criées plus grandes, aux poissonniers… 34 notamment de la concurrence accrue des produits de la mer importés et/ou industriels, les mareyeurs cherchent à s’assurer des marges bénéficiaires confortables. Pour ce faire, ils influencent à la baisse les enchères des produits de la mer en faisant par exemples des accords internes et tacites entre eux. Cette situation est d’autant plus problématique dans le cas de petites criées locales périphériques, où le nombre parfois restreint de mareyeurs, limite la compétition et donc la hausse des prix. (ALLUT & FREIRE 2006,3) Ainsi, comme on le voit sur le schéma ci‐dessus, entre le pêcheur artisan et le consommateur, il peut y avoir entre 5 à 6 intermédiaires. Chacun d’entre eux prenant des marges commerciales plus ou moins importantes, entre le prix de vente à la criée et celui payé par le consommateur. Par exemple, en grande surface, selon les espèces, il peut y avoir une différence de 100 à 400%. (DANS & FREIRE, 2002, 3, LOURO, 29.06.2009) Et, si l’indice des prix à la consommation des produits halieutiques frais a augmenté, certaines espèces de poissons se vendent à la criée au même prix qu’il y a 20 ans. Et, dans un contexte d’épuisement des ressources halieutiques, d’augmentation du prix du pétrole (cf.annexe p 26), il n’est pas rare que les pêcheurs artisans soient obligés de vendre à perte. (ALLUT, 12.01.2009) Cette situation a pour effets pervers, d’entraîner auprès des pêcheurs artisanaux des comportements illégaux (vente de leurs captures dans des criées plus grandes, directement aux restaurants…) qui décapitalisent leur confrérie et des attitudes “productivistes” (compenser la perte de revenu par l’augmentation du volume des quantités pêchées (surpêche), non respect des tailles minimales des poissons, des saisons de pêche,…) qui menacent la durabilité des écosystèmes marins dont ils tirent pourtant, leurs moyens de subsistance quotidiens. 4) Conclusions : Vers une diversification et une valorisation de la pêche artisanale locale ? Tout au long de ce chapitre, nous avons essayé de mettre en évidence, les enjeux sous‐jacents à l’intrusion des concepts de “développement durable” et de “patrimoine” dans la gastronomie et qui sont à la base de l’expression “patrimoine éco‐gastronomique”. Mais n’est ce pas une tautologie ? La patrimonialisation et le développement durable ne participent‐ils pas à une même logique de transmission et de solidarité avec les générations futures ? Mais également à un même désir de “préservation" d’un bien commun dont on s’est rendu compte qu’il était menacé de disparition à cause de notre modèle de développement basé sur une croissance et une productivité insoutenables ? 35 Comme nous l’avons vu au travers de l’exemple de la pêche tant industrielle qu’artisanale, nous sommes très loin d’une “éco‐gastronomie” et d’un système alimentaire contribuant au développement durable et valorisant dignement le travail et les savoir‐faire des producteurs locaux. Le développement induit n’est ni viable, ni vivable, ni équitable. Ce n’est pas seulement la capacité des générations futures à répondre à leurs besoins qui est compromise, c’est déjà celle des générations présentes. La crise est globale et la durabilité de la pêche et de manière générale du système alimentaire est une question d’actualité urgente, à laquelle il faut tenter de répondre aujourd’hui, avant que celui‐ci ne se fracasse sur les conséquences désastreuses qu’il a suscitées. Car, faut‐il le rappeler, le “pic de Hubbert”50 n’est pas bien loin, l’épuisement complet des ressources halieutiques et les 9 milliards de personnes à nourrir en 2050, non plus. S’il ne fait aucun doute que l’homme puisse encore augmenter la productivité de ses engins de pêche, comme le dit B.GUERIN, « à l’heure où la plupart des espèces marines sont surexploitées, il est urgent de s’interroger sur notre conception du progrès. » (GUERIN, 2007, 141) Un progrès qui, comme le défendent Jackson, Hall, Allut…(cf. p. 20‐21), dans nos pays « développés » ne se mesure plus en termes croissance économique et quantitative mais bien en termes de développement qualitatif et de modes de production et de consommation durables. En réalité, « l’épuisement des ressources halieutiques n’est pas une fatalité » (GUERIN, 2007, 19) et la difficulté de mise en place d’une pêche durable, comme plus globalement d’un système alimentaire voire d’une économie durable, « tient moins aux difficultés techniques qu’aux obstacles sociopolitiques qui s’opposent à toute réorientation rapide et massive de nos modes de production et de consommation. (…)Car, cela aurait de quoi heurter de puissants intérêts et remettre en cause bien des positions acquises. ” (DUVAL, 2009,5) S’il y a de quoi être pessimiste, force est de constater que tout ceci ne se passe pas, sans que personne ne mette en œuvre des solutions locales à une crise globale. En effet, des “racines” même de la globalisation et de la mondialisation alimentaire, on observe depuis quelques années une « relocalisation alimentaire ». Autrement dit, un intérêt renouvelé pour le local et des modes de production, de commercialisation et de distribution alimentaire durables et alternatifs. Et ce, tant de la part des acteurs de “filière du manger” (producteurs locaux, restaurateurs…) qui créent des réseaux et tentent de revaloriser leurs productions locales, que des consommateurs, qui, dans un contexte de « gastro‐anomie » et d’apparition 50 Le pic de Hubbert est le maximum historique de la production de pétrole. Il est estimé par les géologues entre 2010 et 2020. Une fois passé ce pic, il y aura un écart grandissant entre la production de pétrole et la demande. Ce qui engendrera une pénurie et une hausse des prix. 36 d’un « consumérisme éthique », exigent des garanties de qualité et “un rapprochement réel (vente directe de produits, circuit‐court…) ou imaginaire (label,…) avec le producteur et le lieu de production” (DE MYTTENAERE, 2009), que des mouvements citoyens, tels Slow Food, qui connaissent un succès grandissant. « One of the more significant responses to the rise of the retail dominance of supermarket chains and their global supply and distribution channels has been the rise of ethical consumerism. (…) another element of ethical consumerim is a strong stress on buying local as a mean not only of potentially reducing how far food has to travel (…) but also as a mean of showing support for local producers. (…)The growth of Slow Food movement (…) reflects broader social concern in many developed country not only about the quality of the food we are consuming, but also how rural regions and communities, agricultural practices and lifestyles and certain form of small‐scale retailing can continue to survive if not prosper. » (HALL, 2008, 25, 335) Au niveau de la pêche artisanale, ce mouvement de relocalisation se manifeste au travers de la volonté de ses acteurs de promouvoir, à l’instar de ce qui a pu être fait dans le milieu agricole rural à partir des années 90’ (via, entre autres les programmes européens Leader,…), une diversification socio‐économique du secteur ainsi qu’une valorisation patrimoniale, qualitative et territoriale (terroir, label…) des produits halieutiques locaux. Si, dans le secteur de la pêche artisanale, ce mouvement n’en est qu’à ses débuts et essentiellement, bottom‐up (issus des communautés locales), apparait au niveau politique, une prise de conscience récente de la richesse patrimoniale et sociale de la pêche artisanale et la nécessité de la gérer au niveau des éco‐systèmes locaux et d’encourager les pêcheurs artisans à devenir les gestionnaires de l’espace marin (GUERIN, 2007, 121‐176) Parmi ces stratégies de diversification socio‐économique et de valorisation des patrimoines éco‐gastronomiques, le tourisme, qui de surcroît se veut aujourd’hui également « durable », n’a‐t‐il pas un rôle primordial à jouer ? 37 Chapitre 2 : Patrimoines éco-gastronomiques et Tourisme durable Au cours de ce second chapitre nous allons nous intéresser aux relations qui unissent la gastronomie locale et le tourisme. Ces relations peuvent être analysées depuis une multitude de perspectives51, tant au niveau de la production que de la consommation touristique, dans le milieu urbain comme dans le milieu rural, dans les destinations touristiques confirmées cherchant à se diversifier, comme dans des destinations peu touristiques voulant attirer des visiteurs. Toutefois, dans le cadre de notre recherche, nous contextualiserons ces relations en soulignant tout d’abords l’importance de la gastronomie locale dans la consommation touristique contemporaine. En effet, si notre recherche n’a pas pour objet la demande, comme le dit P.Violier, il n’y a pas de développement local sans un contexte favorable et l’adhésion des touristes. (VIOLIER, 2008,87, 101) Ensuite, nous appréhenderons les patrimoines éco‐gastronomiques, sous l’angle spécifique de la valorisation et du développement local et touristique durable en milieu rural. 1) Des relations étroites et diversifiées La gastronomie et le tourisme se côtoient depuis toujours. En effet, « manger » est un besoin physiologique humain et quotidien qui ne s’évapore pas lors de la pratique touristique, bien au contraire. Toutefois cette relation indissociable a évolué au cours du temps, exprimant un sens et des enjeux nouveaux tant au niveau de la production que de la consommation touristique. L’objectif n’étant pas ici de faire un historique de la place accordée à la gastronomie locale dans la pratique touristique, notons simplement que si, rares sont les touristes qui aujourd’hui n’associent pas à leur voyage une dimension de découverte de la gastronomie locale, cet intérêt pour le “local” n’est pas né avec le tourisme. Pendant longtemps, les voyageurs ont ignoré le détail des habitudes alimentaires, des goûts régionaux et des savoir‐faire culinaires des contrées traversées (CSERGO, 2006 : 5‐9) De même, si nous voulons démontrer que le tourisme peut être vecteur de (re)localisation alimentaire, il a pendant longtemps été et est toujours parallèlement, une des forces de la globalisation et de la mondialisation alimentaire52. 51 Voir en annexe p28, le schéma des interactions directes et indirectes unissant le tourisme et la gastronomie ex: en créant une demande dans les destinations touristiques pour des « produits « internationaux », comme à la maison » importés (rassurance) et à l’inverse, en créant une demande « à la maison » pour les produits « exotiques » découverts en vacances. Les patrimoines gastronomiques ont toujours été soumis à des influences qui ne sont pas toutes de nature industrielle. Comme par exemple les migrations : “La cuisine, c’est la dernière chose à laquelle renonce les communautés immigrantes. Des traits culinaires persistent alors que la langue d’origine est oubliée. Les hommes marquent leur appartenance à une culture par l’affirmation de leur spécificité alimentaire.” (FUMEY, 2004) 52 38 1.1) Un ingrédient essentiel de la consommation touristique ? 1.1.1) Une composante essentielle de l’image de la destination Selon Amirou, “L’imaginaire touristique fonde la dynamique du voyage” (AMIROU, cité par SCHEFFER, 1.12.09) En effet, à chaque lieu, à chaque espace, correspondent des images, des récits et des représentations qui influencent les conduites des touristes. Si, comme nous allons le voir, la gastronomie n’est le facteur de déplacement principal que d’une minorité de touristes, elle participe grandement à cet imaginaire et à ce que Hall appelle, “the sensory awareness of place”. (HALL,2003,75) Preuve en est : spontanément, n’identifie‐t‐on pas souvent les destinations au travers de leurs dimensions gastronomiques ? La paella pour l’Espagne, la bière et le chocolat pour la Belgique, le hamburger pour les Etats‐Unis…. Notons qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître a priori, ces « gastro‐symboles » perçus comme « typiques et authentiques » des territoires ont bien souvent des racines exotiques53. Preuve que l’identité est une construction sociale évolutive et que la mondialisation de la gastronomie si elle s’est fortement accélérée ces dernières années sous l’effet notamment de l’industrialisation et la globalisation du système alimentaire, est un phénomène ancien qui n’a pas un effet aussi “homogénéisant” qu’on pourrait le redouter a priori54. A l’inverse, la mondialisation de l’alimentation créerait plutôt, plus de diversité et engendrerait “the (re)construction of difference in a “globalization of diversity” (HALL & MITCHELL, 2002, 80). Les offices de promotion touristiques participent amplement à cette « reconstruction de la différence55 ». Ayant saisi l’attractivité et l’originalité de la gastronomie locale dans l’imaginaire touristique, tous lui accordent, aujourd’hui, une place de choix dans leurs stratégies de promotion et de marketing de la destination, celle‐ci apparaissant de plus en plus comme un moyen de se distinguer sur le marché touristique mondialisé et de plus en plus compétitif. 53 En effet, que seraient le chocolat belge sans les fèves de cacao d’Afrique ? « Le poulpe à la galicienne » sans le paprika ? Le thé ème à la menthe marocain sans son introduction au 19 Siècle par les britanniques ? « Le hamburger sans l’influence des allemands de « Hambourg » ? » (GORDON, 31.11.2009) 54 Selon G.Fumay, la mondialisation dans le sens d’une homogénisation, uniformisation alimentaire, telle qu’on la redoute par exemple en Europe (car associée à l’américanisation) n’aurait pas de sens : “On repère bien quelques produits emblématiques issus d’une industrie agro‐alimentaire habile à distribuer des produits phares, mais (…) les sociétés ne changent pas aussi rapidement (…) elles intègrent des nouveaux produits en les pliant à leurs besoins construits à partir de consommations passées, elles‐mêmes fondées sur des diététiques et des religions, des outillages et des techniques, des disponibilités et des échanges, des désirs ou des rejets (…) (FUMAY, 2007, 72‐75) “ “While there is a globalization of the food market (…) major local and regional patterns in our eating remain and, in some circumstance are even growing.” (HALL & MITCHELL, 2002, 80‐81) 55 Notons que, comme l’ajoute K.Burnett, ces images promues, sont des constructions qui viennent bien souvent renforcer les représentations des touristes, lesquelles ne correspondent pas ou plus forcément à la réalité. Comme, c’est par exemple souvent le cas de la promotion touristique des produits locaux en espace rural qui se voient bien souvent enfermés dans des images passéistes, traditionnelles et authentiques. Celles‐ci sont des mises en scène issues d’une sélection, où l’on ne montre pas les 55 faces cachées des productions alimentaires qui constitueraient potentiellement “a visually polluting image”(URRY, 1995, 187) dans l’imaginaire touristique. (BURNETT,2000, 28‐31) 39 1.1.2) Un facteur déclencheur du déplacement variable “…Every tourist is a voyeuring gourmand…” (LACY & DOUGLASS, 2002, 8) Figure 5 La gastronomie comme facteur de déclenchement du voyage (HALL & SCHARPLES, 2003, 14) On le voit, alors que la gastronomie fait partie intégrante de l’expérience et de l’imaginaire touristique, elle n’est en tant que tel, le facteur déclencheur du déplacement que d’une minorité de touristes56. Cependant, comme nous allons le voir par la suite et comme le notait déjà Van Westering en 1999, “recent research and current market trends reveal the increasing significance of gastronomy to holiday choice and destination57.” (VAN WESTERING,1999, 1) De plus, comme l’ont démontré Kivela & Crotts, “dining is consistently one of the top three favorite tourist activities (…) gastronomy plays a major role in the way tourists experience the destination” (KIVELA & CROTTS, 2006, 360), en outre, celle‐ci influence fortement le comportement des touristes à leur arrivée et est un facteur important de retour à la destination. (KIVELA & CROTTS, 2006, 354‐377, BOYNE & al, 2002,111) Bref , « Wine and gastronomic tourism is now emerging as one of the most promising segments of the tourism sector. » (CORGLINANO, 2002, 165) 56 Hall and Mitchell définissent “Food Tourism” comme suit : “visitation to primary and secondary food producers, food festivals, restaurants and specific locations for which food and tasting and/ or experiencing the attributes of a specialist food production region are the primary motivating factors for travel” (HALL & MITCHELL, 2001, 308) 57 Par exemple, aux Etats‐Unis, « 27 million travelers, or 17 percent of American leisure travelers, engaged in culinary or wine‐related activities between 2003 and 2006. (…) The Travel Industry Association projects tremendous growth for the culinary traveler market, as the share of U.S. leisure travelers interested in culinary travel in the near future (60 percent) is significantly larger than those currently engaged.” (GREEN & DOUGHERTY, 2009,2) 40 A titre d’exemple, selon ENTELECA RESEARCH (2000), les touristes (domestiques et internationaux) qui se rendent en Grande‐Bretagne peuvent être divisés en 5 groupes en fonction de leur intérêt pour la gastronomie locale.58 « 72% of people visiting the U.K. were interested in local food and beverages during their holiday, and they were satisfied with their experiences of tasting local food » (ENTELECA RESEARCH, 2000, KIM, EVES, SCARLES, 2009, 423) Figure 6 Food Tourism Market (ENTELECA RESEARCH, 2000, cité par HALL & SCHARPLES, 2003, 138) 1.1.3) Une part importante du temps et des dépenses touristiques La gastronomie est donc un bien imprescriptible. Qu’ils soient spécifiquement intéressés ou pas par le fait alimentaire, tous les touristes doivent se nourrir. Selon G.Richards, “décider quoi et où manger” est l’une des principales préoccupations du voyageur et une activité qui occupe une des plus grande partie de son temps en vacances. (RICHARDS, 2002, 24) Cette consommation alimentaire représente également une part importante du budget et peut donc potentiellement fortement contribuer au dynamisme de l’économie locale. Se basant sur une étude réalisée en 1996, Hall et Scharples ont estimé que celle‐ci représentait 28% des dépenses des “touristes traditionnels”. (HALL & SCHARPLES, 2003, 3) Notons que de fortes variations (entre 1/10 et 1/3 du budget) peuvent être observées selon les destinations59 et évidemment, selon les motivations et le budget des touristes60. A cette consommation alimentaire in situ, on peut également ajouter “les souvenirs gastronomiques” achetés en vacances. En effet, une recherche menée par EUROTEX, a montré que “84% of tourist in rural regions purchasing souvenirs had bought food or drink to take home.” (RICHARDS, 2002, 14) 58 Et comme vous pouvez le constater en annexe page 29, cette typologie de touristes a été reprise par Everett & Aitchison (2008) qui l’on corrélée avec la potentialité plus ou moins forte de ces touristes à contribuer à la durabilité de la région visitée. Par exemple à Bruxelles, en 2000, les dépenses moyennes des touristes pour se nourrir étaient de l’ordre de 36% (DECROLY & DE MYTTEANERE 2009, 7). 60 Ainsi aux Etats‐Unis, « Culinary tourists have a significant impact on regional economies and spend about $1,000 per trip”. (GREEN & DOUGHERTY, 2009,2) 59 41 1.2) Un contexte touristique favorable ? Selon J‐P Poulain, les ressorts du tourisme contemporain résident dans une décentration ethnologique, dans une rupture avec le quotidien : « l’exotisme, c’est le quotidien…de l’autre. (…) Deux formes d’exotisme émergent : un exotisme extérieur : un intérêt pour les autres cultures et un exotisme intérieur : pour la propre culture du touriste mais, à un stade de développement historique antérieur. » (POULAIN, 2002, 136) Comme nous l’avons vu au travers du concept d’espace social alimentaire, (cf.p.15) la gastronomie est un marqueur identitaire de l’espace et des sociétés, et donc, pour le touriste une « formidable » porte d’entrée pour accéder concrètement à la culture de la région visitée, pour rencontrer et se sentir « intégrer » au sein de la communauté locale.61 Et du même coup, par un jeu d’identification/distinction, la gastronomie de l’autre permet au touriste de prendre conscience des propres catégories de son espace social alimentaire. Mais cela peut être également le cas, dans le cadre d’un tourisme plus domestique où, dans un contexte de mythe du « naturel » et nostalgie du passé, la valorisation des patrimoines gastronomiques locaux participerait à une anamnèse contribuant à la redécouverte et à la réappropriation des identités culturelles. (POULAIN, 2002, 132‐139, BESSIERE, 2006, 17) 1.2.1 Une consommation qui va bien au-delà de la satisfaction des besoins physiques On le voit la consommation alimentaire lors de la pratique touristique va bien au‐delà de la simple satisfaction des besoins physiques. (HENDERSON, 2004, 69‐74) Comme l’a développé Pillsbury avec son concept de « soul food », l’alimentation dans nos sociétés occidentales contemporaines ne vient plus seulement nourrir le corps, mais aussi et surtout l’esprit. (PILLSBURY, cité par HJALAGER, 2002, 21). Comme nous le montre Brunori les significations associées à la consommation de produits locaux sont nombreuses. Figure 7 Significations associées aux produits locaux par les consommateurs (BRUNORI, 2007) : « en mangeant, le touriste incorpore le territoire (…) il est dans la même situation qu’un anthropologue, partant de l’aliment c’est toute l’organisation sociale du pays visité, qui peut être découverte. » (POULAIN, 2002, 132‐139) 61 42 Selon Kniazeva et Venkatesh, cet intérêt pour le “local”, serait symptomatique d’une consommation alimentaire “post‐moderne” accordant une grande valeur à la signification symbolique associée à l’alimentation. (KNIAZEVA & VENKATESH, 2007, 419) Force est cependant de souligner que, d’une part, cette relocalisation alimentaire n’est pas toujours possible62 et que d’autre part, même si certaines personnes se revendiquent aujourd’hui comme “locavores”63, l’homme reste en général, un “omnivore”. Autrement dit, même s’il est spécifiquement intéressé par la gastronomie locale, ce n’est pas pour cela que dans certaines circonstances, il ne mangera jamais de « body food » de type standardisé industriel fast‐food. En effet, « the pattern of contemporary food consumption are determined by the situation rather than by demographic or economic factors. » (PILLSBURY, cité par HJALAGER, 2002, 22). Parmi celles‐ci, la situation touristique actuelle, caractérisée par certains, également de “post‐moderne”, apparait comme un contexte particulièrement priviligié à la consommation de “soul food” et donc de produits locaux. (PILLSBURY, cité par HJALAGER, 2002, 22 ; KIVELA & CROTTS, 2006,354‐377) Les motivations sous‐jacentes à la consommation alimentaires de produits locaux par les touristes n’ont encore été que très peu étudiées ou alors de façon assez superficielle. (ex: FIELDS, 2002, 37‐50) En 2009, G. Kim, A.Eves et C. Scarles cherchant à comprendre l’“insight” profond de ces motivations, ont interviewé une vingtaine de touristes et ont confronté leurs dires avec les théories existants sur la question. Comme vous le verrez ci‐dessous, cette recherche a donné lieu à un modèle reprenant les facteurs (motivations, démographiques64 et physiques65), pouvant expliquer la consommation de produits alimentaires locaux par les touristes. Sans entrer dans les détails, notons simplement que ce modèle confirme ce que nous avons mentionné plus haut, à savoir : l’importance accordée par les touristes aux dimensions culturelles (identité locale, accroître son capital culturel, apprendre, créer …), sensorielles, de prestige (affirmer son identité, son statut à travers ses choix de consommation…), sanitaires (améliorer sa santé physique comme mentale), expérientielles (vivre une 62 La demande pour certains produits locaux de qualité est supérieure à l’offre, inexistence de réseaux alimentaires locaux, manque de temps voire d’argent… 63 « Les locavores, ce sont ces personnes qui respectent une discipline alimentaire nouvelle : s'alimenter de produits dont l'origine géographique est située à moins de 160 km de leur fourchette... (…) le terme de « locavore » a fait son entrée dans la version 2008 du New Oxford American Dictionary “ (ECOFOOD, 2010) 64 Au niveau des facteurs démographiques influençant la consommation de produits, KIM & AL., ont observé une différence en fonction du genre : hommes seraient plus enclins à consommer des produits locaux pour le goût, tandis que les femmes, plus pour des raisons de santé, par envie d’accroître leurs connaissances. L’âge et l’éducation sont également, selon ces chercheurs, des facteurs déterminants : les plus de 50 ans et ceux qui ont un haut degré d’éducation seraient les plus intéressés par la gastronomie locale (KIM & al, 2009, 429) 65 Les facteurs physiologiques font référence à la typologie de COHEN & AVIELI (2004) qui établissent le degré d’ouverture et de motivation du touriste à tester des produits alimentaires qu’il ne connaît pas. Les touristes qui ont une tendance néophobique n’aiment pas tester de nouveaux produits, goûts…à l’inverse des néophiliques. 43 expérience “authentique” différente du quotidien, être acteur… ), sociales (être ensemble, partager…) de la gastronomie locale dans la pratique touristique. Figure 8 Model of local food consumption at a holiday destination (KIM & al.,2009, 429) 1.2.2) Un archétype des nouvelles formes de consommation touristiques ? Concluons cette brève analyse de l’importance de la gastronomie locale dans la consommation touristique en reprenant les propos de EVERETT, SCARPATO, RICHARDS, KIVELA & CROTTS qui affirment que celle‐ci, serait symptomatique du passage des loisirs standardisés et de masse à des nouveaux impératifs de consommations, caractérisés entre autres par leur dimension concrète et multisensorielle. A ce titre, ces auteurs pensent que l’importance de la gastronomie locale dans la pratique touristique sera amenée à croître dans le futur, tant au niveau de la demande que de l’offre. « Food tourism seems to exemplify the much debated shift towards ‘new’ forms of tourism consumption, away from large scale Fordist modes in favour of a post‐Fordist tourism era, in which tourists embrace more specialised, more diverse tourism offers” (EVERETT, 2009, 160) Richards, quant à lui, met en perspective l’intérêt croissant porté à la gastronomie locale dans la pratique touristique, avec les évolutions que connait le tourisme culturel et notamment l’émergence du creative tourism. D’après cet auteur, on serait passé d’un intérêt pour la “haute culture” (heritage tourism) à la culture populaire (cultural tourism) à la culture quotidienne (creative tourism) et donc également a « shift from tangible to intangible tourism resources » (RICHARDS, 2007, 3‐4) « Gastronmy is a fertile breeding for creative tourism (…) Tourist are increasingly willing to learn and eager to increase their cultural capital by creating rather than just consuming ». (RICHARDS, 2002, 16) En effet, “dans leur quête de nouvelles formes de 44 consommation touristique plus indépendantes et plus ancrées localement, les touristes montrent une plus grande volonté à dépenser plus, pour des expériences “authentiques66” qui vont accroître leur capital culturel, plutôt que de dépenser moins dans des produits hautement standardisés, bon marché, avec une origine locale limitée.” ( KIVELA & CROTTS, 2006, 372) Selon Everett, Food Tourism serait un archétype des « postmodern consumptive activity and embodied experience » (EVERETT,2008, 337) dont la communauté académique a été particulièrement lente à reconnaître le potentiel théorique et conceptuel, notamment pour problématiser le centrisme oculaire du ‘tourist gaze67’ (URRY, 1990) qui a prévalu pendant longtemps dans les recherches touristiques68. Après avoir dressé un aperçu général du rôle de la gastronomie locale dans la consommation touristique actuelle et souligner l’importance du contexte touristique favorable à une relocalisation alimentaire, appréhendons à présent cette ressource touristique particulière, sous l’angle de la valorisation et du développement local et touristique durable. En effet, les relations qui unissent la gastronomie et le tourisme vont au delà des enjeux marketing et communicationnels. « In both tourism and gastronomy there is a simultaneous scale divergence between small‐scale, artisanal production and the growing scale of industrialized mass production. (HJALAGER & RICHARDS, 2002, 224) La “McDonaldization”, le productivisme et le consumérisme ne sont pas seulement des problématiques pour la gastronomie. “The growth of the package holiday industry has transferred the rationalization logic of the fast food industry to the realm of holidays” (RITZER & LIZA, cité par HJALAGER & RICHARDS, 2002, 224) Produit d’un même modèle de développement et d’un même contexte de mondialisation, la symétrie entre ces deux champs de recherche quant à leurs évolutions et problématiques contemporaines, se reflète également au travers de la notion de durabilité qui est devenue un enjeu tant gastronomique que touristique… 66 Notons que l’ « authenticité » n’est pas donnée mais est construite socialement: « authenticity is not located in the toured static objects of, cheese, beer, biscuits or smoked fish, but through individualized and emotive engagement » (EVERETT, 2008,352) 67 En effet, pendant longtemps le visuel a été considéré comme le médiateur sensitif le plus fiable et le plus judicieux entre l’homme et son environnement Mais, notons que Urry l’inventeur du concept « tourist gaze », dans la deuxième édition de son livre (2002) reconnaissait l’importance des autres sens que le visuel dans la pratique touristique. « tourism should involve various senseescapes, such as soundscapes, smellscapes, tastescapes, geography of touch, in addition to landscapes » (URRY, 2002, 146) 68 « Food tourism as a multidimensional vehicle that can highlight the richness and diversity characterizing the way tourism studies is evoloving into a more critical social science open to cultural interpretation. In particular, it can contribue to further understandings of the dimensions and complexity of postmodern forms of consumptive activity. (…) It (food tourism) provides a useful avenue in which to undergo a significant shift from tourism as a visual practice towards something which engages all the senses in a kind of sensuous geography, involving the literal and physical internalizing of a culture, as opposed to a non immersive gaze.» (EVERETT, 2008,341‐ 342) 45 2) Un levier de développement local et touristique durable ? 2.1) Le tourisme durable en bref Il n’y a pas de tourisme sans impact. Si la réflexion quant aux impacts locaux et globaux du tourisme n’est pas réellement neuve69, ce n’est qu’en 1995, lors de la conférence mondiale du tourisme durable de Lanzarote, que la transposition des principes du développement durable au tourisme, prend officiellement et concrètement forme donnant lieu à la rédaction de la “Charte du Tourisme Durable”70. Son premier article indique que « Le développement touristique doit reposer sur des critères de durabilité ; il doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales.” D I R E C T I O N P O L I T I Q U E P A R T I C I P A T I O N L O C A L E Maximiser la contribution du tourisme à la qualité de vie des populations Maximiser la contribution du tourisme à l’économie locale (+ répartition équitable) + durabilité culturelle: maintenir la capacité des communautés réceptrices à préserver ou adapter les éléments culturels qui fondent leur identité Minimiser les impacts du tourisme sur l’environnement de manière à ce que les générations futures puissent en profiter SATISFACTION ET SENSIBILISATION DES TOURISTES Figure 9 Schéma du tourisme durable (libre adaptation de (HALL, 2009) (DECROLY, 2009, 16) (OMT, 2005) Tout comme le développement durable, le tourisme durable (TD) a été conceptualisé comme le résultat d’un équilibre entre les trois piliers : environnemental, économique, socioculturel. Le TD n’est donc pas une nouvelle forme alternative de tourisme, mais est un objectif à atteindre, une logique globale devant s’appliquer à long terme à toutes formes de tourisme et ce, dans toutes les destinations. 69 Déjà dans les années 70’ et même avant, apparaît une prise de conscience des effets ambivalents du tourisme : problèmes liés à la massification des flux, problèmes culturels et postcoloniaux liés au tourisme dans le Tiers monde… Se développent alors des concepts tels que ‘tourisme communautaire’, ‘tourisme alternatif’… 70 Cette charte cosignée par l’UNESCO, l’OMT, le PNUE se trouve en annexe page 33. 46 Le tourisme au même titre que d’autres activités, doit contribuer au développement durable des communautés locales et requiert donc la participation de celles‐ci. (OMT, 2005) L’OMT a établi une liste de 12 objectifs71 autour desquels doit s’articuler tout programme de développement durable du tourisme. La plupart de ces objectifs sont interdépendants. Figure 10 Liens entre les 12 objectifs et les piliers du développement durable (OMT, 2005,15) Aujourd’hui, la durabilité est sans doute l’un des traits les plus caractéristiques des discours touristiques contemporains. Le TD est devenu une sous‐discipline du tourisme, possédant ses propres revues scientifiques, ses propres colloques… En dépit de tout cela, comme le déplore Hall, la communauté épistémique est restée peu effective72 et “ the tourism’s contribution to global environmental change have continued to increase (…) raise profound questions with 73 respect to the effectiveness of the sustainable tourism ‘paradigm” . (HALL, 2009b, 7) En effet, dans la lignée des réserves émises à l’égard du concept de développement durable abordées page 20‐21,(croissance économique, équilibre, capital naturel…), l’approche globale du tourisme durable est aujourd’hui également remise en question par différents auteurs (HALL, 2009 ; HIGGINGS DESBIOLLES, 2010 ; MOWFORTH & MUNT, 2009 …). 71 Ces objectifs sont détaillés en annexe page 34. « Lack of an effective epistemic community‐ a concept used to explain how policy makers are influenced by the providers of knowledge. An epistemic community refers to a network of knowledge‐based experts or professionals with an authoritative claim to knowledge and skill in a particular issue‐area and the domain of their expertise.” (HALL, 2009, 7) 73 73 “Growth in tourism on a global scale is greater than efficiency gains with respect to emissions or energy” (HALL, 2009b, 14). Selon Hall, le tourisme, est affecté de la tragédie des communs : rares sont les touristes qui veulent abuser délibérément des ressources sociales et environnementales de la destination, au contraire ils cherchent même de plus en plus à prendre des décisions environnementalement et socialement respectueuses. “Nevertheless, it is the totality of all the individual tourist consumption and production decisions that are causing economic, social and environmental change” (HALL, 2009,16).Voir en annexe page 35 « Tourism’s contribution to global environmental change ». 72 47 Si nous n’allons pas rentrer dans le débat74 du “ tourisme durable ‘durable’ ?”, soulignons la place importante mais négligée de la gastronomie dans le tourisme durable, et abordons une évolution récente qu’a connu le concept de durabilité touristique. 2.1.1) La gastronomie : une perspective manquante au tourisme durable ? Comme mentionné dans notre introduction générale, selon Scarpato, « Gastronomy add a missing perspective to the quest for sustainable tourism. » (SCARPATO, 2002,140) Ingrédient essentiel de l’expérience touristique, la gastronomie est étonnamment une perspective peu étudiée par les Sustainable Tourism Studies et peu mise en avant par les indicateurs de durabilité touristique75. Or, la gastronomie, comme nous avons pu le constater au cours du premier chapitre, à l’instar d’autres biens et services touristiques imprescriptibles (transport, hébergements,…) peut avoir des impacts locaux comme globaux76 plus ou moins forts, tant sur l’environnement, que d’ordre socio‐économique et culturel. C’est pourquoi, apparaît la nécessité de considérer la perspective gastronomique comme une notion intégrante du concept de tourisme durable. Comme le mentionnent Hjalager et Richards, en conclusion de leur livre Tourism and Gastronomy : « We need to create a sustainable relationship between tourism and gastronomy. (…) Gastronomy must be seen as part of a cycle linking the physical, cultural and gastronomic environments, in much the same way as environmental sustainability is dependent on the functioning of eco‐cycles. (…) There is a need for sustainable gastronomy as well as sustainable tourism. (…) gastronomic sustainability is to be considered alongside other facets of sustainable tourism, such as environmental, economic, cultural and political sustainability. » (HJALAGER & RICHARDS, 2002, 225‐226) 74 En effet, d’après Butler and Wall, “contemporary definitions of sustainability in tourism can be interpreted as meaning sustaining the tourism industry rather than protect the environment or cultures and societies”. (BUTLER AND WALL CITE PAR HIGGINGS DESBIOLLES, 2010, 117) Et selon Higgins Desbiolles , plutôt que de répondre directement aux impacts du tourisme, en imposant des limites, des restrictions, en promouvant un autre modèle de développement et de consommation, “what is actually achieving is the considerably easier task of answering the question : “how best can we cope with the criticism of tourism impact ?”(…) identifies and sets optimal uses of resources for tourism now being promoted as a ‘best practice model’ in sustainability. (…) In essence then, the solution has been conjuring up an intellectually appealing concept whith little practical application. One that satisfies the immediate short‐term whishes of some of the main protagonists in tourism’s impact debate, avoids sacrifices and enables behaviour in much the same way as before‐ but with the veneer of respectability and from a higher moral platform”.(HIGGINGS DESBIOLLES, 2010, 117) 75 A notre connaissance, le seul indicateur de durabilité touristique permettant d’évaluer l’impact environnemental de l’alimentation est celui de l’empreinte écologique. Comme vous pouvez l’observer en Annexe page 36. 76 Quelques auteurs ont par exemple démontrer que le tourisme pouvait dans certains cas, selon les destinations, amplifier la quantité de nourriture importée (concurrence avec les productions locales, pollution…) , contribuer à déstructurer les systèmes alimentaires locaux (conflit entre usage touristique ou « productif » des terres et des mers, abandon des productions locales pour des productions à destination des touristes, dépendance…) (TEFLER & WALL, 1996 ; BELISLE, 1984) ou à diluer les traditions alimentaires locales en s’adaptant aux « goûts » des touristes (folklorisation, McDonaldisation…) (COHEN & AVIELI, 2004 ; HALL, 2009c). 48 2.1.2) Une nouvelle approche de la durabilité touristique ? Alors que nous sommes très dépourvus au niveau des indicateurs, des outils, des modèles pour mesurer et promouvoir la durabilité gastronomique dans la pratique touristique, une nouvelle approche de la durabilité touristique développée par Hall, en 2009, nous semble particulièrement intéressant dans le cadre de notre recherche. En effet, selon Hall, il faut repenser la durabilité et passer du concept de tourisme durable à celui de steady‐state tourism. Pour être véritablement durable et réduire son empreinte environnementale, le tourisme doit faire partie, non pas d’une économie linéaire mais d’une économie circulaire (localisée) promouvant une consommation durable77. Adaptant l’approche steady‐state economy développée par Daly (cf.p 20‐21 ) au tourisme, le “steady‐ state tourism” est défini par Hall comme “a tourism system that encourages qualitative development but not aggregate quantitative growth that unsustainably reduces natural capital”. (HALL, 2009, 54) Comme vous pouvez le voir sur le schéma en annexe page 37, pour parvenir à ce développement qualitatif et à cette consommation durable, le steady state tourism se base sur deux approches complémentaires. L’une concerne la production (the efficiency approach et l’éco‐efficiency (réduire, réutiliser et recyler)), l’autre la consommation (the sufficiency approach et la “slow consommation”). (HALL, 2009, 36‐45). Bien que l’approche steady‐state tourism puisse concerner d’autres ressources que la gastronomie, l’auteur y fait explicitement référence. Ainsi mentionne‐t‐il l’importance de promouvoir des systèmes alimentaires locaux durables tant au niveau des logiques de production (environmental labelling, food miles,…) qu’au niveau des logiques de distribution (“relocalisation schemes, such as farmers markets and “local diet” that reinforce the potential economic and social and environmental benefits of purchasing, consuming and producing locally”…). (HALL, 2009, 36‐45). Si la gastronomie, bien imprescriptible, doit être considérée comme une perspective essentielle de la notion de tourisme durable, apparait également la possibilité de valoriser cette ressource spécifique comme produit touristique à part entière, vecteur de développement local et touristique durable. Gardant en tête l’approche steady‐state tourism, approfondissons les interactions qui en termes “productifs” peuvent unir ces deux secteurs qui, partagent des enjeux similaires mais, “seem also to have found each other as a potential solution”. (HJALAGER & RICHARDS, 2002, 224) 77 La consommation durable est définie comme une consommation de biens et services qui répond aux besoins essentiels et à la qualité de vie des générations présentes sans compromettre ceux des générations futures (OCDE, 2002, cité par HALL, 2009, 36) 49 2.2) Une « rétroalimentation » entre deux secteurs Avant d’aborder notre étude de cas, terminons cette partie théorique en essayant de démontrer à partir de la littérature existante, comment la valorisation touristique des patrimoines éco‐gastronomiques en milieu rural peut engendrer une « rétroalimentation » entre d’une part, les producteurs locaux, qui, comme nous l’avons conclu à la fin du premier chapitre, cherchent à se diversifier socio économiquement, à protéger et à valoriser leurs patrimoines éco‐gastronomiques en dehors de la filière commerciale habituelle, et d’autre part, le tourisme contemporain qui accorde une place de choix à la gastronomie locale et qui tente aujourd’hui de contribuer au développement local durable des communautés hôtes. Le tourisme est à la fois une activité basique (càd : qui procure à un lieu des revenus en provenance d’autres lieux) et une activité motrice (càd : qui induit des effets d’entraînement sur d’autres activités de biens ou de services nécessaires (agriculture, pêche, bâtiments,…) ou favorise la présence sur place d’autres activités. (VIOLIER, 2008,45‐46) En effet, comme le précise P. Voilier, le tourisme apparait pouvoir offrir de nouvelles perspectives à des activités traditionnelles en déclin, telles l’agriculture ou la pêche artisanale tant au niveau de la promotion de celles‐ci, qu’en étant un moteur de leur diversification. (VIOLIER, 2008,46) La diversification des activités des producteurs locaux se définit comme “une pratique d’activités complémentaires à la production, en lien avec le produit, le métier ou la structure d’exploitation, que les producteurs peuvent pratiquer pour apporter un revenu complémentaire, mais aussi pour valoriser le produit, le terroir ou leur métier » (BOUDE & LESUEUR, 2009, 7) Et reprenant les propos de Hall & Mitchell, « In the current global environment the relationship between food and tourism therfore represents a significant opportunity product development as well as a means to rural diversification. (…) Indeed, in these circumstances, outsider interest in local produce may serve to stimulate local awareness and interest, and may not only assist in diversification, and maintenance of plant and animal variety, but also encourage community pride and reinforcement of local identity and culture. Therefore, it’s apparent from the seeds of globalization strong local food identities and sustainable food systems have the potential to grow with tourism playing an important role. The relationship between food and tourism in productive terms therefore needs to be integrated into a strategy for local economic development that seeks maximize economic and social leverage between producers and the tourism industry. (HALL & MITCHELL, 2002,83) Avant d’identifier les composantes de cette stratégie de développement local durable par la valorisation touristique des patrimoines gastronomiques, commençons par définir ce concept. 50 2.2.1) Le développement local par le tourisme « Le développement local est un processus de diversification et d'enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies. Il sera donc le produit des efforts de sa population, il mettra en cause l'existence d'un projet de développement intégrant ses composantes économiques, sociales et culturelles, il fera d'un espace de contiguïté un espace de solidarité active ». (GREFFE, 1984, 146) Et à Pecqueur d’ajouter « Ni mode, ni modèle, le développement local est une dynamique qui met en évidence l'efficacité des relations non exclusivement marchandes entre les hommes pour valoriser les richesses dont ils disposent » (PECQUEUR, 2000, 16‐17) Selon P.Violier, la mise en tourisme repose plus sur les intentions d’un ou plusieurs acteurs par rapport à un lieu plus que sur l’évidence d’un gisement de ressources qu’il suffirait de découvrir. (VIOLIER, 2008,138) L’attractivité d’une destination n’est pas donnée mais engendrée. En effet, selon cet auteur un préalable à tout projet de développement local par le tourisme est l’ « existence d’un contexte local favorable : caractérisé par la conjonction d’une situation de crise repérable par un déclin de la population (solde migratoire négatif) et d’une population en toute ou partie convaincue que cet état est insupportable et/ou qui est disponible » (VOILIER, 2008,77) En effet, selon Bessière, l’existence d’une identité locale forte est un facteur clef de succès du développement local. (BESSIERE, 1998, 29) « Chaque projet de développement local est porté par un individu (leader œuvrant pour la collectivité) voire plusieurs. Et l’adhésion des institutions et d’autres acteurs se révèle vite nécessaire à la réussite du projet, ne serait‐ce qu’en raison des oppositions qu’il suscite nécessairement et du rapport de force à instituer. » (VIOLIER, 2008,138) Mais, selon P.Voilier, la réussite d’un projet de développement local reste définitivement à chercher auprès des touristes, car ce sont eux qui sont à l’origine de la production de la richesse et donc assurent la pérennité du projet. Ce sont eux « qui acceptent de payer pour mettre en œuvre leur projet et parce qu’ils considèrent que cette marchandisation de leur désir est une condition de sa mise en acte et de leur satisfaction. » (VIOLIER, 2008,165) La qualité, la nouveauté, la pertinence du projet par rapport au contexte local et aux intentions des touristes restent donc les premiers éléments de la réussite d’un projet de développement local par le tourisme78. (VIOLIER, 2008,165) 78 En annexe page 39, vous trouverez « la cibe du développement local » établie par P.Voilier pour analyser de façon prospective la faisabilité et l’intérêt d’un projet de développement local par le tourisme : les variables retenues étant 1) projet ( pertinence, nouveauté, positionnement), 2) acteurs (présence, compétences, intégration), 3) encadrement territorial (mobilisation, soutien, élu), 4) lieu (situation, site, fréquentation touristique) 5) société localisée (cohésion sociale, ouverture fermeture, base matérielle) (VOILIER, 2008, 176‐180) 51 2.2.2) Formes, niveaux et modalités de valorisation touristique durable des patrimoines éco-gastronomiques Comme nous le montre le modèle “Four orders in gastronomy tourism development” élaboré par Hjalager (2002), la valorisation touristique des patrimoines gastronomiques peut prendre une multitude de formes différentes (restaurant, mise en tourisme d’évènements, fêtes locales existantes, mise en tourisme des lieux de production, création de musées, d’événements gastronomiques spécifiques, cours de cuisine, évènements professionnels, programmes de recherches et développement…), reflétant une sophistication et une complexité croissante des stratégies de valorisation de la gastronomie et des structures de collaboration que celles‐ci impliquent. Main input ressource Expected Tourist Behaviour Principal strategies First Order Second Order Third Order Indigenous 79 development Food production resources Enjoy the food Horizontal 80 development Resources in the service sector Understand the food Vertical 81 development Entrepreneurial resources Experience the food Higher revenues through marketing Maintaining revenues through quality and reinvention of traditions Enforced co‐ operation between existing organizations Offering new products to tourists Collaborative Structure Unchanged Examples of initiatives to enhanced value added ‐ Culinary aspect in regional promotion ‐ Campaigns for particular products ‐ Regional food trademarks ‐ Marketing food fairs and food events ‐ Quality standards ‐ Certification and branding ‐ Reinventing and commodification of historical food traditions ‐ Creating new structures and services organizations, still localized ‐ Opening production plants and sites ‐ Route and trails ‐ Visitor centres and museum ‐ New events based on tourism ‐ Cooking classes and holidays Fourth Order Diagonal 82 development Knowledge Exchange knowledge about the food Selling know‐ how to professionals ‐ Creating new structures in a global context ‐ Research and development ‐ Media centres ‐ Demonstration projects Figure 11 Typology of value added in gastronomy tourism (HJALAGER, 2002,32) 79 “Building up of gastronomy tourism within the existing economic structures, collaborative netwoks and knowledge base”. (HJALAGER, 2002, 22) “ Adding steps in the production process and integrating suppliers backward and forwards, but only in the material part of the production chain”. (HJALAGER, 2002, 23) 81 “Developping and adding analogous services elements to the material provision of food. Creating new types of linkages and collaborations, integrating food in other economic activities”.(HJALAGER, 2002, 23) 82 « Enhancing the knowledge base of the gastronomy exoerience and creting ‘intelligent’ gastronomy clusters in the economy ». (HJALAGER, 2002, 23) 80 52 Selon Hjalager ce modèle décrit “a development logic of gastronomy tourism from the most single resource mobilization to the creation and utilization of sophisticated knowledge and innovation capabilities.” (HJALAGER, 2002, 32) Bien que le lien avec la durabilité ne soit pas explicitement présenté dans ce modèle, comme l’indique Hjalger “It assumed that if a region can travel along this development path, still higher value added can be earned, for the benefit of the local population.” (HJALAGER, 2002, 32 En annexe page 40, vous trouverez des explications détaillées de ces niveaux de valorisation touristique, qui serons par ailleurs ilustrés dans notre étude de cas. Relevons ici que ce modèle confirme de façon globale, l’importance du capital intangible comme composante essentielle des stratégies de valorisation de la gastronomie locale dans une perspective de développement local durable83. (HALL & al, 2003) a) les ressources intangibles En effet, comme mentionné dans notre introduction “problems of globalization for local food production and gastronomy present as much an opportunity as they do a threat.” (HALL & al., 2003, 32) L’intérêt touristique pour les produits alimentaires locaux témoigne en effet de l’importance du local au sein du global et de la dialectique qui unit ces deux phénomènes. Toutefois, comme le notent Hall et al., force est de constater que de plus en plus de destinations rurales mettent en place des stratégies similaires de valorisation touristique de leur patrimoines gastronomiques. Apparait dès lors, la nécessité d’identifier les facteurs clefs levier du développement local et permettant à ces destinations de se différencier dans l’économie compétitive du 21ème Siècle, qualifiée par ces auteurs de “intangible”. “The key to maximizing the benefits of food, wine and tourism in local regional development is through understanding the nature of the global intangible economy in wich we now operate.(…) In the intangible economy, capital is more freely available, transaction cost are lower, and geographic barriers are dropping. These changes are causing intangible capital become more valuable. ”(HALL, MITCHELL & SCHARPLES, 2003, 32) Ainsi, selon les auteurs précités, les facteurs clefs de succès d’une stratégie de développement régional basée sur les relations entre la gastronomie locale et le tourisme résident dans le développement d’un capital intangible dont les ressources principales sont la propriété intellectuelle et les marques, les réseaux et le talent. « Those are the scare resources of the intangible economy which places therefore need to maximize if they are fully to leverage the relationship between food and tourism for the purpose of place competitiveness. » (HALL, & al., 2003, 57) 83 Voir en annexe page 41 « Components of local economic development strategies that seek to encourage food tourism » 53 • LA PROPRIETE INTELLECTUELLE ET LES LABELS (MARQUES)84 Cette première ressource intangible fait référence à l’importance tant pour les produits alimentaires locaux que pour le tourisme, de se différencier à partir de l’identité de leur région d’origine (leur terroir), en valorisant “these geographical knowledges – based in the cultural meaning of places and spaces – in order to differentiate them from the derived functionality and homogeneity of standardized products and places.” (COOK & CRANG, 1996, 132) Les bénéfices de la valorisation touristique sont bidirectionnels puisque comme nous l’avons vu page 38 et comme le note Relph “tourism is fundamentally about the difference of “place”. (…) Clearly physical elements (ex : produits locaux) combine to define it as a “place” (un terroir touristique85) and contribue to the attractiveness of a destination”. (RELPH, 1996, cité par HALL & al.,2003, 34) Et, réciproquement, le tourisme participe à la notoriété et la reconnaissance du “terroir” d’origine des produits locaux. (IBERY & KNEAFSEY, 2001) Notons qu’au niveau européen cette stratégie de valorisation des produits locaux de qualité86 est encouragée par la mise en place de labels européens tels les AOP87, IGP88. Ces labels donnant au produit un “nom géographique” (r)établissent un lien direct en la localité d’origine du produit, la respect de la tradition et la garantie de sa qualité89. (ILBERY, 2001, 28 ; GOMEZ MARTIN & ARMESTO LOPEZ, 2005, 96) Puissants outils marketing 90 , ces labels sont convoités voire disputés (BERARD & MARCHENAY, 2005). En effet, comme le conclut Corglinano, “Only those destination able to transform their high‐quality products and variegated local cuisine into a territorially, culturally and historically specific product can use wine and gastronomic tourism as an additional means of enhancing the distinctiveness of their region.” (CORIGLIANO, 2002, 177) 84 Notons que dans leurs livre, les auteurs présentent ces deux ressources séparément. Hall a développé à l’instar de l’axe de valorisation priviligé des produits locaux, la notion de terroir touristique qu’il définit comme « the unique combination of the physical, cultural and natural environnment give each region its distinctive touristic appeal.” ( Hall & Mitchell, 2002,69) 86 Ces produits locaux de qualités se définissent comme « des produits liés à un territoire de référence et qui d’un point de vue culturel respectent les traditions enracinées dans le temps au niveau de leur mode d’obtention ou d’élaboration. Ce qui leur confère des caractéristiques qualitatives propres qui les différencient des potentiels compétiteurs ». (GOMEZ MARTIN & ARMESTO LOPEZ, 2005, 96) 87 Appellation d’Origine Protégée est un label européen datant de 1992 qui se définit comme suit : « la dénomination d'un produit dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir‐faire reconnu et constaté.” (RIVAS, 2009) LʼAOC, Appellation d’Origine Controlée est la version française de l’AOP) 88 Indication géographique protégée est un label européen qui désigne “des produits agricoles et des denrées alimentaires dont les caractéristiques sont étroitement liés à une zone géographique, dans laquelle se déroulent au moins leur production, leur transformation ou leur élaboration”.(RIVAS, 2009) 89 Ajoutons que l’on assiste actuellement à une prolifération de labels alimentaires, tous ne mettant pas l’accent sur la localité d’origine du produit mais sur sa qualité (tels les labels STG (spécialité Traditionnelle Garantie ; Produit élaboré selon des méthodes traditionnelles ; label rouge : Certifie que le produit possède un ensemble de caractéristiques faisant en sorte qu’il offre un niveau de qualité gustative supérieur aux produits courants comparables ; ) ou sur son mode de production et/ou de distribution (Fair trade, biologique, MSC : Marine Stewardship Council : Atteste que les pêcheries dont ces produits proviennent utilisent des méthodes conformes à la pêche durable et stables économiquement et qu’elles offrent la possibilité à la population de poissons de se reconstituer …). 90 Notons que cette association territoire‐tradition qualité a été bien comprise par l’industrie alimentaire qui a elle‐même développé tout un vocable faisant référence à des territoires, des traditions (à l’ancienne,…). 85 54 • RESEAUX OU SYSTEMES ALIMENTAIRES LOCAUX Une autre ressource importante pour le développement de ce capital intangible est la création de réseaux91 et de clusters92. En effet, selon Hall et al., ceux‐ci fournissent le capital social pour la plupart du temps sous‐jacent au développement local et sont facteurs d’innovation et de promotion de la destination. (HALL & al.,2003, 37) Ils se concrétisent au travers de la création de relations de coopération et de complémentarité entre acteurs d’un même secteur (horizontales ) et/ou de secteurs différents (verticales). (HALL & al.,2003, 37‐40, LOTHIAN & SILER, 2000, 63‐80) Comme le remarquent Lothian et Siler, ces relations restent peu exploitées dans le tourisme, alors même qu’il s’agit pourtant d’un secteur basé sur un ensemble de services complémentaires, jouant chacun un rôle primordial dans la satisfaction globale du touriste. (LOTHIAN & SILER, 2000, 67) A l’opposé du système alimentaire global et industriel décrit au cours du premier chapitre, ces systèmes alimentaires locaux93 sont donc par définition localisés (cf.steady state tourism p 49) et tentent de rapprocher les producteurs et les consommateurs. Ces systèmes peuvent prendre différentes formes : I. Mise en place de circuits court (vente directe, à la ferme, visite de cave…) Ces relations directes permettent au consommateur “to experience where the produce is from and the people that grow or make it, thereby creating the potential for the development of long‐ term relationship marketing and better returns for the producer.” (HALL & al., 2003, 42) Figure 12 Relation directe entre le producteur et le consommateur (vente directe, à la ferme, visite de cave ...) Toutefois, ces actions individuelles ne constituent pas réellement des relations de co‐ opération et des réseaux promouvant la région de manière plus effective. (HALL & al., 2003, 4) 91 “Networking refers to a wide range of co‐operative behaviour between otherwise competing organizations and between organizations linked through economic and social relationships and transactions.” (HALL & al.,2003, 37) 92 Les clusters quant à eux se définissent comme « a concentration of companies and industries in a geographic region that are interconnected by the markets they serve and the products they produce, as well as by suppliers, trade associations and educational institutions with wich they interact » (PORTER, 1990) Clusters differ from other forms of co‐operation and the networks in that the actors involved in a cluster are linked in a value chain. (…) Clusters are often cross‐sectoral (…) made up of dissimilar and complementary firms specizlisins around a specific link or knowledfe base in the valu chain. (OECD, 1999, 12) 93 Les systèmes alimentaires locaux sont définis comme « deliberate formed systems that are characterized by a close Producer‐ consumer Relationship within a designated place or local area. Local food systems support long‐term connections ; meet economic, social, health and environmental needs, link producers and markets via locally focused infrastructure ; promote environmental health ; and provide compétitive advantage to local food businesses (…) the major advantage of localizing food systems, underlying all other advantages, is that this process reworks power and knowledge relationships in food supply systems that have become distorted by increasing distance (physical, social and metaphorical) between producers and consumers (…) and gives priority to local and environmental integrity before corporate profit‐making. » ( ANDERSON & COOK, 2000, 237) 55 II. Les relations de coopération entre les producteurs sont la base de la création d’un réseau. En outre, la mise en commun des ressources permet aux producteurs de mener des actions de promotion et de marketing conjointes et peut donner lieu à la création de nouveaux produits tels l’organisation de marchés94, de foires ou d’évènements spécifiques autour de la valorisation de la gastronomie locale, voire à la “résurrection” des fêtes gastronomiques traditionnelles tombées dans l’oubli… Figure 13 coopération entre producteurs pour créer un marché, une foire... et/ou entreprendre des campagnes de promotion conjointe. III. Une autre forme de relation de coopération et de complémentarité directe est celle qui peut s’établir entre les producteurs locaux et les restaurateurs. Ces relations peuvent avoir un important impact sur les productions locales : « as it can assist in developing quality produce and allow producers to gain a clearer understanding of how their produce is being used, as well as providing a guaranteed sales outlet for their produce.” (HALL& MITCHELL, 2002,203) Toutefois, de nombreux obstacles existent à ce type de partenariat (saisonnalité, quantité…)(GREEN & DOUGHERTY, 2009) Figure 14 Les producteurs locaux fournissent les restaurants locaux qui valorisent directement leurs productions. IV. Enfin, le modèle type de réseau idéal est celui qui permet “ a mutiple sets of producer and consumer relationships within a formal netwok structure wich provides for branding and promotion.” (HALL, 2003, 48) Autrement dit, il s’agit d’un réseau “formel” reprenant toutes les relations décrites ci‐dessus, auxquelles s’ajoutent des relations avec des acteurs externes à la 94 Comme l’indique Hall « Farmers’markets are one of the great successs stories of food tourism in recent years (…) In USA, by 1994 there were 1755 farmers’markets nationwide, by 2000 there were 2863. » (HALL, 2003,43) Comme vous pouvez le constater en annexe, p 43 et 44, les « farmers’markets » et « food and wine festivals » comportent de nombreux avantages, tant pour les producteurs, les consommateurs, l’environnement que pour les communautés locales. Mais comme l’indique Hall, dans son livre Food and wine festivals and events around the world (2008), les évènements de valorisation des produits locaux ne se limitent pas aux “farmers markets” et peuvent prendre une multitude de formes différentes (festival autour d’un ou plusieurs produits,…, fêtes traditionnelles,…). De manière générale, depuis les années 2000’, toutes ces différentes formes d’évènement ont connu une croissance spectaculaire et ce tant au niveau local, régional qu’international. (HALL, 2008, 5) 56 “filière du manger” tels les autorités locales, les acteurs locaux du tourisme… Ensemble, ces acteurs tentent de promouvoir collectivement la localité via la création d’une “marque alimentaire régionale”, d’outils de promotion conjoints (brochure, routes alimentaires,…) et la mise en place de différents structures et évènements collectifs ponctuels ou chroniques. Figure 15 Modèle type de réseau idéal : Ensemble de relations de coopérations et synergies entre différents acteurs locaux fournissant une base commune pour la promotion et le marketing de la localité. Notons qu’à l’instar de P. Violier pour le développement local, Hall identifie, “ the role of champions (leader) as well as involvement of the local state as especially important in the creation of food tourism network and associated new product development.” (HALL & al.,2003, 39) • LE TALENT En effet, toujours selon Hall & al., le “talent” (à savoir : un comportement entrepreneurial : connaissances, créativité, savoir‐faire…) est également une ressource essentielle pour le développement de ce capital intangible, facteur d’innovation et d’avantages compétitifs. En milieu rural, dans un contexte de désertification, ces ressources entrepreneuriales sont particulièrement vitales. « Therefore, education and training programmes are important for regional development in the food and tourism area, as is the conduct of research programmes. » (HALL & al., 2003, 56) L’implication et le soutien des autorités se révèlent donc être, à ce niveau également, bien souvent nécessaires (subsides gouvernementaux à la formation, recherches en partenariat avec des universités,…). 57 2.3. Conclusions Que conclure des différentes analyses développées au cours de ce chapitre ? Comme nous l’avons vu, la gastronomie, bien touristique imprescriptible est une perspective souvent négligée mais essentielle à la notion de tourisme durable. Une durabilité touristique transversale, qui, selon Hall (2009) dans ses relations à la gastronomie va au delà de la variable “food miles” (achat de produit locaux) en promouvant des modes de production et de consommation durables, contribuant à la conservation du capital naturel clef de voûte de l’équilibre entre les trois piliers du développement durable. En effet, à l’issue des cette partie théorique, nous pensons que le tourisme – favorisé par le contexte actuel ‐ peut potentiellement apporter un élément de réponses aux enjeux auxquels sont aujourd’hui confrontés les producteurs alimentaires locaux (durabilité, diversification socio‐économique, valorisation …) et les communautés rurales (désertification, transmission patrimoniale…) et être, à ce titre, le moteur de développement local et touristique durable. De fait, comme nous avons tenté de le démontrer théoriquement, apparait une convergence d’intérêts entre les acteurs de ces deux secteurs (tourisme et production alimentaire locale) qui, confrontés à des enjeux globaux et locaux similaires et spécifiques, semblent avoir trouvé l’un chez l’autre, une solution potentielle . En effet, les objectifs et les bénéfices de cette valorisation touristique sont bidirectionnels, pouvant être analysés au niveau environnemental, socio‐économique, culturel et ce, tant du point de vue des producteurs locaux qu’en termes territoriaux et touristiques. Au niveau des producteurs locaux, cette valorisation touristique est source de diversification socio‐économique, elle permet une relation rapprochée entre les producteurs et les “consommateurs” et donc une meilleure visibilité (marketing, promotion, exposition) et valorisation économique de leur produits alimentaires, mais également de leur travail, leurs savoirs et savoir‐faire, ainsi qu’une sensibilisation directe des touristes à des méthodes de production, de distribution et de consommation plus durables (équitables, contribuant à la conservation du capital naturel…) Au niveau territorial et touristique, cette valorisation touristique des patrimoines éco‐ gastronomiques peut être source de synergies renforcées ou nouvelles entre les acteurs locaux (réseaux, clusters…) facteurs d’innovation, de qualité (labels…) et de dynamisme socio‐économique intégré (recyclage des dépenses touristiques au sein de l’économie locale, pérennité des activités traditionnelles qui structurent le territoire, développement du capital 58 social, …). Mais également de durabilité environnementale (protection du capital naturel (paysages, éco‐systèmes, atmosphère..) et culturelle (revalorisation de l’identité locale et du sentiment d’appartenance). Cette valorisation peut également participer grandement à l’attractivité de la destination, à la satisfaction des touristes, à l’augmentation de leur dépenses (directement allouées à l’économie locale) ainsi qu’à la dessaisonalisation de la fréquentation touristique… Mais alors que ceci est vrai en théorie, en pratique tout n’est pas toujours aussi simple… Analysons à présent à partir de la grille de lecture élaborée au cours de cette partie théorique et contextuelle, le cas spécifique de la valorisation touristique du patrimoine halieutique en Galice. 59 1) Méthodologie et structure de l’étude de cas Au cours de cette seconde partie de notre mémoire nous allons donc tenter d’illustrer notre modèle d’analyse théorique à travers l’analyse d’un cas de valorisation touristique d’un patrimoine éco‐gastronomique spécifique : le patrimoine halieutique artisanal. En effet, comme annoncé dans notre introduction générale, notre étude de cas a pour objet Mardelira. Un projet de valorisation touristique du patrimoine halieutique local initié par la confrérie de pêcheurs artisans de Lira en Galice en partenariat avec Lonxanet (une société alternative de vente directe des produits de la mer), militants pour le maintient de la pêche artisanale et la promotion de la pêche durable et équitable. Il s’agit d’un projet multidimensionnel, mettant en œuvre différentes actions, formes et niveaux de valorisation du patrimoine halieutique local et qui se revendique explicitement comme un projet de développement local durable entre autres par le tourisme. Il s’agit d’une étude de cas littéralement exploratoire et dont la dimension comparative sera limitée puisqu’à notre connaissance, si beaucoup d’études de cas existent sur la valorisation touristique des patrimoine agro‐alimentaires, aucune recherche similaire n’a été publiée sur les produits de la mer et encore moins dans une perspective de durabilité gastronomique et touristique. Comme l’indique Finn, Eliott‐White & Walton, dans leur livre, Tourism & Leisure Research Methods, le but d’une étude de cas, “is to provide an analysis of the context and processes of whatever is being researched. The context is deliberately part of the design, and due to the complexity and number of variables involved, other research designs like the survey are not appropriate. The case study is not distinguishable from its contexte (…) the richness of the context means that the research cannot rely on a single data collection. (…) The use of a combination of methods will be used because of the complexity phenomena and to triangulate to improve the validity.” (FINN, ELLIOTT‐WHITE, WALTON, 2000,80‐81) En effet, si nous ne reviendrons pas sur le contexte général abordé dans la partie théorique, nous allons à présent spécifier le contexte dans lequel se déroule la valorisation touristique du patrimoine halieutique en Galice. Et, tenter de comprendre “pourquoi et comment le projet Mardelira peut‐il contribuer au développement local et touristique durable de la communauté de Lira”. Partant de la perspective des acteurs impliqués dans le projet Mardelira, il s’agira donc de tenter de saisir leurs rôles respectifs, les dynamiques internes au projet et à sa structuration, ainsi que ses impacts et les obstacles rencontrés. 60 Pour mener à bien notre recherche, ayant l’opportunité d’être sur le terrain, nous avons mobilisé deux dispositifs méthodologiques (qualitatifs) : l’observation directe et les entretiens (semi‐dirigés) selon le modèle de l’entretien compréhensif selon Kauffman. Le choix de ces outils s’explique tout d’abord en raison de leur faisabilité (inexistence de données quantitatives ou d’étude d’impacts du projet) et par le caractère exploratoire de notre recherche désirant saisir la logique du projet et les motivation des acteurs en leur laissant l’opportunité de s’exprimer librement, sans les enfermer dans des questions préconçues pouvant occulter des enjeux et des perspectives auxquelles nous n’aurions pas pensé. Dès lors si nous avions établi une liste de questions préalables, munie d’un dictaphone, c’est essentiellement au travers du dialogue que nous avons cherché à obtenir des réponses. Ces entretiens eurent lieu lors de la seconde partie de notre phase d’observation. En effet, pour des causes externes à notre recherche, et en raison de notre méconnaissance du tourisme Galicien et du monde de la pêche artisanale, notre phase d’observation fut longue et fractionnée dans le temps (décembre à janvier 2009/ fin juin‐juillet 2009) et suivit le chemin du général au particulier. Les premiers contacts que nous avons eu avec notre étude de cas prise au sens large de « tourisme et gastronomie en Galice » se déroulèrent tout d’abord dans le cadre d’un de nos cours suivi en Erasmus « Tourisme gastronomique et œnologique95 » et auprès des différentes informations récoltées (entretiens non directif) auprès des offices de tourisme régionaux et locaux de la province de la Corogne, qui nous permirent de mieux contextualiser et saisir la place de la gastronomie dans le tourisme galicien. Ensuite, un premier contact avec le projet de Mardelira (novembre 2008) se réalisa à La Corogne, lors d’un entretien avec Antonio Allut, professeur d’anthropologie à l’Université de la Corogne, que nous avons identifier comme « leader » du projet Mardelira et par ailleurs, co‐ fondateur de la société Lonxanet (avec Juan Freire, professeur de biologique marine à l’université de la Corogne). Cet entretien semi directif selon la méthode de l’entretien compréhensif de Kauffman, nous permit de nous familiariser avec le projet Mardelira en saisissant, à partir du discours même de son leader, les motivations et les enjeux originels au projet. Nous nous rendîmes ensuite, à deux reprises à Lira96 (janvier 2009 (1jour), Juin‐Juillet 2009 (4jours)) où suite à l’entremise de A.Allut, nous avons été accueillie avec enthousiasme par Emilio Louro, le secrétaire général de la confrérie de pêcheurs de Lira, directeur de Mardelira et membre du comité de direction de Lonxanet. 95 96 Cours donné par Carlos Alberto Rivas Iglesias de novembre à février 2009. Lira est située à 160 km au Sud de la Corogne (3‐4 heures en bus) ; 78 km de Saint‐Jacques de Compostelle. 61 Lors de notre première visite de terrain, nous avons gardé notre simple statut d’ « observatrice » (externe), en tentant de nous rendre compte par nous même, de l’importance concrète du projet au sein de la communauté de Lira. Force est de reconnaître, qu’après en avoir tellement entendu parler et au vu du retentissement médiatique du projet de Mardelira en Espagne et en Europe97, nous avons été quelque peu surprise lors de notre première visite (en janvier pendant la semaine) de constater que l’activité touristique du village était peu apparente voire quasiment inexistante. Situation qui, comme nous l’avons compris par la suite, s’explique par la forte saisonnalité du tourisme et la dépendance de celui‐ci vis‐à‐vis du facteur climatique. Toujours est‐il que cette première visite de terrain, nous permis d’aller au delà de nos présuppositions en nous rendant compte des dimensions concrètes du projet (localisation, équipements, acteurs, …) et d’établir un premier contact avec les pêcheurs de la communauté présents à la criée locale. Le second temps de notre étude de terrain se déroula donc entre le 25 Juin et le 7 juillet, où après avoir collecté et passer en revue la littérature scientifique existante sur la question, et reprécisé notre question de recherche, nous fûmes davantage en mesure de déterminer les variables (relatives à la durabilité gastronomique et touristique y compris les facteurs clefs de succès : patrimonialisation, participation et appropriation locale, soutient des autorités, présence d’un leader, réseau, coopération transversale et verticale, label (image, marque, « terroir », innovation, …) à mettre en exergue et à vérifier lors de notre étude de cas. Nous retournâmes donc à Lira où durant 4 jours nous avons entrepris des entretiens semi‐ directifs avec les divers acteurs (responsable de Confrérie98, pêcheurs99, mariscadoras100, restaurateurs, offices locaux du tourisme101, responsables de Lonxanet102, experts103…) impliqués dans le projet, ainsi que participé à différentes activités touristiques proposées (journée en mer avec les pêcheurs, visite du musée, de la criée, routes thématiques, dégustation de produits halieutiques locaux…). 97 En effet, le projet de Mardelira (y compris réserve naturelle et Lonxanet) a fait l’objet de plusieurs reportages écrits dans la presse nationale et internationale (spécialisée) mais également audio‐visuels diffusé sur la chaine nationale espagnole TVE, ou encore sur la BBC. Le projet est cité à titre d’exemple à suivre par des ONGs telles WWF ou Greenpeace. 98 Emilio Louro, secrétaire générale de la Confrérie des pêcheurs artisans de Lira, directeur du projet Mardelira, (1.07.2009 (conférence : conservation de la biodiversité, tourisme et développement local, organisé par le Ceida (Santa Cruz) 01.07.2009.et le 3.07.2009) Isabel Lago, coordinatrice touristique du projet Mardelira, (3.07.2009) Xan Camanoo, responsable logistique (3.07.2009) (Ces 3 personnes ont été interviewées ensemble durant un entretien qui dura 90 mn) 99 Andrès, Manuel, Boja, Fran(entretiens réalisé lors de notre Journée en mer avec ces pêcheurs et à la criée locale) (02.07.2009) 100 Josefa Fernandez (surnommée Pepita) (02.07.2009) lors de la visite de la coopérative des mariscadoras de Lira 101 Dolores Lago, responsable de l’office du tourisme de Carnota, (4.07.09) Maria Talbo, Turgalicia (Santiago de Compostella), TALBO, 26.02.09 ) Laura Méndez de l’association professionnelle du secteur touristique de la Costa da Morte (APTCM), à Corcubion(5.07.09), Marina Fernández Rodríguez à l’Office du Tourisme de la Corogne ( 12.01.09). 102 Antonio Allut (12 11.2008, 1.07.2009) et María Ángeles García Naveira (par telephone) (09.07.2009) 103 Rosa Chapela, responsable du département socio‐économique de la pêche au sein du CETAMAR (Fundación Centro Tecnológico del Mar) lors de la conférence conservation de la biodiversité, tourisme et développement local, organisé par le Ceida (Santa Cruz) 01.07.2009. 62 Au niveau des restaurants sélectionnés pour notre analyse, si une multitude de restaurants galiciens et espagnols participent indirectement au projet Mardelira via la société de vente directe Lonxanet, par souci de faisabilité et de cohérence maximum avec les principes de durabilité du système alimentaire abordés dans la partie théorique, notre choix s’est porté sur trois restaurants « locaux »104 situé à Lira105. Trois de ces restaurants proposent également des hébergements : Pensión Restaurante Cachiño106, Casa Dosil‐xouba107 et la Casa Pila108. Les deux derniers organisent également des attractions touristico‐gastronomiques spécifiques en partenariat avec la confrérie de pêcheurs de Lira. La présentation de notre étude de cas ira du global au particulier et sera divisée en deux parties. La première partie a pour but de présenter le contexte particulier de notre étude de cas, en illustrant et spécifiant les éléments développés au cours de notre partie théorique au cas de la Galice. Elle consistera donc en un bref aperçu de la Galice en soulignant deux de ses caractéristiques significatives pour notre recherche, le tourisme de façon général, puis dans ses relations avec la gastronomie et la problématique de la pêche artisanale en Galice. La seconde partie, abordera la projet de Mardelira, tout d’abord d’un point de vue descriptif et ensuite analytique et interprétatif. 104 En effet, le concept de « local » (restaurants locaux…) est une construction particulièrement problématique, car, il est non seulement difficile de déterminer la limite « durable » à la variable foodmiles, mais comme le souligne M. Hall & WILSON, cette variable n’est pas la seule à entrer en ligne de compte lorsque l’on parle de produits locaux. Le concept est de plus en plus associé aux différentes dimensions de « durabilité » prise ensemble ou séparément, en fonction du message à faire passer. « Local food is defined in terms of meeting criteria related to enhancing the health and welfare of people and animals, the environment, enriching society and promoting equity. This definition embrace a wide range of features that are tied into local food. (…) there have also been suggestions that the definition of local food should remain flexible, that it should no be made too narrow as it would lead to some operators being excluded and inhibit diversity.” (HALL & WILSON, 2009, 1) 105 Lira compte 15 établissement Horeca : restaurants, bar, taperia, cafetaria… 106 20 lits + capacité du restaurant : 130 personnes (CACHIÑO, 03.07.2009) 107 24 lits + capacité du restaurant : 70 personnes (D.DOSIL, 04.07.2009) 108 40 lits (auberge) et la capacité du restaurant est de 110 personnes (JOSE &PILAR, 03.07.2009) 63 2) Introduction à la Galice 2.1) La Galice en quelques mots, cartes et chiffres Un simple regard sur la carte de la péninsule Ibérique, nous montre combien la Galice est une région aux limites bien définies. Au nord et à l’ouest, l’océan Atlantique (1200 km de littoral entrecoupés de rias), à l’est, une chaine de montagnes (Os Ancares), au Sud, le fleuve le plus important d’Espagne par son débit (O Miño). La Communauté Autonome109 de Galice s’étale sur 29 574km2. Il s’agit d’une région espagnole contrastant fortement aux représentations de « sol, playa, paella et corrida», que l’on se fait spontanément de l’Espagne. En effet, celle‐ci est Figure 16 La Galice, une région périphérique d'Espagne et d'Europe. considérée comme une des régions les plus vertes et les plus sauvages d’Espagne. (PRECEDO LEDO, 1998, 2) Mais l’originalité de ce milieu ne se limite pas à ses caractéristiques climatiques, géographiques ou environnementales, elles sont également culturelles et socio‐économiques. Si son accessibilité s’est un peu améliorée ces dernières années (par voies routières et aériennes110), la Galice reste une région périphérique d’Espagne, déconnectée des grands axes urbains européens111 entretenant à certains niveaux des rapports plus étroits avec le Nord du Portugal, pays frontalier au Sud. (PRECEDO LEDO, 1998, 13) Le Galicien, 2ème langue officielle de la région est d’ailleurs un curieux mélange entre le portugais, l’espagnol voire même de certains mots d’origine celte, témoignant l’influence celtique qu’a connue la région et qui reste fortement présente dans sa culture et ses traditions, notamment culinaires. (MAVI, 2009) Si elles sont moins exacerbées qu’en Catalogne ou au Pays Basque, les revendications identitaires galiciennes sont bien présentes, certains groupuscules séparatistes réclamant l’indépendance et le galicien Figure 17 Le drapeau galicien. 109 Depuis 1978, après le régime dictatorial de Franco, la constitution espagnole concrétise le retour à la démocratie et divise l’Espagne en 17 communautés autonomes. Chacune d’entre elles possèdent leur propre gouvernement et parlement et donc de larges pouvoirs administratifs et législatifs, entre autres touristiques. La Galice a obtenu son statut d’autonomie en 1981 et son gouvernement autonome s’appelle la Xunta et sa capitale est St‐Jacques de Compostelle. 110 La Galice compte 3 aéroports (La Corogne, Saint‐Jacques de Compostelle et Vigo) Auparavant offrant essentiellement des vols domestiques, ces trois aéroports aujourd’hui desservis par des compagnies Low‐cost, proposent de plus en plus de vols internationaux (Paris, Londres…) ) 111 Voir en annexe page 45, la carte de la situation de la Galice au sein des grands axes urbains européens. 64 étant toujours enseigné à l’école primaire et parlé par une grande majorité112 des 2.812.962 galiciens qui constitue la population de cette région. (IGE, 2010) Divisée en 4 provinces113, la Galice est marquée par une système de peuplement dual : il s’agit d’un territoire intensément humanisé mais avec une forte concentration de la population le long Figure 18 Carte topographique de la Galice 114 des côtes et à proximité des 6 grandes villes de la région115. (PRECEDO LEDO, 1998, 13) Cette désertification des zones rurales n’a eu de cesse de s’accélérer ces quatre dernières décennies en raison du déclin, dans un premier temps, de l’activité agricole116 (70’), puis à partir des années 90’, de la pêche, deux secteurs primaires traditionnels qui ont pendant longtemps été les activités économiques principales de la région. Aujourd’hui, l’agriculture et la pêche ont toujours une Figure 19 Carte démographique de la Galice. (INE, 2007, cité par MEIJER, 2009,3) grande importance dans certaines parties de la région mais n’occupent plus que 8%117 de la population active118 tandis que le secteur industriel (automobile, textile,…) : 16%, celui de la construction : 11% et celui des services 65%. (IGE, 2009) Avec un PIB par habitant 18 336€ par habitant, la Galice est considéré par l’OCDE, comme une région « peu développée » d’Espagne, mais également d’Europe119. (OCDE, cité par INE, 2006) 112 Ainsi en 2000, une étude démontra que 88% de la population savait parler galicien, que 99 % savait le comprendre et que 43, 5 % de la population s’exprimaient uniquement en galicien. (FREIXANES, 2001, 136) 113 La Corogne,Vigo, Ourense, Lugo. 114 Ainsi selon A.Allut, 1.500 000 personnes en Galice vivent le long des côtes au niveau de la mer, soit 53% de la population vivant sur 10 % du territoire dans des grandes villes comme Vigo ou La Corogne ou encore dans un des communes plus petites comme Muros, ou dans des petits villages côtiers comme Lira.(ALLUT, 2002, 22) 115 La Corogne,Vigo, Ourense, Lugo, St‐Jacques de Compostelle et Pontevedra. 116 « Almost 25 % of the Galician countryside is abandoned” (MEIJER, 2009) 117 Ce qui reste bien supérieur à la moyenne nationale espagnole. Avec la région d’Extrémadure, la Galice est la région qui à le plus grand pourcentage de sa population active dans le secteur primaire. En Galice, le secteur primaire génère en outre 5% du PIB, dont la pêche artisanale 2% (IEG, 2009) (ALLUT, 2009) 118 En 2009, la population active était de 1.138.900 personnes.(IEG, 2009) 119 La moyenne espagnole du PIB/hab étant de 22 152€ et la moyenne des 25 pays européens étant de 24 500€/hab. La Galice est ème le 4 région la plus « pauvre » d’Espagne, avant la Castille mancha, l’Estramadure, et l’Andalousie. (OCDE cité par INE 2006) 65 2.2) Le tourisme en Galice : un rapide tour d’horizon En dépit de ses 1200 km de littoral, en raison notamment de son climat océanique humide et sa situation périphérique, la Galice a participé bien que plus modérément, à l’essor du tourisme de masse (4 S) qu’à connu la façade littorale méditerranéenne à partir des années 50’ et qui contribua au décollage économique de l’Espagne (60’‐70’). Le « tourisme » en Galice n’est pourtant pas un phénomène, réellement nouveau. Selon la légende le premier « touriste » venu en Galice date de 950. Il s’agissait en fait d’un évêque français venu faire le pèlerinage de Saint‐Jacques de Compostelle. En effet, c’est autour du célèbre chemin spirituel que se structura de prime abord le tourisme en Galice. (MAVI, 2009) Aujourd’hui, si, selon Turgalicia (la direction générale du tourisme en Galice dépendante de la Xunta, créé en 1992), le pèlerinage de Saint‐Jacques de Compostelle et la ville du même nom, tous les deux reconnus comme Patrimoine Mondial de l’Humanité (1993), constituent encore les attractions touristiques les plus célèbres de la région et la motivation principale de 10,6% des 5.575.706 tourtistes qui ont visité la Galice en 2008 (TURGALICIA, 2009). Mais, la région compte bon nombres d’autres ressources culturelles120 et naturelles121 dont certaines ont été mises progressivement en tourisme ou créés ex‐nihilo. Selon Rodriguez et Guisado (2003), l’on peut catégoriser les produits touristiques proposés en Galice selon les destinations touristiques de la région comme suit : Figure 20 Produits et destinations touristiques en Galice (RODRIGUEZ & GUISADO, 2003,18) Figure 21 Carte schématique de la Galice Touristique. 120 vestiges romains et celtes, cathédrales, monastères, fêtes traditionnelles, évènements, gastronomie… 121 750 plages, de nombreux parcs, réserves et sources thermales naturelles,… 66 Outre le pèlerinage vers Saint‐Jacques de Compostelle, les motivations principales des touristes (2008) sont “raisons familiales et amis” (23,3%), “connaître la nature et les paysages” (18,3%),“tranquillité et repos” (13,1%), “connaître la culture et les traditions” (11%). (TURGALICIA, 2009) La durée de séjour la plus fréquente est de une semaine, mais en moyenne, selon Turgalicia, est de 14,58 jours122 ( !), les dépenses touristiques moyennes s’élèvent à 74 € par jour et par personne. Une des caractéristiques frappante de la demande touristique galicienne est l’importance du tourisme domestique : en 2008, 87% des touristes étaient espagnols123 dont 31 % galiciens (24% en 2007). Il s’agit à 72% d’une clientèle fidèle124, d’origine urbaine (77%), âgés entre 19 et 50 ans (75%), indépendante et improviste125. Autre trait saillant est l’importance du tourisme itinérant : 54,5% et du tourisme rural, 9%126. LE TOURISME RURAL Le tourisme rural en Galice et en Espagne ne s’est développé qu’à partir des années 80’, tardivement par rapport aux autres régions rurales des pays européens industrialisés127, mais dans une optique similaire de diversification économique et sociale des activités traditionnelles : agriculture et élevage, et dans un but de préservation des paysages et du patrimoine culturel. (CANOVES & al., 2004, 760 ; DIEGUEZ CASTRILLON & al, 2009,35) Au cours des deux dernières décennies, grâce notamment aux subsides accordés par la Xunta et l’UE dans le cadre des programmes Leader I et II et Proder128, l’offre de tourisme rural en Galice a connu une croissance très importante. (PEREZ DO MAR F. & LOPEZ IGLESIAS,2005) Ainsi, de 1996 à 2005, l’offre d’hébergement rural a augmenté de 12,6% par an (RODRIGUEZ, 2006, 30) (cf. annexe page 46), atteignant aujourd’hui une capacité de 6870 lits (575 établissements)129 (TURGALICIA, 2009) et générant 741 emplois (déclarés en 2005) (RODRIGUEZ, 2006, 41). Alors qu’au cours de la décennie précédente, cette croissance de l’offre a été parallèle à celle de la demande130, cette 122 « La duración de la estancia más frecuente de los turistas entrevista‐dos (la moda de su distribución) fue de una semana. No obstante, la media de esta variable fue 14,58 días (14,16 días en 2007)”.(TURGALICIA, 2009, 33) 123 17% originaire de Madrid, 8% Catalogne, 7,7 % Castille‐Leon, 7,7% Andalousie. Au niveau des touristes étrangers (13%) se sont les portugais (18,2%) et les anglais (18,2%) qui arrivent en tête. 124 Autrement dit qui était déjà venu auparavant en Galice. 125 En 2008, 51 % des touristes n’avaient effectué aucune réservation avant leur arrivée en Galice, 9,6% ont utilisé une agence de voyage pour réserver leur logement dont 3,6% un paquet touristique (logement et transport). (TURGALICIA, 2009 ) 126 Ces 9% sont calculé en fonction du nombre de touristes ayant logé dans des hébergements rentrant dans la catégorie « hébergement de tourisme rural » (càd des Pasos, casa de Aldea ou casa de Labranza). 127 Ce développement tardif s’explique selon Canoves & al, en raison de l’émigration rurale plus tardive qu’à connue l’Espagne (entre 1955‐1980) (CANOVES & al., 2004, 760) 128 Mis en œuvre à partir de 1991, ces programmes européens Leader (Liens Entre Action pour le Développement de l’Économie Rurale) sont principalement dirigés vers les régions rurales peu développées ou/et particulièrement affectées par la reconversion de la PAC et où les activités traditionnelles tels l’élevage et l’agriculture sont en crise. (RODRIGUEZ, 2007,30) 129 Pour ce qui est des autres chiffes concernant la capacité des hébergements touristiques (en lits) de la Galice : hôtels : 51.042. hostals et pensions : 21033, fondas et casas de huespedes : 642, appartements touristiques : 3951 ; campings : 34934. (TURGALICIA, 2009,13) 130 Comme dans d’autres destinations rurales, cette croissance de la demande exprime le désir touristique de « retour à la nature », de « quelque chose de plus authentique, et plus enrichissant que le soleil et la plage » mais également dans le cas spécifique de la Galice, celle‐ci est à mettre en perspective avec celle des touristes faisant le pèlerinage de Saint‐Jacques de Compostelle à partir de la fin des années 80’. (RODRIGUEZ, 2006, 26). 67 corrélation semble ne plus se poursuivre depuis 2004, suite à une stagnation de la demande engendrant des chiffres d’occupation hôtelière en baisse. Par ailleurs, soulignons le fait que l’activité traditionnelle qu’est la pêche artisanale, n’a jusqu’il y a peu, pas bénéficié de ces programmes de valorisation et diversification socio‐économique par le tourisme. Aujourd’hui, comme vous pouvez le constater sur la carte ci‐dessus et en annexe page 48, si l’offre de tourisme rural est éparpillée un peu partout sur le territoire, des concentrations sont apparentes(ABAD ROMERO, 2003) Lesquelles tendent à se renforcer suite à, comme l’observe Rodriguez, un progressif déplacement de la demande et de l’offre en tourisme rural des provinces orientales vers les provinces atlantiques (RODRIGUEZ, 2006,38). Notons que ce phénomène de concentration touristique rurale confirme la tendance actuelle et générale des principaux nœuds de dynamisation touristiques galiciens. Comme vous pouvez l’observer sur la carte en annexe page 49, ceux‐ci se situent autour des deux métropoles côtières que sont : au Nord, La Corogne et au Sud, Vigo, située dans la zone littorale la plus touristique :“Rías 131 Baixas” . Destination touristique méconnue et périphérique, la Galice n’absorbe qu’une minorité des touristes (domestiques et internationaux) que comptabilise chaque année l’Espagne132. (Cf.annexe p 52‐53) Néanmoins, le tourisme a acquis une importance primordiale pour l’économie galicienne. En effet, si au début des années 90’, il ne contribuait qu’à 4% du PIB de la Galice (GARIN MUNOZ, 2008, 4), en 2007, il y participe à hauteur de 10,9%133 (dont 3,4% d’effets indirects134) et à 13,2% des emplois régionaux (dont 3,5% indirects). (EXCELTUR, 2008) Aujourd’hui, le tourisme galicien doit faire face à de nombreux défis, tels la qualification professionnelle, la diversification et l’amélioration de la qualité de son offre touristique, la désaisonnalisation de la fréquentation135, la réorganisation du secteur, le développement d’outils136 permettant réellement une planification touristique durable…(SOUZA, 2009) Mais la Galice possède de nombreux atouts qui restent peu ou mal valorisés touristiquement…Parmi ceux‐ci, la gastronomie apparaît en tête de liste… 131 Si l’on peut s’étonner que Saint‐Jacques de Compostelle ne fasse pas partie des nœuds de dynamisation touristique, cela s’explique selon Santos Sollas, par le caractère excursionniste de St‐Jacques de Compostelle. Beaucoup de touristes s’y rendant pour la journée puis retourne le soir dans le foyer touristique des rias Baixas. (SANTOS SOLLAS,2006, 142) 132 En effet, l’Espagne, deuxième destination touristique mondiale (en nombre de touristes) est marquée par une forte très forte concentration territoriale touristique : en 2007, 5 communautés espagnoles captaient 91% des touristes : les Baléares (31%), les iles Canaries (22%), la Catalogne (18%), l’Andalousie (13,4%), la communauté de Valence (6,3%) (RUIZ, 2008,8) 133 soit 6.072 millions de euros(EXCELTUR, 2008) 134 Ces effets indirects sont définis comme « los impactos multiplicadores generados sobre otras ramas de actividad proveedoras de bienes y servicios intermedios para el sector turístico. (Suministradoresde alimentos y bebidas, construcción, productos agrícolas, empresas textiles, empresas de electricidad, gas y agua, mantenimiento, consultoría a empresas turísticas, etc.).” (IMPACTUR, 2007) 135 Le tourisme galicien est en effet marqué par une forte saisonnalité, les mois d’été de juin à septembre absorbant plus de la moitié des touristes. (TURGALICIA, 2009). 136 Pour ne prendre qu’un exemple, les statistiques disponibles sur le tourisme galicien sont parcellaires et selon l’administration (TURGALICIA, IGE,…) qui les délivrent souvent contradictoires. Il n’existe par exemple aucune étude de marché sur le tourisme galicien. (SANTOS SOLLAS,2006) 68 2.3.1) Importance de la gastronomie comme ressource touristique En effet, Selon J. Gomez Navarro, le tourisme galicien compte trois avantages compétitifs : La nature, la culture et la gastronomie. (GOMEZ NAVARRO, 2000, 14). Au niveau de la demande touristique en Galice, il n’existe aucune recherche ou statistique touristique, nous permettant de démontrer scientifiquement l’importance de la gastronomie. L’on peut simplement constater que la proportion des dépenses touristiques consacrées à la gastronomie est proportionnellement importante puisqu’elle représente 32,5% du budget total soit 24,6€/ jour (ce qui est supérieur au budget logement (20,5 €/jour) (TURGALICIA, 2009, 35). Mais, comme nous l’ont affirmé à l’unanimité tous les responsables des offices du tourisme interviewés, la gastronomie fait partie des principaux centres d’intérêt des touristes venant en Galice. (RODRIGUEZ, 12.01.09,TALBO, 26.02.09, LAGO, 4.07.09, MENDEZ VILA, 4.07.09) De la à parler de la Galice comme d’une destination de tourisme gastronomique (motivation principale), il y a un pas, certes, mais que certains n’hésitent pas à franchir. (RIVAS IGLESIAS, 2009) Tel est en tous cas, le désir du ministère du tourisme de la Xunta, qui a réaffirmé, cette année, par ailleurs, “Année Sainte” (Xacobeo)137, sa volonté de faire de la gastronomie un réel moteur d’attraction touristique, de désaisonnalisation, d’amélioration qualitative de l’offre et la demande. (D.LAGO, 4.07.09) Mais, avant de décrire les grandes lignes de l’action de la Xunta, intéressons nous un instant à la “gastronomie galicienne” et à ses ressources. Plus encore que dans d’autre pays, selon Richards, de part la diversité géographique et culturelle de l’Espagne, la gastronomie espagnole est fondamentalement une gastronomie régionale. (RICHARDS, 2007 ; GOMEZ MARTIN & ARMESTO LOPEZ, 92) Cette caractéristique est particulièrement vraie en Galice en raison de sa situation périphérique et atlantique ainsi que de son identité culturelle fortement différenciée et revendiquée. (cf. p 64‐65) Ainsi, à l’opposé de la célèbre diète méditerranéenne, la Galice tente de se positionner comme le berceau de la gastronomie Atlantique, accordant une place de choix aux poissons et fruits de mer, symbole par ailleurs, du chemin de St‐Jacques de Compostelle. En effet, comme le précise Rivas Iglesias, la gastronomie galicienne est avant tout une histoire de produits locaux de qualité, de traditions de production, de préparation et de consommation138. (RIVAS IGLESIAS, 2009) 137 L’année sainte est d’une importance primordiale pour le tourisme galicien, en effet, celle‐ci occasione une forte croissance de touristes‐pélerins. Elle survient chaque fois que la fête de saint Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche, ce qui se produit quatre fois tous les vingt‐huit ans. 138 Cf. en annexe page 54, un descriptif de la gastrononomie galicenne, issus de « las guias visuales de Espana ». 69 La Galice compte toute une série de produits alimentaires locaux labélisés : trente produits ont reçu la reconnaissance par AOP139 ou IGP140. Remarquons que si ces labels sont octroyés à une variété de produits différents (vin, pain, miel, viande, piment, tarte,…) seul un produit halieutique bénéficie d’une telle reconnaissance de qualité : “Mejillón de Galicia”141. En effet, les moules de Galice sont le premier produit de la pêche, au niveau européen, a avoir été labelisé AOP. (MAPA, 2010 ; RIVAS IGLESIAS, 2009) A côté de ces labels européens, la région a également développé ces propres reconnaissances de qualité : “Alimentos de Agricultura Ecologica de Galicia”, “Galicia Calidade”142, “Tradicion del Camino143” … Un autre trait caractéristique de la gastronomie galicienne, est l’importance du nombre de restaurants et de bars. Manger à l’extérieur fait partie intégrante des habitudes de consommation des galiciens, la Galice est d’ailleurs, la région espagnole qui compte le plus de bars et restaurants par habitant. (RIVAS IGLESIAS, 2009) En 2006, comme vous pouvez le constater en Annexe page 56, celle‐ci comptait 5238 restaurants144. Remarquons que ces restaurants appartiennent pour la plupart à des propriétaires locaux et sont caractérisé par une « comida casera »145 (RIVAS IGLESIAS, 2009) Le long du littoral galicien beaucoup sont spécialisés en poissons et fruits de mer, catégorisés d’ailleurs de « pulperia », « marisqueria »…. Avec plus de 300 fêtes et foires gastronomiques annuelles dont une cinquantaine déclarées d’intérêt touristique national, la Galice est la région espagnole comportant le plus de fêtes gastronomiques traditionnelles. (PARRONDO, 2005, 81) Les poissons et fruits de mer de la localité y sont souvent mis à l’honneur et provoquent parfois une importante affluence, comme, vous pouvez le constater en Annexe page 66 avec la “Festa do Marisco do Grove” qui attira, plus de 200 000 personnes en 2000. (DEL MAR, 2002, 54). Mais, selon P.Palau, créateur du forum gastronomique international, « Alors que la Galice possède un énorme potentiel turistico‐gastronomique dont une variété de produits alimentaires locaux reconnus pour leur excellente qualité, (…) elle ne profite pas assez de ce potentiel, ces produits ne sont associés à aucune image de marque permettant de les différencier réellement des produits importés (…) la qualité des services reste inférieure (...) A ce niveau, la Galice a au moins 15 ans de retard sur la Catalogne. » (PALAU, 1.12.09) 139 Appellation d’origine protégée Indication géographique protégée (cf. p 54) La liste des produits galiciens labelisés AOP ou IGP se trouve en annexe page 55 Voir en Annexe page 55’ une description de l’AOP Mejillón de Galicia 142 Galicia Calidade est une marque‐ label principalement destinés au marketing des produits galiciens vendu en grande surface, selle concerne des produits de la pêche, mais uniquement ceux qui sont transformés (en conserve ou congelé). 143 Tradicion del Camino, est une étiquette de qualité gastronomique attribuée à différents produits agro‐alimentaires traditionnels et artisanaux, situés le long du Chemin de Saint‐Jacques. (GOMEZ MARTIN & ARMESTO LOPEZ, 2005,94) 144 La Galice arrive à ce titre, en 6ème place des communautés espagnoles quant à leur nombre de restaurants respectifs. (RIVAS IGLESIAS, 2009) 145 Comparé à d’autres régions espagnoles, les chaines de restaurations internationales, tel McDo, ont relativement peu pénétré le territoire galicien. Ainsi des villes étudiantes tels La Corogne ou St Jacques de Compostelle comptant respectivement, 245 000 habitants et 93 458 habitants n’abritent chacune que deux Mc Donalds. 140 141 70 Beaucoup de chemin reste à faire, avant que les patrimoines éco‐gastronomiques galiciens deviennent réellement des ressources territoriales durables et des produits touristiques à part entière. Cette situation est dûe, selon P.Palau, à la faible coordination intrasectorielle et départementale, ainsi qu’à un manque de conscience entrepreneuriale locale, de recherches et d’innovation. Ce qui n’est pas le cas de la Catalogne. (PALAU, 1.12.09) Selon Rivas Iglesias, si la gastronomie fait partie intégrante de l’image touristique de la Galice promue par Turgalicia, pendant longtemps, cet organisme n’a fait que relayer les différentes initiatives gastronomiques d’intérêts touristiques présentes sur le territoire146sans planification précise (RIVAS IGLESIAS, 2009) et donc se limiter à des actions relevant du « First Order : Indigenous Development »(cf p52). Ce n’est que depuis les années 2000’ que son action a donné lieu à des initiatives concrètes réalisées en partenariat avec d’autres secteurs et acteurs. Telles la création de paquets touristiques gastronomiques147, de fascicules d’informations touristiques148, de concours et semaines gastronomiques149 et d’évènements à grande échelle, tels le salon : Salimat150 , Xantar151 ou l’accueil du Forum gastronomique international : As cocinas do Atlantico152. Ce Forum dont la thématique est “gastronomie et développement durable” nous semble particulièrement intéressant, car il a pour vocation de valoriser le rôle des producteurs locaux dans la durabilité de la gastronomie. (PALAU, 1.12.09) Car, si la gastronomie est réellement devenue une des clefs de voûte de la stratégie touristique de Turgalicia, donnant par ailleurs, naissance pour la première fois, en 2009, à un plan stratégique de valorisation touristique de la gastronomie : “gastronomie 2010”153, force est de constater que l’Administration galicienne ne commence que depuis peu à considérer la durabilité comme partie intégrante de la valorisation touristique de la gastronomie, et que les producteurs locaux, en particulier les pêcheurs artisanaux, n’ont que très peu bénéficié des politiques touristiques développées par la Xunta.(CHAPELA,01.07.2009) 146 (Fêtes gastronomiques, restaurants, dégustation et visites de cave à vin, fromage AOP, …routes alimentaires et/ou œnologiques,…) ‐ “Otoño gastronomico" : il s’agit d’un paquet touristique proposant en autonome des week‐end en hébergement rural accompagnés de menus gastronomiques valorisant les produits alimentaires locaux labelisés (AOP,IGP…) ‐ pasaporte ruta do Viño Rias Baixas : offre intégrée de différents produits touristiques relatifs à la AOP vin Rias Baixas (cave, musées, logement, menu spécifique…) ‐ “VIño‐Bus Ribeira Sacra : bus proposant 8 routes et excursions diferentes à travers la région viticole Ribeira ‐ “Noviembre micologico” : destiné à promouvoir le tourisme rural de la costa da Morte, ce paquet touristique ‐ propose différentes activités autour des champignons : ceuillette, menu… 148 guides gastronomiques locaux et régionaux, dictionnaire gastronomique galicien…disponibles gratuitement dans les offices du tourisme, création d’un centre d’interprétation de la gastronomie galicienne "Ao pé do lar" au musée du people galicien de Saint‐Jacques de Compostelle(2010)… 149 l’organisation annuelle de Semana gastronomica de Galicia en Santiago de Compostella depuis 2007. 150 Salon galicien annuel de l’alimentation atlantique. 151 Salon galicien annuel de la gastronomie et du tourisme 152 Créé en 1999 à l’initiative de Pep Palau en Catalogne (à Vic puis à Giron), ce forum gastronomique peut être catégoriser comme appartenant au 4ème niveau de valorisation touristique de la gastronomie établie par Hjalager (cf..p 52) . Il s’agit d’un forum gastronomique destiné à mettre en valeur le trio : cuisine, produit, territoire. Ouvert au grand public comme aux professionnels, il propose des conférences et animations, des dégustations, des show‐case. Depuis 2008, suite à la demande de Turgalicia, ce forum a lieu une fois tous les 2 ans à Saint‐Jacques de Compostelle. En 2008, ce sont plus de 28000 personnes tout public confondu qui s’y sont rendus. (PALAU, 1.12.09) 153 Les principales lignes d’action de ce plan sont décrites en annexe page 57. 147 71 2.3) La problématique galicienne de la pêche artisanale Tout au long de l’histoire, la pêche en Galice a eu une importance primordiale, celle‐ci remontrait, à l’époque celtique (2000 ACN) où les habitants des “castros” (villages celtiques) ont commencé à pêcher et à fournir les principales ressources alimentaires des communautés locales. (MUSEO DE LA PESCA FISTERRA, 4.07.2009) Au fil du temps, les techniques de pêche, de conservation (salaison, conserve, congélation…) et de commercialisation ainsi que l’organisation sociale des populations côtières ont évoluées, pour faire de la pêche, un secteur socio‐économique très important pour la Galice. L’entièreté du littoral galicien est d’ailleurs surnommé “La côte des fruits de mer” (Costa do marisco) en raison de l’extraordinaire richesse et biodiversité de ses écosystèmes marins uniques (poulpes, clovisses, moules, pouces‐pieds, araignées de mer, oursins...) (ALLUT,2005,4) Selon la DG pêche de l’UE, la Galice est la région européenne la plus dépendante du secteur de la pêche. En effet, celle‐ci fournit 15% de la « production » européenne et comprent 10% des actifs du secteur halieutique européen. Elle est également la première région, au niveau espagnol, puisqu’elle concentre 52% de l’emploi espagnol du secteur de la pêche (direct et indirect), 40% de la flotte.(DG PÊCHE ET AFFAIRE MARITIME, 2006, 4 ; PENELA & al., 2005). “Les pêcheurs espagnols passent généralement pour les mauvais garçons de l’Europe, (…) un pêcheur européen sur quatre est espagnol (…) Et les armements espagnols qui les emploient ont bien mauvaise réputation : ils ne respectent pas la réglementation (limites des quotas, tailles minimales, limites territoriales) (…) Mais si l’on regarde de près ces mêmes statistiques (…) On apprend notamment qu’un pêcheur européen sur six fait partie de la petite pêche côtière espagnole. On est là à 12 milles maximum du littoral et sur des petits bateaux.” (LOSADA, 2000,9) Ainsi en Galice, la pêche est avant tout artisanale : celle‐ci concerne en effet, 87% des bateaux galiciens154 (GARAZO FABREGAT, 2007,4) et occupe en 2009 officiellement155, 25 000 pêcheurs156et 4100 les “mariscadoras”(ramasseuses de coquillages), qui fournissent 70% du poissons frais espagnol et contribue à 2% du PIB galicien.(ALLUT, 2009,3) Au niveau des emplois indirects (industrie des conserves, congélation, services et commercialisation…), ce sont au total 119.874 personnes qui en 2002 étaient concernées par le secteur halieutique galicien, lequel contribuait au total à 10% de la richesse brute de la région.(CONSELLERIA DE PESCA, XUNTA DE GALICIA, CITE PAR ALLUT, 2003,21; MORENO CARRASCO & al,25,2003) 154 Voir en Annexe les chiffres de la pêche artisanale galicienne p58‐59. Ces statistiques ne prenant pas en compte les pêcheurs artisans travaillant à mi‐temps, ou n’étant plus en âge de travailler sont à revoir à la hausse. (DANS & FREIRE, 2002,2) 156 En comparaison, en 2004, 5 349 galicien travaillent dans pêche industrielle et en haute mer et 4614 dans l’aquaculture. (Xunta de GALICIA, 2004) 155 72 Divisée en trois grandes zones : Rias Altas, Costa da Morte et Rias Baixas,l’importance territoriale de la pêche artisanale en Galice est incontestable. Ce sont en effet, plus de 80 territoires de tailles démographiques très différentes (villes, villages, ou petits hameaux côtiers) qui ont un lien culturel et économique étroit avec la mer et qui pour certains, en dépendent directement.(ALLUT, 2009) Comme vous l’observez sur la carte ci‐dessous, la Galice compte 63 confréries (et donc criées) de tailles très Rias Altas différentes157. (DANS & FREIRE, 2002, 3) Représentants les intérêts des pêcheurs locaux, ces Costa da Morte confréries, selon Allut & Freire, pendant longtemps négligées par les aides institutionnelles favorisant la Rias Baixas pêche industrielle, sont néanmoins sous la tutelle du Gouvernement Autonome (Xunta) et de l’UE et n’ont en réalité que peu de pouvoir d’action. (ALLUT & FREIRE, 2002, 5‐8) Celles‐ci se voient par exemple Figure 22 Carte de la Galice et localisation des 63 confréries de pêcheurs (DANS & FREIRE, 2002, 3) imposer des mesures de gestion établie à l’échellon européen (top‐down), peu adaptées aux écosystèmes locaux particuliers (quotas, saison de pêche,..). (LOURO, 3.07.09) Le symptôme le plus patent de la crise traversée par la pêche artisanale galicienne, est la diminution du nombre de pêcheurs artisans au cours de la dernière décennie, celui‐ci ayant en moyenne diminué de 40%. (ALLUT & FREIRE, 2006,2) Outre les causes structurelles et conjoncturelles décrites au cours du premier chapitre (p 32‐35), cette crise fut accélérée en Galice par la marée noire causée par le naufrage du pétrolier Prestige survenu le 13 novembre 2002, à 50 km au large de la Costa da Morte158, qui traumatisa profondément l’ensemble des galiciens. Outre ses conséquences écologiques dramatiques, cette catastrophe toucha durement les pêcheurs artisans qui furent dans l’incapacité de travailler pendant plusieurs mois et dont les captures 6 mois après la catastrophe diminuèrent de 80%. Face à la quasi absence de dédommagement du gouvernement espagnol, certains ne parvenant pas, à financièrement faire face à cette catastrophe cessèrent leurs activités. (RODRIGUEZ ALVAREZ, 2007,32‐46, LOURO, 03.07.2009) Situation qui fut également accentuée par les conséquences touristiques à court terme de la marée noire (cf. Annexe p 59), nous démontrant une fois de plus, l’interdépendance pouvant exister entre ces secteurs. (GARZA GIL & al, 2006,847) 157 Les plus grandes de ces confréries sont situées en bordures des estuaires et/ou des grandes villes, telles Vigo, Muros‐Noia, La Corogne…(ALLUT & FREIRE, 2002, 5) « Côte de la Mort » en français, cette région porte ce nom en raison du nombre élevé de naufrages qui y sont survenus au cours du XXème S. Lors du naufrage du Prestige, ce sont plus de 77000 tonnes de fuel qui se répandirent le long des côtes galiciennes. Mais l’impact du Prestige alla bien au‐delà des frontières galiciennes et s’étendit du Nord du Portugal au Sud de la Bretagne. (RODRIGUEZ ALVAREZ, 2007,32‐46) 158 73 3) Mardelira ou un projet local de valorisation touristique du patrimoine halieutique artisanal durable 3.1) Description du projet Petite communauté rurale de pêcheurs de la Costa da Morte comptant officiellement 1057 habitants , Lira est située dans la municipalité de Carnota et la Comarca de Muros (15 000 habitants), à l’extrémité Sud Occidental de la province de la Corogne, à une vingtaine de km au Sud du Cabo Fisterra, point final du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle159, et à 10 km au Nord de la ville de Muros, sa Figure 23 Localisation de Lira sur la Costa da Morte grande criée et son port touristique. Lira est un village extrêmement dépendant de la pêche et qui, depuis les années 90’ souffre d’un déficit démographique important. Lira fut particulièrement atteint par la marée noire de 2002 et les problématiques structurelles de la pêche artisanale (petite criée, haute Figure 24 Le village de Lira et son port intermédiarisation, vieillissement de la population, diminution des revenus, surpêche, décapitalisation de la confrérie…). Ainsi, la population active dans la pêche à Lira a diminué de 56% de 1995 à 2005. (PINEIRO ANTELO, 2007, 371) mais concerne encore 37,2% des emplois160 locaux, la confrérie de pêcheurs de Lira161 comptant 106 pêcheurs et 26 “mariscadoras”. (LOURO, 03.07.2009) La pêche artisanale, la confrérie et sa criée locale rythment réellement la vie de Lira et de ses habitants, la disparition de cette activité de base menacerait sans aucun doute à terme la pérennité du village. (ALLUT,12 11.08) Peu touristique à la base, Lira n’était, jusqu’en 2004, guère répertorié par Turgalicia comme un “lieu touristique”. Le village ayant pour toutes ressources touristiques : une quinzaine de restaurants et bars locaux, un patrimoine naturel et culturel particulièrement 159 Perçu par les romains comme la Fin du Monde, la cap Finistère a pendant longtemps été considéré comme le point le plus occidental du continent européen, la tradition veut que les pèlerins s’y rendent à la fin de leur périple pour aller y brûler leur vêtements ou chaussure. 160 En comparaison, selon les données l’agriculture occupe 3,84%, l’industrie : 13,35% , la construction : 12,71%, les services (Horeca, : 32, 91%. (LOURO,3.07.2009) 161 Le territoire de pêche de Lira s’étend de la Punta Insua à l’embouchure du Rio Larada. (LOURO, 3.07.2009) 74 bien préservé, 2 « casas rurales » et une pension touristique (+/‐ 70 lits au total). Situé entre les deux nœuds de dynamisation touristique galicien, Lira était néanmoins fréquenté par des touristes itinérants connaissant la localité surtout par bouche à oreille, sans oublier les propriétaires des résidences secondaires (+/‐30 au total) qui pour la plupart, originaires de la région retournent “au village” durant les vacances. (D.LAGO, 4.07.09) (I.LAGO, 3.07.2009) Figure 25 La plage "Mardelira" Le projet Mardelira est le fruit d’une longue réflexion qui commença fin des années 90’ sous l’impulsion de A. Allut et J.Freire, deux enfants de la région de la Costa da Morte, devenus, tout deux, professeurs à l’Université à La Corogne, l’un en Anthropologie, l’autre en Biologie marine. Convaincus d’une part, que la situation intenable de la pêche artisanale galicienne n’était pas insurmontable et que la survie de l’activité pouvait tout autant être liée à la capacité de la communauté locale à se mobiliser et à la valorisation du statut de pêcheur artisan (qualité de vie et de travail, responsabilisation écologique, reconnaissance sociale et économique,..), ceux‐ci mirent sur pied en collaboration avec la confrérie de pêcheurs de Lira, un projet intégré et systémique visant à répondre aux différents défis socio‐économiques, environnementaux et culturels de la pêche artisanale, dans lequel le tourisme, à chacun de ces échelons fut identifié comme ayant un rôle potentiellement important à jouer. (ALLUT, 12.11.2008) Composé de divers sous‐projets mis en place dès 2002, le projet « Mardelira » selon E.Louro, tente d’unir « pêche, tourisme et durabilité » et les principes clefs qui le transcendent sont : participation, intégration, responsabilité et respect de l’environnement. (LOURO, 1.07.09) ‐> La première phase du projet s’attaquant aux problèmes économiques (incertitude, individualisme, faible valorisation économique, petite criée…) se concrétisa en 2002 par la création de la société : Lonxanet162 : la première criée européenne virtuelle. Ayant pour but de promouvoir la pêche durable et équitable, Lonxanet part du principe que la commercialisation doit fait partie intégrante de la gestion des pêcheries. Ainsi, cette plateforme permet de dépasser les intermédiaires en commercialisant et distribuant directement (en moins de 24 heures) les produits de la pêche de Lira auprès des clients qui 162 Pour mieux illustrer ce projet nous vous proposons de visionner le reportage audiovisuel de 2mn intitulé « Lonxanet » disponible sur Youtube : http://www.youtube.com/watch?v=813Fqem8gSM ou le reportage « “Escarabajo Verde”” réalisé par TVE sur le projet et qui reçut le prix national du journalisme en 2009 disponible en ligne : http://www.recopades.org/tema/lira/ 75 dans 85% des cas, sont des restaurants163. Ceux‐ci font leur commande par téléphone sur base des prix de la veille. Ce système qui aujourd’hui, outre celle de Lira concerne 5 autres confréries galiciennes164 a donné naissance à une sorte de réseau de « restaurants durables en Espagne» que Lonxanet cherche à labéliser sous l’appellation « Red de Restaurantes por la Conservación del Ecosistema Marino”. Ce circuit court s’accompagne d’un système de traçabilité permettant de connaître avec précision l’origine (confrérie, pêcheurs, date,…) des produits de la mer, qui fait office de label et de garantie pour le client. Actionnaires de la société Lonxanet165, les pêcheurs sont encouragés à passer de la logique « pêcher pour pêcher » (surpêche) à celle de « pêcher pour un marché ». En effet, pensé et intégré dès l’étape de « pêche », le système de commercialisation direct auquel participe désormais les pêcheurs, décourage les comportements illégaux et productivistes en leur assurant « un prix juste » pour leur travail, lequel est en conséquent bien supérieur aux prix quotidiennement offerts par les intermédiaires traditionnels, dont on a vu qu’il pouvait fortement varier d’un jour et d’une criée à l’autre selon le nombre de marayeurs présent à la criée locale (cf. p34‐35) D’autre part, la confrérie reçoit 3% des bénéfices faits par Lonxanet, ainsi que les profits correspondants à leurs parts en tant qu’actionnaires. Ce qui leur permet d’investir dans des projets de protection et de valorisation touristique du patrimoine halieutique local, en partenariat avec Lonxanet, dont 50% des bénéfices sont alloués à la fondation du même nom « Fondation Lonxanet » qui soutient des projets globaux (Recopades)166 et locaux de promotion de la pêche durable et équitable, tels la création d’une AMP, de la coopérative de Mariscadoras de Lira167 et d’attractions de valorisation touristique du patrimoine halieutique local. (ALLUT, 12 11.2008, LOURO, 01.07.2009 ; LOURO, 03.07.2009) ‐> En effet, la deuxième phase complémentaire du projet s’attaquant aux dimensions environnementales et socioculturelles de la pêche artisanale, s’est mise en place en 2003 (après Prestige), donnant naissance d’une part, à la 1ère Aire Marine Protégée (AMP) d’intérêt halieutique de la Galice (Os Miñarzos) et la 1ère au niveau mondial a être issue de 163 En 2009, Lonxanet approvisionne 370 restaurants en Galice et dans toute l’Espagne. Depuis 2009, Lonxanet dispose d’un point de vente spécifique destiné aux particuliers situés au marché de San Miguel à Madrid.(MARIA GARCIA, 09.07.2009) 164 Aujourd’hui outre celle de Lira, 5 autres confréries galiciennes participent au projet Lonxanet( (Cedeira, O Son, A Coruña, Cangas y Muxía) 165 les pêcheurs via leur confrérie sont actionnaires de lonxanet à 12%, la fondation lonxanet 51%, Obra social Caixa Catalunya 10%) les 50% restants venant d’investisseurs privés. Le montant des produits commercialisés par Lonxanet en 2009,700.000 € (MARIA GARCÍA , 09.07.2009) 166 Au niveau « global », Lonxanet en partenariat avec la confrérie de Lira ont créé en 2004, RECOPADES (Red Transnacional de Comunidades Pesqueras por el Desarrollo Sostenible) un réseau transnational pour le développement durable unissant différentes confréries de pêcheurs en Amérique Latine (Argentine, Uruguay, Chili, Brésil…) et en Espagne. Le but de se réseau étant de promouvoir la cooperation et l’échange d’expériences et de connaissances entre ces différents acteurs afin d’améliorer les conditions de vie des pêcheurs et la durabilité de la pêche. (ALLUT,12 11.08) 167 Dépendante de la confrérie de Lira, la coopérative des mariscadora de Lira est issue de l’initiative des mariscadoras qui avec le soutient de la fondation Lonxanet se sont unies et spécialisées (selon les périodes de l’année) autour de 6 ressources locales à haute valeur ajoutée : les œufs d’oursins de mer, les bivales, les pouce‐pied, les algues, « les politecos » et les moules. 76 l’initiative propre des pêcheurs et d’autre part à différentes attractions de valorisation touristique du patrimoine halieutique. Comme vous pouvez le constater en annexe p62, l’AMP de Lira occupe 2.074,2 hectares dont deux réserves intégrales168. L’AMP doit être considérée comme un instrument de gestion novateur promouvant une pêche durable et responsable valorisant le savoir et le savoir‐faire des pêcheurs artisans locaux en faisant d’eux des co‐gestionnaires des ressources halieutiques. Elle suppose donc un changement d’attitude du secteur : à savoir l’acceptation et le respect de tous les pêcheurs artisans d’une réglementation adaptée aux écosystèmes marins locaux et des restrictions supplémentaires (tailles, saisons, quantité…), qui, si elles peuvent être plus contraignantes au départ, sont, à long terme, extrêmement bénéfiques169. Ainsi à Lira, 3 ans après la création de l’AMP, l’on observe déjà une augmentation de l’abondance des organismes marins et donc des ressources de pêche. Et ce sont les espèces les plus estimées exploitées qui reprennent généralement le mieux. De plus, les réserves ne sont pas des espaces fermés, avec les courants marins, toutes leurs zones d’influence en tirent parti, lesquelles vont bien au‐delà de la réserve marine protégée Le succès de la réserve marine de Lira est tel, qu’elle a un réellement eu un effet multiplicateur au sein des confréries de pêcheurs galiciennes. Ainsi, en 2009, une autre réserve a été crée à Cedeira et comme vous pouvez l’observer en annexe p63, huit autres sont en création.170. (E.LOURO, 3.07.2009, ANDRES,02.07.2009) Enfin, parallèlement à la création de Lonxanet et de l’AMP, jaillit l’idée au sein de la confrérie de Lira de valoriser touristiquement du patrimoine halieutique local afin de contribuer à la promotion des deux projets précité et plus globalement, à la pérennité et la diversification socio‐économique de la pêche artisanale et au développement touristique durable de la communauté locale. Ainsi, outre la valorisation directe des produits locaux faite par les restaurateurs locaux (via Lonxanet), ce projet mettant en avant les dimensions tant culturelles, environnementales que sociales de la pêche artisanale locale, à donné naissance à différentes activités touristiques171 que nous résumerons comme suit : 168 càd où l’activité de pêche est formellement interdite (seules les activités scientifiques y sont autorisées). L’effet de ces restrictions sont multiplicateurs : en effet, elles permettent aux ressources halieutiques de reprendre leurs structures de population. Dans les zones de pêche en libre accès, il existe peu d’exemplaire adulte, or ce sont sont ceux qui ont la plus grande capacité de reproduction. Dans les réserves, la taille des poissons est supérieure, leur taux de reproduction est donc considérablement augmenté. Par exemple, une femelle de rousseau de 61 cm pond le même nombre d’oeuf que 212 individu de 42 cm. Quand les normes d’exploitations sont respectées les stock peuvent être multiplié par 2 voire par 4 au bout de 5 ans.(E.LOURO, 1.07.09) 170 Si bien que finalement, le nombre de capture augmentant près des zones protégées, c’est dans cet environnement que préfèrent travailler les pêcheurs artisans.(ANDRES,02.07.2009) 171 Ces activités sont définies par R.Chapela, comme « Actividades con beneficios transversales para el sector al incrementar el grado de conocimiento sobre la vida del mar que puede ayudar a una mejor percepción de la cultura de las comunidades marineras, 169 77 ‐ Turismo mariñeiro : Mise en tourisme du lieu de travail et de l’activité des pêcheurs artisans et des mariscadoras : cette activité touristique à pour but de sensibiliser de façon active au monde habituellement peu connu et très fermé de la pêche artisanale. Elle propose aux touristes de passer une journée en mer avec les pêcheurs, suivie d’une visite de la criée et d’une dégustation de la capture de pêche172. ‐ Taller de Pesca173 : Traitant du versant patrimonial et culturel de la pêche, cet « atelier de pêche » reprend différentes activités telles 1) la visite du musé de la pêche “casata de pepe do cuco" (créé en partenariat avec l’Université de la Corogne, des professionnels du tourisme ainsi que les membres de la confrérie de pêcheurs) retraçant l’importance de la pêche tout au long de l’histoire du village de Lira. 2) Andar ao mar : la création de routes pédestres touristiques libres ou, sur demande guidées par I.Lago ou par certains pêcheurs, mariscadoras volontaires. o rutas de las mariscadoras : route créé dans le but de faire connaître les activités des ramasseuses de fruits de mer (coquillages, oursins, pouce‐ pied...) (récolte, visite de la coopérative,…) o Ruta de la reserva marina : le but de cette route est de sensibiliser à la fonction de la reserve marine et à l’importance d’une pêche durable. o Ruta del puerto : A travers les composantes historiques et architecturales de la pêche artisanale présentes dans le village, cette route veut permettre aux touristes de connaître de plus près la vie quotidienne de la communauté de pêcheurs et de son port. o Ruta de los naufragios : cette route retrace les nombreux naufrages ayant eu lieu dans cette zone marine particulièrement dangereuse174. o Ruta de la energía : cette route met en avant les avancées technologiques de la pêche artisanale, tant au niveau de la production (embarcations, technique de pêche,…), qu’au niveau de la conservation (salaison…),… o Ruta etnográfica : cette route propose une visite des vestiges celtiques (civilisation castrena) présents dans le village. ‐ En partenariat avec les restaurateurs locaux (Dosil‐xouba et Casa Pila) : cours de cuisine, dégustations commentées de produits halieutiques locaux, concours et journées gastronomiques spécifiques, création ou récupération de fêtes traditionnelles telles la Festa do mar de Lira. incrementando la valoración de los productos pesqueros, incidir en la mejor conservación del patrimonio marinero y, en general, una mejor integración del sector social y economicamente.” (CHAPELA, 2009,31) prix: 45 euros par personne.(160 euros pour 4 personnes) Maximum 4 personnes par bateau de 7 h à 14h30. 173 Cette activité est également dirigée vers les groupes scolaires. 174 En effet, le fond marin de cette zone de la Costa da Morte est criblé de pierres qui ne se voient pas de la surface et qui si elles peuvent expliquer la richesse biologique de la localité, rendent la navigation particulièrement dangereuse, quand on ne connaît pas bien le milieu (FRAN, 02.07.09) 172 78 Les activités « Turismo mariñeiro » sont organisées sur demande préalable (au minimum un jour à l’avance) et avec celles « Taller de Pesca », dégustations gastronomiques…. font depuis 2008, l’objet de paquets touristiques (activités + hébergement) et ponctuellement dans le cadre de journées gastronomiques spécifiques, de paquets (« menus gastronomiques de Lira » + hébergement) commercialisés directement par les acteurs locaux ou par Santiago Turismo et l’Asociación Profesional del Sector Turístico de la Costa da Morte (APTCM).175 Aujourd’hui, parallèlement à l’obtention de labels de qualité d’origine (AOP, IGP) et de durabilité (MSC176, label Slow Food177, 100%MARDELIRA178…), la création d’un centre d’interprétation de l’AMP, la confrérie de Lira, veut aller plus loin dans l’intégration de son offre touristique, en revalorisant et labélisant également les maisons et tavernes des pêcheurs (Casas de turismo mariñeiro, Tabernas Mariñeiras) ainsi que, les restaurants faisant partie du réseau Lonxanet (« Red de Restaurantes por la Conservación del Ecosistema Marino” ) comme des hébergements et lieux de consommation touristiques spécifiques. Désir qui, comme nous allons l’aborder dans les impacts du projet, semble rencontrer depuis peu, celui tant des départements de la pêche du tourisme de l’Administration galicienne (CHAPELA, 01.07.09, E.LOURO, 1.07.2009) 3.2) Analyse, impacts et obstacles au projet Se revendiquant comme un projet de développement local durable via notamment le tourisme, Mardelira nous semble en effet, être un projet qui tente de répondre de façon systémique aux différents enjeux (économiques, environnementaux et socioculturels) de la pêche artisanale à Lira, ainsi qu’à ceux du développement touristique durable. Toutefois, alors que plusieurs impacts positifs sont à relever, subsistent également de nombreux obstacles et défis à surmonter,… notamment au niveau touristique. 175 Conscicente de l’importance de la gastronomie de mer comme ressource touristique pour la dynamisation de la Costa da Morte, depuis 2008, ACTPM a développé un « Plan Gusto », soutenu par le Ministère de la pêche dont le but est la valorisation touristique des produits locaux. Ce plan a notamment donné lieu à la création d’un site internet : http://www.productoscostadamorte.com/, 176 Marine Stewardship Council (label de certification international de la pêche durable et responsible) 177 En 2008, El centollo de Lira (Araignée de Mer) est le premier produit galicien a avoir reçu le label Slow Food. 178 Parallèlement au site Internet de vente en ligne de Lonxanet, comme vous pouvez le voir en annexe, un site « 100%MARDELIRA » a été créé en 2008, outre la promotion des produits locaux, afin de stimulé la créativité et l’innovation, ce site propose aux internautes de partager leurs recettes à base de ces produits et un jury de professionnels sélectionne chaque année la « meilleure recette ». http://100x100mardelira.com 79 CADRAGE PRELIMINAIRE : “SMALL IS BEAUTIFUL ?” En effet, il nous semble important de commencer cette analyse en précisant les dimensions touristiques concrètes du projet. En effet, lors de notre visite de terrain, nous nous sommes rendues compte que le projet, au niveau de ces attractions touristiques apparentes, reprises sous l’appellation « Turismo mariñeiro » et « Taller de Pesca » avait des dimensions plus modestes que ce que nous avions pensé a priori, au vu du retentissement médiatique du projet, lequel étant par ailleurs repris par l’Union Européenne comme “a model of best practice” (ASHOKA, 2006, CHAPELA, 2010) Comme vous pouvez le constater en annexe page 66 , ces attractions n’ont accueilli, depuis le début de leur création (2003‐2004), respectivement, que 1.885 et 20.392 visiteurs (VALLE VILA, 2009). Certes, le but n’est pas de développer un tourisme de masse à Lira et la durabilité environnementale d’un milieu aussi fragile et d’une denrée alimentaire (les produits de la mer) dont la demande ne peut excéder la capacité de régénération des écosystèmes, contredirait une fréquentation risquant d’induire notamment des comportements “productivistes” (surpêche). Mais, dans une perspective de développement local et de diversification socio‐économique, cette fréquentation touristique nous semble particulièrement faible. P Violier ne dit‐il pas qu’ “en définitive c’est auprès des touristes qu’il faut chercher le succès du projet de développement local par le tourisme ?” (cf p 51) Mais, comme nous le précisa E.Louro, les deux activités précitées sont encore en phase de développement, de nombreux efforts de promotion, de marketing et de professionnalisation devant encore être mis en œuvre. Concernant la viabilité économique, E.Louro insista sur le fait que ces deux activités n’engagent pas de coûts exorbitants179 et que leurs objectifs étant avant tout d’ordre socioculturel (et donc indirectement de sensibilisation/promotion du patrimoine halieutique), le volet économique du projet étant davantage assuré par la valorisation directe des produits de la mer dans les restaurants et de manière générale par l’augmentation de la fréquentation touristique de la localité. Deux dimensions du projet, qui, comme le déplore E.Louro, s’il n’existe pas d’étude quantitative pour les mesurer, selon A.Allut et E.Louro, sont positives. (E.LOURO, 03.07.2009; ALLUT, 12.11.08 ) Comme susmentionné, face à l’absence de telles données quantitatives, c’est essentiellement à partir d’entretiens qualitatifs avec les acteurs que nous avons basé notre analyse du projet. Acteurs, que nous reprenons ci‐dessous, de façon schématique, avant 179 La sortie en mer des bateaux se faisant dans le cadre du travail des pêcheurs artisans, deux employés à temps plein. 80 d’aborder leurs points de vue respectifs, ainsi que les impacts régionaux et locaux du projet, dans une perspective de développement local et touristique durable. Figure 3 Représentation schématique du projet de Mardelira et de son réseau d’acteurs. ====>Tous ces acteurs entretiennent des relations de partenariat et concourent tous à leur manière et à leur niveau (global, régional ou local) à la valorisation touristique multidimensionnelle du patrimoine éco‐gastronomique que représentent les ressources halieutique issues de la pêche artisanale de Lira. 81 COLLABORATION, INTERACTION ET RESEAUX D’ACTEURS Comme illustré dans le schéma ci‐dessous, la création du projet Mardelira a donné naissance à de nouvelles formes de collaboration et d’interactions entre différents acteurs d’un même secteur et de secteurs différents (intégration horizontale et verticale) : de la pêche artisanale, du tourisme (offices du tourisme, filière du manger, hébergements,…),du monde scientifique (Université de la Corogne, CETAMAR,…)ou associatif (WWF, Slow Food Lira‐Galicia,…) au niveau local‐régional comme au niveau global : via Recopades (cf.p76), Slow Fish180, Fishernet181, … mais également via « les touristes ». Approfondissons ici, deux « catégories » d’acteurs et d’impacts régionaux nous semblant particulièrement primordiaux pour l’interprétation du projet. • XUNTA DE GALICIA : Remarquons que l’Administration galicienne si nous n’en n’avons guère parler jusqu’à présent, joue désormais un rôle important dans la structuration et la promotion du projet. En effet, si l’initiative du projet est venue exclusivement de la Confrérie de pêcheurs de Lira, la Xunta reconnaît aujourd’hui cette forme de tourisme spécifique, comme particulièrement intéressant pour solutionner la problématique de la pêche artisanale et dès lors encourage d’autres confréries à faire de même. A ce titre, la Xunta a adapté sa législation182, débloqué des aides financières et chargé l’organisme CETAMAR de développer un nouveau modèle touristique appelé « pesca‐turismo do Atlantico : basé sur le patrimoine culturel et la gastronomie des villages côtiers galiciens »183. Le désir sous‐ jacent à ce projet, serait de développer, à l’instar de ce qui se fait dans l’agro‐tourisme ou dans l’oenotourisme, une marque et un réseau galicien de “Pesca‐turismo” mettant en valeur le patrimoine éco‐gastronomique halieutique spécifique à chacune de ces confréries. (CHAPELA,01.07.09) Ce modèle n’en est certes qu’à ces débuts, mais le soutien de l’Administration galicienne est une grande avancée, qui comme nous l’avons vu dans notre partie théorique (cf.p 57), s’avère bien souvent nécessaire pour le futur développement du projet. Au niveau du projet Mardelira, outre les subsides accordés à l’AMP, l’action de l’Administration via ses différents offices du tourisme régionaux et locaux reste pour l’instant essentiellement un rôle de promotion (référencement sur le site Internet, flayers…), 180 Versant halieutique de Slow Food, Slow Fish a été créé en 2004 et soutient activement la confrérie de pêcheurs de Lira, qui participe depuis 2007 au Salon annuel de Slow Fish (à Gènes) mais également à celui de TERRA MADRE (2008). Fishernet project est un projet européen créé l’initiative de la confrérie de Lira et la fondation lonxanet, aujourd’hui subventionné par le Fond européen pour la pêche et dont le but est la valorisation du patrimoine halieutique européen et la création d’un “European Network for the Conservation of the Fishing Heritage.” (cf annexe page73) 182 (ex : pour autoriser légalement les touristes à passer une journée en mer avec les pêcheurs dans le cadre de leur travail) 183 Celui‐ci à donné lieu à une conférence dont vous retrouvez les slides en annexes page 74‐77. 181 82 marketing/réservation. Notons que depuis 2007, Mardelira et ses produits alimentaires locaux sont invités par Turgalicia pour représenter la Galice, lors des salons touristiques internationaux tel Fitur (Feria Internacional de Turismo) qui a lieu chaque année à Madrid. (D Lago, 04.07.2009) • AUTRES CONFRERIES : Ironisé à ses débuts par les autres confréries, le projet Mardelira a réellement eu un effet boule de neige sur les communautés de pêcheurs du littoral galicien. Outre les réserves naturelles qui se multiplient, ce sont aujourd’hui, une dizaine de confréries de pêcheurs qui décident de valoriser touristiquement leur patrimoine halieutique local. Certaines d’entre elles, le faisant en partenariat avec la confrérie de Lira, à travers l’association « O Mar da Fin da Terra184 ». On le voit, entre ces différentes confréries, comme le dit E.Louro, la logique n’est pas de « diviser pour régner », mais bien de se coordonner, d’être solidaires et de se stimuler réciproquement. (E.LOURO, 03.07.2009) IMPACTS LOCAUX ET PERSPECTIVES LOCALES Si Mardelira est un projet basé sur une grande participation et gouvernance locale qui suscite aujourd’hui l’adhésion et la fierté de la plupart des acteurs locaux, force est de souligner que sans l’implication initiale des personnes que nous identifions comme les “leaders” du projet : Antonio Allut et Juan Freire, relayée ensuite sur le terrain par Emilio Louro, ce projet n’aurait sans doute jamais vu le jour. En effet, les communautés de pêcheurs « habituées à leur situation d’ agents passifs » marginalisés par la filière halieutique et sous la tutelle d’une administration très bureaucratique, selon A.Allut, sont particulièrement réticentes et résistantes aux changements et à l’innovation. (ALLUT, 01.07.2009) Les leaders mirent donc du temps pour convaincre les pêcheurs du bien fondé du projet ainsi que des bénéfices que pouvait leur apporter leur intégration à celui‐ci. (ALLUT, 01.07.2009 ; 03.07.2009) Remarquons que le contexte local de Lira et les personnalités des leaders du projet correspondent aux définitions de P.Violier (cf.p51), à savoir, respectivement, « une population locale disponible et en partie convaincue que leur situation est intolérable » et « des personnes intégrées localement, œuvrant pour la collectivité » et jouissant d’une légitimité et reconnaissance qui, par ailleurs, suite au projet, va bien au‐delà des frontières galiciennes185. 184 A l’initiative de la confrérie Lira, cette association regroupe les confréries de Muros, O Pindo, Fisterra et Laxe, dans le but de promouvoir touristiquement cette région de la Costa de Morte ainsi que les produits de la pêche artisanale locale. Ce qui se concrétise par une promotion et l’organisation d’événement conjointe (semaines gastronomiques…) (E.LOURO, 03.07.2009) 185 Antonio Allut a d’ailleurs été élu pour ce projet par ASHOKA Espagne, comme l’entrepreneur social espagnol de l’année 2006. 83 • LA PERSPECTIVE DES LEADERS Les leaders (A.Allut et E.Louro) interviewés ainsi que I. Lago, coordinatrice touristique du projet et Xan Camanoo, responsable logistique (deux locaux engagés suite à la création de Mardelira) se disent très satisfaits du projet. Selon eux, les principaux impacts de Mardelira résident tout d’abord dans le développement d’un « capital social communautaire » : une meilleure cohésion sociale entre les habitants de la communauté en raison de leur participation collective au projet et à la réappropriation du patrimoine culturel fondateur de leur identité que celui‐ci à provoqué. Les responsabilités données aux pêcheurs, co‐gestionnaires de l’écosystème marin (patrimoine naturel) et en contact direct avec les touristes concourent, selon E.Louro et A.Allut, à la reconnaissance sociale du rôle, du savoir et du savoir‐faire (patrimoine culturel) détenus par les pêcheurs artisans. Et donc à leur motivation d’une part, à continuer dans le secteur de la pêche artisanale et d’autre part, à adopter des comportements durables et responsables compatibles avec la conservation du capital naturel. Lesquels sont également favorisés par Lonxanet. Si le système de vente directe « Lonxanet » a eu du mal à se mettre en place au début, en raison de la catastrophe du Prestige survenue quelque mois après sa création et ensuite, et des heurs entre les acteurs de la confrérie à cause d’erreurs de livraison dont personne ne voulant assumer la responsabilité, selon les leaders, il fonctionne aujourd’hui très bien. Selon une étude de A.Allut, en 2005, Lonxanet aurait occasionné une augmentation des revenus de la confrérie de 30%. (ALLUT, 2005,12) E.Louro quant à lui souligne également le fait que le système a permis de développer les capacités entrepreneuriales (formations…) des pêcheurs artisans, en allant quotidiennement contre l’idée stéréotypée que ceux‐ci ne sont que des agents passifs qui « ne savent que pêcher » : « los pescadores solo saben pescar.” (E.Louro, 03.07.200) Les leaders sont très optimistes quant au futur à long terme du projet et de la pêche artisanale à Lira. Mais, ils sont également conscients que beaucoup d’efforts restent à faire au niveau de la professionnalisation, la qualité des services et la promotion du projet pour réellement profiter du potentiel du patrimoine éco‐gastronomique halieutique local comme levier de développement touristique durable. Mais, comme susmentionné, le projet n’en est qu’à ses débuts et bien que ces leaders continuent à se plaindre de politique de la Xunta favorisant à leur dépends le mode industriel de production halieutique, ils regardent néanmoins positivement l’intérêt du gouvernement que leur projet, sous la pression médiatique notamment, a pu suscité. 84 LA PERSPECTIVE DES PECHEURS ARTISANS ET MARISCADORAS N’imaginant pas que leur quotidien puisse intéresser les touristes, les pêcheurs artisans et les marisacadoras étaient au départ très dubitatifs par rapport au projet. Aujourd’hui, 23 des 30 embarcations que compte la confrérie de Lira (appartenant à 30 « patrons »)186 peuvent embarquer des touristes.187 Les arguments avancés par les pêcheurs participant au projet, tel Andrès – patron du bateau sur lequel nous avons embarqué – ou Pépita – mariscadora qui nous fit visiter la coopérative de mariscadora ‐ sont plus d’ordre socio‐culturel, qu’économiques188 « cela change du quotidien (…) nous permet de faire des rencontres (…) de parler de notre vécu (…) de montrer que notre travail n’a rien avoir avec la production industrielle (…) de faire connaître les poissons de région …». (ANDRES, FRAN, BOJA, MANUEL, PEPITA 02.07.2009) Cependant, la barrière de la langue, si les touristes ne sont pas hispanophones, ainsi que les conditions climatiques peuvent parfois être problématiques. Car, comme l’ironise les pêcheurs, « les touristes à 7 heures du matin sont loin de s’imaginer dans quelle « galère » ils se sont embarqués… » En effet, le confort des bateaux s’ils ont subi certaines modifications pour accueillir des touristes, reste très rudimentaire et la sortie en mer dure 7 heures, qu’il pleuve ou qu’il vente, que les touristes aient le mal de mer ou pas… Il s’agit donc d’un tourisme actif, induisant à l’instar du « taller de pesca » une forme de valorisation que nous catégorisons comme appartenant au “third order : vertical development” de la typologie de Hjalager (cf.p52). En aidant les pêcheurs sur le bateau et lors de la visite de la criée, les touristes vivent réellement une « expérience » et prennent d’eux même conscience des conditions de travail des pêcheurs artisans, (écosystème, techniques de pêche artisanale, système de commercialisation…) L’impact de Lonxanet couplé à celle de la création de l’AMP est, selon les pêcheurs et les mariscadoras interviewés, également perçu comme positif. Ceux‐ci avouent, cependant avoir parfois du mal à se plier aux contrôles et aux objectifs à long terme du projet. Certes, Lonxanet a permis de solutionner la dépendance vis‐à‐vis des intermédiaires et l’incertitude quotidienne concernant la fluctuation de la valeur économique de leur capture de pêche, mais l’augmentation de leur revenu, bien que réelle, ne s’est pas faite dans des proportions 186 Cf. chapitre consacré à la description de la pêche artisanale . Les 8 embarcations restantes ne le font pas, soit en raison de sécurité, soit suite au refus du « patron » Nous n’avons pu rencontré ces patrons refusant de participer à l’activité mais selon E.Louro, ce refus s’explique par la peur que les touristes gênent le travail des pêcheurs. (E.LOURO, 03.07.2009) 188 Les bénéfices de cette activité vont directement à la confrérie, laquelle reverse un petit pourcentage au patron du bateau. 187 85 aussi importantes qu’on pourrait le penser a priori189 et les pêcheurs artisans se plaignent toujours d’avoir du mal à vivre des revenus de leur travail. Selon E.Louro, plusieurs raisons expliquent cela : les frais inhérents à la création et aux équipement de la nouvelle société, la nécessité de Lonxanet d’être compétitif et donc de proposer des prix en cohérence avec le marché et enfin, le fait que Lonxanet comme nous l’avons vu, réinvestisse ses bénéfices dans des projets communs aux pêcheurs (création de l’AMP, valorisation touristique,…) dont les impacts, s’ils bénéficieront aux pêcheurs de manière individuelle comme collective, ne seront réellement perceptibles qu’à long terme. (LOURO, 03.07.2009) Le point de vue pêcheurs artisans et mariscadoras interviewés contraste donc quelque peu par rapport à l’optimisme des leaders du projet. Bien que la plupart y adhèrent et témoignent d’une réelle fierté par rapport à celui‐ci, en approfondissant un peu la conversation, l’on se rend compte que tous sont nostalgiques du passé190 et que beaucoup d’entre eux restent très sceptiques quant à l’avenir de la pêche artisanale locale. Cette peur par rapport au futur est pourtant ce contre quoi le projet Mardelira tente de lutter. Selon E.Louro, outre les priorités à court terme des pêcheurs artisans, celle‐ci s’explique par le traumatisme de la catastrophe du Prestige restée indélébile dans leur mémoire, rendant d’autant plus difficile le dépassement de ces comportements fatalistes, pourtant nécessaire à la construction du futur durable du village et de la pêche que le projet Mardelira tente de créer. (LOURO, 03.07.2009) L’impact de Mardelira sur le renouvellement intergénérationnel n’est certes pas encore mesurable, mais celui‐ci, n’est pas à l’abri du contexte global actuel caractérisé par une crise économique (augmentation du prix du pétrole, concurrence accrue avec les produits de la pêche industrielle, diminution du pouvoir d’achat et du nombre des touristes…) que le projet malgré toutes ces bonnes intentions, ne peut contrer. Ainsi, si nous n’avons pas de données chiffrées, selon Andrès, le nombre de pêcheurs à Lira depuis la création du projet a continué à diminuer (ANDRES, 02.07.2009). Reste à savoir, si cette diminution aurait encore eu des proportions plus grandes sans la création du projet… 189 Si nous n’avons pas de chiffres exacts, selon E.Louro, le salaire des pêcheurs artisans, est en moyenne les 850 euros/mois. (LOURO, 03.07.2009) Ceux‐ci ne pouvant d’ailleurs pas être considérés comme un “salaire” puisque celui‐ci peut fortement fluctuer et qu’en cas d’intempérie par exemple, les pêcheurs ne gagnent rien du tout. 190 Un des arguments souvent avancé par les pêcheurs artisans comme déclencheur de leur problème est celui de l’adhésion de l’Espagne à l’UE (1985). 86 • LA PERSPECTIVE DES RESTAURATEURS LOCAUX Les restaurateurs intégrés au projet via Lonxanet, jouent un rôle fondamental dans la valorisation touristique durable du patrimoine halieutique de Lira. En effet, plus encore que pour d’autres denrées alimentaires, ils sont un maillon indispensable puisque les produits de la mer sont un des seuls aliments sauvages qui a plus de valeur frais que transformé. Comme mentionné dans l’introduction à cette analyse, c’est essentiellement à travers les restaurants que Mardelira tente de répondre aux facettes économiques de la problématique de la pêche artisanale. Comme nous l’avons vu, les restaurants dans la pratique touristique sont des services imprescriptibles, mais qui peuvent, également, devenir le motif principal du déplacement touristique, en devenant une attraction touristique à part entière. Ces deux approches sont mises en œuvre au travers du projet Mardelira et conformément à la logique systémique et durable du projet, le rôle des restaurants ne se limite pas à être la source de revenu principale des pêcheurs artisans. Localement, ceux‐ci apportent la dimension gustative complémentaire aux autres attractions proposées par la confrérie de Lira et peuvent également servir de levier à l’innovation et la valorisation des dimensions socio‐ culturelles, traditionnelles, identitaires et naturelles des produits de la mer. (E.Louro, 01.07.2009) Comme annoncé dans la méthodologie de notre étude de cas, si les restaurants participants au projet via Lonxanet ne se situent pas uniquement à Lira, pour cette analyse nous nous sommes exclusivement basée sur les entretiens que nous avons eu avec trois restaurateurs de la localité191, dont deux (Casa Dosil‐xouba et Casa Pila) sont particulièrement actifs dans le projet car, outre la valorisation directe des produits issus de la pêche artisanale de Lira, ceux‐ ci proposent en partenariat avec la confrérie de Lira, des dégustations gastronomiques, des cours de cuisines (notamment sur la thématique Slow Fish Lira) pouvant être classifiés selon nous comme appartenant au “third order : vertical development” de la typologie de Hjalager. Différentes stratégies ponctuelles relevant, selon nous, du “fourth order : diagonal development” de la typologie de Hjalager (p.52) sont également mises en place. Tels des concours de cuisine (ouverts au public et/ou duels entre “grands chefs” qui ont par exemple pour thématique : un produit, 100% Mardelira, la récupération de recettes traditionnelles, la valorisation de produits de la pêche locale ayant une faibe valeur économique sur le marché (ex: les algues de Lira‐Portomuinos).…) (D.DOSIL, 04.07.2009) L’objectif de ces initiatives est de stimuler l’innovation, la créativité et la promotion des produits de Mardelira auprès non seulement des touristes, mais également des hôteliers de la région voire de toute l’Espagne. 191 Pensión Restaurante Cachiño, Casa Dosil‐xouba, Casa Pila, ceux‐ci proposent également une offre hôtelière. (cf.p63 ) 87 (JOSE, 03.07.2009) Car, comme nous l’expliqua, E.Louro, bien souvent les restaurateurs, même ceux de la région, sont aujourd’hui coupés du monde de la production (pêche) et n’ont pas connaissance de la variété des produits de la mer qu’ont a offrir les pêcheurs artisans, tels ceux de Lira. (LOURO, 03.07.2009) Mais force est de souligner que le cas de Lira analysé à l’échelle strictement locale, reste particulier. En effet, il s’agit d’une petite communauté, où tous les habitants se connaissent et n’ont donc pas attendu le projet Mardelira pour entretenir des relations et cuisiner “du poisson issu de la pêche artisanale locale”. En effet, sur les trois restaurateurs interviewés, tous ont un lien de parenté avec plusieurs pêcheurs de la confrérie. Et ces relations de parenté, dans une perspective de solidarité locale, nous semble constituer l’une des base fondamentale de la motivation des restaurateurs à participer au projet (càd. favoriser les produits de “Mardelira” (Lonxanet) même s’ils sont parfois plus chers que ceux proposés par d’autres intermédiaires (grossiste, supermarché, importation…) en adaptant leurs menus en fonction de la pêche du jour et des saisons de pêche192…, en organisant en partenariat avec la confrérie des évènements spécifiques (cf.antes). (JOSE &PILAR, 03.07.2009, D.DOSIL, 04 .07.2009) Cependant à l’instar de ce qui a été dit au niveau des pêcheurs‐artisans, se sont réellement les leaders de Mardelira qui ont été la source de ces actions de valorisation touristique spécifiques et in fine, le moteur de la transformation de ces liens de parenté et/ou d’amitié en relations de “co‐opération entrepreneuriale” et de promotion et valorisation réciproque193. Si parallèlement à la solidarité locale, la certification de la qualité des produits (réserve marine), la facilité d’approvisionnement sont également des arguments avancés par les restaurateurs interviewés, la durabilité environnementale telles la variable food miles, si elle est sous‐jacente, est une notion nous semblant peu connue de ceux‐ci, n’ayant été relevée par aucun d’entre eux. Il nous semble important de mentionner qu’à l’instar de P.Palau (cf.p70‐71) nous pensons, qu’à Lira, comme dans les autres zones rurales galiciennes peu ou en phase de développement touristique, subsiste au niveau de la restauration, un décalage entre la demande touristique (surtout urbaine et étrangère) et l’offre. En effet, habitués à une demande locale moins sophistiquée et moins exigeante, les restaurateurs nous semblent ne 192 Et donc renoncer à la pratique très courante mais illégale en Galice, qui est celle de substituer le poulpe galicien base du plat typique très apprécié des touristes« « El pulpo a la galego » par du poulpe marocain (moins cher, ne subissant pas les mêmes contrôle de qualité).(LOURO, 03.07.2009) 193 Les restaurateurs valorisant les produits artisanaux “MardeLira” contribuent à une meilleure rémunération des pêcheurs locaux et donc à la pérennité des pratiques de pêches durable et équitable. Et réciproquement, la confrérie via ses différents actions de valorisation touristique leurs amènent des clients supplémentaires et concoure par la qualité de ces produits également à leur notoriété. 88 pas toujours avoir conscience des attentes des touristes, des canaux de communication, ni du potentiel qu’ils ont à offrir. Ainsi par exemple, la dimension “durable et locale” des produits de la mer proposés dans les restaurants analysés ne fait jusqu’à présent, l’objet d’aucune stratégie de promotion/marketing spécifique, la promotion même des restaurants se faisant principalement par « bouche à oreille » et via le référencement sur les guides et sites Internet de Turgalicia, des offices de tourisme locaux, de Mardelira…). Alors que cette « discrétion publicitaire » peut d’un certain point de vue être considérée garante de l’ « authenticité » tant recherchée par les touristes, force est de constater que le marketing touristique et territorial est un passage obligé pour tout qui se veut acteur touristique. D’où, l’intérêt des initiatives de promotion conjointe et de labellisation telles : « Red de Restaurantes por la Conservación del Ecosistema Marino », « Tabernas Mariñeiras »…, ainsi que des différents programmes ayant pour objectif de stimuler l’innovation, la valorisation des traditions et des produits locaux et l’amélioration de la qualité des services proposés. Tout comme les pêcheurs, les restaurateurs locaux manifestent une certaine fierté vis‐à‐vis du projet Mardelira, notamment car, celui‐ci a enfin permis, d’inscrire leur localité dans le paysage touristique galicien. Si l’impact du projet sur la fréquentation touristique des restaurants locaux est difficile à quantifier, aux dires des restaurateurs, celui‐ci est positif. Il aurait amené des touristes “captifs” (dans le cadre du partenariat avec la confrérie dans le cadre du « Turismo mariñeiro », des “groupes touristiques” venant participer aux activités “taller de pesca”...) mais également une augmentation des touristes de passage, venant simplement manger à Lira pour y découvrir les spécialités locales, “dont ils ont entendu parler”. (JOSE &PILAR, 03.07.2009, D.DOSIL, 04.07.2009) Par ailleurs, motivés par le projet Mardelira, les propriétaires de la Casa Pila ont décidé en 2006 de rénover et d’augmenter leur capacité hôtelière en offrant aujourd’hui 40 lits. (JOSE &PILAR, 03.07.2009) Après la création du projet, deux “casas rurales” ont également vu le jour, faisant passer la capacité hôtelière de Lira de +/‐ 70 lits (avant le projet) à +/‐ 120 lits (D.LAGO, 4.07.09) Sans compter les résidences secondaires qui sont en location, ni les trois familles de pêcheurs ayant décidé de louer des chambres aux touristes et attendent que celles‐ci se labellisent comme “Casas de turismo mariñeiro” (D.LAGO, 4.07.09) (I.LAGO, 3.07.2009) Mais force est de souligner que cette capacité hôtelière tout comme le taux moyen d’occupation hôtelière restent modestes. En effet, en dépit des packages touristiques visant à la désaisonnaliser, la fréquentation touristique de Lira, comme dans les autres régions rurales galicienne reste toujours concentrée dans les mois de juillet‐août‐septembre, occasionnant en conséquence une demande touristique pour les produits de la mer locaux très variable. 89 3.3) Conclusions Au cours de cette analyse, nous avons donc tenté de mieux comprendre “pourquoi et comment le projet de valorisation touristique du patrimoine halieutique “Mardelira” peut contribuer au développement local et touristique durable de Lira”. Si, comme annoncé dans les limites de notre recherche (p11), nous sommes consciente que notre étude de cas reste assez superficielle et que de nombreux biais de l’observateur sont à relever, nous pensons néanmoins être parvenue d’une part, à démontrer la logique systémique et la durabilité transversale du projet et d’autre part, à identifier différentes variables, identifiées au cours de notre partie théorique comme “facteurs clefs” de succès de la valorisation touristique durable de la gastronomie locale (système alimentaire local, leader, participation, coordination capital social, soutient gouvernemental…). Toujours est‐il qu’à l’issue de cette analyse, nous tirons le constat que le projet Mardelira désirant unir “Pêche, Tourisme et Durabilité” est avant tout, un projet de pêche durable dont les dimensions touristiques peinent à s’affirmer. En effet, s’il faut sortir d’une vision quantitative et utilitariste du tourisme et bien que les impacts socio‐économiques, culturels et environnementaux de la valorisation touristique du patrimoine halieutique soient réels, ceux‐ci nous semblent néanmoins devoir être mis en perspective avec la fréquentation touristique de la localité. Laquelle, si elle a augmenté suite au projet, reste saisonnière et modeste. On l’a vu de nombreux obstacles et défis interreliés subsistent. Si, suite à la motivation des leaders, le projet Mardelira a réellement permis d’insuffler un dynamisme socioculturel nouveau au sein de la communauté de pêcheurs, leur permettant de se réapproprier leur patrimoine culturel et d’ “être acteurs de changement” en donnant naissance à des réseaux d’acteurs locaux et globaux, force est de constater que l’on est encore bien loin du “modèle type de réseau idéal” définit par Hall & al.(2003) “comme unissant différents acteurs locaux au travers de coopération et de synergie fournissant une base commune pour la promotion et le marketing de la localité”(cf. p57). En effet, comme nous l’avons vu, le marketing et la promotion conjointe de la destination fait particulièrement défaut et Lira dans l’imaginaire touristique n’étant toujours associé à aucune image, “ terroir” gastronomique précis. Outre le manque de synergie promotionnelle entre les acteurs locaux, la spécificité des patrimoines halieutiques nous semble également être une partie du problème. De fait, la dimension “territoriale” des produits de la mer issus de la pêche artisanale (sauvage et frais) si elle est importante, est beaucoup moins connue et 90 évidente que celle de produits de la “terre” transformés ou pas (fromage, vin, truffe, …). De surcroit, à part les moules de Galice, aucun autre produit de la mer ne bénéficie pour l’instant, du “capital intangible” que représentent les labels AOP, IGP…,qui comme nous l’avons vu, servent souvent de base au développement d’attractions touristiques rurales (routes…). De même, force est de souligner que les criées ‐ passage obligé Figure 27 La dimension territoriale du patrimoine halieutique de Lira ? pour tous les pêcheurs artisans ‐ , ne sont (Photo prise au marché San Miguel de Madrid, le seul point de vente directe des produits de la mer de Lira (via Lonxanet) aux particuliers. Contrairement aux autres marchés de produits de la mer (gérés par des intermédiaires traditionnels), l’origine locale des poissons y est clairement affichée) pas des marchés (ex : marchés fermiers) et que par rapport à ces derniers, la mise en tourisme des criées et le rapprochement producteurs‐touristes restent limités (visite guidée), car la vente directe de 2 produits de la mer aux touristes (particuliers) y est toujours interdite (sauf rares exceptions). Qui plus est, la nature même du poisson “frais” (courte durée de conservation) réduit les opportunités de vente directe aux touristes qui séjournent à l’hôtel. Mais tous ces obstacles et faiblesses inhérentes, nous semblent avoir été bien compris par les acteurs locaux et régionaux, qui parallèlement aux initiatives de labellisation régionale et internationale des produits locaux et au développement du modèle de gestion intégrée du littoral « pesca‐turismo do Atlantico » basé sur la valorisation touristique du patrimoine culturel et de la gastronomie des villages côtiers galiciens soutenu par la Xunta, des programmes d’innovation, telle la création de “souvenirs touristiques gastronomiques”194,…sont aujourd’hui mis en œuvre. Ainsi, nous terminerons cette analyse critique en soulignant que malgré tous les défis restant à surmonter, le projet Mardelira a déjà parcouru un bon bout de chemin. Et, à l’instar d’ E.Louro (cf.annexe p 71‐72), nous restons convaincue que le tourisme durable à un rôle à jouer dans la promotion du patrimoine éco‐gastronomique issu de la réserve marine halieutique de Lira et qu’inversement, ce dernier recèle un grand potentiel pour le 194 Une initiative que la confrérie de Lira essaye de mettre en place en partenariat avec l’industrie locale de conserve est celle de la création de « poissons et fruit de mer Mardelira en conserve et bocaux de haute qualité » permettant de commercialiser le poisson autrement que frais et/ou de valoriser des produits ayant une faible valeur commerciale (algues…)et pouvant dès lors devenir des “souvenirs touristiques gastronomiques” à emporter chez soi. (LOURO, 03.07.2009) 91 développement touristique durable de la localité. En effet, Mardelira est selon nous, un projet de développement local durable original d’une grande valeur qui a déjà réussi à démontrer que la fatalité n’existe pas et que quand l’Homme (le pêcheur, le restaurateur, le touriste,…) y met du sien, il peut faire renaître le Patrimoine Naturel et Culturel qu’il a contribué à faire disparaître…. 92 Conclusions générales “Penser globalement, agir (et manger) localement” telle fut la philosophie qui nous a guidée tout au long de ce mémoire ayant pour objet « Les patrimoines éco‐gastronomiques, Tourisme et Durabilité”. Trois concepts interreliés, qui n’ont pourtant, jusqu’à ce jour, été que relativement peu étudiés de façon simultanée. En effet, la gastronomie, service touristique imprescriptible, est au cœur du tourisme, pouvant dans certains cas, également devenir une attraction touristique à part entière et un des facteurs principaux du déplacement touristique. Des interactions indissociables et variées unissant ces deux secteurs, apparaît la nécessité de construire une relation durable entre le tourisme et la gastronomie, une relation de bénéfices réciproques répondant à l’urgence de la durabilité devenue un enjeu tant touristique que gastronomique. Si la thématique est vaste et peut être abordée depuis une variété de perspectives différentes au Nord comme au Sud de la planète, le choix du projet Mardelira comme étude de cas spécifique, nous amena à nous focaliser sur le milieu rural côtier (galicien) et à mettre en exergue la phase « productive » (pêche artisanale) et le rôle fondamental joué par les producteurs alimentaires locaux (pêcheurs artisans) dans la gastronomie. Désirant démontrer la convergence d’intérêts et la rétroalimentation pouvant exister entre le secteur productif local et le secteur du tourisme tout deux confrontés à des enjeux similaires (la durabilité) et distincts (valorisation, diversification, identité, image….), nous avons sélectionner la question problème suivante : « Pourquoi et comment la valorisation touristique des patrimoines éco‐ gastronomiques peut‐elle contribuer au développement local et touristique durable des zones rurales ? » Pour répondre à cette question et construire notre modèle d’analyse, nous avons tout d’abord cherché à contextualiser notre problématique en répondant au « pourquoi » de notre question problème. La perspective choisie fut donc dans un premier temps exclusivement «patrimoniale et éco‐gastronomique ». Autrement dit, en abordant les évolutions qu’à connu la gastronomie, définie comme une interface entre Nature et Culture, un marqueur identitaire de l’espace et des sociétés, nous avons mis en exergue les enjeux locaux et globaux (environnementaux, socio‐économiques et culturels) qui sont à la base de l’intrusion de la notion de « patrimoine » et de « durabilité » dans la gastronomie. Ensuite, à travers l’exemple de la pêche artisanale, une activité traditionnelle structurante des territoires, nous avons abordé le rôle fondamental des producteurs alimentaires locaux (les pêcheurs artisans) 93 qui menacés et marginalisés par le système alimentaire actuel que nous avons qualifié d’industriel et de globalisé, sont gestionnaires d’un Patrimoine Naturel et détenteurs d’un Patrimoine Culturel susceptibles de transmettre des valeurs et des connaissances bénéfiques à notre société dominée par le dogme de la rationalité économique et productiviste et ne parvenant pas à la conservation du Capital Naturel sur lequel est pourtant basé l’entièreté de son « développement ». De ces divers enjeux contemporains nous en avons tirer la conclusion de la nécessité de valoriser les producteurs locaux et leurs patrimoines éco‐gastronomiques. Le second chapitre de notre mémoire relia l’urgence de la durabilité gastronomique avec le deuxième terme de notre problématique : Le tourisme durable. Après avoir analysé brièvement le rôle de la gastronomie – bien touristique imprescriptible ‐ dans la consommation touristique contemporaine et souligner l’importance du contexte touristique actuel, qualifié de « favorable à une relocalisation alimentaire », nous avons démonté que la gastronomie est une perspective négligée mais pourtant essentielle du tourisme durable (ou Steady‐State Tourism), à savoir un tourisme promouvant de manière transversale des formes de production et de consommation durables et contribuant ainsi à la conservation du Capital Naturel reconnue comme partie intégrante d’un développement qualitatif. Ces divers constats, nous amenâmes à répondre à la question du « comment » de notre question problème, en expliquant « comment » les interactions qui unissent ces deux secteurs (le tourisme durable et producteurs alimentaires locaux) peuvent se rétroalimenter et être vecteur de développement local et touristique durable. Il s’agît donc de démontrer, d’une part, l’intérêt que peut constituer le tourisme pour la valorisation des patrimoines éco‐ gastronomiques et les enjeux auxquels les producteurs alimentaires sont aujourd’hui confrontés et d’autre part, l’intérêt particulier que peuvent receler les patrimoines éco‐ gastronomiques locaux pour le développement touristique durable de la localité. Basé sur la littérature existante cette démonstration fut très théorique, mais nous permit néanmoins d’identifier une série de « facteurs clefs de succès » et de variables à mettre en exergue lors de notre étude de cas (typologie de Hjalager, présence d’un leader, soutien des autorités locales, labels (marque), réseaux d’acteurs et systèmes alimentaires locaux, innovation, capital entrepreneurial,…) Comme nous l’avons abordé dans l’introduction générale de ce mémoire, notre recherche comporte de nombreuses limites et n’apporte pas de « recette touristique miracle » garante du succès de la valorisation touristique durable des patrimoines éco‐gastronomiques dans n’importe quel contexte. En effet, comme nous le prouva l’analyse de notre étude de cas, 94 entre la formulation et la logique théorique et intellectualisée faite par les scientifiques et celle plus terre à terre des acteurs sur le terrain, un énorme fossé peut exister. Si beaucoup de connaissances et d’outils méthodologiques restent à développer, force est de constater que tout n’est pas toujours aussi simple qu’il peut paraître en théorie et qu’outre le contexte global, les caractéristiques spécifiques des patrimoines éco‐gastronomiques et du contexte local dans laquelle la valorisation touristique se déploie (structures économiques, pouvoir, motivations et jeu d’acteurs, ressources, cohésion sociale, localisation….) sont réellement des facteurs déterminants. Reste qu’en dépit de toutes ses limites, notre mémoire nous aura permis de mettre en exergue une série d’enjeux locaux et globaux nous tenant personnellement à cœur et nous aura aidé à mieux comprendre pourquoi et comment, le « paradoxal » tourisme dans ses facettes gastronomiques, peut éventuellement être une partie de réponse à l’enjeu global de durabilité auquel notre Planète est aujourd’hui confrontée… « Knowledge creation proceeds in much the same way as the gastronomic developments. New ingredients, new cooking techniques and new forms of presentation and delivery are combined to produce new dishes, new meal experiences and whole cuisines. (…) like cooking, knowledge creation cannot proceed purely on a hit and miss basis, there needs to be a recipe or an approach that guides the research process. In most established disciplines paradigms have been established, challenged and develops over long periods of time. In tourism and gastronomy, however, such structures are still relatively undeveloped. (…) we need to identify the types of knowledge that still need to be developed.” (HJALAGER & RICHARDS, 2002,227) 95 Bibliographie OUVRAGES ET ARTICLES SCIENTIFIQUES : • ABAD ROMERO P. (2003) “ El turismo rural en Galicia” in Revista Galega de Economía, vol. 12, núm. 2 (2003), pp. 1‐25. • ALLUT A. & FREIRE J. 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(2009), Tourisme et Alimentation durable, conférence, cycle de séminaires: Un tourisme urbain durable pour Bruxelles, ULB‐IGEAT et Ministère de Tourisme bruxellois, 21 avril 2009, à Bruxelles. • OZER, Pierre (2008), Le réchauffement climatique, notre assiette, et les litres de kérosene, conférence, avril 2008, (dans le cadre du cours Tourisme et Transports ULB‐ IGEAT 1er Master Tourisme.) • UNIVERSITE DE LYON, (2009), Patrimoines alimentaires, passion ou raison ?, Entretiens Jacques Cartier, du 31 novembre au 1 décembre 2009, à Lyon. ENTRETIENS : • A.ALLUT, Fondateur de Lonxanet et professeur d’Anthropologie à l’Université de la Corogne, entretien réalisé le 12.11.2008 à la Corogne et le 1.07.2009, lors de la conférence : Conservación da biodiversidade, turismo e desenvolvemento local (org. CEIDA), à Santa Cruz. • ANDRES, MANUEL, BOJA & FRAN, pêcheurs artisans de la confrérie de Lira, entretien réalisé le 02.07.2009, lors de notre journée en mer avec ceux‐ci et à la criée de la confrérie. • CACHIÑO, propriétaire de la pension‐restaurante de CACHIÑO, entretien réalisé le 03.07.2009, à Lira au restaurant CACHIÑO. • CHAPELA R., responsable du département socio‐économique de la pêche au sein de CETAMAR (Fundación Centro Tecnológico del Mar), entretien réalisé le 1.07.2009, lors de la conférence : Conservación da biodiversidade, turismo e desenvolvemento local (org. CEIDA), à Santa Cruz. • D.DOSIL, Propriétaire de la casa Dosil‐Xouba, entretien réalisé le 04.07.2009, à Lira à la casa Dosil Xouba. • FERNANDEZ RODRIGUEZ M., employé de l’Office du Tourisme de la Corogne, entretien réalisé le 12.01.2009, à la Corogne. • GARCIA NAVEIRA, secrétaire de Lonxanet, entretien realisé le 09.07.2009, par telephone. • JOSE & PILAR, Propriétaire de la Casa Pila, entretien realisé le 03.07.2009, à Lira à la Casa Pila. • LOURO E., secrétaire générale de la Confrérie des pêcheurs artisans de Lira, directeur du projet Mardelira, membre du CA de Lonxanet et fondateur de Slow food Lira, entretien réalisé le 1.07.2009, lors de la conférence : Conservación da biodiversidade, turismo e desenvolvemento local (org. CEIDA), à Santa Cruz et le 03.07.2009, à Lira 112 dans les bureaux de la Confrérie et en presence de LAGO I., Coordinatrice touristique du projet Mardelira et Xan Camanoo, responsible logistique de la confrérie de pêcheur de Lira. • LAGO D., responsable de l’office du tourisme de Carnota, entretien réalisé le 04.07.2009, dans les bureaux de l’office du Tourisme • MENDEZ L., employé de l’association professionnelle du secteur touristique de la Costa da Morte (APTCM), entretien réalisé le 05.07.2009, à Corcubion. • PEPITA (Josepha Fernanandez), Mariscadora de la confrérie de Lira, entretien réalisé le 02.07.2009, lors de notre visite de la coopérative des Mariscadoras de Lira. • TALBO M., employé de Turgalicia, entretien réalisé le 26.02.09, à l’office régional du tourisme de Turgalicia, à Saint‐Jacques de Compostelle. 113