Rapport sur le Commentaire en anglais

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Rapport sur le Commentaire en anglais
Rapport sur le commentaire dirigé en anglais
Le commentaire dirigé en anglais portait cette année sur un extrait de A
Midsummer Night’s Dream de William Shakespeare. Le passage proposé, situé à l’acte
3, n’a pas posé de problème majeur à la grande majorité des candidats, qui
connaissaient bien l’œuvre et ont su ainsi aisément replacer l’extrait dans l’économie
générale de la pièce. Cependant, trop nombreux sont ceux qui se sont plus attachés au
caractère événementiel du texte et aux relations entre les personnages qu’au texte luimême en tant que tel. Nous ferons donc quelques remarques d’ordre méthodologique et
nous formulerons quelques conseils avant de passer aux éléments de correction de
l’épreuve. Enfin, le lecteur trouvera en fin de rapport la reproduction de deux bonnes
copies.
I - Bilan de la session 2003
-
Méthode
Il est regrettable de constater qu’un grand nombre de candidats ne semblent pas
avoir lu scrupuleusement les multiples conseils méthodologiques donnés dans les deux
précédents rapports du jury. Nous les invitons donc à le faire. En effet, de trop
nombreux candidats “conçoivent encore le commentaire de texte comme un simple
travail de repérage des champs lexicaux produits sous forme de listes, détaché de toute
volonté démonstrative et argumentative, organisé selon des plans superficiels centrés
sur les personnages” (rapport 2001). Qu’il nous soit donc permis de redire qu’un
repérage des champs lexicaux ne constitue pas une analyse mais présente à peine le
travail primaire de lecture du texte effectué par le candidat.
Le jury a aussi pu constater que certains candidats n'avaient manifestement pas
lu l'œuvre et tentaient de masquer leur méconnaissance du texte en ne faisant aucune
allusion au contexte et au co-texte. Or, ici, l'explication était impossible sans perception
du changement de situation chez les personnages, source du comique.
Le jury a tout de même eu l’occasion de lire nombre de bons commentaires,
basés sur une lecture scrupuleuse du texte, cherchant à en démonter les mécanismes et à
en proposer une interprétation convaincante et personnelle.
Introduction
L’introduction du devoir doit permettre de “problématiser” le sujet et de faire
apparaître clairement les développements et le plan. Nul n’est tenu de présenter
longuement l’auteur de l’œuvre en question, encore moins par des poncifs tels que
“Shakespeare, one of the greatest playwrights of all time, …”. Remettre l’extrait en
contexte ne signifie pas non plus résumer la pièce pendant une demi-page, voire une
page, en expliquant le rôle de chacun des personnages. Dès l’introduction il convient d’
amorcer une réflexion et de proposer une problématique, un fil conducteur, et un plan
motivé qui laissera apparaître une progression interne au devoir.
Développement
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Commenter le texte
Le commentaire n’est ni une paraphrase ni une description. Raconter n'est pas
expliquer, reformuler n'est pas analyser. Or, l'explication se limite souvent à cette
activité de reformulation du texte originel, agrémentée de citations non exploitées ou
non explicitées. Il ne s'agit pas de dire ce qui se passe, mais de repérer les thématiques,
les motifs, les mouvements du texte, et d'en considérer le fonctionnement. Les candidats
doivent donc s’attacher à mieux exploiter le texte, à le disséquer pour aboutir à une
interprétation personnelle et non à une simple redite. Ils doivent également trouver la
juste mesure entre trop citer le texte et ne pas le citer du tout.
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Citer le texte
Nous rappelons qu’une citation n’est pas une argumentation et qu’elle doit
éclairer le commentaire et non se substituer aux remarques personnelles. Les citations
sont trop souvent utilisées comme illustration ou confirmation du propos, sans aucune
analyse véritable. Il faut donc proscrire les listes de citations interrompant le propos, qui
éparpillent l'attention du lecteur (Défaut rédhibitoire : le mélange de citations
éparpillées dans la phrase, dont on perd le fil. Cela donne un devoir décousu, trahissant
une pensée fragmentaire, non synthétique). Il faut choisir une citation pour sa
pertinence, puis s'efforcer de démontrer en quoi elle a permis d'en arriver au propos
critique qu'elle vient justifier. Les citations tronquées, qui visent à faire dire au texte ce
qu’il ne dit pas, sont également à proscrire. De même, il convient de faire remarquer
que le texte doit être scrupuleusement respecté : trop nombreuses sont les citations
inexactes (souvent lorsqu’un autre passage de la pièce est cité) ou celles dont
l’orthographe est pour le moins fantasque.
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Le texte dans l’œuvre
Le commentaire doit avant tout être basé sur une lecture minutieuse du texte et
ainsi éviter l’écueil du placage de cours. Point n’était besoin de proposer des
développements sans rapport avec le passage à étudier : sur la lune, le rôle des fées, de
la forêt, etc. Il n’est pas nécessaire de vouloir démontrer à tout prix que l’on a travaillé
consciencieusement pendant l’année en plaquant des extraits de cours (René Girard et le
désir mimétique par exemple) mais il est par contre indidpensable d’étudier au plus près
la rhétorique, les figures de style, et de chercher à proposer une interprétation
personnelle à partir du texte, objet premier de l’attention du candidat. Des remarques
plus générales peuvent parsemer le commentaire et mettre le passage ou le motif
considéré en perspective, à condition de ne pas oublier de commenter le passage luimême.
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Style et statut de l’œuvre
Il était attendu des candidats qu’ils aient une connaissance minimale des figures
de style et qu’ils cherchent à les utiliser dans leur interprétation. Un simple repérage ne
prouve rien et reste stérile s’il n’est pas intégré à un commentaire (Exemple : “We can
find an oxymoron line 129”). Nous rappelons aussi que la séparation du fond et de la
forme n’est pas conseillée, car elle n’aboutit que rarement à un développement cohérent
et argumenté. Il convient également de garder à l’esprit que les personnages d’une pièce
ne sont pas réels et qu’on ne saurait donc se limiter à une lecture naïve d’un texte
littéraire dans laquelle on pourrait prendre à partie les personnages ou les juger comme
s’ils n’étaient pas fictifs (Exemple : “Demetrius has such a mean attitude”). Les
personnages dans une pièce ou dans un roman sont des constructions discursives, pas
des êtres de chair dont on peut interroger les motivations, les désirs, les intentions, les
réactions. Partir du texte, du fonctionnement du discours d'un personnage, doit
permettre d'éviter cette dérive trop courante.
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Organisation du devoir
Enfin, trop de copies montrent un déficit d'organisation et de construction très
gênant : parties répétitives, plan cachant mal une simple paraphrase linéaire, ou série de
repérages présentés sous forme de listes ou de catalogues, sans aucune progression. Un
commentaire, pour être convaincant, doit être organisé, progressif. Il doit obéir à un
plan identifiable et facile à suivre pour le lecteur. Ceci passe d'abord par une
présentation claire et aérée, qui signale le passage d'une partie à l'autre par un blanc.
Chaque partie, pour être convaincante, doit être organisée de façon progressive : pour
une partie sur la confusion, il est bon d'annoncer la thématique considérée, puis de la
décliner en quelques paragraphes concentrés autour d'un aspect constitutif de cette
confusion (changement de situation, confusion du discours, confusion des sens et des
sentiments, …), dont l'objet à chaque fois est clairement établi. Chaque aspect doit être
développé dans un paragraphe cohérent, qui s'appuie sur des exemples introduits et
analysés (choisir un ou deux exemples, pour éviter les listes). Les parties décousues,
procédant par accumulation de remarques d'une ou deux phrases hors de toute
organisation en paragraphes, sont trop fréquentes. Il faut penser à mettre en relief la
logique de la progression dans le passage d'un paragraphe à l'autre, puis d'une partie à
l'autre. Pour ce faire, des transitions doivent être ménagées entre les différentes parties
du commentaire. Ces transitions ne doivent pas seulement être rhétoriques (“Let’s now
turn to …”) mais elles doivent démontrer qu’un cheminement se fait, que le
commentaire progresse pour aboutir à une conclusion.
Conclusion
Bon nombre de conclusions sont répétitives et ne font que reprendre les
développements effectués en les résumant. Or, une conclusion, pour être pertinente, doit
permettre de comprendre la démarche adoptée dans la copie et mettre en relief la
démonstration que le candidat aura tenté de proposer. Il s’agit donc plutôt d’ouvrir sur
l’œuvre entière par exemple, et de montrer en quoi l’analyse du passage a permis
d’éclairer notre vision et notre compréhension de la pièce, tout en soulignant la
spécificité de l’extrait ou, au contraire, sa parenté avec d’autres passages de l’œuvre.
-
Langue
Si certains candidats s’expriment dans une langue riche et idiomatique, avec le
souci d’utiliser un lexique et des formules rhétoriques variés, le vocabulaire de la
plupart des candidats est souvent pauvre et répétitif, et la langue et l’expression ne
s’approchent que trop rarement d’un anglais “authentique”. Soulignons toutefois que la
parfaite qualité de la langue n’est pas gage d’une bonne note au commentaire.
Cependant, il nous semble qu’un certain nombre de fautes récurrentes sont
inacceptables venant de candidats à un concours d’enseignement de l’anglais (*“She
does not realizes…” ; *“He has to chose…”/*“She is afraid to loose…” ; *“Demetrius
uses a style very solennel” ; *“She does not understand Helena choice”, “As we have
said it, …”, etc.). Peu d’entre eux savent que dans la structure <One of the
+superlatif+nom>, le nom est au pluriel (*“One of the funniest passage in the play”),
connaissent l’ordre syntaxique d’une interrogative indirecte (*“She doesn’t know what
is love”), la règle du redoublement de la consonne lorsqu’il y a ajout d’un suffixe
(*occured) ou encore savent que quiproquo se dit quid pro quo en anglais. Une
méconnaissance du vocabulaire courant conduit même un candidat à un développement
sur les céréales, puisqu’il confond “oath” et “oats”.
L’on peut attribuer à la précipitation un certain nombre de fautes d’orthographe,
mais la relecture doit tout de même être un passage obligé afin d’éliminer un maximum
d’ erreurs : le critique René Girard devient pour un candidat “Renard Girard”,
Demetrius devient souvent Dimitrius, Puck est souvent transformé en “Puke” (!), et
certains mots sont bien trop souvent mal orthographiés : *rythm, *elloped, *reveils, ou
encore *obeing. Les candidats doivent veiller à éviter les néologismes, mais aussi à ne
pas truffer leur devoir d’expressions idiomatiques parfois peu appropriées à l’épreuve
(“Last but not least, …”). Enfin, une relecture sérieuse doit être effectuée pour épargner
au lecteur des qualifications telles que “the book”, ou “the novel” pour une pièce de
Shakespeare.
II - Éléments de correction :
Le corrigé qui suit n’a pas pour but d’être exhaustif, ni d’être un corrigé-type. Il
s’agit d’éléments d’analyse du passage qui, nous l’espérons, permettront aux futurs
candidats ou aux candidats malchanceux de se familiariser avec l’approche du
commentaire attendue par le jury. Il va de soi que les repérages qui suivent n’étaient pas
exigés dans leur totalité. De nombreux candidats ont obtenu une note honorable en
articulant leur analyse autour de certains de ces repérages, qu’ils ont su organiser dans
un plan convaincant et clair, sans pour autant tout dire du texte.
Remarques introductives :
Le Songe d’une nuit d’été est un drame poétique : c’est la pièce de Shakespeare
qui compte le plus de vers rimés (43%) après Love’s Labour’s Lost (62%). Le jury
s’attendait donc à des commentaires qui tiennent compte de la spécificité littéraire, mais
aussi théâtrale, de l’extrait choisi, situé dans la deuxième scène de l’acte 3, scène
centrale de l’acte central, point culminant de la pièce. Cette scène montre un état
exacerbé du désordre amoureux, où la méprise de Puck et la tentative de réparation de
l’erreur par Oberon donnent lieu à un comique de situation qui se transforme en un jeu
cruel pour ceux qui pensent en être les victimes. C’est aussi une scène de spectacle pour
Puck et Oberon, dans laquelle les imbroglios amoureux donnent lieu à une rivalité qui
tourne à l’affrontement violent. S’opère ici un renversement du triangle amoureux, où
Helena se croit la victime d’une mauvaise plaisanterie (“foul derision”) puisque
Demetrius, qui la fuyait, et Lysandre, qui était épris d’Hermia, se mettent maintenant à
la poursuivre et à l’aduler. La passion excessive devient une moquerie peu galante où
les malentendus sont plutôt des mal-vus. On note une gradation dans toute la scène 2 où
l’on va de la confusion à la violence verbale, pour terminer par l’affrontement physique
et le duel que les deux hommes se promettent. Un crescendo se remarque aussi dans
l’incompréhension (amazement) qui se termine presque en bagarre générale (fin de 3.2).
Dans notre extrait, la progression est également dramatique, puisqu’on passe ici d’un
duo à un trio, puis à un quatuor. Chacune des deux jeunes femmes accuse tour à tour
l’autre de se liguer avec Lysandre et Demetrius pour se moquer. En fin de compte, c’est
le spectateur qui se moque, aidé en cela par le dramaturge et son alter ego, Puck, dont
on est en droit de se demander si c’est à dessein qu’il se trompe (“Or else committ’st
thy knaveries wilfully” 3.2.346). Dans cette mise en scène des fluctuations du désir, la
qualité sonore du texte et la musique du vers sont une dimension essentielle, perçue à
travers les répétitions, les échos et les différents jeux d’homophonie. On observe aussi
les changements incessants de ton : bombastic/euphuistic, snivelling/reproachful,
impassioned/serious, sincere, reasonable, etc.
Consigne :
La consigne invitait les candidats à envisager cette scène en regard de celles qui
confrontent précédemment les jeunes Athéniens, et à analyser la nature comique de
l’extrait. Elle ne les autorisait en aucun cas à n’envisager le texte que sous son aspect
événementiel. Le jury attendait des remarques d’ordre thématique et stylistique (figures,
rythme, rimes, métrique).
Repérages :
-
l’ironie dramatique et la mise en abyme du regard/le spectacle comique.
Il convient de commencer par ce qui est hors-texte, mais pas hors-scène. Les
candidats devaient faire remarquer que la perception est double dans ce passage,
puisque Puck et Oberon (invisibles pour les jeunes gens) assistent comme nous à cette
scène, en quelque sorte une autre pièce dans la pièce. Postés quelque part dans l’espace
scénique, ils sont comme au spectacle : “Shall we their fond pageant see ?” (3.2.114). Il
s’agit là d’une des nombreuses instances de mise en abyme du regard spectatorial dans
la pièce, qui atteint son apogée dans la représentation de Pyrame & Thisbé, agrémentée
des commentaires cinglants de Thésée et de sa cour, spectateurs dans le spectacle. Cette
pièce-oxymore (“tragical mirth”) proposée à Thésée le place dans la même position que
Puck ici : “Our sport shall be to take what they mistake” (5.1.90). La notion de “sport”
(“Diversion, entertainment, fun”) est particulièrement importante dans la pièce,
puisqu’elle lie personnages et spectateurs. Les spectateurs prennent un plaisir cruel à
voir évoluer les quatre amants déroutés par ce quiproquo, dont l’instigateur (Puck) ne
cache pas les délices qu’il lui procure : “Then will two at once woo one./ That must
needs be sport alone;/ And those things do best please me/ That befall
preposterously.” (3.2.118-121, juste avant le passage). Et plus loin : “And so far am I
glad it so did sort/ As this their jangling I esteem a sport.” (3.2.352-3). Le plaisir
(“please”) de Puck à observer une scène qu’il sait être sans queue ni tête
(“preposterous”) confine à un plaisir scopophile et sadique, qui doit s’interrompre
lorsque la menace surgit. Puck a ici, contrairement à l’acte 2, une compréhension totale
de la situation, et devient ainsi le reflet du spectateur qui, lui, jouit d’une vue globale
depuis le début et fait preuve d’un voyeurisme complaisant. La nature comique du
passage tient à la notion de décalage entre les différentes perceptions d’une même
situation, illustration poussée de l’ironie dramatique.
-
la cruauté du jeu comique/du jeu amoureux : mockery, “scorn”, “sport” and victimizing.
Dans ce texte, le sens du terme “scorn” n’est pas le sens moderne de “mépris”,
mais celui de “moquerie”, “raillerie”. Le premier vers du passage choisi (“Why should
you think that I should woo in scorn ?” 122) reprend précisément les termes de 2.2
lorsque nous avions quitté Helena et Lysandre. Ce dernier, confondu avec Demetrius à
cause de ses habits (“weeds of Athens he doth wear” 2.2.77), venait de s’éveiller
soudain ébloui par la beauté d’Helena, une fois placé sous le charme du suc magique
(love juice) déposé sur ses yeux par Puck. Voici la réaction d’Helena : “Wherefore was
I to this keen mock’ry born/ When at your hands did I deserve this scorn?” (2.2.129130, et “woo”, 136). La rime “born”/“scorn” nous révèle déjà la tendance d’Helena à
s’apitoyer sur son sort (tendance que l’on a pu observer juste avant, 2.2.96-105), à se
poser en victime née, comme si elle ne pouvait être que rejetée ou raillée. Les candidats
connaissant bien le texte ont pu citer ces vers qui forment un prélude à la situation en
3.2. La “comédie des erreurs” commence donc en 2.2 par un duo entre Lysandre et
Helena qui, rejetée par Demetrius, ne prend pas au sérieux les déclarations enflammées
de Lysandre qu’elle sait être épris d’Hermia. Elle se pose déjà en victime d’une
plaisanterie peu galante : “Perforce I must confess/ I thought you lord of more true
gentleness” (2.2.137-8, et “abused” 140). En 3.2, elle reproche aux jeunes gens leur
manque de courtoisie en des termes similaires : “you would not use a gentle lady so”
(152). Le caractère comique de la situation est donc ici obtenu aux dépens d’Helena qui
semble animée d’un sentiment de persécution : “To bait me with this foul derision”
(197. NB : ici “bait”=torment, persecute). Le terme “bait” est un terme à connotation
violente, puisqu’il évoque la pratique de “bear-baiting” ou “bull-baiting”, qui consistait
à lâcher des molosses féroces sur un ours ou sur un taureau retenus par une chaîne à un
poteau, le spectacle étant vivement apprécié des foules. Se sentant acculée, Helena doit
se défendre contre la violence des attaques qu’elle ressent physiquement, comme
touchée dans sa chair : “feel the injury” (148 et 219. Le sens littéral d’injury est celui
d’“affront”). Cette alliance du comique et de la cruauté rappelle le sort de Malvolio
dans Twelfth Night, où Maria et ses acolytes lui jouent un vilain tour en lui faisant croire
à l’amour de sa maîtresse Olivia. Les déboires du serviteur zélé sont à plusieurs reprises
qualifiés de “sport” par les instigateurs de ce jeu qui sont aussi spectateurs de leur mise
en scène. Bafoué, Malvolio utilise, lors de sa dernière réplique, le même type d’image
violente qu’Helena : “I’ll be revenged on the whole pack of you.” (5.1.368). Ici, on note
la profusion des termes liés à la moquerie et au plaisir que l’on peut en retirer : “scorn”,
“derision”, “merriment”, “mockers”, et un crescendo dans le ressentiment d’Helena au
cours de son long réquisitoire : de “sport” à “false sport” (194), de “derision” à “foul
derision” (197). Dans cette rhétorique de l’apitoiement on remarque également le
mouvement de “lady” (152) à “maid” (158), pour aboutir à “virgin” (160) dans ce qui
sonne comme une dématérialisation du corps qui accentue sa fragilité. Dans le même
esprit, Helena utilise la répétition nuancée pour mieux se faire entendre/plaindre : “poor
maid” (158), “poor soul” (161) et finalement “poor friend” (216). Elle se croit la
victime de ses amis, à commencer par Lysandre : “You do advance your cunning more
and more” (128).1 Sa paranoïa se justifie par le brusque retournement de situation, qui la
voit passer du rang de jeune femme délaissée, convaincue de sa laideur, à celui de
femme admirée, louée pour sa beauté parfaite. Ses mots trahissent donc le sentiment de
conspiration qu’elle éprouve : “O spite !” (145), “in spite of me” (194) (“spite”=hostile
or malevolent action; deliberate injury or insult), mais surtout “all bent/ To set against
me” 145-6, “join” 150 et 216, “confederacy” 192, “conjoined all three” 193,
“conspired” 196, “contrived” 196 (ces deux derniers termes forment une paronomase
qui souligne l’impression qu’elle a que tous sont ligués contre elle). Présentée comme
psychologiquement fragile, rendue vulnérable par les éternels refus de Demetrius, elle
est donc une proie facile pour le dramaturge qui l’utilise à des fins comiques. On se
devait également de remarquer la circularité de l’extrait proposé aux candidats,
puisqu’il se termine par la réaction d’Hermia, qui ne sait plus quoi penser de ses trois
partenaires de jeu, et qui utilise les mêmes termes que son amie: “I am amazèd at your
passionate words./ I scorn you not. It seems that you scorn me.” (220-1). Un
renversement final s’opère, qui va donner lieu dans la suite de la scène à des échanges
assez violents entre les deux jeunes femmes.
-
le renversement : inversion, reversal, role reversal, metamorphosis, displacement.
On constate dans cette scène un double renversement des rôles, puisque Helena
prend la place de son amie dans le cœur/aux yeux de Demetrius et de Lysandre, avant
qu’Hermia ne prenne à son tour la place de la victime en fin d’extrait. On remarque
également une inversion du triangle amoureux et un renversement de la poursuite
amoureuse. Helena, délaissée au début de la pièce, est maintenant ardemment courtisée
par les deux jeunes hommes et changée en femme aimée, tandis qu’Hermia prend la
place de l’amoureuse éconduite. Helena est métamorphosée en Hermia en quelque sorte,
ce qu’elle souhaitait au début de la pièce : “The rest I’d give to be to you translated”
(1.1.191). (Le terme “translated” est évidemment le terme-clé de la métamorphose dans
la pièce : “Bottom, bless thee. Thou art translated.” 3.1.113). La situation initiale est
inversée, mise sens dessus-dessous, comme l’indique l’adverbe que Puck emploie :
1
Si, en quelque sorte, les spectateurs font preuve d’un sadisme complice, on a pu remarquer
précédemment qu’Helena tirait de la soumission un plaisir quasi-masochiste, ce qui rend sa personnalité
plus complexe qu’il n’y paraît : “I am your spaniel, and, Demetrius,/ The more you beat me I will fawn
on you./ Use me but as your spaniel: spurn me, strike me,/ Neglect me, lose me; only to give me leave,/
Unworthy as I am, to follow you.’ (2.2.203-7).
“preposterously” (3.2.121). Cette figure du prépostère (équivalent de la figure de
rhétorique hysteron proteron) où ce qui vient devant, “pre-”, est placé après, “post-”,
qualifie bien la scène dont Puck est le spectateur privilégié, où un véritable amour a été
inversé (“some true love turned” 3.2.91), et où la cour dont Helena est doublement
l’objet provoque une situation grotesque. Helena se lamentait de n’être point aimée et la
voilà qui souhaite être détestée : “Can you not hate me—as I know you do—/ But you
must join in souls to mock me too ?” (149-50). Hermia, que Lysandre aimait par dessus
tout, est maintenant haïe : “Why seekst thou me ? Could not this make thee know/ The
hate that I bare thee made me leave thee so?” (189-90). On constate un effet de miroir
inversé dans les vers 186-190, qui commencent par “Lysander’s love” et “bide” (=stay)
et se terminent par “the hate” et “leave”, termes antithétiques aux premiers. De même,
le reproche que Lysandre fait à Demetrius (“you are unkind” 162) se retourne
immédiatement contre lui-même, puisque lorsqu’il a délaissé Hermia il l’a fait de
manière peu amène : “unkindly” (183). Éconduite par Demetrius en début de pièce,
Helena finit par se trouver “as ugly as a bear” (2.2.100). Ici, elle devient pourtant un
parangon de beauté, car amour et beauté sont intimement liés dans la pièce. Le suc tiré
de la fleur “love-in-idleness” (2.1.168) “Will make or man or woman madly dote/ Upon
the next live creature that it sees” (2.1.171-2). En conséquence, la femme regardée est
aimée, et la femme aimée est belle parce qu’elle est aimée : “O Helen, goddess, nymph,
perfect, divine !” (137). Le style emphatique souligne la perfection “incomparable” de
la jeune femme aux yeux de Demetrius, qui effectue une mise au point de sa vision à
son réveil, envoûté (aveuglé ?) qu’il est par le charme. Auparavant négligée, Helena
devient maintenant “Helen” (sans le “a”), l’égale de la belle Hélène de Troie, mi-femme
mi-déesse, symbole courant de la beauté sublime à l’époque élisabéthaine (voir Faust
dans la pièce éponyme de Marlowe : “Was this the face that launched a thousand ships/
And burnt the topless towers of Ilium?/ Sweet Helen, make me immortal with a kiss.”
5.1.97-9). Helen(a) devient un butin précieux que les hommes marchandent (165-7)
après avoir été la femme dont personne ne voulait, pas même les bêtes sauvages qui
prenaient peur à sa vue. On constate aussi que “Lysander’s love” (186) lui donne à voir
“Fair Helena” (187), ce qui nous montre ainsi le caractère fluctuant de la beauté :
Helena pense en début de pièce avoir les mêmes attraits qu’Hermia : “Through Athens I
am thought as fair as she” (1.1.227), et pourtant Demetrius ne voit plus que la beauté de
sa rivale, qu’il appelle d’ailleurs “fair Hermia” (2.1.189). Celle-ci, repoussée à l’acte 3,
ne comprend pas non plus ce soudain revirement : “I am as fair now as I was erewhile.”
(3.2.274). En fin de pièce, Demetrius, toujours amoureux car toujours sous le charme,
trouve encore sa bien-aimée “fair” (4.1.159 et 162). C’est que la beauté, nous dit
Shakespeare, est une question de point de vue : une femme est belle si elle trouve grâce
aux yeux d’un homme. Lors du dernier vers s’opère un ultime renversement,
puisqu’Hermia, dont la place de courtisée lui a été “volée” par Helena (“You thief of
love” 3.2.283) se croit à son tour victime de ce jeu moqueur. Shakespeare lui fait
prendre la place d’Helena, soulignant ainsi le parcours mimétique et croisé des deux
jeunes femmes.
-
la parodie pétrarquiste et le détournement des blasons poétiques : wooing and exaggeration.
Tout comme Lysandre en 2.2 (les candidats devaient rappeler le parallélisme de
ces scènes où Lysandre et Demetrius utilisent le même langage hyperbolique, ainsi que
la consigne les y invitait), Demetrius s’éveille ici à la beauté d’Helena (137-44) et va
exagérément louer ses qualités. Helena n’est pas dupe et souligne cet excès :
“superpraise my parts” (153). Aveuglés par la passion, les jeunes amants en utilisent
l’idiome. Ici le rythme, les rimes et le langage utilisés sont tels qu’ils en deviennent
ouvertement parodiques : “O Helen, goddess, nymph, perfect, divine !/ To what, my
love, shall I compare thine eyne?/ Crystal is muddy.” (137-9). La rhétorique utilisée
(hypophore) manque de finesse, la juxtaposition de termes redondants est lourde (137),
la chute malhabile et peu poétique, si bien que tout le passage apparaît comme un
pastiche de la poésie pétrarquiste, véritable canon de la poésie de cour à la Renaissance
(Pétrarque, Il Canzoniere).2 Ici Demetrius manie l’hyperbole avec tant de ferveur qu’il
en devient grotesque. On remarque la répétition et le mouvement de l’interjection quasiincantatoire “O”, en début, en milieu et en fin de vers (137, 39, 143) dans une attitude
d’adoration et de prosternation, sa félicité béate (voir la rime “kiss”/“bliss” 143-44), et
les deux enjambements (142-3, 143-4) qui soulignent son empressement à toucher cette
femme parfaite. Le style rappelle le couplet si conventionnel à la rime quasi-proverbiale
de Lysandre à l’acte 2 : “Transparent Helena, nature shows art/ That through thy bosom
makes me see thy heart.” (2.2.110-1). Le langage précieux, sophistiqué, exagéré et qui
use de nombreuses accumulations et figures de style parfois lourdes dans le but de
séduire évoque également l’euphuisme (euphuism, d’après Euphues (1579) de Lyly,
roman au style caractérisé par sa préciosité). La grande régularité, la rigidité et le strict
respect de la métrique (structure décasyllabique) dans les vers 137-44 forment un
exemple de patterned speech typique de la poésie courtoise conventionnelle.
L’hyperbole “princess of pure white” (144), et l’image de la lactescence des neiges
éternelles (141) nous rappellent que la blancheur la plus virginale était l’un des canons
de la beauté à l’époque élisabéthaine (cf “The Virgin Queen”). Cette blancheur est
soulignée, rehaussée, par le rouge intense de ses lèvres (“kissing cherries” 140, image
éculée, cf 5.1.189). On note que Demetrius reprend les mêmes images que son
camarade Lysandre lorsqu’il s’agit de vanter la pureté d’Helena : “That pure congealèd
white (…) turns to a crow/ When thou hold’st up thy hand” (141-3), là où Lysandre
choisissait “Who will not change a raven for a dove ?” (2.2.120). Cette exagération
métaphorique de la noirceur souligne la blancheur éclatante de l’être aimé : on
remarque que Hermia, une fois délaissée, devient sombre quand Helena lui fait de
l’ombre : “tawny Tartar” (3.2.264), “Ethiope” (3.2.257).
Si Shakespeare démontre les excès des jeunes hommes en amour et tourne en
dérision les codes pétrarquistes utilisés dans la poésie de cour, il attire aussi notre
attention sur le côté artificiel du style de Demetrius, qui n’est d’ailleurs pas éloigné du
sien. En effet, l’utilisation du terme “compare” (138) est gauche car elle ne fait que
souligner l’artifice rhétorique de la poésie galante fondé sur la comparaison.
Shakespeare en donne un exemple dans son sonnet 18 (adressé au young man) : “Shall I
compare thee to a summer’s day ?/ Thou art more lovely and more temperate” (1-2).
Dans MND les images employées et la conclusion à laquelle Demetrius parvient (la
beauté sublime de sa belle) avec force exagérations rappellent le sonnet 130, construit
sur l’antiphrase et la description réaliste : “My mistress’ eyes are nothing like the sun ;/
Coral is far more red than her lips’ red;/ If snow be white, why then her breasts are dun/
(…) And yet, by heaven, I think my love as rare/ As any she belied with false
compare.” La forme même du sonnet shakespearien (trois quatrains et un distique)
semble parodiée lors de l’échange qui ouvre le passage : Lysandre et Helena utilisent
des sizains (six-line stanzas) formés d’un quatrain et d’un distique (qui riment comme
les six derniers vers d’un sonnet shakespearien : ababcc), sizains qui se répondent et qui
possèdent chacun une unité sur le plan imagé. S’ensuit un échange de vers rimés, qui
semble incomplet (“you” n’a pas de rime). Le langage allitératif—parodié dans Pyrame
et Thisbé (5.1.145-6 et 275-81 ex : “with bloody blameful blade”)—fait aussi partie de
l’attirail rhétorique des amants (“Bearing the badge” 127, “princess of pure white”
144). L’auteur a beau jeu de se moquer de ces figures (Est-ce là une forme d’auto2
Dans ce recueil de sonnets, le poète, éperdument épris de la belle Laure, insiste avec force sur la
parodie ?), lui qui les utilise souvent dans sa propre poésie (sonnet 12 : “When I do
count the clock that tells the time”). Le blason poétique (poésie décrivant de manière
détaillée, sur le mode de l'éloge ou de la satire, les caractéristiques et les qualités d'un
être, d'une partie du corps ou d'un objet, à laquelle Shakespeare fait référence dans le
sonnet 106) semble aussi raillé par Demetrius, qui loue successivement les yeux (138),
les lèvres (140) et les mains (143) de sa belle. Les excès de l’amour lyrique sont à
nouveau dénoncés à l’acte 5, lorsque Flute/Thisbé en propose une version parodique où
tout est “preposterous” : “His eyes were green as leeks” ! (voir 5.1.324-9). Enfin,
Helen(a) atteint une beauté cosmique, universelle, lorsque Lysandre la compare aux
étoiles du firmament : “Fair Helena, who more engilds the night/ Than all yon fiery O’s
and eyes of light.” (187-8. On note la paronomase “night”/“light”).
-
la perception et la perte des repères : senses and amazement.
Dans MND, le regard est une forme de pouvoir. “Love looks not with the eye,
but with the mind” (1.1.234), s’exclame Helena. Cet adage est constamment invalidé
dans la pièce, où le coup de foudre (love at first sight) est ridiculisé, notamment par le
biais des clichés pétrarquistes que les jeunes hommes utilisent. Ici, Lysandre et
Demetrius (dont la seule évocation du nom semble suffire à le réveiller ; voir 2.2.108
pour le réveil symétrique de Lysandre) sont tous deux sous le charme du philtre
magique déposé sur leurs yeux et ont donc l’illusion de l’amour. Regarder, c’est aimer
(voir Titania et Bottom, 3.1.132), et aimer, c’est être captivé par le regard de l’autre. La
rhétorique amoureuse passe donc par un éloge du regard, qui est lui-même synonyme
d’amour des autres : pour Helena, si Hermia est aimée, c’est qu’elle a de beaux yeux :
“Made me compare with Hermia’s sphery eyne” (2.2.105 ; cf 1.1.188). Dans notre
passage, l’image stellaire est preuve de la splendeur d’Helena : “O’s and eyes of light”
(=stars, 187-8), et l’on se souvient qu’elle jalousait Hermia en des termes similaires :
“your eyes are lodestars” (1.1.183). Lorsque Lysandre, aveuglé par la passion, vient à
la courtiser, Helena se plaint que Demetrius ne lui fait pas, et ne lui fera jamais, les yeux
doux : “That I did never deserve—no, nor even can—/ Deserve a sweet look from
Demetrius’ eye” (2.2.132-3). C’est pourtant bien le cas ici, où le regard trompé de
Demetrius converge instantanément vers le regard de sa douce, “eyne” (138), qu’il
admire par dessus tout (cf Pétrarque et “Les yeux de Laure”, sonnet LXXV). Les yeux
servent donc de métaphore de l’amour. Cependant ils servent aussi à verser des larmes
puissance de son regard, qui le lie à elle.
(voir 2.2.96-99), ce qui se vérifie ici, puisque Lysandre pleure de sincérité (123-4.
Helena pense que ce sont là des larmes de crocodile) tandis qu’Helena pleure d’avoir
été malmenée : “To conjure tears up in a poor maid’s eyes” (158).
Dans cette pièce où l’aveuglement amoureux est un thème central (Cupidon
ratant sa cible, 2.1.155-72), l’ouïe apparaît comme le seul recours contre une vue
constamment trompée par l’illusion. Ici, la cécité propre à l’obscurité de la nuit (“dark
night”, 177) guide Hermia vers son amant, qu’elle reconnaît au son de sa voix (la rime
“sound”/“found” 181-2 vient souligner cet état de fait), l’ouïe étant plus fiable que la
vue (on remarque l’ordre syntaxique “not by mine eye, Lysander, found” 181, qui met
une insistance particulière sur la négation), et ses capacités étant amplifiées par
l’absence totale de vision dans la nuit noire (177-80). La métaphore du trésor amoureux
retrouvé (“pays”, “double recompense”, 180) est bien ironique ici, puisqu’en guise de
récompense Hermia va trouver son fiancé entiché d’une autre. Le terme “apprehension”
(178) évoque évidemment les mots de Thésée dans sa fameuse tirade (5.1.2-22) :
“Lovers and madmen have such seething brains,/ Such shaping fantasies, that
apprehend/ More than cool reason ever comprehends.” (5.1.4-6). Cette fiabilité de
l’ouïe va cependant trouver ses limites et se perdre dans un vertige des sens qui aboutit
à une aporie sensorielle lorsque Puck se transforme en ventriloque pour séparer les deux
amants, trompés par leur ouïe à la fin de cette même scène (3.2.396-430).
La dichotomie seeing/loving s’accompagne d’une autre opposition moins
évidente qui laisse les personnages perplexes : seeming/being. Lysandre prétend être
sincère, mais ne justifie sa sincérité que par des apparences : ses larmes ne sont que des
manifestations extérieures qui ne sont pas gage d’amour véritable (“tears”123, “weep”
124). Pourtant, elles suffisent selon lui à prouver sa bonne foi : “How can these things
seem scorn to you,/ Bearing the badge of faith to prove them true ?” (126-7). Les
marques distinctives que sont les larmes ne peuvent être pour lui que des preuves de sa
sincérité, alors qu’elles ne peuvent être que signe de sa duplicité moqueuse pour
Helena. Il y a là une réflexion dramatique sur les apparences et sur la notion de point de
vue, de décalage entre plusieurs perceptions d’un même signe. Helena, qui joue avec
les apparences dans sa métaphore de l’amitié parfaite et totale (“seeming parted” 209, et
“seeming bodies” 212, avec un jeu d’antanaclase sur “seeming”, tantôt verbe, tantôt
adjectif), interprète les signes extérieurs selon ses dispositions, et transforme la situation
en complot : “I see you all are bent…” (145), “Now I perceive they have conjoined all
three/ To fashion (=contrive) this false sport in spite of me” (193-4). Cette incapacité à
comprendre, à saisir le réel se manifeste par les très nombreuses questions que l’on
trouve dans le passage. L’interrogatif “why” est répété à de nombreuses reprises, ce qui
dénote la volonté de faire sens de cette situation. Plusieurs questions restent sans
réponses et pourtant ne sont pas purement formelles ou rhétoriques (notamment les
questions d’Helena : 149-50, 196-202, 215-6) : les amants ne peuvent fournir
d’explication parce qu’ils ne sont que les jouets du dramaturge qui les place tour à tour
dans des situations qu’ils sont incapables de justifier ou d’appréhender. Trois questions
se répondent dans un échange quasi-stichomythique où Lysandre justifie sa fuite par
une haine qu’Hermia ne peut saisir. (184-6 : “leave”/“stay”, “love…press”/
“love…press”/“love…bide”. On constate qu’à un trouble de la perception s’ajoute un
trouble de l’identité, car les personnages parlent d’eux-mêmes à la troisième personne.
Cf 152, 160) L’incompréhension d’Hermia (qui culmine plus loin dans ses questions
“Am I not Hermia ? Are you not Lysander ?” 3.2.273) est marquée par la phrase courte
et incisive “It cannot be” (191). Les apparences de la duplicité finissent par la tromper
en fin d’extrait puisque, déroutée, elle pense maintenant être la victime de ce vilain
tour : “I am amazèd at your passionate words./ I scorn you not. It seems that you scorn
me.” (220-1). Cette incompréhension conduit à un vertige, à un état de perplexité tel
qu’Hermia ne fait plus qu’une avec ce “mazèd world” (2.1.113), et finira même par être
rendue muette par une telle complexité : “I am amazed and know not what to say”
(3.2.344). Le bois dédaléen plonge Hermia dans une sorte de labyrinthe mental dont elle
ne peut sortir. Le bois semble aussi avoir des effets secondaires puisque Lysandre, seul
jeune homme à être libéré du charme, garde un souvenir brouillé de sa nuit : “My lord, I
shall reply amazèdly” (4.1.145).
-
l’amour et l’amitié, constance et inconstance : swearing and vowing.
La notion de serment (“vow”) est au cœur de ce passage, où Lysandre jure
d’aimer Helena fidèlement, après s’être juré la mort s’il était un jour infidèle à Hermia
(“end life when I end loyalty”, 2.2.69). Il en vient même à reprendre la phraséologie
habituelle d’un serment de mariage : “Whom I do love, and will do till my death.”
(167) (I do. Till death do us part). On ne peut que remarquer son inconstance, tout
comme celle de Demetrius (qui l’avoue d’ailleurs, 170-3), tandis que les deux jeunes
femmes restent fidèles et constantes dans leur amour. Lysandre se répète (voir
l’anadiplose aux vers 122-3) comme pour marteler/prouver (“prove” 127) sa bonne foi
et sa sincérité (voir le polyptote “vow”/“vows” 124) et assure que ses larmes naissent
d’un serment profond et loyal (“born” 124, “nativity”, “truth” 125, “faith”, “true” 127).
Malgré son recours à un vocable censé prouver sa véracité, son amour n’est en rien
véritable, “true love” (1.1.134), bien qu’il en soit persuadé, sous le charme du philtre
magique. Shakespeare nous propose ici une réflexion sur l’inconstance amoureuse et sur
la superficialité des jeunes gens en amour, qu’il évoque également dans Roméo et
Juliette, lorsque Roméo voit son désir pour Rosalind fondre comme neige au soleil (voir
MND 4.1.164-5) après avoir vu Juliette lors de la fête chez les Capulet : “So soon
forsaken ? Young men’s love then lies /Not truly in their hearts, but in their eyes”
(2.3.63-4). Le dramaturge nous invite à aller au-delà des mots lorsque, loin de croire
aux serments de Lysandre, Helena déconstruit sa démonstration en une autre plus
implacable. Les mots ne sont qu’enveloppe verbale et qu’apparence, ils sont artificiels
et creux, ils n’ont ni poids ni fondement : “Weigh oath with oath, and you will nothing
weigh” (131). Cette métaphore du vide, du rien, fonctionne comme une logique
implacable qui retourne le langage pour démontrer son apesanteur en une épanalepse
astucieuse, appuyée par l’allitération en /w/ et l’assonance en /@U/. Helena file la
métaphore (“scales”, “weigh”, “light” 132-3) et termine sa réponse par la rime
“scales”/“tales”, témoin du manque de poids et de sincérité du verbiage/des fables de
Lysandre. Ce dernier invoque pourtant la raison pour justifier ce soudain revirement : “I
had no judgement when to her I swore.” (134). Cette tentative d’explication
rationnelle de sa bonne foi (Lysandre ne fait que reprendre ce qu’il disait en 2.2 : voir
121 seq.), de justification de son amour, s’avère absurde, puisque l’on sait que dans
cette pièce “reason and love keep little company together” (3.136-7). La dichotomie
amour/raison semble en effet être l’antithèse centrale du Songe, où la déraison est
constamment à l’œuvre dans les rapports amoureux. De même que l’empilement de
vérité annihile l’idée même de vérité (“truth kills truth” 129), l’appel à la raison ôte
toute velléité de justification par celle-ci (on note la double négation allitérative “Nor
none”, 135). A la longue, les serments et les louanges excessives (“vow and swear and
superpraise my parts” 153) deviennent pénibles pour Helena, qui les interprète comme
des insultes : “injury” (148), “offend” (160).
Le thème du serment rompu est aussi repris par Helena lorsqu’elle évoque son
enfance aux côtés d’Hermia : “The sisters’ vows” (199). Helena dépeint un passé
idyllique pour souligner la cruauté d’Hermia qui semble maintenant renoncer à sa
fidélité. Dans ce passage narratif, Helena abandonne la forme contraignante des vers
rimés et passe à des vers blancs, en alliant savamment end-stopped lines et run-on lines,
ce qui donne à son récit une qualité d’ensemble : l’intimité décrite est rehaussée par ce
maillage serré d’un récit dont on ne peut perdre le fil. Les rimes féminines (“flower”
204, “cushion” 205), qui donnent à entendre des vers plus longs, plus mélodiques et
plus doux, viennent à point nommé lorsqu’elle mentionne les activités typiquement
féminines que sont la broderie et le chant (204-6). Helena évoque également le temps
fugace qui fuit inéluctablement, que l’on ne peut retenir : l’épithète homérique “hastyfooted” (200) qualifie ce temps, qui est décrit physiquement et allégoriquement. Cette
époque révolue est celle du “vert paradis des amours enfantines”. Le recours au pathos
dans un passage qui se veut larmoyant pour mieux apitoyer se termine en un reproche
amer : cette amitié profonde (“love” 215) a été trahie par Hermia, qui a ainsi trahi la
cause des femmes. Cette conspiration avec l’autre sexe (“To join with men” 216, “Our
sex as well as I may chide you for it” 218) a pour effet de dénaturer Hermia, qui n’est
plus dès lors ni une amie, ni une femme (217. On note la césure qui souligne
l’argument).
-
union et scission : unity, twinship, duplicity and division.
Le désir mimétique d’Helena est devenu réalité (“to be to you translated”
1.1.191), et sa métaphore de l’amitié parfaite se concrétise en quelque sorte sous nos
yeux puisqu’elle devient un instant le double de son amie. Cependant, elle va souligner
la division qui règne maintenant entre elle-même et Hermia, et insiste sur ce
dédoublement qui signifie pour elle duplicité. Elle estime aussi qu’elle est seule contre
tous, et que l’union d’avant a été remplacée par une nouvelle, où elle n’a pas sa place
parce qu’elle en est victime : “you all” (145), “all three” (193). La solidarité originelle
qui liait les deux jeunes filles dans une relation fusionnelle et gémellaire est lourdement
appuyée par les nombreuses répétitions de “we” et de “our” (198-219), ainsi que par les
images d’union : “we two” (198), “like two artificial gods” (203), “one” (répété 5 fois
en 3 vers, 204-6), “both” (3 fois en 2 vers, voir l’homéoptote qui donne une qualité
envoûtante à son récit, 205-6, à comparer avec 155-6), “union” (210) “two…one” (3
fois en 4 vers, 211-4). On note le passage du nombre (“two artificial gods”), au double
(“like to a double cherry”, simile, 209), puis à l’unité (“one stem” 211 ; “one heart”
212 ; “one crest” 214, pour la métaphore héraldique). Cette unité parfaite est illustrée
par le terme “incorporate” (208) qui suggère une seule et unique enveloppe corporelle,
comme la double cerise poussant sur une seule tige (209-11). Cette métaphore (qui tient
presque du conceit métaphysique tant Helena pense les choses de manière conceptuelle
mais non sans esprit) culmine dans le paradoxe “union in partition” (210 ; on note la
diérèse qui, si elle permet de conserver dix pieds dans le vers, place également une
insistance toute particulière sur “partition”). Il s’agit là de la dernière utilisation du
vocable “part” et de ses dérivés dans un polyptote qui permet de nombreux jeux de mots
et ambiguïtés. Tout d’abord, la rime “my parts”/“your hearts” (153-4), qui joue sur la
fragmentation du corps célébré dans le blason et sur les qualités d’Helena, est inversée
dans une réappropriation grammaticale qui retourne le conceptuel en personnel et le
collectif en individuel : “my heart”/“my part” (164-5). Ici un autre jeu de mot attire
notre attention : non seulement Lysandre cède sa part d’amour à Demetrius (“I yield
you up my part”), mais il lui cède aussi son rôle d’amoureux. De la polysémie naît la
duplicité : comment Helena pourrait-elle ne pas croire que Lysandre joue donc le rôle
de l’amoureux éploré ? Avec l’oxymore religieux “devilish holy fray” (129) elle
suggère qu’il joue un double rôle, qu’il est diabolique dans sa fourberie. (Cf
Richard III : “And thus I clothe my naked villainy/ (…) And seem a saint, when most I
play the devil” 1.3.36-8). Le langage n’est qu’un masque qui cacherait le néant des
pseudo-serments de l’amant. Le terme “partition” (210) (qui vient après “parted”, 209)
peut éventuellement rappeler la métaphore musicale (partition=sens archaïque de
“score”) et l’unisson des jeunes filles dans le chant (206), mais il évoque surtout le mur
qui va séparer Pyrame de Thisbé dans la représentation des artisans (5.1.165) et donc,
dans une certaine mesure, cette fusion paradoxale comporte les germes de sa propre
destruction. Le dé-doublement de ces sœurs siamoises qui partageaient un amour
fusionnel ne peut que fendre le cœur d’Helena et se faire dans la douleur : “to tear your
ancient love asunder” (215). Cette image violente du démembrement (cf Faust 5.3.7)
est aussi celle de la séparation de Pyrame et Thisbé (“that vile wall which did these
lovers sunder”, 5.1.131) et annonce la fin de la jeunesse heureuse et le passage à la
rivalité de l’âge adulte.
-
la rivalité et la menace : “peril”.
La tension et la rivalité entre Lysandre et Demetrius annoncent ici leur futur
désir d’affrontement physique. Outre la surenchère (“superpraise”) qui marque leur
joute oratoire, on remarque aisément dans l’extrait l’opposition constante entre “I” et
“you/thou” (seul Demetrius utilise le tutoiement), et entre “my” et “your/thy/thine”
(162-176). Pensant être dans son bon droit, Lysandre utilise le premier la forme
impérative, de façon polie (162). Demetrius ne l’entend pas de cette oreille, et répond
de façon plus abrupte (169. voir plus loin ses impératifs et leur rythme similaire :
3.2.332-3), puis menaçante (174). Le ton est plus que sérieux entre les hommes, qui
utilisent diverses métaphores pour parler de l’élue de leur cœur. Les deux jeunes
femmes deviennent une propriété, une marchandise (=réification. cf Égée “As she is
mine, I may dispose of her” 1.1.42) lorsque Lysandre file la métaphore légale/notariale :
“will” 164, “yield” 165, “part” 165, “bequeath” 167 (réponse de Demetrius : “keep thy
Hermia” 169. Helena aussi pensait en ces termes : “give her o’er” 130 et 135). La rime
pour l’œil “bequeath”/“death” (166-7) démontre le caractère superficiel de cet
engagement, qui n’a de sûr que l’apparence. Demetrius, qui calque le rythme de sa
réponse sur celui de son rival (comparer la structure et longueur des phrases et les
césures : 162 et 169, 163 et 170) utilise pour évoquer son amour la métaphore du cœur,
personnifié en voyageur. Demetrius devient alors un véritable “touriste des cœurs” qui
va et qui vient (“guestwise” 171, “sojourned” 171, “home returned” 172), ce qui ne fait
que rappeler son inconstance (cf “this spotted and inconstant man” 1.1.110). Après avoir
partagé leur amour pour Hermia, Lysandre et Demetrius sont à présent rivaux pour
l’amour d’Helena, ce qui est souligné par leur vers partagé (shared line, 173). La rime
homophonique “dear”/“dear” (175-6) qui joue doublement sur l’épistrophe et
l’antanaclase témoigne du danger qui peut naître de cette rivalité pour une même bien
aimée. Le terme “peril”, que l’on trouve au vers 175 : “Lest to thy peril thou aby it
dear”, a de nombreuses résonances dans la pièce, et réintroduit une potentialité tragique
dans cette scène qui constitue pourtant un des points culminants de la comédie. Cette
tonalité plus sombre de la pièce, souvent mise de côté dans la critique au profit de la
dimension onirique et féerique, est pourtant d’importance. Les amours contrariées de
Lysandre et Hermia les poussent à fuir Athènes et sa loi implacable pour se réfugier
dans le bois : “And to that place the sharp Athenian law/ Cannot pursue us.” (1.1.1623). En fin de pièce, ils justifient ainsi leur escapade : “Our intent/ Was to be gone from
Athens where we might,/ Without the peril of the Athenian law—” (4.1.150-2).
Interrompu par Égée, qui réclame sa tête pour cette transgression de la loi, Lysandre
n’en souligne pas moins que seul le danger potentiel les a poussés dans la forêt, où la
comédie débute vraiment pour le spectateur. Pourtant, dans le bois, le danger n’en est
pas moins présent. Helena, poursuivant Demetrius, se voit menacée par l’homme
qu’elle aime : “Stay on thy peril. I alone will go” (2.2.93) et cesse immédiatement sa
folle poursuite. Dans notre extrait, les deux hommes se jaugent avant de décider par la
suite de régler leur différend par la violence (fin de 3.2). On note que c’est Demetrius,
une fois de plus, qui menacera Lysandre, en des termes similaires : “For if thou dost
intend/ Never so little show of love to her,/ Thou shalt aby it.” (3.2.333-5). Les mots de
Demetrius au vers 175 annoncent donc ses futures paroles, et le retour d’une menace
qui obligera Oberon à mettre fin à ce jeu dangereux à la fin de la scène lorsque les deux
garçons veulent s’affronter en duel (“Thou seest these lovers seek a place to fight”
3.2.354). Cette scène comique, qui n’est qu’un divertissement (“sport”) pour Puck peut
virer au tragique si les jeunes amoureux ne sont pas séparés.
Exemples de problématisation du sujet :
- Décalages
On peut considérer que le passage est construit autour d’une série de décalages :
en suivre les implications permet de rendre compte du texte. D’abord, c’est l’écart
fondamental ici dû à l’ironie dramatique qui place les quatre amoureux littéralement et
métaphoriquement “in the dark” (comme le dramaturge le fait d’ailleurs remarquer, non
sans ironie, par Hermia [177]). Leur degré de connaissance est inférieur à celui
d’Oberon et de Puck (“sport”), spectateurs implicites sur la scène, et à celui du
spectateur de la salle qui n’ignore rien du stratagème du philtre et de ses ratés. Outre les
points de vue contradictoires des quatre amants, le point de vue porté sur cette scène par
Puck en souligne la relativité, et cette relativité même est encore décalée d’un plan
pour le spectateur de la salle, précisément parce qu’elle est mise en relief par un
personnage (mise en abyme). Le décalage — entendu ici comme défaut de concordance,
d’harmonie — est patent entre la “sincérité” des deux jeunes hommes, authentiquement
sincères dans leurs déclarations pourtant si emphatiques et convenues (qualifiées par
Helena de “idle breath” [168], paroles vides), et la non moins grande sincérité des deux
jeunes femmes qui essaient de comprendre. D’où l’écart entre les tentatives de
raisonnement des deux femmes et le lyrisme débridé de Lysandre et de Demetrius, alors
que chacun tient le discours de l’autre pour faux. Dans ce cadre général, divers microécarts temporels et spatiaux peuvent être exploités. Ainsi, les effets paradoxaux de
distance et de rapprochement qui soulignent les écarts tant dans le verbe qu’à
l’échelle dramatique/scénique, par exemple dans l’échange entre Hermia et Lysandre
(spatialement proches l’un de l’autre, ils parlent d’eux-mêmes à la troisième personne
[184 seq.]). Autre exemple voisin : “Thou art not by mine eye, Lysander, found” (181):
le verbe significatif est rejeté en fin de vers et les sujets thou/Lysander sont séparés de
l’action impliquée dans “find”. Un décrochage intéressant est celui opéré par Helena
qui, pour se défendre auprès des trois autres, et en particulier pour en appeler à la
“clémence” de Hermia, fait un retour à l’enfance (temps) avant de faire retour vers
Athènes (espace ; dans la scène suivante).
Un autre décalage peut être identifié entre la nature comique de cette scène (proche
en somme d’un épisode de “mistaken identities” concernant ici l’objet aimé) et les
questions importantes effleurées dans ce passage qui dépassent le jeu comique : ainsi
Helena suggère que les deux hommes ne sont pas des gentilshommes (“If you were
civil, and knew courtesy”) puis feint de douter de leurs identités (“If you were men, as
men you are in show”). La piste épistémologique apparaît dans la récurrence du verbe
“to know”. Quand Lysandre dit à Demetrius: “This I know you know”, il martèle une
connaissance sûre et définitive dont le spectateur sait toute l’inanité. Demetrius, de son
côté, lie croyance et connaissance en 174 (“Disparage not the faith thou dost not
know”) : c’est la tension, courante chez Shakespeare, entre les modalités d’accès à la
connaissance et les limites de l’identité (notamment sexuelle).
- Différence et similitude
“Scorn” est le vocable épanaleptique qui encadre ce texte. Lysandre amoureux
demande à l’ouverture à Helena pourquoi il la courtiserait pour de rire (“in scorn”) et la
fin du texte est marquée par la reprise du terme, répété par Helena (“scorning” [216]) et
utilisé à deux reprises dans le dernier vers par Hermia. Dans ces reprises internes du
terme, tantôt substantif intégré dans une expression, tantôt verbe, se dessine un axe
d’analyse possible : celui de la thématique de la différence et de la similitude
(difference and sameness), suggéré par “scorn” répété avec de subtiles variations
grammaticales (isolexisme). Suivant cette piste, on peut évoquer le thème de la
sincérité, notamment par le verbe, qui est ici la chose la mieux partagée entre les quatre
amoureux mais aussi la moins bien comprise (problème de perception et des
apparences trompeuses - ou non). De la même manière, le schéma différence et
similitude se prolonge dans le fait que la situation dramatique de départ (deux hommes
aiment la même femme) est ici identique quoique modifiée (la femme n’est plus la
même), mais le problème du surnombre demeure : il y a toujours un personnage
masculin et un amoureux de trop. Cette ligne triomphe dans la tirade d’Helena sur
l’amitié qui la liait autrefois à Hermia (jeu sur unité et dualité, sur le un et le deux), et
se traduit par l’idée de proximité extrême entre amitié et amour (amitié perçue comme
amour), prolongement thématique de “scorn” et ses variantes. La métaphore d’Helena
évoquant les travaux de couture suggère l’intimité, le maillage serré des deux
existences. Sémantiquement, et ironiquement d’ailleurs, c’est dans son monologue et
dans l’expression paradoxale “union in partition” que l’on retrouve l’idée de
séparation, de mur (illusoire ?), lien avec le mur des artisans qui est ici annoncé dans
cette scène.
Pour conclure ce rapport, vous trouverez ci-après le texte intégral de deux copies
ayant obtenu une très bonne note, qui sont preuves de l’excellence de nombreux
candidats très bien préparés à cette épreuve. Quelques commentaires marginaux mettent
en exergue les qualités et défauts de ces travaux.
Rapport établi par Guillaume Winter,
avec la collaboration de Denis Lagae, François Boulaire, et Emmanuelle Delanoë-Brun.
EXEMPLES DE BONNES COPIES
Défauts
Le plan aurait pu
être présenté
encore plus
clairement
Figure de style
mal identifiée
Copie n°1
Among the various plots which William Shakespeare intertwined
in his play A Midsummer Night’s Dream, the most prominent and
‘unsteady’ one is by far the young Athenians’ love chase in the
woods, a space of magic ruled over at night by the fairies. In this
respect, act 3 scene 2 can be considered as the climactic scene of the
play: not only does it encompass most of the four lovers’ final
dispute, but it is also framed by Bottom’s unexpected transformation
and his recovering his human aspect after Oberon has re-conquered
Titania. The lovers’ sentimental bewilderment enacted in this
excerpt has been caused by Robin and Oberon. They have
respectively charmed Lysander and Demetrius—both Hermia’s
lovers—into loving Helena. The quid pro quo thus prepared thus
grants us with a piece of comedy, the acuteness of which lies in its
ability to play on different registers. Indeed, it first resorts to
classical mainsprings of the comedy of love and the reversal of
situation brought about by the fairies’ magic to subvert the treatment
the former is usually given. But beyond Shakespeare’s various
‘comments’ on this theme, comedy also originates in the
metadramatic interpretation which is proposed to the spectator of the
play, thanks to genre subversion and to a reflection on theatrical
illusion that the interventions of the artisans impose on the reception
of the play, and on this particular scene.
The most obvious comical elements in this excerpt are those
pointing to love and its inconstancy, enhanced by a complete
reversal of situation.
Love is deceitful, and especially the expression of it. That is what
the author seems to be telling the spectator, mainly through Helena’s
cues. Indeed, the more she is praised, the less she believes it, as
conveys the repeated use of symmetrical patterns from line 122 to
line 133 for example. One can note in Helena’s iambic, rhymed lines
the exact reproduction of Lysander’s, as if rejecting his “vows” with
the same force. This pattern is further used in the chiasmus (131)
putting “weigh” at both ends of the line, around the axis represented
by “and”, equating “oath” with “nothing” through a verbal inversion.
Just after that, (132-3), another chiasmus of the sort runs on two
lines, equating this time “vows” with “tales”. After such a change in
Lysander’s behaviour, no man is to be trusted anymore: “truth” is
paralleled to another oxymoronic construction (“devilish holy fray”),
so that the impression is given that “truth and truth” are antonyms.
The immediate following of Demetrius’s awakening and Lysander’s
praise of Helena recall this tendency to automatically betray one’s
words. Demetrius’s discourse (137-44) further spins this thematic
thread, for it amounts to nothing but a deviant Petrarchan poem,
replete with idiotic metaphors: “crystal is muddy” is the first one,
following a rhetorical question to which this troubling hyperbole can
hardly be logically connected as an answer, since it is paratactically
added. An overabundant use of archaic pronominal and verbal forms
ends up totally dismissing the discourse of this new lover of Helena
who, after all, is only guilty of having seen her, like Lysander.
Indeed, beyond the falseness of the courteous discourse, the male
Qualités
Bonne
contextualisation:
pas trop longue et
bien amenée
Plan logique et
pertinent
Bonne utilisation de
la structure du texte
Référence
pertinente
lovers are made ridiculous and laughable by their similar behaviours
and reactions. It is as if they were one and the same, as is
emphasized in Helena’s speech (145-61), and especially in the
anaphoric use of you. They are not to be distinguished anymore,
(“mockers”, “men”) and are even deprived of determining articles in
these instances. This precisely point to the stereotyped discourse by
both of them, which prevents Helena from differentiating them.
Moreover, they have the same way of reifying their former love,
Hermia, by resorting either to financial vocabulary (165-6) or to
‘tourist’ lexicon (171-2). It is here that Shakespeare’s vision takes a
particular twist. For, if the male lovers are similar, they remain two
different people, and ridiculous as such. On the contrary, the bond
between the two women that Helena tries to appeal to is of a very
different nature. Here, as well, the pronominal determination plays a
crucial role (“we”, “our”) and is echoed, in this idea of melting, by
the anaphoric use of the structure “both…one” (204-6). The
nostalgic remembrance in which Helena indulges even recalls the
stilted lines of Demetrius, especially the “cherry” metaphor, here
again conjured up, but not for a base physical reason, rather a
metaphysical one. This ambiguous relationship of simultaneous
sameness and doubleness, furthermore expressed in blank verse
(tending to point, in the lovers’ scene, to a more truthful discourse)
comes in sharp contrast with Lysander and Demetrius’s stilted
images, and with what we had expected from the presentation of this
quadrangular situation in act 1 scene 1.
Absence
For, thanks to the magic juice, the author sets into motion one of
d’interligne
the most efficient techniques in the play, i.e. dramatic irony. Indeed,
in addition to the different oaths uttered by Lysander and Demetrius,
and immediately betrayed by turning on Helena, the real irony is that
the latter finds herself in a situation she wished for earlier on: “The
rest I’d give to be to you translated”. As one of the metamorphoses
in the plot, though not literal, it is recalled in 3.2, by the phrase “O
spite, O hell”, used earlier by Hermia in 1.1, or the paranomastic
effect of 155-6. As a matter of fact, this irony is rampant in the play,
Utilisation abusive and extends beyond the dramatic sphere.
Indeed, as has been underlined, the two gentlemen spend their
de “indeed”
time protesting their uniqueness although they are shown as
conspicuously similar. The tragic potential of the initial situation is
never really negated by Demetrius and Lysander, while Helena and
Hermia think respectively of mockery. But, until the end of this
episode, the former two never cease using tragic artefacts such as
overemphatic phrases (“Whom I do love and will do till my death”),
immediately ridiculed (“death” rhymes with “idle breath”). For the
inconstancy of the male protagonists can also be viewed as a
reference to the delusive experience of theatrical representation.
Indeed, as is emphasized in Hermia’s lines (177-84), sight is not to
be trusted in the worlds of the fairies, to the extent that it could
prevent one from recognizing his/her lover (as the opposition of
“Lysander” between verb and complement suggests, 181). The
reading equating the world of the fairies with a metaphor for the
stage, as the epilogue by Robin suggests, is adumbrated here already,
in Lysander’s lines (122-7). His explanation of his truthfulness could
Manque de
be paradoxically understood as theatre lessons, all the more since
justification
before this scene a rehearsal had taken place showing the mundane
Bonne lecture du
texte
Prise en compte de
la rhétorique et du
style propres aux
personnages
Forme poétique
Prise en compte
Bonne transition
Bonne
connaissance de
l’œuvre, citation
pertinente pour
l’étude du passage
Interprétation
personnelle
theatrical conceptions of the artisans. Here, in Lysander’s speech,
truthfulness of feeling is linked to the externals. The cleavage
truth/appearance is lexically pregnant through these lines (“seem”,
badge”, “prove them true”). Whereas the artisans demonstrated their
incompetence to apprehend theatrical illusion, here the behaviour of
the dramatically inconstant lovers provide a counterpoint. What has
been enacted from the beginning could also be inverted, in the
metaphorical space of the wood.
Conclusion
beaucoup trop
brève et trop
répétitive.
Thus, beyond the subversion of some received ideas on the place
where true love resides (not really in heterosexual courteous
flattering), there is also a reflection on the value of theatrical illusion
which will climactically be enacted in the fifth act, the play-withinthe-play, where the lovers will be, in turn, ridiculed.
Bon argument, mais
qui vient un peu
tard
Au total, bonne
analyse du texte
fondée sur une
lecture minutieuse
et une bonne
maîtrise de la
technique du
commentaire
_______________ _______________________________________________________ ________________
Copie n°2
Laying claim to the intertextual authority of Ovid’s
Metamorphoses, A Midsummer Night’s Dream must be read as a
comedy on the vagaries of desire. Infused with a pervasive sense of
love’s fickleness, it is primarily concerned with portraying the
elusive quality of the human heart, as suggested by Lysander himself
at the beginning of the play: “The course of true love never did run
smooth”. This concern for the vagaries of desire finds one of its most
explicit thematizations in act 3, scene 2, as the young Athenian
lovers meander through the woods in search of their beloveds. As a
result of Puck’s misprision (2.1), both Lysander and Demetrius are
now in love with Helena while Hermia, pierced on a rock of
unrequited love, is at a loss to understand what has become her
“tragical” lot: “I am amazed at your passionate words” (220).
Magnifying the absurdly grotesque love relationship between Titania
and Bottom, this scene typifies the shift undergone by the lovers
from the rational world of Athens to what Northrop Frye has labelled
the irrationality of “the Green World”. Laying the emphasis on the
metamorphic of the human heart, it must be viewed as an
anamorphic mirror reflecting, in a distorting manner, the characters’
previous cues. Faced with this problematic horizon, the scene
conjures up several degrees of significance starting with love’s
fickleness. Sloughing its skin like a snake, escaping the
reader/spectator’s grasp throughout the excerpt, love is here
presented as elusive-like as Proteus. Because of these vagaries of
desire, the whole scene becomes a flyting game, an “agon” couched
in vitriolic language. A tit-for-tat diatribe, it is infused with so much
wrath and anger that the potentially tragic verges into the effectively
comic, in a truly carnivalesque euphoria.
Bonne attaque:
incisive et précise
Bonne
contextualisation
Plan bien amené,
convaincant et,
personnel.
Bon passage de
Exemplifying Lysander’s cues, according to which “The course l’introduction à la
of true love never did run smooth”, this scene brings into sharp focus 1ère partie.
the fickleness of the human heart, a theme which goes hand in hand
with the characters’ interchangeability.
This interchangeability is first thematized through the chiastic
pattern of the scene: Helena thinks that Hermia scorns her, whereas
Hermia thinks the contrary (“I scorn you not. It seems that you scorn
me” 221), Demetrius pursues Helena’s love, while it was at first she
who pursued his, and Lysander expresses his hatred for his once
beloved Hermia (“The hate I bare thee”, 190). As such, the whole
scene seems to be impregnated with a sense of topsy-turviness, as if
love continually escaped the reader/spectator’s grasp by shifting
from one character to the next. What is especially interesting to
notice is the fact that the scene, like an anamorphic mirror, reverses
and distorts the previous order of things. In act 3, scene 1, in
particular, it was Demetrius who said “I love you not. Therefore
pursue me not!” to Helena . Now he calls her “goddess, nymph,
perfect, divine” (137), words which have already been uttered by
Lysander a few cues before. This incident points not only towards
the chiastic quality of the scene, but also towards its emphasis on the
interchangeability of Helena with Hermia (“two seeming bodies but
one heart”, 212) or Lysander with Demetrius.
Another feature of love’s fickleness is its elusive quality, i.e. the
fact that it only “sojourns” in people’s hearts. Explaining to Helena
why he does not love Hermia any longer, Demetrius thus remarks :
“My heart to her but as guestwise sojourned/ And now to Helen is it
home returned” (171-2). A wanderer or a mere traveller, love as such
becomes a stray on an “epic” journey, the end of which keeps
receding. Perhaps even more significant, love is reduced to a mere
commodity. Hermia is thus portrayed as Lysander’s property, as
exemplified by the possessive pronoun “thy”, which is repeated
thrice throughout the passage: “thy Hermia” (169), “thy love”, “thy
dear” (176). This reification of love is of course a direct echo to
Egeus’ earlier cue in act 1, scene 1 on his daughter Hermia: “As she
is mine, I may dispose of her.” It must be noticed, however, that
Titania subverts Oberon’s patriarchal power when using this
pronoun : “Then, I must be thy lady”(2,1). In the end, the characters
themselves are at a loss to understand what is happening to them, as
suggested by the paragoge in Hermia’s cue: “I am amazèd at your
passionate words” (220). Even Lysander is bewildered as he resorts
to the third person singular to speak of himself : “Why should he
stay who love doth press to go?”(184). Estranged from themselves
because of love’s fickleness, the characters are thus induced to
playing a flyting game.
Bonne transition,
mais les termes
sont les mêmes
que dans
l’introduction
A flyting game, an “agon”, this scene is infused with wrath and
anger. Couched in vitriolic language, it must be read as a diatribe, or
rather an indictment of the vagaries of desire.
Helena is angry with Lysander, Demetrius and Hermia for
scorning her, Demetrius condemns Lysander for his lack of
consistency, Hermia is crossed with Helena for mocking her – the
whole scene is imbued with disputes and linguistic violence. Within
such a context, it is not surprising to see such words as “scorn” (1223-6), “against” (146), “hate” (150,190), “conspired” (196),
Analyse
personnelle
Interprétation
convaincante
Bonne
connaissance de
l’œuvre
“injurious”(195) heaping up throughout the excerpt. All the more
significant is Shakespeare’s resort to the exclamative and
interrogative modes which contrive to heighten the agonistic quality
of the scene: “O devilish holy fray!”, “Will you give her o’er?”.
Deuxième partie
Helena’s agonistic tone; however, is highly counteracted by the
beaucoup trop
brève par rapport young lovers’ bombastic style. The lyrical quality of Demetrius’s
cue: “Helen, goddess; nymph, perfect, divine!” (137) is thus
à la 1ère: cela
neutralized, as it were, by Helena’s anger: “O spite! O hell!” (145).
montre peut-être
les limites du plan Throwing swords of words to each other, the young Athenian lovers
will eventually resort to physical violence later on in the scene, with
choisi
Hermia being shaken off like a serpent from Lysander, eager to “get
rid” of her.
This scene is infused with such anger that the potentially tragic
Très bonne
eventually verges on the effectively comic. Impregnated with a truly
transition mais
carnivalesque euphoria, it becomes a grotesque display of love’s
également
répétitive dans ses elusiveness through Shakespeare’s resort to the comic.
termes
Interestingly enough, the carnivalesque atmosphere of this scene
is at first obliquely approached through such words as “derision”,
“merriment”, “mock”, or “mockers”. Far from being tragic, the
scene must be seen as “a sport” (161, 194), or a “jest” to quote one
of Hermia’s cues later on in the play (“Do you not jest?”, she asks
Lysander). For what is at stake here is Shakespeare’s desire to make
fun of the vagaries of desire, thus reinventing himself as a new
“Puck”.
In conveying this carnivalesque euphoria, Shakespeare also resorts
Figure de style
to the human body itself through the rhetorical trope of synecdoche.
mal identifiée
The role of corporeal partitioning throughout the excerpt, indeed,
should not be underestimated. Strewn with such synecdoches as
“thine eyne”, “thy lips”, “thy hand”, the young lovers’ discourses
thus appear as counter-blazons, mocking Petrarch’s famous blazons, Bonne référence
Troisième partie
which consisted in praising the body of one’s beloved through such
assez brève
également : le
synecdochic tropes. Their bombastic style is all the more significant
in that respect, for it contributes to heighten the comical dimension
devoir est donc
of the scene. The effect of such counter-blazons is that Helena is
déséquilibré
almost dismembered or fragmented, as if she were in a “bacchanal” Excellente
(see “the tipsy bacchanals”, 5.1). It is interesting to notice at this interprétation
point that “carnivalesque” comes from the Greek and means “to tear
off the flesh”. And indeed, throughout the scene, the characters keep
tearing off each other’s flesh through synecdoches. Helena’s speech
on her forming just one body with Hermia is thus really comical,
because this is no more than an oxymoron, i.e. “an union in
partition” (210).
Au total, copie
To conclude, this scene offers a prime example of the truly d’excellente
comical atmosphere of the play. Laying the emphasis on the facture, proposant
Conclusion
pertinente mais un characters’ interchangeability, it becomes a mummer’s play. Later une interprétation
on, it becomes a bacchanal with Helena’s metaphorical très personnelle
peu brève
dismemberment. A mummer’s play and a bacchanal, this scene dans un excellent
becomes as such a “jest”, or a farce truly amenable to a Bakhtinian anglais.
reading.