Gouvernance territoriale et projets d`habitat social au Maroc I

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Gouvernance territoriale et projets d`habitat social au Maroc I
Troisième rencontre-Atelier : 14 Avril 2015
Gouvernance territoriale et projets d’habitat social au Maroc
I.
Présentation de l’atelier
Dans un contexte d’épuisement des réserves foncières de l’Etat à l’intérieur des périmètres
urbains, la politique de l’Etat vis à vis de l’habitat social a connu à partir du début des
années 2000 un changement significatif qui s’est opéré par une division de travail entre
l’Etat et les promoteurs immobiliers (privés, publics) : Les moyens financiers de l’Etat
destinés aux logements sociaux sont orientés vers la mise à niveau urbaine, notamment le
programme villes sans bidonville. Quant aux promoteurs, l’Etat leur confie la réalisation de
logements sociaux neufs clef en main en contre partie d’exonérations fiscales et de l’accès à
des terrains privés ou domaniaux (pour certains) situés en général dans les zones
périphériques des villes et urbanisés dans un cadre dérogatoire.
Cette politique voulait rompre, définitivement, avec la politique qui prévalait auparavant et
qui consistait à produire des lots de terrains économiques destinés à la production de
logements sociaux dans le cadre de l’autopromotion ou pour la résorption des bidonvilles
notamment au niveau des grandes agglomérations. Cette politique consacre, donc, le
transfert de la rente dont bénéficiaient les ménages auparavant à des promoteurs publics et
privés.
Selon cette approche, les différentes variantes de logements sociaux 1 sont destinées à
répondre aux besoins des ménages à faible revenu quelle que soit leur situation : primoaccédant à la propriété ou habitant dans un bidonville.
Pour inciter les bidonvillois à accepter le relogement dans des ensembles immobiliers
périphériques, le département ministériel chargé de l’habitat par le biais de l’opérateur
public Al Omrane a eu recours à l’accompagnement social. Cette approche a permis, au
début, le relogement d’un nombre de bidonvillois relativement important mais très vite le
processus de relogement s’est heurté à des bidonvilles très anciens, enclavés au sein des
grandes villes (soit un stock de 140 000 ménages) et dont la population refuse d’être relogée
dans des appartements. Les habitants sont bien organisés et bien informés de la valeur du
sol qu’ils occupent et exigent l’accès à des lots de terrains et des aides pour construire leurs
logements. Dans une conjoncture politique particulière, suite aux mouvements sociaux en
1
Logements sociaux à 200 000 DH avant 2008 remplacés par des logements de 140 000 DH depuis 2008 auxquels se rajoute la
catégorie 250 000 DH depuis 2010.
1
rapport avec le printemps arabe, les pouvoirs publics ont été contraints de retourner à des
pratiques de résorption des bidonvilles qui existaient aux cours des années 1970 et 1980 à
savoir l’attribution aux bidonvillois de lots de terrains aménagés. Mais cette fois ci, ces
attributions se font dans un contexte urbain et immobilier se caractérisant par une hausse
des valeurs immobilières d’où l’apparition de pratiques nouvelles à grande échelle en
matière de construction de logements des bidonvillois (le tiers associé). Ainsi derrière l’accès
à un lot c’est l’accès à la rente foncière. En cédant aux exigences des bidonvillois notamment
à Casablanca, les pouvoir publics créent une situation qui a des conséquences aujourd’hui et
demain sur l’espace urbain à plusieurs niveaux :
1. Au niveau de la persistance et du développement des bidonvilles :
- Résistance des bidonvillois qui refusent les conditions de relogement. Actuellement des
milliers d’appartements destinés aux bidonvillois restent inoccupés (environs 20 000
appartements).
- Beaucoup de bidonvillois ayant accédé à des appartements sur la base de crédits
garantis par l’Etat (FOGARIM) refusent de payer leurs mensualités.
- Les opérations de résorption des bidonvilles constituent un appel d’air d’où une
densification des bidonvilles existants et l’apparition de nouveaux à raison de 10 000
ménages par an 2. Des études plus anciennes parlent de 40.000 unités d’habitat
insalubres (15.000 Baraques et 25.000 habitats non réglementaires) qui se créeraient
annuellement 3.
2. Au niveau des extensions urbaines : La mobilisation des terrains domaniaux à la
périphérie accentue les extensions urbaines et rend le coût des opérations de résorption de
plus en plus élevé.
3. Au niveau de l’offre de logements sur le marché : Les opérations de résorption
contribuent à une offre importante et massive d’offre de logements sur le marché ce qui
constitue une situation inédite.
Situation du programme Villes Sans Bidonvilles en 2014
Le programme "villes sans bidonvilles" (VSB) prévu initialement pour 72 villes et 277.000
ménages résidant dans près de 1.000 bidonvilles a été revu à la hausse (au fur et à mesure
de la réalisation du programme) pour concerner 388 423 ménages dans 85 villes et centres
urbains. Depuis le démarrage de ce programme en 2004 jusqu’à fin décembre 2014, les
efforts accomplis ont permis à 248 659 familles de quitter leurs baraques. Ainsi 52 villes
sont déclarées sans bidonvilles 4. Au fur et à mesure que le temps passe, le rendement du
programme devient décroissant ; Le coût de résorption d’une baraque devient de plus en
plus élevé.
L’objectif de cet atelier est de discuter l’impact politique, économique et social de ces
pratiques et leurs conséquences sur cette frange de population d’une part et la pérennité de
2
Intervention du ministre de l’habitat et de la politique de la ville devant la chambre des représentants le mardi 3 juin 2014 cité
par le journal « Assabah » du 6 juin 2014.
3
Ministère de l’Economie et des Finances « La nouvelle stratégie de logement au Maroc : Déclinaison des principaux axes et
évaluation de leurs impacts » mai 2008.
4
La vie économique du 6 septembre 2014 p 20. MHPV, Evaluation décennale en matière d’habitat et la politique de la ville, 29
janvier 2015.
2
cette politique en vue de la résolution de la question du logement pour les plus pauvres
d’autre part.
D’autres questions plus spécifiques peuvent être soumises aux débats telles que :
- Quelles sont les conséquences de ces tractations au niveau de la formation d’une
conscience politique des habitants des bidonvilles.
- Le rôle de la politique actuelle dans le maintien de la paix sociale au niveau de certains
espaces mais la création de frustrations au niveau d’une large frange de la population
notamment les pauvres non bidonvillois qui n’ont aucune carte à jouer.
- Les conséquences spatiales du développement de l’habitat social sous forme
d’ensembles immobiliers dans les périphéries urbaines.
Les interventions sont structurées autour de trois axes :
 L’expérience étrangère en matière d’habitat social et le positionnement du cas
marocain par rapport à ces expériences.
 Le point de vue des maîtres d’ouvrages (communes) et des maîtres d’œuvre
(promoteurs publics et privés) au Maroc sur l’habitat social d’une façon générale et
sur les opérations de résorption des bidonvilles de façon particulière.
 Le point de vue d’experts et d’acteurs indépendants sur la politique actuelle de
résorption des bidonvilles et ses conséquences politiques et sociales.
3
II.
Programme détaillé de l’atelier
Matinée :
Modération : Claude deMiras
- 9h : Accueil et inscriptions des participants
- 9h30 - 9h45 : Présentation de la rencontre Abdellah LEHZAM
- 9h 45- 10h30 : David ALBRECHT, Consultant : « le logement social dans les
pays émergents entre production massive et urbanisation des bidonvilles,
modalités et limites: quelques exemples latino – américains, mis en regard
avec les expériences sud africaine et asiatique »
- 10h30 - 11h : Abdellah LEHZAM, professeur à l‘INAU, « la politique de
logement social au Maroc »
- 11h - 11h30 : Driss EFFINA, professeur à l’INSEA, « Evaluation du coût
économique de la politique du logement social au Maroc »
- 11h30 - 12h : Mohammed Najib BENYAHIA, Consultant, « Ville durable et
résorption de l'habitat insalubre »
- 12h - 12h30 : Débat
Après midi :
Modération : Aziz IRAKI
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15h - 15h30 : Abdessamad ARCHANE, Président de la commune urbaine de
Tiflet, « l’expérience de la ville de Tiflet en matière de la lutte contre l’habitat
insalubre »
15h30- 16h : Olivier TOUTAIN, Consultant, « Regard sur la pratique de
financement du relogement des bidonvillois par des investisseurs privés : Cas
de Casablanca »
16h - 16h30: Nour-eddine ROUDAB, Directeur du BET Proximity, spécialisé
dans l’ingénierie sociale et les études socio-économiques « Accompagnement
social : approche de recasement et axes de réflexion pour une amélioration
des services à la population touchée par les projets structurants ».
16h30 - 17h : Jacques BARBIER, Consultant, « La résorption des bidonvilles 10
ans après, cas de Settat et de Sidi Yhaia du Gharb »
17h - 17h30 : Débat
4
III.
Biographies succinctes des intervenants
David Albrecht
Diplômé de HEC et de l’EHESS, David Albrecht est économiste, spécialiste de l’habitat et du
développement urbain. Consultant indépendant auprès d’agences de développement, de
collectivités locales et de maîtres d’ouvrages publics ou privés, il a effectué de nombreuses
missions de montage financier, institutionnel et opérationnel et d’évaluation de projets et
de politiques publiques dans ces domaines. Il est également professeur d’économie urbaine
à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris – Belleville, chercheur associé à
l’IPRAUS, et auteur de plusieurs ouvrages et articles sur les questions de l’habitat et du
développement urbain dans le monde.
Abdellah Lehzam
Docteur d’Etat en sciences économiques, spécialiste de l’économie urbaine et immobilière,
ancien directeur de l’Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme, actuellement
professeur de l’enseignement supérieur à l’INAU et consultant auprès d’organismes
internationaux sur les questions de développement et d’habitat urbain. Il est auteur
d’ouvrages sur les questions de logement et de la planification urbaine :
Le logement urbain au Maroc : Les ménages et l’Etat face à l’accès à la propriété et à la
location, Editions CCMLA, Rabat, 1994.
L’accès au sol urbain au Maroc : Eléments d’une stratégie d’accès au sol et aux logements
pour les ménages à faible revenu, Editions PGU/FUM, Rabat, 2001.
Volet Maroc dans «International Manuel of Planning Practice » Editions ISOCARP, Paris,
2008.
Driss EFFINA
Docteur ès sciences économiques, avec une formation de base d’Ingénieur d’Etat en
Statistique, aussi titulaire d’un Master dans le domaine des marchés des capitaux.
Actuellement professeur à l’Institut National de Statistiques et d’Economie Appliquée
(INSEA) et consultant auprès des organismes nationaux et internationaux.
Il dispose des connaissances approfondies en matière des problématiques économiques
marocaines, notamment : les stratégies sectorielles, les politiques publiques, la politique
monétaire, le commerce extérieur, le marché du travail, ..., en plus de sa grande maitrise du
secteur de l'habitat, du marché immobilier, la planification urbaine et le foncier. Il a publié
plusieurs articles au niveau du bulletin du Centre marocain de Conjoncture (CMC) et au
niveau de la revue spécialisée de l’INSEA.
Mohammed Najib BENYAHIA, Diplôme d'architecte D.E.S.A. de l’Ecole Spéciale
d'Architecture de Paris. Ancien DG des Sociétés Al Omrane filiales du Groupe Al Omrane à
Rabat et à Agadir, ancien Directeur Général de la société d’Aménagement Al OmraneTamesna. Président-fondateur de l’Association de Sauvegarde de la Médina et des
Monuments Historiques de Meknès. Auteur de plusieurs articles dans la presse et
interventions lors d’émissions, de conférences, colloques et séminaires. Il a publié un
ouvrage sur l’expérience du projet de développement urbain de Meknès en 1998 (245
5
pages) et un rapport sur l’état des lieux de la médina de Meknès après son classement
comme patrimoine mondial en 2002 (91 pages)
Abdessamad Archane: président de la ville de Tiflet et du Conseil Provincial de Khemisset,
conseiller représentant la région de Rabat-Salé-Zemmours-Zear
Olivier Toutain
Architecte de formation, Olivier Toutain est aujourd’hui consultant indépendant et mène
des expertises dans le champ urbain et social après avoir collaboré à plusieurs études de
planification urbaine (Schéma Directeur d’urbanisme de Rabat, Master Plan de la ville de
Bangalore en Inde).
Au Maroc où il a réalisé une grande partie de sa carrière professionnelle, il a également
travaillé sur les problématiques d’habitat précaire et de résorption de bidonvilles. Dans ce
domaine, il a récemment terminé une étude d’impact social du Programme d’appui à la
résorption de l’habitat insalubre et des bidonvilles (PARHIB) financé par l’Agence Française
de Développement au Holding d'aménagement Al Omrane pour le compte du GRET.
Nour- Eddine Roudab
Diplômé de cycle supérieur de l’ISCAE, fondateur et Cogérant du BET Proximity, spécialisé
dans l’ingénierie sociale et les études socio-économiques.
Disposant d’un parcours professionnel riche dans le domaine de réflexion, élaboration et
conduite de projets d’accompagnement social, de formation, de renforcement des
capacités,
d'organisation
et
de
développement
dans
divers
secteurs :
social (accompagnement
des
personnes
affectées
par
les
projets
VSB),
commerce (accompagnement par la formation et la mise à niveau de commerces de
proximité),formation (ingénierie de la formation, montage et suivi des projets associatifs).
Jacques Barbier
Géographe, aménagiste - planificateur, consultant international en aménagement du
territoire et planification, résident au Maroc, il a été intégré dans ce pays aux grandes
phases de préparation du SNAT et des SRAT (dont il a dirigé les études du Moyen
Atlas, de la Région Meknès-Tafilalet et des trois régions du Sud du Royaume). Il a
également joué un rôle actif dans les études de Stratégie Nationale de
Développement Urbain et dans la mise à niveau de quelques villes. Au niveau international,
il a exécuté personnellement des études des systèmes de planification urbaine au
Cameroun, au Gabon, et dans trois pays d’Amérique centrale et du Sud. Il est aussi
intervenu en Tunisie, Mauritanie, Sénégal et d’autres pays d’Afrique dont il connaît
en détail les systèmes institutionnels. En matière de droit et de pratiques foncières, il a
étudié les systèmes marocain, tunisien, camerounais et malgache, ainsi que celui de la
Bolivie.
Aziz Iraki
Architecte-géographe, Enseignant à l’INAU. Il coordonne la formation doctorale «Urbanisme,
gouvernance urbaine et territoires ». Ses recherches portent sur les questions de
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développement rural et action collective et sur l'intermédiation et les mobilisations
collectives dans les quartiers d'habitat populaire. Ses ouvrages :
Des notables du Makhzen à l’épreuve de la « gouvernance » : élites locales, territoires,
gestion urbaine et développement, Inau/L’Harmattan. 2002.
Développement rural, pertinence des territoires et gouvernance » (coord.), Inau/Relor,
2006Habitat social au Maghreb et au Sénégal.
Gouvernance urbaine et participation en questions, co-direction avec Julien Letellier
L’Harmattan 2009. Mobilisations collectives et mouvement associatif dans les quartiers
d’habitat insalubre. Quels changements avec l’INDH ?, coordination, Edition de l’ONDH.
2012
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