"Allo Berkeley? Ici Lyon… Vous nous voyez bien?" Etude d

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"Allo Berkeley? Ici Lyon… Vous nous voyez bien?" Etude d
"Allo Berkeley? Ici Lyon… Vous nous voyez bien?" Etude d'un
dispositif d'enseignement-apprentissage en ligne synchrone
franco-américain
Christine Develotte, ENS LSH, Lyon.
Nicolas Guichon, Université Lyon 2.
Richard Kern, Université de Californie, Berkeley.
Résumé : Cet article se donne comme objectif de rendre compte d’une formation effectuée en 2006-2007 dans
le cadre d’un dispositif d’enseignement-apprentissage en ligne synchrone à partir d’entretiens effectués auprès
de ses usagers, à savoir des étudiants de master professionnel de l’Université de Lyon 2 et des étudiants de
français américains de l’UC de Berkeley. Après avoir présenté le dispositif mis en place, nous cherchons à
mettre en évidence l’impact de la multimodalité et de la synchronie dans les échanges pédagogiques en ligne.
L’analyse des deux corpus (français et américain) montre une appropriation progressive de la communication
via ce dispositif par les usagers, ainsi que le développement de compétences spécifiques : du côté des
apprenants américains, une amélioration au niveau de la fluidité de la parole, de l’aisance dans la prise de
parole, du côté des tuteurs français une appropriation de gestes professionnels liés à l’écoute et à la spontanéité
dans la relation pédagogique.
Mots clés : multimodalité, synchronie, visioconférence poste à poste, apprentissage des langues.
Abstract: This article describes a synchronous teaching/learning exchange between Masters degree students in
teaching French as a foreign language at the University of Lyon 2 and intermediate-level French students at the
University of California, Berkeley during the 2006-07 academic year. The desktop videoconferencing platform
allowed face-to-face audiovisual communication as well as synchronous written chat. Based on observational
and interview data, the study explores the impact of multimodality and synchronicity on learners’ and tutors’
responses to a series of eight online pedagogical modules and exchanges intended to develop students’
linguistic ability and cultural knowledge. Analysis of the two corpora (French and American) shows a
progressive adaptation to the particularities of desktop videoconferencing and the development of specific
competencies : among the American learners of French, improvement in fluency and greater ease in taking the
floor ; among the French teachers-in-training, development of a professional online persona and flexibility in
their pedagogical stance.
Keywords : multimodality, synchronicity, desktop videoconferencing, language learning.
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1. Introduction
Depuis 2002, le projet international "le français en (première) ligne" offre la possibilité, grâce à un
accord entre deux institutions, à des étudiants français, futurs enseignants de français langue
étrangère (désormais FLE) de s’entraîner à enseigner à distance en s’adressant à de "vrais"
apprenants de français à l’étranger. L’objectif pour les étudiants de FLE est, d’une part, d’avoir une
occasion de pratiquer l’enseignement parallèlement aux cours plus théoriques qu’ils suivent à
l’université, d’autre part, de se former à l’utilisation des outils de communication technologiques.
Pour les apprenants étrangers, il s’agit de leur permettre un contact avec des locuteurs experts de la
langue enseignée ; ce contact a pour but de leur faire pratiquer la langue dans une situation plus
authentique que celle de la classe, en leur fournissant, par le biais des étudiants de FLE, un accès aux
réalités francophones d’aujourd’hui. Après avoir été proposé en mode asynchrone lors des quatre
premières années, la généralisation du haut débit permettait d'envisager de pouvoir passer à la
synchronie à la rentrée de 2006. Ainsi a été mis en place un dispositif vidéographique synchrone
pour l’apprentissage d’une langue étrangère, c'est-à-dire permettant à des apprenants américains de
l'Université de Californie à Berkeley d’interagir en temps réel à l’oral, à l’écrit et par le biais d'une
webcam avec leurs tuteurs, en l'occurrence des étudiants du master 2 professionnel de l'université
Lumière de Lyon.
Cet article se donne comme objectif de décrire l'appropriation d'un dispositif de formation en ligne
synchrone par les étudiants qui y ont participé. Nous posons que l'étude des discours des étudiants
permet d’accéder à leurs représentations et révèle des traces de leurs modes d’appropriation de ce
dispositif d'enseignement/apprentissage, nous fournissant par là même, les moyens d'en évaluer le
potentiel et les limites.
L'analyse croisée des entretiens menés auprès des deux catégories d'usagers de ce dispositif
(étudiants américains et étudiants français) livrera des éléments de réflexion concernant les effets de
la multimodalité et de la synchronie sur la relation pédagogique. Enfin, cette étude devrait permettre
aux concepteurs du dispositif d'en évaluer le potentiel et les limites pour l'apprentissage de la langue
étrangère et pour le développement de compétences d'enseignement en ligne.
2. Cadre théorique
2.1. Dispositifs d'apprentissage des langues à distance : des paramètres
en évolution
"Système sociotechnique" pour Moreau et Majada (2002), "configuration de paramètres" selon
Montandon (2002 : 15), ou "construit d’objets" pour Bernard (1999 : 263), les définitions abondent
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pour cerner la notion de dispositif qui entrelace discours, représentations et paramètres contextuels.
Pour Paquelin et Choplin (2003 : 173), le dispositif exprime formellement et symboliquement les
objectifs souhaités en prenant en compte les contraintes inhérentes à l’organisation et à l’institution
ainsi que les besoins des apprenants. A cette définition, il convient d'ajouter la notion de potentialités
techniques pour des dispositifs reposant sur la technologie.
Parmi la diversité des dispositifs numériques d’enseignement en ligne, on peut différencier ceux qui,
classiquement, associent un enseignant à des apprenants (Campus numérique du Centre National
d'Enseignement à Distance, plateforme Lyceum de l'Open University), de ceux qui construisent une
mise en relation directe des apprenants entre eux selon des objectifs et des configurations différents :
le programme Télé-tandem permet d’échanger langue et culture par le biais de rencontres en ligne
individuelles de même que le projet Cultura "propose une approche comparative interculturelle qui
permet à des étudiants français et américains d'élaborer progressivement et collaborativement leur
connaissance et leur compréhension des valeurs, attitudes et croyances inhérentes à l'autre culture".
C’est dans cette dernière catégorie de dispositifs que se situe le projet "Le français en (première)
ligne" (cf. introduction).
Date de début
Type de
Cultura
Télé-tandem
F1L
F1L (Berkeley)
1997
2003
2002
2007
asynchrone
asynchrone /
asynchrone
synchrone
oral
écrit
vidéo
écrit
son depuis 2005
son
communication
synchrone
temporel
(depuis )
Modalité
écrit
écrit
Type de
pairs à pairs
locuteurs
Medium
pairs à pairs
tuteurs en formations →apprenants
classe à classe
forum
courriel
forum
protocole
clavardage
clavardage
vidéographique
synchrone
poste à poste
(MSN)
Tableau 1 - Dispositifs d'enseignement-apprentissage des langues
Le tableau ci-dessus présente les projets Cultura, Télé-tandem et Le français en (première) ligne
(F1L) -en dissociant, pour ce dernier, les précédentes versions de celle qui fait l’objet de cet article-
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trois dispositifs qui partagent des objectifs linguistiques et culturels. Au fur et à mesure des années,
on peut observer que l'apparition d'outils et de nouvelles fonctionnalités ouvre des perspectives
pédagogiques. D'une part, au gré des avancées technologiques (capacité des ordinateurs et meilleur
débit des réseaux), la modalité asynchrone des débuts tend à disparaître au profit d'une mise en
relation des apprenants en temps réel (synchrone), ce qui possède un impact certain sur le type
d'apprentissage. D'autre part, les échanges qui étaient principalement écrits dans les premiers temps
tendent à se diversifier et à devenir réellement multimodaux.
Kress (2003 : 46) définit la multimodalité en termes de juxtapositions de logiques différentes, par
exemple des textes qui comprennent écriture, parole orale, images fixes et mobiles, musique,
animations, etc. Pour lui, l’interactivité va de pair avec la multimodalité : interactivité
interpersonnelle (le lecteur peut répondre à l’auteur ; communication bidirectionnelle entre
interlocuteurs, multidirectionnelle (un à plusieurs), mais aussi interactivité intertextuelle
(l’utilisateur peut entrer dans une nouvelle relation avec d’autres textes, par le biais du texte devant
lui). Cette co-présence de modalités soulève la question des fonctions ou affordances respectives des
modes—sont-elles redondantes ou marginales ou est-ce qu’elles jouent un rôle important dans la
communication ?
Nous allons, dans le cadre de cet article, nous intéresser à l’impact de la multimodalité et de la
synchronie sur la communication pédagogique en ligne, à travers le discours des usagers.
2.2. Visioconférence : multimodalité et synchronie
Au niveau de la communication, le cadre interactionnel de la visioconférence a été étudié à partir des
entrées descriptives de Goffman (De Fornel, 1994). Au niveau didactique, O’Dowd (2006) propose
de distinguer la visioconférence de groupe (videoconferencing) et la visioconférence de poste à poste
(desktop videoconferencing). Cet article ne va s’intéresser qu’à ce dernier cas, qui place un ou deux
apprenants en téléprésence par le biais d’une webcam. O’ Dowd (2006) signale plusieurs
expériences, semblables à celle qui fait l’objet de cet article, qui ont été conduites au cours des
dernières années et ont mis en relation des apprenants venant de pays différents. Il évoque, par
exemple, une expérience pédagogique entre 25 étudiants d’Essen (Allemagne) et 21 étudiants de
Columbus (USA) qui a donné lieu à des échanges multimodaux synchrones et à des échanges de
courriers électroniques. C’est en nous appuyant sur le compte-rendu scientifique de telles
expériences que nous allons détailler le potentiel et les limites de ces dispositifs pour l’apprentissage
d’une langue étrangère. Nous distinguerons trois points de vue, l’un linguistique, l’autre
communicationnel et le dernier psychoaffectif.
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Point de vue linguistique
La base de ces échanges étant de mettre en relation des natifs et des non-natifs, cela permet tout
d’abord d’explorer plus avant l’hypothèse émise par Long (1996 : 451-2) selon laquelle "la
négociation du sens, en particulier un travail de négociation qui déclenche des ajustements
interactionnels de la part du locuteur natif, facilite l’acquisition parce qu’elle met en relation l’apport
langagier (input), les ressources internes de l’apprenant –en particulier l’attention sélective – et la
production langagière (output) d’une façon productive." Un tel dispositif pédagogique, au-delà des
aspects technologiques ou communicationnels, permet en tout cas de donner aux apprenants un accès
à une langue riche, orale et authentique, inhabituelle en milieu scolaire (Kinginger, 1998).
D’une manière générale, Marcelli et al (2005) soulignent le potentiel de la visioconférence pour
l’apprentissage d’une langue car celle-ci peut "favoriser l’actualisation et le développement des
compétences orales". Plus précisément, les compétences langagières qui sont particulièrement
convoquées concernent la capacité à négocier le sens, la capacité à demander et à apporter des
clarifications et une sensibilité accrue au niveau de compétence langagière de l’interlocuteur
(O’Dowd, 2006).
Point de vue communicationnel
Plusieurs auteurs (Wang, 2004 ; Kinginger, 1998 ; Tang et Isaacs, 1993) signalent l’intérêt de la
multimodalité pour la communication à distance. Ainsi, Wang (2004) rappelle que les indices
paralinguistiques (hochements de la tête, expressions faciales) disponibles avec l’image vidéo
réduisent les ambiguïtés du discours et favorisent la compréhension. Wang souligne également
combien l’information visuelle peut devenir essentielle dès lors que la qualité sonore des échanges
est médiocre, l’image vidéo permettant ainsi de résoudre des problèmes d’incompréhension. La
synchronie, elle aussi, a un impact sur la communication comme le soulignent Marcelli et al (2005)
car "la téléprésence renforce la ‘tension communicative’ et "l’urgence à être compris’" et crée ainsi
un sentiment de forte proximité. Celle-ci peut cependant souffrir de problèmes techniques au premier
rang desquels le problème du débit de l’image vidéo (Zahner et al, 2000 ; Blake, 2005 ; Marcelli et
al, 2005) qui peut interférer avec le débit du son et gêner la compréhension.
Point de vue psychoaffectif
Selon O’Dowd (2006), la visioconférence présente l’avantage potentiel d’abaisser le niveau
d’anxiété chez les apprenants par rapport à la prise de parole dans une situation traditionnelle
d’apprentissage d’une langue étrangère et de favoriser le développement de compétences
interculturelles Cependant, dans le cas de l’expérience germano-américaine décrite plus haut, il
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signale que la multimodalité et la synchronie ont eu des effets contrastés : d’une part, le dispositif
technico-pédagogique alliant échange de courriers électroniques et séances de visioconférence a
favorisé la qualité des relations entre pairs des deux côtés. En revanche, l’immédiateté du médium en
conjonction avec la présence d’éléments visuels a parfois conduit les participants à ne pouvoir éviter
ou ignorer des sujets délicats ce qui a généré des moments d’incompréhension, voire de tension,
entre les deux groupes. Wang (2004), quant à lui, ajoute que la vidéo aide à construire le sentiment
d’appartenance à une communauté d’apprentissage, accroît la confiance et atténue le sentiment
d’isolement parfois ressenti quand l’apprentissage se fait principalement en ligne et à distance (cf.
Hampel et Hauck, 2004). Enfin, et ce n’est pas le moins important pour l’apprentissage d’une langue,
un tel dispositif accroît la motivation à apprendre (Marcelli et al, 2005) en plaçant les apprenants
dans une situation authentique d’échanges avec des pairs qui, au-delà de différences interculturelles
et linguistiques, partagent des intérêts communs à leur âge.
3. Méthodologie
Dans cette partie, nous allons tout d’abord expliciter ce que nous entendons par «dispositif
vidéographique synchrone» en en présentant les aspects organisationnels et pédagogiques puis
techniques. Nous illustrerons ce protocole de communication pédagogique par un extrait vidéo tiré
de la quatrième séance de cours en ligne. Puis, nous présenterons le corpus à partir duquel cette étude
a été menée et les principes méthodologiques que nous avons suivis pour la conduire.
3.1. Le dispositif vidéographique synchrone entre Lyon et Berkeley
Aspects organisationnels et pédagogiques : un dispositif mettant en relation des apprenants à
distance nécessite qu'un soin tout particulier soit accordé aux questions pratiques telles que le respect
des horaires et l’accès à des ordinateurs équipés et en état de marche. Au-delà de ces aspects
matériels, il est de première importance que les responsables de l’échange partagent les mêmes
visées pédagogiques et soient prêts à investir le dispositif de formation de la même façon. Une
rencontre entre les formateurs américains et français1 a eu lieu avant la mise en place du dispositif
pour définir les objectifs pédagogiques et les moyens mis en place pour les remplir. Afin de pouvoir
s’insérer de manière harmonieuse dans la progression suivie par les étudiants américains, il a été
ainsi décidé que le tutorat aurait lieu sur une base hebdomadaire et s'inscrirait directement dans le
cadre d'un cours de français en occupant trente minutes sur les cinquante minutes du cours dispensé2.
1
2
Pour le côté américain, Rick Kern et Désirée Pries et pour le côté français, Christine Develotte et Nicolas Guichon.
A noter que les cours de français à l'UC Berkeley sont dispensés à raison de 50 minutes sur 5 jours par semaine.
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De plus, les thèmes du tutorat (les voyages, les immigrés, la poésie…) ont été déterminés par leur
programme du semestre 3, inspiré en grande partie par le manuel Sur le vif (Jarausch et Tufts, 2006).
L'organisation prévue a donc cherché à s’inscrire dans une cohérence forte avec le programme
antérieurement prévu du côté américain afin de pouvoir s’intégrer dans les objectifs pédagogiques de
l'enseignante et s’appuyer sur la motivation des apprenants de sa classe. Du côté français, les horaires
de la classe ont été adaptés de façon à être en synchronie avec ceux de la classe de Berkeley : 18
heures en France, 9 heures à Berkeley. Chacun des 8 binômes français a pris en charge la réalisation
pédagogique d’une des 8 séances que comprenait la formation. La formation des binômes s’est
établie librement avec le conseil donné par les enseignants de mixer dans chaque binôme natif/non
natif et d’essayer de faire entrer en complémentarité des savoirs différents (technique/parler anglais).
Aspects techniques : Le choix d’utiliser un logiciel téléchargeable, en l’occurrence MSN, s’est
effectué sur la base de deux raisons principales : le fait que la plupart des étudiants étaient déjà
familiarisés à cet outil réduisait d’autant les problèmes d’appropriation. D’autre part, le coût de la
formation est réduit car le logiciel est libre et son utilisation ne nécessite que l’achat d’un casque et
d’une webcam. Les principaux problèmes techniques rencontrés (coupures, images vidéo saccadées
et débit audio parfois ralenti) ont été dûs à l’instabilité du réseau, mais il est raisonnable de penser
que ces aspects devraient s’améliorer dans un futur proche.
La capture dynamique d'écran (grâce au logiciel Screenvideorecorder) permet de donner une idée de
l'organisation du dispositif technique : la partie inférieure de l'écran partagé est un espace consacré
au clavardage écrit et à l'ajout d'émoticônes. Les messages écrits apparaissent dans la partie gauche
de l'écran dans l'ordre chronologique où ils sont composés. Dans la partie droite, deux fenêtres
montrent les protagonistes de l'interaction pédagogique en quasi-synchronie avec les échanges audio.
-------------------------------------------------Insérer ici la capture dynamique d'écran 1
---------------------------------------------------Exemple d'un échange vidéographique synchrone.
3.2. Constitution du corpus et approche méthodologique
Nous proposons de présenter le dispositif décrit dans la section précédente à travers la perception
qu’en ont eu les protagonistes de la situation pédagogique, à savoir, les étudiants de Lyon et de
Berkeley. A l’issue de la formation, nous avons cherché à recueillir les représentations de tous les
étudiants ayant participé à cette expérience. Des entretiens semi-directifs (cf. grille en annexe) ont
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ainsi été menés auprès de l'ensemble des 16 tuteurs et de 14 sur les 16 étudiants californiens3. Ces
entretiens ont été réalisés avec six binômes de tuteurs (plus 3 tuteurs interrogés individuellement) et
avec quatre binômes d’étudiants américains (plus six étudiants interrogés individuellement). Ils ont
été enregistrés puis retranscrits afin de nous fournir un accès aux représentations des acteurs. En effet
à la suite d’auteurs comme Vignaux (1988), par exemple, nous considérons qu’ils constituent un
moyen d’accès aux représentations :
Seul le langage est capable de mettre en forme les représentations et surtout d'en
assurer transmission et manipulation symbolique. En ce sens il est bien fondateur de
nos représentations du monde, comprises cette fois, non seulement comme
procédure de traitement et de compréhension des informations, mais "exprimant "
nos propres "repérages" personnels ou collectifs en vue de l'action symbolique sur
ces représentations.
A partir de ce double corpus de données, à Lyon et à Berkeley, nous avons effectué des repérages
aptes à nous fournir l’image la plus exhaustive possible en termes de point de vue d’étudiants
concernant principalement l'impact de la multimodalité et de la synchronie sur la communication
pédagogique. Nous avons cherché à privilégier la diversité des représentations dans une perspective
qualitative, à savoir que nous n’avons pas tenu compte du nombre d’étudiants ayant exprimé le
même point de vue ou des idées proches. A ce niveau, lorsque la même réaction s’exprimait d’une
façon massive, nous nous contentons de noter «de nombreux», voire «la majorité des étudiants»
laissant à des études ultérieures4 le soin d’apporter des réponses quantifiées sur ces différentes
positions mises au jour.
L’objectif de cette étude est donc de rendre compte de l’empan des représentations associées à une
même pratique du dispositif par les étudiants. De façon à ne pas alourdir le texte nous n’illustrerons
par des propos d’étudiants que les points de vue différenciés entre eux de façon à restituer la
complexité des échanges en ligne et le potentiel d'un tel dispositif pour l'enseignement-apprentissage
des langues. Nous avons choisi de présenter les résultats en restant au plus près du discours des
étudiants afin d’en restituer l’authenticité. Ces différents extraits fonctionnent comme autant de
fenêtres ouvertes sur la formation.5
3
La disponibilité limitée de certains étudiants nous a empêchés d’interviewer tous les étudiants californiens en binômes,
et deux étudiants n’ont pas pu être interviewés.
4
Un travail de doctorat actuellement en cours et mené par Samira Drissi (ENS-LSH) documentera plus précisément ces
aspects.
5
Les propos des tuteurs lyonnais seront indiqués par « T » et ceux des étudiants berkeleyens par « E » suivi d’un chiffre
pour garder l’anonymat des participants.
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4. Impact de la multimodalité et de la synchronie sur les
échanges en ligne
4.1. Les aspects liés à la communication : le face à face écranique
La conjonction de la synchronie et de la multimodalité liée à la nouveauté du dispositif
d’enseignement que les étudiants de Lyon 2 expérimentaient pour la première fois a été à l’origine
d’une intense anxiété. D’autant plus intense que la stabilité technique des outils n’était pas assurée et
générait donc de l’incertitude par rapport à la fiabilité de la connexion demandant aux étudiants de
s’adapter sans arrêt aux nouvelles conditions qui pouvaient survenir de façon totalement
impromptues. La première séance a été du point de vue de l'anxiété la plus émotionnellement
chargée comme le montre le souvenir qu’en a un des binômes (cf. annexe 1).
Cette charge émotionnelle d’anxiété s’est progressivement apaisée tout en perdurant malgré tout, tout
au long de la formation, comme si elle était consubstantielle à la situation de communication, comme
si la pression temporelle qu’exerce la communication synchrone sur les différents participants
engendrait une tension, un trac de part et d’autre.
T 1 : J'avais à chaque fois une sorte de stress et puis j'avais pas envie, c'était c'est
terrible, et dès que j'y étais, il y avait une énergie qui fait que les séances elles passent
très vite en général, ça se passe bien, enfin on ressort c'est bien quoi.
C’est l’apprivoisement de la situation de communication au fil des huit séances hebdomadaires qui a
permis que se transforme ou tout du moins s’atténue cette sensation chez les étudiants. La sensation
d’anxiété s’est progressivement modifiée pour faire place à une certaine décontraction et plusieurs
étudiants soulignent que cette expérience les a amenés à apprendre à "gérer [leur] stress".
Du côté américain, les étudiants étaient également plutôt intimidés au début. Pour la plupart d’entre
eux c’était la première fois qu’ils communiquaient avec des locuteurs natifs. Mais, assez
paradoxalement, ils n’étaient pas moins intimidés quand il s’agissait de tuteurs non-natifs :
E 1: One of our tutors [T11] was Romanian and one intimidation factor is that they’re used
to other Europeans who excel in language and I am horrible at it […] and I was kind of like
almost embarrassed because I feel like as Americans we’re known to be not that great at it,
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and of all people they’re talking to me… they knew English and French and Romanian, and
it’s just like I can’t even speak like four sentences in French !
Pourtant, après trois ou quatre sessions, tous les étudiants américains (à l’unanimité) se sentaient plus
à l’aise et ils ont tous remarqué à la fin qu’ils avaient beaucoup plus confiance en eux.
De la même façon que les Français, qui se sont rendu compte du fait qu’ils pouvaient s’écarter de
temps en temps du caractère planifié des leçons, les Américains se sont rendu compte qu’ils
n’avaient pas besoin de parler parfaitement pour réussir à communiquer avec des Français. Ils étaient
progressivement moins préoccupés par des notions de "justesse" (accuracy).
E 3: What I really got from it was that I always forget that when I’m speaking it’s not, I don’t
need to be so concerned about being accurate, that when you speak and just kind of get in the
mindset of the language, that the words are intended to just come up because that’s, those are
the words you’re supposed to use, like the way I’m speaking right no. So when I’m in a
classroom I find myself preparing a sentence ahead of time, but with that [visioconférence] I
was reacting on the spot, so I think it just developed kind of, just, it developed an immediacy
in terms of the way I spoke.
On a ainsi pu constater que les étudiants faisaient état d’un certain relâchement des deux côtés,
renvoyant en définitive à un glissement progressif vers une situation proche de la conversation en
face à face authentique dans laquelle on s’intéresse "réellement" à ce qui est dit, au point de vue de
l’interlocuteur :
E 3: It seemed very level, like we were all on even footing, and it seemed like they were
interested in what we were saying.
E 4: It seemed like they were kind of interested in a lot of cultural things about here too, like I
feel like they learned a lot from us too.
Passer d’une pratique sociale à une pratique pédagogique
Dans plusieurs des entretiens revient la nécessité d’avoir dû transformer une pratique de
communication d’ores et déjà intégrée avec ses normes et ses rituels en pratique de communication
pédagogique. En effet, les tuteurs utilisaient déjà pour la plupart d’entre eux MSN dans un contexte
de relations amicales. Il leur a donc fallu modifier en partie cette façon de communiquer, par
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exemple à l’écrit en prêtant attention à l'orthographe ou en évitant des abréviations qui se seraient
avérées incompréhensibles pour des apprenants ou en adaptant la façon de communiquer oralement :
T 6 : quand je tapais avec des amis c'est essentiellement des abréviations. […] Ce qui est
difficile, c'est de perdre cette habitude de mal écrire sur Messenger pour écrire correctement
pour les américains, et ça, c'est pas facile. Au début j'ai eu du mal. Sinon pour parler bah
pareil à peu près en fait c'est un peu plus formel, la façon dont on parle avec eux.
La mise en place progressive d’une relation avec les apprenants américains porte alors la
communication à se détendre et à adopter un caractère de plus en plus amical :
T 6 : Au début, c'était plus, on va dire formel la façon de parler ou la façon de taper, d'être
même devant la caméra et, au fur et à mesure, on se détendait ou on faisait un peu les fous
fous devant la caméra ou on envoyait plus de smileys plus interactif au fur et à mesure et, à
la fin, c'est elles-mêmes qui ont demandé les adresses Internet.
Passer d’une pratique pédagogisée à une pratique sociale
Les apprenants californiens ont beaucoup apprécié la décontraction progressive de la
communication :
E 4: I was like really nervous when we started the program because I’m not a really good
speaker and they’re probably not going to understand me, and that sort of went away after
talking to them a while, like I just felt more comfortable speaking with them.
E 3: They were very friendly and it was very much, it was more like a discussion even though
they would do things like correction, that would remind me that they were teaching us things,
but for the most part I just feel like we were just conversing.
Ce type de communication «more relaxed, more natural» a parfois donné lieu à une illusion de coprésence, trahie dans le commentaire suivant par le mot here [ici] :
E 6:. They were our tutors and they were here to help us get our French better.
E 6: It’s weird because they live thousands of miles away and we’re just looking at them on a
computer screen, but it almost felt like we were good friends.
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En comparant la communication avec celle qui caractérise les cours traditionnels, ils mettent l’accent
à plusieurs reprises sur la mise en jeu des savoir-faire différents de ceux auxquels ils étaient jusque là
habitués :
E 4: It taught you how to [...] express something you’re trying to say, like it taught you
to…say things in different ways based on what you are able to, ‘cause the other thing is like
in class sometimes if there’s something that we really needed to try and say and didn’t know
how to say it you could be like “Oh, comment dit-on…?” and they [les tuteurs] didn’t know
English, so it taught you to…say things differently and to look at something from different
angles.
E 8: I see it as a really good opportunity to have a conversation with someone in
which you’re expected to be able to improvise and to find out how to say things that
you never thought about saying before. And I think that it was very effective as that.
Utiliser la multimodalité pour des usages pédagogiques
Tous les étudiants font état de l’importance de la conjonction du son et de l'image vidéo dans la
communication pédagogique. D’ailleurs, lorsque l’ouverture d’un fichier Word par exemple, requis
pour l’activité proposée, vient se superposer sur l’écran en occultant la fenêtre MSN et donc le
visage des apprenantes américaines, la sensation de manque se fait immédiatement sentir :
T 13 : un moment tu bouchais l'écran parce que c'est là que je me suis rendue compte que
[…] c'était hyper important pour moi de les voir et que là quand y avait les fenêtres qui
apparaissaient sur l'écran et que je ne les voyais plus ou qu'elles apparaissaient
disparaissaient c'était extrêmement perturbant en fait […] et du coup euh c'est vrai que la
caméra enfin le fait de les voir était important.
Dans les lignes qui suivent, on a tenté de repérer les différents emplois de la vidéophonie dans le
cadre de ce dispositif pédagogique. On trouve tout d’abord et de façon unanime l’emploi de la vidéo
pour transmettre les sourires et des marques de salutation liées aux phases d’ouvertures et de clôture
des différentes séances, dans un emploi que nous appellerons phatique. De même, la vidéo est
également employée par la plupart des étudiants pour montrer des gestes de renforcement positif de
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l’apprentissage avec des pouces levés, des applaudissements, des sourires qui sont mis dans le champ
de la webcam.
Les différentes fonctions de la vidéo
L’emploi de la vidéo comme moyen d’évaluation est souvent évoqué par exemple pour apprécier le
degré d’attention des apprenants
T 10 : c'est pratique la caméra parce que tout à l'heure je voyais qu'elle [l’apprenante
américaine] regardait un peu ailleurs […] pendant l'activité et je me suis dit, tiens, elle
trouve peut-être que c'est un peu long là
ou bien d’une manière plus générale, pour réguler leurs réactions et leurs attitudes :
T 6 : Je regardais souvent […] l'image de Berkeley pour avoir un retour par rapport à ce que
je disais, pour voir quelle tête elles faisaient, si elles étaient perdues si elles étaient
concentrées ou pour voir si y avait des problèmes de son.
In fine, les étudiants ont pu trouver dans les réactions perceptibles sur les visages de leurs
interlocuteurs matière à évaluation de l’activité pédagogique qu’ils proposaient ou, de manière plus
ponctuelle, pour évaluer la relation au sein des binômes américains :
T 6 : C'était plus tendu au début, entre elles, par rapport au français parce que plusieurs fois
j'ai vu N qui était un peu, pas exaspérée, mais elle faisait les gros yeux ou elle tournait des
yeux quand M mettait beaucoup de temps à répondre […].
voire pour désambiguïser l’identité d’un locuteur dans le cas où les deux apprenantes avaient une
voix assez similaire.
La vidéo a également été utilisée mais de façon assez spécifique par un binôme qui a joué avec la
webcam pour montrer un plan en travelling dans une pièce censée être une agence de voyages dans
laquelle entrait un client mais d’une façon générale on peut penser que cette fonction a été sousemployée lors de cette session de formation.
T 10 : Par exemple dans l’activité où le binôme doit se convaincre de changer de voyages
enfin d’aller à la montagne ou à la mer en fait moi je leur ai mimé le truc […] j’ai donné un
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exemple et j’ai mimé et je crois que oui il faut savoir se servir des outils et de mimer et d’être
expressif par exemple quand on donne une activité on donne des exemples mais on aurait dû
exploiter plus à fond les outils.
On a pu voir ainsi ce même binôme jouer avec la webcam pour montrer un plan en travelling dans
une pièce censée être une agence de voyages dans laquelle entrait un client mais d’une façon
générale on peut penser que cette fonction a été sous-employée lors de cette session de formation.
Une des hypothèses (en dehors de la connaissance imparfaite du maniement de la webcam, étant que
l’attention des étudiants de Lyon était toute entière accaparée par la gestion de la communication en
ligne et ne laissait que très peu de place à la créativité, on peut penser que lors des prochaines
sessions, cette intégration technique dans l’activité pédagogique donnera lieu à des jeux de mises en
scène plus variés.
Pour les Américains, la vidéo avait une importance capitale : d’après eux, voir leur tuteur rendait les
corrections et les explications plus claires. Encore plus important : en regardant les visages de leurs
interlocuteurs ils pouvaient vérifier si leurs tuteurs avaient compris ce qu’ils venaient de dire. Un
résultat inattendu : ils ont beaucoup apprécié la possibilité d’observer l’interaction physique (gestes,
expressions physionomiques, proximité) de leurs tuteurs, ce qui constituait une leçon culturelle
imprévue mais efficace :
E 3: We could see them turn to each other—when they wanted to check something with each
other, we saw them turn to each other, and y’know hand gesticulations and things like that, it
was a physical aspect to the feedback that was good.
E 6: And like when they spoke they were really close to one another. I don’t know if that’s
just a cultural thing but when E5 and I were talking to them we were approximately the space
that we are right now [±50 centimetres], but they were like shoulder to shoulder. And they
also laughed and giggled a lot with each other and said things like «Nous sommes fous !”.
En revanche, un étudiant trouvait la vidéo artificielle et se méfiait des mouvements saccadés :
E 8: I think the choppiness of the video…there was no real sense of the fluid motion—it was a
slideshow. And so if you pay too much attention to gestures then it actually gets, I think you
get an incorrect impression about how people are moving.
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Puisqu’il n’aimait pas la vidéo, cet étudiant se mettait souvent à moitié hors champ quand il se
plaçait devant son poste. Il a même profité de l’artificialité de la situation pour en tester les limites
pragmatiques : il a parfois fait des grimaces devant la webcam ou lancé des provocations (par
exemple, en disant qu’il était pour le réchauffement climatique) pour tester la réaction de sa tutrice.
Néanmoins, même cet étudiant a apprécié l’apport de la vidéo pour vérifier si ses interlocuteurs
l’avaient compris :
E 8: The one nice thing about it is that since the sound was one way, I could tell when they
understood that I was kidding by their faces and so on. So that would have been hard without
the video.
Les diverses fonctions de l’écrit
Chez tous les binômes, l’utilisation de l’écrit a évolué entre la première et la dernière séance. On
observe que les rôles étaient distribués au sein du binôme de tuteurs, l'un étant responsable de
l'interaction orale tandis que l'autre, au clavier, se préoccupait du clavardage. La tendance au début
de la formation était d'utiliser l'écrit comme une sorte de sous-titre à la parole du tuteur. Puis, les
tuteurs ont progressivement privilégié les consignes, les mots clés, les encouragements – en mots ou
avec des émoticônes - ou les clarifications en cas d'incompréhension en délaissant le sous-titrage
intégral (cf. annexe extrait n° 2). Cet allégement de l'écrit s'est fait au profit d'une maîtrise
grandissante de la communication à distance :
T 2 : " c'était mieux parce que j'étais plus impliquée dedans que quand on se concentre trop
à l'écrit du coup on perd l'image on perd […] le contact avec eux moi il me semblait que
j'étais moins impliquée quand j'écrivais beaucoup."
Dans tous les cas de figures, les usages de l’écrit se sont concentrés sur certaines fonctions au lieu de
chercher à "doubler" ce qui était dit à l’oral. Certains étudiants ont évoqué le rôle d’apaisement de
l’anxiété, de "bouche trou" qu’avait pu jouer l’écrit dans des périodes de silences difficiles à gérer en
début de formation :
T 6 : oui au début on l'a utilisé énormément pour se rassurer [le clavier], pour voir s'ils
comprenaient et au fur et à mesure qu'on a vu qu'on connaissait leur niveau, on a arrêté
d'utiliser le clavier et le support écrit, pour se concentrer sur l'oral et plus se pousser à
reformuler à trouver d'autres mots. C'est vrai que c'était un peu la simplicité à toujours taper
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et ils comprenaient, alors que quand on tape pas on est obligé de reformuler, parler
lentement d'attendre, les laisser réfléchir […] On a utilisé moins le clavier à la fin. Au début
on savait pas comment accrocher le binôme et c’était frustrant mais ce qu’on avait pris au
début pour un problème de niveau de langue en fait c’était une question de mise en route.
Les binômes qui ont eu des problèmes techniques, quasiment tous à un moment ou à un autre, ont eu
alors recours à l’écrit en tant qu’outil de communication "de secours", par exemple, quand le son
était défectueux.
Le type d’écrit typique de la messagerie instantanée a également permis d’enseigner des formules
utiles quoique peu enseignées à ce niveau d’apprentissage dans les cours de langues classiques
comme les abréviations :
T 2 : Le fait d’écrire vite, je crois, ça a appris à C des choses comme SVP ou bcp pour
"beaucoup".
Pour les étudiants américains, l’écriture avait au moins cinq fonctions. D’abord, elle fournissait un
canal en parallèle à l’oral quand il y a avait des problèmes de son ou pour la métacommunication.
E 10: When the connection is really bad then we had to type everything in French because
they can’t hear us, and sometimes when we can’t hear them they do the same thing.
E 11: If they thought that we couldn’t hear them then they would type it out for us, I guess
they thought it was easier for us to read it than to hear it, and I think that’s true for me.
Deuxièmement, l’écriture aidait à clarifier des malentendus, à doubler par un autre canal que celui de
l’oral une information importante, comme une consigne par exemple.
E 1: When we can’t pronounce things correctly or if they’re saying a word and we think it’s
similar to something else, and we’d be “like this?” and they would have to like repeat it back,
typed, so we know how to pronounce it as well as what it is and what it is not.
E 6: We used it when we had words in English that we didn’t know how to say in French and
then we would type them and they would tell us what the word is in French, or sometimes,
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well, they would often when they were giving us instructions, they would sometimes type up
really quick sentences, just to kind of summarize the instructions that they were giving us in
case we didn’t quite understand what they were saying or maybe it didn’t get through clearly
like maybe the audio was chopped up. I found the written instructions were a really good way
to keep the conversation flowing and not have these long awkward moments. Yeah, and we
would sometimes if we wanted to ask a question and we knew the audio wasn't working well
then we would type up questions as well.
L’écriture servait aussi à permettre la correction des erreurs en marge de l’interaction orale dans le
sens où l’étudiant et le tuteur pouvaient continuer à parler sans interruption, mais qu’un des deux
tuteurs pouvait écrire une correction qui apparaîtrait dans la fenêtre «chat».
E 1: They used it for clarification when they thought we didn’t understand them, even if we
may have, they would repeat themselves sometimes, like they would ask us a specific question
and they would type it in.
Les étudiants ont trouvé cette forme de correction très productive non seulement parce qu’elle était
discrète mais aussi parce qu’elle donnait la possibilité d’avoir une trace permanente des erreurs
parlées qu’ils pouvaient réviser plus tard. Les tuteurs écrivaient aussi des encouragements (par ex :
bon travail!, bravo! ou smileys), toujours très appréciés par les étudiants.
E 10: I think they typed more later to give us feedback, like they’d send us smiley icons.
On remarque que tout comme les étudiants français, les apprenants américains se sont d’abord sentis,
pour certains d’entre eux, plus à l’aise au début de la communication en se servant de l’écrit pour
éviter d’avoir à affronter l’oral
E 13: There was more keyboarding in the beginning when we weren’t as comfortable saying
things, but towards the end it got ... we were typing less and less, ‘cause in the beginning the
first and second day there was a lot of typing of things that could have been said, but y’know
like wanted to type it out to make sure you were saying it correctly and double-check it
between the two of us, and so as it went on it more just us talking and less [typing].
Finalement, et de façon entièrement imprévue, l’écriture jouait un rôle important dans la fermeture
des séances. Apparemment non satisfaits de tout simplement dire au revoir, les étudiants tenaient à
ce qu’on écrive une confirmation par écrit :
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T9
ils rajouteront une p'tite phrase pour conclure
T10
et aussi à la fin, à la fin d'une conversation ils, on est obligé de passer par l'écrit c'est
bizarre parce qu'on est quand même encore en face
T9
on s'dit au revoir
T10
mais… pour que ce soit vraiment au revoir j'sais pas si t'as remarqué
T9
oui c'est vrai à chaque fois on leur dit à la semaine prochaine salut
T10
on est obligé de l'écrire pour leur dire […] en fait c'est une transition ça veut dire
[…]
T9
là on se parle plus
T10
on s'parle plus on l'écrit et après on se casse […] on fait coucou au revoir mais en fait
au bout d'un moment il faut s'arrêter de parler et on écrit la même chose que ce qu'on dit
finalement
Les échanges étaient donc marqués par une complémentarité considérable des modes de
transmission.
4.2. Effets du dispositif sur les deux catégories d'apprenants
Apprendre la pédagogie "en flux tendu" : entrer dans un rôle de composition
Pour ce qui concerne la technologie, les nouvelles compétences concernent autant l'amont de
l'interaction, à savoir la préparation d'activités pédagogiques tirant partie de la valeur ajoutée
apportée par les TIC, que l'interaction elle-même où les outils sont les moyens de l'échange et
nécessitent donc une prise en main rapide pour se mettre au profit de la pédagogie.
L’impression générale qui se dégage des entretiens concernant ce point renvoie tout d’abord au
sentiment d’avoir acquis une capacité à agir dans l’immédiateté de l’interaction et apprendre à "gérer
à l’instant telle ou telle situation d’apprentissage"(T 7).
En termes de développement professionnel, les tuteurs soulignent que ce dispositif leur a permis de
gagner en souplesse afin d'adapter leur comportement tutoral à la situation pédagogique pour
supporter les silences, gérer les tours de parole, donner des consignes concises et précises, en bref
pour développer ce qu'un des tuteurs (T7) appellent une "stratégie didactique".
Une étudiante résume la complexité de la situation de communication pédagogique et les
compétences qu’elle est susceptible de développer :
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T1 : il faut avoir une capacité d’adaptation assez bonne pour s’approprier l’activité faite par
d’autres et qu’on découvre assez tard, les problèmes techniques et le fait qu’on n'a pas les
personnes devant soi et qu’on n’est pas habitué à cette forme de communication. Les élèves
sont à distance au niveau pas psychologique mais du relationnel parce que les étudiantes
sont elles-mêmes un peu stressées aussi par tout ça. Donc de savoir détendre l’atmosphère,
d’avoir un bon contact, savoir être agréable sans tomber dans la démagogie facile, savoir
rebondir - car des fois il y a des gros blancs parce que la vidéo qu’on a envoyée n'a pas
marché - donc il faut vite trouver autre chose, avoir un peu de réserve d’activités.
Il s’agit en effet de savoir gérer l’imprévu que celui-ci soit d'ordre technique, relationnel ou
communicationnel et de se constituer un répertoire d'actions de rechange. Les représentations
concernant les apports de la formation renvoient en effet à cette compétence de flexibilité
pédagogique. Ainsi, lorsqu’on les interroge sur les compétences qu’a développées la formation à
laquelle ils ont participé, les étudiants soulignent combien la synchronie les a amenés à "profiter de
la spontanéité" offerte par la situation qui les amène à accepter une part d'incertitude, de non planifié
dans leur préparation en amont de l'interaction.
On peut penser que cette liberté prise par les tuteurs de s’écarter de la ligne directrice du cours pour
accompagner les apprenants américains dans leurs chemins de traverse est liée à la situation de
communication de face à face écranique : les postures des quatre locuteurs renvoient à celles de la
conversation autorisant des digressions, du type "conversation à bâtons rompus".
Du côté des tuteurs ils sont plusieurs à évoquer la réactivité, le "développement de la flexibilité,
apprendre à supporter le silence, [la] gestion de la parole concise." Cet art de saisir l’opportunité
d’un rebond possible de la conversation pour embrayer sur de nouvelles questions à poser, ou de
nouveaux points à travailler, se pratique à partir d’une mise en scène des tuteurs visant à mettre les
apprenants américains en confiance comme cela est souligné ci-après :
T 9 : ça m’a appris un autre type d’enseignement. Il faut, je dirais, de la patience, de la
présence je dirais presque un certain charisme parce que, avec la caméra, il faut
arriver à être suffisamment présent puisqu’on ne l’est pas physiquement. C'est un peu
le jeu qu’on a aussi. La caméra, elle [ne] sert pas juste pour montrer, elle sert aussi à
communiquer. Il faut que le visage soit assez expressif.
Nous ne sommes pas très éloignés du comportement de l’acteur, lequel constitue déjà une des
facettes du métier d’enseignant en présentiel. Mais ici ce ne sont que par les visages et leur
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expressivité que passeront les soutiens à la parole, ce qui nécessite de surjouer une communication
dynamique en étant, comme le soulignent deux étudiantes (cf. extrait n°3) "très souriantes et très
encourageantes […] limite exubérantes".
On a donc le sentiment d’une certaine composition dans la posture et le mode de présentation des
tuteurs, ce qui d’ailleurs était visible dans la préparation esthétique qui présidait à l’ouverture de
chaque session en ligne : la connexion à MSN du côté lyonnais qui précédait celle de Berkeley
permettait en effet au tuteur de voir sa propre image avant celle des apprenants de Berkeley et donc
de se préparer un peu comme dans un miroir avant l’ouverture de la session. Car tous les tuteurs
choisissaient d’apparaître les deux visages ensemble, bien cadrés dans la fenêtre, pour le premier
plan de la séance "quand on se disait bonjour on se mettait toutes les deux en face".
Cette préparation à accueillir les Américains de façon à ce qu’ils se sentent le plus à l’aise possible
pour parler en langue étrangère les amène à jouer pour plaire à leurs interlocuteurs et n’est pas
dissociable de la relation décomplexée liée à la communication médiée par ordinateur.
Les tutrices notent alors qu’elles ont pu se permettre cette proximité justement parce qu’elles étaient
à distance et non en présentiel :
T 16 : Il y a quand même l'écran pour nous protéger, Quand on est derrière un écran,
on se dit "ah je peux être moi-même ou pas, c'est pas grave pour l'autre, il est vraiment
loin, je risque rien à me dévoiler.
Apprendre le français en se laissant entraîner dans la conversation
Du côté des étudiants de Berkeley, les étudiants ont jugé de façon unanime que l’expérience avait
constitué une réussite importante dans leur apprentissage. Ils ont remarqué en particulier
l’importance de la pression communicative qui les a forcés à parler :
E 9: There is a lot of pressure because we actually do have to talk and know all about the
topics.
E 1: It actually definitely helped with our French speaking skills because we were forced to
formulate sentences, because I won’t raise my hand in class if I don’t know what to say. But
we had to make up something even if we had no idea of what they were talking about.
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La motivation accrue et une certaine flexibilité d’expression se remarquent dans les commentaires
des étudiants :
E 13: I loved it! I thought it was great. Especially since speaking for me is one of the areas
I’m most uncomfortable with, it really, really helped me become more comfortable speaking
and also speak better.
E 5: I think it helped me learn the language better […] because you’re constantly talking you
have to keep the conversation going. It’s in a different language and it’s difficult, it just
helped because […] it’s like repetition, if you keep doing this you’ll get better and better at it,
and I think by the end my French actually did improve.
Les apprenants américains soulignent en particulier le développement de leur capacité à improviser,
à clarifier, en cas d’incompréhensions, à alimenter l’échange et à utiliser des registres inhabituels en
situation scolaire traditionnelle.
5. Synthèse
La présence de l'image vidéo permet aux étudiants de prendre des indices (approbation,
encouragement, sourire, …) qui peuvent servir de points d'ancrage à la communication et de
renforcement à l'apprentissage (cf. capture dynamique d’écran). Cette présence de l'image
dynamique de l'autre semble essentielle car elle permet de rétablir le "lien visuel" qui fait défaut dans
des environnements simplement audiographiques comme le souligne Vetter (2004) au sujet de
Lyceum. D'autre part, et surtout dans les premiers temps, les tuteurs ont utilisé massivement les
émoticônes par le biais du chat écrit pour donner un tour plus affectif aux interactions pédagogiques.
Cet espace de prise de notes ménagé par MSN permet également de désynchroniser la parole et offre
ainsi des possibilités de reformulation, de clarification, de modification de l’input, de correction ou
encore de rétroaction. Ainsi, les paramètres liés à la justesse et la complexité de la production orale
des apprenants peuvent-ils
être travaillés par le biais de cet espace de remédiation et de métacommunication graphique.
La synchronie ancre l’interaction pédagogique dans l’ "ici-maintenant" et confère ainsi une
authenticité accrue aux échanges grâce notamment à l'imprévisibilité inhérente à une situation
dynamique (cf. Lamy et Shield, 2000 : 13). Plusieurs exemples dans le corpus montrent que les
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étudiants s’appuient sur l’actualité (comme la St Valentin) pour alimenter les échanges. D'autre part,
la synchronie induit une pression temporelle et fournit ainsi une opportunité pour travailler la fluidité
des échanges. La fluidité, que l’on définit à la suite de DeKeyser (2001 : 147) par la "réduction du
temps de réaction" correspond bien à un objectif majeur de l’apprentissage des langues ; il est en
effet important d'entraîner les apprenants à s’exprimer oralement sans pauses exagérées et de
manière aussi naturelle que possible.
Dans la section 4, nous avons détaillé les différentes caractéristiques du dispositif vidéographique
synchrone pour un tutorat de langue. Sont présentés ci-dessous les principaux résultats obtenus à
l’issue de l’étude des discours des deux catégories d’usagers. Pour nous, les potentialités de ce
dispositif pour l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère se situent au niveau de :
•
L'implication des protagonistes dans la situation de formation et l'ancrage dans une situation
de communication authentique permet d'assurer l'investissement et la motivation des
apprenants.
•
La légèreté du dispositif technique le rend utilisable et abordable et permet de pouvoir
l’exporter vers d'autres situations éducatives.
•
La multimodalité permet de restituer toute la complexité des échanges oraux. Le clavardage
donne également la possibilité de désynchroniser les échanges à des fins pédagogiques.
•
La visioconférence poste à poste augmente l'authenticité des échanges et permet de travailler
la fluidité de la communication.
6. Conclusion
Potentiel et limites pour l’apprentissage et l’enseignement
Cette étude confirme le potentiel de la visioconférence non seulement pour l’apprentissage des
langues étrangères mais aussi pour la formation des professeurs de langues. Le dispositif multimodal
(comprenant des canaux audio-oral, visuel-gestuel, et écrit) permet non seulement la communication
mais aussi la métacommunication. L’analyse des corpus français et américain montre le
développement de compétences spécifiques : du côté des apprenants américains, une amélioration au
niveau de la fluidité de l’expression orale, de l’aisance dans la prise de parole, et de la motivation, et
du côté des tuteurs français, une appropriation progressive de spontanéité et de flexibilité dans la
relation pédagogique.
Si la visioconférence possède un potentiel certain pour l’apprentissage, elle a néanmoins des limites.
Le son et l’image n’ont pas encore la qualité souhaitée, et la pression communicative engendrée par
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la synchronie nécessite une adaptation de la part des étudiants et de leurs tuteurs. Si la compétence à
produire un discours fluide est importante à acquérir, il peut être également judicieux de l’associer à
une autre compétence, à savoir, la justesse dans la formulation de l’expression qui n’est pas mise en
œuvre en priorité lorsque l’on se trouve dans une situation que l’on peut qualifier d’urgence
communicationnelle. Pour combler cette lacune, O’Dowd (2006) recommande de compléter les
échanges synchrones par l’envoi de courriers électroniques plus susceptibles, selon lui, de
développer des compétences d’interprétation et de synthèse.
A l’instar nous allons chercher à améliorer les potentialités du dispositif en termes d’apprentissage
linguistique pour les apprenants américains, en complétant leurs rendez-vous hebdomadaires
synchrones par des actions pédagogiques, exercées plus en continu, sur un support tel que le blog.
Enfin, comme le souligne Blake (2005), la pédagogie en ligne "ne vient pas naturellement aux
enseignants et aux apprenants" et requiert, d’une part, un entraînement préalable et, d’autre part, une
attention aux éléments organisationnels et aux objectifs pédagogiques visés par des dispositifs
parfois difficiles à mettre en place.
Perspectives sur la recherche
Au niveau de la recherche nous allons continuer à explorer le corpus de données généré par
l’enseignement-apprentissage synchrone à partir d’analyses effectuées cette fois-ci, sur les
interactions pédagogiques entre les tuteurs et les apprenants. Après avoir d’abord commencé par
rendre compte des représentations des différents acteurs, nous allons donc maintenant étudier ce qui,
dans la communication pédagogique a pu amener les uns et les autres à porter les jugements et les
appréciations décrits ici. Les interactions sont susceptibles d’étre intéressantes tant du point de vue
de l’apprentissage, (par exemple, par la mise en évidence des "séquences potentiellement
acquisitionnelles" (Porquier, Py, 2004) liées à l’utilisation de la multimodalité) qu’au niveau de la
formation des tuteurs. Ainsi, puisque nous sommes en possession d’une diachronie de huit semaines
de formation, il pourrait être intéressant d’étudier l’intégration de la multimodalité dans les
comportements des tuteurs et des apprenants.
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Wang, Y. (2006). "Negotiation of meaning in desktop videoconferencing-supported distance
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Concepts and Practice. Cambridge: Cambridge University Press. pp. 186-203.
Sites Internet
http://w3.u-grenoble3.fr/fle-1-ligne/
http://tandem.ac-rouen.fr/
http://web.mit.edu/french/culturaNEH/cultura/indexfrench.html#anchor382145
Logiciels
Screenvideorecorder
Annexe :
Extrait 1:
T 7 : non non non non non le le premier cours c'était euh c'était du n'im c'était un peu du n'importe
quoi
T 2 : rires
T 7 : le premier cours on a parlé on a parlé tous les deux en même temps on écrivait plus ou moins en
même temps
T 2 : oui
T 7 : enfin toi t'écrivais plus mais le premier cours bah on faisait tout ensemble
[…]
T 2 : on avait un problème de son tout au début avec Christian donc
T 7 : même de connexion carrément
T 2 : nous on savait qu'c'était lui oui de connexion et de son en plus de lui qui a des problèmes
T 7 : oui en fait voilà
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T 2 : et on savait pas donc un coup ils sont partis on savait pas pourquoi et on on s'est échangé le
microphone en fait
T 7 : ouais
T 2 : parce que c'était euh au début c'était moi après j'en pouvais plus j'étais trop stressée j'lui ai dit
tiens!
T 7 : et puis y a eu un blocage et on a eu et puis y a eu p'tit euh un p'tit un p'tit un p'tit creux au
niveau de l'activité pédagogique donc sur le premier cours
T 2 : oui
T 7 : donc du coup toi t'a hmm à un moment t'savais plus quoi faire
T 2 : oui
T 7 : et du coup j'ai dit tiens donne moi l'micro et puis on va enchaîner comme ça
T 2 : parce qu'en fait le truc j'avais peur de commencer tout de suite j'sais pas y avait une
appréhension et il me l'a dit deux minutes avant en fait
T 7 : ouais moi j'ai eu la montée du stress tout de suite avant et j'ai dit vas y commence !
T 2 : c'était prévu que […] c'était lui qui allait commencé
T 7 : oui oui j'ai été un peu traitre
T 2 : et il me dit deux minutes avant il m'dit hmm! T 7 tu veux pas le faire j'ai trés peur
T 7 : ouais ouais ouais
T 2 : et là en fait j'étais absolument pas prête ni rien donc j'ai pris le micro
T 7 : j'ai dit tiens j'lui ai pas laissé le temps
T 2 : j'ai pris le micro et j'fais
T 2 : et là y avait E3 qui fait argharghargh
Extrait 2 :
T 7 alors au début donc la première séance moi donc on s'est distribué les rôles T 2 il a parlé moi j'ai
écrit et justement on savait absolument pas comment faire on savait pas c'qui était mieux ou pas donc
moi j'écrivais tout tout tout absolument tout j'étais en retard par rapport à Vincent c'qu'il était en train
de dire j'étais frustrée je savais pas quoi faire parce que j'écris assez vite mais bon quand il parle c'est
quand même plus rapide que c'que j'écris et euh au fur et à mesure on s'est aperçu que justement en
observant Céline et Pauline on s'est aperçu que c'était pas mal de d'écrire juste quelques mots et de
pas faire euh ne pas faire ne pas en faire trop n'écrire seulement quand ils comprennent pas et plutôt
écrire les smileys les trés bien les oui super et les trucs comme ça et donc au fur et à mesure ça a
marché comme ça c'est vrai que nous quand on travaillait ensemble […] et c'était c'était mieux parce
que j'étais plus impliquée dedans que quand on s'concentre trop à l'écrit du coup on perd l'image on
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perd
[…} le contact avec eux moi il me semblait que j'étais moins impliquée quand j'écrivais beaucoup
quand j'écrivais presque rien je j'avais l'impression de de faire la symbiose avec Vincent enfin et
voilà
Extrait 3
T9 mais j'pense qu'aussi au début on a quand même été très souriantes et très encourageantes, enfin
on était du coup euh dès l'début après il commencent à sourire et tout et puis après c'est enfin
T10
on s'est montré vraiment sym on a fait les sympas quoi
T9
limite exhubérantes parce que
T10
oui
T9
on mettait vraiment beaucoup de smileys, beaucoup de super, c'est bien, vas y, continues,
bravo, enfin on les a
[…]
T10
bah c'était forcé
T9
on s'forçait un peu c'est vrai
[…]
T9
bah c'était pour les mettre à l'aise et euh voilà
T10
au début tu fais la gentille et puis après t'es t'es sympa quoi
T9
bah là c'est voilà sympa normal sans sans se forcer
Traduction des extraits américains
E 1 : Une des tutrices [T11] était roumaine et l’une des choses qui contribuaient à m’intimider,
c’est qu’ils sont habitués à d’autres européens qui sont excellents en langue, alors que moi je suis
mauvaise […] et j’étais, enfin, presque gênée parce que j’ai l’impression que nous, en tant
qu’Américains, on est connus pour pas être pas super dans ce domaine, et voilà que je me retrouve
moi à leur parler… ils connaissaient l’anglais, le français et le roumain, et moi, c’est comme si je
pouvais à peine aligner trois mots.
E 3 : Ce que ça m’a vraiment apporté, c’est que j’ai tendance à toujours oublier quand je parle que
c’est pas la peine de me soucier autant de la justesse, que quand on parle et qu’on a juste besoin de
se mettre dans la bonne tournure d’esprit, les mots finissent par arriver parce que, eh bien, ce sont
ces mots que vous êtes censés utiliser, comme maintenant quand je suis en train de parler. Alors que
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quand je suis en classe, je me retrouve en train de préparer ma phrase à l’avance, mais avec ça [la
visioconférence] je réagissais sur le vif ; alors je pense que ça a développé une immédiateté en ce
qui concerne ma façon de parler.
E 3 : C’était très équilibré [avec les tuteurs], comme si on était tous sur un pied d’égalité, et ils
semblaient intéressés par ce qu’on avait à dire.
E 4 : Ils avaient l’air plutôt intéressés à propos d’un tas de trucs culturels sur ici aussi et je pense
qu’ils apprenaient aussi pas mal de nous.
E 4 : J’étais genre vraiment nerveuse quand on a commencé le programme parce que je ne suis pas
vraiment bonne à l’oral et j’avais peur qu’ils ne me comprennent pas, et ça a disparu après leur
avoir parlé pendant un moment, comme si je me sentais plus à l’aise pour leur parler.
E 3 : Ils étaient très sympas et c’était vraiment, c’était plus une discussion même s’ils faisaient des
trucs comme corriger, ce qui me rappelait alors qu’ils nous enseignaient des trucs, mais la plupart
du temps, je pense que simplement on discutait.
E 6 : C’étaient nos tuteurs et ils étaient ici pour nous aider à améliorer notre français.
E 6 : C’est bizarre parce qu’ils habitaient à des milliers de kilomètres et on les voyait juste sur un
écran d’ordinateur, mais on avait presque l’impression que nous étions de bons copains.
E 4 : Ca nous apprenait à exprimer quelque chose qu’on essaie de dire, du genre ça nous apprenait
à dire des choses de manières différentes par rapport à ce qu’on est capable de dire, parce que d’un
autre côté en classe s’il y a quelque chose qu’on a vraiment besoin de dire et qu’on ne sait pas
comment le dire, on peut finir par demander “Oh, comment dit-on…?” et ils [les tuteurs] ne
connaissaient pas l’anglais, alors ça nous apprenait à dire les choses différemment, à voir les choses
sous un autre angle.
E 8 : Je vois ça comme une vraiment bonne occasion d’avoir une conversation avec quelqu’un avec
qui vous êtes censé improviser et vous débrouiller pour dire des trucs que vous n’auriez pas pensé à
dire avant. Et je pense que c’était le côté vraiment efficace.
E 3 : On pouvait les voir se tourner l’un vers l’autre – quand ils voulaient vérifier quelque chose –
on les voyaient se tourner l’un vers l’autre, t’sais les gesticulations et les trucs du même type, c’était
un aspect physique de leur réaction qui était vraiment bien.
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E 6 : Et alors quand ils parlaient ils étaient vraiment proches l’un de l’autre. Je ne sais pas si c’est
un truc culturel mais quand E5 et moi on leur parlait on se tenait à la même distance qu’il y a entre
nous[±50 centimètres], mais eux étaient côte à côte. Et ils riaient et ricanaient à fond l’un avec
l’autre et ils disaient des trucs comme «Nous sommes fous !».
E 8 : Je pense que le côté haché de la vidéo … ce qui ne donnait pas l’impression d’un mouvement
fluide – c’était plus comme une projection de diapositives. Et alors si on fait trop attention aux
gestes, en fait ça devient, ça vous donne une impression fausse de la façon dont les gens bougent.
E 8 : La seule bonne chose à ce propos, c’est que puisque le son était dans un seul sens, je pouvais
voir sur leur visage quand ils comprenaient que je plaisantais et ainsi de suite. Et ça, ça aurait été
dur sans la vidéo.
E 10 : Quand la connexion était vraiment mauvaise alors il fallait qu’on tape tout en français parce
qu’ils pouvaient pas nous entendre, et des fois, quand on pouvait pas les entendre, ils faisaient la
même chose.
E 11 : S’ils pensaient qu’on pouvait pas les entendre, alors ils tapaient tout pour nous. A mon avis,
ils devaient penser que c’était plus facile pour nous de lire plutôt que d’écouter, et je pense que c’est
vrai pour ce qui me concerne.
E 1 : Quand on peut pas prononcer des trucs correctement ou s’ils nous disent un mot qui ressemble
à quelque chose d’autre, et qu’on disait «comme ça ?» et alors ils répétaient le mot, le tapaient,
comme ça on savait comment le prononcer mais aussi à quoi ça correspond et à quoi ça ne
correspond pas.
E 6 : On l’utilisait quand il y avait des mots en anglais dont on connaissait pas la prononciation en
français et alors on les tapait et ils nous donnaient la traduction en français ou alors des fois, ils
tapaient quand ils nous donnaient des consignes, ou alors ils tapaient à toute vitesse des phrases,
juste pour essayer de résumer les consignes qu’ils nous donnaient au cas où on ne comprenait pas
tout à fait ce qu’ils étaient en train de dire ou quand ça ne passait pas clairement du genre quand le
son était haché. J’ai trouvé que les consignes écrites étaient une bonne façon de garder du liant dans
la conversation et d’éviter ces moments de gêne. Ouais, et on, parfois si on voulait poser une
question et on savait que le son ne marchait pas bien, alors on tapait aussi les questions.
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E 1 : Ils l’utilisaient pour clarifier quand ils pensaient qu’on ne les comprenait pas, même si c’était
pas forcément le cas, ils se répétaient parfois, du style ils nous posaient une question spécifique et ils
la tapaient.
E 10 : Je pense qu’ils tapaient davantage plus tard pour nous donner du feedback, ou alors ils nous
envoyaient des smileys.
E 13 : On utilisait plus le clavier au début quand on n’était pas autant à l’aise pour dire des trucs à
l’oral mais vers la fin, ça a … on tapait de moins en moins, parce qu’au début le premier et le
second jour il y avait plein de trucs qu’on tapait qu’on aurait pu dire, mais t’vois, on tapait tout pour
être sûr qu’on disait tout correctement et on vérifiait l’un avec l’autre, et au fur et à mesure, on
parlait plus et on tapait moins.
E 9 : Il y a pas mal de pression parce qu’on doit vraiment parler et connaître tous les sujets de
conversation.
E 1 : Ça nous a vraiment aidé avec nos compétences en français, parce qu’on était obligé de
formuler des phrases, parce que je vais pas m’amuser à lever le doigt en classe si je sais pas quoi
dire. Mais là on devait trouver quelque chose même si on n’avait pas la moindre idée sur ce qu’ils
disaient.
E 13 : J’ai adoré! J’ai trouvé que c’était super. Surtout que parler pour moi c’est un des domaines
où je suis le plus mal à l’aise, ça m’a vraiment, vraiment aidé à devenir plus à l’aise à l’oral et à
mieux parler.
E 5 : Je pense que ça m’a aidé à mieux apprendre la langue […] parce qu’on est constamment en
train de parler et il faut alimenter la conversation. C’est dans une autre langue et c’est difficile, mais
ça a vraiment aidé parce que c’était comme la répétition, si on n’arrête pas, on finit par s’améliorer,
et je crois qu’à la fin, mon français s’est réellement amélioré.
Christine Develotte est professeur des universités, responsable du service de la veille scientifique et
technologique à l’Institut National de la Recherche Pédagogique (INRP), sa recherche porte sur la
communication médiée par ordinateur, principalement dans des contextes éducatifs. Elle est membre
du laboratoire ICAR.
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Nicolas Guichon est maître de conférences en didactique des langues à l'université de Lyon 2 et il
appartient au laboratoire ICAR (Interactions Corpus Apprentissage Représentations). Ses recherches
portent sur l'apprentissage médiatisé et sur l'appropriation des TICE.
Richard Kern est professeur associé en français à l’Université de Californie, Berkeley et directeur
du Berkeley Language Center. Ses recherches portent sur la lecture, l’écriture, et l’acquisition des
langues étrangères ainsi que sur l’apprentissage médiatisé par les TICE.
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Capture dynamique d'écran 1 - Exemple d'un échange vidéographique synchrone.
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