Ces Arméniens qui ont conquis la Californie
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Ces Arméniens qui ont conquis la Californie
Les Libanais dans le monde lundi 1er juillet 2013 Ces Arméniens qui ont conquis la Californie 5 Communauté Ils ont une rue qui porte leur nom à Hollywood entre les deux avenues Wilton et Vermont. Des églises, des écoles, des organismes culturels. En Californie, les Arméniens ont fait leurs preuves dans tous les domaines. ILLINOIS (États-Unis), de Pauline M. KARROUM Après l’Arménie, la plus grande communauté arménienne au monde se trouve aujourd’hui aux États-Unis. Selon le consulat général de la République d’Arménie, ils seraient plus d’un million à vivre dans ce pays. Et environ la moitié de cette population réside en Californie. Les villes du « Golden State » qui abritent le plus d’Arméniens sont bien connues : Glendale, Los Angeles, North Hollywood, Pasadena mais également San Francisco et Beverly Hills... Qu’est-ce qui a poussé ces émigrés à quitter le Liban, la Syrie, l’Iran, la Turquie, l’Égypte et la Grèce ? Comme on peut le deviner, c’est le génocide de 1915 qui demeure la cause essentielle de la composition de l’actuelle diaspora arménienne (lire l’encadré). Mais les fluctuations politiques touchant le Moyen-Orient, surtout après 1945, sont également une cause de départ de leurs pays d’origine. Ce que cherchaient ces émigrés, c’est un endroit sûr, productif, dans lequel se reconstruire une vie. Pour la chercheuse Nicole Vartanian de l’Université Columbia, « la Californie a été cette nouvelle maison qui leur rappelait physiquement leur terre natale ». Elle ajoute que cet État leur a permis de créer des collectivités fortes où ils ont pu rester attachés aux traditions de l’Ancien Monde avec des libertés nouvelles. Le premier émigré à considérer cette terre comme la sienne a été Normart, ce qui signifie « homme nouveau » en arménien. Il a été suivi par les frères Seropian qui ont ouvert les yeux de leurs concitoyens sur les opportunités agricoles offertes par la Californie. Ainsi, les premiers arrivés ont joué un rôle-clé dans le développement de l’industrie des figues à Fresno. Ils ont également aidé à la commercialisation du boulgour et du raisin. Par ailleurs, les Arméniens étaient aussi les premiers marchands de tapis orientaux dans cet État. Au fil des ans, leurs métiers vont cependant se diversifier. Ils travaillent dans le commerce certes mais également dans les médias, le secteur humanitaire, le secteur libéral, artistique... Quid des Arméniens du Liban ? Les Arméniens originaires du Liban, qui sont arrivés massivement à la fin des années 1970, se sont installés en partie à Glendale. En 1975, la première église arménienne de la ville St Mary a été construite. Des années plus tard, une autre église, celle de St Gregory, est inaugurée à Glendale. À ces ArménoLibanais revient le mérite d’avoir fourni beaucoup d’efforts pour maintenir vivante la culture arménienne, la langue, la cuisine, l’art. Beaucoup de restaurants libano-arméniens ont fleuri d’ailleurs dans cette ville. Citons par exemple le Phoenicia Restaurant. Mais ce n’est pas seulement à Glendale qu’on peut tomber sur un excellent restaurant dont le propriétaire est un Arménien du Liban. À « Little Armenia », berceau traditionnel de la communauté arménienne de Los Angeles et centre économique et culturel majeur de la communauté, des restaurants comme Sasoun Bakery ont poussé le long du boulevard Santa Monica, le traiteur Sahag’s Basturma Sandwich, et le fameux Falafel Arax font aussi parler d’eux. Outre la cuisine, les Arméniens du Liban ont excellé dans d’autres domaines. Dans le secteur artistique, ils ont réussi là où certains ont parfois échoué. Citons par exemple Raffi Zaroukian, architecte et sculpteur intégrant des formes organiques dans ses dessins. Il a participé à des expositions collectives et privées en Amérique, au Canada. Cet artiste a quitté Beyrouth lorsqu’il avait 20 ans. Installé d’abord au Canada, il s’est établi par la suite en Californie. Membre de diverses organisations culturelles arméniennes et libanaises, Zaroukian nous confirme à quel point les Arméniens originaires du Liban ont gagné une bonne réputation au sein de la communauté arménienne en Californie. Autre artiste qui a fait ses preuves : Dzovig Seferian, la belle chanteuse, peintre et ingénieur qui s’était déjà fait un nom au Liban. Sa chanson In Love With You avait attiré l’attention du public qui l’avait alors plébiscitée sur la radio Nostalgie en 1999. Installée la même année avec sa famille en Californie, elle a sorti depuis des DVD d’animation. Le premier en arménien, Boching, s’adresse aux enfants en mettant en valeur le riche patrimoine du peuple arménien. Seferian a sorti également un DVD en espagnol. Dans un entretien, Dzovig Seferian nous fait part de ses différents projets artistiques. Très prochainement, son nouveau CD, qui sortira cette fois en anglais, devra voir le jour. Mais elle compte aussi produire un album en arabe. La carrière de ces artistes nous rappelle ce proverbe arménien : « L’homme doué est doué de tout. » « Little Armenia », berceau traditionnel de la communauté arménienne de Los Angeles et centre économique et culturel majeur de la communauté. Des célébrités d’origine libanaise Plusieurs Arméniens originaires du Liban sont devenus des personnalités du show-biz devenues célèbres aux États-Unis. Citons d’abord le réalisateur, producteur et scénariste Alek Keshishian qui a notamment réalisé des documentaires pour Madonna. Les musiciens John Dolmayan et Serj Tankian, tous deux membres du groupe de rock System of a Down. Ce groupe a vendu plus de 25 millions d’exemplaires dans le monde et a gagné un « Grammy Award » en 2006 dans la section « Best Hard Rock Performance ». Raffi Zaroukian, architecte et sculpteur originaire du Liban. Dzovig Seferian, chanteuse, peintre et ingénieur, s’était déjà fait un nom au Liban à la fin des années 90 avant d’émigrer en Californie. La diaspora arménienne dans le monde Outre les États-Unis, la diaspora arménienne est présente essentiellement entre les pays de l’ex-URSS (plus d’un million de personnes). Cinq cent mille vivent toujours au Moyen-Orient, quatre cent mille en France seulement. D’autres communautés importantes habitent l’Iran, l’Argentine et l’Australie. La première église arménienne de la ville, St Mary, en 1975. L’église St Gregory à Glendale, en Californie. Le frère américain de « Anta Akhi » Bou Sader et Ary, de la Nouvelle-Zélande au Brésil Collecte de fonds Loin des yeux, loin du cœur ? Océanie À la fin du XIXe siècle, une communauté libanaise existe déjà dans la Plus du tout pour les citoyens américains d’origine lointaine Nouvelle-Zélande. libanaise, qui de plus en plus se rapprochent de là En 1895, le jeune Elias Bou études en génie civil et génie Sader, né en 1854 au village électronique, comptabilité, de Choueir, au Mont-Liban, droit et journalisme. Wadih où ils sont venus. émigre vers la Nouvelle-Zélanmourut en 1948 au Brésil. WASHINGTON, d’Irène MOSALLI Récemment, leur attention était portée sur une collecte de fonds organisée à Washington à l’intention de « Anta Akhi », ce magnifique havre pour personnes souffrant de handicaps, que l’on a voulu similaire à celui des bien portants. Cette initiative revient à une jeune femme des plus dynamiques, Hagar Hajjar Chémali, et à son époux Julien Chémali, qui ont réussi une mobilisation autour de cette cause. Plus de 200 personnes, avec à leur tête l’ambassadeur du Liban Antoine Chédid et son épouse Nicole, avaient répondu à cet appel et se sont ainsi retrouvées à un brunch qui avait été offert par Béchara Nammour dans son restaurant Nayla. Rappelons que Hagar Hajjar possède plusieurs cordes à son arc. Née aux USA et actuellement l’une des conseillères en matière de politique de gestion des infractions financières et des sanctions qui s’ensuivent auprès de la Réserve fédérale, elle consacre également du temps à des activités humanitaires, spécialement en direction de son pays d’origine. Tendance familiale C’est là une tendance familiale : avant elle, ses parents Hadi et Mirella Hajjar avaient organisé une collecte de fonds à Greenwich (État du Connecticut, où ils sont installés), pour « Anta Akhi », après avoir visité cette association au Liban. Leur fille, Hagar Hajjar Chémali, a donc récidivé à Washington, convaincue elle Hagar Hajjar Chémali, un allant professionnel et humanitaire. aussi du « magnifique apport » de Anta Akhi, créée en 1992, par une non moins impressionnante personne, Yvonne Chami. C’est ce qu’elle a expliqué en accueillant l’audience, précisant, que cette association ne se contente pas de subvenir à tous les besoins des handicapés, mais vise aussi à changer la manière dont la société les aborde, par le biais de campagnes de prise de conscience et la promotion du concept du « vivre ensemble », en frères dans la paix, la joie, l’amour et l’harmonie. Pour cela, on a prévu des « compagnons de vie » avec lesquels ils peuvent communiquer et qui leur montreront qu’une personne handicapée et celle qui ne l’est pas sont égales. L’audience a aussi été informée de la structure et du fonctionnement de Anta Akhi : son financement (basé sur les donations), son infrastructure (couvrant tous les aspects d’un quotidien complexe et que l’on veut pareil à celui de tout le monde) et les imprévus, également au quotidien (urgences médicales, transport si spécial et tellement coûteux). À noter que Hagar Hajjar Chémali a réussi à communiquer sa flamme à un groupe de Libanais vivant à Washington dont la coopération l’a aidée à mettre sur pied cet événement, notamment Marie Boustani, Hadi Hajjar, Ramzi Rihani et Kintija E. Chémali. Un effort conjugué qui a permis de réunir 35 000 dollars, aussitôt envoyés à Anta Akhi. D’un caractère optimiste et chaleureux, elle a lancé à tous une invitation à « visiter » La Maison de la tendresse abritant l’association. « Et je vous recommande de rencontrer Yvonne Chami. Elle est à la fois fabuleuse et si sympa. Et sa force, et son intégrité sont une véritable source d’inspiration. » Hagar en a été si touchée qu’elle a ainsi coopéré à donner un frère américain à Anta Akhi, alors qu’elle-même s’apprête à donner naissance à son premier enfant. Cette page (parution les premier et troisième lundis de chaque mois) est réalisée en collaboration avec l’Association RJLiban. E-mail : [email protected] – www.rjliban.com de et s’installe dans le quartier industriel de Woolston, dans la ville de Christchurch, sur la côte est de l’île du Sud. Elias commence le travail dans le commerce général et ouvre ensuite une pâtisserie en association avec un ami anglais, Jack Pease, également émigrant en Nouvelle-Zélande. Il fait ainsi la connaissance de Miriam Pease, sœur de Jack, jeune fille née à Oxford, en Angleterre, en 1862. Leur mère s’appellait Harriete Smith et leur père, John Pease, avait travaillé à la typographie royale du palais de Buckingham du temps de la reine Victoria. En 1870, John et sa famille, chrétiens de l’Église « Société religieuse des Amis (Quaker) », avaient émigré pour la NouvelleZélande et John avait ouvert un magasin de chaussures à Christchurch. Retour au Liban dans les moments difficiles Elias et Miriam tombent amoureux l’un de l’autre et se marient en 1898. De cette union sont nés cinq premiers enfants, nés en NouvelleZélande : Jack, Fouad (qui décède en bas âge), Pearl, Gladys et Harry. En 1909, Elias est atteint d’une maladie de l’estomac et décide de retourner au pays. Commença alors un long voyage de retour au Liban, nouveau pays d’émigration pour Miriam. Gladys, Jack et Pearl en compagnie de leurs parents. Le navire passa par l’Australie – où Elias rencontra des amis libanais – puis l’île de Ceylan (Sri Lanka), le Yémen, l’Égypte (canal de Suez et Port-Saïd), la Palestine pour atteindre finalement Beyrouth. La famille s’installa à l’hôtel Belle Vue à Zeitouné. Miriam et les enfants s’adaptèrent rapidement au pays, malgré leur méconnaissance de la langue et des coutumes. Ils s’installèrent ensuite à Choueir, ville d’origine d’Elias, où le couple eut deux autres enfants, Helen et Albert. Non loin de Choueir, Miriam rencontra à Broummana des Anglais membres de son Église des Quakers, qui dirigeaient une école crée en 1874 par le missionnaire Quaker suisse, Theophilus Waldmeier. La famille se déplaça alors afin que les enfants puissent aller plus facilement à la « Broummana High School ». Wadih, Pearl et les enfants Amin, Janete, Neif, Roberto, Ivone, Wilma et Samir. En 1914 débuta la Première Guerre mondiale et la situation devint catastrophique au Liban où sévit le typhus. Les sauterelles envahirent le pays et dévastèrent les récoltes, provoquant la famine, à la suite de laquelle des milliers d’habitants moururent surtout dans les régions chrétiennes de Broummana, Jbeil, Batroun, Jezzine... Elias et Miriam passèrent avec leurs enfants des moments terrifiants. Miriam travailla dans un orphelinat en donnant tout son amour maternel, témoignage de l’amour de Dieu, selon l’un des concepts Quaker, celui de la « lumière intérieure ». Après la guerre, l’une des filles, Pearl, partit à Beyrouth pour suivre des études d’infirmière, Gladys voyagea en France auprès d’une famille française, Elias et son fils Jack trouvèrent du travail à Beyrouth. Puis Miriam mourut en 1918 de la fiè- vre espagnole à Broummana. Quant à Elias, il décéda dix ans plus tard à Beyrouth. Nouvelle émigration vers le Brésil Pearl (dont le nom en arabe est Lulu), qui était née en Nouvelle-Zélande en 1902, travailla après avoir obtenu son diplôme d’infirmière à l’hôpital de Broummana, où elle rencontra en 1924 Wadih Ary (al-Kary), libanais né à Zahlé, dans la Békaa, en 1897. Il était le fils de Amin Ary et Zaira Trad, famille qui avait émigré au Brésil à la fin du XIXe siècle, et qui résidait à Fortaleza, dans l’État de Ceara. Pearl et Wadih se marièrent aussitôt, et partirent rejoindre la famille de Wadih au Brésil. De Fortaleza, ils passèrent à São Paulo où ils eurent sept enfants : Janete, Amim, Neif, Roberto, Ivone, Wilma et Samir. Leurs enfants firent les meilleures Quant à Pearl, elle demeura au Brésil, avec un court séjour d’un an au Liban en 1968, et mourut en 1990 à l’âge de 88 ans. Une de leurs filles, Wilma, née en 1937, choisit le chemin des lettres et obtint en 1966 son diplôme en journalisme à São Paulo. Elle travailla dans plusieurs journaux et revues brésiliennes et eut des moments difficiles dans les années 1970 à l’époque de la répression suite à la dictature militaire. au Brésil. Depuis 1985, elle fait partie du corps enseignant de l’Université Paulista (UNIP) à São Paulo où elle est aujourd’hui rédactrice en chef du journal Multiensino-UNIP. Comme écrivaine, elle publia plusieurs livres, entre autres Diário de Miriam Bo Sauder (Journal de Mariam Bo Sauder), sa grand-mère anglaise, en 2008. Wilma visita le Liban pour la première fois cette année, parcourant les villages de Choueir, Broummana, Zahlé, le « grand fleuve Bardawni ». Elle livre ses impressions : « J’ai entendu à chaque coin des phrases arabes que je connaissais depuis mon enfance. Je me suis sentie durant ce retour aux sources véritablement chez moi. Mon prochain livre évoquera ces moments inoubliables. » Roberto KHATLAB Rencontres RJLiban À l’occasion de la venue d’un grand groupe d’Argentins au Liban, plusieurs rencontres sont prévues par l’association RJLiban qui les reçoit. Les 16 jeunes d’origine libanaise séjourneront la première semaine à Dhour Choueir, où commencent aujourd’hui les cours d’arabe spécialement réservés à leur attention, puis seront pour le week-end à Tyr où une grande journée de rencontres est ouverte à tous le samedi 6 juillet à l’auberge al-Fanar (possibilité de transport par bus à partir de Beyrouth). La seconde semaine, qui se déroulera à Beyrouth, sera clôturée le vendredi 12 juillet par un congrès qui réunira les participants et les tout jeunes souhaitant se joindre à eux pour « Penser le Liban » à l’hôtel Cosmopolitan, avant une dernière visite au LibanNord. Renseignements : www.rjliban.com, tél. : 03/345528.