La construction navale artisanale à Rezé (pdf - 2,70

Transcription

La construction navale artisanale à Rezé (pdf - 2,70
Les bistrots
de l’Histoire
«la construction navale
artisanale à Rezé»
plus d’infoS 02 40 84 43 60 / www.mairie-reze.fr
La construction navale
artisanale à Rezé
Bribes d’une histoire à faire
Ce petit texte n’est pas un article historique. Tout au plus, il s’agit d’une synthèse réalisée à partir d’une plongée dans les
fonds des archives municipales de Rezé et dans ceux des services de l’Etat.
Il n’a donc comme objet que de rassembler des bribes d’une histoire à faire.
Une implantation ancienne
C’est à Norkiouse que sont implantés à partir du
milieu du dix-neuvième siècle des chantiers navals :
ils ont pour nom Lemerle, Chauvelon puis plus tard
Clergeau, Boju1. Leurs effectifs et la nature de leurs
productions restent en grande partie inconnus. Un
Bulletin officiel du Yacht club de France nous apprend
qu’ « en 1862, un chantier de construction situé sur
le Seil de Rezé, à ce moment bras de la Loire, lança
le premier yacht nantais de fort tonnage, 20 tonneaux
environ, Le Rose-Friquet »2.
Les archives des services des ponts et chaussées
nous permettent d’en savoir un peu plus. Un rapport
de l’ingénieur ordinaire du 30 avril 1869 nous rapporte
ainsi qu’« il existait anciennement à North house un
chantier de construction de navires appartenant au
sieur Chauvelon dont Mr Hignard est devenu acquéreur à la barre du tribunal»3. Des plans nous renseignent également sur leur localisation.
Nous savons également que l’accès à la Loire
n’était pas aisé. En juin 1885, Monsieur Clergeau
demande aux services de l’Etat de faire exécuter un
dragage devant son chantier, comme cela a été fait
l’année précédente, pour faciliter le lancement d’un
navire4.
Plan des chantiers Clergeau et Boju
Plan du chantier Chauvelon
Des bateaux de toute sorte
Rezé vers 1900
C’est toujours à Norkiouse, que sont installés au
début du vingtième siècle les chantiers d’Eugène Alleau, de François Desvaux et Léon Desveaux. Le premier compte en 1913 dix ouvriers5 et produit des trois
mats en bois6.
En 1900, la Compagnie La Loire Fluviale achète
un terrain de plus de 13000 mètres carrés à l’ouest
de Haute-Ile. Cette société de transports par gabares
et remorquages sur la Loire, mais dont l’objet social
comporte aussi les constructions maritimes et fluviales a-t-elle produit des bateaux sur son site rezéen ?
Nous ne sommes pas en mesure d’apporter une réponse définitive à cette question, même si un papier
à en-tête de 1946 indique clairement « chantiers de
constructions de bateaux à Haute-Ile en Rezé »7.
La première moitié du vingtième siècle voit se développer la production par les pêcheurs de Trentemoult
de canots adaptés à la pêche en Loire. Ils vont prendre le nom de « basse-indrais ». Bateaux aux lignes
très fines, à l’étrave droite et au tableau en forme de
cœur, ils ont d’abord une fonction utilitaire, même si ils
sont aussi utilisés pour régater. M. Lebeaupin, formé
au chantier Alleau, est l’un de ses pêcheurs-constructeurs avec La Reine ou La Claudine8. La plupart de
ces « basse-indrais » ne survivront pas à la deuxième
guerre mondiale, les allemands les détruisant afin
d’éviter les franchissements clandestins de la Loire. Il
existe également de petits chantiers artisanaux, ceux
de M. Berthaud ou de M. Pasquier sur lesquels nous
savons peu de choses9.
La spécialisation dans les embarcations de plaisance
Chantier du port
Chantiers Aubin
À partir de la fin des années 1940, de nouveaux
chantiers voient le jour. A Norkiouse, Léon Bézier, jusque-là chef d’équipe aux chantiers Dubigeon, décide
de s’installer à son compte10. Dans les mêmes années, M. Guillon s’implante à proximité et M. Guillemet lance son chantier à Trentemoult11. Seul celui de
M. Bézier va perdurer, grâce à sa spécialisation dans
la construction de bateaux de plaisance, alors que les
deux autres essayent de produire des chalutiers.
À la fin des années 1950, Georges Lebeaupin
et Georges Berthaud, alors traceurs aux Ateliers et
Chantiers de Bretagne, décident à leur tour de créer
leur propre chantier. Ils achètent le terrain de l’ancien
chantier Guillemet et y construisent un hangar dans
l’hiver 1959-1960 : le Chantier du port est né12.
La concentration de chantiers sur Rezé se poursuit
puisqu’en 1962 les établissements Aubin acquièrent
l’ancien chantier Berthaud et y transfèrent leurs activités situées alors au bord de l’Erdre à la Tortière13.
En novembre 1963, une enquête nationale lancée
par le ministère de l’industrie nous apprend qu’une
vingtaine de chantiers existent alors dans le département avec deux villes regroupant à elles seules la moitié des sites : Rezé et Nantes14. Une Société bretonne
de construction navale semble alors vouloir s’implan-
Chantier Bézier
ter à Basse Ile sur les terrains de La Loire Fluviale,
mais ce projet n’aboutira pas15.
En 1968, les chantiers rezéens emploient au total
plus de 40 personnes16. Alliant savoir-faire et innovations techniques, ils se sont lancés dans la production
en série : les Vauriens, Muscadet, Bélougas, Mopelia,
Armagnac, Cognac, etc. sont produits par dizaines
et même par centaines pour certains. Les chantiers
collaborent avec des architectes navals de renom :
Cornu, Harlé, Chauveau ou Humblot.
À partir des années 1970, la concurrence du
polyester se fait de plus en plus grande. Les Etablissements Aubin décident de s’y lancer et créent APS
à Saffré ; d’autres cherchent des activités annexes
comme la réparation, l’hivernage ou la sous-traitance
et même l’aménagement intérieur de maisons.
La fin d’une longue histoire ?
En juillet 1980, Aubin frères dépose le bilan à Rezé.
La société APS poursuivra ses activités jusqu’en
1986. En 1985, le Chantier du port connaît le même
sort. Des salariés décident de poursuivre l’aventure
et créent une société coopérative de production, La
Griffe Marine. En plein développement, elle déménage
en 1990 pour Cheviré mais est emportée par la crise
qui touche le secteur et ferme ses portes en 1995.
D’anciens employés tentent de lancer sans succès
une nouvelle société, Loire Nautic, qui s’installe sur le
site du Chantier du port devenu propriété communale. Ce dernier est depuis mis à disposition du Centre
Nautique Sèvre et Loire.
l’Esclain qui propose maintenance et hivernage des
bateaux. Il est finalement détruit pour laisser place à
des logements.
De 1994 à 2007, Canotage de France, basée à
Basse Ile, produit et diffuse le Seil, embarcation créée
dans un cadre associatif afin de relancer les régates
de Trentemoult.
Aujourd’hui ne subsiste que Le Bois courbe, chantier qui occupe une partie des anciens Etablisssements
Aubin et qui perpétue la tradition de la construction
navale artisanale sur les bords de Loire.
En 1992, Claude Bézier qui a succédé à son père,
prend sa retraite. Racheté par la ville, son chantier
accueille pendant quelques années le Chantier de
Le chantier Loire nautic
Rochcongar Yves, Des navires et des hommes – De Nantes à Saint-Nazaire, deux mille ans de construction navale, Nantes, Editions Maison des hommes et des techniques, 1999.
Bulletin officiel du Yacht club de France, n°136, numéro de Noël 1934.
ADLA 3 S 1155, Ponts et Chaussées : alignement et affaires de voiries, demandes des riverains (1858-1890).
4
ADLA 3 S 1095, Ponts et Chaussées : rives de Loire – Trentemoult (1860-1889).
5
ADLA 2 P 479/2 et 483, Contributions directes, 1913 et 1920.
6
Entretien avec Georges Lebeaupin, 11 mars 2009.
7
ADLA 184 W 42-43, Ministère de la construction – Dommages de guerre, Compagnie La Loire Fluviale.
8
Entretien avec Georges Lebeaupin, 11 mars 2009.
9
AMR 1 F 112-14, Recensements de la population, 1926-1936
10
AMR 502 W 314, Urbanisme – Dossier Chantier Bezier.
11
AMR 004 W 008, Contributions directes.
12
AMR 502 W 295, Urbanisme – Dossier Chantier du port.
13
AMR 502 W 317, Urbanisme – Dossier Etablissements Aubin et Aubin Marie-anne, Les chantiers Aubin, Des hommes de cœur, des hommes de savoir, 2008, La Chapelle-sur-Erdre.
14
ADLA 1022 W 63, Fonds de la Préfecture - Recensement des entreprises ayant une activité de construction d’embarcations de plaisance ou une activité connexe (1963).
15
AMRS 10 O 1, Rives de Loire (1962).
16
AMR 502 W 295, 314 et 317.
1
2
3
Contact : 02 40 84 45 56
[email protected]
© Mairie de Rezé : Textes : Ronan Viaud - Maquette NH
Visuel couverture : nathalie.fonteneau.com - Crédits photos : Archives municipales de Rezé
et Archives départementales de Loire-Atlantique