Libres propos - Groupe Monassier

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Libres propos - Groupe Monassier
LA SEMAINE JURIDIQUE NOTARIALE
ET IMMOBILIERE
Date : 20 NOV 15
Page de l'article : p.8-9
Journaliste : Xavier Fromentin/
Sophie Brange
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
OJD : 7714
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Libres propos
FISCAL
1100
Ventes de terrains à bâtir issus d'une
division par un marchand de biens ou un
lotisseur: la TVA en débat
XaVISr Fromentin, notaire, charge d'enseigne
ments a l'Institut d economie et de management de Nantes
- IAE membre du Groupe Monassier - Reseau notarial
et Sophie Grange, notaire, membre du Groupe
Monassier Reseau notarial
N
ombreux sont les notaires amenés
a connaître des operations réalisées par des marchands de biens,
ou des lotisseurs, consistant pour ces derniers a se porter acquéreurs auprès de particuliers d'un immeuble bâti, comportant
un vaste terrain d'agrément situe en zone
constructible L'opération revient pour le
professionnel de l'immobilier a acquerir,
diviser, puis revendre tant le terrain bâti,
que des terrains a bâtir Le regime d'imposition a la TVA de ce professionnel de l'immobilier fait actuellement debat En effet,
des procedures de rectification menées a
1'encontre de ces marchands de biens ou
lotisseurs laissent a penser que les services
de l'Administration se montrent exigeants,
trop même, a 1'encontre de ces contn
buables Expression du doute qui règne,
une question ecrite vient d'être dépo
see par Olivier Carre députe du Loiret, a
l'Assemblée nationale, a l'attention du ministre des Finances et des Comptes publics
(V Annexe infra)
Par le passe, l'administration fiscale a déjà
montre qu'elle ne rechignait pas a endosser l'habit de législateur (V Instr 14 juin
2013 BOI-PAT-ISF-40-60) prévoyant, pour
la détermination du plafonnement de l'ISP
à 75 % des revenus du contribuable, d mie
grer dans l'assiette de calcul du plafonnement certains revenus latents notamment
les intérêts des bons ou contrats de capitalisation ou d assurance sur la vie monosupport en euros ou tires des compartiments euros des contrats multi-supports,
annulée par le Conseil d'Etat (CE, 8e et 3e
ss-sect réunies, 20 dec 2073, n° 371157)
Seulement, dans un Etat de droit, ce type
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d'initiative fait l'objet d un rappel a l'ordre
du Conseil constitutionnel (Cons const, 29
dec 2013, n" 2013-685 DC)
• Contexte en pratique - Un marchand de
biens fait l'acquisition auprès de particuliers d'un immeuble a usage d'habitation,
comprenant également un vaste terrain
d'agrément, situe en zone constructible du
PLU de sa commune Comme son objectif
consiste à diviser la parcelle acquise afin
de revendre d'une part, l'immeuble bâti et
d'autre part des terrains a bâtir, ('acquisition n'est régularisée qu'après l'obtention
d'un permis d amenager, ou d'un arrête
de non-opposition a la declaration pre
alable de division, selon les cas Une fois
cette acquisition réalisée, le marchand de
biens procede a la division de la parcelle
« mere », et a la revente des parcelles
« filles »
• Le régime de TVA applicable prévu
par la loi - Depuis l'entrée en vigueur de la
reforme de la TVA du 9 mars 2010 la vente
de terrains a bâtir par un assujetti entre
dans le champ d'application de cette taxe
Le contribuable liquide par conséquent
la TVA sur le prix de vente des terrains
vendus et peut déduire la TVA acquittée
lors de leur acquisition Par derogation la
TVA n'est liquidée que sur la marge réalisée par ce contribuable lorsque celui-ci
n a pas bénéficié d'un droit a déduction a
l'occasion de l'acquisition (CCI, art 268)
Le marchand de biens estime par conséquent, et a juste titre, qu'il est en mesure
de bénéficier du regime dérogatoire prévu
par l'article 268 du CGI, puisqu'il n'a pas
acquitte de TVA lors de son acquisition Par
ailleurs, lui reclamer le paiement d'une TVA
sur le prix total contreviendrait au principe
même de la TVA qui est, rappelons-le, une
taxe sur la valeur ajoutee, et seulement sur
la valeur ajoutee
• Conditions supplémentaires exigées
de l'administration fiscale pour l'application du regime dérogatoire - Une
instruction fiscale du 29 decembre 2010,
reprise au Bulletin officiel des finances
publiques (BOI-TVA-IMM-10-20-20140915
n°20) précise qu'il « n'y a lieu de rechercher le régime d'acquisition aux fins de
déterminer la base d imposition que pour
les seules livraisons d'immeubles acquis
et revendus en gardant la même qualification c'est-à-dire respectivement
- de terrains a bâtir qui ont ete acquis précédemment comme terrains n'ayant pas
le caractère d immeubles bâtis ,
- ou d'immeubles achevés depuis plus de
cinq ans qui ont ete acquis précédemment en l'état d'immeubles déjà bâtis »
Autrement dit, le regime dérogatoire
auquel devrait pouvoir prétendre le mar
chand de biens (TVA liquidée sur la marge)
ne serait applicable qu'à la condition qu'il
y ait une identité de qualification des biens
acquis, puis vendus par lui Nous serions
tentes de considérer que la qualification
est identique entre l'achat et la revente,
puisque le marchand de biens a réalisé
son acquisition apres avoir obtenu une
autorisation d'urbanisme lui assurant qu'il
acheté, puis pourra revendre, un immeuble
bâti et des terrains a bâtir Cependant,
l'administration fiscale se montre plus
stricte encore puisqu'elle énonce, dans
des termes qui laissent dubitatif ce qui suit
(BO/-TVA-/MM-10-70-TO-40, 7 janv 2013,
n° 10) « En legle generale, une division
parcellaire devra intervenir préalablement
a la mutation, permettant de distinguer la
part de l'emprise libre de constructions
utilisables comme telles dont la cession
sera taxée comme terrain a bâtir, et la part
déjà bâtie utilisable comme telle dont la
qualification fiscale dépendra des caractéristiques propres »
Notons que cette distinction censée permettre l'application d'un regime d'imposition particulier au terrain a bâtir, d'une part,
et a l'immeuble bâti, d'autre part, est artificielle, puisque pour le marchand de biens,
le regime d'imposition est le même, quelle
que soit la qualification retenue
• Argumentation de l'administration
fiscale - Maîs poursuivons notre etude
MONASSIER 6064806400505
LA SEMAINE JURIDIQUE NOTARIALE
ET IMMOBILIERE
Date : 20 NOV 15
Page de l'article : p.8-9
Journaliste : Xavier Fromentin/
Sophie Brange
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
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à la lecture d'un dossier de rectification
que nous nous sommes procure Le service y précise encore davantage le régime
d'imposition qu'il entend appliquer à notre
marchand de biens
« / La taxation sur la marge est possible si dans l'acte d'acquisition ( }
- Chaque terrain destine à être revendu
soit clairement désigné et identifié en
tant que tel, avec précision de ses références cadastrales et de sa contenance,
distinctement des immeubles bâtis dont
il est détache
- Le prix d'acquisition fasse l'objet d'une
ventilation entre la partie afférente à
chaque terrain détaché et celle correspondant à l'immeuble bâti
- Chaque élément, terrain détaché et immeuble bâti, soit soumis au régime fiscal
approprié en fonction de sa qualification,
en matiere de droits de mutation et de
plus-values »
Le marchand de biens se voit notifier une
proposition de rectification l'Admimstration lui réclame de verser le complément de
TVA, laquelle doit être calculée sur le prix
de vente de l'ensemble des lots issus de la
division de la parcelle acquise Le surcoût,
non prévisible, correspond donc au montant de l'impôt au taux de 20 %, assis sur le
prix d'achat versé aux vendeurs particuliers
Dans la plupart des situations, ce marchand
de biens n'aura pas la trésorerie suffisante
pour régler un tel impôt et se trouvera en
état de cessation des paiements
- Conclusion - La position de l'Administration laisse perplexe D'abord, parce
que la doctrine fiscale figurant au BOFiP
ne doit être qu'un commentaire de la loi,
et qu'en l'espèce, l'Administration a largement dépasse le stade du commentaire en
exigeant des conditions non prévues par le
Code genéral des impôts Ensuite, parce
que le principe du réalisme fiscal implique
que l'Administration doit soumettre une
operation économique a l'impôt en fonction de ses caractéristiques intrinsèques
un terrain à bâtir est un terrain qui peut
supporter des constructions, et il n'est
nul besoin d'aller chercher davantage de
conditions, telles la division cadastrale préalable ou la ventilation du prix permettant
de détacher sa valeur de celle du foncier
bâti afin de le rendre constructible Enfin,
parce que les motivations de l'Admimstration nous semblent arbitraires, et méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt
Pourquoi l'Administration entend-elle surtaxer le marchand de biens 7 ll nous apparaît que les conditions imposées, permettant au marchand de biens de bénéficier
du régime de la TVA sur marge, ont pour
corollaire de soumettre à l'impôt sur la
plus-value les vendeurs particuliers
- soit ces derniers divisent leur parcelle afin
de faire apparaître distinctement dans
l'acte de vente au profit du marchand
de biens, d'une part, un immeuble bâti,
et d'autre part, des terrains à bâtir dans
ce cas, le marchand de biens pourra bénéficier du régime de la TVA sur marge
puisqu'il respecte les exigence de l'Administration, maîs les vendeurs ne pourront
pas bénéficier du régime d'exonération
de l'impôt sur la plus-value au titre de
la résidence principale sur la partie du
r
«M Olivier Carré attire l'attention de M le
ministre des Finances et des Comptes
publics sur les régimes de plus-values immobilières et de TVA applicables lors de
I la vente d'un immeuble par un particulier
* au profit d'un marchand de bien ou d'un
lotisseur, et des reventes ultérieures effectuées par ce dernier
lll vise plus particulièrement le cas de Tac-
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prix affectée aux parcelles constructibles
détachées ,
- soit les vendeurs cèdent leur parcelle
bâtie au marchand de biens sans division
préalable • ils pourraient bénéficier alors
d'une exonération totale de l'impôt sur
la plus-value dès lors qu'il s'agit de leur
résidence principale (avec dependances
immédiates et voies d'accès), maîs le
marchand de biens s'acquitte en contrepartie d'une TVA sur le prix de revente
total, sans pour autant bénéficier d'une
quelconque déductibihté lors de son
acquisition
Le calcul de l'Administration apparaît
pernicieux mieux vaut prelever la TVA,
non susceptible d'exonération, auprès
d'un professionnel, que de soumettre
un particulier à l'impôt sur la plus-value
puisque celui-ci serait considéré comme
injuste (imposition des terrains détachés
de la résidence principale), et susceptible
d'exonération (abattement pour duree
de détention, menant à une exonération
au bout de trente ans) Ce n'est sûrement
pas à ce réalisme fiscal que le professeur
Gozlan était attaché Dans l'attente des
précisions qui seront apportées dans les
prochaines semaines par Bercy, il convient
de se montrer prudent à l'égard de la position à adopter dans ce type d'opérations
d'achat - division - revente Nous pouvons
espérer un infléchissement de la position de l'Administration, sauf à craindre
une inflation du nombre de contentieux
devant les juridictions administratives, et
une incertitude fiscale persistante pendant
encore quèlques années.
ANNEXE
quisition, par un marchand de biens ou un
lotisseur, auprès d'un particulier, d'un immeuble comprenant une construction et
un vaste terrain d'assiette constructible,
lorsque l'intention de l'acquéreur, connue
au jour de la vente (un permis d'aménager ayant souvent déjà eté obtenu), est de
diviser puis de revendre l'immeuble, pour
partie comme terrain bâti, et pour le surplus comme lots de terrains à bâtir
rn effet, lors des reventes par le marchand de bien (ou le lotisseur), il semblerait que la doctrine fiscale exige, pour
permettre la taxation des prix de reventes
à la TVA sur la marge en vertu de l'article
268 du CGI, des conditions non prévues
par ce texte (division préalable à l'acquisition notamment) ll souhaiterait connaître
sa position sur ce point
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