devoir n°1 : analyse de document
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devoir n°1 : analyse de document
DEVOIR N°1 : ANALYSE DE DOCUMENT(S) Traitez un des deux sujets proposés Sujet n°1 Le commerce britannique et le monde. Après l’avoir présenté, analysez le document afin de montrer l’importance du commerce dans l’économie britannique et de définir la politique menée par l’auteur. Vous montrerez ensuite les limites de ce document. « Tous les grands services de l’Etat s’occupent d’affaires commerciales. Le ministère des Affaires étrangères et celui des Colonies ont pour tâche essentielle de trouver de nouveaux marchés et de défendre les anciens. Le ministère de la Guerre et l’Amirauté sont avant tout voués à la préparation de la défense de ces marchés et à la protection du commerce. Ceux de l’Agriculture et du Commerce n’ont que le souci de ces deux grandes branches de l’activité économique. Le département de l’Education lui-même fonde ses demandes d’argent public sur l’argument de la nécessité de maintenir nos concitoyens bien en tête dans la lutte commerciale qu’ils doivent affronter. Il n’est pas exagéré de dire que le commerce représente la plus importantes de toutes les questions publiques. […] Je serais tout à fait disposé à admettre que si d’autres nations voulaient bien se maintenir à l’écart [de la course aux colonies], il aurait pu être plus sage pour nous de procéder moins rapidement. Je suis fondé à affirmer que nous n’avons été ni les premiers, ni les plus ardents à aller de l’avant ; si nous étions restés passifs, que serait-il arrivé ? N’est-il pas certain que la plus grande partie du continent africain aurait été occupée par nos rivaux commerciaux qui auraient commencé par fermer ce grand marché potentiel au commerce britannique ? […] Par notre politique commerciale, aussitôt que nous acquérons et développons un nouveau territoire, nous, nous le développons comme les fondés de pouvoir de la civilisation pour la croissance du commerce mondial. » Joseph Chamberlain (*) : discours à la Chambre de commerce de Birmingham, 19 novembre 1896 (*) Joseph Chamberlain est à la fois maire de Birmingham et ministre des Colonies (1895-1903) GRILLE DE CORRECTION SUJET N°1 Présentation du document La nature du document et les destinataires sont identifiés [211] La date est relevée [211] Le contexte est précisé [112] L’auteur est nommé et Il est présenté [211] La fiabilité du document est questionnée [214] Le sujet du document est mis en évidence [211] S S S S S S M+ M+ M+ M+ M+ M+ MMMMMM- I I I I I I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S S M+ M+ MM- I I S S M+ M+ MM- I I S S S M+ M+ M+ MMM- I I I Thème 1 : L’importance du commerce dans l’économie britannique Le commerce, un révélateur de la puissance de l’économie britannique A relever : « les anciens [marchés » ; « grandes branches de l’activité économique » ; « la plus importante de toutes les questions publiques » ; « Birmingham » A mettre en relation avec : croissance, industrialisation, précocité du développement économique britannique ; commerce international, économie-monde, débouchés commerciaux pour les productions industrielles britanniques Le commerce, une activité indispensable à défendre A relever : « la défense de ces marchés » ; « protection du commerce » ; « lutte commerciale » ; « rivaux commerciaux » ; A mettre en relation avec : importance du contrôle des voies maritimes et des passages stratégiques ; puissance de la Royal Navy et présence de « points d’appui » pour celle-ci partout dans le monde ; ingérence dans les affaires de pays indépendants et existence d’un « Empire informel » Thème 2 : La politique de Joseph Chamberlain Une politique de conquête coloniale A relever : « [ministère] des Colonies » ; « il aurait pu être plus sage pour nous de procéder moins rapidement » ; « nous n’avons été ni les premiers, ni les plus ardents à aller de l’avant » ; « d’autres nations » ; « trouver de nouveaux marchés » ; « la plus grande partie du continent africain » ; « nous acquérons [un territoire] » A mettre en relation avec : rivalité coloniale avec la France ; constitution et renforcement d’un Empire britannique (colonies directes, protectorats, dominions) ; besoins en matières premières Une politique civilisatrice A relever : « développons un territoire » ; « les fondés de pouvoir de la civilisation » A mettre en relation avec : influence culturelle britannique dans une partie du monde (langue, traditions, religion, sports…) ; équipement des territoires colonisés (ports, voies de chemins de fer…) Méthode de l’analyse documentaire Des informations sont prélevées dans le document et apparaissent dans la réponse sous forme de citations entre guillemets [212] Le sens général du document est compris [213] La réponse apporte des connaissances qui explicitent le contenu du document et permettent l’analyse [215] Conclusion et limites Les grandes idées issues de l’analyse sont synthétisées [227] Les limites du document (la colonisation est seulement présentée comme un bienfait ; le Royaume-Uni présenté comme victime de la rapacité des « autres nations » ; un discours destiné à justifier une politique personnelle donc qui n’est pas objectif…) sont montrées [214] Présentation / Expression / Orthographe Le devoir est bien présenté (écriture, lignes séparant les différentes parties...) [411] Le devoir est correctement exprimé [412] Le devoir est correctement orthographié [413] PROPOSITION DE CORRIGE SUJET N°1 (ne pas oublier que c’est un corrigé de prof, pas l’intégralité des attentes) Le document proposé pour étudier la place du commerce britannique dans le monde est un extrait d’un discours prononcé par Joseph Chamberlain le 19 novembre 1896. Ministre des colonies mais aussi maire de la ville, Chamberlain s’adresse aux marchands de Birmingham réunis à la Chambre de commerce. Le contexte de ce discours est un peu particulier puisqu’il se situe à une époque où l’économie britannique peine du fait de la concurrence étrangère et de la longue période de dépression économique entamée en 1873. C’est la raison pour laquelle Joseph Chamberlain choisit de mettre en avant la politique du gouvernement auquel il appartient en faveur du commerce et celle qu’il déploie en matière coloniale. Discours politique destiné à convaincre et rassurer, ce document n’est donc guère objectif mais éclaire bien les doutes et les espoirs britanniques à la fin du XIXème siècle. Joseph Chamberlain affirme dès le début de cet extrait que « Toutes les grands services de l’Etat s’occupent d’affaires commerciales » (l.1), c’est dire à quel point l’activité du commerce est essentielle au fonctionnement de l’économie britannique. Le fait qu’il évoque en premier les ministères des « Affaires étrangères », des « Colonies » et de la « Guerre » suffit pour comprendre que le commerce auquel il est fait allusion dans ce document est le commerce international que le Royaume-Uni réalise avec une grande partie de la planète et notamment avec les espaces appartenant à ce que les historiens appellent aujourd’hui son économie-monde. Ce commerce britannique est déjà établi depuis longtemps puisque Joseph Chamberlain évoque des marchés « anciens » (l.3) ; il pense ici sans doute à l’époque où, au début de la grande phase d’industrialisation, le Royaume-Uni était l’Atelier du monde et produisait à lui seul 50 % de la production industrielle mondiale. Cette industrie prospère (dont Birmingham est un des grands centres), correspondant alors à la première puissance économique de la planète, avait besoin de débouchés dans le monde pour vendre ses produits mais aussi de lieux pour se fournir en matières premières. C’est en cela que le commerce est pour le Royaume-Uni « la plus importante de toutes les questions publiques » : que l’activité commerciale ralentisse ou s’arrête et toutes les « grandes branches de l’activité économique » s’effondrent faute de clients et/ou faute de ressources. Parce que le commerce est essentiel à l’économie britannique (« protection du commerce »), Joseph Chamberlain entend bien que celui-ci soit défendu. Cette défense est d’abord celle des « marchés » sur lesquels ne doivent pas s’implanter les « rivaux commerciaux » des Britanniques. Ces marchés sont certes les marchés coloniaux évoqués par le discours mais aussi de pays indépendants qui sont intégrés à l’économiemonde britannique et constituent ce qu’on appelle parfois l’Empire informel (Chine, pays d’Amérique du Sud…). Le développement industriel d’autres pays (Etats-Unis, Allemagne, France notamment) a conduit à une véritable « lutte commerciale » que les Britanniques ont l’impression de perdre ce qui explique le discours offensif de Joseph Chamberlain. L’évocation de « l’Amirauté » parmi les organes partie prenante à la politique commerciale britannique rappelle à quel point celle-ci repose sur la maîtrise des mers du globe ; la Royal Navy, marine militaire britannique, a pour rôle de contrôler ces routes maritimes et notamment les espaces stratégiques que sont les détroits, en particulier sur l’axe vital pour Londres qu’est la route des Indes. En tant que ministre des Colonies, Joseph Chamberlain mène une politique qui s’inscrit parfaitement dans la lutte commerciale menée par le Royaume-Uni contre ses concurrents. Face aux risques de surproduction liés à la crise, il s’agit pour lui de « trouver de nouveaux marchés », donc de coloniser de nouveaux territoires afin de les arrimer fortement au Royaume-Uni. Cette politique de conquête coloniale est cependant jugée périlleuse par bon nombre de Britanniques ce qui amène Joseph Chamberlain à se justifier dans son discours (« il aurait été plus sage pour nous de procéder moins rapidement »). La fin du XIXème siècle est effectivement marquée par une véritable « course aux colonies » et l’auteur rappelle le cas récent de la colonisation de l’Afrique qui a vu le Royaume-Uni prendre possession de territoires nombreux lui permettant de dominer un axe allant de l’Egypte à l’Afrique du Sud. Dans cette lutte, il met en avant la menace constituée par « d’autres nations » (essentiellement ici la France) qui disputent au Royaume-Uni ces territoires mais aussi leurs matières premières. Dans sa volonté de minimiser les risques britanniques dans cette colonisation (mais aussi, et surtout, son coût), Joseph Chamberlain rejette donc sur d’autres la responsabilité de cette colonisation rapide (« nous n’avons été ni les premiers, ni les plus ardents à aller de l’avant ») ; il en oublierait presque que l’empire colonial britannique est le plus vaste au monde avec ses colonies directes, ses protectorats et ses dominions présents sur tous les continents. La politique coloniale que présente Joseph Chamberlain n’est pas seulement pensée par rapport à l’intérêt économique du Royaume-Uni. En même temps que des relations commerciales, il entend mener une œuvre civilisatrice. Il présente en effet les Britanniques comme « les fondés de pouvoir de la civilisation ». En même temps que des relations commerciales, le Royaume-Uni diffuse sa culture dans les parties du monde qu’il contrôle (langue anglaise, religion protestante, traditions, éducation, sports…). Cela fait partie de ce que les Britanniques doivent faire lorsque, selon Chamberlain, « nous développons un territoire ». Toutefois, cette vision du développement des territoires colonisés doit être relativisée ; elle repose souvent sur le développement d’infrastructures telles que les ports ou les voies de chemins de fer, la formation d’élites locales instruites, qui sont autant d’éléments permettant de rendre plus efficace le commerce britannique. Le discours de Joseph Chamberlain montre à quel point le commerce britannique ne peut vivre sans le monde, à quel point c’est tout un pays qui est tributaire de son rôle de centre dans une économie-monde constituée dans la seconde moitié du XIXème siècle. C’est ce commerce, par les débouchés qu’il offre et par les matières premières qu’il fournit, qui permet le fonctionnement de l’activité économique britannique. Mais, dans une période de ralentissement économique, la recherche de nouveaux débouchés s’accompagne d’une politique coloniale agressive que Joseph Chamberlain entreprend ici de justifier. C’est justement parce que ce discours tend à justifier une politique personnelle qu’on ne peut pas le considérer comme objectif. Il place délibérément les Britanniques en position de victimes de la concurrence d’autres nations comme si le commerce international devait être réservé aux seuls marchands britanniques. Par ailleurs, la justification donnée de la politique de colonisation est bien trop chargée de bienfaits pour qu’elle soit véritablement honnête. Joseph Chamberlain se pose ici en apôtre d’un empire colonial britannique fort, une position qui n’est déjà plus tenable pour un Royaume-Uni concurrencé par de nouvelles grandes puissances. Sujet n°2 Les grandes villes, moteurs de la croissance et de la mondialisation depuis le milieu du XIXème siècle. Après avoir présenté le document n°1, analysez les documents afin de montrer que les grandes villes sont des lieux essentiels à la croissance économique puis leur place dans la mondialisation. Vous montrerez ensuite les limites de ces documents pour l’étude du sujet. Document n°1 : Le développement économique de Chicago dans le dernier tiers du XIXème siècle « A partir des années 1860, Chicago qui était alors une ville de commerce, devint très rapidement une grande capitale industrielle. Le nombre de firmes industrielles passa de 129 en 1860 à 730 en 1873, employant 50 000 ouvriers. En 1880, Chicago comptait 4 000 de ces établissements avec 75 000 ouvriers. Chicago se distinguait par la diversité de ses activités et en étant la ville des grandes usines. En 1900, elle abritait trois des quatorze plus grandes usines des Etats-Unis. […] Plus que toute autre industrie et que tout autre moyen de transport, le train joua un rôle essentiel dans l’essor de Chicago. Dans son célèbre roman Sister Carrie (1900), Theodore Dreiser décrit le voyage en train de l’héroïne, une jeune fille qui quitte sa famille pour s’établir à Chicago dont, « depuis la petite enfance, on lui rebattait les oreilles de la splendeur ». […] Les conséquences urbaines de l’installation du train à Chicago se manifestèrent d’abord par l’installation de voies de chemin de fer, d’entrepôts et de gares. […] La municipalité de Chicago n’avait pas de plan de développement pour le train : elle se contentait d’approuver ou de refuser les demandes des compagnies, lesquelles posaient leurs rails et construisaient leurs bâtiments avec une grande marge de manœuvre. […] Une autre conséquence du développement du chemin de fer fut l’afflux de voyageurs dans la ville. Les fermiers des campagnes environnantes, les voyageurs de commerce et les hommes d’affaires du pays, mais aussi les migrants encombrés de bagages, attirés par les industries en plein essor, tous se pressaient sur les quais et dans les salles des pas perdus. Cette situation de capitale du train favorisa également le développement d’industries ferroviaires : des rails, des équipements divers et surtout des wagons (Chicago est le siège de la compagnie Pullman qui inventa les wagons-lits et les wagons-restaurants). […] Pour que les lieux d’abattage des animaux se rapprochent du lieu de vente de Chicago, il fallait résoudre le problème de la conservation et du transport de grandes quantités de viande pendant la saison chaude. Là encore, le train joua un rôle essentiel en permettant le transport suffisamment rapide de blocs de glace depuis les régions les plus froides. En 1875, Gustavus Swift s’installa à Chicago ; il fit perfectionner les wagons réfrigérés par un ingénieur de telle sorte que les carcasses fraîches pouvaient arriver en bon état dans les villes de l’Est. » d’après Pap N’Diaye : Histoire de Chicago, Paris, Fayard, 2013 Document n°2 : Singapour au milieu des années 2000 GRILLE DE CORRECTION SUJET N°2 Présentation du document La nature du document et les destinataires sont identifiés [211] La date est relevée [211] Le contexte est précisé [112] L’auteur est nommé et Il est présenté [211] La fiabilité du document est questionnée [214] Le sujet du document est mis en évidence [211] S S S S S S M+ M+ M+ M+ M+ M+ MMMMMM- I I I I I I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S M+ M- I S S M+ M+ MM- I I S S M+ M+ MM- I I S S S M+ M+ M+ MMM- I I I Thème 1 : Les grandes villes, des lieux essentiels à la croissance Des espaces d’activité économique A relever : « grande capitale industrielle » ; « le nombre de firmes passa… 75 000 ouvriers » ; « diversité de ses activités » ; « ville des grandes usines » ; « grande marge de manœuvre » ; développement d’industries ferroviaires » ; « qui inventa…wagons-restaurants » ; « résoudre le problème… saison chaude » ; « perfectionner les wagons réfrigérés » ; gratte-ciels ; A mettre en relation avec : industrialisation ; innovation ; croissance économique ; libéralisme économique ; tertiarisation Des espaces en perpétuelle transformation A relever : « essor de Chicago » , « splendeur » ; « installation de voies ferrées… gares » ; « pas de plan pour le développement » ; gratte-ciels de Singapour A mettre en relation avec : libéralisme ; croissance urbaine ; urbanisation ; urbanisme vertical ; hiérarchisation progressive des quartiers Thème 2 : Les grandes villes ont une place essentielle dans la mondialisation Des espaces au carrefour de grands flux A relever : « le train joua… essor de Chicago » ; « afflux de voyageurs » ; « migrants encombrés de bagages » ; « capitale du train » ; « transport suffisamment rapide des blocs de glace » ; port important ; grand nombre de conteneurs , gratte-ciels A mettre en relation avec : exode rural ; mobilités ; commerce ; flux maritimes importants ; grandes façades maritimes ; flux d’informations ; flux de capitaux. Une extension progressive des zones d’influence A relever : « grande capitale industrielle » ; « jeune fille qui quitte sa famille pour s’établir à Chicago » ; « afflux de voyageurs » ; « fermiers… migrants encombrés de bagages » ; « dans les villes de l’Est » ; Singapour, ville-Etat asiatique A mettre en relation avec : métropoles ; attractivité de plus en plus forte ; passage de marchés nationaux à internationaux ; passage d’une économie monde américaine naissante (doc 1) à multipolaire (doc 2) Méthode de l’analyse documentaire Des informations sont prélevées dans le document et apparaissent dans la réponse sous forme de citations entre guillemets [212] Le sens général du document est compris [213] La réponse apporte des connaissances qui explicitent le contenu du document et permettent l’analyse [215] Conclusion et limites Les grandes idées issues de l’analyse sont synthétisées [227] Les limites du document (2 villes seulement présentées ; document 1 incomplet ; document 2 ne permettant pas de voir toute la ville ; au début du doc 1, Chicago n’est pas encore une grande ville…) sont montrées [214] Présentation / Expression / Orthographe Le devoir est bien présenté (écriture, lignes séparant les différentes parties...) [411] Le devoir est correctement exprimé [412] Le devoir est correctement orthographié [413] PROPOSITION DE CORRIGE SUJET N°1 (ne pas oublier que c’est un corrigé de prof, pas l’intégralité des attentes) Dans ce petit dossier permettant d’étudier la place des grandes villes dans les phénomènes de croissance et de mondialisation, le document n°1 évoque les transformations de la ville de Chicago dans le dernier tiers du XIXème siècle. Ce texte est tiré de l’ouvrage Histoire de Chicago, ouvrage universitaire d’érudition dont l’auteur est l’historien Pap N’Diaye (spécialiste de l’histoire des Etats-Unis) ; Il s’agit donc d’un texte fiable. Sa parution date de 2013 dans un contexte économique général très différent de celui des faits qu’il présente (crise économique contre période de forte croissance). Les grandes villes, comme Chicago au XIXème siècle (document 1) ou Singapour aujourd’hui (document 2), apparaissent comme des lieux essentiels à la croissance, c’est-à-dire à l’augmentation soutenue de la quantité de biens et de services produits. Les grandes villes sont en effet des espaces d’activité économique et ces activités productrices ne peuvent que générer de la croissance par les biens ou services nouveaux créés. Le document n°1 rappelle la forte augmentation du nombre des entreprises industrielles à Chicago (« le nombre de firmes passa… 75 000 ouvriers »). Cette augmentation fait de la ville une « grande capitale industrielle » ayant une forte « diversité de ses activités ». Il s’agit là des résultats du phénomène d’industrialisation (anciennement appelé révolution industrielle) qui, grâce à la force de la vapeur, a permis une croissance de la production d’objets manufacturés. Ces objets sont pour partie des produits nouveaux, fruits d’une innovation qui devient permanente ; on voit ainsi à Chicago à travers le secteur des « industries ferroviaires » dans lequel on recherche sans cesse l’amélioration des performances (« qui inventa… wagons-restaurants » ; « résoudre le problème… saison chaude ») pour augmenter la production et les ventes. Le document n°2, à travers la présence de gratte-ciel au second plan, montre une évolution des activités des villes ; celles-ci voient se multiplier depuis le XXème siècle des bureaux nombreux ce qui témoigne d’une tertiarisation des activités). Cette croissance économique s’accompagne d’une transformation permanente des villes. C’est ce que le document évoque en parlant de « l’essor de Chicago ». Comme le rappelle Pap N’Diaye, le développement économique et urbain suppose des aménagements (« installation de voies ferrées…gares »). L’augmentation du nombre des ouvriers conduit à l’augmentation du nombre des habitants et à une forte urbanisation. Celleci est suffisamment impressionnante pour que le romancier Théodore Dreiser puisse parler à propos de Chicago de « splendeur ». C’est donc ce monde urbain nouveau et changeant qui attire son héroïne. Cependant, on peut constater que ces transformations du visage de la ville s’opèrent sans un rôle réel des autorités locales ; il n’existe pas à Chicago de « plan pour le développement ». Ce fait nous rappelle que la croissance économique, comme la croissance urbaine, s’est opérée dans le cadre d’une économie libérale dans laquelle les contraintes imposées aux patrons étaient très limitées. Cette situation libérale a peu à peu conduit à une hiérarchisation des espaces, certains dévolus aux transports, d’autres à l’habitat, d’autres enfin aux bureaux avec un urbanisme vertical qu’on retrouve aujourd’hui à Singapour mais qui est né à Chicago au début du XXème siècle. Cœur de la croissance économique par leurs nombreuses activités, les grandes villes se sont trouvées presque naturellement au centre du phénomène de mondialisation, c’est-à-dire de l’augmentation et de la diversification des flux dans un espace de plus en plus vaste. La mondialisation se caractérisant par des flux multiples, ceux-ci doivent bien partir et arriver quelque part ; ce sont les grandes villes qui se trouvent au carrefour de ces grands flux. Déjà dans la Chicago de la fin du XIXème siècle (document n°1), on trouvait une grande diversité de flux. Pap N’Diaye nous parle de « l’afflux des voyageurs », de « migrants encombrés de bagages » ce qui atteste de mouvements migratoires, d’une mobilité importante et notamment celle de l’exode rural, les paysans étant attirés par les emplois de la ville (« Les fermiers des campagnes environnantes »). A côté de ces flux humains, les flux de marchandises n’ont cessé de croître, le commerce étant une activité majeure des villes (le document le rappelle en disant qu’avant 1860 Chicago était déjà « une ville de commerce »). La ville de Chicago a tiré profit de sa situation de carrefour ferroviaire qui la fait qualifier de « capitale du train », celle de Singapour (document n°2) profite de sa situation de port important. Le nombre des conteneurs dans cet espace portuaire montre bien l’intensité de ces échanges de produits par la voie maritime. L’augmentation de la rapidité de ces flux a encore renforcé le poids des villes : le document n°1 explique comment « le transport suffisamment rapide des blocs de glace » a changé la situation de l’industrie de la viande à Chicago ; sur le document n°2, les gratte-ciel correspondent à des espaces de commandement (sièges sociaux, banques) d’où partent et arrivent en permanence des flux d’informations ou de capitaux. Dans le processus de mondialisation, les grandes villes apparaissent donc comme des métropoles, des villes ayant une influence sur une zone géographique plus ou moins importante. La comparaison des situations de Chicago à la fin du XIXème siècle et de Singapour au début du XXIème siècle permet de constater qu’il y a eu une extension progressive de ces zones d’influence. Si Chicago est qualifiée de « capitale industrielle », elle n’est pas la seule grande ville industrielle des Etats-Unis, Pap N’Diaye évoque les « villes de l’Est » c’est-à-dire du Manufacturing Belt, cœur industriel du pays. Les échanges concernés sont donc purement intérieurs au pays ; même les « migrants encombrés de bagages » viennent des villes de la côte Est. En revanche, Singapour, ville-Etat du sud-est asiatique, est elle en relation avec des espaces beaucoup plus éloignés. On est donc passé de marchés nationaux à des marchés internationaux, mais aussi d’une économie-monde américaine encore en cours de constitution à l’époque du document 1 à une économie-monde multipolaire dont Singapour est un des pôles. Les deux documents permettent donc de voir sur une longue durée le rôle majeur des villes dans la croissance économique et dans l’extension du processus de mondialisation. Toutefois, ce petit dossier documentaire a des limites. Il ne propose en effet que l’examen de la situation dans deux villes qui se trouvent être des villes majeures au cœur de zones en croissance et concernées par la mondialisation ; des villes de pays du Sud n’auraient pas présenté les mêmes situations. On peut noter que le document n°1 est incomplet et que les deux documents ne présentent là encore que des espaces moteurs (on ne dit et ne voit rien sur les espaces d’habitation de ces villes par exemple). Le dossier documentaire n’est donc valable que pour un certain type de villes.