`Deffence et illustration` du clavardage

Transcription

`Deffence et illustration` du clavardage
« Dis-moi où tu écris, et je te dirai comment »
‘Deffence et illustration’ du clavardage
Rapport de recherche
Janvier – novembre 2011
Dan Van Raemdonck
Thylla Nève de Mévergnies
Remerciements
Avant toute chose, nous tenons à remercier tout particulièrement Kathy Huet et Bernard
Harmegnies du service de Métrologie et Sciences du Langage de l’UMons pour leur précieuse
analyse statistique des données obtenues dans le cadre de notre enquête quantitative.
Merci également à Marie-Louise Moreau et { Anne Dister d’avoir relu attentivement
notre questionnaire et de l’avoir très justement commenté.
Nous remercions aussi tous les professeurs de rhétorique et de BA1 qui nous ont accordé
un peu de leur temps de cours pour faire la promotion de notre enquête auprès des élèves et des
étudiants afin d’obtenir un maximum de données, ainsi qu’aux secrétariats des différentes
facultés de l’ULB et { Monique Tavernier pour la diffusion de notre annonce par courriel.
Nos remerciements vont enfin et peut-être surtout aux élèves et étudiants qui ont
accepté de consacrer du temps { la réponse aux questionnaires tant écrit qu’oral.
Qu’ils soient tous chaleureusement remerciés.
2
Introduction
L’usage, le bon usage et la norme
Depuis Vaugelas (1647) et ses Remarques sur la langue françoise, l’enregistrement de
l’usage s’est souvent mué en règlementation de celui-ci, et ce, sur la base de critères esthétiques,
voire sociaux. L’usage décrit par Vaugelas repose sur « la façon de parler de la plus saine partie
de la Cour conformément { la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps ». La
grammaire scolaire, initiée par Lhomond en 1780, prend le relais de cette conception, et le Belge
Maurice Grevisse, dans son Bon usage, y fait clairement référence, lorsqu’il en sous-titre
certaines éditions : avec des remarques sur la langue française d’aujourd’hui. Le concept de
norme est donc central en français.
L'usage et la norme
Lorsqu'on cherche à se représenter une langue donnée, on est souvent confronté à ce
dilemme : faut-il représenter la langue telle qu'elle est parlée, ou faut-il la représenter telle
qu'elle devrait être parlée si elle était bien parlée ? Cette question est fondamentale dans les
premières grammaires qui ont été réalisées sur la plupart des langues. Aujourd'hui, la
linguistique cherche à séparer la description scientifique d'une langue des préoccupations
concernant sa norme. Cet objectif pose un problème de fond : où passe la frontière entre l'usage
et la norme ?
Aux origines de la notion de norme : une problématique socio-culturelle
Dans l'histoire, la conscience de ce qu'est une langue est étroitement liée au
développement de l'idée de norme. En France au XVIe siècle, il était bien difficile de dire ce
qu'était le français. Quand les grammairiens ont commencé à s'intéresser à la manière dont
parlaient les gens dans le royaume, ils n'ont trouvé qu'une marqueterie de dialectes, de patois,
de technolectes, de sociolectes. L'idée qu'il existait une langue française s'est donc
essentiellement construite au moyen de la notion de norme. Dans ses Remarques sur la langue
française parues en 1647, Vaugelas propose d'aligner tout ce qui pourra être dit en matière de
grammaire sur une variété de français parlé par, dit-il, « la plus saine partie de la Cour », à quoi il
faudrait ajouter les œuvres de quelques grands écrivains choisis. C'est ce qu'il appelle le « bon
usage ». On remarque qu'il s'agit d'une conception très restrictive de l'usage, et, à vrai dire, elle a
été interprétée dans l'histoire de manière de plus en plus « puriste », pour se transformer,
surtout après les premiers travaux de l'Académie française, en une norme très stricte. On est
donc passé de l'enregistrement de l'usage au formatage de celui-ci.
Les concepts de norme et d'usage sont donc surtout des concepts socio-culturels, et ils
ont beaucoup varié selon les lieux et les époques. On les retrouve d'ailleurs dans d'autres
domaines que le langage : dans les comportements sociaux, par exemple. Dans l'histoire de la
linguistique, l'opposition norme/usage a pu servir à distinguer la grammaire, dans sa version la
plus traditionnelle, de la moderne linguistique. La grammaire s'appuierait essentiellement sur la
défense d'une norme, autrement dit elle serait de nature prescriptive, alors que la linguistique
aurait l'ambition d'être seulement descriptive.
3
L'exemple français n'est pas isolé, même si on remarque que, dans cette tradition
culturelle, la notion de norme a joué un rôle particulièrement fort. La sociolinguistique constate
que, dans la plupart des langues existantes, des différences apparaissent plus ou moins
rapidement entre diverses variétés de langue. La sociolinguistique ne parlera pas alors de
norme, mais de « variété légitime », de « langue standard », de « langue de référence » ou de
« langue officielle ». La langue standard se définit par un certain nombre de prescriptions en
matière de phonologie, de phonétique, de lexique, de syntaxe et de style. Elle est souvent
associée à un usage soutenu, surtout écrit.
Le français standard
Lorsque l’on parle d’une langue, même si l’on reconnaît sa diversité, on envisage une
seule variété, sélectionnée parmi d’autres pour être la plus représentative. Il s’agit de la langue
de référence ou langue standard. Cette langue standard est en fait un objet construit par
quelques-uns à partir des différents registres dont elle sélectionne des caractéristiques.
Pour le français, dans la construction mentale, culturelle, plus ou moins inconsciente qui
en est faite, la langue standard a d’abord été envisagée sous un angle normatif. On parlait, avec
une pointe de dédain, de niveaux de langue, comme si l’un d’entre eux était supérieur aux autres.
Sous l’influence des défenseurs de la norme, on rejetait presque systématiquement les
néologismes au profit des archaïsmes, ainsi que le recours aux emprunts comme les anglicismes.
On privilégiait de la même manière le français parisien de la moyenne bourgeoisie, des
universitaires ou des présentateurs de la télévision, celui des classes que l’on voulait investir.
Cette conception de la langue renvoyait de préférence à une langue écrite, plutôt soutenue : celle
des bons écrivains reconnus.
L’attitude { l’égard de la langue standard et des registres de langue a changé, notamment
grâce aux apports de la sociolinguistique. Aujourd’hui, avec la reconnaissance de la diversité des
usages de la langue, le sentiment de hiérarchie s’est estompé. La langue standard n’est plus une
langue meilleure que les autres ; elle est un point de référence par rapport auquel l’usage de
chacun peut être situé.
La variation
Le concept de variation est l'un des concepts majeurs de la sociolinguistique. Il s'oppose
à la vision structurale des langues qui estime qu'il n'y a qu'une manière de dire ce que l'on veut
dire. On parlera de variation dès qu'on observe des écarts, aussi minimes soient-ils, entre des
manières comparables de s'exprimer.
Le concept de variation a rencontré depuis les travaux de W. Labov (fin des années 60)
un grand succès. Il est aujourd'hui utilisé de manière très large, et des distinctions ont été
proposées. Ainsi, la variation dans le temps est appelée variation diachronique, la variation dans
l'espace est nommée variation diatopique, la variation liée aux registres est appelée variation
diastratique et la variation liée au contexte de communication est intitulée variation
diaphasique. Une dernière variation a été distinguée sous le nom de variation diamésique ; elle
concerne le canal utilisé (oral/écrit) et pourrait être étendue au support-espace d’écriture.
4
La notion de variation pose un problème dans l'analyse de la structure des langues.
Comment peut-on parler de structure s'il existe, dans chaque état synchronique d'une langue, de
la variation ? Il est parfois difficile, dans les phénomènes de variation, de faire la différence entre
ce qui reste à l'intérieur du système central et ce qui tend à glisser vers un autre système, un
système dialectal, par exemple. Ceci montre à quel point le concept de langue est fragile.
Un exemple de variation : le registre de langue
Les registres de langues répondent à la question « Qui parle quoi, quand et à qui ? ». En
effet, le type de langue que l’on utilise { un même moment et dans un même lieu peut varier en
fonction des situations de parole. Ces différents types de langue sont appelés des registres de
langue.
Il n’est pas facile de tracer des frontières nettes entre registres de langue ; le passage de
l’un { l’autre se fait sans rupture tangible. Cependant, malgré la difficulté pour l’observateur
d’élaborer une classification rigoureuse, qui ne soit pas trop entachée de subjectivité, on
reconnait en général quatre registres de langue en français : le registre soutenu, le moyen ou non
marqué, le populaire et le vulgaire. Les dictionnaires mettent l’accent sur cette différence, par
exemple en faisant figurer l’inscription populaire derrière certains mots. On trouve également
d’autres qualificatifs tels que argotique, familier, courant, littéraire, archaïque…
Les désignations de registres ont été critiquées car elles ne séparent pas les
considérations sociales (populaire) des considérations stylistiques (soutenu). Dans la mesure où
chaque locuteur utilise des styles divers, il conviendrait de distinguer, par exemple, un populaire
soutenu d’un populaire familier ou vulgaire…
Le linguiste O. Soutet donne un bon exemple du passage d’un registre { l’autre1 :
1. L’adjudant, très attaché { la discipline, ne voulait pas que les soldats fussent ivres.
(soutenu)
2. L’adjudant, sévère, ne voulait pas que les soldats soient ivres. (moyen)
3. Le juteux, plutôt réglo question discipline, voulait pas que les bidasses soyent saouls.
(populaire)
4. C’te vache de juteux, i voulait pas qu’les bidasses s’pètent la gueule. (vulgaire)
On remarque que ce n’est pas le contenu sémantique qui change entre (1) et (4), mais la
formulation, qui nous donne des indications sur celui qui parle. Ce changement de formulation
affecte le vocabulaire (adjudant/juteux), la morphologie (ne…pas/pas), la syntaxe (la
concordance des temps : subjonctif imparfait en (1), présent en (2), (3) et (4)) et la
prononciation (ct’e ; soient/soyent).
Les facteurs de diversification
Le milieu socio-économique et le parcours intellectuel du locuteur exercent une
influence certaine sur son parler : un garagiste ne parlera normalement pas la même langue
1 SOUTET O., Linguistique, Paris, PUF, 1996.
5
qu’un académicien ou une princesse. Le registre employé peut dès lors donner des indications
sur l’origine sociale du locuteur.
Cependant, en interaction, le locuteur, quelle que soit son origine sociale, peut être
amené à choisir, parmi les différents registres, celui qui lui paraît le plus approprié pour
atteindre ses objectifs dans l’échange. Il peut dès lors puiser dans l’éventail des ressources mises
à sa disposition. Si un employé demande un dossier à ses collègues, il ne le fera pas de la même
manière que s’il le demandait à son employeur. La langue fournit des moyens de marquer une
distance plus ou moins grande entre les interlocuteurs : par exemple, avec ses collègues, il
utilisera sans doute le tutoiement ; avec son employeur, le vouvoiement.
De même, le contexte dans lequel l’échange prend place, la situation, le lieu, les
circonstances, déterminent le type de registre utilisé : on parlera différemment selon que l’on se
trouve sur son lieu de travail, en famille ou encore dans une séance académique, face à un
auditoire. Il y a là des contextes formels, qui commandent un registre plutôt soutenu (discours
politiques, juridiques…), et des contextes informels, qui laissent une plus grande liberté et
s’accommodent d’un registre populaire, voire vulgaire (vacances, dîners entre amis…).
Les travaux des sociolinguistes ont permis de faire la part de l’influence du milieu social
sur la variété de langue. La notion de sociolecte, qui désigne la langue d’un groupe social, est
venue enrichir l’étude des variations de la langue.
D’autres facteurs extralinguistiques – tout comme ceux précédemment cités – peuvent
intervenir dans la sélection des registres de langue. Parmi ceux-ci, on retiendra l’âge du locuteur.
On ne parle pas de la même façon à 20, 40 ou 60 ans ; en conversation, deux individus d’âge
différent ne parlent pas exactement la même langue. De même, le support de communication
peut être un facteur de diversification.
Le support de la communication comme facteur de diversification
Selon que la communication est orale ou écrite, des différences de registres peuvent être
perçue (variations diaphasique et diamésique). Cependant, même si l’écrit a plus souvent
recours { un style non marqué ou soutenu, et l’oral { un style plus populaire, on ne peut affirmer
l’existence d’un lien strict entre registre et support de communication. En effet, certains textes
oraux sont d’un langage éminemment soutenu (on cite comme exemple les Oraisons funèbres de
Bossuet), et certains textes écrits reproduisent le registre populaire, voire vulgaire (les San
Antonio, par exemple).
On a pris — assez tardivement en fait — l’habitude de distinguer { gros traits l’oral de
l’écrit, au point de présenter parfois deux grammaires : l’accord en genre et en nombre
répondrait à des règles différentes, au moins dans leur mise en forme ; l’interrogation ne se
ferait pas de la même manière…On a { juste titre montré que la frontière était parfois floue entre
ces deux supports : on peut déclamer un texte préalablement écrit, ou écrire un texte empreint
d’oralité (on parle même d’oralitude).
L’oral obtient enfin droit de cité, jusqu’{ être reconnu et valorisé dans l’enseignement,
par le biais des compétences « écouter/parler ».
6
Pour autant, la variété privilégiée pour la langue standard reste l’écrit. Et on n’entend
guère reprocher à quelqu’un de parler comme il écrit. Par contre, combien de fois n’entendonsnous pas : « Les jeunes ne savent plus écrire. Ils écrivent comme ils parlent. D’ailleurs, ils
n’écrivent plus, ma bonne dame. » ?
Au laudator temporis acti, il faut opposer la réalité des pratiques actuelles d’écriture
diversifiées et multipliées par le biais des nouvelles technologies. Ces dernières décennies ont vu
se développer toute une panoplie de supports-espaces divers pour l’écrit : le téléphone (pour le
sms) et l’ordinateur (pour le courriel, les messageries instantanées, les forums de discussion ou
de débat, le chat, les blogs, les réseaux sociaux ou communautés d’internautes, les plateformes
de jeux,…) ont permis l’expansion de modes d’écriture qui troquent la plume pour le clavardage.
Qu’on l’appelle clavardage – et c’est le terme que nous retiendrons dans la présente
étude –, un mot-valise proposé par l’Office québécois de la Langue Française, communication
électronique ou communication électronique scripturale (Anis), ou discours électronique médié
(Panckhurst (2007)), il s’agit bien de la même réalité : la communication { l’aide de son clavier.
Ces clavardages ont certes mauvaise presse ; ils contamineraient l’écrit : « Les jeunes
écrivent en sms. » Si des études montrent l’impact somme toute limité du sms sur l’écriture (voir
notamment les études de KLEIN, FAIRON & al.), aucune étude récente n’a tenté d’établir une
typologie–cartographie critériée de ces nouveaux espaces scripturaux et des nouveaux modes
d’écriture/clavardage qui en découlent. Certes, les travaux de plusieurs chercheurs témoignent
d’un intérêt particulier pour le clavardage, dont ceux d’Anis, Marcoccia, Panckhurst, Fairon & al.
et Pierozak notamment, mais tous ne concernent qu’un ou quelques-uns des nombreux
supports-espaces d’écriture disponibles sur Internet et les GSM et aucun n’en propose une vision
systémique et comparative2.
La présente recherche se propose de combler ce manque. Notre objectif est, d’une part, de
recueillir et analyser les représentations que les jeunes ont des différents modes d’écriture
clavardée et, d’autre part, d’établir une typologie détaillée des supports-espaces de clavardage
ainsi qu’une typologie des graphies remarquables et procédés utilisés sur ceux-ci. Nous serons
finalement en mesure de déterminer si les clavardeurs possèdent une intelligence adaptative à
la variation ou s’ils respectent (ou non), de façon dogmatique et dans tous les cas, la norme du
« bon » français. Pour chacun des supports déterminés, nous proposons des réponses aux
questions suivantes :
-
Qui parle ?
À qui (cible déterminée ou non ; limitée ou cyberspatiale) ?
Pour parler de quoi et en dire quoi (quel type d’information) ?
À quelles fins ?
Sous quelle forme ?
Quand ?
Où ?
Dans quelle situation ou contexte ?
2 Cf. chapitre 1 pour une bibliographie sélective.
7
- Avec quel input psycho-socio-culturel (représentation et motivation ; frontière entre
privé et publique ; degré d’intimité/extimité) ?
- Avec quel délai de réponse attendu ?
- Avec quel impact du support-espace sur la forme de l’écriture (orthographe, ponctuation,
emploi
d’abréviations,
concision/complexité,
correction/relâchement,
structuration/linéarité, style écrit/oral,…) ?
Loin de vouloir présenter une vision négative des langages clavardés, la présente
recherche vise à en dresser le portrait et { déceler l’intelligence adaptative de l’écriture { la
situation de communication. Au final, il s’agit de rendre compte du fait que ces dernières
décennies ont provoqué l’éclatement de la vision moniste de la langue écrite, et que loin de se
retourner nostalgiquement vers le passé d’une maitrise antérieure supposée ou prétendue, la
communauté devrait entériner cette multiplicité de supports-espaces et de pratiques, et faire en
sorte qu’{ cette nouvelle multiplicité correspondent un apprentissage et un savoir-faire adaptés.
Cela fait partie de la compétence linguistique de savoir reconnaitre très précisément les
variétés et registres de langue et de pouvoir y avoir recours de la manière la plus appropriée qui
soit à la situation de communication. On constate, au demeurant, que peu de locuteurs
reconnaissent leur variété de langue dans une langue standard. Il s’agit même pour certains
d’une langue qui a les caractéristiques d’une langue seconde. Il importe donc que tous les
registres différents et toutes les variétés d’une langue soient reconnus comme autant de témoins
de sa richesse plutôt que comme des versions imparfaites à corriger.
Il s’agit de rendre enfin les usagers conscients de leur responsabilité de producteurs de
langage, de leur dire qu'ils sont responsables de ce qu'ils veulent exprimer et qu'ils disposent
pour ce faire de différents moyens dont ils peuvent user librement. Un de nos objectifs est donc
de faciliter la réappropriation par les usagers de leur langue, de leur droit de parole, par la
reconnaissance, la promotion et l’exercice des différentes variétés, afin qu’elles puissent être
mobilisées de la manière la plus adéquate au moment le plus opportun.
Méthodologie de la recherche
Tout d’abord, nous avons soumis un questionnaire en ligne (questions fermées) à des
étudiants de BA1 de différentes orientations { l’ULB (sciences humaines et sciences exactes),
ainsi qu’{ des élèves de dernière année de l’enseignement secondaire. Cette enquête quantitative
avait pour objectif de déterminer quels sont les nouveaux espaces et modes d’écriture les plus
convoqués par ce public et à quelles fins. La tranche d’âge devait permettre des réponses assez
réfléchies vu l’habitude des pratiques d’écriture avouées par ces publics lorsqu’on les interroge.
De plus, travailler avec un public majeur permet une plus grande liberté dans les choix des
questions (l’anonymisation des personnes et des résultats étant garantis par ailleurs). Le choix
des écoles secondaires fut effectué avec le souhait de représenter le plus largement possible la
diversité de la population scolaire (notamment la diversité géographique, la diversité sociale, la
diversité de réseaux, de filières et d’orientations d’enseignement). Malheureusement, la
difficulté d’entrer en contact avec certaines écoles et, par conséquent, certains élèves, nous a
poussés à revoir quelque peu notre souhait de représentativité.
8
L’enquête quantitative fut doublée d’une investigation qualitative menée auprès d’un
échantillon de sept clavardeurs, dont trois en sixième secondaire et quatre en BA1. Nous nous
sommes évidemment efforcés de construire cet échantillon de la manière la plus représentative
possible, tant du point de vue de la diversité des usages et des productions des enquêtés que de
leur profil sociologique dans la mesure où celui-ci exerce aussi une influence sur la production
langagière. Toutefois, ce dernier critère fut difficile à évaluer à partir des questions fermées du
questionnaire. Grâce à cette partie de l’enquête, nous avons pu affiner les résultats quantitatifs.
Par ailleurs, l’étude des différentes productions écrites que ces témoins privilégiés nous
avaient fournies au préalable a permis de confronter leurs représentations avec la réalité des
écrits. Nous avons ainsi pu vérifier si ceux-ci correspondent bien à ce qui est attendu à partir des
déclarations de leur producteur et si ces derniers développent ou non une intelligence
adaptative { l’égard de la multiplicité des outils mis à leur disposition.
Finalement, nous avons comparé l’analyse de ces données { celles d’un corpus de
productions récoltées de manière aléatoire sur la Toile au fil de nos navigations3. Nous avons
ainsi pu constater d’une part que les graphies remarquables et procédés utilisés couramment
par les sept clavardeurs interrogés se retrouvent également dans ce corpus de vérification, et
d’autre part que d’autres graphies remarquables et procédés apparaissent, ce qui signifie qu’ils
ne sont pas limités mais se renouvèlent sans cesse et varient en fonction des clavardeurs ainsi
que des situations de communication.
3 Ce corpus aléatoire est uniquement composé de productions récoltées sur des supports-espaces de communication
publics, c’est-à-dire les forums de discussion et de débat, les chats, les blogs et les sites de rencontres. Nous n’avons
pas cherché à obtenir des productions pour les supports-espaces de communication privés étant donné que l’objectif
de ce corpus était de vérifier de manière aléatoire les observations faites à partir du corpus de productions des
clavardeurs interviewés.
9
1. Typologie des supports-espaces de clavardage : description
« technique »
Nous avons recensé dix types de supports-espaces de clavardage que nous classons en
quatre catégories en fonction de leurs caractéristiques techniques ainsi que des usages qu’en
font les clavardeurs – discussion, publication, réseautage et correspondance –, mais leur
complexité et leur évolution constante rend leur classement difficile et discutable. En effet,
nombreux sont les sites proposant à leurs visiteurs plusieurs supports-espaces (un forum et un
chat par exemple) et, de plus, les supports-espaces eux-mêmes sont bien souvent hybrides (il est
par exemple possible d’envoyer des messages privés { partir d’une discussion sur un chat).
Ainsi, si nous souhaitons qu’elle soit un reflet fidèle des différents modes de clavardage
que l’on rencontre sur la Toile, il est important de préciser que la typologie que nous proposons
constitue le fruit de nos propres recherches4. Il en existe d’autres, tout aussi pertinentes, mais
basées sur des critères différents de ceux qui nous intéressent.
1.1. Discussion
1.1.1. Forum de discussion
Description
Auparavant limités { Usenet, un système qui existait déj{ avant l’apparition d’Internet,
les forums de discussion sur le Web sont à présent nombreux et variés. Il s’agit d’un supportespace de communication plus ou moins publique – certains forums ne sont accessibles qu’après
inscription – sur lequel les messages des différents intervenants sont archivés, permettant de la
sorte une communication asynchrone. Selon les forums, les internautes postent des messages
dans le but de recevoir une réponse presque immédiate – on est alors proche des chats – ou
rapide – quelques heures voire quelques jours.
Les forums sont organisés en plusieurs fils de discussion ou topics créés par les
différents forumeurs. En cliquant sur leur titre, qui indique le sujet dont il est question, on
accède au premier message posté par le créateur du fil ainsi qu’{ toutes les réponses, classées
par ordre chronologique, qui, bien souvent, finissent par s’éloigner du sujet initialement
proposé. Étant donné que la plupart des forums contiennent de nombreux fils de discussion,
ceux-ci sont souvent regroupés dans des catégories plus générales : par exemple actualité,
littérature, délire, etc.
Les forums sont hébergés sur deux types de sites web. D’une part, certains sites y sont
exclusivement consacrés et regroupent plusieurs fils de discussion traitant de sujets très variés5.
Généralement, les internautes peuvent également consulter quelques articles, mais la raison
d’être principale de ces sites est la présence des forums. D’autre part – et c’est le cas de figure le
plus courant –, de nombreux sites publiant des articles ou proposant divers services mettent à la
4 Ces recherches sont constituées d’une longue phase de navigation autodidacte et d’observation, mais également de
la lecture et l’analyse d’articles et ouvrages plus « techniques ».
5 Exemples : forum.miniil.net : « Le Forum des bons plans en Belgique », www.forumfr.com : « un forum de discussion,
de débats, d'entraide ».
10
disposition des internautes un forum doté d’un ou plusieurs fils de discussion6. Notons que
certains sites équipés d’un forum7 proposent également un service de chat. Les forums sont
généralement surveillés par des modérateurs.
Dans son article « Les forums de discussion d’adolescents : pratiques d’écritures et
compétences communicatives »8, Michel Marcoccia repère quatre types d’activités principales :
les activités de soutien et d’entraide (demande d’évaluation, partage de témoignages, demande
d’informations), la confrontation d’opinions (qui est selon nous l’objectif principal sur les forums
de débat), le partage d’affinités et les activités ludiques (avec pour objet principal le langage9).
L’analyse d’exemples lui permet également de découvrir une série de compétences
communicatives développées chez les adolescents grâce { leurs pratiques d’écriture extrascolaires sur les forums de discussion : compétences descriptive, narrative, argumentative,
ludique, métalinguistique, expressive et relationnelle. Marcoccia réfléchit par ailleurs aux
obstacles que représentent ces pratiques pour l’apprentissage du français écrit standard, mais il
souligne également ses plus-values. En effet, selon lui, les pratiques d’écritures extra-scolaires
des jeunes peuvent dans certains cas constituer des ressources pour l’apprentissage de
compétences communicatives.
Fiche technique
Messages
Destinataire
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Présence modérateurs
Message (post) / Réponse
Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet /pour se connaitre
Information / humour / exutoire / débat / discussion / rencontre /
pratique-utilitaire
Public / Semi-privé
Non
Rapide / Moyen
Oui
Bibliographie sélective10
MANDELCWAJG S. (2007), « La définition et la négociation des normes de discussion dans les
forums : quel idéal communicationnel ? », in Gerbault J. (dir), La langue du cyberespace : de la
diversité aux normes, Paris, L’Harmattan.
6
Exemples :
www.tout-le-rallye.be/forum/,
www.forum.math.ulg.ac.be/.
7 Exemple : www.ados.fr.
forum.pim.be/sommaire.php,
www.forum-fefb.be/phpBB3/,
8 MARCOCCIA M. (2010), « Les forums de discussion d’adolescents: pratiques d’écriture et compétences
communicatives », dans Revue française de linguitsique appliquée, XV-2, p. 139-154.
9 L’écriture prend notamment une importance particulière sur les forums de roleplay (jeux de rôle), ou chaque
clavardeur est amené { construire une partie de l’histoire.
10 Nous mentionnons dans ce point – quand il y a lieu – quelques articles et ouvrages-clés concernant plus
particulièrement chacun des différents supports-espaces. Nous renvoyons à la bibliographie en fin de rapport pour
les ouvrages traitants de plusieurs supports ainsi que pour une bibliographie générale plus complète.
11
MARCOCCIA M. (2010), « Les forums de discussion d’adolescents : pratiques d’écriture et
compétences communicatives », dans Revue française de linguistique appliquée, XV-2, pp. 139154).
1.1.2. Forum de débat
Description
D’un point de vue technique, le fonctionnement du forum de débat est le même que celui
du forum de discussion, nous renvoyons donc au point précédent pour sa description. Toutefois,
l’importante différence entre les types d’échanges qui y ont lieu nous a poussés { distinguer ces
deux supports-espaces. Il s’agit bien ici de débats et non pas de discussions, c’est-à-dire
d’échanges de points de vue politiques, philosophiques, socioculturels, d’interrogations sur des
faits de société et d’actualité, d’opinions exprimées de manière plus structurée et plus
argumentée. Tout comme sur les forums de discussion, le sujet précis influence le mode
d’écriture des clavardeurs, mais la finalité est à priori toujours la même : débattre et non
simplement discuter. On suppose donc un mode d’écriture généralement plus surveillé sur les
forums de débat que sur les forums de discussion : structuration des idées, construction d’un
certain ethos, etc. Bien que le débat vire parfois au règlement de compte, que tous les
intervenants ne construisent pas forcément une argumentation de qualité et que les messages
postés n’aient souvent plus aucun rapport avec la problématique de départ, l’esprit de débat est
toujours celui qui prévaut, et non celui de discussion.
Les exemples les plus connus de forum de débat sont ceux proposés aux internautes par
les grands quotidiens en ligne : Le Monde, La Libre, etc. Ceux-ci consacrent en règle générale une
des pages de leur site à un forum composé de plusieurs fils de discussion. Il est également
possible de réagir aux différents articles d’actualité publiés par les journalistes en laissant un
commentaire dans l’espace prévu { cet effet, généralement sous l’article, commentaire auquel les
autres internautes peuvent répondre, ce qui finit par constituer une communication dont les
caractéristiques sont semblables { celles de l’espace forum classique.
Fiche technique
Messages
Destinataire
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Présence modérateurs
Message (post) / Réponse
Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet
Information / exutoire / débat
Public / Semi-privé
Non
Rapide / Moyen
Oui
Bibliographie sélective
MANDELCWAJG S. (2007), « La définition et la négociation des normes de discussion dans les
forums : quel idéal communicationnel ? », in Gerbault J. (dir), La langue du cyberespace : de la
diversité aux normes, Paris, L’Harmattan.
12
MARCOCCIA M. (2010), « Les forums de discussion d’adolescents : pratiques d’écriture et
compétences communicatives », dans Revue française de linguistique appliquée, XV-2, pp. 139154).
MARCOCCIA M. (2003), « Parler politique dans un forum de discussion », dans Langage et société
n°104, juin 2003.
1.1.3. Messagerie instantanée
Description
La messagerie instantanée11 est un support-espace qui permet l’échange instantané de
messages entre deux ou plusieurs clavardeurs connectés au même moment au service de
messagerie et qui se connaissent plus ou moins bien, au moins par leur nom d’utilisateur ou leur
adresse de courrier électronique (MSN fonctionne par adresse, Facebook par ajout automatique
de tous les contacts). La conversation générée par l’échange de messages n’est pas conservée
automatiquement dans une quelconque boite électronique, { l’instar du courriel. Bien qu’il soit
possible de la retrouver dans la mémoire de l’ordinateur, elle équivaut en quelque sorte { une
discussion réelle mais par écran et clavier interposé, l’objectif n’est donc pas de la relire ou de la
conserver.
La proximité avec la conversation réelle, qui exige une certaine rapidité de réponse pour
conserver une bonne interaction, implique un mode d’écriture particulier. Ce type de
communication tend { se rapprocher de l’oral, voire { l’imiter, mais toute la communication nonverbale est naturellement impossible à faire transparaitre { l’aide d’un clavier (ce qui engendre
le recours à une série de procédés et autres graphies remarquables que nous analyserons au
chapitre 3.3.2.5. Cette « hybridation entre l’oral et l’écrit »12, Anis (1999) la nomme
« parlécrit », F. Debyser (1989)13 « langue orale scriptée », ou d’autres encore « écrit oralisé ».
Plus particulièrement caractéristique des supports de communication synchrone, l’hybridation
entre l’oral et l’écrit est également présente de manière plus ou moins récurrente sur les autres
supports-espaces. L’intensité de l’oralité varie en fonction d’une série de facteurs que nous nous
proposons d’étudier par la suite.
À la différence de la discussion « réelle », qui est unique d’un point de vue temporel, un
clavardeur peut mener plusieurs conversations électroniques simultanées, individuelles ou
collectives, qui apparaissent chacune dans une fenêtre séparée, ainsi qu’écouter de la musique,
regarder des photos ou un film, ranger sa chambre, bref, faire plusieurs choses à la fois sans que
ses interlocuteurs s’en offusquent.
Précisons que le terme « instantané » est à utiliser avec précaution. En effet, un ancêtre
de la messagerie instantanée et du chat (cf. Anis, 1998) permettait d’assister en direct à la
11 La messagerie instantanée est parfois désignée par le mot « clavardage » mais, comme nous l’avons précisé dans
l’introduction, nous donnons un sens plus générique { ce terme : « bavardage { l’aide de son clavier ». Nous ne
l’utiliserons donc pas pour désigner spécifiquement les messageries instantanées.
12 http://users.skynet.be/fralica/refer/theorie/theocom/oral/parlecri.htm#**
13 DEBYSER F. (1989), « Télématique et enseignement du français » dans Langue française n°83, Paris, Larousse,
pp. 14-31.
13
rédaction du message par son interlocuteur et de voir les corrections apportées, les retours en
arrière, etc. Dorénavant, sur tous les services de messagerie instantanée et de chat, le clavardeur
choisit le moment auquel il décide d’envoyer son message, une fois qu’il le juge prêt { être
communiqué. Cela n’implique pas pour autant une relecture systématique (nous sommes en
effet proches du modèle de la conversation, où les bafouillages existent), mais diffère tout de
même légèrement le moment de réception du message par le destinataire de sa production par
le destinateur.
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Présence modérateurs
Noms
Message / Réponse (mode de la conversation)
Clavardeurs (individu ou groupe)
Se connaissent au moins par leur adresse électronique ou leur nom
d’utilisateur (Facebook)
Discussion / Information / humour / exutoire / débat / rencontre /
pratique-utilitaire
Privé
Oui
Instantané
Non
MSN, ICQ, Skype, Gtalk, Facebook
Bibliographie sélective
FILATOVA K. L. (2007), « La construction de l’illusion : mécanismes linguistiques et cognitifs qui
assurent la compréhension métaphorique du clavardage », in Gerbault J. (dir), La langue du
cyberespace : de la diversité aux normes, Paris, L’Harmattan.
1.1.4. Chat
Description
Il faut distinguer le chat de la messagerie instantanée14. Tous deux sont des supportsespaces de conversation synchrone, mais sur le premier, qui est dans la plupart des cas public (il
nécessite parfois une inscription), les différents clavardeurs en contact ne se connaissent pas
forcément tandis que sur le deuxième, qui est privé, les clavardeurs se connaissent plus ou
moins bien, au moins par leur adresse électronique ou leur nom d’utilisateur. Le chat permet de
discuter avec des personnes inconnues IRL (In Real Life, c’est-à-dire dans la vie réelle), soit de
manière individuelle, soit de manière collective, et ce de façon simultanée.
Le fonctionnement du chat est grosso modo identique à celui des messageries
instantanées, la différence majeure résidant dans le degré de publicité du support ainsi que dans
les motivations des clavardeurs. Sur un chat, ceux-ci sont rassemblés autour d’une thématique
14 Selon une enquête internationale menée auprès des jeunes internautes (Mediappro http://www.mediaanimation.be/IMG/pdf/Mediappro-Belgique-ResultatsEuropeens.pdf), le chat est de plus en plus systématiquement
délaissé au profit de la messagerie instantanée. L’apparition des réseaux sociaux explique peut-être en partie ce
phénomène.
14
commune ou d’une communauté virtuelle qu’ils finissent pas former, non autour d’une personne
en particulier. Les chats sont également souvent supervisés par des modérateurs.
On retrouve des chats sur plusieurs types de site : certains y sont exclusivement
consacrés15 mais, de manière générale, les chats constituent un des divers services proposés par
un site. Par exemple, les sites de jeux vidéo sont parfois dotés d’un espace de chat où les joueurs
peuvent échanger leurs impressions sur le jeu ou simplement discuter si le temps d’attente est
trop long16.
Sur un même site, on retrouve bien souvent un espace chat ainsi qu’un espace forum. Ces
deux supports-espaces ont en fin de compte des finalités et un mode de fonctionnement
similaires (les clavardeurs ne se connaissent pas forcément dans la réalité mais sont rassemblés
autour d’un thème ou d’une communauté virtuelle), mais sur les chats, la conversation est
synchrone tandis que sur les forums, elle est archivée, ce qui permet un temps de réponse plus
long. Cette différence en apparence mineure influence en réalité fortement le mode d’écriture
des clavardeurs.
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Présence modérateurs
Noms
Message / Réponse (mode de la conversation)
Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet /pour se connaitre
Information / humour / exutoire / débat / discussion / rencontre /
pratique-utilitaire
Public / Semi-privé / Privé (MP)
Oui
Instantané
Oui
IRC
Bibliographie sélective17
ANIS J. (2003), « Communication électronique scripturale et formes langagières », dans Actes
des Quatrièmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques, Poitiers, 31 mai et 1er
juin 2002, « Documents, Actes et Rapports pour l'Education », CNDP, p. 57-70. En ligne :
http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document547.php (consulté le 5/04/2011).
DRAELANTS H. (2004), Bavardages dans les salons du net, Bruxelles, Labor.
FILATOVA K. L. (2007), « La construction de l’illusion : mécanismes linguistiques et cognitifs qui
assurent la compréhension métaphorique du clavardage », in Gerbault J. (dir), La langue du
cyberespace : de la diversité aux normes, Paris, L’Harmattan.
15 Exemples : http://www.chat-land.org/, http://www.mirc.com/.
16 Exemple : http://www.code-ami.fr/chat.php.
17 Remarquons qu’alors que les chats connaissent de moins en moins de succès et sont délaissés au profit des autres
supports-espaces de clavardage, c’est sans doute l’un des plus étudiés.
15
PIEROZAK I. (2003), « Le « français tchaté » : un objet à géométrie variable ? », dans Langage et
société n°104.
PIEROZAK I. (2000), « Les pratiques discursives des internautes en français : matériaux et
éléments de réflexion », Le français moderne, tome LXVIII, n°1, J.-M. KLINKENBERG, coord., Le
français du XXIème siècle, pp. 109-129.
TATOSSIAN A. (2008), « Typologie des procédés scripturaux des salons de clavardage en français
chez les adolescents et les adultes », dans HABERT J. & LAKS B. (éd.), Congrès mondial de
linguistique française – CMLF’08, Paris, Institut de Linguistique française.
VERVILLE, LAFRANCE (1999), « L’art de bavarder sur internet », Réseaux, n°97, pp. 81-209.
1.2. Publication
1.2.1. Blog
Description
Le blog est un site Web dont la création et la gestion sont très faciles et le plus souvent
gratuites. Il a connu un grand succès, notamment auprès des adolescents. Tout comme les
forums de discussion, les blogs peuvent être { usage public (accessible { l’ensemble des
internautes) ou privé (mot de passe), professionnel ou intime, et traiter de sujets très variés : du
journal « extime » { l’expression d’opinions politiques en passant par la promotion d’une activité
artistique, sociale ou professionnelle, la variété de la blogosphère est infinie18. La structure des
blogs, quant à elle, varie peu : l’auteur poste des articles ou billets présentés suivant la date de
publication (généralement du plus récent au plus ancien), dans certains cas accompagnés19 de
vidéos, photos, dessins ou bandes sonores et à propos desquels les lecteurs peuvent
généralement faire des commentaires. Il est donc important de distinguer l’écriture des articles
sur son propre blog de l’écriture de commentaires sur des blogs d’autrui ou sur son propre blog
en réponse aux commentaires postés.
Certains blogs ont une forme très proche de celle du forum, dans les cas où le blogueur
écrit principalement dans le but de générer des commentaires et de les lire. Il existe néanmoins
une différence majeure : la hiérarchisation des intervenants. En effet, l’auteur du blog est
systématiquement celui qui lance la discussion par son article, les autres clavardeurs se
contentant d’y répondre. Il a également un rôle de censeur arbitraire dans la mesure où il peut
supprimer les commentaires, individuellement ou ceux de tous les visiteurs, temporairement ou
définitivement, sans devoir justifier son geste. Bref, il est le seul maitre à bord alors que sur un
forum, tous les intervenants sont mis sur un pied d’égalité, { l’exception des administrateurs et
modérateurs dont le rôle est de gérer et modérer les échanges, mais de manière objective et
non-arbitraire.
18 Wikipédia recense également les catégories suivantes : les blogs d’entreprise, les blogs pédagogiques, les blogs de
connaissance et les Warblogs (popularisés par l’armée américaine lors de la deuxième guerre du Golfe en 2003).
19 Les blogueurs publient parfois uniquement des photos, des vidéos, ou des dessins. Dans ce cas, le texte est soit
inexistant, soit uniquement perçu comme une sorte de légende.
16
Bien que la blogosphère soit immense, nombreux sont les auteurs qui, plus ou moins
rapidement, délaissent leur blog qui devient dès lors totalement inactif. L’activité d’un blog
dépend en effet de la fréquence de publication d’articles par l’auteur et de l’intérêt que ces
derniers suscitent, générant ou non des commentaires de la part des visiteurs. Notons que la
création et la consultation des blogs sont en baisse depuis l’utilisation massive des réseaux
sociaux20, un support-espace très complet qui offre de multiples possibilités : discussion,
publication, rencontre et correspondance.
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Noms
Article / Commentaire
Soi / Famille / Amis / Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet /car se connaissent
Information / humour / exutoire / débat / discussion / rencontre /
pratique-utilitaire
Public / Privé
Non
Moyen à lent / pas de réponse
Wordpress, Blogger, Posterous, Soup.io, Skyrock Blog, Overblog,
Typepad
Bibliographie sélective
CHAUDOIT C. & C. THYRANT (2010), « Les Français face aux médias sociaux et l’e-réputation »,
étude menée par ScanBlog, agence de veille et de conseil en e-réputation, et Opened Mind,
groupe indépendant expert en étude et conseil en marketing. Présentation publiée en ligne sur
http://www.slideshare.net/openedmind/echo-edition-2.
MORELLI P. (2007), « Blogs et médias, quels rapports aujourd’hui : essai de typologie », dans
Enjeux et usages des Technologies de l'information et de la communication. Médias et diffusion de
l'information : vers une société ouverte. - EUTIC (Enjeux et usages des Technologies de
l'information
et
de
la
communication),
Athènes.
En
ligne
http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/docs/00/36/49/65/PDF/Morelli_athen_2007.pdf (consulté le
15/06/2011).
1.2.2. Micro-blog
Description
Le micro-blog est un dérivé du blog, plus allégé en quelque sorte. Il permet toutefois
également le partage de vidéos, images et sons mais uniquement par un système de renvoi via
des liens. Il présente un caractère plus instantané que le blog dans la mesure où les informations
sont généralement très rapidement publiées par l’auteur et les commentaires sont générés plus
rapidement également. Il se rapproche aussi du chat, à la différence que tous les « articles » – qui
20 CHAUDOIT C. & C. THYRANT (2010), « Les Français face aux médias sociaux et l’e-réputation », étude menée par
ScanBlog, agence de veille et de conseil en e-réputation, et Opened Mind, groupe indépendant expert en étude et
conseil en marketing (présentation publiée en ligne sur http://www.slideshare.net/openedmind/echo-edition-2).
17
s’apparentent plus { des messages – sont archivés et consultables à postériori et que les
clavardeurs ne doivent pas être connectés au même moment pour consulter ce qui a été écrit.
Les micro-blogueurs peuvent consulter les messages publiés sur les micro-blogs
auxquels ils sont abonnés. Notons qu’il est facile de restreindre l’accès aux messages que l’on
poste aux seules personnes concernées. En ce sens, le micro-blog se rapproche également du
réseau social (création de groupes de contacts, choix de publicité du profil, etc.).
Un facteur de variation très important concernant ce support-espace est la restriction du
nombre de caractères (140 sur Twitter) et le dépouillement de l’interface (pas de « parasites »
tels que photos, vidéos, etc.). Le micro-blog est ainsi le seul support-espace sur Internet à
restreindre { ce point la longueur du message, réponse ou commentaire. S’il se rapproche de la
sorte du sms, il semblerait pourtant que l’on y retrouve peu le langage sms. Une des raisons qui
pourraient expliquer ce phénomène est le caractère collectif et public des micro-blogs,
contrairement aux sms qui s’échangent entre deux individus.
Un des micro-blogs les plus largement utilisés est Twitter (qui signifie « gazouiller » en
anglais). Selon Dominique Gany, auteur d’un précieux ouvrage intitulé Nouveaux médias, Twitter
« s’est positionné { un endroit unique du monde de la communication : au carrefour de
l’ordinateur, du gsm/mobile et des messageries instantanées »21. Il est intéressant de constater
que nombre d’internautes sont tant membres de Twitter et de Facebook qu’auteurs d’un blog,
chatteur, etc., ce qui montre que malgré les frontières poreuses entre ces différents médias
sociaux, il existe bel et bien une différence (usages différents, communauté différente, objectifs
différents).
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Noms
Message / Réponse – Écrit par l’auteur / Repris par lui
Famille / Amis / Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet /car se connaissent / pour se connaitre
Information / humour / exutoire / débat / discussion / rencontre
Public / Semi-public
Oui
Moyen / lent / pas de réponse
Twitter, Identi.ca (relié à Twitter), Jaiku
Bibliographie sélective
CHAUDOIT C. & C. THYRANT (2010), « Les Français face aux médias sociaux et l’e-réputation »,
étude menée par ScanBlog, agence de veille et de conseil en e-réputation, et Opened Mind,
groupe indépendant expert en étude et conseil en marketing. Présentation publiée en ligne sur
http://www.slideshare.net/openedmind/echo-edition-2.
21 GANY D. (2009), Nouveaux médias : mode d’emploi, Liège, Edipro, p. 113.
18
1.3. Réseautage
1.3.1. Réseau social
Description
Le réseautage social sur Internet peut être considéré comme le reflet du réseautage
social dans la vie réelle. Il s’agit en effet d’entrer en contact avec un grand nombre de personnes
pour créer un « réseau », qu’il soit d’ordre privé ou professionnel. Selon les sites et selon
l’objectif de l’internaute, celui-ci crée des contacts avec des personnes qu’il connait dans la vie
réelle ou qu’il ne connait pas.
Les réseaux sociaux sont en pleine expansion. Il en existe une multitude, dont le succès
varie en fonction des pays et des communautés. Le plus connu et le plus largement utilisé dans le
monde est Facebook, qui, d’après Mark Zukerberg, comptait au 6 juillet 2011 plus de 750
millions d’utilisateurs.
La spécificité des réseaux sociaux est qu’il faut systématiquement être membre pour
pouvoir entrer en contact avec les autres clavardeurs, contrairement aux forums et aux blogs.
Cela implique donc un certain engagement de la part de l’internaute, même s’il est minime.
Ce support-espace présente également la particularité de regrouper plusieurs supportsespaces différents (en fonction desquels les modes d’écriture peuvent varier considérablement
car le degré de publicité, l’objectif, le destinataire sont différents). L’utilisateur d’un réseau social
qui possède un compte peut en effet publier des photos, des vidéos, de la musique et des articles
sur son profil – dont il peut choisir le degré de publicité : accessible à tous les membres du
réseau, uniquement { tous ses contacts ou { certains d’entre eux, voire à personne–, mais
également chater avec ses contacts sur la messagerie instantanée, envoyer un message privé
(équivalent du courriel), mettre à jour son statut, écrire sur le « mur » de ses amis, laisser des
commentaires, lancer une invitation à un évènement, créer un groupe, faire des rencontres, etc.
Le réseau social rassemble ainsi tous les supports-espaces que nous avons recensés, à
l’exception du sms (bien que les messages envoyés par GSM puissent également l’être via les
réseaux sociaux, mais les caractéristiques techniques restent différentes).
Bien que ce type de site soit très complet en termes de supports-espaces, son hégémonie
n’est pas totale. Ainsi, les blogs, chats, forums, messageries instantanées et autres supports,
certes en baisse de fréquentation depuis l’apparition des réseaux sociaux, continuent d’exister et
d’être créés. La plupart des internautes naviguent d’ailleurs régulièrement sur plusieurs de ces
supports, attestant de la spécificité de chacun d’entre eux (finalités, communautés, etc.).
La multiplicité des supports-espaces proposés sur les réseaux sociaux rend l’analyse de
l’écriture sur ces derniers dans leur ensemble difficile. Lorsque cela était possible, nous avons
étudié la spécificité des modes d’écriture propres { chacun des supports-espaces précis, mais
nous n’avions parfois pas d’autre choix que de les envisager globalement.
Fiche technique
19
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Noms
Article / Commentaire / Message / Réponse / Statut / Invitation
/Profil
Soi / Famille / Amis / Communauté cible / Tout le monde
Rassemblés par le sujet /car se connaissent / pour se connaitre
Information / humour / exutoire / débat / discussion / rencontre /
pratique-utilitaire
Semi-privé (accessible à tous les membres) / Privé
Non (excepté pour la messagerie instantanée)
Moyen / rapide / instantané / pas de réponse
LinkedIn, Facebook, Myspace, Netlog, Bebo, Orkut, Viadeo
Bibliographie sélective
CHAUDOIT C. & C. THYRANT (2010), « Les Français face aux médias sociaux et l’e-réputation »,
étude menée par ScanBlog, agence de veille et de conseil en e-réputation, et Opened Mind,
groupe indépendant expert en étude et conseil en marketing. Présentation publiée en ligne sur
http://www.slideshare.net/openedmind/echo-edition-2.
1.3.2. Site de rencontres
Description
Le site de rencontres se situe entre le forum de discussion, le chat et le site de réseautage
social. Il regroupe des clavardeurs qui ne se connaissent à priori pas IRL autour d’une même
finalité : rencontrer des personnes susceptibles d’apporter amour, amitié, sexe, flirt, etc.
Tout comme les réseaux sociaux, les sites de rencontres sont des supports-espaces de
communication hybrides étant donné que les clavardeurs disposent d’un service de messagerie
instantanée/chat, d’une messagerie électronique et d’un espace réservé { la présentation
(profil).
La forme et le contenu du message ainsi que l’attention accordée { l’écriture vont ici
dépendre du clavardeur, de ses objectifs et de l’image qu’il souhaite donner de lui-même aux
autres membres du site. De plus, l’écriture varie inévitablement en fonction du support-espace
(messagerie électronique, messagerie instantanée, articles de présentation sur le profil) étant
donné que le contexte d’écriture, la durée de conservation de l’écrit et sa finalité varient
(attention naturellement plus grande sur la description du profil que lors d’une discussion sur le
chat ou le temps d’écriture et de réflexion est plus bref).
Notons que la plupart de ces sites sont payants (plus souvent pour les garçons que pour
les filles) et impliquent donc une utilisation un tant soit peu « sérieuse ».
Faute de suffisamment de données (seuls six répondants au questionnaire disent utiliser
les sites de rencontres), nous ne nous attarderons pas sur ce support-espace dans notre analyse.
En effet, il est impensable d’imaginer une généralisation de ces données, pas plus qu’il n’est
envisageable d’en tirer des conclusions.
Fiche technique
20
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Noms
Message / Réponse / Article de présentation sur le profil
Groupe (description du profil) ou Individu (messagerie et chat)
Connus sur Internet, Rassemblés par l’objectif (pour se connaitre)
Discussion / Rencontre
Statut semi-privé (accessible aux membres), discussions et
messages privés
Oui / Non
Instantané/rapide
Meetic, Smartdate, edarling.be, rendez-vous.be, chichou.com,
adopteunmec,
1.4. Correspondance
1.4.1. Courriel
Description
Le courriel, terme proposé par l’Office québécois de la Langue Française (abréviation de
courrier électronique), est en quelque sorte l’équivalent du courrier postal sur Internet bien que
les différences dépassent le simple caractère imprimé de l’un et électronique de l’autre.
Pour envoyer et recevoir des messages, il faut posséder une adresse (ou un compte)
reliée à une boite électronique. Les interlocuteurs se connaissent donc systématiquement, du
moins par leur adresse ({ l’exception des spams ou pourriels, c’est-à-dire des courriels envoyés
massivement de façon automatique). Il est possible d’envoyer un courriel { un individu ou { un
groupe. Certains services de messagerie électronique proposent de regrouper tous les courriels
traitant du même objet et envoyés aux mêmes personnes sous un même lien (sorte de fil de
discussion comparable { celui du forum), facilitant leur lecture et permettant ainsi d’éviter la
répétition.
Contrairement aux chats et messageries instantanées, il n’est pas nécessaire d’être
connecté au même moment pour s’envoyer des courriels. La rapidité de l’écriture n’est donc plus
un facteur important, ce qui influence bien évidemment les productions écrites.
Si l’on compare souvent le courriel au courrier postal, il faut toutefois souligner son
caractère plus informel, du moins { l’origine. Les premiers auteurs de courriels prêtaient moins
attention aux formules d’appel et de politesse, { la construction du corps du texte, etc., car ce
nouveau support donnait l’illusion du temps réel. Aujourd’hui, si le courriel reste souvent moins
formel qu’une lettre, il a tout de même acquis une grande légitimité dans la sphère socioprofessionnelle ; il a acquis force de preuve opposable en droit. En fonction du destinataire et de
l’objectif notamment, l’attention { l’écriture est donc importante.
Étant donné que le courriel est le support-espace de communication le plus formel sur
Internet, il est privilégié pour entrer en contact avec un professeur, un employeur, un
pourvoyeur de service, c’est-à-dire une personne que l’on ne connait pas ou peu et avec laquelle
on entretient une relation plutôt formelle. Ainsi, si le courriel est un support-espace de
communication ou l’écriture est souvent plus surveillée qu’ailleurs, c’est principalement lié à
21
l’utilisation spécifique qui en est faite (destinataire, objectifs, etc.) et non uniquement { ses
caractéristiques techniques.
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Noms
Message / Réponse
Famille / Amis / Connaissances professionnelles / Contact formel
Car se connaissent (au moins par leur adresse)
Information / Humour / Pratique-utilitaire / Travail
Privé (on décide de qui peut lire le courriel puisqu’on décide des
personnes auxquelles on l’envoie. Le contrôle de la publicité est
grand, surtout en comparaison des chats, forums, blogs, etc.)
Non
Moyen
Gmail, Yahoo, Hotmail
1.4.2. SMS
Description
SMS est l’acronyme de « Short Message System ». Il s’agit d’un court message écrit (160
caractères) envoyé par GSM. Ainsi, il diffère des autres supports-espaces d’écriture décrits
jusqu’{ présent car il ne nécessite pas d’ordinateur ni de connexion { Internet mais, comme eux,
il est électronique et, surtout, il véhicule un français souvent très éloigné de la norme.
La caractéristique principale de ce support-espace est la restriction du nombre de
caractères (bien que l’envoi d’un même message en plusieurs sms soit désormais possible, il
reste très bref). Si les entorses faites aux règles du français standard étaient { l’origine destinées
{ exprimer le maximum d’informations { l’aide du nombre le plus restreint possible de
caractères, elles constituent aujourd’hui un registre de langue { part entière, appelé « langage
sms », qui dépasse d’ailleurs très largement ce cadre et se retrouve sur les forums, chats, etc.
L’abrègement n’est donc pas l’unique objectif de ce « nouveau » langage, qui peut également
témoigner de la capacité des clavardeurs à jouer avec la langue et à créer des variétés nouvelles,
sources de richesse22.
Le sms est un message privé envoyé par un individu à un autre individu ou à un groupe.
Les personnes en contact se connaissent dans la vie réelle (pas de rencontre par sms), qu’elles
soient des collègues, des amis, des connaissances, etc. L’écriture est principalement influencée
par le destinataire et l’objectif, ainsi que par la contrainte du nombre réduit de caractères (ce qui
implique un raccourcissement des formules d’appel, de politesse, etc., l’objectif étant d’aller {
l’essentiel).
22 Suite { son étude sur les sms, C. Fairon & al. précisent que si aujourd’hui les jeunes sont capables de jouer avec le
français, langue qu’ils ont apprise d’une manière traditionnelle avant d’avoir accès aux TIC, il est difficile de prédire si
la génération suivante, utilisant les TIC dès l’apprentissage de l’écrit, aura la même conscience de la spécificité d’une
variété de français par rapport à une autre.
22
Notons qu’il existe aujourd’hui une gamme impressionnante de modèles de GSM,
proposant chacun des fonctions très variées. Selon le modèle de GSM utilisé, le sms est rédigé
soit sur un clavier de douze touches, soit sur un clavier de type AZERTY, semblable { celui d’un
ordinateur, ce qui influence bien entendu le mode d’écriture. Les gsm ne disposant que de douze
touches proposent généralement une fonction T9 ou dictionnaire, qui facilite la rédaction du
sms, mais engendre également un certain nombre de fautes caractéristiques telles que les
confusions entre plusieurs mots qui requièrent le même nombre de pressions sur les mêmes
touches (« je » et « le » par exemple). Par ailleurs, l’apparition des smartphones, téléphones
permettant de naviguer sur Internet et de télécharger des applications offrant diverses fonctions
supplémentaires, entraine une modification des pratiques d’écriture. En effet, il est désormais
possible d’envoyer un courriel ou un sms avec le même appareil, rendant les particularités des
différents supports-espaces parfois difficiles à cerner et les frontières entre ces derniers floues.
Nous distinguons ainsi deux générations : la première, très appareillée (ordinateur fixe,
ordinateur portable, GSM), est en quelque sorte la pionnière des nouveaux modes d’écriture ; la
seconde, qui a troqué ce lourd appareillage contre un smartphone, tend déjà à modifier ces
« nouveaux » modes d’écriture. Contrairement { ce que l’on entend auprès des contempteurs des
sms, ces modes ne constituent donc pas une nouvelle norme susceptible de supplanter le
français standard étant donné qu’ils sont en constante mutation. Ce qui était « tendance » il y a
quelques années est devenu ringard et ce qui est « in » parmi les jeunes ne l’est pas pour les
adultes.
Fiche technique
Messages
Destinataires
Degré de familiarité /
Clavardeurs en contact
Finalités
Publicité
Synchrone
Délai de réponse
Message / Réponse
Famille / Amis / Connaissances
Car se connaissent
Information / Humour / Pratique-utilitaire
Privé
Non
Rapide
Bibliographie sélective
BRANDT S. (2008), « Parlez-vous textos », in : L’oral en représentation(s) Décrire, enseigner,
évaluer, Chantal PARPETTE et Marie-Anne MOCHET (éd.) ; 1er trimestre 2008, pp.135-157.
Louvain : EME, collection « Proximités – Didactique ».
DAVID J. & GONCALVES H. (2007), « L’écriture électronique, une menace pour la maitrise de la
langue ? », dans Le français aujourd’hui, n°156, pp. 39-47.
FAIRON C., KLEIN J. R & PAUMIER S. (2006), Le langage SMS. Étude d’un corpus informatisé à partir
de l’enquête « Faites don de vos SMS à la science », Cahiers du CENTAL n°3.1, Louvain-la-Neuve,
Presses Universitaires de Louvain-la-Neuve.
23
2. Les facteurs de variation
Au clavardage ne correspond pas une variété unique et figée de français écrit. En effet, la
langue clavardée varie en fonction d’une série de facteurs extralinguistiques pour la plupart
interdépendants. Même si cet exercice peut paraitre artificiel, nous nous proposons de les
présenter séparément car les liens qui les unissent varient d’un contexte { l’autre, rendant
impossible toute étude globale. L’analyse des données fournies par le questionnaire nous
permettra de montrer quels sont ces liens, même si nous expliquons déjà ici les plus évidents.
2.1. Le support-espace
Le support-espace comme facteur de variation est { l’origine-même de cette recherche.
Nous postulons en effet que, même s’il s’agit dans tous les cas d’un français clavardé, le mode
d’écriture varie en fonction du support précis sur lequel il est employé. Il s’agit donc d’observer
et d’analyser les codes et les normes implicites liés { chacun des supports, codes et normes qu’il
est important de maitriser pour une communication réussie. Ainsi, nous verrons par exemple
plus loin que le choix du support dépend en partie de la relation que l’on entretient avec son
destinataire : communiquer par sms ou par messagerie instantanée avec son patron n’est pas
(encore) ce qu’il y a de plus adéquat.
2.2. Le sujet
Il est possible d’aborder une multitude de sujets sur les dix supports-espaces de
clavardage que nous étudions. Demander des conseils sur la meilleure façon de réaliser des
macarons, écrire un journal de l’extime, exprimer son opinion sur un modèle de voiture, faire la
critique d’un livre ou d’un film, demander comment faire pour se réconcilier avec sa meilleure
amie, s’effrayer du péril dans lequel se trouve prétendument la langue française, faire une
déclaration d’amour, s’enquérir des modalités concernant un cours { l’université, fixer un
rendez-vous avec ses copains, raconter une blague... La liste est sans fin. Le sujet abordé est un
facteur de variation relativement important étant donné qu’il influence le degré d’implication du
clavardeur ainsi que le degré d’attention accordé { l’écriture par celui-ci. Notons que le sujet
duquel on souhaite entretenir son destinataire influence le choix du support, tout comme le
destinataire lui-même. Se séparer de son petit copain sur un forum de discussion, support
public, n’est par exemple pas d’usage
2.3. L’objectif
Ensuite, les objectifs poursuivis par les clavardeurs influencent également l’attention et
l’importance accordée { l’écriture. On peut supposer que la détente et le désir de passer un bon
moment impliqueront une attention moins grande au mode d’écriture que le souhait d’obtenir
de l’aide de la part d’un professeur par exemple. L’objectif lui-même, tout comme le sujet,
détermine dans une certaine mesure le support qui sera choisi par l’émetteur du message. Par
ailleurs, il est intéressant de constater que sur certains supports, les clavardeurs poursuivent un
objectif commun. Sur les sites de rencontre par exemple, la finalité commune semble assez
évidente : il s’agit de flirter ou de rencontrer l’âme sœur et donc, dans (presque) tous les cas, de
passer d’une rencontre virtuelle { une rencontre IRL. Les forums, par contre, ont pour finalité
première la communication et l’échange par Internet. Au-delà de cette finalité commune, chaque
24
clavardeur possède une série d’objectifs qui influence son degré d’attention { l’écriture et, par
conséquent, sa manière d’écrire, objectifs qui peuvent bien entendu varier : professionnels,
privés, humoristiques, pratiques, etc.
2.4. Le destinataire
Le destinataire du message est sans doute l’un des facteurs de variation les plus
influents. En réalité, c’est plus précisément la relation que l’on entretient avec le destinataire
plutôt que le destinataire lui-même qui influence l’attention que l’on porte à son mode
d’écriture : le degré de familiarité peut varier fortement d’une personne { l’autre et la relation
peut ainsi être formelle ou informelle, amicale ou professionnelle, cordiale ou lointaine. Notons
que sur certains supports tels que les forums et les blogs accessibles { l’ensemble des
internautes par exemple, il est impossible de déterminer avec précision qui lira le message que
l’on écrit, c’est-à-dire qui en est le destinataire réel. Cette incertitude concernant le destinataire,
même si le clavardeur en a conscience, peut également influencer l’écriture. Ce n’est bien
évidemment pas la même chose de clavarder avec une personne bien précise que de s’adresser {
une communauté floue et indéfinie, même si elle considérée comme ciblée et connue.
2.5. Le degré de publicité et d’accessibilité des messages clavardés
Ce facteur de variation dépend en réalité beaucoup du type de support-espace. Le
courriel, le sms et la messagerie instantanée permettent uniquement une communication
privée alors que sur les autres supports, la communication est principalement publique ou
semi-privée. Sur les forums, les chats et les sites de rencontre, cela dépend des choix des
gestionnaires du site : certains nécessitent une inscription avec ou sans mot de passe, soumise
ou non { l’approbation d’un administrateur, d’autres sont accessibles { l’ensemble des
internautes. Sur les réseaux sociaux, les blogs et les micro-blogs, chaque clavardeur peut décider
du degré de publicité de son compte.
2.6. La présence de modérateurs
Une équipe de modérateurs est présente sur la plupart des forums et des chats. Comme
leur nom l’indique, le rôle de ces internautes est de « modérer » les discussions, c’est-à-dire de
veiller à ce que les règles du forum ou du chat soient appliquées. Consultables par tous les
utilisateurs, celles-ci préconisent souvent la courtoisie et la liberté d’expression dans le respect
de l’autre, interdisent généralement les propos { caractère xénophobe ou pornographique, les
insultes… et le langage sms – plus sur les forums que sur les chats. Dans les cas de non-respect
de ces règles et selon la gravité des « faits », les sanctions vont du simple avertissement au
bannissement définitif du clavardeur. Celui-ci est donc tenu de surveiller son langage, tant du
point de vue du contenu que de la forme. La présence ou non d’une équipe de modérateurs –
presque systématique pour que les forums et les chats ne soient pas le lieu de débordements
mais pourtant source de débat – ainsi que le degré d’interventionnisme de ceux-ci sont donc
également des facteurs de variation à prendre en compte, mais uniquement sur les chats et les
forums.
25
2.7. Le médiateur
Ce facteur de variation est externe tant à la communication qu’au support. Néanmoins, il
peut influencer le mode d’écriture du clavardeur.
Par médiateur, nous désignons la « machine » utilisée pour clavarder : un ordinateur fixe,
un ordinateur portable, un smartphone ou un GSM. Le terme « médiateur », un peu artificiel mais
qui nous semble mieux convenir que le mot « outil » utilisé dans un premier temps, nous est
inspiré par Rachel Panckhurst23. Si l’on peut supposer que le mode d’écriture diffère peu d’un
ordinateur portable { un ordinateur fixe, il en va autrement lorsqu’il s’agit des smartphones,
également appelés « téléphones intelligents », et des GSM. En effet, le modèle de GSM utilisé peut
déterminer dans une certaine mesure la manière dont sera rédigé un sms : type de clavier,
présence ou non de la fonction T9 – ou saisie intuitive –, fonctions de mise en forme, etc. Quant
au smartphone, il est le seul médiateur permettant de clavarder sur tous les supports-espaces,
qu’ils soient accessibles via Internet ou qu’il s’agisse de sms. Par ailleurs, il intègre souvent un
correcteur orthographique. Il présente également la particularité d’être très maniable et très
discret, ce qui permet de l’utiliser où que l’on se trouve : au cours, en déplacement, à la maison,
chez des amis. Dans ces situations, l’attention portée { l’écriture ne peut évidemment pas être la
même, le médiateur et l’endroit sont donc des facteurs de variation linguistique étroitement liés.
Les caractéristiques techniques du smartphone, notamment la petite taille de son clavier et de
son écran, influencent également le mode d’écriture. Au début de notre entretien avec Morgan,
un étudiant en BA1 possédant un smartphone, celui-ci nous a annoncé qu’il nous a envoyé un
courriel lorsqu’il était dans le métro pour nous donner des précisions à propos de notre lieu de
rendez-vous. Il nous en parle à la fin de notre entretien :
« Mais là je vous ai envoyé un e-mail tantôt avec le téléphone et je me suis dit peut-être que
vous auriez la possibilité de le voir ou pas, je sais pas, pour trouver le local et c’est vrai que
c’était, j’essayais de me relire mais j’ai pas fait aussi attention que si je vous avais envoyé, …
que si c’était avec l’ordinateur en fait. C’est tout petit, et puis c’est pas évident. C’est comme
quand on écrit au tableau, on est vraiment contre, on voit moins sinon je trouve aussi les
fautes et voilà. »
Il est vrai que la structuration et la ponctuation de son message ne sont visiblement pas autant
surveillées que dans les courriels qu’il écrit sur un ordinateur, mais { part ces deux points, son
mode d’écriture semble ne pas changer énormément.
2.9. Autres
Il existe bien entendu d’autres facteurs responsables de la variation linguistique sur
Internet, tels que la représentation que le clavardeur se fait du support-espace précis où il écrit
par exemple, l’âge du clavardeur, sa situation socio-professionnelle, l’endroit où il se trouve, etc.
Étant donné que nous ne les avons pas étudiés dans le cadre de notre enquête, soit parce qu’ils
nous semblaient peu pertinents, soit parce qu’il était impossible de le faire, nous ne les détaillons
pas dans notre rapport.
23 Rachel PANCKHURST « Discours électronique médié : quelle évolution depuis une décennie ? », in GERBAULT J. (dir.)
(2007), La langue du cyberespace : de la diversité aux normes, Paris, L’Harmattan.
26
3. Enquête quantitative
3.1. Le questionnaire
Afin de récolter un ensemble significatif et représentatif de données sur les usages que
font les internautes des différents support-espaces que nous avons décrits précédemment ainsi
que sur leurs pratiques d’écriture sur ceux-ci, nous avons élaboré un questionnaire à choix
multiples24 accessible en ligne et destiné aux étudiants de BA1 des différentes facultés de l’ULB
ainsi qu’{ des élèves de sixième secondaire. En réalité, dans le but d’obtenir des données
sociologiques plus précises et de faciliter l’analyse, nous avons créé deux questionnaires
quasiment identiques – seules les questions d’ordre sociologique varient –, l’un pour les
rhétoriques, l’autre pour les BA1, dont nous joignons une copie en annexe (cf. DVD). Il ne s’agit
malheureusement que d’un aperçu incomplet et tronqué, car nous avons conçu un questionnaire
interactif, c’est-à-dire que les questions varient en fonction des réponses données. Leur version
électronique, auparavant accessible via les adresses http://gramm-r.ulb.ac.be/ba1 et
http://gramm-r.ulb.ac.be/rheto, ne sont plus en ligne étant donné que la récolte des données est
clôturée.
Le questionnaire est relativement long (le temps de réponse variait entre une demiheure et une heure en fonction de la diversité des pratiques des clavardeurs) car nous le
souhaitions complet et précis. Ainsi, chacune des questions est motivée et réfléchie et participe à
la construction d’une description fidèle de l’utilisation des différents supports-espaces de
clavardage, de la représentation qu’ont les clavardeurs des variétés linguistiques qu’ils y
rencontrent ainsi que de leurs propres modes d’écriture. Lors des entretiens, les clavardeurs
nous ont pour la plupart d’entre eux fait part de leurs impressions sur le questionnaire et, bien
que tous en soulignaient la longueur, il semblerait que cela n’ait pas altéré la véracité des
réponses fournies.
3.2. Les données
Les adresses des deux questionnaires ont été diffusées le plus largement possible afin de
récolter un maximum de données. Ainsi, un courriel fut envoyé { l’ensemble des étudiants en
BA1 de l’ULB via le service administratif. Nous avons également fait la promotion de notre
enquête dans plusieurs auditoires en expliquant notre démarche afin d’encourager les étudiants
à répondre. Parallèlement, nous avons demandé à plusieurs professeurs de rhétorique de parler
de ce questionnaire à leurs élèves et nous nous sommes nous-mêmes rendus dans certaines
classes, soit pour répondre au questionnaire avec eux et en discuter ensemble par la suite
(Athénée Royal Lucienne Tellier à Anvaing et Athénée Royal de Waterloo) soit pour faire la
promotion du questionnaire (Athénée Royal Charles Janssens).
Description de l’échantillon
24 Les questions fermées ne laissent certes pas une grande marge de manœuvre aux répondants étant donné qu’ils
doivent impérativement choisir une ou plusieurs réponses parmi celles qui leur sont proposées, mais elles présentent
l’avantage de pouvoir être traitées de manière statistique, comme nous le souhaitions, ce que ne permettent pas les
questions ouvertes (il est vrai moins orientées). La présence quasi systématique d’une ligne de réponse « Autres »
ainsi que les entretiens individuels avaient pour but de compléter les données quantitatives fournies par le
questionnaire.
27
Finalement, nous avons récolté 405 réponses complètes et valables, 345 de la part de
BA1 et 60 d’élèves en dernière année de l’enseignement secondaire. Cet écart frappant
s’explique par la difficulté { faire circuler rapidement et largement l’information dans les classes
de rhétorique, et ce malgré une attitude nettement plus active pour la promotion de notre projet
auprès de ce public (par exemple, notre présentation dans une classe de l’Athénée Royal Charles
Janssens, qui semblait pourtant intéresser les élèves et suscitait de nombreuses questions et
réflexions de leur part, n’a donné lieu { aucune réponse). En outre, une aide de l’administration
de la Fédération Wallonie-Bruxelles nous a permis de toucher davantage d’enseignants.
Malheureusement, ce ne fut guère fructueux.
Études
15%
BA1
Rhéto
85%
Les élèves de rhétorique ayant répondu au questionnaire proviennent des écoles
suivantes : l’Athénée Royal de Waterloo (général), l’Athénée Royal Lucienne Tellier à Anvaing
(général), l’Athénée Royal de Thuin (général), l’Athénée Royal d’Athus (professionnel), l’École
Internationale du SHAPE (général) et l’Institut de la Providence { Gosselies (général)25. 65 %
des élèves sont dans des options principalement orientées vers les sciences exactes
(comptabilité, sciences-math, économie-langues) et 35 %, des options orientées vers les sciences
humaines (audiovisuel, langues modernes, latin-grec, latin-langues).
Options rhétos
Scientifique
Littéraire
35%
65%
Les étudiants de BA1, quant à eux, représentent de manière relativement homogène les
différentes facultés de l’ULB, avec néanmoins une représentation plus marquée des étudiants
inscrits dans la Faculté de Philosophie et Lettres.
25 À part une, toutes les écoles appartiennent au réseau officiel de la Communauté française. Il fut en effet très difficile
de faire circuler l’information auprès des élèves inscrits dans les écoles des autres réseaux.
28
1%
1%
11%
Facultés
Droit
Médecine
5%
Philo et lettres
6%
Sciences psychologiques et de l'éducation
13%
Sciences sociales et politiques
31%
Sciences
15%
Sciences appliquées
16%
Sciences économiques
Master
Une large majorité de filles a répondu au questionnaire (68 %), ce qui ne signifie pas
forcément qu’elles sont plus actives que les garçons sur les différents supports-espaces de
clavardage, mais sans doute uniquement qu’elles sont plus conciliantes…
Sexe
32%
Filles
Garçons
68%
La majorité des répondants a entre 17 et 20 ans (82 %).
Âge
29
Le français est la langue première d’une large majorité des répondants. 12 % d’entre eux
l’ont appris comme langue seconde26.
Statut du français
3.3. Les résultats
Les analyses et observations réalisées à partir des données récoltées dans le cadre de
notre enquête ne décrivent bien entendu que les pratiques de l’échantillon que nous venons de
décrire, c’est-à-dire de 405 jeunes, étudiants en BA1 et élèves de rhétorique, de sexe, d’origine et
d’orientation différents. Nous ne prétendons en aucune manière que cet échantillon, que nous
avons souhaité relativement hétérogène excepté du point de vue de l’âge, est représentatif de
l’ensemble des clavardeurs, les vérités que nous énonçons sont ainsi uniquement les vérités de
l’échantillon. Néanmoins, son analyse doit nous permettre de dégager certaines tendances que
nous avons par ailleurs pu observer sur la Toile.
Nous avons interrogé les représentations des clavardeurs eux-mêmes, ces donc ces
représentations que l’étude reflète ici. Il se peut qu’elles soient en contradiction avec celles que
le chercheur ou le lecteur pourraient avoir. Dans le but d’éviter des conflits entre ces différentes
représentations, nous avons décidé de rendre exclusivement compte des données qui ressortent
des questionnaires soumis aux clavardeurs ainsi que des entretiens, même si elles peuvent
surprendre le lecteur.
3.3.1. Utilisation des supports-espaces de clavardage
Nous indiquons ici les abréviations utilisées dans les tables et graphiques :
-
S:
ME :
MI :
RS :
sms
courriel
messagerie instantanée
réseau social
26 Nous n’avons malheureusement pas pu observer l’influence de cette donnée sur les représentations linguistiques
des répondants.
30
-
F:
FD :
B:
C:
MB :
SR :
forum de discussion
forum de débat
blog
chat
micro-blog
site de rencontres.
3.3.1.1. Taux et fréquence d’utilisation
Tous les supports-espaces de clavardage recensés ne sont pas utilisés par tous les
clavardeurs, pas plus qu’ils ne le sont { la même fréquence, avec la même intensité, les mêmes
objectifs, la même implication. Il est donc intéressant dans un premier temps de dresser un
tableau de l’utilisation des supports-espaces par les répondants.
Utilisation des nouvelles technologies de socialisation ( % d’utilisateurs)
Le sms est le support-espace le plus largement utilisé. En effet, 99,3 % des répondants
correspondent par sms, dont certains à une fréquence étonnamment élevée : 28 % déclarent en
envoyer plus de vingt-cinq par jour, 23,7 % en envoient entre dix et vingt-cinq par jour et 20,7 %
entre cinq et dix par jour. Il est donc impossible de passer à côté de ce court message envoyé par
GSM, { toute heure du jour ou de la nuit et dans n’importe quel contexte. Nettement moins
encombrant qu’un ordinateur, le GSM peut en effet être utilisé partout pour envoyer un sms
(même au cours !), ce qui explique sans doute le succès retentissant de ce mode de
communication27. Omniprésent, le sms va jusqu’{ supplanter la conversation téléphonique :
27 Comme nous l’avons déj{ souligné, ces pratiques évoluent depuis l’apparition des smartphones : il est maintenant
presque aussi facile d’envoyer un courriel, par exemple, qu’un sms.
31
59 % des répondants déclarent qu’il est plus facile pour eux d’envoyer un sms que de
téléphoner, pour des raisons économiques (de nombreux opérateurs proposent des formules
avec sms gratuits), pratiques (il est peu commode ou peu discret de téléphoner dans les
bruyants transports en commun, au cours, etc.), ou psychologiques (la conversation
téléphonique est parfois perçue comme plus insécurisante et plus intrusive que le sms). Voici ce
qu’en dit Aurélie :
« J’aime pas le téléphone. J’aime pas d’être au téléphone, je sais pas. Je suis pas { mon aise.
Alors que je suis plus { l’aise { l’écrit, j’arrive { mieux m’exprimer et { trouver les termes qu’il
faut. Fin je me sens plus compréhensible { l’écrit. C’est pour ça que je préfère les sms. »28
Le sms offre un temps de réflexion plus long, permet au destinataire de choisir quand il souhaite
répondre et ne comporte pas les « risques » d’une communication directe tels que les
bafouillages, les erreurs, etc. Ainsi, nous pouvons constater une évolution dans les modes de
communication, le téléphone se voyant délaissé au profit du sms, c’est-à-dire qu’un mode de
communication écrit prend le pas sur un mode de communication orale. Dans la sphère
professionnelle, c’est le courriel qui tend { jouer ce rôle : de même que le sms, il permet au
destinataire de choisir quand il souhaite répondre, ce qui n’est pas le cas de la communication
téléphonique qui exige une disponibilité immédiate29.
Après le sms, c’est le courriel qui remporte le plus de succès avec 97,5 % d’utilisateurs
parmi les répondants. Nous verrons plus loin que cela s’explique notamment par le fait que le
courriel est le seul moyen de communiquer avec l’ensemble des clavardaires, quelle que soit la
relation que l’on entretient avec eux et quels que soient le contexte et les objectifs. Notons que si
presque tous les répondants envoient des courriels, ce support-espace d’écriture est moins
fréquemment sollicité que le sms. En effet, il est utilisé en majorité plusieurs fois par semaine
(33 %) et non tous les jours (27 %), et 25 % des répondants n’en rédigent que plusieurs fois par
mois, alors que le sms fait partie intégrante de leur quotidien. Leur âge et leur situation d’élève
ou d’étudiant ne requièrent pas l’envoi fréquent de courriel, contrairement aux contextes
professionnels où il est omniprésent. Toutefois, il est intéressant de constater qu’alors qu’il
semble aujourd’hui impossible de se passer de ce support, quelques-uns le délaissent et
privilégient d’autres types de communication clavardée30. Ainsi, les dix clavardeurs qui
affirment ne pas envoyer de courriel communiquent par contre tous par sms et tous sont inscrits
sur Facebook.
Après le courriel vient la messagerie instantanée, qui est utilisée par 89,1 % des
répondants. Pour beaucoup (41 %), il s’agit tout comme le sms d’une pratique quotidienne. 30 %
déclarent utiliser ce support plusieurs fois par semaine, 20 % plusieurs fois par mois et
seulement 8 % plusieurs fois par an. Le temps de connexion varie entre moins d’une demi-heure
28 Les citations simplement annoncées ou suivies d’un prénom renvoient aux transcriptions fournies en annexe sur
DVD. Nous nous contentons d’indiquer le nom du clavardeur interviewé en guise de référence.
29Dans Parlez-vous texto ?, Jacques Anis dénonce un abus de ce système : nombreux sont ceux qui se disent noyés par
les courriels.
30Notons que parmi ces clavardeurs disant ne jamais envoyer de courriel, la plupart est susceptible d’avoir accédé au
questionnaire via ce support – les BA1 du moins. Ne pas envoyer de courriel ne signifie donc pas qu’on ne possède pas
d’adresse électronique que l’on peut consulter de temps en temps. Nous avons souhaité interroger l’un d’entre eux
pour comprendre pourquoi il n’utilise pas ce support, mais nous n’avions pas d’autre moyen de contact que… le
courriel. Nous avons finalement obtenu son numéro de téléphone grâce à un de ses professeurs, mais il était alors déjà
trop tard pour réaliser l’entretien.
32
(29 %), une demi-heure et une heure (41 %) et plus d’une heure (30 %). Ainsi, le clavardage sur
les messageries instantanées prend une place relativement importante en termes de temps dans
le quotidien de nombre de jeunes. Si MSN représentait auparavant une des portes d’entrée des
jeunes sur Internet – 254 répondants y sont encore inscrits –, le succès actuel de la messagerie
instantanée est surtout expliqué par la présence de ce support-espace sur les réseaux sociaux
tels que Facebook (303 répondants). Le troisième principal service de messagerie instantanée
est le site de téléphonie Skype, qui propose également ce support-espace de clavardage, employé
par 180 des répondants.
Le réseau social, support-espace de communication hybride qui rassemble d’une certaine
façon le courriel, la messagerie instantanée et le blog – du point de vue formel –, et présente
également des points communs avec les forums et les sites de rencontre en ce qui concerne les
objectifs des clavardeurs –, est très largement utilisé (88,9 %) et prend énormément de place
dans le quotidien de certains clavardeurs : 28 % restent connectés plus d’une heure, 23 % entre
une demi-heure et une heure et 34 % entre dix minutes et une demi-heure. Les membres des
sites de socialisation adoptent le plus souvent une attitude passive puisque les longues heures
consacrées à la navigation sur le réseau sont principalement dédiées à la lecture et à la
consultation des données (60 %) et peu { l’écriture (7 % seulement déclarent passer plus de
temps { écrire qu’{ lire). C’est notamment depuis la création de Facebook en 2004 que le
concept de réseau social connait un tel succès. 360 répondants sont inscrits sur ce site, contre
seulement 9 sur LinkedIn, 13 sur Netlog, 3 sur Bebo et 11 sur d’autres sites moins connus.
Véritable phénomène de société, il engendre nombre de débats et de réflexions sur lesquelles
nous ne nous attarderons pas dans notre rapport. Nous nous contenterons simplement de
préciser qu’aujourd’hui, ne pas être inscrit sur Facebook alors qu’on est adolescent ou jeune
adulte représente souvent une prise de position éthique. En effet, ne pas ou ne plus posséder de
compte signifie dans de nombreux cas que l’on s’oppose { la manière dont peuvent être utilisées
les données échangées par les utilisateurs, ce que ne compensent pas les nombreux services
attrayants et les multiples possibilités offerts par le site.
« Nous – Et le monstre Facebook ?
Pablo – Non ça jamais, c’est dans ma catégorie de choses { éviter.
– Pourquoi ?
– (…) Avec Nurpa, on est anti-Facebook au possible.
– C’est une question d’éthique ?
– Oui, clairement. » (Pablo)
Ainsi, si les réseaux sociaux et notamment Facebook sont très répandus, ces questions
controversées expliquent sans doute pourquoi tous les jeunes ne se laissent pas séduire.
Quant aux forums de discussion, 69,1 % des répondants déclarent y naviguer plus ou
moins régulièrement. C’est une pratique quotidienne pour seulement 16 % d’entre eux, la
majorité s’y connecte plusieurs fois par semaine (25 %), plusieurs fois par mois (34 %), voire
seulement plusieurs fois par an (26 %). Le temps de connexion est assez court : 67 % naviguent
moins de trente minutes contre seulement 26 % entre trente minutes et une heure et 7 % plus
d’une heure. Par ailleurs, il est important de souligner que si les forums de discussion sont assez
fréquentés, de nombreux internautes ne s’en servent pas comme un support-espace de
communication à proprement parler dans le sens où ils interviennent rarement dans les
discussions (56 % des répondants qui déclarent naviguer sur des forums de discussion), voire
33
jamais (33 %), et se contentent de lire ce qui a été posté par d’autres. De plus, parmi ceux qui
rédigent des messages, 75 % déclarent y consacrer moins de temps qu’{ la lecture. Ce support,
qui ne vit en principe que grâce aux interactions des internautes, représente en réalité pour
beaucoup une source d’informations comme le sont d’autres sites web et non un support de
communication31.
Il en va de même pour les blogs : si 54,3 % des répondants déclarent naviguer sur des
blogs – de manière irrégulière puisque 44 % n’en consultent que plusieurs fois par an –, seuls
13,8 % en possèdent un ou plusieurs – 34 sur Skyrock, 7 sur Blogger, 4 sur Wordpress et 13 sur
d’autres plateformes telles que Canalblog et Overblog. Les auteurs consacrent relativement peu
de temps à la rédaction de leurs articles : 57 % moins d’une demi-heure, 30 % entre une demiheure et une heure et 13 % plus d’une heure. Les commentaires sont également assez rares :
60 % se contentent de lire les articles postés par l’auteur du blog tandis que 39 % laissent de
temps en temps un commentaire (parmi eux, 89 % affirment passer moins de temps à écrire
qu’{ lire sur les blogs). Ainsi, les jeunes interrogés se révèlent assez passifs étant donné qu’ils
naviguent pour la plupart sur différents types de supports-espaces de clavardage (notamment
les forums de débat et de discussion ainsi que les blogs) mais que cela n’implique pas forcément
une participation active de leur part. La plupart de ces « internautes passifs » expliquent leur
attitude par le fait qu’ils ont trouvé ce qu’ils cherchaient et ne ressentent pas le besoin
d’intervenir, et non par la peur de la faute ou du jugement des autres (deux autres explications
proposées dans le questionnaire). Par ailleurs, il est frappant de constater que 50,1 % des
répondants ont possédé un ou plusieurs blogs auparavant, mais qu’ils ne voient aujourd’hui plus
l’intérêt de ce type de support sur Internet, ce qui est dû, notamment, à l’apparition des réseaux
sociaux, en particulier de Facebook, qui, nous l’avons dit plus haut, rassemblent les
caractéristiques de plusieurs supports-espaces appréciés et présentent l’avantage d’être utilisés
de manière généralisée. En effet, ils représentent un phénomène de mode :
« Je crois qu'il y un phénomène de "mode" avant c'était les skyblogs maintenant facebook
[sic], j'ai suivi comme tout le monde. » (Questionnaire BA1)
La visibilité des activités d’un clavardeur est plus grande sur un profil de réseau social très
fréquenté que sur un blog perdu dans l’océan du web, ce qui est bien entendu plus attractif
puisque l’objectif principal, même s’il n’est pas toujours conscient et assumé, est de
communiquer. Paradoxalement, plusieurs personnes déclarent qu’elles ne possèdent pas ou plus
de blog car elles souhaitent protéger leur vie privée alors qu’elles sont inscrites sur Facebook
qui, on l’a déj{ dit, fait couler beaucoup d’encre { propos de l’utilisation abusive des données qui
y sont publiées.
Les forums de débat connaissent beaucoup moins de succès que les forums de
discussion, dont le fonctionnement est identique mais le contenu sensiblement différent,
puisque seuls 20 % des répondants les consultent, de manière assez irrégulière – la majorité des
personnes qui naviguent sur des forums de débat le fait au maximum une fois par semaine. Les
forumeurs naviguent à peine plus longtemps sur les forums de débat que sur les forums de
discussion (42 % naviguent entre une demi-heure et une heure contre 25 %). De plus, tout
comme sur les forums de discussion, rares sont ceux qui déclarent intervenir sur les forums de
31 L’aspect participatif des TICS, où l’internaute n’est plus seulement spectateur mais peut devenir acteur, ne semble
pas aussi attrayant que ce qu’affirment plusieurs études sur la question.
34
débat : 47 % n’interviennent jamais et 41 % interviennent rarement, mais, parmi ces derniers,
85 % disent consacrer plus de temps { la lecture qu’{ l’écriture. Ainsi, le clavardage sur ce
support est très occasionnel au sein de notre échantillon.
Plus occasionnel encore est le chat, dont les utilisateurs sont très faiblement
représentés32. En effet, cette pratique est peu courante puisque 10,6 % des répondant seulement
clavardent sur ce type de support – 35 % quotidiennement, 12 % plusieurs fois par semaine,
21 % plusieurs fois par mois et 33 % plusieurs fois par an. Le temps de clavardage varie
fortement : 47 % chattent moins de trente minutes, 26 % entre trente minutes et une heure et
28 % plus d’une heure.
Le micro-blog est un nouveau type de support-espace de clavardage. Le plus connu est
Twitter, créé en 2006. Même s’il fait de plus en plus parler de lui, il ne connait pas le succès
retentissant de Facebook, un site auquel on le compare souvent étant donné leurs
caractéristiques communes de réseautage. Seuls 4,7 % des répondants déclarent posséder un
compte de microblogging (dont 79 % sur Twitter). Par ailleurs, la majorité (89 %) déclare passer
moins de dix minutes à la rédaction de message. En fait, si l’utilisation active d’un micro-blog
demande de se connecter régulièrement, le temps consacré { l’écriture est bref et les messages
publiés sont très courts, il ne s’agit d’ailleurs pas réellement de conversation – ce qui implique
un certain temps d’interaction – mais bien de publication.
Enfin, nous avions également classé parmi les supports-espaces de clavardage les sites
de rencontres, mais seulement six étudiants (1,5 %) affirment posséder un ou plusieurs
comptes. Cette pratique, pas toujours valorisée socialement, n’est par conséquent peut-être pas
assumée par tous et donc non avouée. Néanmoins, nous supposons que la possibilité de garder
l’anonymat a encouragé des réponses honnêtes et qu’il y a bel et bien très peu de jeunes de notre
échantillon qui clavardent sur des sites de rencontres. Étant donné ce faible effectif, nous ne
sommes pas en mesure de généraliser les données qui le concernent.
3.3.1.2. Les objectifs
Les objectifs poursuivis sur les différents supports-espaces de communication divergent
bien entendu, même s’ils se recouvrent parfois. Notre conception du questionnaire laissait aux
répondants la possibilité de cocher plusieurs réponses à certaines questions, ce qui explique que
la somme des effectifs de chacune des réponses dépasse souvent le nombre d’utilisateurs du
support-espace. Les répondants pouvaient également proposer d’autres objectifs que nous
n’avions pas envisagés grâce à une ligne de réponse « Autres ». Ces différentes possibilités nous
permettent à présent de déterminer quels sont les diverses raisons qui poussent un internaute à
naviguer sur un support-espace.
Les objectifs premiers des sms, support-espace le plus fréquemment utilisé, sont
organisationnels : en effet, ils servent à organiser des activités et des sorties (353) et à régler des
questions pratiques telles que l’heure du retour { la maison par exemple (344). La fonction
32 Les pourcentages fournis concernant les chats, les micro-blogs et les sites de rencontre sont à considérer avec
prudence étant donné le faible nombre de répondants utilisant ces supports. Par exemple, 50 % des utilisateurs de
sites de rencontres ne représentent en réalité que trois personnes, nombre { partir duquel il est impensable d’énoncer
des généralités ou de tirer des conclusions. Cela explique également pourquoi nous nous attarderons moins sur ces
trois supports-espaces peu utilisés.
35
socialisatrice de ce support-espace est également très forte : 333 répondants l’utilisent pour
prendre des nouvelles et entretenir leur relation avec des amis ou des membres de leur famille,
et ce même s’ils les voient régulièrement (210 l’utilisent également pour entretenir leurs
relations avec des personnes qu’ils ne voient pas souvent). Le sms est par ailleurs très sollicité
pour demander { d’autres élèves ou étudiants des informations concernant les cours (312),
tandis qu’ils sont très peu nombreux – bien que ce nombre étonne tout de même – à demander
les mêmes informations par sms à leurs professeurs (16). Le sms permet encore d’échanger des
informations intéressantes (168) et des blagues (120). Enfin, certaines personnes ont précisé
qu’ils envoient aussi des sms pour « souhaiter un joyeux anniversaire ;-) » ou envoyer des
« messages d’amour ». Certains ajoutent qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir un objectif
précis pour envoyer un sms : ils en envoient « pour rien », « pour tout et n’importe quoi »,
« parce que j’ai des sms gratuits ». Ainsi, le simple plaisir d’envoyer un sms peut constituer un
objectif en soi, ce qui explique en partie le nombre impressionnant de sms envoyés tous les
jours.
Les objectifs motivant l’envoi d’un courriel sont grosso modo les mêmes que ceux
identifiés pour le sms mais la répartition des effectifs est sensiblement différente. En effet, le
courriel sert en premier lieu { demander des informations sur les cours { d’autres
élèves/étudiants (289) ainsi qu’{ des professeurs (212), ce qui était presqu’impensable dans le
cas du sms. Il est également plus utilisé pour échanger des nouvelles avec des amis ou des
membres de la famille qu’on ne voit pas souvent (210) qu’avec des proches qu’on voit
régulièrement (114). Dans ce contexte, le courriel prend ainsi la place qu’occupait auparavant la
lettre de correspondance privée33, destinée à des proches géographiquement éloignés et n’a pas
33 Si l’on définit régulièrement le courriel comme le moyen de communication qui a remplacé la lettre, il est
incontestable qu’il remplit également de nouvelles fonctions telles que l’échange rapide d’informations étant donné
que ses caractéristiques sont différentes.
36
la même fonction socialisatrice que le sms (création et entretien d’une relation plus intime avec
des personnes que l’on côtoie souvent). Par ailleurs, 189 répondants envoient des courriels pour
obtenir des informations pratiques auprès de pourvoyeurs de services, ce qui n’est pas
envisageable par sms. Le courriel est également utilisé pour organiser des activités et des sorties
(167) et régler des questions pratiques (132), mais c’est moins usuel que par sms, supportespace sur lequel cela fait partie des objectifs de presque tous les répondants qui l’utilisent (353
et 344). Le partage d’informations intéressantes (130) et de blagues (60) sont aussi identifiés
comme des objectifs mais de manière moins fréquente. Enfin, certains ont précisé que pour eux,
le courriel est également le support-espace privilégié pour postuler ou gérer des contacts en
rapport avec une activité professionnelle (job d’étudiant par exemple), pour « faire passer une
information à plusieurs personnes à la fois » – ce qui est plus difficile par sms –, « pour poser des
questions par rapport à mon traitement médical à mon médecin », « pour regler des affaires
administratives ». On constate que les situations de communication pointées spontanément par
les répondants sont assez formelles et que le choix du support-espace est tant lié { l’objectif
poursuivi par l’envoi d’un message que par la relation que l’on entretient avec le destinataire.
Bien que nous essayions de nous astreindre à cet exercice afin de comparer la manière
dont sont utilisés les différents supports-espaces de clavardage, il est évident qu’il est artificiel
d’analyser séparément le destinataire et l’objectif, facteurs de variation linguistique étroitement
liés. C’est ce qu’explique Pablo :
« Le support, en gros, indirectement le support va découler de mon objectif et de la
personne. Je vais pas être sur un chat avec mon prof en train de parler du temps, donc c’est
pour ça. Chaque support a son objectif. Donc les trois sont liés [destinataire, objectif et
support] mais ils ont une influence sur l’autre. »
Quant à la messagerie instantanée, sa finalité principale est bien évidemment la
discussion avec des amis et des membres de la famille, qu’on les voie peu souvent (282) ou qu’on
37
les fréquente régulièrement (245). De plus, ce support-espace rejoint le sms quant à sa fonction
organisationnelle, puisque 231 répondants l’utilisent pour planifier des activités. Poser des
questions { d’autres élèves ou étudiants à propos des cours est également assez fréquent (215),
tout comme par sms ou par courriel. Par contre, si certains laissent implicitement entendre
qu’envoyer un sms peut constituer un plaisir en soi, la détente est une finalité explicite sur les
messageries instantanées pour 147 répondants. L’argument pécuniaire, auquel nous n’avions
pas songé lors de l’élaboration du questionnaire, peut également représenter une motivation (et
non un réel objectif) : quand on n’a plus de crédit sur son GSM et qu’on ne bénéficie pas d’une
formule offrant des sms gratuits, la messagerie instantanée est un bon substitut même s’il est
nettement plus contraignant puisqu’il nécessite que les interlocuteurs soient connectés au même
moment, ce qui n’est pas le cas du sms.
Comme on pouvait l’imaginer, le réseau social, catégorie presqu’exclusivement
représentée par Facebook34, a pour finalité principale la création et/ou l’entretien d’un réseau
relationnel. Il permet de rester en contact avec des personnes éloignées (308) ou avec des
personnes proches (301), de rétablir le contact avec des connaissances qu’on a perdues de vue
(262), mais également d’entrer en contact avec des nouvelles personnes, c’est-à-dire d’élargir
son réseau (59). Le succès fulgurant de ce support-espace s’explique notamment par le fait qu’il
rencontre les attentes de ses utilisateurs : le partage de photos, de vidéos, d’évènements et
d’autres divertissements est attrayant, son utilisation est facile et permet de rentrer très
aisément en contact avec n’importe qui, puisque (presque) tout le monde est sur Facebook et
qu’il est « plus simple d'échanger un nom et un prénom qu'un numéro de téléphone ou une
adresse mail ». Par ailleurs, un répondant affirme s’être inscrit sur Facebook par effet de mode,
un autre après avoir cédé à « la pression populaire ». Étant donné que tout le monde est
34 Tous les répondants qui clavardent sur ce support-espace sont inscrits sur Facebook et quelques-uns d’entre eux
possèdent également des comptes sur d’autres réseaux sociaux.
38
connecté à ce réseau mondial et que de nombreuses informations privées circulent, « surveiller
les publications sur [soi] » peut encore être une des raisons pour lesquelles on souhaite
s’inscrire sur Facebook35.
Les objectifs des clavardeurs varient encore en fonction du support-espace précis où ils écrivent.
Le statut – 17 % n’en rédigent jamais, 55 % en rédigent parfois, 20 % souvent et 8 % très
souvent –, la plupart du temps accessible { l’ensemble des contacts d’un clavardeur, voire {
l’ensemble des membres d’un réseau social, est le lieu où faire part de ses états d’âme, de ses
humeurs, de ses envies, où partager une belle formule, etc. Notons que l’écriture y est plus
surveillée qu’ailleurs car il s’agit d’un message publié, visible par une communauté, tandis que le
message instantané par exemple est plus privé et éphémère : « Ben je fais toujours très
attention, mais quand j’écris un statut, je fais encore plus attention. Donc là le que je vais pas le
mettre ke, je vais le mettre que. » (Victoria) Ensuite, on peut supposer que la messagerie
instantanée et les messages privés, fréquemment employés (plus de la moitié de leur
utilisateurs, respectivement 89 % et 98 %, l’utilisent souvent voire très souvent), répondent aux
mêmes objectifs que la messagerie instantanée « indépendante » et le courriel. La possibilité de
laisser des commentaires { propos de photos, de statuts, de vidéos, d’invitations, etc., est
nettement plus exploitée que sur les blogs puisque 38 % en rédigent souvent et 19 % très
souvent. De plus, inviter ses contacts à un événement est également possible sur les réseaux
sociaux, fonction parfois utilisée par un peu moins de la moitié des répondants (46 %, 37 % ne
l’utilisent jamais). Notons que la diversité des supports-espaces influence le degré d’attention
accordé { l’écriture pour seulement 33 % des répondants, 54 % estiment que leur mode de
clavardage ne varie pas d’un lieu { l’autre sur un réseau social.
35 Certains réseaux sociaux se spécialisent et répondent donc à des objectifs particuliers : tel est le cas de LinkedIn,
consacré { la création d’un réseau d’ordre professionnel. Étant donné leur âge et leur statut d’élève ou d’étudiant, les
répondants n’ont pour la plupart pas intégré un milieu professionnel et ne sont donc pas intéressés par ce genre de
sites (seuls 9 d’entre eux sont inscrits sur LinkedIn).
39
Les objectifs des internautes sur les forums de discussion ont un caractère moins
relationnel et socialisant que sur les quatre supports-espaces décrits précédemment. Les
caractéristiques sont également très différentes étant donné que les personnes en contact ne se
connaissent généralement pas dans la vie réelle. Le type de relation qui s’y noue est donc
particulier, ce qui entraine des objectifs différents. Il est également important de préciser que les
chiffres que nous donnons ici concernent les personnes qui clavardent sur les forums (67 %)
ainsi que celles qui se contentent de naviguer sans jamais intervenir (33 %). La possibilité de
rester passif est également une caractéristique nouvelle par rapport aux quatre supportsespaces précédents, or l’investissement de l’internaute sur un forum en termes de participation
influence bien évidemment ses objectifs. Tous forumeurs confondus, il apparait que c’est la
recherche d’informations qui motive le plus grand nombre d’internautes { naviguer sur un
forum, que ce soit sur un sujet précis (227), concernant des questions pratiques telles que des
démarches administrative par exemple (158) ou à propos des cours (146). Les forums de classe
ou de filière, sur lesquels les élèves ou les étudiants posent notamment leurs questions et
partagent leurs cours, sont pratique courante36. Le besoin de conseils pour résoudre un
problème pousse 164 des répondants à naviguer sur des forums de discussion (l’un d’entre eux
précise qu’il clavarde également pour proposer des solutions aux problèmes des autres), même
si tous n’interviennent pas, pas même pour exposer leur problème. La lecture de témoignages de
situations semblables à la leur suffit dans certains cas à les aider. Naviguer sur des forums
représente également pour certains des moments de détente (76) et/ou une manière de nouer
des liens avec d’autres jeunes (43) (objectif évoqué uniquement par ceux qui interviennent sur
les forums, une attitude passive ne le permet bien entendu pas). L’organisation d’activités et de
sorties peut également passer par les forums, mais à la condition logique que les forumeurs se
connaissent dans la vie réelle. Parfois, les forums revêtent une fonction de divertissement,
comme c’est le cas de ceux qui sont proposés sur les sites de jeux vidéo, ainsi que les forums de
jeux de rôle (RP ou roleplay) ou les forums dédiés { l’écriture dont nous avons découvert
l’existence grâce au questionnaire et aux entretiens.
36 Nous pensons aux exemples du forum de la classe de 6 e secondaire de l’Athénée Royal de Waterloo que nous avons
rencontrée (http://6c-arw.xooit.be/index.php), qui ne connut visiblement pas un grand succès, ainsi que le forum des
romanes de l’ULB (www.romanes.be/forum), très vivant.
40
Bien qu’il s’agisse de deux supports-espaces très proches du point de vue du
fonctionnement, les objectifs poursuivis par les internautes sont très différents sur les forums de
débat et sur les forums de discussion – c’est d’ailleurs pratiquement le seul facteur qui permet
de les distinguer. Sur les forums de débat, on cherche principalement à découvrir le point de vue
d’autres internautes sur un sujet particulier (74) et/ou { exprimer le sien (31). Un répondant
explique également que la lecture des commentaires sur un forum de débat lui permet de «
comprendre, par le biais des réactions l'impact d'une information », un autre va dans le même
sens en écrivant qu’il souhaite « voir comment les gens réagissent aux choses ». La détente (10),
le besoin de créer des liens (3) et l’aspect exutoire de ce support-espace (3) sont des objectifs
secondaires. Ces données démontrent que, tout comme sur les forums de discussion où
l’internaute est libre d’intervenir ou non, la majorité des répondants fréquentant des forums de
débat adopte une attitude passive dans le sens où elle préfère lire les interventions des
forumeurs (47 %) ou intervenir rarement (41 %) que de participer activement au débat (12 %).
Pour certains, cela provient notamment du fait qu’ils « tombent » par hasard sur ce type de
forums au gré de leur navigation : « C'est surtout en vogant par-ci, par-là, que je me retrouve sur
ces forums », déclare un des répondants.
41
Quant aux blogs, ils remplissent principalement une fonction de partage d’informations
personnelles, de photos, de nouvelles (37 sur 56), tout comme les réseaux sociaux. Néanmoins,
ces derniers le font sur le mode du réseautage alors que la forme du blog s’apparente plus à de la
publication. 22 répondants entretiennent un blog concernant un sujet précis et 17 le considèrent
comme une sorte de journal intime. Le blog est également pour certains une manière de publier
leurs réalisations artistiques telles que leurs photos, leurs écrits littéraires et leurs dessins.
Le chat est quant à lui dédié à la détente (27) et à la discussion (21), aux rencontres de
personnes censées devenir des amis sur Internet (14) – l’appartenance { une communauté
42
virtuelle peut s’entretenir conjointement sur un chat et sur un forum –, dans la vie réelle (10)
et/ou aux rencontres amoureuses (7), { l’échange d’informations pratiques (14) et/ou de
conseils concernant un problème rencontré (9). Par ailleurs, tout comme le forum, le chat
constitue un support où pratiquer le roleplay.
La création d’un compte de microblogging, outre qu’elle naisse sans doute sous
l’impulsion de l’effet de mode, permet au clavardeur de partager des informations semblables à
celles publiées sur un blog ou sur un réseau social (gout, activités, amis, pensées) (10), de
publier des messages contenant des informations hétéroclites (10), de faire de l’humour (6). Le
micro-blog de seulement quatre répondants traite d’un sujet précis. Un des jeunes interrogés
ajoute que cela lui permet de « suivre des personnes ou des entreprises ciblées », il adopte donc
comme la majorité des forumeurs une attitude passive et clavarde lui-même très peu voire pas
du tout sur son micro-blog. La particularité de ce support réside dans le fait qu’il est aussi
courant de rédiger soi-même des messages que de faire circuler les messages ou les liens publiés
par d’autres clavardeurs (fonction Retweet sur Twitter, type de message le plus fréquent pour 6
des 19 répondants inscrits sur un micro-blog).
43
Enfin, les objectifs des six clavardeurs inscrits sur des sites de rencontre sont assez
évidents : il s’agit de flirter (6), de se faire de nouveaux amis (3) et de rencontrer l’âme sœur (2).
3.3.1.3. Les destinataires
Si le choix du support-espace de communication est en partie déterminé par les objectifs
poursuivis, le(s) destinataire(s) joue(nt) également un rôle primordial dans cette décision. En
effet, tous les supports-espaces ne peuvent répondre à toutes les attentes des clavardeurs en
matière d’objectifs, il en va de même en ce qui concerne les destinataires. Grâce à la possibilité
44
de cocher plusieurs réponses ainsi qu’{ la présence d’une ligne de réponse « autres », nous
sommes en mesure de déterminer quels supports-espaces sont privilégiés pour communiquer
avec quels destinataires.
La communication par sms implique généralement un certain degré d’intimité entre les
interlocuteurs. Il est presqu’uniquement utilisé entre amis (401) ainsi qu’entre les membres
d’une même famille (378). L’envoi de sms { des professeurs est une pratique (encore ?) très
marginale : seuls cinq répondants ont coché cette réponse. Par contre, nous constatons que les
normes implicites réglant l’usage du sms sont en évolution : même s’il s’agit d’une pratique qui
n’est pas encore généralisée, il n’est aujourd’hui plus « interdit » de contacter ses employeurs et
ses supérieurs par sms, ou ses clients. Un fort degré d’intimité n’est donc plus une condition
indispensable à la communication par sms, mais il est certain que les relations entretenues avec
les destinataires, si elles sont à présents plus variées, influencent l’attention accordée {
l’écriture. Ainsi, s’il est { présent permis d’envoyer un sms { son patron, le message ne sera pas
rédigé de la même manière que s’il était destiné { un ami.
Par ailleurs, le sms présente la particularité d’être le plus souvent – voire toujours –
adressé à un interlocuteur unique (94 %), ce qui s’explique par l’impossibilité de créer une
situation de communication collective (le nombre ainsi que l’identité des destinataires ne sont
connu que de la personne qui envoie le sms et les réponses lui sont par conséquent
systématiquement adressées à lui seul). Le fait d’envoyer un sms { une seule ou { plusieurs
personnes est tout de même identifié comme un facteur d’influence sur le degré d’attention
accordé { la manière d’écrire par 33 % des rédacteurs de sms. Notons que le mode d’écriture
utilisé pour la rédaction d’un sms dépend du degré d’intimité entretenu avec le destinataire, du
nombre de destinataires, mais également du mode d’écriture généralement utilisé par le
destinataire en question – ou du moins du/des mode(s) d’écriture qu’il comprend –, comme
l’explique Victoria :
« Je fais attention, par exemple je vais envoyer un message à maman, je sais que elle elle va
pas savoir comprendre les abréviations et tout ça, alors je fais quand même attention d’écrire
45
les mots en entier, pour qu’elle comprenne. Tandis que si c’est une copine, ou ma sœur,
j’écris aussi comme ça en abrégé. »
Si le succès du sms s’explique en partie par le fait qu’il permet d’instaurer ou
d’entretenir, consciemment ou non, une relation intime entre les clavardeurs, le succès du
courriel, quant { lui, est notamment dû au fait qu’il est le seul support-espace qui permet
d’entrer en contact avec n’importe quel destinataire, quelle que soit la relation qu’on entretient
avec lui. Ainsi, presque tous les répondants envoient des courriels à leurs amis (IRL ou sur
Internet) (390) et utilisent ce support-espace pour communiquer avec les membres de leur
famille (284) – ce qui est également courant par sms –, nombreux sont ceux qui se servent aussi
du courriel pour contacter leurs professeurs (210) et des pourvoyeurs de services (160) ainsi
que des « personnes qu’on connait à peine » – ce qui est encore extrêmement rare par sms.
Contrairement { ce qui concerne le sms, il n’est pas totalement inhabituel d’envoyer des
courriels destinés à plusieurs personnes puisque 22 % des jeunes déclarent adresser leurs
courriels autant { une seule qu’{ plusieurs personnes et 7 % principalement à plusieurs
personnes. Toutefois, dans la majorité des cas, le courriel est le plus souvent adressé à une seule
personne (55 %) voire toujours (15 %). Pour 40 % des clavardeurs, cela représente un facteur
de variation, tandis que 54 % déclarent que ça n’influence pas le degré d’attention qu’ils
accordent à leur écriture.
46
En termes de destinataires, la messagerie instantanée est comparable au sms : 361
répondants y clavardent avec leurs amis, 186 avec leur famille et 38 avec leurs connaissances.
Tout comme dans le cas du sms, le degré d’intimité doit être relativement fort, on ne clavarde
pas sur une messagerie instantanée dans un contexte professionnel ou commercial par exemple.
Notons que le fait que les discussions soient le plus souvent voire toujours individuelles (98 %)
rapproche la messagerie instantanée du sms et, comme nous l’exposerons plus loin, la distingue
du chat. 31 % des personnes clavardant sur des messageries se disent influencés du point de vue
de leur écriture par le caractère individuel ou collectif de la conversation, tandis que 55 % n’en
sont pas affectés.
47
Le réseau social présente des caractéristiques particulières en matière de destinataires :
il permet de communiquer uniquement avec ses contacts, c’est-à-dire les personnes inscrites sur
le même site que soi – ce qui, sur Facebook, représente tout de même une immense
communauté. Les principaux objectifs poursuivis sur ce support-espace sont la création et
l’entretien d’un réseau, son contenu est donc logiquement destiné aux amis (316) et { la famille
(168), qui forment pour certains une communauté ciblée et connue (138). Quelques-uns des
clavardeurs s’adressent également { tout le monde (32) ou { une communauté ciblée mais
inconnue (12). Il est important de préciser que les destinataires varient en fonction des objectifs
précis des différents sites de réseautage : par exemple, Facebook sert les relations amicales et
familiales tandis que LinkedIn s’est spécialisé dans les relations professionnelles mais, comme
nous l’avons déj{ souligné, étant donné leur âge et leur situation socio-professionnelle, les
répondants se limitent généralement à Facebook.
La question du caractère individuel ou collectif d’un message ne se pose pas dans le
cadre des forums, puisque par définition les posts sont adressés { un ensemble d’internautes.
Dans le cas des forums de discussion, il s’agit d’une communauté ciblée et connue (111), ciblée
et inconnue (94), ou de tout le monde (52). La tendance s’inverse sur les forums de débat : les
posts sont le plus souvent destinés à tout le monde (26), puis à une communauté ciblée et
inconnue (18) et enfin à une communauté ciblée et connue (10). Étant donné que la finalité
première des forums de débat est de débattre et que c’est cet aspect et non le désir de socialiser
qui rassemble les clavardeurs, il semble logique que les destinataires soient moins bien
identifiables que sur les forums de discussion, où il peut s’agir d’amis dans la vie réelle.
48
Quant au blog, il s’agit du seul support-espace où on peut écrire pour soi-même (25),
comme dans un journal intime, mais qui est également – et paradoxalement – destiné à tout le
monde (25). Cette nouvelle réalité, qui consiste à exposer consciemment sur la Toile une intimité
que l’on ne souhaite pourtant pas forcément partager, est désignée par le terme « extimité ». Les
blogs peuvent également être entretenus pour les amis (28) et la famille (8), notamment
lorsqu’il occupe la même fonction de partage d’informations personnelles et de photos que le
réseau social. Quand il traite d’un sujet précis, le blog s’adresse { une communauté ciblée et
inconnue (16) ou connue (10).
49
Les destinataires des commentaires rédigés par les visiteurs d’un blog, quant { eux, sont
le plus souvent les auteurs des blogs (61 %), très rarement les autres visiteurs (2 %). Rappelons
toutefois que cette pratique est peu courante et que seuls 89 répondants déclarent qu’il leur
arrive d’écrire des commentaires en réaction { un article publié sur un blog.
Bien que les chats fonctionnent sur le même principe que les messageries instantanées,
les clavardeurs en contact entretiennent des relations très différentes. Sur les deuxièmes, les
clavardeurs, qui se connaissent dans la vie réelle et ont un certain degré d’intimité, mènent des
conversations généralement individuelles, tandis que sur les premiers, les conversations sont
autant individuelles (46 %) que collectives (37 %) – ce qui influence 40 % des chatteurs – et les
messages sont aussi bien destinés { des amis IRL (19) qu’{ des amis rencontrés sur le chat (20),
{ une communauté ciblée et connue (20) et { une communauté ciblée et inconnue (20), c’est-à50
dire à des personnes liées par un degré d’intimité nettement moins fort que sur les messageries
instantanées.
Enfin37, les destinataires des messages publiés sur les micro-blogs sont dans certains cas
identifiables – les amis (10), la famille(4) – et dans d’autres, ils sont plus incertains puisqu’il
s’agit d’une communauté ciblée et connue (3) ou inconnue (6). Dans ce sens, ce type de support
se rapproche du blog.
37 Nous avons jugé qu’il n’était pas pertinent de poser la question des destinataires sur les sites de rencontres,
réponse qu’il est facile de déduire { partir de l’objectif évident de ce support-espace : chercher l’âme sœur ou un
simple flirt, c’est s’adresser { des inconnus qui ont les mêmes objectifs et sont inscrits sur le même site que soi.
51
3.3.1.4. Longueur des messages
Par ailleurs, le questionnaire nous permet de montrer dans quelle mesure les différents
supports-espaces conditionnent le type et la forme des messages qui y sont échangés ou publiés,
ainsi que le délai de réponse et la vitesse d’écriture.
Long_F
Count
Courte
Moyenne
Longue
Total
%
27
14,4 %
108
57,4 %
54
28,2 %
189
100,0 %
Long_FD
Count
Courte
%
Long_MI
Count
%
Long_C
Count
%
Long_B
Count
%
Long_MB
Count
%
4
9,3 %
105
29,1 %
27
62,8 %
26
23,4 %
12
63,2 %
Moyenne
14
32,6 %
225
62,3 %
14
32,6 %
42
37,8 %
7
36,8 %
Longue
25
58,1 %
31
8,6 %
2
4,7 %
43
38,7 %
Total
43
100,0 %
361
100,0 %
43
100,0 %
111
100,0 %
19
100,0 %
Long_RS
Courte
Moyenne
Longue
Total
Long_SR
Long_ME
Long_S
Count
120
%
33,3 %
Count
2
%
33,3 %
Count
12
%
3,0 %
Count
82
%
20,4 %
207
57,5 %
3
50,0 %
132
33,4 %
253
62,9 %
33
9,2 %
1
16,7 %
251
63,5 %
67
16,7 %
360
100,0 %
6
100,0 %
395
100,0 %
402
100,0 %
Les messages les plus courts (quelques mots) s’échangent sur les chats ainsi que sur les
micro-blogs. Pour les premiers, cela s’explique par le fait qu’il s’agit d’un support-espace de
communication synchrone, les messages, échangés sur le mode de la conversation, sont donc
plus nombreux mais également plus brefs. Quant au micro-blog, la restriction du nombre de
caractères à 140 constitue la raison évidente pour laquelle les messages publiés sont brefs. Selon
53 % des répondants inscrits sur une plateforme de micro-blog, cela n’a pas d’influence sur le
degré de correction de leur écriture tandis que 42 % identifient cette caractéristique comme
étant influente.
52
Les messages sont souvent constitués de quelques phrases sur la majorité des supportsespaces de clavardage : le forum de discussion, la messagerie instantanée, le blog, le réseau
social, le site de rencontres et le sms. Si ces données semblent logiques et cohérentes pour le
forum de discussion, le blog, le réseau social et le site de rencontres, elles étonnent plus dans le
cas de la messagerie instantanée et du sms. En effet, la première se rapproche beaucoup du chat
sur lequel les messages ne sont le plus souvent composés que de quelques mots, or pour 59 %
des répondants, les messages rédigés sur messagerie instantanée sont de longueur moyenne.
Notons que l’objectif du questionnaire est bien d’interroger les représentations que les jeunes
ont de leur utilisation des supports-espaces de clavardage. La longueur moyenne des sms
surprend également, étant donné que comme sur les micro-blogs, où les messages sont décrits
comme étant courts, le nombre de caractères est restreint. Le côté « formule » des messages
publiés sur les micro-blogs et le caractère plus personnel du sms expliquent probablement cette
différence.
Enfin, les messages les plus fréquemment décrits comme longs sont les posts publiés sur
les forums de débat ainsi que les courriels. L’aspect argumentatif des premiers et le rôle de
correspondance des seconds impliquent forcément que les messages dépassent les quelques
mots ou les quelques phrases et constituent au moins un petit texte.
Remarquons que la longueur des messages peut influencer l’attention { l’écriture. C’est
notament le cas pour Armèle :
« Je fais pas attention, fin je fais moins attention, j’utilise des abréviations, quand je fais des
petits textes, des petits sms ou des statuts sur Facebook, mais quand je fais un long texte,
j’aime bien que ça ressemble { quelque chose. […] Fin je crois que c’est plus une question de
longueur en fait, peut-être pas le support, je crois que c’est vraiment, oui, quand j’écris un
plus gros texte, là je fais vraiment attention. J’essaie, fin je me relis et tout ça. »
53
3.3.1.5. Délai de réponse
Délai de réponse attendu
Del_F
Del_FD
Count
2
%
1,1 %
Count
Court
33
17,5 %
11
Moyen
90
47,6 %
12
Long
42
22,2 %
8
18,6 %
Pas de rép.
22
11,6 %
12
189
100,0 %
43
Aucun
Total
Del_MB
%
Del_MI
Del_B
Count
212
%
58,7 %
Count
21
%
48,8 %
25,6 %
133
36,8 %
19
44,2 %
4
3,6 %
27,9 %
12
3,3 %
2
4,7 %
20
18,0 %
1
2,3 %
25
22,5 %
27,9 %
4
1,1 %
100,0 %
361
100,0 %
Del_RS
Del_SR
Count
2
%
10,5 %
Count
48
%
13,3 %
Count
Court
2
10,5 %
145
40,3 %
1
Moyen
4
21,1 %
122
33,9 %
Long
1
5,3 %
16
4,4 %
Pas de rép.
10
52,6 %
29
8,1 %
Total
19
100,0 %
360
100,0 %
Aucun
Del_C
100,0 %
Del_ME
%
,9 %
61
55,0 %
111
100,0 %
Del_S
Count
1
%
,3 %
Count
70
%
17,4 %
16,7 %
15
3,8 %
268
66,7 %
2
33,3 %
155
39,2 %
60
14,9 %
3
50,0 %
219
55,4 %
2
,5 %
5
1,3 %
2
,5 %
395
100,0 %
402
100,0 %
6
%
43
Count
1
100,0 %
Le délai de réponse, qui peut influencer le degré d’attention accordé { l’écriture, varie
également en fonction des supports-espaces. Soulignons qu’il faut distinguer le délai de réponse
attendu par les répondants aux messages qu’ils envoient du délai dans lequel eux-mêmes
répondent aux messages qui leur sont destinés. Sur les messageries instantanées et les chats, les
répondants s’attendent le plus souvent à une réponse quasiment immédiate (aucun délai) et
eux-mêmes répondent aussi rapidement.
La majorité des blogueurs et micro-blogueurs, par contre, ne s’attend pas spécialement {
ce qu’on lui réponde et ne répond elle-même pas toujours étant donné que les messages, comme
nous l’avons exposé plus avant, sont généralement destinés { l’ensemble d’une communauté et
non à une personne en particulier. Ainsi, il s’agit bel et bien de supports de publication et non de
discussion. Entre ces deux extrêmes, on retrouve les forums sur lesquels le délai de réponse
attendu correspond la plupart du temps à quelques heures (moyen), mais aussi à quelques
minutes (court) ou, au contraire, à quelques jours (long), et certains clavardeurs n’attendent
aucune réponse – ce qui semble paradoxal étant donné que le débat ou la discussion, par
définition, nécessite une interaction, mais une attitude passive de la part des clavardeurs semble
s’être généralisée. Les forumeurs répondent globalement dans les mêmes délais que ceux
auxquels ils s’attendent.
Si la réponse à un sms est dans la plupart des cas attendue rapidement (quelques
minutes), le délai de réponse des répondants est encore plus bref (rapide voire aucun). Il en va
de même pour les réseaux sociaux.
Enfin, les clavardeurs de notre échantillon se montrent plus patients lorsqu’il s’agit du
courriel, auquel on peut répondre après plusieurs jours alors qu’il est plus fréquent qu’euxmêmes répondent après quelques heures.
54
Bien que le délai de réponse attendu semble semblable au délai de réponse des
répondants eux-mêmes, nous constatons que ces derniers réagissent de manière plus rapide que
ce à quoi ils s’attendent de la part des autres, laissant de la sorte une certaine latitude au(x)
clavardaire(s).
Délai de réponse des répondants
Del_1_F
Count
%
Aucun
9
4,8 %
Court
40
Moyen
69
Long
30
Rép. pas
Total
Del_1_FD
Count
%
Del_1_MI
Count
%
Del_1_C
Count
%
Del_1_B
Count
%
1
2,3 %
196
54,3 %
22
51,2 %
21,2 %
7
16,3 %
146
40,4 %
15
34,9 %
9
8,1 %
36,5 %
19
44,2 %
9
2,5 %
2
4,7 %
22
19,8 %
15,9 %
5
11,6 %
2
,6 %
1
2,3 %
17
15,3 %
41
21,7 %
11
25,6 %
8
2,2 %
3
7,0 %
62
55,9 %
189
100,0 %
43
100,0 %
361
100,0 %
43
100,0 %
111
100,0 %
Del_1_MB
Count
%
Aucun
Del_1_RS
Del_1_SR
Count
59
%
16,4 %
Count
%
Del_1_ME
Count
7
1
,9 %
Del_1_S
%
1,8 %
Count
124
%
30,8 %
Court
6
31,6 %
147
40,8 %
4
66,7 %
38
9,6 %
210
52,2 %
Moyen
4
21,1 %
98
27,2 %
1
16,7 %
191
48,4 %
50
12,4 %
Long
1
5,3 %
28
7,8 %
136
34,4 %
1
,2 %
Rép. pas
8
42,1 %
28
7,8 %
1
16,7 %
23
5,8 %
17
4,2 %
19
100,0 %
360
100,0 %
6
100,0 %
395
100,0 %
402
100,0 %
Total
3.3.1.6. Vitesse d’écriture
Vit_F
Count
Vit_FD
%
Count
Vit_MI
%
Count
Vit_C
%
Count
Vit_B
%
Count
%
Lente
26
13,8 %
11
25,6 %
9
2,5 %
1
2,3 %
20
18,0 %
Moyenne
91
48,1 %
21
48,8 %
64
17,7 %
12
27,9 %
60
54,1 %
72
38,1 %
11
25,6 %
288
79,8 %
30
69,8 %
31
27,9 %
189
100,0 %
43
100,0 %
361
100,0 %
43
100,0 %
111
100,0 %
Rapide
Total
Vit_MB
Count
%
Lente
Moyenne
Rapide
Total
Vit_RS
Count
%
Vit_SR
Count
%
Vit_ME
Count
%
Vit_S
Count
%
18
5,0 %
98
24,8 %
20
5,0 %
11
57,9 %
130
36,1 %
2
33,3 %
196
49,6 %
107
26,6 %
8
42,1 %
212
58,9 %
4
66,7 %
101
25,6 %
275
68,4 %
19
100,0 %
360
100,0 %
6
100,0 %
395
100,0 %
402
100,0 %
L’analyse croisée des données concernant le délai de réponse et la vitesse d’écriture,
montre que ces deux facteurs de variation linguistique semblent liés. En effet, sur les supportsespaces où le temps de réponse des clavardeurs est de quelques secondes ou de quelques
minutes, la vitesse d’écriture est décrite comme rapide. C’est le cas des messageries
instantanées, des chats, des réseaux sociaux, des sites de rencontre et des sms. Là où le délai de
réponse est plus long (quelques heures) ou que les clavardeurs ne répondent pas toujours, la
vitesse d’écriture est moyenne. Il s’agit des forums, des blogs et micro-blogs ainsi que des
55
courriels. La vitesse à laquelle est rédigé un message dépend également de l’importance qu’on
lui accorde, importance qui varie notamment en fonction des destinataires et des objectifs. Ainsi,
l’on remarque que sur les supports-espaces utilisés pour communiquer avec l’ensemble d’une
communauté (forum de discussion et de débat, micro-blog) avec des personnes avec lesquelles
on entretient une relation formelle (courriel), la vitesse de rédaction est plus lente que sur les
supports-espaces utilisés en famille ou entre amis (messagerie instantanée, chat, réseau social et
sms). Cela renforce une constatation que nous avons déjà faite à plusieurs reprises : les critères
influençant le choix du support ainsi que le degré d’attention accordé { l’écriture sont
interdépendants, ce qui explique qu’il est parfois difficile et artificiel de les analyser séparément.
D’ailleurs, seuls 46 % des répondants identifient la vitesse d’écriture comme un facteur de
variation linguistique, ce qui n’apparait certes pas comme une évidence lorsqu’on prend la
vitesse d’écriture de manière individuelle et qu’on la sépare des autres facteurs de variation
desquels elle dépend elle-même.
Influence de la vitesse sur l’écriture
Notons que d’après les répondants, la lisibilité ne doit pas être sacrifiée au profit de la
rapidité de l’écriture. Sur certains supports, il est donc essentiel d’interagir rapidement, mais les
clavardeurs ont conscience que leur message doit avant tout rester compréhensible puisque la
communication est l’objectif majeur recherché sur les supports-espaces que nous étudions.
3.3.1.7. Médiateur utilisé
Ordinateur fixe
Jamais
Count
140
%
34,6 %
Parfois
145
Souvent
81
Toujours
Total
Ordinateur portable
Count
Smartphone
20
%
4,9 %
Count
293
%
72,3 %
35,8 %
48
11,9 %
75
18,5 %
20,0 %
123
30,4 %
27
6,7 %
39
9,6 %
214
52,8 %
10
2,5 %
405
100,0 %
405
100,0 %
405
100,0 %
Pour clavarder sur les différents supports-espaces qui nous occupent, il faut posséder un
ordinateur fixe, un ordinateur portable, un smartphone, ou un GSM pour les sms, et avoir accès à
une connexion Internet. Les jeunes que nous avons interrogés utilisent pour la plupart un
ordinateur portable. Les smartphones ne sont pas encore très courants puisque seuls 9 % en
utilisent souvent ou toujours un. Le cout qu’ils représentent (prix d’achat élevé et forfait
Internet), surtout auprès des jeunes, est sans aucun doute la raison principale de son faible
56
succès. 75 % des jeunes que nous avons interrogés ne perçoivent pas le médiateur qu’ils
utilisent pour clavarder comme un facteur influant l’attention accordée { l’écriture. Pourtant,
l’utilisation d’un GSM pour rédiger un sms n’implique pas le même mode d’écriture que l’emploi
d’un ordinateur pour clavarder sur Internet. D’après Victoria, il s’agit bien d’un facteur de
variation : « Parce que les sms, le clavier et tout ça… Mais sinon je trouve sur Internet, comme j’ai
toutes les touches et tout ça, ça me facilite, j’ai le point l{, c’est pas ça qui va me retarder. »
Influence du médiateur
Parmi les jeunes possédant un smartphone, ils sont moins nombreux à considérer que le
médiateur n’est pas influent (65 %). C’est en effet principalement l’utilisation de ce médiateur-là
qui influence l’écriture vu le confort réduit dû à la petite taille des touches et de l’écran, même
s’ils sont peu nombreux { l’affirmer. Par contre, que l’ordinateur soit fixe ou portable ne change
vraisemblablement pas grand-chose.
3.3.1.8. Endroit
Maison (salon,
cuisine)
Jamais
Count
60
%
14,8
Parfois
134
Souvent
153
Toujours
Total
Maison
(chambre)
Espace
public
Amis
Cours
Déplacement
Count
37
%
9,1
Count
197
%
48,6
Count
143
%
35,3
Count
252
%
62,2
Count
263
%
64,9
33,1
62
15,3
182
44,9
244
60,2
132
32,6
128
31,6
37,8
205
50,6
24
5,9
16
4,0
18
4,4
13
3,2
58
14,3
101
24,9
2
,5
2
,5
3
,7
1
,2
405
100,0
405
100,0
405
100,0
405
100,0
405
100,0
405
100,0
La chambre, ou tout autre espace fermé et intime à la maison, est le lieu où se trouvent le
plus souvent les répondants lorsqu’ils clavardent (75 % souvent ou toujours). Le salon, la
cuisine ou tout autre pièce de la maison ouverte et partagée avec le reste de la famille, est le
second lieu le plus fréquenté pour clavarder. Contrairement aux idées reçues, peu de jeunes
déclarent clavarder au cours ou en déplacement. Si l’envoi de sms est certainement fréquent
dans ces contextes, le clavardage sur Internet l’est évidemment nettement moins. À l’instar du
médiateur, l’endroit n’est majoritairement pas perçu comme un facteur de variation linguistique.
57
Influence de l’endroit
3.3.2. Représentations
La deuxième partie du questionnaire interrogeait plus spécialement les représentations
des répondants sur l’importance de l’écriture sur les supports-espaces de clavardage ainsi que
sur les facteurs de variation linguistique.
Il est frappant de constater qu’une grande majorité des répondants a une vision assez
normative de sa propre façon de clavarder. En effet, 68 % d’entre eux estiment qu’il ne
s’éloignent jamais du français standard lorsqu’ils clavardent. Ces données vont { l’encontre des
stéréotypes les plus répandus selon lesquels les jeunes ne savent plus écrire et qu’Internet est le
lieu de perdition de la langue par excellence. Lors de certains entretiens, nous avons présenté
ces chiffres aux personnes interrogées pour connaître leur réaction. Qu’ils estiment ne jamais
s’éloigner du français standard ou non, ils étaient systématiqement surpris par ces déclarations
et pensaient que ces données n’étaient en aucun cas le reflet de la réalité. Selon eux, cela montre
simplement que « les jeunes » n’ont pas conscience qu’Internet est bel et bien un lieu où on écrit
« mal ». Néanmoins, il faut nuancer ces propos : certes, les représentations de la langue ne
correspondent pas tout à fait à la réalité des productions que nous avons analysées, mais il
semblerait que les clavardeurs que nous avons interrogés ont bel et bien une conscience
linguistique développée. Nous reviendrons à cette constatation au point 4.3.2.
Respect des règles du français standard
32%
68%
Estiment qu'il leur arrive
de s'éloigner du français
standard
Estiment qu'ils ne
s'éloignent jamais du
français standard
58
Grâce au questionnaire, nous avons pu analyser les représentations linguistiques des
répondants de manière plus précise. Nous souhaitions répondre à ces quatre questions-clés :
1) Selon les répondants, sur quels supports-espaces est-il important de bien écrire ?
2) Quelle est l’importance de ce que nous avons appelé les différents « secteurs de langue »
(structuration, ponctuation, orthographe, etc.38) en fonction des supports-espaces ?
3) Que signifie « bien écrire » pour les répondants ? Cette représentation varie-t-elle en
fonction du support ?
4) Quels facteurs influencent l’attention accordée { l’écriture de manière globale et aux
différents secteurs de langue en particulier ?
Pour recueillir ces données, nous avons élaboré une série de paires de questions, toutes
construites selon la même structure : 1) « Quels facteurs influencent selon toi le degré
d’attention que tu accordes { [tel secteur de langue] ? » ; 2) « Sur quels supports-espaces
d’écriture estimes-tu que [tel secteur de langue] est important ? ». La dernière paire de
questions de ce type concernait l’écriture de manière globale et non plus un secteur de langue en
particulier. L’analyse minutieuse et le croisement des réponses { ces questions nous ont permis
d’atteindre nos objectifs et d’avoir une idée assez précise des représentations de notre
échantillon concernant le clavardage.
Remarque
La deuxième question de chacune des paires, concernant l’importance de l’écriture par
support-espace, n’a été posée qu’aux clavardeurs actifs sur les supports-espaces concernés.
Ainsi, la question de l’importance de la structuration sur les forums de débat, par exemple, n’a
été posée qu’aux forumeurs intervenant au moins de temps en temps dans le débat. Dans ce casci, il ne s’agit que de 43 des 405 répondants, le pourcentage obtenu a donc une valeur moindre
que dans le cas du courriel par exemple, utilisé par 395 répondants.
Nombre de clavardeurs par support-espace
Support-espace
Sms
Courriel
Messagerie instantanée
Réseau social
Forum de discussion
Blog
Forum de débat
Chat
Micro-blog
Sites de rencontres
Nombre
d’utilisateurs
402
395
361
360
189
111
43
43
19
6
Nous rappelons brièvement ici le nombre de répondants clavardant sur chacun des supports
afin que par la suite, leur juste valeur soit accordée aux pourcentages fournis. Nous avons fait le
38 Le terme « secteur de langue » nous sert à désigner une série de réalités très disparates allant de la structuration
d’un texte { l’emploi des majuscules en passant par l’utilisation des smileys. Nous les décrivons au point 3.3.2.2.
59
choix d’inclure tous les supports-espaces dans nos analyses, même ceux qui sont les moins
utilisés, car ils ont leur importance pour la description détaillée de notre échantillon, mais il est
évident que nous ne nous permettrons pas de tirer des conclusions concernant les supports qui
sont très peu sollicités, tels que les sites de rencontre et les micro-blogs.
3.3.2.1. Importance accordée à l’écriture par support-espace
Dans un premier temps, nous avons classé les supports-espaces selon l’importance que
les répondants leur accordent en termes d’attention { l’écriture. Soulignons que le pourcentage
mentionné n’indique pas le degré moyen d’importance accordée { l’écriture de l’ensemble des
répondants mais le pourcentage de répondants (utilisant le support dont il est question)
estimant qu’il est important de bien écrire. Les autres utilisateurs de ces supports estiment
quant { eux que ce n’est pas ou peu important. Nous obtenons ainsi un classement des supportsespaces de clavardage selon le nombre proportionnel d’effectifs jugeant qu’il est important de
bien y écrire.
Ce classement est assez révélateur : tout d’abord, il montre qu’il existe une différence
entre les supports et que l’importance accordée { l’écriture n’est pas la même partout ; ensuite, il
permet de déterminer sur quels supports, justement, il est important de bien écrire et sur
lesquels ça l’est moins (nous verrons au point 3.3.2.3. ce que signifie « bien écrire » pour les
clavardeurs de notre échantillon).
Importance de l'écriture par support (en %)
Courriel
Forum débat
Forum discussion
Site rencontres
Blog
Réseau social
Micro-blog
SMS
Chat
Mess. instant.
98
93
86
83
78
65
47
44
44
41
Les rédacteurs de courriels considèrent de manière presque unanime (96 %) qu’il est
important de faire attention { sa manière d’écrire dans un courriel. Étant donné qu’il est le
support privilégié dans les situations de communication formelles, il est logique que le mode
d’écriture y soit particulièrement surveillé.
Ensuite, c’est sur les forums de débat que, proportionnellement, le plus de répondants
estiment qu’il est important de bien écrire (93 %). L’objectif commun des forumeurs, consistant
à exprimer leur point de vue, à le comparer et à en débattre, ainsi que le caractère public de ce
support, impliquent clairement une grande attention { l’écriture.
La proportion des clavardeurs considérant qu’il est important de bien écrire sur les
forums de discussion est également très élevée (86 %), même si elle est un peu plus basse que
sur les forums de débat. Le caractère public de ce support-espace, associé au fait qu’il s’agit
60
d’une communication asynchrone et, par conséquent, consultable à posteriori, explique sans
doute pourquoi l’attention accordée { l’écriture y est grande39.
La quatrième place est occupée par les sites de rencontres (83 %), mais étant donné que
le pourcentage des personnes jugeant qu’il est important de bien y écrire est calculé { partir des
six répondants inscrits sur ces sites, cette donnée n’a qu’une valeur toute relative.
C’est ensuite sur les blogs – articles et commentaires confondus, la configuration des
questionnaires ne nous permet pas de les distinguer – que l’écriture est la plus importante
(78 %). À nouveau, le caractère public et asynchrone du support est sans doute { l’origine de
cette représentation.
Sur les réseaux sociaux, l’importance de l’écriture est moins unanime : 65 % des jeunes
possédant un compte estiment qu’il est important de bien y écrire, ce qui signifie que 35 %
jugent au contraire que l’écriture n’y est pas ou peu importante. N’oublions pas que ce supportespace est hybride et qu’il contient en réalité plusieurs types de supports-espaces présentant un
degré de publicité et une synchronicité différents. Une majorité de clavardeurs (54 %) ne
considère pourtant pas que le support-espace précis soit un facteur de variation linguistique.
Nous verrons plus loin que le support-espace de clavardage n’est pas consciemment perçu
comme influent en matière d’écriture par une grande partie des répondants, mais que le
recoupement des réponses révèle qu’au contraire, il conditionne le mode d’écriture, comme
l’illustre bien le classement, réalisé de manière indirecte par les répondants : par exemple, il
faut, selon l’écrasante majorité d’entre eux, bien écrire dans les courriels alors que seule une
minorité considère que c’est important sur les messageries instantanées.
47 % des micro-blogueurs accordent de l’importance { leur mode d’écriture sur les
micro-blogs. Étant donné le peu de répondants concernés (19), nous préférons ne pas tirer de
conclusions à partir de ce chiffre.
Le mode d’écriture employé dans les sms est important pour 44 % des jeunes interrogés,
ce qui va { l’encontre des stéréotypes : certes, l’écriture y est considérée comme importante par
une proportion de clavardeurs nettement moins grande que dans les courriels, mais ils sont tout
de même très nombreux à surveiller la manière dont ils rédigent leur message. La restriction du
nombre de caractères ainsi que l’absence d’un clavier complet rendent la rédaction d’un
message plus couteux en termes de temps, d’énergie et d’argent que sur les autres supports,
mais le désir de rapidité est le même : il semble logique que la compensation ait lieu au niveau
de l’attention et de l’importance accordée { l’écriture. Ces deux caractéristiques ne sont pourtant
pas considérées comme influentes par les répondants : 71 % considèrent que le nombre limité
de touches n’influence pas leur mode d’écriture et 60 % estiment que ni le cout ni le format
restreint du sms en termes de caractères n’influencent leur mode d’écriture.
39 Nous analyserons les données sur les représentations concernant l’influence des facteurs de variation au point
3.3.2.7. Nous nous contentons pour le moment de chercher dans l’utilisation des supports-espaces telle qu’elle nous a
été décrite par les répondants les raisons expliquant le degré d’importance accordée { l’écriture sur les différents
supports.
61
Notons que le sms est principalement employé pour une communication amicale et informelle, il
est donc normal que l’écriture y soit perçue comme étant moins importante.
Le chat et la messagerie instantanée arrivent en queue de classement. Respectivement
44 % et 41 % des utilisateurs de ces supports estiment qu’il est important de bien y écrire. Le
caractère synchrone de ces supports de clavardage les rapproche – de façon illusoire – de la
conversation orale. Cela implique une certaine rapidité de réponse et signifie que les erreurs, les
hésitations et les bafouillages y sont plus fréquents qu’ailleurs. Ils ne sont par ailleurs utilisés
que pour une communication informelle, les clavardeurs s’y sentent donc forcément plus { l’aise
et relâchent par conséquent leur attention. Le caractère public du chat et l’incertitude
concernant les destinataires réels des messages qu’on y écrit expliquent certainement pourquoi
les répondants sont proportionnellement plus nombreux { estimer que l’écriture est importante
sur les chats que sur les messageries instantanées.
Comme nous pouvons le constater, la proportion de clavardeurs estimant qu’il est
important de bien écrire varie fortement en fonction des supports. Toutefois, même sur les
supports où l’écriture apparait comme moins importante, nombreux sont encore les jeunes { y
faire attention. Que ce soit le cas même sur les supports-espaces les moins formels montre bien à
quel point l’imaginaire linguistique des répondants est normatif. Beucoup de jeunes sont
imprégnés des représentations normatives du français, et ils contribuent à les diffuser.
Le principe de l’adaptation du registre de langue à la situation de communication, s’il est
bien compris et appliqué à l’oral, est plus difficilement acceptable { l’écrit. Le parallèle, pourtant
62
évident, ne semble pas acquis. L’écrit est encore prisonnier d’une image très traditionnelle et
n’est pas perçu comme un moyen d’interaction moderne, rapide et efficace, même s’il est utilisé
de la sorte au quotidien. Il ne se pense souvent qu’en opposition avec l’oral et le clavardage est
une variété qu’il est difficile de situer entre ces deux « extrêmes ». Pourtant, nous verrons au
point 3.3.2.5. que sur plusieurs supports-espaces, une majorité de clavardeurs déclarent écrire
comme ils parlent.
Toutefois, l’écart entre la messagerie instantanée et le courriel en termes d’importance
d’écriture montre bien un début de conscientisation. Quand nous leur avons posé la question de
l’influence du support-espace sur l’attention accordée { l’écriture de manière explicite, les
clavardeurs ne l’identifiaient clairement pas comme un facteur de variation influent. Or, leurs
réponses concernant l’importance de l’écriture par support-espace varient considérablement, ce
qui démontre que selon eux, « bien écrire » ne revêt pas la même importance sur tous les
supports-espaces de clavardage.
Importance de l'écriture par support (en %)
41
26
44
27
44
30
47
38
65
42
78
58
83
67
86
61
93
79
98
75
Question directe
Calcul indirect
Ainsi, il est intéressant de remarquer que lorsqu’on s’intéresse aux représentations générales
des clavardeurs concernant l’importance de l’écriture par support-espace, c’est-à-dire quand on
leur pose la question de manière explicite (en bleu sur le graphe), bien écrire a plus
d’importance que lorsqu’on décompose cette représentation par secteur de langue et qu’on en
fait une moyenne (voir tableau page 65 : importance de l’orthographe en fonction du support,
importance des majuscules en fonction du support, etc.) (en rouge). La différence entre la
représentation générale et la représentation particulière de la langue, illustrée par le graphique
ci-dessus, nous incite à penser que les répondants ont une vision globale de la langue plus
normative que leur vision particulière. Notons que les proportions sont systématiquement les
mêmes et que sur aucun des supports, la moyenne des représentations particulières ne dépasse
le pourcentage calculé { partir de la question directe. Bref, l’imaginaire linguistique, lorsqu’il est
directement sollicité, est nettement plus normatif que la vision spontanée de la langue.
3.3.2.2. Importance des secteurs de langue
En fin de questionnaire, nous avons demandé aux répondants quels étaient selon eux les
supports sur lesquels ils estimaient qu’il est important de bien écrire de manière globale.
63
Secteur de langue/
Support
Courriel
Forum
Débat
Forum
Site de
Réseaux MicroBlog
SMS
Discussion rencontres
sociaux
blog
Orthographe
98 %
95 %
88 %
100 %
79 %
75 %
68 %
52 % 49 %
54 %
76 %
Ponctuation
94 %
93 %
87 %
100 %
79 %
63 %
37 %
52 % 47 %
48 %
70 %
Emploi des majuscules
92 %
91 %
79 %
100 %
70 %
58 %
47 %
44 % 37 %
38 %
66 %
Structuration
96 %
93 %
85 %
67 %
75 %
54 %
53 %
38 % 26 %
34 %
62 %
Relecture systématique
87 %
74 %
69 %
67 %
61 %
44 %
26 %
32 % 12 %
12 %
48 %
Absence des
abréviations/acronymes *1
62 %
79 %
47 %
33 %
45 %
27 %
42 %
14 % 30 %
15 %
39 %
Utilisation du registre
soutenu
43 %
63 %
23 %
33 %
28 %
5%
0%
3%
7%
2%
21 %
Absence des smileys *2
30 %
47 %
13 %
33 %
29 %
8%
32 %
3%
7%
2%
20 %
Importance de l'écriture en
général
98 %
93 %
86 %
83 %
78 %
65 %
47 %
44 % 44 %
41 %
68 %
Moyenne
75 %
79 %
61 %
67 %
58 %
42 %
38 %
30 % 27 %
26 %
50 %
Chat
Messagerie
Moyenne
Instantanée
*1 N’utilisent jamais d’acronymes/abréviations
*2 N’utilisent jamais de smileys
64
Auparavant, nous avions détaillé la question et nous étions intéressés { l’importance de
différents secteurs de langue en fonction du support, et non pas de l’écriture prise dans sa
globalité. Le recoupement de ces données nous permet de déterminer l’importance des
différents secteurs de langue, d’une part en fonction des supports, d’autre part de manière
globale, esquissant de la sorte ce qui caractérise le bien écrire dans le chef des répondants.
Les secteurs de langue évalués dans le questionnaire :
-
la structuration des idées,
l’orthographe,
l’emploi de signes de ponctuation adéquats,
l’emploi approprié des majuscules,
l’emploi d’abréviations et d’acronymes,
l’emploi de smileys,
l’utilisation d’un registre soutenu,
la relecture.
Sans surprise, c’est l’orthographe qui constitue le secteur de langue le plus important
dans le chef des clavardeurs interrogés, et ce pour l’ensemble des supports que nous étudions.
C’est donc incontestablement par elle que passe la mesure du « bien écrire ». Néanmoins, cette
perception varie fortement d’un support { l’autre : 98 % des rédacteurs de courriels estiment
que l’orthographe est importante sur ce support contre seulement 49 % des chatteurs sur les
chats. Entre ces deux extrêmes, nous retrouvons un classement semblable à celui établi à partir
de l’importance de l’écriture par support prise dans sa globalité : après le courriel40 vient le
forum de débat (95 %41), puis le forum de discussion (88 %), le blog (79 %), le réseau social
(75 %), le micro-blog (68 %), la messagerie instantanée (54 %) et le sms (52 %).
C’est ensuite { la ponctuation que les clavardeurs déclarent faire le plus attention : en
moyenne, 70 % estiment que c’est important de l’utiliser correctement. Toutefois, pour les
rédacteurs de courriels, cela passe légèrement après la structuration (96 % contre 94 % pour la
ponctuation) et, pour les micro-blogueurs, la ponctuation est nettement moins importante que la
structuration (53 % contre 37 % pour la ponctuation) et que l’emploi des majuscules (37 %).
Ainsi, nous constatons que, comme nous en faisions l’hypothèse { l’origine de notre recherche,
les représentations du bien écrire varient en fonction du support-espace. Si on reprend le
classement de ces derniers, il reste semblable à celui déjà repris plus haut : en tête vient le
courriel avec 94 % (exception faite du site de rencontre), puis le forum de débat (93 %), le forum
de discussion (87 %), le blog (79 %), le réseau social (63 %), le sms (52 %), qui change
étonnamment de position et se classe devant le la messagerie instantanée (48 %), le chat (47 %)
et le micro-blog (37 %). Plusieurs des clavardeurs rencontrés dans le cadre des entretiens ont
souligné le rôle essentiel de la ponctuation dans la communication écrite. Selon eux, elle fait
partie des moyens utilisés pour déterminer le ton du message42, moyens parmi lesquels on
40 L’orthographe est très importante sur les sites de rencontre pour 100 % des utilisateurs interrogés. Étant donné
que ce pourcentage ne représente que six personnes, nous ne pouvons nous permettre de le classer en première
position de manière aussi absolue.
41 Les chiffres renseignent le pourcentage des utilisateurs d’un support-espace particulier (ici, le forum de débat)
estimant que l’orthographe est très importante sur ce même support.
42 Excepté le point, considéré comme une ponctuation neutre et donc superflue sur certains supports.
65
retrouve également les smileys. Étant donné que sur les micro-blogs, le message se rapproche
beaucoup de la formule et n’entre bien souvent pas dans un échange entre deux ou plusieurs
clavardeurs, il semble logique que la ponctuation y soit moins importante. La restriction du
nombre de caractères pourrait également expliquer ces données, mais l’on constate que dans les
sms, qui sont également restreints en termes de caractères, la ponctuation est plus importante
étant donné qu’il s’agit d’un support de correspondance et non de publication.
En moyenne, l’emploi des majuscules est important pour 66 % des clavardeurs. En tête,
nous retrouvons toujours le courriel avec 92 % (mis à part le site de rencontres), puis le forum
de débat (91 %), le forum de discussion (79 %), le blog (70 %), le réseau social (58 %), le microblog (47 %), le sms (44 %), la messagerie instantanée (38 %) et enfin le chat (37 %). Une fois de
plus, le « classement » est grosso modo conservé. Ainsi, si le « bien écrire » varie bel et bien en
fonction des supports, on constate que globalement, l’importance accordée aux différents
secteurs de langue décroit proportionnellement en fonction de ce classement.
La structuration est le quatrième secteur de langue le plus important : en moyenne, 62 %
des clavardeurs ayant répondu au questionnaire déclarent y accorder de l’importance.
La relecture, systématique pour une moyenne de 48 % des répondants, varie très
fortement en fonction du support. 87 % des rédacteurs de courriels déclarent qu’ils relisent
toujours leur message avant de l’envoyer, alors que sur les chats et les messageries instantanées,
seuls 12 % des utilisateurs le font systématiquement. Cela s’explique bien entendu par la
synchronicité des échanges sur ces deux derniers supports, synchronicité qui exige une
interaction rapide qui ne laisse pas la place à la réflexion, au brouillon et à la relecture. Toutefois,
il existe une pratique assez répandue sur les messageries instantanées et les chats, qui consiste à
corriger une erreur aperçue dans un message qu’on vient d’envoyer en répétant le mot incorrect
précédé d’une astérisque :
« Oui. Fin je vais dire ça m’arrive de l’envoyer sans l’avoir relu mais, s’il est envoyé je vais
quand même le relire et si je vois que j’ai fait une faute je fais une petite étoile et j’écris le mot
où je me suis trompée. Mais ça je le fais tout le temps quoi. »
La relecture ne semble donc pas complètement absente de ces supports-espaces, même si elle
est visiblement moins systématique et se fait parfois à postériori.
Ensuite en moyenne, 39 % des répondants n’utilisent jamais d’abréviations ou
d’acronymes. Ces données varient évidemment fortement entre le courriel (62 %), le forum de
débat (79 %) et le sms (14 %) notamment. Notons que 42 % des micro-blogueurs ayant
participé { notre enquête n’utilisent jamais d’abréviations, ce qui semble paradoxal puisque le
nombre de caractères est restreint. Le caractère public et le rapprochement avec le style de la
formule, raisons que nous avons déjà évoquées à maintes reprises, expliquent sans doute ce
chiffre43.
43 Il va de soi qu’il est difficile de déterminer si ces constatations s’expliquent par les caractéristiques propres aux
supports-espaces concernés ou par les personnalités de leurs utilisateurs, peut-être proportionnellement plus enclins
que d’autres { surveiller leur mode d’écriture.
66
En moyenne, 21 % des clavardeurs estiment que le registre qu’ils utilisent est soutenu.
Sur les forums de débat, ils sont 63 % { penser qu’ils utilisent ce registre alors qu’ils sont
seulement 43 % sur les courriels et 23 % sur les forums de discussion. Sur les réseaux sociaux,
les micro-blogs, les sms, les chats et les messageries instantanées, moins de 7 % des utilisateurs
déclarent écrire dans un registre soutenu. La confrontation de ces représentations à la réalité
des écrits en ce qui concerne le registre révèle soit qu’il existe une grande différence entre ce
que les clavardeurs pensent faire et ce qu’ils font réellement, ou entre ce qu’ils disent qu’ils font
et ce qu’ils font, soit que ces derniers ne maitrisent pas bien les discours métalinguistiques
conventionnels, tels que la différenciation des registres de langue. En effet, nous n’avons
rencontré aucun exemple d’utilisation de registre soutenu dans notre corpus. Par exemple,
Pauline et Aurélie, deux clavardeuses que nous avons rencontrées dans le cadre d’entretiens,
avaient déclaré dans le questionnaire qu’elles utilisaient un registre soutenu pour la rédaction
de leurs courriels, or les extraits qu’elles nous ont fournis montre que ce n’est manifestement
pas le cas.
Enfin, l’absence systématique de smileys concerne une proportion restreinte des
utilisateurs des différents supports-espaces, même si elle est somme toute relativement élevée
par rapport aux stéréotypes qui circulent { propos de ces figures censées imiter l’expression du
clavardeur. En effet, elles ne sont pas utilisées à tort et à travers comme on a souvent tendance à
le croire, mais elles sont plus ou moins présentes selon les supports, ainsi que selon les
destintaires et les sujets abordés (cf. facteurs de variation au point 3.3.2.7.). Ainsi, l’utilisation
des smileys n’est pas perçue comme étant incompatible avec le bien écrire, il s’agit simplement
de l’adapter en fonction d’une série de facteurs de variation.
3.3.2.3. Le bien écrire
Finalement, qu’est-ce que le « bien écrire », selon les répondants ? Nous avons tout
d’abord pu constater qu’il varie en fonction du support-espace concerné : par exemple, bien
écrire un sms ne signifie pas la même chose que bien écrire un courriel. Dans le tableau
ci-dessous, nous avons classé les différents secteurs de langue par support en fonction du
nombre de répondants estimant qu’ils étaient importants (du plus grand nombre de répondants
(1) au plus petit nombre de répondants (8)). Dans le cas du sms, où l’écriture est globalement
moins importante que sur la majorité des autres supports, il ne s’agit visiblement pas
uniquement d’écrire comme dans un courriel mais en « moins surveillé », mais plutôt de
surveiller certains secteurs de langue, tels que l’orthographe et la ponctuation, plutôt que
d’autres, tels que la structuration comme dans les courriels.
Qu’est-ce que « bien écrire » en fonction des supports ?
Orthographe
Ponctuation
Majuscules
Structuration
Relecture
Absence
abréviations
Registre
soutenu
Absence
smileys
ME
1
3
4
2
5
6
FD
1
2
4
2
6
5
F
1
2
4
3
5
6
SR
1
1
1
4
4
6
B
1
1
4
3
5
6
RS
1
2
3
4
5
6
MB
1
5
3
2
7
4
S
1
1
3
4
5
6
C
1
2
3
5
6
4
MI
1
2
3
4
5
6
7
7
7
6
8
7
8
7
7
7
8
8
8
6
7
8
6
7
7
7
67
Toutefois, bien que l’importance des différents secteurs de langue varie en fonction du
support-espace, les tendances sont grosso modo semblables, ce qui nous permet de dresser un
classement global du bien écrire sur les supports-espaces de clavardage.
Importancedes
dessecteurs
faits dede
langue
(moyenne)
Importance
langue
(moyenne)
Orthographe
76%
Ponctuation
70%
Majuscules
66%
Structuration
62%
Relecture
48%
Absence abréviations
39%
Registre soutenu
21%
Absence smileys
20%
Ainsi, les principaux secteurs de langue auxquels il faut faire attention si l’on veut bien
clavarder sont, par ordre d’importance, l’orthographe, la ponctuation, l’emploi des majuscules et
la structuration. Comme nous l’avons dit précédemment, l’utilisation d’abréviations et de
smileys n’est souvent pas perçue comme étant contradictoire avec le bien écrire.
Lors de notre entretien avec elle, Armèle a expliqué que, pour elle, certains secteurs de
langue avaient plus d’importance que d’autres. Ainsi, elle préfère supprimer des espaces après
les signes de ponctuation ou utiliser des abréviations considérées comme conventionnelles
(influence de la prise de notes) que de « toucher » { l’orthographe-même du mot :
« Alors je raccourcis le message mais je raccourcis ailleurs. Je raccourcis pas dans
l’orthographe. […] j’enlève des mots ou j’enlève une phrase. Ou alors oui comme ici j’enlève
des espaces, parce que d’habitude je mets des espaces entre les points. » (Armèle)
3.3.2.4. Pourquoi bien écrire ?
Lors des entretiens, les clavardeurs nous ont fourni plusieurs raisons pour lesquelles il
est selon eux important de bien écrire sur les supports-espaces de clavardage. Nous reprenons
dans ce point celles qui étaient le plus fréquemment évoquées.
a) L’écriture comme image de soi
Sur Internet, l’écriture est importante car c’est la première chose qu’on donne { voir de
soi { un interlocuteur inconnu. Ainsi, si dans la vie réelle, c’est en premier lieu { partir de
l’apparence physique que l’on construit son image de l’autre, sur les supports-espaces de
clavardage, c’est le mode d’écriture qui joue ce rôle. Bao explique qu’il « associerai[t] un certain
caractère { une certaine orthographe ou une certaine façon de communiquer donc c’est assez
compliqué quoi. » C’est pour cette raison que Victoria surveille son écriture lorsqu’elle s’adresse
{ des personnes qu’elle ne connait pas : « Ben sur les blogs si ce sont des personnes que je ne
68
connais pas, donc je trouve qu’écrire les mots en entier ça fait plus sérieux. » Quant à Pauline,
elle est assez catégorique sur le sujet :
« Ben ça c’est sûrement des gens que j’aime pas parce qu’en fait c’est sur les chats ou sur les
forums, j’en vois qui écrivent des trucs comme ça… Je lis même pas en fait. Non, j’aime pas du
tout, donc s’ils écrivent comme ça je pense que c’est pas très intéressant ce qu’ils disent. »
Pourtant, tous ne partagent pas cet avis : « Fin je crois il y a beaucoup de gens qui font ça, ils se
disent « ah il sait pas bien écrire, il écrit pas correctement, il est con quoi. » Alors que je trouve
que ça a pas de lien quoi. Pas forcément. » (Armèle). Mais Armèle admet que socialement, c’est
important, puisque beaucoup associent maitrise de la norme écrite et intelligence :
« Je trouve ça important de savoir bien écrire même si parfois on peut un peu jouer quoi, on
peut faire des abréviations et tout ça mais je trouve ça important de connaitre, d’avoir au
moins une base quoi. Je dis pas de connaitre toutes les règles dans le détail, mais je trouve ça
important d’avoir au moins une base, aussi pour dans le boulot, c’est vrai que ça apporte
finalement de la crédibilité, je sais pas si c’est très juste, parce qu’enfin comme je disais avant
il y a des gens qui peuvent mal écrire et être tout à fait intelligents quoi, mais c’est vrai qu’au
niveau du travail c’est quand même assez important, pour trouver du boulot etc., d’avoir
quand même une bonne orthographe… »
b) Politesse et respect de l’autre
Pour Pablo, surveiller son écriture dans certains contextes relève du savoir-vivre. Il estime
qu’il faut être capable d’adopter les normes sociales du milieu dans lequel on se trouve :
« Si par exemple on sait qu’on est dans un milieu où tout le monde parle en sms ben voil{, ça
me choque pas. Après, si on est à un endroit où on vient pour avoir de l’aide et pour diffuser
ses messages au plus de personnes possible, ça me parait un effort minimum que d’écrire en
français complet. »
c) Respect de la langue
Morgan aborde également la question du respect de son interlocuteur, ainsi que celui de la
langue, même si ce dernier concept semble visiblement très difficile à expliquer et à justifier :
« Quand on lit ça moi je trouve déjà, ça donne pas envie de le lire. Quand il y a un mot écrit en
sms ou un truc comme ça, pff, ça donne pas envie et puis je trouve que quand on écrit
quelque chose, ben on essaie que les autres aient envie de le lire. […] Je sais pas l’expliquer
en fait. Ben, je sais pas c’est, faut, il y a une langue faut, la langue française faut essayer de
l’écrire le mieux qu’on peut, fin, puis je trouve que c’est… »
L’idée du respect de la langue revient très régulièrement dans les explications des jeunes
que nous avons rencontrés : « Non, je trouve que quand même il faut avoir un respect pour la
langue française, c’est pas… […] Disons que ça fait partie de la culture et qu’il faut avoir un
respect pour la langue. Fin je sais pas comment expliquer.» (Victoria)
Pour Pauline, c’est important de bien écrire car elle respecte ainsi une certaine tradition
qu’on lui a inculquée, elle prend soin du « patrimoine linguistique » :
69
« Ben, on m’a toujours appris que c’était important et puis on nous a toujours dit, si on
envoie une lettre de candidature { quelqu’un, enfin { un chef d’entreprise, { partir de deux
fautes il jette la lettre { la poubelle donc ça sert { rien d’écrire avec des fautes et tout, autant
avoir la bonne orthographe dès le début. » (Nous soulignons)
Il est étonnant de constater { quel point le message qu’elle véhicule est normatif. Elle
n’est pas la seule { penser de la sorte : le souci du respect de la langue et de la tradition chez ces
jeunes, qui appartiennent pourtant à une catégorie sociale soi-disant caractérisée par un rejet de
l’autorité, est assez frappant.
d) Bien écrire pour une bonne compréhension
La limite { ne pas dépasser en termes d’éloignement des règles du français standard est
fixée par l’intelligibilité du message qu’on écrit. En effet, le but premier du clavardage est de
communiquer, il est donc essentiel de se faire comprendre par son interlocuteur. Bao estime que
certains ne respectent pas ce principe élémentaire, ce qui le dérange :
« Ce qui pose vraiment problème c’est quand c’est illisible et que je comprends vraiment pas
le message, ça je trouve vraiment énervant quoi. […] Fin je sais pas, c’est complètement
paradoxal parce qu’il veut transmettre un message mais en même temps il se dit pas que son
message est incompréhensible pour une personne sur deux, ça fin je me dis c’est… Oui c’est
un non-sens quoi. »
Il n’est pourtant pas pointilleux en ce qui concerne le respect de l’orthographe ou d’autres règles
du français standard. C’est également le cas d’Armèle : « Donc non, ça me dérange pas du tout.
Fin, ce qu’il y a, c’est que quand on arrive plus bien { lire, quand j’arrive plus bien à comprendre
ça m’énerve quand même quoi. »
Aurélie ajoute qu’en plus de gêner la compréhension, s’éloigner des règles est finalement
plus compliqué que les respecter : « Parce que ça complique, je sais pas, fin on a inventé des
règles pour que ce soit plus simple entre guillemets, pour qu’on se comprenne. Je sais pas, je
trouve ça pas beau quoi. » Ainsi, elle donne également un argument d’ordre esthétique : le
respect des règles, c’est le respect de la beauté de la langue.
Pour Pablo, c’est clairement plus couteux en termes de temps et d’efforts de s’éloigner de
la norme que de la respecter : « C’est aussi des personnes qui simplifient alors qu’au final c’est
presque plus compliqué de simplifier que la manière... […] En fait c’est juste que pour moi écrire
en sms ça me demande un effort bien plus important que le temps que je vais perdre à écrire en
vrai français. » (Nous soulignons.) Notons que le français standard correspond visiblement
selon lui au « vrai » français, ce qui signifierait sans doute que le langage sms, par exemple, est
un « faux » français.
e) Peur des mauvaises habitudes
Enfin, certains clavardeurs ont évoqué leur crainte de voir les « mauvaises habitudes »
prises sur les supports-espaces de clavardage influencer négativement la maitrise de la variété
de français socialement reconnue et valorisée :
« Parce que ça va devenir une habitude et la personne va plus s’en rendre compte en fait
quand elle va devoir rédiger quelque chose qui a un… Allez comment dire… Dans le cadre
70
académique ou quoi, genre { l’école, s’il va devoir rédiger un travail, il peut pas écrire comme
ça quoi. Il peut mais il risque d’avoir des problèmes. » (Bao)
Etant donné l’importance que revêt la norme lingusitique en ce qui concerne l’image que
l’on donne de soi, tant sur les supports-espaces de clavardage que dans un cadre
académique ou professionnel, certains pensent qu’il est plus prudent de respecter la
norme quel que soit le contexte afin de ne pas risquer de s’en écarter dans les situations
qui ne le permettent pas.
3.3.2.5. Le degré d’oralité
Pour les répondants, l’importance de l’écriture varie en fonction des supports. Il en va de
même en ce qui concerne le degré d’oralité. Dans le questionnaire, nous avons demandé aux
utilisateurs de chacun des supports-espaces de clavardage étudiés si sur ceux-ci, ils estiment
écrire comme ils parlent.
Style oralisé (en %)
Mess. instant.
SMS
Chat
Réseau social
Site rencontres
Micro-blog
Forum discussion
Courriel
Blog
Forum débat
72,6
68,4
60,5
50,3
50
47,4
17,9
13,7
9,4
8,6
Cette question a permis de classer les supports en trois catégories. L’écriture sur les
messageries instantanées, dans les sms et sur les chats constitue la catégorie de clavardage la
plus oralisée (en vert sur le graphe), ce qui s’explique par la synchronicité de l’interaction sur
ces supports ainsi que par le degré de familiarité généralement élevé entre les clavardeurs et le
caractère informel attribué à ces moyens de communication. Ensuite, les réseaux sociaux, les
sites de rencontres et les micro-blogs forment la deuxième catégorie (en bleu) : la moitié de
leurs utilisateurs estime écrire comme elle parle, l’autre moitié, au contraire, estime qu’il s’agit
bien d’un style écrit. Le caractère hybride des deux premiers supports (présence d’un service de
messagerie instantanée, d’un système proche du courriel, d’un espace de présentation, etc.),
alliant espaces de discussion synchrone et asynchrone, en est sans doute l’une des raisons. Enfin,
la troisième catégorie de supports-espaces (en rouge) est composée des forums de discussion,
des courriels, des blogs et des forums de débat. Il s’agit des supports sur lesquels le style est le
moins oralisé, autrement dit où le style se rapproche le plus – dans l’imaginaire des répondants,
nous sommes toujours dans le domaine des représentations – de l’écrit standard. Selon nous,
l’oralité n’a pas sa place sur ces supports-espaces car le degré de familiarité des clavardeurs en
contact est généralement plus faible, il s’agit de supports formels, comme le courriel notamment,
et les objectifs ne le permettent pas. On remarque que ce tableau reprend en gros, en en
inversant les données, ce qui apparaitra logique, le tableau consacré au bien écrire (voir p. 61).
71
Les clavardeurs interviewés, tels que Pablo, semblent visiblement faire la différence
entre leur style orale et leur style écrit : « Clairement, quand j’écris en oral j’ai tendance à
mettre des enfin partout. […] C’est comme du français écrit sauf qu’il y a une couche de contrôle
qualité qui n’existe pas l{. » (Nous soulignons.)
3.3.2.6. La notion de diamésie
Dans un article qui interroge la nécessité de la notion de diamésie, proposée par Alberto
Mioni en 1983 puis reprise par Françoise Gadet en 2003, Jakob Wüest réfléchit au rapport entre
l’oral et l’écrit. Il note :
« … les nouveaux médias électroniques ont créé de nouvelles situations de
communication qui ne font que compliquer le rapport entre l’écrit et le parler.
Dans le chat, on est à la limite entre la conversation publique et privée. Ce
sont des individus qui communiquent, mais qui font semblant, sous le couvert de
leur pseudonyme, d’être en situation familière. Comme au téléphone, il y a
coprésence temporelle, alors que la séparation spatiale peut être extrême, de sorte
que le critère de la coprésence/séparation spatio-temporelle vole en éclats.
Critère avancée par Koch et Oesterreicher pour différencier l’immédiat
communicatif de la distance communicative … .
Il s’agit donc d’un type de communication qui utilise le code graphique,
mais qui partage un maximum de critères avec l’immédiat communicatif. »44
La diaphasie désigne la variation linguistique due au contexte de communication. La
diamésie, quant à elle, signale un changement de canal de communication. Cette notion, remise
en question par Jakob Wüest dans son article, nous semble néanmoins tout particulièrement
pertinente concernant le clavardage. Il est bel et bien nécessaire de distinguer le contexte de
communication du canal utilisé : par exemple, le courriel peut aussi bien être rédigé dans un
contexte professionnel que dans un contexte privé. Le canal est le même, pas le contexte de
communication. Comme nous l’avons évoqué plus haut, la séparation stricte des facteurs de
variation n’a que peu de sens, puisque tous interagissent. Nous avons toutefois démontré que le
support-espace représente à lui seul un facteur de variation important, même si le mode de
clavardage qui y sera employé ne répond pas à des codes bien précis et varie en fonction
d’autres facteurs. Il est donc important de distinguer la diamésie de la diaphasie puisque ces
notions désignent deux réalités différentes.
3.3.2.7. Influence des différents facteurs de variation par support et de manière globale
Comme nous l’avons souligné { maintes reprises, le mode de clavardage varie en fonction
des supports mais également en fonction d’une série d’autres facteurs que nous allons présenter
dans ce point. Tout d’abord, nous nous sommes uniquement interrogés sur la nature des
facteurs qui pouvaient influencer le clavardage dans sa globalité ainsi que sur leur degré
d’influence. Mais il est apparu par la suite que cette analyse n’était pas suffisante car leur
importance varie également en fonction des secteurs de langue. Il va de soi que certains d’entre
eux sont peu sujets { la variation tandis que d’autres peuvent changer beaucoup. Par exemple, la
44 Jakob WÜEST (2009), « La notion de diamésie est-elle nécessaire ? », in Travaux de linguistique, n°59, Éditions
Duculot, p. 149.
72
relecture dépend très fortement du destinataire tandis que l’emploi des majuscules est plus
constant.
Un tableau à double entrée (cf. p. 75), semblable à celui réalisé pour la question de
l’importance de l’écriture, nous permet de synthétiser les données que nous avons pu récolter et
de fournir une vision globale de la variation linguistique sur les supports-espaces de clavardage.
En premier lieu, il permet d’identifier les facteurs de variation et de déterminer leur degré
d’influence, d’une part sur le clavardage pris globalement, d’autre part sur le clavardage découpé
en secteurs de langue. Globalement, le facteur le plus influent sur le mode de clavardage est le
destinataire : lorsqu’on leur pose la question directement (« Quels facteurs influencent selon toi
le degré d’attention que tu accordes globalement { ton écriture ? », données reprises dans la
dernière colonne du tableau), 74 % des répondants estiment qu’il est déterminant, voire très
déterminant. Après le destinataire, ce sont les objectifs et le sujet abordé qui influencent le plus
l’attention accordée { l’écriture, mais de manière nettement moins marquée : respectivement,
56 % et 57 % des répondants déclarent que ces facteurs influencent leur écriture. Le support,
quant à lui, est perçu comme influent par 38 % des répondants, ce qui est paradoxal par rapport
aux données que nous avons exposées précédemment. En effet, les clavardeurs eux-mêmes
reconnaissent que l’importance qu’ils accordent { l’écriture varie en fonction des supports, tout
comme le degré d’oralité par exemple, mais lorsque la question leur est posée plus directement,
ils répondent souvent par la négative. L’endroit réel où se trouve le clavardeur (23 %), le
médiateur utilisé (21 %), la présence ou non d’un modérateur tel que sur les forums (19 %) et,
enfin, le degré d’accessibilité et de publicité du support de clavardage utilisé (19 %) sont des
facteurs nettement moins influents : ils déterminent le degré d’attention accordé { l’écriture
pour seulement entre 19 % et 23 % des répondants. Finalement, on constate que certains
stéréotypes concernant la langue sont bien ancrés dans l’imaginaire des jeunes : ainsi, il est
communément admis que le destinataire est l’élément principal qu’il faut prendre en compte
pour adapter la manière dont on va s’exprimer, que ce soit { l’oral ou { l’écrit. Il est donc logique
qu’il soit presque systématiquement pointé comme étant le facteur de variation par excellence.
La prise en compte des différents supports-espaces de clavardage, par contre, est une réalité
nouvelle. S’il s’agit bel et bien d’un facteur de variation important, tant du point de vue des
représentations indirectes – comme le montrent les analyses que nous avons présentées plus
avant – que de la réalité – comme en témoigne notre corpus de productions clavardées –, il est
visiblement trop neuf pour que les clavardeurs prennent la mesure de son impact sur leur mode
d’écriture.
Rappelons que les différents facteurs de variation que nous venons de présenter sont
extrêmement liés et qu’il est difficile de les dissocier. Par exemple, le support-espace de
clavardage n’est pas intrinsèquement influent sur le mode d’écriture, mais il l’est bien parce qu’il
est choisi en fonction des objectifs poursuivis ainsi que des destinataires. Lors de notre entretien
avec lui, Morgan nous donne un bel exemple de l’interdépendance des facteurs de variation en
prenant le cas de l’utilisation du smiley. Il explique qu’il les utilise principalement avec des amis.
Etant donné que Facebook est le support-espace utilisé pour communiquer entre amis,
contrairement au courriel, il est logique que l’on y retrouve beaucoup plus de smileys
qu’ailleurs : « Justement Facebook c’est plus ami, et on a plus tendance { utiliser les smileys
73
Analyse des facteurs de variation par secteur de langue
Facteur de
variation/
Emploi des
Utilisation abréviations/
Emploi des
du registre
Structuration Orthographe Ponctuation
majuscules
soutenu
acronymes
Relecture
Degré
d’oralité
Emploi
des
smileys
Destinataire
82 %
82 %
82 %
77 %
71 %
71 %
63 %
57 %
Objectif
Sujet
Support
Endroit
Médiateur
66 %
65 %
45 %
30 %
28 %
63 %
58 %
48 %
26 %
25 %
59 %
61 %
50 %
24 %
31 %
62 %
60 %
38 %
23 %
22 %
51 %
45 %
48 %
25 %
32 %
56 %
48 %
42 %
27 %
20 %
52 %
38 %
40 %
24 %
19 %
Modérateur
22 %
18 %
13 %
21 %
19 %
21 %
Accessibilité
19 %
14 %
13 %
16 %
18 %
14 %
Secteur de
langue
Moyenne
Ecriture
en
général
53 %
71 %
74 %
49 %
40 %
41 %
21 %
23 %
41 %
23 %
34 %
19 %
27 %
55 %
49 %
43 %
24 %
25 %
56 %
57 %
38 %
23 %
21 %
21 %
17 %
15 %
19 %
19 %
16 %
14 %
18 %
16 %
14 %
74
entre amis, je t’ai pas envoyé de smiley dans le cadre des e-mails par exemple. » Cela démontre à
quel point les facteurs de variation sont liés : certes, l’on peut faire une distinction entre les
supports-espaces en termes d’utilisation des smileys, mais cela s’explique notamment par le fait
que les supports ne sont pas utilisés pour communiquer avec les mêmes personnes.
Les données que nous venons d’exposer ont été fournies grâce { une question
concernant l’écriture dans sa globalité. Elles diffèrent légèrement de la moyenne – présentée
dans la pénultième colonne du tableau – que nous avons réalisée à partir des réponses aux
questions concernant les secteurs de langue en particulier : il existe donc une légère distorsion
entre les représentations générales (en rouge sur le graphique ci-dessous) et les représentations
particulières (en bleu) des répondants. Les facteurs de variation communément partagés dans
l’imaginaire linguistique collectif, c’est-à-dire le destinataire, l’objectif et le sujet, sont perçus
comme influents par un plus grand nombre de personnes lorsqu’on pose la question
directement que lorsqu’on calcule une moyenne. Par contre, la tendance s’inverse concernant les
autres facteurs de variation : ils sont moins souvent identifiés et reconnus comme facteurs de
variation dans les représentations générales que dans les représentations particulières. Pour
certains, dont le support-espace notamment, il s’agit simplement d’un manque de
reconnaissance et de prise de conscience collective de cette réalité.
Influence des facteurs de variation
74%
71%
Destinataire
56%
55%
Objectif
Sujet
49%
38%
43%
Support
23%
24%
Endroit
Outil
Modérateur
Accessibilité
57%
Question directe
Calcul indirect
21%
25%
19%
19%
14%
16%
En deuxième lieu, le tableau montre dans quelle mesure les différents secteurs de langue
– auxquels nous avons ajouté le degré d’oralité – sont sujets à variation. La relecture est l’activité
langagière qui varie le plus, principalement en fonction du destinataire, de l’objectif et du sujet
abordé. Concrètement, cela signifie que la relecture est loin d’être systématique : selon la
personne { laquelle on s’adresse, on relit ou non le message qu’on vient d’écrire. Notons que
seuls 45 % des répondants déclarent qu’ils relisent ou non en fonction du support-espace, or il
nous semble évident que cet élément est très déterminant : la synchronicité du chat et de la
messagerie instantanée, par exemple, ne permet pas une relecture systématique puisque la
rapidité de l’interaction est importante. C’est ensuite le degré d’oralité qui varie le plus, toujours
75
principalement en fonction des trois mêmes facteurs (destinataire, objectif, sujet). Les supportsespaces ne sont { nouveau pas identifiés comme étant influents, alors qu’au point précédent,
cette caractéristique nous a permis de les classer en trois catégories : de l’écriture la plus
oralisée au style le plus écrit. L’emploi des smileys, le choix du registre, l’emploi d’abréviations,
la structuration sont également très variables. Finalement, les trois secteurs de langue qui
varient le moins – même si on remarque que le destinataire conserve dans tous les cas une
certaine importance – sont l’orthographe, la ponctuation et l’emploi des majuscules, c’est-à-dire
ceux qui sont considérés comme les plus caractéristiques du bien écrire. Ainsi, nous pouvons
supposer que s’ils varient moins, c’est parce qu’ils sont les plus importants et donc les plus
systématiquement respectés.
76
4. Enquête qualitative
L’enquête quantitative, réalisée au moyen du questionnaire et dont nous avons exposé
les résultats au chapitre précédent, a été complétée par une enquête qualitative. Ces deux pans
de la recherche se sont en réalité déroulés parallèlement étant donné qu’ils se nourrissaient
mutuellement. En effet, c’est-à-partir de l’enquête quantitative que nous avons pu sélectionner
un échantillon de clavardeurs que nous souhaitions interroger plus en détails lors d’entretiens,
qui nous ont quant à eux permis de mieux comprendre certaines informations récoltées dans le
cadre de l’enquête quantitative, de les nuancer et surtout, de les contextualiser.
À la fin du questionnaire en ligne, les répondants étaient invités { préciser s’ils
acceptaient ou non une éventuelle interview ultérieure. Parmi ceux qui répondaient par
l’affirmative, nous avons sélectionné un échantillon de clavardeurs en fonction de leur utilisation
des différents supports-espaces de clavardage – aussi diverse que possible – ainsi que de leur
profil sociologique. Sept d’entre eux ont accepté de nous rencontrer et de nous fournir au
préalable un aperçu de leurs productions sur les différents supports-espaces de clavardage
qu’ils utilisent. Ce précieux corpus de productions clavardées nous a permis de confronter les
représentations des clavardeurs interrogés avec la réalité de leurs écrits mais également
d’établir une typologie des graphies remarquables que l’on peut rencontrer sur la Toile (cf. point
4.3.1.).
Ainsi, l’enquête qualitative se compose de sept entretiens d’une durée de 45 minutes {
deux heures trente. Nous joignons à ce rapport écrit un DVD contenant l’enregistrement des
interviews dans leur intégralité. La retranscription d’extraits significatifs et le corpus de
productions clavardées y sont également consultables.
Dans ce chapitre, nous ne présenterons pas de manière systématique toutes les
informations récoltées lors des entretiens. Il nous semble en effet peu intéressant de faire un
compte-rendu de chacun d’entre eux étant donné que bien souvent, les données se recoupent et
qu’il est difficile de restituer de manière succincte et structurée des entretiens qui ont pris la
forme de conversations, par moment décousues. Comme nous l’avons déj{ précisé, ces
entretiens nous ont d’une part permis de mieux comprendre les données quantitatives et de
mieux en interpréter les analyses, ce que nous avons mis à profit dans le chapitre précédent, et
d’autre part de constituer un corpus de productions clavardées, dont la présentation et l’analyse
constituent l’un des objets de ce chapitre.
Dans un premier temps, nous présenterons brièvement le profil des sept clavardeurs que
nous avons rencontrés, nous détaillerons ensuite les questions posées lors d’un entretien-type
ainsi que les objectifs poursuivis et nous analyserons enfin notre corpus.
4.1. Présentation des sept clavardeurs 45
1) Morgan (S100 – ID303)
Garçon de 19 ans
BA1 en Médecine (ULB)
45 Pour des raisons évidentes, nous avons garanti l’anonymat aux personnes interviewées. Nous nous contenterons
donc de les appeler par leur prénom.
77
Français langue maternelle
Père informaticien, mère architecte
Possède un smartphone
Déclare respecter les règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
x
Messagerie
instantanée
Chat
x
Blog
Com.
blog
Microblog
Réseau
social
x
x
x
x
Site de
rencontres
Courriel
SMS
x
x
Courriel
SMS
x
x
Courriel
SMS
x
x
Courriel
SMS
x
x
Courriel
SMS
x
x
2) Armèle
Fille de 19 ans
BA1 en Langues et Littératures germaniques (ULB)
Mère française, père belge
Français langue maternelle
Déclare qu’il lui arrive de s’éloigner des règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
Messagerie
instantanée
Chat
Blog
Com.
blog
Microblog
x
Réseau
social
Site de
rencontres
x
3) Bao
Garçon de 19 ans
BA1 en Sciences humaines (ULB)
Mère belge, père vietnamien
Français langue maternelle
Déclare qu’il lui arrive de s’éloigner des règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
x
Messagerie
instantanée
Chat
Blog
Com.
blog
Microblog
x
Réseau
social
Site de
rencontres
x
4) Pablo
Garçon de 19 ans
2e BA1 en Ingénieur civil (Polytechnique) (ULB)
Père belge, mère galicienne
Français langue maternelle, parle en galicien avec sa mère jusqu’{ l’adolescence
Déclare respecter les règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
x
Messagerie
instantanée
Chat
x
x
Blog
Com.
blog
Microblog
x
x
Réseau
social
Site de
rencontres
5) Pauline
Fille de 17 ans
Élève de rhétorique (option latin-grec) { l’Athénée Royal de Thuin
Français langue maternelle
Déclare respecter les règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
Messagerie
instantanée
x
Chat
Blog
Com.
blog
x
x
Microblog
Réseau
social
x
Site de
rencontres
6) Victoria
Fille de 18 ans
78
Élève de rhétorique (option économie-langues) { l’Athénée Royal Lucienne Tellier {
Anvaing
Mère belge, père italien
Français langue maternelle
Déclare qu’il lui arrive de s’éloigner des règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
Messagerie
instantanée
Chat
Blog
x
Com.
blog
Microblog
x
Réseau
social
Site de
rencontres
x
Courriel
SMS
x
x
7) Aurélie
Fille de 18 ans
Élève de rhétorique (option langues) { l’Athénée Royal Lucienne Tellier { Anvaing
Français langue maternelle
Déclare respecter les règles de français standard.
Forum
discussion
Forum
débat
Messagerie
instantanée
Chat
Blog
Com.
blog
Microblog
x
Réseau
social
x
Site de
rencontres
Courriel
SMS
x
x
4.2. Entretien type
Une grille de questions, reproduite à la page suivante, nous servait de fil rouge lors de
nos entretiens. Toutefois, nous n’y avions que rarement recours car les sept jeunes que nous
avons interrogés se sont montrés plutôt bavards et devançaient bien souvent nos questions. Par
ailleurs, nous avions opté pour une méthode d’entretien dite participative46, préconisant
l’implication de l’enquêteur dans le but de favoriser l’implication de l’enquêté. Ainsi, les
entretiens se déroulaient plus sur le mode de la conversation que du question-réponse, ce qui fut
très fructueux et permit de recueillir une somme considérable de données, dont certaines
auxquelles nous ne nous attendions pas et dont les enquêtés n’avaient pas toujours conscience.
Nous présentons les questions telles qu’elles se retrouvent dans la grille car c’est ainsi
que nous nous les étions posées et c’est principalement ces données que nous souhaitions
recueillir. Comme nous l’avons expliqué, présenter chacun d’eux tels qu’ils se sont déroulés
reviendrait à les restituer dans leur quasi totalité, ce qui aurait démesurément dilué les
informations dans ce rapport.
46 KAUFMANN J.-C. (2004), L’entretien compréhensif, Paris, Armand Colin.
79
Au début des entretiens, nous avons demandé aux jeunes de juger spontanément un
ensemble de productions clavardées que nous avons extraites de différents supports-espaces.
Cette manière de procéder nous a permis de dégager plusieurs remarques intéressantes sans
avoir { poser de question, c’est-à-dire sans orienter l’interviewé. Nous présentons ici ces extraits
tels que nous les avons soumis lors des entretiens et les reprenons en annexe accompagnés de
leurs références.
80
Jugement spontané d’extraits
1) Normallément le ticket est valable une semaine ou 3. Regarde dessus. C est essence.
Profités en bien. Kis
2) yane tkt jen fai oten
3) T'àààiiim3 Jùùù$tiiin Biiii3b3rr ? <3
4) Bonjour les filles!
On ira manger ensemble? 11h50 devant le batîment? Kus, s
5) - oh c mon pseudo ki te fais rire...
aba sa me plait bien
t pui s'il te plai po ou s'il te fé rire
ch pense k c po mon prob
ness po !!?
- Et en plus tu sais pas écrire...
Putain.
Tu sors.
- hah
tu me fais riiiiiiiire
on dirai que tu es championne d'orthographe.
et puis....moi je vérifie pas mon orthographe quand j'écris
et en+
je suis ps obligée de te donner aucune justification
BAY
6) Coucou!cmt va?remise de ta grippe?je mapercois que jai du boulo pour lecole,je ne
saurai pas venir vendredi.dèsolée.on reporte ca a une otr foi.gro bisous
7) toujours finir par acheter au + que ta au plus que tu gagne
81
Au cours des entretiens, nous revenions sur les productions clavardées que les jeunes
nous avaient envoyées au préalable afin de demander des précisions et de vérifier leur degré de
conscientisation concernant leur propre manière d’écrire. Cela nous a permis de mieux analyser
ces extraits (cf. point 4.3.2.)
Remarques
Nous avons été étonnés de l’importance qu’accordaient la plupart des personnes que
nous avons rencontrées { la problématique de l’écriture sur Internet. Bien entendu, toutes
avaient répondu positivement à une invitation qu’elles n’étaient en aucune façon tenues
d’accepter, ce qui supposait déj{ une certaine ouverture d’esprit { propos du sujet, mais pas
forcément un intérêt. Or la majorité d’entre elles avait déj{ manifestement réfléchi, d’une
manière ou d’une autre, au clavardage. À travers leur discours, nous nous sommes aperçus que
généralement, cette réflexion est née suite { l’observation de productions clavardées très
éloignées de la norme, ce qui les amena presque tous à constater que « les jeunes ne savent plus
écrire », c’est-à-dire qu’ils ne connaissent plus les règles d’orthographe – puisque, nous l’avons
vu, le bien écrire est principalement incarné par ce monstre sacré. Toutefois, cette réflexion ne
s’arrête pas l{ pour tous les interviewés, car beaucoup ont montré qu’ils s’étaient posé des
questions et qu’ils s’en posaient encore. Parfois tiraillés entre le souci du respect de la norme et
des règles qu’on leur a apprises { l’école et le constat que c’est tout simplement impossible sur
certains supports, tels que les supports de communication synchrone, ils expliquent que ce n’est
pas vraiment la même chose, qu’ils respectent quand même les règles mais qu’elles sont moins
importantes, ou différentes… Bref, ils sont en réalité parfois incapables d’expliquer
raisonnablement pourquoi ils écrivent de telle ou telle manière sur tel ou tel support, pourquoi
ça les dérange – dans le cas d’un éloignement plus ou moins conscient de la norme – ou, au
contraire, pourquoi ça ne les dérange pas.
Les stéréotypes ne sont donc pas vérifiés, du moins auprès des personnes que nous
avons interrogées : ces jeunes s’intéressent bel et bien { la question de l’écriture et de la langue,
mais ils sont parfois désemparés face au fossé qui sépare ce qu’on leur a appris de la diversité
des usages. Il nous semble donc d’autant plus essentiel d’ouvrir le débat de manière plus large,
d’interpeler les jeunes sur cette problématique et de leur fournir des éléments de réponses mais
surtout des outils et des pistes de réflexion pour qu’ils puissent se réapproprier leur langue et
l’utiliser sans craindre de la « dénaturer ».
4.3. Le corpus de productions clavardées
Nous avons analysé un corpus d’un peu moins de 13 000 mots, constitué grâce aux
productions envoyées par les sept clavardeurs que nous avons rencontrés. Nous leur avions
demandé d’envoyer quelques extraits de productions pour chacun des supports-espaces qu’ils
utilisent. Certains nous ont fourni énormément de messages, que nous n’avons par conséquent
pas tous eu la possibilité d’analyser de manière systématique, mais qui nous ont permis d’avoir
une vision globale de leur mode d’écriture47.
47 Nous ne reprenons dans le corpus, joint en annexe, que les productions analysées.
82
L’analyse de notre corpus a été réalisée de manière méthodique : nous avons
méticuleusement comptabilisé chaque déviation par rapport à la norme et les avons ensuite
classées selon leur nature. Ce comptage nous a permis d’établir une typologie de ce que nous
appellerons désormais les graphies remarquables – au sens où nous les avons remarquées car
déviantes, mais nous préférons éviter ce terme à nos yeux trop connoté – et de déterminer la
fréquence de leurs apparitions. Les graphies remarquables recouvriront des lors l’ensemble de
toutes les erreurs d’usage (tant en orthographe d’usage qu’en orthographe grammaticale), que
l’on peut toujours expliquer par d’hypothétiques motivations, conscientes ou non, erreurs
auxquelles s’ajoutent les sigles, symboles ou smileys, qui fonctionnent comme autant de
conventions et sortent donc du cadre de la norme telle que considérée généralement.
4.3.1. Typologie des graphies remarquables
Bien que plusieurs chercheurs aient déjà établi des typologies de ce type, nous avons
préféré, dans un premier temps, partir du corpus constitué des productions clavardées fournies
par les sept jeunes que nous avons rencontrés dans le cadre des entretiens, ainsi que d’un
corpus aléatoire48. Nous nous sommes ensuite référés aux typologies existantes pour comparer
nos observations avec celles obtenues par d’autres avant nous. Nous avons principalement
retenu celle de Jacques Anis (2003), plus tard repris et complété par Anaïs Tatossian (2008).
Toutefois, nous avons souhaité organiser notre typologie selon des critères différents. Tatossian,
tout comme Anis, désigne les graphies remarquables par le terme « procédé scriptural », ce qui
implique selon nous un acte conscient et volontaire de la part du clavardeur, or ce n’est pas
toujours le cas. Par exemple, les « procédés abréviatifs », tels que la chute de la marque du
pluriel, ne sont pas toujours réfléchis et décidés consciemment par le clavardeur.
Lors de l’analyse de notre corpus, trois grandes catégories de graphies remarquables se
sont dessinées : les graphies de phonétisation, d’abréviation et de décoration. Nous leur avons
ajouté une quatrième catégorie, plus marginale, regroupant les signes parasites, c’est-à-dire les
erreurs de frappe manifestes.
4.3.1.1. La phonétisation
Nous avons distingué d’une part les graphies transcrivant la phonétique et d’autre part
les graphies traduisant la phonétique. Les premières sont des graphies qui se rapprochent de
l’oral. Il s’agit de :
a)
b)
c)
d)
la modification de graphème (réduction ou substitution)
la suppression de graphème
la modification d’éléments morphosyntaxiques
l’utilisation de logogrammes (image ou caractère imagé uniques à la place de groupes de
phonogrammes (lien biunivoque phonème/graphème))
e) la réduction des éléments purements graphiques (accents et signes diacritiques,
majuscules, poncutation, espaces entre les mots).
48 Ce corpus nous a permis d’une part de vérifier que nous retrouvions bien de manière aléatoire les graphies
observées au sein de notre échantillon et d’autre part de montrer qu’il en existe d’autres et que plus nous élargissons
le corpus, plus nous rencontrons d’autres graphies.
83
Les deuxièmes, que nous plaçons sous l’étiquette « phonétique traduite », sont des
graphies propres { l’écrit dont le but est de donner une dimension expressive à un message écrit.
Dans ce cas, nous pourrions parler de procédés puisque leur utilisation est manifestement
consciente. Il s’agit des étirements graphiques (je t’adoooooore) ainsi que des onomatopées et
des interjections.
À ces deux catégories s’ajoutent encore les graphies qui traduisent le non-verbal, c’est-àdire l’utilisation des majuscules, qui indiquent une émotion ou une intensité sonore, la répétition
des signes de ponctuation ainsi que les smileys. Ces derniers font couler beaucoup d’encre,
certes à juste titre car ils sont très présents sur l’ensemble des supports-espaces de clavardage,
mais ils occultent souvent dans les représentations concernant ce mode de communication les
autres moyens qui permettent de manifester de l’expressivité par écrit. Le smiley est certes très
fréquemment employé, mais il ne suffit pas { lui seul { pallier l’absence des éléments de
communication non verbaux, caractéristiques de la conversation orale. Il existe d’autres
procédés graphiques dont certains, que nous venons d’énumérer, sont des traductions de la
phonétique. Dans son article « La construction de l’illusion : mécanismes linguistiques et
cognitifs qui assurent la compréhension métaphorique du clavardage »49, K. L. Filatova en
répertorie et en analyse d’autres, servant également { pallier l’absence des éléments
communicationnels non-verbaux. Il s’agit, pour elle, de la création de l’oralité par l’utilisation de
métaphores perceptives (« taper sur le clavier, c’est parler »), l’introduction du contexte (le sien,
celui de son interlocuteur par les indices fournis lors de la conversation, et le cyberespace,
contexte partagé par les deux interlocuteurs) et la construction de l’image de
l’autre (« téléprésence fragile »). L’expressivité { l’écrit ne se limite donc certainement pas à
l’utilisation des smileys.
4.3.1.2. L’abréviation
En réalité, la plupart des graphies que nous avons rencontrées dans notre corpus sont
abréviatives, et c’est l’aspect le plus fréquemment mis en avant par les chercheurs. Néanmoins, il
nous semblait artificiel et forcé de les classer selon ce seul critère, puisque nombre d’entre elles
tendent autant { oraliser qu’{ abréger. Rappelons que selon nous, il s’agit bien de graphies
remarquables, au sens où nous les avons remarquées car elles ne correspondent pas à la norme
du français standard, et non pas de procédés, c’est-à-dire qu’elles sont utilisées de manière plus
ou moins consciente, mais que toutes n’ont pas forcément pour objectif soit de se rapprocher de
l’oral, soit d’abréger. Notre choix est donc tout { fait personnel et nous ne prétendons pas qu’il
est le seul envisageable. Toutefois, étant donné la proportion élevée de clavardeurs considérant
que leur mode d’écriture relève plus de l’oral que de l’écrit – au moins la moitié des répondants
déclarent écrire comme ils parlent sur l’ensemble des supports-espaces de clavardage, exceptés
le courriel, les forums de débat et de discussion et le blog – il nous a semblé plus pertinent
d’envisager les graphies rencontrées en tenant compte de cet aspect plutôt que de leur caractère
abréviatif.
49FILATOVA K. L. (2007), « La construction de l’illusion : mécanismes linguistiques et cognitifs qui assurent la
compréhension métaphorique du clavardage », in Gerbault J. (dir), La langue du cyberespace : de la diversité aux
normes, Paris, L’Harmattan.
84
Ainsi, nous avons placé dans la catégorie « abréviation » uniquement les graphies qui ne
traduisent ou ne transcrivent pas l’oral mais représentent une économie en termes de temps de
frappe ou de caractères :
-
l’ellipse (suis bxl, chez toi 19h), caractéristique du sms mais que l’on peut également
rencontrer sur d’autres supports ;
la syncope, que Jacques Anis nomme « squelette consonantique » (bcp pour beaucoup) ;
la siglaison (tlm pour tout le monde) ;
l’acronymie, qui est une siglaison prononcée comme un mot ordinaire (lol vient de
laughing out lout) ;
les abréviations conventionnelles et les symboles (min, €, +, 1).
Notons que cette typologie et la fréquence d’utilisation des différentes graphies
remarquables, qu’il s’agisse de phonétisation ou d’abréviation, évoluent au fil du temps. Nous
pensons notamment au cas du sms. Techniquement, ce support-espace a beaucoup changé
depuis sa création : auparavant strictement limité à 160 caractères « basiques » (il n’incluait pas
de mise en forme ou de caractères spéciaux, ce qui n’est plus le cas actuellement), le sms peut
aujourd’hui être plus long car plusieurs messages peuvent être envoyés consécutivement. 160
caractères constituent donc toujours l’unité sms, mais étant donné que cette unité a un cout
pratiquement nul – la plupart du temps, l’envoi de sms est inclus dans le forfait proposé par les
opérateurs –, l’abréviation n’a plus la même importance qu’auparavant. Certes, il s’agit toujours
de « faire court », mais c’est plus par habitude, par jeu ou par souci d’économie en termes de
temps et d’énergie que pour des raisons financières.
4.3.1.3. La décoration
La dernière catégorie de graphies remarquables consiste { décorer l’écrit, { l’embellir. Il
n’est plus question ici de phonétiser ou d’abréger, au contraire, c’est l’aspect esthétique qui
prime dans ce cas. Nous n’avons rencontré que trois graphies différentes :
-
un chiffre remplace une lettre (je t’ààààim3) ;
les signes diacritiques se multiplient ;
le s devient $.
Le fait d’enjoliver l’écrit de la sorte est, de manière stéréotypée sans doute, considéré comme
typique des jeunes adolescentes, dont se moque un grand nombre de clavardeurs en les appelant
les « kikoolol » – car elles ne disent pas coucou mais kikou et ponctuent toutes leurs phrases d’un
lol, qui devient une sorte de signe de ponctuation neutre et perd sa signifiaction première.
Notons que finalement, nous avons rencontré ce types de graphies presque uniquement chez les
personnes qui s’en moquent et les utilisent donc de manière ironique que chez de véritables
kikoolol, ce qui nous pousse à croire que cette catégorie de clavardeuses relève plus du
stéréotype que de la réalité.
Lors des entretiens, nous demandions aux clavardeurs de juger spontanément une série
d’extraits issus de supports-espaces de clavardage. Parmi eux, nous avions placé un extrait écrit
par une kikoolol ou par une personne souhaitant sans moquer en l’imitant – nous n’avons pas pu
déterminer s’il s’agissait d’ironie ou non : « T'àààiiim3 Jùùù$tiiin Biiii3b3rr ? <3 ». Armèle
85
reconnait qu’elle utilise parfois ce type de graphies, mais plus dans un souci d’expressivité que
d’esthétique :
« Le troisième, c’est pas { ce point-l{, mais c’est vrai que parfois je mets des… je répète des
lettres comme les i ou les o, ça je fais oui, mais je le fais pas à ce point-l{, et j’utilise pas les 3
pour faire des e. … parce que c’est fun, et pour exprimer peut-être les trucs qu’on fait {
l’oral, les intonations quoi. »
Elle estime que dans ce cas, c’est dérangeant car c’est exagéré, « ça fait un peu gamin en fait. Mais
même moi, parfois je le fais et je me dis moi-même que j’en fais un peu trop quoi. » Remarquons
qu’elle supprime ce qui relève de la décoration pour conserver uniquement les graphies
traduisant ce qui est prononcé.
Ce mode d’écriture dérange également Bao car, tout comme Armèle, il associe un
caractère particulier { cette manière d’écrire :
« Ouais bon l{ je dirais que c’est plus dérangeant mais c’est parce que je pense que
j’associerais donc ce qu’elle a écrit j’imaginerais c’est qui qui a écrit ça donc… Je vais pas
dire ça m’irrite mais fin… … Fin c’est un peu, je sais pas comment je peux dire ça mais…
C’est un peu une caricature des adolescents qui écrivent très mal avec des dollars { la place
des s, des 3 { la place des e. C’est un peu… Je dirais c’est ridicule. Je pense se forcer pour
mal écrire, ça n’a aucun sens quoi. »
Le sociotype de la kikoolol, même s’il n’est pas nommé, est clairement identifié par Bao.
Pablo, quant à lui, admet que l’écriture kikoolol peut être motivée par l’esthétique, mais
d’après lui, ça ne peut pas être employé systématiquement : « Pour moi c’est esthétique mais
c’est pas fait pour faire passer un message. »
Victoria et Pauline comprennent également que certains aient recours à des graphies
décoratives dans un souci esthétique, mais elles estiment qu’il s’agit d’une sorte de mode, qui va
passer avec l’âge : « Je me dis que plus tard ils vont certainement changer, c’est parce qu’ils sont
encore dans l’adolescence et tout, mais plus tard à mon avis ils vont faire attention. » (Victoria)
Cette remarque démontre que les clavardeurs sont conscients d’une évolution de l’écriture sur
les supports-espaces de clavardage, évolution qui peut être collective { l’ensemble des
clavardeurs (cf. graphies phonétisantes et abréviatives dans le cas du sms), mais également
individuelle, en fonction de l’âge. Lorsqu’ils découvrent le clavardage, les jeunes explorent toutes
les nouvelles possibilités qui s’offrent { eux et nombreux sont ceux qui adoptent ce qui se
rapproche du « langage sms », pour tester de nouvelles manières d’écrire dont on ne leur avait
jamais parlé { l’école. Il s’agit d’une sorte de code, qu’on apprend pour se sentir intégré { un
groupe, mais qu’on finit par délaisser au fil du temps. L’utilisation du langage sms devient le
signe de reconnaissance des jeunes adolescents, les plus âgés souhaitent s’en démarquer et
reviennent à une écriture plus normée, ce qui est d’après eux plus mature :
« C’était comme ça et après je me suis rendue compte que, fin je me sentais bête en fait. C’est
plus avec la maturité qu’on se rend compte. Je vois les enfants plus jeunes, douze treize ans
c’est beaucoup cette façon-l{ d’écrire, genre la deux quoi, c’est vraiment comme ça. Après, au
plus ça grandit, au plus ils font attention. » (Aurélie)
86
Plusieurs des clavardeurs que nous avons rencontrés se souviennent de cette évolution
individuelle et reconnaissent qu’ils s’éloignaient fortement de la norme auparavant, sur certains
supports (notamment la messagerie instantanée) mais que ce n’est plus le cas maintenant. Seul
Morgan s’est déclaré choqué en découvrant des messages qu’il avait écrits quand il était plus
jeune :
« Morgan : Fin je sais bien que quand j’étais jeune j’écrivais ainsi aussi hein, ça c’est, je l’ai
vu il y a pas longtemps, j’ai retrouvé des trucs que j’avais écrits il y a longtemps et je me
suis dit oulala.
Nous : Et quoi maintenant que tu revois ça tu te dis…
Morgan : Ah oui moi je suis choqué, je me rappelais pas déjà, oh je suis tombé des nues
quand j’ai vu ça, c’était un message que j’avais écrit quand j’avais quatorze quinze ans, j’ai
dit oulala. »
Remarques
Tout d’abord, il est important de rappeler que les graphies remarquables que nous
venons de répertorier existaient, pour la plupart d’entre elles, avant l’apparition du clavardage,
ce qui nous empêche d’adopter le terme de néographie, employé par Anis. Nous pensons
notamment aux apocopes syllabiques, tout à fait ancrées dans le langage courant : prof, unif, bio,
etc50. Par ailleurs, l’influence des conventions de la prise de notes est incontestable.
Contrairement au « langage sms », ces dernières ne sont jamais critiquées et sont même
enseignées, car elles sont très pratiques dans certains contextes. Il nous semble étonnant
qu’alors que ces « écarts » peuvent être enseignés, la question de l’écriture sur Internet est,
quant à elle, très difficile à aborder.
Ensuite, nous souhaitons préciser que l’analyse de notre corpus devait, dans un premier
temps, nous permettre de construire la typologie que nous venons de présenter en détails. Il
s’agissait par la suite de s’appuyer sur celle-ci pour confronter les représentations des scripteurs
rencontrés lors des entretiens à la réalité de leurs productions clavardées (cf. 4.3.2.2). En aucun
cas, nous ne prétendons généraliser la fréquence d’utilisation des différentes graphies
remarquables étant donné que notre échantillon est trop limité. Pour la même raison, nous
n’avons pas non plus été en mesure de déterminer s’il était possible d’élaborer une typologie des
supports-espaces en fonction des graphies remarquables que l’on y rencontre.
50 Pour une étude plus complète de l’origine de certaines graphies utilisées sur Internet, cf. DEJOND A. (2006), Le
cyberlangage, Bruxelles, Éditions Racine.
87
1. Phonétisation
1.1 Phonétique transcrite
a. Modification de graphème (réduction ou substitution)
• qu > k
• ph > f
• (e)au > o
• ou > w
• ai > e
• er > é
• ai, ais, es, est, ez, ait > é
• simplification graphème double
• c, ç > s
• s>z
• c>k
• oi > oa
• oi > oua
• oi > wa
• a > o : pas > po
b. Suppression de graphème
• Apocope
- Chute de la consonne finale muette
- Chute du e muet à la finale
- Réduction du pronom : j’reviens
- Syncope (disparition phonème(s) { l’intérieur d’un
mot) : p’tit
• Syllabogramme (dcd  nom de la lettre utilisé pour sa
valeur phonétique)
• Chute du e muet
• Aphérèse (suppression phonème ou partie initiale d’un
mot) : cam pour webcam
c. Morphosyntaxe
• Suppression première partie de la négation « ne »
• Suppression pronom sujet des verbes impersonnels
• Soudure : keske, jsui
d. Logogrammes : + (a+), 4 (4U), etc
e. Réduction du pur graphique
• Absence d’accent
• Absence de signe diacritique
• Absence de majuscule
• Absence de signe de ponctuation
• Absence d’espace entre les mots
1.2. Phonétique traduite
• Étirement graphique : je t’adooooore
• Onomatopée et interjection : arfff
1.3. Non-verbal traduit
• Smiley
• Majuscule (intensité sonore ou émotion)
• Répétition de signe de ponctuation
2. Abréviation
2.1. Ellipse : suis bxl, chez toi 19h
2.2. Syncope : Squelettes consonantiques (bcp ; ps pour pas)
2.3. Apocope syllabique : ops pour opérateur, conserve s
2.4. Siglaison : tlm pour tout le monde
2.5. Acronymie : siglaison prononcée comme un mot ordinaire : lol
2.6. Abréviation conventionnelle et symbole : min, €, +, 1,
3. Décoration
3.1. Chiffre remplace lettre : t’ààààim3
3.2. Multiplication des signes diacritiques
3.3. s > $
4. Signes parasites
88
4.3.2. Analyse du corpus
Les graphies les plus fréquemment rencontrées sont les modifications et supressions de
graphèmes ainsi que les réductions de la composante purement graphique du mot. Les graphies
abréviatives sont également très fortement représentées au sein de notre corpus.
4.3.2.1. Norme du bon usage vs normes d’emploi
L’analyse de notre corpus nous a amenés { adapter la notion de « procédé scriptural »,
terme utilisé par Anis et Tatossian. En effet, on ne peut être assurés que les graphies que nous
rencontrons sont assumées par les clavardeurs : ils les considèrent parfois eux-mêmes comme
des fautes. En réalité, ces très nombreux « écarts » par rapport à la norme sont dictés par la
situation de communication et le support-espace utilisé pour communiquer et répondent donc
également à un ensemble de règles plus ou moins implicites. Les recherches de Widdowson sur
l’enseignement des langues l’amenèrent à distinguer deux types de norme : la norme d’usage et
la norme d’emploi. Selon lui, parler une langue signifie être capable de former des phrases
linguistiquement correctes, ce pour quoi il faut maitriser les normes d’usage. Cependant, il est
certain que « dans les circonstances normales de notre vie quotidienne nous n’avons pas
fréquemment l’occasion de manifester notre connaissance de cette façon »51. Et pour cause, il
faut également être capable de se détacher du système abstrait qu’est la langue pour pouvoir
communiquer, c’est-à-dire maitriser les normes d’emploi.
« L’usage est donc un aspect de la performance, l’aspect qui indique dans quelle mesure
l’utilisateur de la langue démontre sa connaissance des règles linguistiques. L’emploi est un
autre aspect de la performance : celui qui indique dans quelle mesure l’utilisateur de la
langue démontre sa capacité à se servir de sa connaissance des règles linguistiques pour
communiquer efficacement. »52
Bon nombre de graphies remarquables rencontrées dans notre corpus, qui constituent des
écarts au regard de la norme du bon usage, respectent manifestement des normes d’emploi53.
Cela correspond en fait à une procéduralisation potentielle de certaines graphies. Par exemple,
l’absence de majuscule, souvent couplée { l’absence de signe de ponctuation54, est
caractéristique des supports-espaces de communication synchrone tels que les chats et les
messageries instantanées car l’envoi du message, toujours très court, fait office de délimitation
de la phrase. Dans ce cas, la majuscule et la ponctuation apparaitraient presque comme superflu.
« Les majuscules c’est surtout utile pour différencier deux phrases, quand on est sur un chat on
ne fait qu’une phrase, donc on se dit que cette règle elle est un peu moins utile. » (Pablo) La
présence d’un smiley entraine également la chute du signe de ponctuation, puisqu’il le remplace,
comme l’explique Aurélie : « Comme l{, comme c’est un smiley, pour moi c’est comme une fin de
phrase donc je mets une majuscule au début du mot qui suit . »
51 WIDDOWSON H.G. (1980), Une approche communicative de l’enseignement des langues, Paris, Hatier, coll.
« Linguistique et apprentissage des langues », p. 13.
52 Ibid.
53 Pour éviter les risques de confusion, nous parlerons de « norme du bon usage » – l’usage étant un terme
généralement utilisé pour désigner ce que Widdowson nomme l’emploi –, et de « normes d’emploi » – au pluriel
puisqu’elles sont multiples et en constante évolution.
54 Notons que seule la ponctuation neutre (principalement le point) est évincée. Les clavardeurs ne font pas l’impasse
sur les points d’interrogation et d’exclamation car ils permettent de donner le ton du message, c’est-à-dire de pallier
l’absence d’éléments de communication non-verbaux.
89
Finalement, le nombre d’ « écarts » par rapport à la norme du bon usage est réduit, sur la
moyenne des productions de notre corpus issu des entretiens, à maximum trois fautes pour cent
mots lorsqu’on se réfère aux normes d’emploi. Or il est essentiel d’en tenir compte puisque dans
certains cas, le non-respect des normes d’emploi – au profit de la norme du bon usage
notamment – peut entrainer des problèmes de communication. Par exemple, l’utilisation de
paragraphes et de techniques de structuration n’est clairement pas adéquat sur une messagerie
instantanée puisque le message doit être bref et rapide. D’ailleurs, la touche « enter » qui permet
la structuration du texte sur tous les autres supports-espaces, sert ici à envoyer le message, il est
donc en quelque sorte impossible de faire des paragraphes sur une messagerie instantanée.
Nous reproduisons ci-dessous l’ensemble des graphes rendant compte de l’analyse des
productions fournies par chacun des clavardeurs que nous avons interrogés. Ces graphes
indiquent en bleu le nombre de graphies remarquables rencontrées en moyenne pour cent mots,
en rouge le nombre de fautes au regard du bon usage – c’est-à-dire l’ensemble des graphies
remarquables auxquelles on soustrait les smileys, symboles et sigles, jamais considérés comme
des fautes –, et en vert le nombre de fautes d’emploi – c’est-à-dire l’ensemble des fautes {
l’encontre du bon usage auxquelles on soustrait les écarts qui respectent des normes d’emploi.
Restent donc dans la colonne en vert les réelles « fautes » ou graphies qui ne respectent ni la
norme du bon usage, ni les normes d’emploi. Le dernier graphe présente une moyenne des
graphies rencontrées chez l’ensemble des sept clavardeurs interrogés.
Analyse Morgan
/100 mots
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
Analyse Armèle
/100 mots
35
30
25
20
15
10
5
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
Mess.
inst.
Réseau Courriel
social
SMS
90
Analyse Bao
/100 mots
70
60
50
40
30
20
10
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
Analyse Pablo
/100 mots
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
Analyse Pauline
/100 mots
35
30
25
20
15
10
5
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
91
Analyse Victoria
/100 mots
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Graphies remarquables
Fautes d'usage
Fautes d'emploi
Analyse Aurélie
/100 mots
30
25
20
Graphies remarquables
15
Fautes d'usage
10
Fautes d'emploi
5
0
Mess. inst. Courriel
SMS
92
60
Analyse gobale
/100 mots
50
48
46
40
30
1818
20
16
14
16
13
15
15
13
12
14
13
Graphies remarquables
11
10
10
7
2
2
1
2
2
1
3
2
Fautes d'usage
5
1
Fautes d'emploi
0
Nous constatons que le nombre de « fautes » s’écroule quand nous nous référons aux
normes d’emploi et non plus à la norme du bon usage. Ces données sont bien entendu
imprécises puisque les normes d’emploi ne sont pas constituées d’un ensemble de règles fixées
et reconnues par tous, comme l’est la norme du bon usage, mais évolue constamment. Nous
avons considéré qu’une graphie remarquable respectait les normes d’emploi lorsque, indexable
à une des classes reprises dans le tableau page 89, elle revenait systématiquement chez un
clavardeur – ce qui implique que les normes d’emploi ne sont pas les mêmes chez chacun d’entre
eux : elles n’ont pas toutes atteint le même degré de procéduralisation chez tous les clavardeurs
– ou lorsqu’elle était clairement assumée lors des entretiens. Dès lors, sera considérée comme
un écart par rapport aux normes d’emploi les graphies remarquables, non assumées par les
clavardeurs ou considérées par eux comme à corriger. Notons également qu’un même écart
pourra être considéré ou non comme une faute par rapport aux normes d’emploi en fonction du
support-espace : par exemple, l’absence de ponctuation dans un courriel ne respecte
généralement pas les normes d’emploi (cela dépend du clavardeur notamment) alors que ce
n’est pas le cas sur une messagerie instantanée55.
Les clavardeurs semblent avoir conscience qu’ils existe plusieurs normes, mêmes s’ils ne
parviennent pas à les nommer ou simplement à rationnaliser cette idée. Ainsi, Pablo donne sans
le savoir une explication de ce que signifie le concept de norme d’emploi : « En fait c’est juste des
règles qui sautent, mais toutes ces règles sont logiques et c’est pas en gros, on enlève une règle et
55 Il est certain que la frontière est parfois difficile { cerner, c’est pourquoi il ne fut pas toujours facile de trancher.
Ainsi, les tableaux reproduits dans ce point ont pour but de montrer que le nombre de « fautes » varie
considérablement en fonction des normes auxquelles on se réfère, et non de fournir des données exactes et
indiscutables ce qui, nous l’avons dit, ne nous semble pas envisageable.
93
{ la place on met quelque chose d’anarchique. » Il ne s’agit donc pas de supprimer toutes les
règles pour écrire comme on veut, puisque l’essentiel est de se faire comprendre de ses
destinataires. À côté des règles normatives, d’autres normes se sont mises en place, sorte de
conventions partagées par un groupe ou une communauté. Certaines conventions sont plus
largement partagées, comme celles de la prise de notes par exemple, d’autres graphies sont
intuitives et peuvent donc facilement être comprises même si elles ne sont à priori pas connues
par le destinataire (utilisation de logogrammes ou de symboles par exemples).
4.3.2.2. Intelligence adaptative
Finalement, au terme de notre recherche, nous constatons que les représentations que
les clavardeurs (du moins ceux que nous avons interrogés) ont de leur manière d’écrire sur les
différents supports-espaces ne correspondent pas à la réalité de leurs productions lorsque l’on
se réfère à une norme du bon usage, mais bien lorsque l’on se réfère aux normes d’emploi.
Les clavardeurs possèdent donc bel et bien une intelligence adaptative, mais celle-ci ne
semble pas toujours tout à fait consciente. En effet, nous avons ressenti chez les clavardeurs un
tiraillement manifeste entre le souhait de respecter les règles du français standard, l’impression
d’y parvenir et le sentiment d’absurdité dans certains cas que nous mettions en exergue. Il est
clair que le respect de la norme du bon usage leur paraissait parfois insensé, mais ils ne
parvenaient pas toujours à comprendre les raisons de leur jugement. Leur discours en devenait
parfois paradoxal. Par exemple, au cours de notre entretien avec Morgan, ce dernier a réaffirmé
{ plusieurs reprises qu’il essayait de toujours respecter les règles du français standard car c’était
très important pour lui pour diverses raisons, dont certaines assez confuses. Mais il admit
également que certaines fautes le dérangeaient moins, en fonction du support-espace : « Ben
non, d’ailleurs tout le monde, sur beaucoup de forums et tout ça, les gens ils mettent aussi
n’écrivez pas en sms mais c’est pas grave si on fait des fautes, ça arrive, tout le monde… Je sais
que j’en fais beaucoup, surtout des fautes de frappe en fait aussi ça m’arrive, des fautes que je ne
vois pas qui passent alors que c’est des fautes énormes. » En fin de compte, estime-t-il qu’il faut
respecter la norme du bon usage dans toutes les situations de communication ? Bien que luimême déclare avoir réfléchi { la question, il se trouve manifestement dépourvu quand il s’agit de
prendre position.
Nous aurions souhaité analyser l’influence des supports-espaces sur la fréquence
d’utilisation des différentes graphies remarquables, qu’elles soient ou non procéduralisées.
Malheureusement, notre corpus ne nous permit pas d’étudier cette question. En effet, si nous
possédons de nombreux extraits de productions clavardées fournies par différents jeunes pour
le courriel et le sms par exemple, ce n’est pas le cas pour d’autres supports, tels que le microblog et le chat puisque, parmi les interviewés, seul Pablo les utilise. Il est évidemment peu
pertinent de prétendre observer des tendances générales { partir de productions d’un seul
clavardeur car nous risquerions en réalité d’analyser les tendances du clavardeur en question et
non pas du clavardage sur un support en particulier. Une recherche ultérieure sur un corpus
plus étendu devrait permettre de caractériser chaque support-espace d’écriture en fonction des
types de graphies remarquables mobilisés.
94
Bilan et recommandations
La présente recherche était à la fois ambitieuse et modeste. Ambitieuse, parce que, pour
la première fois, une étude se proposait d’observer, de manière systémique et non centrée
exclusivement sur un support-espace, les représentations et usages des clavardeurs sur les
différents supports-espaces d’écriture. Nous voulions dresser un panorama qui fasse sens de ces
nouvelles pratiques d’écriture et des représentations qu’en ont les clavardeurs, et, le cas
échéant, distinguer les spécificités de chacun de ces supports-espaces. Modeste, car les moyens
et le temps imparti pour cette recherche étaient limités.
Par ailleurs, toute recherche sur corpus ne pouvant dire de vérité que sur son corpus, il
nous a dès lors fallu limiter nos prétentions à ce que nous a révélé ledit corpus. La constitution
de l’échantillon de répondants a été difficile. Si l’on peut se réjouir d’avoir obtenu 405 réponses à
un long questionnaire, nous aurions souhaité une plus grande diversité socio-culturelle des
personnes interrogées. Pour autant, notre échantillon présente une certaine cohérence et est
certainement représentatif d’une tranche d’âge d’étudiants universitaires de première année de
baccalauréat (365 réponses). La récolte de réponses émanant de l’enseignement secondaire fut
assurément plus malaisée (60 réponses seulement). Même les aides de l’administration de la
Fédération Wallonie-Bruxelles pour rendre public le questionnaire furent sans aucun effet
(aucune réponse suite à cette aide). Dès lors, c’est par du démarchage personnel seul que nous
avons pu atteindre les élèves qui ont répondu. Pour autant, malgré des tentatives de toucher des
publics plus variés, la représentativité de notre échantillon pour le secondaire ne peut être
assurée.
Notre recherche prétend donc surtout proposer un état des lieux du clavardage tel qu’il
ressort des représentations et des pratiques de notre échantillon de répondants. Le croisement
des enquêtes quantitative et qualitative ainsi que le recours à un corpus de vérification nous ont
permis de recouper les données et dès lors de proposer des conclusions fondées trois fois plutôt
qu’une.
Il n’était guère question ici de proposer une description linguistique des pratiques et des
graphies remarquables observées. Nous n’adoptons guère le point de vue du
morphosyntacticien, qui décrit les mécanismes { l’œuvre, sans jugement, sans considérer
comme faute ou erreur une graphie non standard. Nous nous sommes confié pour tâche de
décrire surtout les représentations des clavardeurs, description absolument nécessaire à la mise
en œuvre d’une réelle politique linguistique en la matière. Notre visée est assurément
l’enseignement de la langue et la prise en compte des nouvelles pratiques d’écriture dans
l’espace classe. Dès lors, nous reprendrons parfois les termes de « faute » et d’ « erreur », parce
qu’ils sont mobilisés dans les discours qui disent les représentations des clavardeurs sur leurs
usages.
Une dernière précaution, et non des moindres, concerne la volatilité des résultats. Non
pas que nous ne soyons pas assurés quant à ceux-ci pour notre enquête. Mais les pratiques
d’écriture sur nouveaux supports-espaces changent excessivement rapidement au gré des
évolutions techniques et des nouvelles opportunités qu’elles offrent. Ainsi, le courriel est-il
rapidement passé d’informel { également formel ; l’intégration dans les réseaux sociaux de
divers espaces particuliers dédiés au blogging ou à la messagerie instantanée a conduit à la
95
réduction drastique du nombre de blogs personnels sur la toile… Cette évolution rapide des
« genres » clavardés s ‘accompagne d’une évolution tout aussi rapide des usages des clavardeurs.
Des répondants de notre échantillon récusent souvent les « enfantillages » ludiques qu’ils
pratiquaient naguère et dont ils se réjouissaient quelques années plus tôt. Au point que les
abréviations, qui passent pour le prototype du langage SMS dans les représentations,
n’apparaissent dans les recherches récentes qu’en faible proportion. Dès lors, en la matière,
toute recherche est rapidement frappée d’obsolescence (cinq ans devient une éternité).
Pour autant, le résultat majeur de notre recherche se révèle pérenne : nous pouvons
affirmer que les clavardeurs font preuve d’une intelligence adaptative remarquable, eu égard
tant à la diversité des nouveaux supports-espaces qu’{ la rapidité de leur évolution. Cela devrait
faire taire les esprits chagrins épris de discours sur la décadence de la langue.
L’omniprésence du français clavardé
Cette recherche nous a permis de dresser un tableau de l’utilisation des différents
supports-espaces de communication sur Internet et les GSM. 99 % des personnes interrogées
envoient des SMS (dont 28 % plus de 25 par jour), 98 % rédigent des courriels, 89 % sont
inscrits sur un ou plusieurs réseaux sociaux tel que Facebook et discutent sur des messageries
instantanées, 69 % naviguent plus ou moins régulièrement sur des forums de discussion, 54 %
visitent des blogs et 14 % en possèdent, certains clavardent également sur des chats, publient
des messages sur Twitter ou tentent de trouver l’âme sœur sur des sites de rencontres. Ces
données attestent l’omniprésence des supports-espaces de clavardage au sein de notre société, il
est quasiment impossible de faire l’impasse sur ces modes de communication « branchés ». Bref,
les jeunes écrivent ; et ils n’ont jamais autant écrit.
Le support-espace de communication comme facteur de variation linguistique
Lorsqu’on analyse des extraits de productions clavardées – fournis par sept jeunes
rencontrés dans le cadre d’entretiens individuels –, on constate que le support-espace de
communication est un facteur de variation linguistique étant donné qu’il conditionne dans une
certaine mesure le mode d’écriture employé. En effet, Internet véhicule plusieurs variétés de
français, mais pas de manière anarchique et aléatoire : chaque support semble posséder ses
propres caractéristiques linguistiques, ses propres codes et ses propres normes implicites56.
Cependant, si l’existence de multiples variétés de français sur Internet apparait comme un fait
incontestable suite aux analyses, les clavardeurs en ont bien souvent une représentation
négative et l’écart par rapport { la norme reste stigmatisé dans l’imaginaire linguistique de
nombre de locuteurs. Pour autant, ils font montre d’une intelligence adaptative certaine, en
fonction du contexte de communication, ce que révèlent les réponses à nos questionnaires.
Il est certes vrai que beaucoup reconnaissent le support-espace de communication
comme une source de variation, tout comme le sont le destinataire et les objectifs, mais cette
prise de conscience est loin d’être unanime. Par ailleurs, la majorité des répondants estime de
manière paradoxale qu’elle ne s’éloigne jamais de la norme du français standard (68 %). Là
56 Le choix du mode d’écriture est déterminé par le support-espace de communication, mais également par une série
d’autres facteurs de variation tels que le destinataire et l’objectif. Ces facteurs sont interdépendants, il n’existe donc
pas une seule « bonne » manière de s’exprimer pour chacun des différents supports.
96
également, ces représentations sont { nuancer. En fait, si l’on compte un nombre important
d’erreurs commises en regard de la norme du bon usage, ce nombre fond comme neige au soleil
si l’on examine les productions { l’aune des normes d’emploi. Il importe donc de permettre aux
usagers de revoir leurs représentations, eu égard à leur pratique adaptative. Cela passe
nécessairement par la reconnaissance de la diversité des « clavalectes » (variété de langage ou
de mode d’écriture clavardés), qui vient enrichir et fonder davantage, si besoin en était, le
principe de variation diamésique.
La reconnaissance de la diversité des clavalectes comme méthode d’enseignement
Quelle(s) variété(s) de français faut-il enseigner au clavardeur ? Laquelle/Lesquelles
privilégier ? Comment valoriser ses acquis dans sa langue (ou dans celle qu’il découvre si le
français n’est pas sa langue maternelle), pour l’encourager { maitriser les normes dont il a
besoin dans ses échanges socio-professionnels ? Enseigner uniquement le français standard et
occulter la variation inhérente { la langue n’est-il pas une des causes d’une insécurité
linguistique forte parmi les usagers du français ?
Il est urgent de déculpabiliser les usagers quant à leurs utilisations du français ; la langue
doit être { leur service, et non l’inverse. Aussi, l’apprentissage d’une adaptation de l’écrit { la
situation de communication est-il primordial. Cela ne signifie pas que le français standard ne
doit plus être enseigné, au contraire. Il doit l’être en priorité. Il s’agit cependant de conscientiser
les locuteurs que ce n’est finalement qu’une variété de français parmi d’autres, socialement
valorisée certes, qui doit dès lors absolument être maitrisée dans certains contextes socioprofessionnels, mais pas dans toutes les situations de communication, et qu’il faut donc le
connaître, mais également savoir s’en détacher dans certains cas, sans culpabiliser.
L'observation scientifique des (nouveaux) modes d'écriture clavardés permet en effet
d'envisager ceux-ci non pas sous l'angle de la perte, de la dégradation ou de la décadence de la
variété noble de l'écrit, mais bien sous l'angle de l'enrichissement et, par là, de la reconnaissance
de la valeur ajoutée de ces nouvelles pratiques, qui montrent non pas la carence de savoir de la
part des clavardeurs, mais une intelligence adaptative remarquable dans leur chef. Il importe de
tenir compte de cette nouvelle richesse dans une perspective inclusive, et non plus dans celle
exclusive d'un rejet après un procès en impureté. On adhère d’autant moins { la variété
dominante que sa propre variété est humiliée.
Les auteurs recommandent dès lors de documenter davantage ces pratiques nouvelles et
toujours mouvantes, par le biais de recherches plus étendues sur tous les modes de clavardage,
et de les inscrire dans une perspective de description systémique des divers modes d'écriture
ainsi légitimés, répartis par support, ce que le temps imparti et le corpus réuni ne nous ont pas
suffisamment permis dans le cadre de cette étude.
Cette reconnaissance de la diversité des modes d'écriture, parce qu’il s’agit bien d’écrit,
doit également trouver des répercussions dans le monde de l'école. Révolutionné naguère par la
prise en compte de l'oral, ce monde est confronté aujourd'hui à l'explosion des modes d'écriture
et à l'irruption dans l'écrit de degrés divers d'oralité, de transpiration d’oral. Cette
reconnaissance passe nécessairement par la fin de l'exclusion et de la condamnation des variétés
adaptées, mais surtout par une nouvelle pédagogie de l'écrit, incluant la nécessaire prise de
conscience et l’étude des caractéristiques d'emplois spécifiques à chaque mode ou support97
espace. Il ne s’agit pas bien sûr d’enseigner « le langage SMS » : les élèves en savent
généralement plus que les enseignants sur le sujet et ils n’ont dès lors pas besoin de leur aide.
En revanche, la prise de distance par rapport à leurs pratiques, qui passe par une étude réflexive
de celles-ci, de leurs représentations ainsi que des genres et registres de discours, est ce que
l’enseignant peut leur offrir de plus utile en la matière, afin qu’ils puissent effectivement
produire des écrits les plus adaptés aux situations de communication dans lesquelles ils sont
impliqués.
Se sentant non pas rejeté d'une norme éloignée de ses pratiques, mais participant à la
richesse de la langue par ses propres productions, le clavardeur pourra davantage intégrer la
nécessité de pratiquer une variété de référence dans les contextes de communication qui
l'exigeraient. Le sentiment d’une plus grande liberté linguistique encourage la maitrise des
différentes variétés, y compris la variété standard, moins rejetée parce que moins excluante.
98
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101
Introduction ..................................................................................................................... 3
L’usage, le bon usage et la norme .............................................................................................. 3
La variation .............................................................................................................................. 4
Le support de la communication comme facteur de diversification ............................................ 6
Méthodologie de la recherche................................................................................................... 8
1. Typologie des supports-espaces de clavardage : description « technique » .................. 10
1.1. Discussion ........................................................................................................................ 10
1.1.1. Forum de discussion ............................................................................................................ 10
1.1.2. Forum de débat ................................................................................................................... 12
1.1.3. Messagerie instantanée ...................................................................................................... 13
1.1.4. Chat ..................................................................................................................................... 14
1.2. Publication....................................................................................................................... 16
1.2.1. Blog ...................................................................................................................................... 16
1.2.2. Micro-blog ........................................................................................................................... 17
1.3. Réseautage ...................................................................................................................... 19
1.3.1. Réseau social ....................................................................................................................... 19
1.3.2. Site de rencontres ............................................................................................................... 20
1.4. Correspondance ............................................................................................................... 21
1.4.1. Courriel ................................................................................................................................ 21
1.4.2. SMS ...................................................................................................................................... 22
2. Les facteurs de variation ............................................................................................. 24
2.1. Le support-espace ............................................................................................................ 24
2.2. Le sujet ............................................................................................................................ 24
2.3. L’objectif.......................................................................................................................... 24
2.4. Le destinataire ................................................................................................................. 25
2.5. Le degré de publicité et d’accessibilité des messages clavardés ......................................... 25
2.6. La présence de modérateurs............................................................................................. 25
2.7. Le médiateur.................................................................................................................... 26
2.9. Autres .............................................................................................................................. 26
3. Enquête quantitative .................................................................................................. 27
3.1. Le questionnaire .............................................................................................................. 27
3.2. Les données ..................................................................................................................... 27
3.3. Les résultats ..................................................................................................................... 30
3.3.1. Utilisation des supports-espaces de clavardage ................................................................. 30
3.3.1.1. Taux et fréquence d’utilisation ................................................................................................... 31
3.3.1.2. Les objectifs................................................................................................................................. 35
3.3.1.3. Les destinataires ......................................................................................................................... 44
3.3.1.4. Longueur des messages .............................................................................................................. 52
3.3.1.5. Délai de réponse ......................................................................................................................... 54
3.3.1.6. Vitesse d’écriture ........................................................................................................................ 55
3.3.1.7. Médiateur utilisé ......................................................................................................................... 56
3.3.1.8. Endroit......................................................................................................................................... 57
3.3.2. Représentations .................................................................................................................. 58
3.3.2.1. Importance accordée à l’écriture par support-espace................................................................ 60
102
3.3.2.2. Importance des secteurs de langue ............................................................................................ 63
3.3.2.3. Le bien écrire............................................................................................................................... 67
3.3.2.4. Pourquoi bien écrire ? ................................................................................................................. 68
3.3.2.5. Le degré d’oralité ........................................................................................................................ 71
3.3.2.6. La notion de diamésie ................................................................................................................. 72
3.3.2.7. Influence des différents facteurs de variation par support et de manière globale .................... 72
4. Enquête qualitative ..................................................................................................... 77
4.1. Présentation des sept clavardeurs ................................................................................... 77
4.2. Entretien type .................................................................................................................. 79
4.3. Le corpus de productions clavardées................................................................................. 82
4.3.1. Typologie des graphies remarquables................................................................................. 83
4.3.1.1. La phonétisation ......................................................................................................................... 83
4.3.1.2. L’abréviation ............................................................................................................................... 84
4.3.1.3. La décoration .............................................................................................................................. 85
4.3.2. Analyse du corpus ............................................................................................................... 89
4.3.2.1. Norme du bon usage vs normes d’emploi .................................................................................. 89
4.3.2.2. Intelligence adaptative ................................................................................................................ 94
Bilan et recommandations .............................................................................................. 95
L’omniprésence du français clavardé ....................................................................................... 96
Le support-espace de communication comme facteur de variation linguistique ........................ 96
La reconnaissance de la diversité des clavalectes comme méthode d’enseignement ................. 97
Bibliographie .................................................................................................................. 99
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