judiciaire béninois passé à la loupe.

Transcription

judiciaire béninois passé à la loupe.
N ° 1 4 J u i l l e t 2014
2012
JUSTITIA
Déesse romaine de la justice.
Elle a les yeux bandés pour symboliser
l’impartialité.
Elle
rend
justice
objectivement, sans crainte ni faveur,
indépendamment de l’identité, de la
puissance ou de la faiblesse des accusés.
GRATUIT
JUSTITIA
Bulletin béninois d’information juridique
Sommaire
Page
Editorial
1
Actualités
1
Lancement du Rapport 2013 de
l’Observatoire de la justice au Bénin : Le
système judiciaire béninois passé à la
loupe.
Parole d’expert
Le règlement des litiges dans le secteur
informel et le droit OHADA : une
défiance cordiale.
l’Observatoire de la justice au Bénin : Le système
judiciaire béninois passé à la loupe.
2
Commentaire d’arrêt
2
Grève-Exercice-Grève
des
salariés
exigeant démission Directeur Général
nommé par Conseil d’AdministrationRevendication injustifiée-Grève illicitefaute lourde-Licenciement légitime.
Focus
4
Entrée en vigueur du « Protocole facultatif
à la convention relative aux droits de
l’enfant » : un grand pas des Nations
Unies à soutenir ! Le parlement béninois
vivement attendu !
Editorial
La parabole du Pape sur la main.
Toute société est riche de sa diversité mais aussi et
surtout de la complémentarité de tous les acteurs
qui la compose. Mais comme une machine qui
tombe en panne, il peut arriver qu’il y ait des
incompréhensions, des mésententes entre les
hommes, entre les institutions. Dans ce cas et à
l’inverse de la haine et de l’indifférence, seul le
dialogue peut porter l’espoir et être source
d’épanouissement pour la société ; et ce, à travers
la main tendue des uns vers les autres.
Lors d’une visite au Bénin le samedi 19 novembre
2013, Benoît XVI, alors Pape de l’église catholique,
a tenu un discours remarquable au Palais
présidentiel à Cotonou. La richesse en
enseignement de ce discours mérite que l’on s’y
attarde à travers la fameuse parabole sur la main :
« … je voudrais utiliser l’image de la main. Cinq
doigts la composent, et ils sont bien différents.
Chacun d’eux pourtant est essentiel, et leur unité
forme la main. La bonne entente entre les cultures,
la considération non condescendante des unes
pour les autres, et le respect des droits de chacune
sont un devoir vital. Il faut l’enseigner à tous les
fidèles des diverses religions. La haine est un échec,
l’indifférence une impasse, et le dialogue une
ouverture ! N’est-ce pas là un beau terrain où
seront semées des graines d’espérance ? Tendre la
main signifie espérer pour arriver, dans un second
temps, à aimer. Quoi de plus beau qu’une main
tendue ? Elle a été voulue par Dieu pour offrir et
recevoir. Dieu n’a pas voulu qu’elle tue ou qu’elle
fasse souffrir, mais qu’elle soigne et qu’elle aide à
vivre. À côté du cœur et de l’intelligence, la main
peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue.
Elle peut faire fleurir l’espérance, surtout lorsque
l’intelligence balbutie et que le cœur trébuche. »
Le Bénin, dans ses multiples crises sociales, devrait
s’inspirer de cette parabole en cette période où de
nouveaux foyers de tensions sociales s’activent en
sourdine. L’heure des compromis a sonné et les
différents protagonistes devraient reprendre la
voie du dialogue.
Roland RIBOUX
Président du CIPB
Actualités • Lancement du Rapport 2013 de
Le mercredi 04 juin 2014, l’INFOSEC de Cotonou a abrité le lancement du
Rapport 2013 sur l’état de la justice au Bénin. En présence de diverses
autorités du monde judiciaire que des membres dudit l’Observatoire, ce
rapport relève des chiffres à l’appui, les différents problèmes qui
entravent le bon fonctionnent du service public de la justice ainsi que la
perception des justiciables de celle-ci. Des recommandations ont par
ailleurs été formulées par l’Observatoire en vue d’une justice de qualité,
plus crédible, efficace et accessible au justiciable au Bénin.
La justice béninoise en chiffre et en lettre
Au nombre des points relevés par le Rapport 2013 sur l’état de la justice
au Bénin et la perception des justiciables, figure en bonne place des
statistiques qui renseignent amplement sur l’étendue du travail abattu
dans le secteur. Ainsi, pour l’ensemble des tribunaux de première
instance, entre 2011 et 2012, le taux des dossiers vidés en matière civile
est passé de 17,79% à 46,23%. En matière pénale, on note qu’ « en 2012,
le taux moyen de dossier vidés en matière pénale est de 52,07% contre
48,31% pour le taux moyen de dossiers vidés au fond en matière pénale.
En ce qui concerne le cabinet d’instruction, le taux des dossiers clôturés
dans l’ensemble des tribunaux de première instance était de 12,43% en
2011. Ce taux est passé à 17,80/ en 2012.
Sur la période considérée, le taux moyen de dossiers vidés en matière
correctionnelle par l’ensemble des tribunaux de première instance a
connu une évolution à la baisse. En effet, ce taux est passé de 65,25% en
2011 à 57,52% en 2012. Le taux moyen de dossiers vidés au fond en
matière correctionnelle suit la même tendance en passant de 65,25% en
2011 à 53,48% en 2012.
Les meilleurs taux de dossiers vidés ont été réalisés pour la matière
flagrant délit. En effet, le taux de dossiers vidés en flagrant délit s’élève à
92,88% en 2011 à 81,36% en 2012 tandis que le taux de dossiers vidés au
fond en flagrant délit est de 91,87% en 20111 et 80,37 % en 2012 ».
Quant aux Cours d’appels, les chiffres sont moins éclatants. « Au niveau
des Cours d’appel, le taux moyen de dossiers vidés en matière civile et le
taux moyen de dossiers vidés au fond en matière civile ont connu une
tendance à la baisse entre 2011 et 2012 contrairement à la tendance
enregistrée au niveau des TPI. En effet, ces taux passent respectivement
de 6,34% et 5,67% en 2011 à 4,51% et 4,48% en 2012 ».
Pour ce qui concerne les hautes juridictions, en absence de statistiques, le
rapport retient que « l’activité judiciaire n’est pas aussi intense dans
cette juridiction caractérisée par sa lenteur dans le traitement des
pourvois (Cour suprême) ». S’agissant de « La Cour constitutionnelle,
(elle) suscite des réactions mitigées quant à l’impartialité de certaines de
ses décisions, pendant que certains citoyens ne jurent que par elle pour le
salut de la démocratie, d’autres la regardent avec méfiance et critiquent
la partialité de ses décisions. Pour ces derniers, la Cour constitutionnelle
serait non seulement envahissante, mais encore, désormais, régressante
des droits. Elle peut à leur sens être instrumentalisée par les pouvoirs
politiques qui pourvoient à sa composition ». Que retenir alors de la
Haute Cour de Justice ? Lorsqu’on interroge le Rapport, il fait état de ce
qu’elle est : « une Cour certes utile, mais qui n’a jamais connu d’un
dossier » depuis son installation le 15 février 2001.
Le problème d’effectif du personnel judiciaire
Quant au personnel, du Rapport de l’Observatoire, il ressortit que : « Sur
la période 2011-2012, l’effectif des magistrats en poste dans le Tribunaux
de première instance est passé de 133 à 129, tandis que celui des
greffiers est passé de 104 à 182. Le nombre moyen de greffiers pour un
magistrat est de 1,41 en 2012 contre 0,78 en 2011 pour l’ensemble des
TPI et respectivement de 0,96 et 0,88 en 2011 et en 2012 pour l’ensemble
des Cours d’appels. » Le ratio habitants/magistrats « … dans les TPI en
2012 est de 60131 contre 67585 en 2011. Le nombre moyen d’habitants
pour un greffier est de 42620 en 2012. En 2012, 1 magistrat de TPI traite
en moyenne 434,78 dossiers contre 778,75 dossiers en 2011. Au niveau
des cours d’appels, cet agrégat s’élève à 243,96 en 2011 contre 199,46 en
2012. Le taux de dossiers frappés d’appels en matière civile est de 3,7%
contre 0,94% en matière correctionnelle en 2011.
Ces statistiques montrent que des efforts sont faits en 2012 pour une
meilleur satisfaction du justiciable ».
La perception des citoyens
Les appréciations des citoyens sur la justice béninoise sont diverses. « …
il n’est pas rare d’entendre certains déplorer sa lenteur, remettre en
cause sa crédibilité et d’autre encore critiquer la qualité du service qui est
offert. Sur l’effectif interrogé, 38,4% sont satisfaits des services offerts
par le greffe (casier judiciaire, certificat de nationalité, attestation de non
faillite, légalisation, etc.). « Ils sont 13,3% à être satisfaits par la justice
civile, commerciale et sociale ( litige entre particulier, entre entrepreneur,
etc.) et 7,9% par l’accès à l’information (sur les dates d’audiences). En ce
qui concerne la justice pénale, ils sont seulement 2,5% à en être très
satisfaits contre 7,4% qui en sont simplement satisfaits. » On peut
conclure que les défis à relever sont assez importants pour changer la
perception des citoyens vis-à-vis de leur justice.
Les recommandations
Après avoir passé la justice béninoise à la loupe l’Observatoire de la
justice a proposé des recommandations tendant à l’amélioration de l’état
actuel de la Justice béninoise. Ces réformes vont du « nécessaire
renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire » à la « réforme
urgente du Conseil Supérieur de la Magistrature » en passant par « la
nécessaire autonomie financière » du secteur de la justice. Le
« renforcement des moyens des moyens financiers et matériels » ; sans
occulter « la poursuite de l’informatisation du secteur de la Justice » ; le
renforcement du cadre institutionnel du « système pénitentiaire » le tout
basé sur des « réformes législatives », sont entres autres, les
recommandations contenues dans l’ouvrage.
Ecrit sur 200 pages subdivisées en deux parties et plusieurs chapitres, le
Rapport 2013 sur l’état de la Justice au Bénin et la perception des
justiciables, a pu se réaliser grâce à la participation du Centre Afrika
Obota, du Credij, du DHPD-ONG et de OSIWA. L’Observatoire est
composé des personnalités ci-après : Arsène CAPO-CHICHI ; Hortense
BANKOLE ; Angelo HOUNKPATIN ; Véronique AKANKOSSI DEGUENON ;
Marie José De DRAVO ZINZINDOHOUE ; Olawolé Siam ODOUWO ; Agnès
Pauline ZANOUVI GRIMAUD ; Clément ADECHIAN ; Paul AYEMONNA ;
Samuel O. BATCHO ; Enrico COLOMBO ; Placide GANMAVO ; Olivier
Fortuné GHEZO ; Réné Louis KEKE ; Serge PRINCE AGBODJAN et de
Lambert Guy YEKPE.
Il est à espérer que le premier rapport de cette structure ne soit pas le
dernier !
Justitia, bulletin béninois d’information juridique, édité par le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), ©
Armand BOGNON
Juriste
Page 1
Justitia n° 14 Juillet 2014
Parole d’expert • Le règlement des litiges dans le secteur
informel et le droit OHADA : une défiance cordiale.
Les réformes du droit OHADA
s’intensifient et s’amplifient.
Pourtant, en matière de règlement des litiges, une
interrogation surgit : qui recourt au droit OHADA ? Ce ne
sont sans doute pas les acteurs du secteur informel. Or, ce
secteur procure plus 55% du PIB des États membres et plus
de 80% des emplois dans les villes. Une enquête commandée
par le CREDIJ s’est déroulée du 1er au 30 mai 2013 a porté
sur une population de 400 personnes à raison de 200 en
République du Bénin et de 200 en République du Togo, États
membres fondateurs de l’OHADA.
Dans l’ensemble, 74,7% des personnes interrogées déclarent
n’avoir aucune connaissance du droit OHADA et, en
particulier, des règles en matière de règlement des litiges
contre 1% qui affirment en avoir une parfaite connaissance.
21, 6 % affirment néanmoins en avoir quelques notions alors
que 2,6% en auraient une connaissance moyenne. Il s’est
instauré une double défiance. La première apparaît comme
une défiance normative, la seconde s’analyse comme une
défiance institutionnelle.
1°) La défiance normative. L’enquête révèle que 83,3% des
personnes interrogées ne recourent pas au droit OHADA
pour régler les litiges générés par les transactions auxquelles
elles prennent part. Seules 16,7 % y recourent. Elles
expliquent cette situation par le fait que les règles de
règlement des conflits inspirées de l’OHADA sont inadaptées
ou qu’elles manquent de souplesse.
2°) Une défiance institutionnelle. Le recours à un « tribunal
OHADA » entendu comme un organe juridictionnel interne
(tribunaux de première ou de grande instance, cours
d’appel) ou régional (Cour commune de justice et
d’arbitrage), étatique ou privatisé (arbitrage, ad’hoc ou
institutionnel), n’a pas non plus les faveurs des personnes
interrogée. Seulement 16,6 % des personnes interrogées y
recourent contre 83,6% qui affirment ne pas y recourir. En
réalité, à l’égard des transactions informelles, se
développent des modes informels de résolution des litiges.
Ces modèles se rapprochent plutôt de la conciliation ou de la
médiation, plus souples parce que spontanées. Confiée au
leader religieux, aux notables professionnels, aux
responsables de la communauté du métier ou du marché, la
résolution informelle des litiges ne paraît pas avoir perdu les
lustres dans lesquels les temps et la confiance des acteurs
l’ont installée.
3°) Droit Ohada : élitiste ou démocratique ? L’enthousiasme
des deux décennies de l’expérience de l’intégration juridique
OHADA doit être modéré au regard des résultats de la
présente étude. Aussi heureuse qu’elle soit, cette expérience
n’est point encore glorieuse. Les règles établies en ce qui
concerne la résolution des litiges semblent en effet attendre
que la réalité concrète aillent vers elles au lieu qu’elles
accomplissent le mouvement inverse. Elles apparaissent
comme le droit de l’autre au lieu d’être le droit de soi ; le droit
de la superficie au lieu d’être le droit de la profondeur. Le
profil juridique « ohadien » semble laisser s’éloigner des
transactions domestiques pour s’intéresser en définitive à
celles intéressant le commerce international en raison de ce
qu’elles saisissent la grande exploitation des ressources
naturelles ou la grande consommation des produits importés.
Le défi des juristes pourrait être de transformer dans les
années à venir ce qui apparaît plutôt comme un droit élitiste,
en droit démocratique.
Joseph DJOGBENOU
Agrégé des facultés de droit
Avocat
Commentaire d’arrêt • Grève – Exercice – Grève des salariés exigeant
démission Directeur Général nommé par Conseil d’Administration –
Revendication injustifiée – Grève illicite – Faute lourde –
Licenciement légitime.
Le droit de grève est un droit constitutionnel, mais qui s’exerce
dans les conditions fixées par la loi. Est illicite et constitutive de
faute lourde la grève d’une partie du personnel d’une banque
ayant pour revendication la démission d’un nouveau Directeur
Général nommé par le conseil d’administration.
Jugement n°14/2005 du 15 Mai 2006 du Tribunal de
première instance de Cotonou
GNONLONFOUN Monique et autres (Mes Michel Christian
AGBINKO, Joseph DJOGBENOU et Bertin AMOUSSOU) C/
FINANCIAL BANK (Me Agnès CAMPBELL et Simplice DATO)
Tribunal de première instance de Cotonou, première chambre
sociale
Rôle Général N°072/2005
Jugement contradictoire en premier ressort prononcé le 15
Mai 2006 en audience publique.
PRÉSIDENT : Geneviève BOCCO NADJO.
MINISTERE PUBLIC : Onésime MADODE.
GREFFIER : Me Raoul G. HOUNSOU.
DEBATS : le 13 Juin 2005 en audience publique.
PARTIES EN CAUSE.
DEMANDEUR : GNONLONFOUN Monique et autres,
comparants à l’audience assistés de Maître Michel Christian
AGBINKO, Joseph DJOGBENOU et Bertin AMOUSSOU, Avocats
à la Cour;
DEFENDERESSE : FINANCIAL BANK, assistée de Maîtres Agnès
CAMPBELL et Simplice DATO.
LE TRIBUNAL
SUR LES FAITS
Attendu qu’à l’appui de leurs prétentions les demandeurs
exposent :
Que par décision n°118/CB/C en date du 16 Décembre 2002
de la Commission Bancaire de l’UEMOA et par arrêté
N°317/MFE/DC/SGM/DCTCP/DANF/BMC du 31Mars 2003 du
Ministère des Finances et de l’Économie, la FINANCIAL BANK
BÉNIN a été mise sous administration provisoire.
Page 2
Que par arrêté n°950/MFE/DC/ SGM//DCTCP/DANF/BMC du
22 juillet 2004, du Ministère des Finances et de l’Économie a
levé l’administration provisoire de la FINANCIAL BANK
rétablissant de la sorte les organes d’administration, de
direction et de gestion de ladite banque.
Que le 29 Juillet 2004, le Conseil d’Administration s’est réuni
pour doter la banque de nouveaux responsables.
Que c’est ainsi que Jean-Luc LABONTE, précédemment
Directeur Central de l’exploitation de la banque, fut désigné
Directeur Général.
Que cette nomination n’a pas rencontré l’assentiment du
personnel qui reprochait au directeur désigné des pratiques
peu orthodoxes qui à terme renforceraient les difficultés
desquelles la banque tentait de se relever.
Que le 30 Juillet 2004, l’ensemble de ce personnel adressa au
Président du Conseil d’Administration une pétition exposant
les griefs articulés contre Jean-Luc LABONTE.
Que cette démarche n’a pas empêché l’installation et la
confirmation du nouveau directeur contesté dans ses
fonctions.
Que le 03 Août 2004, le personnel servit une motion de grève
pour exiger la démission de Jean-Luc LABONTE.
Que c’est à cette occasion que Jean-Luc LABONTE initia le 05
Août 2004 une rencontre avec le syndicat et les délégués du
personnel à l’issue de laquelle il s’engagea à ne recourir à
aucune sanction ni affectation contre le personnel.
Que le même jour, le Directeur Général de la banque prit la
note de service N°408/DG/008 par laquelle il s’insurgea contre
la motion de grève déposée par le personnel tout en
menaçant de sanctionner tout employé qui observera un arrêt
de travail :
Que la volonté de l’employeur de donner effet à sa note de
service conduit les travailleurs à réitérer, le 06 Août 2004, leur
décision d’observer un arrêt de travail.
Que le 12 Août 2004 devait intervenir entre la CSA-BÉNIN, la
FESTRA BANK, les Administrateurs et la Direction Générale de
la FINANCIAL –BANK un protocole d’accord stipulant la reprise
du travail pour le vendredi 13 Août 2004 et assurant aux
travailleurs une « garantie de sécurité » en ce qui concerne les
mutations, les sanctions et les défalcations pour fait de grève
(Pièces N°10 des demandeurs).
Que le 17 Août 2004, 25 agents étaient licenciés et plus tard,
14 autres au fur et à mesure de leur retour de congé pour «
arrêt de travail sans motif légal et légitime ».
Que suite au licenciement de leurs collègues pour fait de
grève, tous les employés optèrent le 19 Septembre 2004 pour
une reprise du mouvement de grève.
Qu’ils concluent, qu’il plaise au Tribunal : déclarer que le
licenciement pour motif de grève employé par la
FINANCIALBANK BÉNIN est irrégulier en la forme et abusif
quant au fond.
Leur adjuger l’entier bénéfice de leurs réclamations contenues
dans leur procès-verbal de non-conciliation respectif; Attendu
qu’en réplique, la FINANCIAL-BANK BÉNIN, par l’intermédiaire
de son conseil, Maître Agnès CAMPBELL, fait constater :
Que des employés ne peuvent en aucun cas faire grève pour
exiger la démission de leur employeur.
Que le mouvement de grève du 12 Août 2004 est irrégulier en
la forme et a un motif illégal.
Que le mouvement n’a pas été suivi de la même manière par
tous les employés.
Qu’en cette matière, l’employeur a le pouvoir de sanctionner
différemment les employés ayant commis la même faute, sans
qu’il ne soit possible de taxer le licenciement de
discriminatoire.
Que LOKOSSOU Gaston s’est désisté de son instance.
Elle demande, dès lors, au Tribunal :
de déclarer que le licenciement des demandeurs est
régulier en la forme et légitime au fond;
de débouter ces derniers de toutes leurs demandes,
fins et conclusions.
MOTIFS SUR LE LICENCIEMENT
Attendu que le droit de la grève est prévue par l’article 13 de
la Constitution Béninoise du 11 Décembre 1990, ne peut
s’exercer que dans les conditions fixées par la loi :
Que le code du Travail, la Convention Collective, et la loi 200109 du 21 Juin 2002 portant exercice du droit de grève en
République du Bénin, fixent les modalités de la procédure à
suivre pour déclencher un mouvement de grève.
Attendu que la grève peut se définir comme étant une
cessation concertée et collective du travail en vue de faire
aboutir des revendications salariales.
Qu’il en découle que la grève doit avoir un caractère
professionnel, c’est-à-dire, tendant à améliorer les conditions
de vie ou de travail du salarié.
Attendu qu’en l’espèce les salariés n’ont formulé aucune
revendication sur leurs conditions de rémunération ou sur
leurs conditions de travail.
(Suite page 3)
Justitia, bulletin béninois d’information juridique, édité par le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), ©
Justitia n° 14 Juillet 2014
2012
Attendu que la grève peut se définir comme étant une
cessation concertée et collective du travail en vue de faire
aboutir des revendications salariales.
Qu’il en découle que la grève doit avoir un caractère
professionnel, c’est-à-dire, tendant à améliorer les
conditions de vie ou de travail du salarié.
Attendu qu’en l’espèce les salariés n’ont formulé aucune
revendication sur leurs conditions de rémunération ou sur
leurs conditions de travail.
Que le but de leur mouvement était essentiellement le
départ du Directeur Général, régulièrement nommé par le
Conseil d’Administration de la Société FINANCIAL BANK.
Attendu que le mouvement du personnel avait donc pour
objectif de s’ingérer dans la direction de la société :
Qu’en leur qualité d’employés, ils sont mal fondés à vouloir
imposer leur point de vue sur une question ne relevant pas
de leur compétence.
Attendu que ce comportement crée un préjudice certain à la
société et porte atteinte à son image de marque.
Que nous sommes en présence d’une faute lourde.
Que dès lors le licenciement, intervenu est fondé.
Attendu que des pièces du dossier, il ressort que les
prescriptions légales ont été respectées dans la procédure
du licenciement.
Qu’il y a lieu de rejeter les prétentions des litis consorts «
GNONLONFOUN Monique ».
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière
sociale et en premier ressort.
EN LA FORME
Reçoit l’action des litis consorts GNONLONFOUN Monique.
AU FOND
Constate que les demandeurs ont observé un mouvement
de grève du 09 au 12 Août 2004.
Constate que le licenciement est intervenu non pas en raison
d’une faute lourde commise au cours du mouvement
collectif mais en raison du motif de la grève.
Constate que le motif de la grève querellée est mal fondé et
s’analyse en l’espèce en une ingérence dans la direction du
FINANCIAL BANK.
Constate dès lors, que les demandeurs ont fait usage abusif
du droit de grève.
Déclare que ce comportement est constitutif d’une faute
lourde.
Constate que le licenciement des demandeurs est intervenu
dans les formes et prescriptions légales.
Constate que les certificats de travail leur ont été délivrés en
bonne et due forme par l’employeur.
Rejette par conséquent toutes leurs demandes, fins et
conclusions.
Délai d’appel : 15 jours.
Ont Signé.
LE PRÉSIDENT.
LE GREFFIER.
NOTE
L’immunité dont jouit le salarié qui exerce régulièrement son
droit de grève cesse en cas de mouvement illicite. Par
ailleurs, les grèves, mêmes licites, se terminent souvent pas
des accords entre employeurs et grévistes. A côté de ces
certitudes, demeurent parfois des zones de controverses.
D’abord où se situe la frontière entre la grève licite et le
mouvement illicite ? Ensuite, quelle est la portée normative
des accords conclus à l’issue des grèves ? Le jugement
N°14/2005 du tribunal de Cotonou apporte des éléments de
réponse à ces interrogations, même s’il est possible
d’émettre des réserves sur la solution retenue.
La décision a été rendue dans les circonstances suivantes.
Après une période de mise sous administration provisoire de
la Financial BANK BÉNIN, il avait été décidé de rétablir les
organes d’administration, de direction et de gestion de ladite
banque. A cet effet, le Conseil d’administration s’est réunie le
29 juillet 2004 pour doter la banque de nouveaux
responsables.
Le précédent Directeur de l’exploitation de la banque fut
désigné Directeur général.
Cette désignation n’a pas rencontré l’assentiment du
personnel qui lui reprochait des pratiques peu orthodoxes
qui à terme, renforceraient les difficultés desquelles la
banque tentait de se relever. Une pétition a été à cet effet
adressée au Président du Conseil d’Administration.
Néanmoins, le nouveau directeur a été confirmé dans ses
fonctions. C’est alors que le « personnel servit une motion de
grève pour exiger la démission » du directeur. Une rencontre
fut alors organisée le 5 août 2004 avec les syndicats et les
délégués du personnel à l’issue de laquelle le directeur pris
l’engagement de ne recourir à aucune sanction ni affectation
contre le personnel.
Contrairement à cet engagement, il continua de menacer les
salariés de sanctions disciplinaires, ce qui déclencha un
mouvement de grève. Un protocole d’accord interviendra le
12 août 2004 entre la direction de la Banque, les
administrateurs, la CSA-BÉNIN et la Financial BANK. Ce
protocole stipulait la reprise de travail pour le vendredi 13
août 2004 et assurait aux travailleurs une garantie de
sécurité en ce qui concerne les sanctions et les défalcations
pour fait de grève. Malgré tout, le 17 août 2004 et plus tard,
au total 39 salariés seront licenciés pour arrêt de travail sans
motifs légal et légitime. Les salariés saisissent alors
l’inspecteur du travail en vue de la tentative de négociation.
Cette tentative ayant échoué, les salariés ont saisi le juge
pour licenciement irrégulier en la forme et abusif au fond.
Le défendeur, l’employeur, soutient que « les salariés ne
peuvent en aucun cas faire la grève pour exiger la démission
de l’employeur ». Il en déduit que la grève est irrégulier en la
forme et a un motif illégal.
Il se pose alors deux questions essentielles. La première est
celle de savoir si la grève ayant pour motif l’opposition des
salariés à la nomination d’un directeur auquel ils reprochent
des pratiques dans les fonctions antérieures au sein de
l’entreprise est ou non licite. La seconde, il faut le rappeler,
est celle de la portée normative de l’accord conclu entre
l’employeur et les salariés à l’occasion d’une grève.
Le tribunal après avoir défini la grève, relève que les salariés
n’ont formulé aucune revendication sur les conditions de
rémunération ou de travail et que le but essentiel du
mouvement est le départ du directeur général, ce qui
constitue une ingérence dans la direction de la société. Il en
conclut que les salarié ont porté atteinte à l’image de la
société et ont commis une faute lourde. Le licenciement est
donc justifié.
La décision commentée est importante par ce qu’elle dit, mais
aussi par son silence.
En effet, elle précise que la grève effectuée en contestation
d’une décision relevant de la compétence du conseil
d’administration, notamment la démission du directeur, n’est
pas licite. Mais elle ne prend pas position sur le fait qu’à la fin
de la grève, un protocole d’Accord est intervenu pour éviter aux
salariés les mutations, sanctions et les défalcations pour fait de
grève (Pièce N°10).
Pour tenir compte de ces deux aspects il importe d’examiner la
licéité du licenciement au regard du régime de la grève en
général (II) et la portée normative des accords de fin de grève
(II).
I) La licéité du licenciement au regard du régime de la grève
S’il est établi que la grève ne peut avoir qu’un objet
professionnel (A), encore faut-il préciser le contenu de cette
notion (B).
A) L’exigence d’un objet professionnel
Cette exigence résulte de la définition doctrinale de la grève. Il
faut relever que le législateur béninois n’a pas défini la notion
de grève quand bien même cette institution est réglementée
par la loi N°2001-09 du 21 juin 2001. Cette situation se
comprend, la définition retenue en général en droit positif ne
suscitant pas de contestation particulière. En effet, la grève se
définit comme une cessation concertée et collective du travail
en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Soc. 18
juin 1996, Bull. civ, V, N°243). « Il peut s’agir de l’amélioration
des conditions de travail, du paiement des heures
supplémentaires, de l’exercice du droit syndical, (Soc. 18 janvier
1995, Bull. civ. V, N°27) de demandes tendant à l’organisation
des élections professionnelles dans l’entreprise, (Soc. 15 janvier
2003, JSL N°121; 8 avril 2003, p. 25) mais aussi des
revendications liées à la défense de l’emploi : contestation d’un
plan de restructuration Soc. 20 mai 1992, Bull. civ. N°319 une
menace sur l’emploi (Soc. 4 avril 1990, Bull. civ. V, N°156; Alain
Coeuret, Bernard Gauriau, Michel Miné, « Droit du Travail », S.
2006, p. 627);
La décision à commenter relève l’exigence des revendications
professionnelles. En effet, après avoir défini la grève « comme
étant une cessation concertée et collective du travail en vue de
faire aboutir des revendications professionnelles », le juge en
déduit que « la grève doit avoir un caractère professionnel,
c’est-à-dire tendant à améliorer les conditions de vie ou de
travail du salarié ».
Sans qu’il soit a priori possible de contester la définition et la
précision apportées par le jugement, il faut se demander ce
qu’il convient d’entendre par l’amélioration des conditions de
vie ou de travail du salarié.
B) Le contenu de la notion
Manifestement, selon la décision à commenter, le mouvement
ayant pour but « le départ du directeur général, régulièrement
nommé », mouvement ayant donc « pour objectif de s’ingérer
dans la direction de la société » ne tend pas à l’amélioration
des conditions de vie ou de travail des salariés et ne constitue
donc pas une revendication professionnelle.
Deux interrogations méritent d’être faites. La première est celle
de savoir s’il est certain que le mouvement demandant le
départ du Directeur général est exclusif de la recherche de
l’amélioration des conditions de vie des salariés ? La seconde
consiste à se demander si la grève exclut nécessairement une
ingérence dans les compétences de l’employeur ?
Il n’est pas certain qu’une réponse négative s’impose à
chacune des deux questions d’autant plus que dans le cas
d’espèce, le personnel a adressé au conseil d’administration
une pétition exposant les griefs articulés contre le Directeur,
griefs fondés sur ses pratiques antérieures et qui «
renforceraient les difficultés desquelles la banque tentait de
se relever ».
Les faits exposés par les salariés sont-ils étrangers à leurs
préoccupations quotidiennes ? A supposer avérés les griefs
formulés, cette situation n’est-elle pas de nature à
compromettre la stabilité de leur emploi dans l’avenir. Ne
dit-on pas qu’il vaut mieux prévenir que guérir ?
A titre de droit comparer l’article L 2323-78 du code du
travail en France reconnaît au comité d’entreprise un droit
d’alerte lorsqu’il a connaissance des faits de nature à
affecter de manière préoccupante la situation économique
de l’entreprise. Ce droit ne suggère-t-il pas que le salarié ne
doit pas être considéré comme un étranger qui ne devra
nullement s’inviter dans les problèmes qui relèvent de la
compétence de l’employeur ?
Il est à noter que la grève politique, en principe illicite, est
requalifiée de grève mixte et donc licite lorsque les
revendications « sont étroitement liées aux préoccupations
quotidiennes des salariés au sein de l’entreprise (Soc. 29 mai
1979,Bull. civ. V, N°464 »).
Il faut souligner que la grève n’exclut pas une ingérence dans
les compétences de l’employeur. Seulement, il faut vérifier si
la mise en oeuvre concrète de cette compétence, a ou non
d’incidences probablement néfastes sur la situation des
salariés.
Il est possible de retenir qu’il y a eu une conception stricte de
la notion de revendications professionnelles, ce qui ne
concourt pas à la protection du droit de grève.
En France, la cour de cassation a considéré que la défense du
mode d’exploitation du réseau des transports urbains
constitue, pour les salariés une revendication d’ordre,
professionnel : « Qu’en statuant ainsi, alors que la défense
du mode d’exploitation du réseau des transports urbains
constituait, pour les employés de la RTM, établissement
public industriel et commercial, une revendication d’ordre
professionnel et, que la capacité de l’employeur à satisfaire
les revendications des salariés est sans incidence sur la
légitimité de la grève, la cour d’appel a violé les textes
susvisés »( Soc. 23 octobre 2007, Bull. civ. N°169.).
On le constate, dans cette espèce les salariés protestaient
également contre une décision qui ne relevait pas de leur
compétence. Tout comme dans le jugement commenté, la
décision a été prise par l’organe de délibération, le Conseil
d’Administration.
Il paraît à notre avis établi que l’ingérence dans la
compétence d’un organe délibérant ne saurait caractériser
l’illicéité de la grève.
Discutable au regard de la réglementation de la grève en
général, le licenciement pourrait soulever aussi des difficultés
quant à la portée des accords de sortie de grève.
II) La portée normative des Accords de sortie de grève
Il est vrai, le juge ne dit rien sur la question. Les faits du
jugement invitent pourtant à se prononcer sur cette question
qui aurait pu donner une autre tournure à la décision.
En effet, les accords de sortie de grève constituent une
source du droit en droit du travail (A). A cet effet, ils
s’imposent à l’employeur (B).
A) Les accords de sortie de grève, une norme atypique
Les accords de fin de grève comportent des contenus très
variables. A « coté des dispositions aménageant le statut
collectif du personnel de façon permanente, il peut
comporter des mesures circonstancielles liées aux
conséquences immédiates du conflit » (Lamy Social, Sous la
direction de Camille GOAGUEN et Catherine GIRODROUX,
2009, N°3666).
Ces accords peuvent être signés par les syndicats, le comité
d’entreprise, les délégués du personnel ou simplement par le
comité de grève ou les salariés directement consultés (Jean
Justitia, bulletin béninois d’information juridique, édité par le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), ©
(Suite à la page 4)
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Justitia n° 14 Juillet 2014
2012
Pelissier, Alain Supiot et Antoine Jeammaud, « Droit du travail
», op. cit. p. 128). Dès lors il se pose le problème de leur
nature juridique. On le sait, les conventions collectives ou
accords collectifs sont de la compétence exclusive des
syndicats, sauf aujourd’hui, dérogation légale spéciale dans
certaines législations, notamment en France. Doit-on alors
considérer ces accords comme de simples accords de droit
privé qui n’obligeraient que les seuls signataires c’est-à-dire
les personnes présentes et qui ont personnellement apposé
leur signature ? La cour de cassation en France rejette cette
analyse (Jean Pelissier, Alain Supiot et Antoine Jeammaud,
préc, p. 128). Qui aurait eu pour conséquence de limiter sa
force obligatoire aux seuls signataires.
Selon la doctrine, ces actes sont des accords atypiques ou
encore des engagements unilatéraux de l’employeur (Jean
Pelissier, Alain Supiot et Antoine Jeammaud, préc. p. 128.). «
Ceux-ci sans référence à une quelconque pratique
apparaissent parfois sans que l’employeur n’ait pris
suffisamment garde à l’occasion d’une réunion du comité
d’entreprise (promesse d’augmentation) ou dans une
circulaire interne » (Alain Coeuret, Bernard Gauriau, Michel
Miné, « Droit du Travail », op. cit. p. 18).
Quelle que soit la nature juridique retenue, il est constant qu’il
y a eu dans le cadre du jugement du 15 mai 2006 un accord
entre les parties. Et suivant les faits non contestés du
jugement, le protocole d’accord stipulait « la reprise du travail
le vendredi 13 août 2004 et assurant aux travailleurs une
garantie de sécurité en ce qui concerne les mutations, les
sanctions et les défalcations pour fait de grève ».
Est-il possible dans ces conditions que des sanctions, dont le
licenciement, puissent intervenir en violation de cet accord ? Il
est possible d’en douter car les accords atypiques ou encore
engagements unilatéraux de l’employeur ont une force
obligatoire.
B) La force obligatoire des engagements unilatéraux ou
accords atypiques
En pratique, les accords de fin de conflits contiennent des
clauses relatives à la rémunération et au paiement des droits
de grève, ainsi qu’à l’absence de sanction l’égard des
grévistes » (Lamy social préc. 3666). Il faut remarquer que le
contenu de l’Accord du 12 août 2004 répond à ces éléments.
L’employeur qui ne respecte pas les engagements qu’il a pris
dans l’accord de fin de grève peut se voir condamner à verser
des dommages et intérêts aux salariés (Soc. 2 décembre 1992,
Bull. civ. N°579).
La force obligatoire de l’engagement unilatéral fonde les
salariés à obtenir le bénéfice de cet engagement (Soc. 4 avril
1990 Dr. social 1990, 803).
Il a été jugé que la déclaration commune intervenue dans le
cadre des mesures destinées à mettre un terme à une grève
émanant des organisations patronales qui ont négocié le
protocole de fin de conflit et comportant un engagement
fermement réitéré par lesdites organisations constitue une
recommandation patronale.
Dès lors, elle présente un caractère obligatoire et s’impose à
tous les employeurs adhérents au syndicat patronal.
L’employeur peut-il, au regard de ce qui précède, prononcer des
sanctions disciplinaires au mépris des engagements qu’il a pris
de ne point y recourir ? A supposer même illicite la grève
déclenchée par les salariés, l’engagement pris par l’employeur
ne suffit-il pas à le lier ? A notre avis et à la lumière des
décisions rapportées, une réponse positive s’impose.
En conclusion, le droit de grève est un droit fondamental qui
doit être regardé avec précaution. Il est garanti par la
Constitution de la République du Bénin. En France, « Le juge
constitutionnel … se montre extrêmement prudent face à toute
disposition nouvelle susceptible d’entraver fût-ce indirectement,
le recours à la grève » (Alain Coeuret, Bernard Gauriau, Michel
Miné, « Droit du Travail », op. cit. p. 624). Le droit de grève a
rang de droit « social particulièrement nécessaire à notre temps
» (Alain Coeuret, Bernard Gauriau, Michel Miné, idem).
Une interprétation trop restrictive d’un droit constitutionnel
pourrait aboutir à le vider de sa substance. Certes, il faut éviter
que la grève n’aboutisse à des dérapages à ou ne compromette
les équilibres institutionnels. Mais nous ne pensons pas que ce
risque soit avéré dans la décision commentée.
Recueil de jurisprudence sociale au Bénin, Édition 2011 sous
la direction du consultant Noël A. GBAGUIDI, professeur
agrégé de droit privé.
Focus • Entrée en vigueur du « Protocole facultatif à la Convention
relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de
communications » : Un grand pas des nations Unies à soutenir ! Le
Parlement béninois vivement attendu.
Saluons avec grand espoir l’entrée en vigueur d’un nouveau
traité qui permet aux enfants de se plaindre directement au
Comité des Nations Unies sur les allégations de violations de
leurs droits.
Le traité, connu sous le nom de « Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l'enfant établissant une
procédure de communications » est entré en vigueur le 14
avril 2014 dernier après sa ratification par les 10 pays requis:
Albanie, Bolivie, Gabon, Allemagne, Monténégro, Portugal,
Espagne, Thaïlande, la Slovaquie et le Costa Rica. Cela
marque le début d'une nouvelle ère pour les droits de
l'enfant. Ce Protocole facultatif leur reconnaît la capacité
d’exercer et de revendiquer leurs propres droits.
C'est une triste réalité que, 25 ans après l'adoption de la
Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies,
les droits de l'enfant continuent quotidiennement d'être
violés. Nous espérons que ce nouveau traité donnera une
voix aux témoignages des enfants et les aider à obtenir la
réparation nécessaire aux différentes violations dont ils sont
victimes. Nous félicitons les États qui, en ratifiant ce
protocole, ont confirmé leur détermination à améliorer
l'accès des enfants à la justice. Le Bénin, notre pays est
vivement attendu sur ce terrain. Une procédure d’urgence
de ratification ne ferait que du pays aux enfants béninois.
Il importe de préciser que le nouveau protocole permet aux
enfants et à leurs représentants de déposer des plaintes
auprès du Comité des droits de l'enfant sur les violations
spécifiques de leurs droits en vertu de la Convention relative
aux droits de l'enfant, ainsi qu’aux termes de ses deux autres
Protocoles facultatifs (sur la participation des enfants dans
les conflits armés et la vente d'enfants, la pornographie
impliquant des enfants et la prostitution des enfants). Mais
les enfants ne peuvent se plaindre si leur gouvernement a
ratifié le Protocole facultatif sur une procédure de
communication, et s’ils ont épuisé tous les recours juridiques
interne dans leur propre pays.
La Convention relative aux droits de l'enfant est le traité le plus
ratifié de toutes les conventions des droits de l'homme. Nous
espérons que ce nouveau Protocole facultatif va bientôt
atteindre la ratification universelle. Ratification signifie que les
Etats prennent leurs obligations au sérieux et sont prêts à tout
contrôle concernant des allégations de violations des droits de
l'enfant.
Pour atteindre les enfants les plus vulnérables et marginalisés,
le Protocole facultatif devrait être largement diffusé et les pays
devraient informer le public et de sensibiliser les enfants de
leur droit de porter plainte et de demander réparation.
NOUNAWON KEKERE Djidjoho Hermann
Volontaire International de la Francophonie (OIF)
Assistant de Projets en droit et Protection Des Droits de
l’enfant
Bucarest – ROUMANIE
Nous remercions tous ceux qui ont sponsorisé JUSTITIA jusqu’à ce jour :
Pour leur soutien financier, nos remerciements à :
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Abdel Aziz BETE - Chimène GODONOU - Nathalie SOSSOU
Coordination
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Conseil juridique
Serge PRINCE AGBODJAN, juriste d’entreprise
Conseil scientifique
Me Joseph DJOGBENOU, Agrégé de facultés de droit
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JUSTITIA – CIPB
85, avenue Steinmetz
03 BP 4304 / Tél. (0229) 21 31 47 67
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N° 2002/2165/MISD/DC/SG/DAI/SAAP
Tirage 2.000 exemplaires
Justitia, bulletin béninois d’information juridique, édité par le Conseil des Investisseurs Privés au Bénin (CIPB), ©