L`alimentation des seniors

Transcription

L`alimentation des seniors
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L’alimentation
des seniors
Prévenir la sarcopénie
et la dénutrition
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R
SOMMAIRE
4
8
12
16
18
20
Sommaire
21
24
I. LE SENIOR, UN OMNIVORE PAS COMME LES AUTRES
II. CONSOMMATION DE VIANDE
CHEZ LES SENIORS ET CONTRIBUTION
AUX APPORTS NUTRITIONNELS
III. NUTRITION ET VIEILLISSEMENT :
DES BESOINS SPÉCIFIQUES
IV. PRÉVENIR LA SARCOPÉNIE
V. PRÉVENIR LA DÉNUTRITION
VI. OUTILS D’ÉVALUATION DE L’ÉTAT
NUTRITIONNEL
VII. BIBLIOGRAPHIE
LE POINT SUR LA VIANDE : EVOLUTION
DES CONSOMMATIONS ET VALEURS
NUTRITIONNELLES
REMERCIEMENTS À :
- PR BRUNO LESOURD, CLAIRE SULMONT-ROSSÉ, PR YVES BOIRIE
POUR LEURS CONTRIBUTIONS À CE NUMÉRO ;
- DR BERNARD CHARDON ET PR STÉPHANE SCHNEIDER POUR LEURS
RELECTURES ATTENTIVES.
3
I.
LE SENIOR, UN OMNIVORE
PAS COMME LES AUTRES
Vieillissement
oblige, le senior doit répondre à des
besoins nutritionnels très spécifiques.
Regards croisés
Pr Bruno Lesourd, gériatre
nutritionniste au CHU de Clermont-Ferrand, et
Claire Sulmont-Rossé, chercheur en sciences du goût
et de l’alimentation à l’Inra de Dijon.
de deux spécialistes : le
Derrière le terme de « senior », il est nécessaire
de distinguer deux réalités très différentes :
le jeune senior, la soixantaine, bien en forme
et actif, chez lequel il convient néanmoins
de prévenir certaines pathologies comme
l’ostéoporose ou la sarcopénie ; et le senior
plus âgé (on parle parfois de « quatrième
âge » pour ces personnes généralement âgées
de plus de 75 ans), qui peut être fragilisé.
Quelles sont les spécificités à prendre en
compte quand on s’intéresse à l’alimentation
des seniors ?
Professeur Bruno Lesourd : La première
spécificité me semble être la perte d’appétit.
Une partie des personnes âgées ne mange
plus assez : 2 à 4 % des hommes vers 70 ans,
et 10 à 20 % des femmes par exemple à 75 ans
(De Groot et al., 1999, 2002). Après 80 ans, ces
chiffres s’élèvent à plus de 10 %. Les causes
sont multiples : perte de goût et d’odorat,
difficultés de mastication ou de dentition,
etc. Mais la première cause me semble être
la difficulté pour le senior à réguler son
appétit : si on se rapporte aux travaux de
la Tufts Université de Boston (Roberts et
al., 1994), après une période de restriction
alimentaire de l’ordre de 30 % les sujets de
20 ans compensent en mangeant davantage,
tandis que les personnes de 68 ans restent sur
le même niveau d’apports. Même constat dans
l’autre sens : après une période d’abondance,
4
les jeunes réduisent leurs apports et perdent
le surpoids acquis, tandis que les personnes
âgées continuent à manger davantage. Ainsi,
la régulation n’existe plus passé un certain âge,
avec un corollaire négatif (le danger d’une
anorexie qui s’installe) et positif (en forçant
l’appétit, on peut relancer une alimentation
suffisante). Mais dans tous les cas, la présence
d’intervenants extérieurs incitant à manger
est indispensable,
la personne âgée LES BESOINS NUTRITIONNELS
ne pouvant plus DES SENIORS NE SONT PAS
compter sur les DIMINUÉS MALGRÉ UNE
signaux que lui ACTIVITÉ PHYSIQUE MOINDRE.
envoie son corps.
Autre spécificité : à l’inverse de croyances
malheureusement encore profondément
enracinées, les besoins nutritionnels des
seniors, notamment en termes de calories
et de protéines, ne sont pas diminués,
malgré une activité physique généralement
moindre. En effet, la baisse physiologique
du rendement énergétique compense des
dépenses inférieures. Pourtant, beaucoup
de paramètres convergent pour entraîner
la personne âgée vers l’attitude contraire,
et donc la sous-alimentation : le corps qui,
par fatigue et diminution de la sensation de
faim, pousse la personne âgée à des dîners
trop légers ; le désœuvrement qui conduit
facilement au grignotage, cassant le rythme
des repas et réduisant l’appétit au dîner ;
les établissements où la standardisation
des plateaux peut amener à supprimer
certains aliments que la personne avait pour
habitude de consommer chez elle (morceau
de fromage ou tranche de saucisson
matinale par exemple) et qui participaient
à la couverture des besoins quotidiens en
D
protéines et en calories ; et enfin, la baisse de
l’activité physique, alors que cette dernière
augmenterait les besoins et l’appétit.
Claire Sulmont-Rossé : D’un point de
vue sensoriel, le vieillissement peut
s’accompagner d’une modification de la
capacité à percevoir les caractéristiques
organoleptiques d’un aliment, à savoir son
arôme, sa saveur et sa texture. En effet, l’âge
favorise un déclin des sens de l’olfaction et
de la gustation et une dégradation de l’état
bucco-dentaire (perte de dents, modification
de la salive, apparition de troubles de la
déglutition).
Au-delà de ces modifications physiologiques,
la vie d’une personne âgée est marquée par des
« moments de rupture » (retraite, apparition
d’incapacités physiques ou psychiques,
veuvage, etc.) susceptibles de bouleverser ses
habitudes de vie et en particulier ses habitudes
alimentaires (Cardon, 2009). Cardon et Gojard
(2009) ont, par exemple, montré que la
délégation à un tiers (membre de la famille
ou aide ménagère) d’une partie des activités
alimentaires suite à l’apparition d’incapacités
physiques ou psychiques entraînait une
diminution de la variété alimentaire. Cardon
(2009) a également montré que le veuvage
modifiait les habitudes alimentaires de la
personne restante avec une disparition des
plats « mijotés » et des pâtisserie maison,
porteurs de convivialité et de sociabilité,
et chez les veufs, une augmentation de la
consommation de plats préparés ou surgelés.
Enfin, l’apparition de troubles psychologiques
(dépression, déficience intellectuelle liée à
l’âge) peut également affecter l’appétit et
la prise alimentaire des personnes âgées
(Huffman, 2002).
Les seniors ont-ils des besoins nutritionnels
spécifiques ?
Professeur Bruno Lesourd : Outre leurs
besoins caloriques élevés, les seniors
ont également des besoins spécifiques,
notamment en protéines, calcium et eau.
En ce qui concerne les protéines et le
risque de sarcopénie, on observe, à partir de
cinquante ans environ, une petite diminution
de l’anabolisme protéique, notamment en
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LE SENIOR EN CHIFFRES
Ü Conséquence directe de l’augmentation de l’espérance de vie,
qui a atteint en 2010, selon l’Insee (chiffres provisoires) 78,0 ans
pour les hommes (seulement 63,4 ans en 1950) et 84,7 ans pour
les femmes (69,2 en 1950) : la proportion des plus de 60 ans
augmente en France, représentant 22,6 % de la population
au 1er janvier 2010. On prévoit ainsi que près d’un Français sur
trois en 2050 aura plus de 60 ans. La majorité d’entre eux vit à
domicile et est en bonne santé.
Source : Insee, statistiques de l’état civil et estimations de population
raison de l’extraction splanchnique des acides
aminés ingérés : ces derniers, en passant par
la muqueuse intestinale puis le foie avant de
rejoindre la circulation générale, sont utilisés
par les tissus traversés et n’atteignent pas la
périphérie. Or, si l’anabolisme diminue, le
catabolisme demeure tout aussi important :
en résulte une lente diminution de la masse
musculaire, évaluée entre 5 et 15 kg entre
50 et 80 ans (Janssen et al., 2000). En outre,
plus souvent malade, le sujet âgé se retrouve
régulièrement dans
une période de besoins
LA MASSE MUSCULAIRE
augmentés. C’est la
raison pour laquelle DIMINUE LENTEMENT ENTRE
les sujets âgés, dès 50 ET 80 ANS, DE 5 À 15 KG.
60 ans,
doivent
consommer 1 g/kg de poids corporel/ jour de
protéines, contre 0,8 chez un sujet plus jeune
(Afssa, 2007).
Concernant le calcium et le risque
d’ostéoporose, on observe avec l’âge une
perte calcique osseuse de 20 à 30 % autour de
la ménopause et de 1 à 2 % /an chez les deux
sexes après 65 ans. C’est la raison pour laquelle
les recommandations grimpent à 1 200 mg/j
de calcium après 55 ans chez la femme et
65 ans chez l’homme, contre 900 mg/j avant
(Cynober et al., 2000 ; Martin, 2001).
Enfin, avec l’âge, l’organisme perd de l’eau.
Le risque de déshydratation augmente
donc, d’autant que le signal d’alerte de la
soif régresse fortement entre 60 et 70 ans.
La personne âgée doit donc apprendre à
boire 1 litre à 1 litre ½ par jour, de manière
volontaire, sans attendre un signal de soif qui
n’arrivera pas ou tard.
5
Finalement, il faut donc que la personne
âgée apprenne à ne plus être à l’écoute de
son corps, car son organisme vieillissant
devient de mauvais conseil.
Comment évoluent les perceptions sensorielles
des seniors ?
Claire Sulmont-Rossé : De nombreux auteurs
ont montré que le processus de vieillissement,
même lorsqu’il se déroule normalement,
s’accompagne d’une baisse de la capacité à
détecter, discriminer et identifier les odeurs
et les saveurs (Murphy, 1986 ; Larsson, 1996).
Cependant, cette diminution moyenne des
capacités chimiosensorielles avec l’âge cache
une grande variabilité interindividuelle.
Ainsi, si quelques seniors présentent une
altération sévère de l’olfaction, à la limite de
l’anosmie, d’autres présentent des capacités
chimiosensorielles préservées, proches de
celles observées chez un groupe de sujets
plus jeunes. Entre les deux, certains seniors
perçoivent plutôt moins bien les odeurs tandis
que d’autres perçoivent plutôt moins bien les
saveurs, ces personnes restant néanmoins
capables de percevoir les stimuli sensoriels
dès lors que ces derniers sont présentés à
des intensités un peu plus élevées (SulmontRossé et al., 2012). Cette baisse de la capacité à
percevoir les odeurs et les saveurs résulte d’un
« vieillissement » de nos organes sensoriels
(de la même façon que ce « vieillissement »
affecte les organes de la vue et de l’ouïe), mais
peut être aggravée par d’autres facteurs, tels
de multiples inflammations ORL, la prise de
certains médicaments ou l’apparition d’une
maladie neurodégénérative.
Quelles sont les conséquences de ces
évolutions sur les préférences ou les habitudes
alimentaires ?
Claire Sulmont-Rossé :Même si cela reste à
confirmer, le déclin des capacités sensorielles
et la dégradation de l’état bucco-dentaire ont
sans doute davantage d’impact sur l’appétit
et les habitudes alimentaires (la nature et la
quantité d’aliments consommés) que sur les
préférences en tant que telles (les aliments, les
plats qu’une personne apprécie ou n’apprécie
pas). Ainsi, dans le cadre d’un programme
6
européen ayant impliqué notre laboratoire
(programme HealthSense), nous nous sommes
intéressés à l’impact de l’âge sur l’appréciation
de différentes sortes de soupes, de riz et de
biscuits (Gourillon-Cordelle et al., 2001). Les
résultats ont montré peu de différences entre
les notes d’appréciation des classes d’âges
interrogées (de 20 à 70 ans) : les variantes les
moins appréciées des classes d’âge les plus
jeunes étaient aussi les moins appréciées
des seniors, et de
même concernant LE VIEILLISSEMENT SEMBLE
les variantes les plus AVOIR DAVANTAGE D’IMPACT
appréciées. Toujours SUR LES HABITUDES
dans cette étude, ALIMENTAIRES QUE SUR LES
aucun lien n’a été PRÉFÉRENCES.
observé entre la
capacité à percevoir les odeurs et les saveurs
et l’appréciation de telle ou telle variante.
Ces résultats sont à mettre en regard de ceux
obtenus par Jolivet et al. (1998) sur la viande.
Ces auteurs ont réalisé une enquête auprès
de 50 jeunes adultes (18-28 ans) et 50 seniors
(60-70 ans) sur leur viande préférée, ainsi que
sur leur mode de cuisson et leur texture de
viande préférés. Les résultats ont montré peu
de différences entre ces deux groupes d’âge,
adeptes des mêmes viandes (bœuf et volaille),
de préférence grillées. De même, tous les
participants préféraient une viande présentant
une texture « tendre » , quel que soit leur âge
ou leur état bucco-dentaire. En revanche, il
est fort possible que la perte de la capacité à
« sentir » et « goûter » les aliments contribue à
la diminution de l’appétit, mentionnée plus
haut par le Pr Lesourd, cette baisse d’appétit
contribuant à réduire les quantités ingérées.
En fait, plus que les modifications
sensorielles, d’autres facteurs, tels que la
dépendance, sont susceptibles de modifier
les préférences, mais pas toujours dans le
sens attendu. Ainsi, davantage de seniors en
institution déclarent aimer la viande grillée
que de seniors vivant à domicile (programme
Aupalesens). Il est certes possible que ce
résultat soit lié à un effet générationnel.
Mais il est aussi possible qu’il reflète une
attirance d’autant plus forte que ce type de
mets est peu proposé dans les systèmes de
restauration collective.
D
Peut-on compenser la perte de goût observée
chez les personnes âgées ?
Claire Sulmont-Rossé : Etant donné que
la saveur et l’odeur contribuent pour une
large part au plaisir associé à l’ingestion d’un
aliment, plusieurs auteurs ont proposé de
présenter aux seniors des aliments ayant une
flaveur plus intense afin de compenser le
déclin des capacités chimiosensorielles. Les
résultats montrent que si à un instant t, les
seniors apprécient davantage les aliments
ayant une flaveur plus intense, augmenter la
concentration des arômes ou des composés
sapides dans un plat ne semble pas avoir d’effet
systématique sur la quantité consommée
de cet aliment par les seniors (Mathey et al.,
2001 ; Essed et al., 2007 ; voir Sulmont-Rossé
et al., 2010, pour une revue complète). En fait,
dans le cadre d’un vieillissement normal, il est
possible que le déclin progressif de la gustation
et de l’olfaction s’accompagne d’une « remise à
jour » permanente des représentations internes
des aliments, des souvenirs alimentaires, sans
qu’il y ait une conscience explicite de la perte
de goût et d’odorat.
Quelles
principales
recommandations
aimeriez-vous que les médecins relaient à
leurs patients âgés ?
Professeur Bruno Lesourd : En tout
premier lieu, il convient de s’assurer que
le patient mange assez, ce qui suppose de
le peser souvent et de prescrire un dosage
d’albumine chez le patient en surpoids au
moindre doute : la perte de quelques kilos,
ramenée en pourcentage du poids corporel
comme le suggèrent les recommandations
officielles, est plus visible chez quelqu’un
de 50 kg que de 120 kg. Il faut aussi prendre
le temps d’interroger la personne âgée pour
savoir ce qu’elle mange réellement : un
interrogatoire quantifié sur les dernières
24 h est indispensable. Lorsque le patient
ne mange plus assez, il s’avère important
de l’aider à auto-enrichir son alimentation
en lui suggérant d’augmenter par exemple
le nombre d’œufs d’un gratin par rapport à
la recette originale, de rajouter du beurre
sur les légumes cuits, d’augmenter les
assaisonnements en ail et persil pour stimuler
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EN INSTITUTION ET EN MILIEU
HOSPITALIER
Ü La qualité des repas servis à l’hôpital ou en
institution se heurte parfois à des considérations
d’organisation ou économiques. La vigilance du
personnel médical vis-à-vis des menus proposés est
alors importante.
l’appétit et conserver le plaisir du repas. Il
faut remettre une véritable alimentation
autour de la personne, en encourageant une
convivialité familiale ou amicale autour des
repas aussi souvent que possible.
Claire Sulmont-Rossé : En plus d’un manque
d’appétit, de nombreuses personnes perçoivent
aussi moins bien le goût et l’odeur des aliments.
Il semble donc d’autant plus important que ces
personnes aient accès à des plats appétissants,
qui leur donnent envie de manger. Comme l’ont
exprimé certaines personnes âgées au cours
d’une enquête menée dans notre laboratoire,
manger est un moment de plaisir. Pour qu’il
le reste, il faut veiller à la fois au contenu de
l’assiette mais aussi aux
dimensions
sociales DE NOMBREUSES PERSONNES
et affectives des repas. ÂGÉES PERÇOIVENT MOINS
En effet, au-delà du BIEN LE GOÛT ET L’ODEUR
contenu nutritionnel et DES ALIMENTS.
sensoriel de l’assiette,
la dimension « plaisir » d’un repas peut aller du
plaisir à le préparer pour soi-même ou pour les
autres (fonction de la mère « nourricière », se
sentir utile), à la décoration de la salle à manger
ou de la table, et à la façon dont les plats sont
présentés, jusqu’au plaisir de le partager avec
d’autres.
Enfin, lorsqu’un « régime » est nécessaire (prise
en charge du diabète, alimentation texturée,
etc.), il est important de discuter avec chaque
personne pour prendre en considération
ses goûts et l’aider à trouver le régime le
plus adapté non seulement à ses besoins
nutritionnels mais aussi à ses préférences
sensorielles et à ses habitudes alimentaires…
une tâche d’autant plus compliquée que
la génération actuelle de seniors n’est pas
une génération qui se « plaint » beaucoup.
7
II.
C ONSOMMATION DE VIANDE
CHEZ LES SENIORS ET CONTRIBUTION
AUX APPORTS NUTRITIONNELS
Les
chiffres parlent d’eux-mêmes : les seniors sont
en majorité de petits consommateurs de viande, ce
qui ne facilite pas la couverture de leurs besoins en
protéines, fer, vitamine B6, etc.
89 % des plus de 65 ans pensent que leur
alimentation a une influence sur leur
état de santé, et mettent ce principe en
application : 78 % en évitant les fritures et
matières grasses cuites, 76 % en privilégiant
les légumes... et paradoxalement 17 % en
évitant la viande rouge (Credoc, 2007).
DIFFÉRENCES ENTRE
PORTION DE VIANDE CRUE
ET PORTION DE VIANDE CUITE
Selon les morceaux et le mode de cuisson, une
portion d’environ 200 g de viande crue correspond
en moyenne à 140 g une fois cuite.
Selon les morceaux et le mode de cuisson, une
portion d’environ 100 g de viande crue correspond en
moyenne à 70 g une fois cuite.
8
Influence du sexe et de l’âge
En 2010, une nouvelle enquête CCAF a passé
au crible les habitudes alimentaires des
Français. Sans surprise, tous âges confondus,
les hommes se révèlent de plus gros
consommateurs de viandes de boucherie
que les femmes, que ce soit en fréquence
(3,3 fois par semaine en moyenne chez les
hommes contre 2,9 fois par semaine chez
les femmes) ou en portion (136 g/portion
contre 118 g/portion). Rappelons que les
quantités correspondent au poids de viande
consommée (voir encadré ci-contre).
Si l’on s’intéresse à l’âge, il s’avère que les
jeunes (18-34 ans) et les seniors (après 65 ans)
sont les plus petits consommateurs de
viandes de boucherie en termes de fréquence
(3 fois par semaine).
Cette fréquence croît LES HOMMES CONSOMMENT
progressivement
DE PLUS GROSSES PORTIONS
jusqu’à un pic autour
de 40 ans (3,3 fois par DE VIANDES, PLUS SOUVENT.
semaine chez les 4554 ans) puis redescend avec l’avancée en âge
(graphique 1). A noter que, sans doute en raison
d’un effet de génération sur les habitudes
alimentaires, les produits tripiers sont un peu
plus souvent consommés au fur et à mesure
de l’avancée en âge du consommateur (0,1 fois
par semaine chez les 18-34 ans contre 0,4 fois
par semaine chez les plus de 55 ans).
En termes de portion cette fois, il s’avère
que le coup de fourchette entre 18 et 55 ans
est relativement constant : une portion de
viande de boucherie pèse alors entre 130 et
136 g, après cuisson. Mais après 55 ans, cette
portion se réduit : 123 g en moyenne chez les
D
Ainsi, après 65 ans, les Français réduisent
leur consommation de viande de boucherie
tant en fréquence de consommation qu’en
portion, à l’heure même où leurs besoins en
protéines augmentent physiologiquement.
Conséquence directe : les apports
nutritionnels conseillés (ANC), considérés
pour les protéines comme un apport
minimal (Afssa 2007), ne sont pas couverts
dans une partie non négligeable de cette
population (graphique 3).
Ainsi, selon l’enquête CCAF 2010, un quart
des seniors de plus de 60 ans se situent en
deçà des ANC en protéines. Sans surprise,
cette même enquête relève qu’il s’agit
surtout de femmes : par exemple, 29 % des
S
18-24 ans
129,6
25-34 ans
3
25-34 ans
133,2
35-44 ans
3,1
35-44 ans
136,5
45-54 ans
3,3
45-54 ans
131,1
55-64 ans
3,1
55-64 ans
122,8
Plus de 65 ans
111,2
3
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
Nombre d'actes de consommation / semaine
R
Graphique 2. P
ortion moyenne de viande de boucherie
(quantité moyenne en grammes par acte de
consommation)
2,8
0,5
E
femmes de 60-64 ans (contre 9 % chez les
hommes de cette tranche d’âge) ont des
apports inférieurs aux ANC. Néanmoins,
18-24 ans
0,0
I
ÜV
iande de boucherie : tous les morceaux de muscle de bœuf, veau,
porc, mouton, agneau, et viande chevaline (rumsteck, entrecôte,
gigot, rôti, filet, escalope, macreuse, collier, paleron, etc.).
Ü Produits tripiers : tous les morceaux qui ne sont pas rattachés à
la carcasse : organes (foie, coeur, rognons, etc.), viscères, glandes
ainsi que la queue et certains muscles (joue, hampe, onglet, etc.).
Ü C harcuteries : préparation crue ou cuite principalement à base de
viande de porc et d’abats. Les techniques de préparation sont très
variées : salage, saumurage, séchage, hachage, émulsions, cuissons
(jambons, saucisses à cuire, saucissons, pâtés, etc.).
Ü Viande de basse-cour : volailles (poulet, pintade, canard, oie, etc.)
mais également le lapin et le pigeon.
Ü Gibiers : animaux chassés (chevreuil, sanglier, perdrix, etc.).
Graphique 1. Fréquences de consommation hebdomadaire
de viande de boucherie selon l’âge (nombre
d’actes de consommation par semaine)
Plus de 65 ans
S
LA TERMINOLOGIE
55-64 ans, puis seulement 111 g chez les plus
de 65 ans (graphique 2).
25 % des seniors en deçà des ANC
O
3,5
0
30
60
90
120
150
Portion moyenne (en g/acte de consommation)
Source : Crédoc, enquête CCAF 2010
9
PETITS ET GRANDS CONSOMMATEURS DE VIANDE
Tous âges confondus, ont été définis différents profils
de consommateurs de viande avec, d’un côté, les grands
consommateurs de viande de boucherie (> 70 g/jour)
qui représentent environ un quart de la population
française adulte ; et de l’autre, les petits consommateurs
(moins de 45 g/j).
sont surtout des célibataires (61 %), des individus au
budget alimentaire faible (57 %), des personnes âgées
de 65 ans et plus (56 %) et des femmes (53 %).
A l’inverse, les grands consommateurs de viande de
boucherie (29 % de la population) sont plutôt des
familles nombreuses (36 %), des hommes (36 %), des
obèses (36 %) et des pluri-actifs (35 %).
Qui sont-ils ?
Les petits consommateurs (voire non consommateurs)
de viande de boucherie (soit 47 % de la population)
Source : Crédoc, enquête CCAF 2010.
l’inégalité s’estompe avec les années
supplémentaires, tant et si bien que ce sont
30 % des hommes et tout autant de femmes
de plus de 70 ans qui se situent en deçà des
ANC en protéines.
En termes de micro-nutriments, nombreux
sont les seniors dont l’alimentation apporte
des quantités de vitamines et minéraux
inférieures aux ANC : un senior de plus de
65 ans sur cinq en ce qui concerne le fer ;
un sur deux concernant la vitamine B6 ;
trois sur quatre pour les apports en zinc ;
et pratiquement neuf sur dix en ce qui
concerne le sélénium. Or, les viandes de
boucherie représentent une des meilleures
sources alimentaires de fer biodisponible,
de vitamine B6, de zinc et de sélénium
(graphique 4).
Identifier les petits consommateurs
de viande
Si les seniors apparaissent comme de plus
petits consommateurs de viande, cette
Graphique 3. P
ourcentage d’individus dont les apports en protéines sont inférieurs
aux apports nutritionnels conseillés (ANC) chez les adultes, selon le sexe et l’âge
50%
40%
% individus < ANC en protéines (1) :
- entre 18 et 59 ans : apports < 0,83 x poids
- au-delà de 60 ans : apports < 1,00 x poids
25 % des 60 ans et plus se situent
en-deçà des ANC en protéines
30 % 30 %
29 %
30%
23 %
20 %
20%
9%
10%
3%
0%
9%
5%
2%
18-24 ans
0%
25-34 ans
Hommes
Femmes
5%
1%
35-44 ans
2%
45-59 ans
60-64 ans
65-69 ans
70 ans et plus
Source : Crédoc, enquête CCAF 2010
(1) Afssa, 2007
10
D
O
S
Graphique 4. C
ouverture des apports nutritionnels conseillés - ANC (1) en certains
macro et micronutriments chez les plus de 65 ans, en France
S
I
E
R
ANC couverts
ANC non couverts
Protéines
73 %
Fer
27 %
79 %
46 %
Vitamine B6
Zinc
22 %
Sélénium
12 %
0%
21 %
54 %
78 %
88 %
20%
40%
60%
80%
100%
Source : Crédoc, enquête CCAF 2010
(1) Afssa, 2007 et Martin et al., 2001
tendance moyenne cache néanmoins
de grandes disparités, avec, d’un côté,
des grands consommateurs et de l’autre,
des petits consommateurs devenus
majoritaires. Ainsi, après 65 ans, les
« grands consommateurs » de viandes de
boucherie, qui en consomment 500 g ou
plus par semaine, ne représentent que
20 % des consommateurs. La majorité
des seniors (56 %) relève de la catégorie
des petits consommateurs, avec une
consommation moyenne inférieure à 45 g/j
et donc une consommation hebdomadaire
inférieure à 315 g, soit l’équivalent de deux
beaux steaks tels qu’un quadragénaire
les conçoit... ou de
LES «PETITS CONSOMMATEURS» trois steaks si l’on
raisonne comme un
CONSOMMENT EN MOYENNE
plus de 65 ans, pour
MOINS DE 45 g/j DE VIANDE. qui une portion
moyenne pèse 110 g.
Pour faciliter l’identification des petits
consommateurs lors d’une consultation
médicale, il convient, outre le fait de
les interroger sur leurs fréquences de
consommation, de comprendre ce qu’ils
appellent « une portion ». Pour ce faire, des
visuels peuvent être montrés aux patients.
Les consommations déclarées doivent être
mises en regard des recommandations
du Programme National Nutrition Santé
(PNNS), à savoir :
Ü
pour les seniors (à partir de 55 ans),
on recommande la consommation
quotidienne d’un ou deux aliments de
la catégorie des viandes-poissons-oeufs
(VPO). Cela équivaut à 7 à 10 portions
hebdomadaires de VPO. Ainsi, par
exemple, la consommation de viande
de boucherie 3 ou 4 fois par semaine, de
poisson 2 fois par semaine, de volaille
2 fois par semaine, d’œuf une fois par
semaine et de charcuterie une fois par
semaine apporterait 9 à 10 portions
hebdomadaires de VPO.
Ü
pour les personnes plus âgées ou
fragilisées,
on
recommande
la
consommation deux fois par jour de
viande-poisson-oeufs, soit 14 portions
hebdomadaires de VPO. En alternance
avec du poisson et des oeufs, la personne
âgée peut consommer de la volaille, de
la charcuterie, et, un peu plus souvent,
des viandes de boucherie, avec par
exemple, au cours d’une semaine, une
portion de bœuf bourguignon, une
escalope de veau, une tranche de gigot
d’agneau, une portion de filet mignon
de porc et une tranche de rôti de viande
chevaline.
11
III.
NUTRITION ET VIEILLISSEMENT :
DES BESOINS SPÉCIFIQUES
A
table, le senior ne doit pas être considéré comme
un adulte avec des besoins amoindris du fait de sa
plus grande sédentarité par exemple.
Il
a des besoins
spécifiques, dont certains plus élevés que ceux d’un
adulte de
30 ans de moins.
Le terme de « senior » recouvre des réalités
bien différentes : le jeune senior, la soixantaine,
encore en forme et actif, mais aussi le senior
plus âgé, qui peut être fragilisé. Or, même au
sein de cette seconde catégorie, également
appelée « quatrième âge »,
IL NE FAUT PAS LAISSER il existe différents types de
S’INSTALLER DE MANIÈRE personnes, qui ne devront
DURABLE L’ÉVICTION D’UNE pas être prises en charge de
PARTIE DE L’ALIMENTATION. la même manière, comme
le rappelle le Pr Bruno
Lesourd, professeur de nutrition et gériatrie, au
CHU de Clermont-Ferrand. « On peut simplifier
les choses en distinguant deux grands types :
d’un côté, le senior âgé qui restreint son champ
alimentaire parce que, soit-disant, il digère mal,
ou est allergique, ou parce qu’il rencontre des
difficultés à préparer ses repas. Face à un tel
patient, il faut, progressivement, remettre un à un
les aliments évités dans son régime alimentaire,
par exemple en remplaçant les fruits jugés trop
durs par des compotes de fruits frais ou cuits.
Quand une personne dit ne plus pouvoir ramener
un pack d’eau chez soi, on peut l’encourager à se
faire livrer ses courses. Dans tous les cas, il faut
trouver une solution à chaque problème et ne
surtout pas laisser s’installer de manière durable
l’éviction d’une partie de l’alimentation.
Second cas de figure, au sein de cette population
du quatrième âge : le senior âgé obèse et pourtant
dénutri, qui, comme beaucoup de gens forts, voit
d’un bon œil sa perte de poids. Or, chez la personne
âgée, la perte concerne surtout du muscle et non
du gras. Pour perdre de la masse grasse à 75 ans,
il faut réaliser 45 minutes d’exercice physique
continu. De fait, chez le patient âgé en surpoids,
la perte de quelques kilos est donc le plus souvent
synonyme de dénutrition. Il est impératif de faire
passer ce message : passé 70 ou 75 ans, on ne doit
pas maigrir, même lorsque l’on est en surpoids, la
conséquence principale étant une surmortalité. La
perte de poids exigée par certains prothésistes ou
cardiologues n’a de sens que si elle est obtenue via
ASTUCES POUR COMPENSER LA PERTE D’APPÉTIT
Ü S’assurer que réfrigérateur,
congélateur et placards sont toujours
bien remplis, en respectant les goûts
et préférences du senior.
Ü Encourager le senior à faire un peu
de marche avant les repas, en allant
chercher le pain par exemple, car
bouger ouvre l’appétit.
plus souvent ses plats
Ü Préparer
préférés. Penser à en surgeler une
partie (en portion pour une ou deux
personnes) qu’il suffira de passer au
12
micro-ondes pour se faire plaisir avec
un voisin ou un proche.
car cet ingrédient relève le goût des
aliments.
Ü Si possible, ne pas laisser la personne
âgée manger seule. Si nécessaire,
proposer une aide temporaire
(insister sur son caractère temporaire
pour qu’elle soit mieux acceptée).
les modes de cuisson et les
Ü Varier
textures pour éviter la monotonie.
l’appétit en parfumant
Ü Stimuler
les plats avec des épices ou des
herbes aromatiques. Ne pas réduire
drastiquement le sel de l’alimentation
sauf en cas de prescription médicale
Ü Prendre le temps de décorer un peu la
table (nappe, vaisselle, fleurs), ou de
transvaser des barquettes de portage
à domicile dans une jolie assiette.
Ü Encourager l’utilisation du microondes qui facilite le quotidien de la
personne âgée.
D
O
S
S
I
E
R
LES RECOMMANDATIONS DU PNNS
Personnes de plus de 55 ans
Personnes âgées fragiles
Deux objectifs du PNNS 3 (Programme national
Les fruits et légumes
« Au moins 5 par jour »
nutrition santé) concernent spécifiquement les
personnes âgées :
Les produits laitiers
« 3 ou 4 par jour »
Ü Réduire en cinq ans, le pourcentage
Les féculents
« A chaque repas et selon l’appétit »
de
personnes
âgées
dénutries
Viande, poisson, œuf
« 1 à 2 fois par jour »
« 2 fois par jour »
vivant à domicile ou en institution
Matières grasses
« En limiter la consommation »
« Sans en abuser »
o De 15 % au moins pour les plus de 60 ans
o De 30 % au moins pour les plus de 80 ans
Produits sucrés
« En limiter la consommation »
« Sans en abuser »
Ü Augmenter les apports en calcium dans
Sel
« A limiter »
« Pas de conseil spécifique »
les groupes à risque
Eau
« 1 litre à 1,5 litre par jour »
o Diminuer de 10 % au moins la proportion
Activité physique
« Au moins l’équivalent de 30 « Bouger chaque jour, le plus
de personnes âgées ayant des apports en
min. de marche rapide par jour »
possible »
calcium alimentaire inférieurs au BNM
(besoin nutritionnel moyen).
Pour atteindre ces objectifs, 9 repères ont été définis comme recommandations pour les personnes de plus de 55 ans, avec pour certains,
des repères spécifiques aux personnes âgées fragiles.
un programme standardisé reposant sur un effort
physique continu, ce qui est malheureusement
rarement le cas. »
Lutter contre la fonte musculaire
Autre spécificité du senior : la perte progressive
de sa masse musculaire, en raison d’un
anabolisme réduit et d’un catabolisme souvent
accru par des maladies plus fréquentes. D’où la
recommandation de consommer 1 g/kg de poids
corporel et par jour de protéines chez le sujet âgé,
contre 0,7 à 0,8 g/kg/j chez le sujet jeune (Cynober
et al, 2000 ; Martin, 2001 ; Afssa, 2007). Reste que
de la théorie à la pratique, il y a un grand pas.
« Il s’avère difficile pour une personne âgée de
compenser des besoins augmentés à l’heure
même où l’on a souvent perdu une appétence
pour les aliments sources de protéines (viande,
poisson, etc.), surtout chez la femme, confirme
Bruno Lesourd. Pour aider au maintien de
l’équilibre entre anabolisme et catabolisme, il
faut commencer par augmenter l’anabolisme en
encourageant le patient à conserver une activité
physique qui favorisera la synthèse protéique et
stimulera l’appétit. Second cheval de bataille pour
éviter la perte musculaire : réduire le catabolisme,
et donc les phases de maladie, périodes de besoins
accrus qui se prolongent chez la personne âgée
durant la phase de convalescence. Par conséquent,
il faut non seulement traiter le plus efficacement
possible la pathologie, mais aussi ne pas tarder à
traiter la dénutrition voire si possible, la prendre
en charge en même temps. »
DE L’IMPORTANCE
DE LA QUALITÉ DES PROTÉINES
La prévention de la sarcopénie repose sur la
consommation alimentaire de protéines de haute
valeur biologique riches en acides aminés indispensables
(AAI), et notamment en acides aminés ramifiés dont la
leucine (Paddon-Jones D. et al., 2006 ; Rieu et al., 2006,
Volpi E et al., 2003). Il convient donc de favoriser les
protéines d’origine animale car, contrairement aux
protéines végétales, elles contiennent tous les AAI et
sont riches en acides aminés ramifiés. L’autre avantage
des protéines de viande pour favoriser la synthèse
protéique repose sur leur bonne vitesse d’absorption
(protéines dites « rapides ») (Symons TB et al,. 2007,
Rémond et al., 2007). A titre d’exemple, une portion de
113 g de viande de bœuf contient 30 g d’acides aminés,
dont 10 g d’acides aminés indispensables et 1,98 g de
leucine ; cette portion fournit à elle seule assez d’AAI
et de leucine pour rétablir une synthèse protéique
musculaire chez le sujet âgé comparable à celle d’un
sujet plus jeune (Symons TB et al., 2007).
13
REPÈRES ...
1 g /kg/j DE PROTÉINES, CELA CORRESPOND À QUOI ?
Une personne âgée devrait manger 1 g de protéines par kg de poids
corporel et par jour. Soit 60 g de protéines par jour pour une personne
de 60 kg. Comment y parvenir ?
Les protéines représentent de l’ordre de 20 % de la chair d’un poisson
ou d’une viande. Donc une petite portion de 100 g de poisson ou de
viande apporte 20 g de protéines. C’est de loin la source essentielle de
protéines de notre alimentation.
Mais ce n’est pas la seule source : un yaourt apporte 5 g de protéines ;
la moitié d’une tranche de jambon ajoute 5 g de protéines ; une bonne
pincée de gruyère râpé sur des pâtes ou un gratin en apporte 5 g et une
portion de 30 g de camembert, 7 g ; un jaune d’oeuf ajouté à une recette
représente 3 g de protéines ; une petite portion de 100 g de lentilles
cuites en apporte 8 g supplémentaires, mais de qualité nutritionnelle
moindre.
On arrive ainsi à environ 53 g de protéines. De même, d’autres aliments
consommés dans la journée en apportent en plus petite quantité (pain,
pâtes, biscuits, etc.) ce qui permet d’atteindre les 60 g conseillés.
1 200 mg DE CALCIUM, CELA CORRESPOND À QUOI ?
Difficile pour une personne âgée de consommer 1 200 mg de calcium
chaque jour. Pour y parvenir, il est rare de pouvoir compter sur un bol de
lait au petit déjeuner (250 ml de lait demi-écrémé UHT apportent 285 mg
de calcium). A défaut, on peut conseiller un petit morceau de fromage le
matin (360 mg de calcium / 30 g d’emmental). Au déjeuner et au dîner,
il faut promouvoir la consommation systématique d’un produit
laitier. Au total, ces trois produits laitiers quotidiens apportent
de l’ordre de 600 mg de calcium. S’y ajoute le calcium issu des
eaux de boisson, des desserts de type entremets (flans, riz-aulait), des fruits et légumes (160 mg/100g de figues séchées, 100
mg/100 g de fenouil, d’épinards ou de brocolis). Pour parvenir à
atteindre les 1 200 mg conseillés, il s’avère néanmoins souvent
nécessaire de donner des petits coups de pouce : saupoudrer
les préparations de gruyère râpé ; prendre l’habitude de
verser une cuillère de lait en poudre dans son yaourt, etc.
Enfin, pour bien métaboliser les protéines,
l’organisme a besoin de glucides complexes.
« Les glucides devraient représenter 55 % de
l’apport énergétique. Les études (Martin, 2001)
montrent que les seniors en consomment
non seulement à peine 45 % , mais aussi qu’ils
consomment surtout des sucres simples produits sucrés - au détriment des glucides
complexes - les féculents -, car se sentent d’un
14
petit appétit. Reste le pain, encore largement
consommé dans cette tranche d’âge, pour lequel
il faut conserver ce réflexe. »
Lutter contre la perte d’appétit
La perte d’appétit de la personne âgée a des
causes multiples. Sur le plan physiologique, les
premières d’entre elles sont liées à la disparition
des mécanismes de régulation de l’appétit et
l’absence de compensation et d’ajustement
après une période d’anorexie ou au contraire
de surconsommation. S’y ajoutent également
des questions de déclin de la perception des
paramètres organoleptiques des aliments, à savoir
leurs saveurs, odeurs et textures (cf. pages 5 à 7).
D’autres éléments doivent également être pris en
compte, comme les problèmes de mastication ou
de dentition. « Il importe surtout de valider que
le patient ne souffre
pas de sécheresse LES PERSONNES AGÉES
buccale ou de douleurs DÉLAISSENT LES FÉCULENTS
durant la mastication ET LÉGUMINEUSES, CAR SE
et de ne pas laisser des SENTENT D’UN PETIT APPÉTIT.
mycoses et infections
buccales non soignées, met en garde le Pr Bruno
Lesourd. En revanche, la question de la mauvaise
dentition doit être relativisée : on peut manger
sans dents. D’ailleurs, beaucoup de nos aînés
posent leur dentier à table et mangent sur
leurs gencives. » Pour autant, il est classique que
les personnes âgées se détournent des aliments
durs et donc de la viande, voire des légumes et
des fruits. « Il convient alors d’adapter les courses
et la préparation culinaire en fonction, tout
simplement en optant pour des viandes plus
tendres ou coupées en petits morceaux, voire
hachées (cf. pages 25 à 26), des légumes bien cuits
et des fruits plus mûrs. Les sujets âgés n’étant
pas toujours capables d’opérer cette adaptation,
il est important que l’entourage ou une aide à
domicile accompagne ce changement nécessaire
des habitudes. »
Enfin, la perte d’appétit s’explique également
par une digestion modifiée. « Les personnes
âgées sécrètent moins d’acide chlorhydrique au
niveau stomacal, induisant un ralentissement de
la vidange gastrique et donc de la digestion. La
phase d’anorexie post-prandiale s’allonge donc
avec les années, au point de nécessiter au moins
D
trois heures entre deux prises alimentaires.
Un goûter pris à 16h30 risque donc de limiter la
sensation de faim au dîner. »
Lutter contre la perte osseuse
La lutte contre l’ostéoporose repose sur quatre
leviers d’action : augmenter la consommation
de calcium, ne pas hésiter à supplémenter
en vitamine D, veiller à un apport protéique
suffisant et encourager la pratique d’une activité
physique. Mais tout n’est pas aussi simple en
pratique, comme le rappelle le Pr Bruno Lesourd.
« Les études montrent que, en dépit des conseils
donnés, il s’avère difficile de modifier les habitudes
alimentaires de la personne âgée. D’autant que
la hausse des apports conseillés est importante :
1 200 mg de calcium à partir de 55 ans pour les
femmes et 65 ans pour les hommes, contre 900
mg avant cet âge. Autrement dit, un senior a les
mêmes besoins en calcium qu’un adolescent
en plein pic de croissance ! Pour y parvenir, la
personne âgée doit augmenter sa consommation
de produits laitiers et également boire des eaux
riches en calcium. » Il faut également penser à la
vitamine D. « De très gros déficits en vitamine D
sont couramment observés dans la population
âgée, confirme Bruno Lesourd. L’alimentation
apportant globalement peu de vitamine D, il
importe de favoriser sa synthèse en encourageant
les seniors à s’exposer davantage au soleil avec
la peau découverte, de l’ordre de 15 minutes par
jour avec les avant-bras découverts. En outre,
la supplémentation en vitamine D devrait être
systématique, sur la base de 100 000 UI de
cholécalciférol tous les trois mois, en routine. »
En outre, pour pouvoir fixer le calcium sur l’os,
encore faut-il entretenir la trame protéine du
squelette... et donc non seulement conserver une
consommation protéique suffisante mais aussi
une activité physique régulière, de l’ordre de
30 min de marche par jour (toute diminution de
l’activité physique favorise la perte osseuse).
Prévenir la déshydratation
Le vieillissement est caractérisé par une
diminution de la masse maigre, surtout
musculaire, et de l’eau corporelle totale : à
poids égal (70 kg), l’eau corporelle représentera
O
S
S
I
E
R
REPÈRES
600 UI (15 µg) DE VITAMINE D,
CELA CORRESPOND À QUOI ?
L’alimentation apporte globalement peu de vitamine D, la peau en
fabriquant la plus grande partie, sous réserve de l’exposer au soleil
(15 minutes d’exposition chaque jour ensoleillé, avant-bras découverts).
Un nombre restreint d’aliments contient de la vitamine D en quantités
significatives. Les plus riches sont les poissons gras : les 15 microgrammes
de vitamine D (ou 600 UI) quotidiens recommandés correspondent à
100 g de hareng, de saumon ou d’anchois. On trouve aussi des aliments
enrichis en vitamine D tels que certains laits, produits laitiers frais, huiles
végétales…
1,5 LITRE D’APPORTS HYDRIQUES,
CELA CORRESPOND À QUOI ?
Les recommandations varient selon les auteurs mais il est généralement
conseillé de faire boire à la personne âgée 1 à 1,5 litre de boissons
quotidiennes qui peuvent prendre des formes multiples : tous les types
d’eau (plate, gazeuse, aromatisée, robinet, source…), avec une feuille de
menthe, un trait de citron, etc., mais aussi du bouillon ou des soupes, des
jus de fruits, du lait, de la tisane, du café, du thé. Les personnes âgées
buvant par petites quantités et ayant souvent perdu la sensation de la
soif, il importe de leur conseiller de s’obliger à boire un peu toutes les
deux heures, qu’elles en ressentent ou non le besoin. Le vin reste limité à
deux verres quotidiens pour les femmes, trois pour les hommes.
41 litres chez un sujet de 30 ans, et 35 litres chez
un sujet de 70 ans (soit 15 % de moins). « Par
conséquent, faute de disposer d’importantes
réserves, le senior se trouve vite exposé à
un risque de déshydratation », met en garde
le Pr Bruno Lesourd. Plusieurs altérations
liées au vieillissement expliquent ce risque
accru de déshydratation, à commencer par
une capacité limitée à équilibrer leur balance
hydrique, que ce soit en cas de déficit d’apport
ou d’hyperhydratation, selon un schéma
comparable à celui observé en ce qui concerne
la balance énergétique : non seulement le
signal de la soif est altéré (la soif est ressentie
pour une intensité de déshydratation plus
élevée), mais lorsque l’on propose de l’eau à une
personne âgée déshydratée, elle en consomme
significativement moins que les sujets jeunes,
ne compensant donc que partiellement le
déficit.
15
IV.
PRÉVENIR
LA SARCOPÉNIE
Comme l’explique le Professeur Yves Boirie (Unité de
Nutrition Humaine, INRA-Université d’Auvergne,
Clermont-Ferrand), la prévention de la sarcopénie
doit combiner une stratégie nutritionnelle, au sein de
laquelle le renforcement musculaire via des exercices
et de plus d’une personne sur deux (59 %) en
sarcopénie modérée (Janssen et al. 2002).
physiques et des apports appropriés en protéines joue un
rôle majeur.
Qu’est-ce que la sarcopénie ?
Professeur Yves Boirie : La sarcopénie désigne
la perte de masse et de fonction musculaires qui
survient majoritairement chez la personne âgée
(Cruz-Jengtoft et al., 2010).
La perte de fonction peut être appréhendée
par des tests cliniques mesurant la force
(préhension, extension) ou la performance
(vitesse de marche sur 4 mètres, capacité
à se lever, etc.). Ainsi, la recherche d’une
sarcopénie chez le patient de plus de 65 ans
peut commencer par une mesure de la vitesse
de marche sur 4 mètres : si elle est inférieure à
0,8 mètre par seconde, il faut mesurer la masse
musculaire ; si elle est supérieure, la force de
préhension peut être évaluée par le grip-test.
On s’aperçoit aujourd’hui que la sarcopénie
n’est pas uniquement un concept gériatrique :
elle touche aussi d’autres types de patients tels
que les insuffisants cardiaques ou respiratoires,
voire certains cas d’obésité sarcopénique.
Quelle est la prévalence de la sarcopénie ?
Professeur Yves Boirie : Les chiffres sont très
variables et ils dépendent de la méthode utilisée
pour évaluer la perte de masse maigre et très peu
d’études intègrent la fonction. Ainsi, en Europe,
il n’existe pas de chiffre basé sur une large
population. Une étude chez 4 504 Américains de
60 ans et plus (National Health and Nutrition
Examination Survey III ou NHANES II, 198894) fait état d’environ 10 % de sarcopénie sévère,
16
Quelles en sont les conséquences ?
Professeur Yves Boirie : Fonte musculaire
signifie mobilité réduite, fatigabilité, chutes. De
l’immobilisme forcé découle une réduction de la
vie sociale, une diminution de l’exercice physique
quotidien et une altération de la vie sociale en
raison de la difficulté à faire les courses, à cuisiner,
à couper la viande… Or, inactivité et malnutrition
induisent une perte musculaire. Dès lors, tout
s’enchaîne, d’autant plus que le rôle du muscle
ne se réduit pas à sa seule capacité contractile,
pouvant aussi « brûler » les acides gras. Le
maintien d’une bonne masse musculaire favorise
donc la formation
de l’os, la fonction INACTIVITÉ ET MALNUTRITION
cardio-respiratoire, ENGENDRENT UNE PERTE
la
vascularisation MUSCULAIRE.
cérébrale mais aussi
et surtout l’oxydation des acides gras et la
sensibilité à l’insuline. La sarcopénie est donc
concomitante avec l’ostéoporose, l’essoufflement,
l’accumulation lipidique et le diabète de type 2. En
outre, parce que le muscle constitue une réserve
d’acides aminés nécessaires à la fabrication des
anticorps, la fonte musculaire s’accompagne
d’une réduction des défenses immunitaires.
Le muscle s’impose donc comme un élément
central de la santé, étonnamment sous-estimé.
Quelles sont les causes ?
Professeur Yves Boirie : Parmi les causes, on
peut citer l’inactivité, l’inflammation chronique,
les modifications hormonales (diminution
des androgènes chez l’homme, baisse de
l’IGF-1, hyperthyroïdie, etc.), l’augmentation
de l’insulinorésistance, certains médicaments
D
JOUER SUR LA CHRONOBIOLOGIE : EXEMPLE
D’UN APPORT DE CHARGE EXPÉRIMENTAL
Dans cette étude, 80 % de l’apport en protéines est concentré
sur le déjeuner.
Ü Petit déjeuner :
- Cantal 38 g
- Lait 1/2 écrémé 80 g
- Flamby 100 g
- Biscottes 32 g
- Chocolat au lait 10 g
- Beurre 8 g
- Pain 30 g
- Confiture 14 g
Ü Dîner :
Ü Déjeuner :
- Potage mouliné 250 g
- Salade tomate 78 g
- Quiche 88 g
- Thon 40 g
- Ananas sirop 150 g
- Entrecôte, beurre 83+4 g
- Raisin blanc 130 g
- Haricots verts, margarine - Pain 20 g
Source : Arnal et al., 1999
200+12 g
Ces expérimentations ne sont pas forcément aisées à
reproduire dans la vie quotidienne. Mais enrichir le petit
déjeuner ou le déjeuner en protéines (blanc d’œuf, fromage
blanc, jambon, etc.) permet de s’en approcher.
(corticoïdes, etc.), etc.
On peut d’ailleurs estimer que les patients à
risque sarcopénique sont les mêmes que ceux
qui présentent un risque d’ostéoporose. Les
signes d’alerte sont surtout le tabagisme, une
alimentation pauvre en protéines, un taux de
testostérone bas, une déficience en vitamine D.
Comment prévenir la survenue de la
sarcopénie ?
Professeur Yves Boirie : En prévention
primaire comme secondaire, l’approche doit
être multimodale. Si l’utilisation d’hormones
anaboliques ou de médicaments visant
l’insulinorésistance peut faire partie de la
démarche, l’activité physique et surtout la
nutrition sont les axes majeurs de la prévention.
En termes pratiques, il faut veiller aux apports en
protéines : les besoins de la personne âgée sont
de 1 g/kg/j (Afssa, 2007), voire 1,3 à 1,6 g/kg/j chez
celle hospitalisée (Gaillard et al., 2008 ).
Mais la quantité ne fait pas tout. Il faut, en
complément de l’aspect purement quantitatif,
parvenir à améliorer la réponse anabolique en
considérant les aspects chronobiologiques, et
sans augmenter le catabolisme. Pour cela, des
expérimentations cliniques ont été réalisées,
notamment par des équipes françaises, avec un
O
S
S
I
E
R
régime de charge qui consiste à regrouper 80 %
des apports en protéines sur un seul repas, les
calories restant réparties sur les quatre repas de la
journée. Selon ces études, un tel apport de charge
induit un anabolisme musculaire plus puissant
qu’un même apport réparti sur quatre repas.
Autre critère important : la qualité des protéines.
Plusieurs aspects sont à considérer : digestibilité,
composition en acides
aminés (richesse en acides LES BESOINS EN PROTÉINES
aminés
indispensables DE LA PERSONNE ÂGÉE SONT
notamment)
et DE 1 g/kg/j, VOIRE
comportement (protéine 1,3 À 1,6 g/kg/j CHEZ CELLE
« lente » ou « rapide »). En
HOSPITALISÉE.
effet, une protéine peut
induire des réponses
métaboliques différentes selon qu’elle est
lentement ou rapidement absorbée : les réponses
anaboliques postprandiales sont modulées par ce
paramètre temporel surtout chez les personnes
âgées (Dangin et al. 2002). Ainsi des protéines
rapidement assimilées du fait de leurs propriétés
physico-chimiques (comme les protéines de
lactosérum) ou suite à leur déstructuration liée
à la mastication (protéines carnées) peuvent
induire une meilleure réponse postprandiale en
raison de leurs actions sur les taux plasmatiques
en acides aminés. La richesse en leucine des
protéines animales présente un intérêt, car cet
acide aminé agit sur les voies de l’insuline et joue
donc un rôle particulier dans le muscle.
En parallèle, le médecin doit aussi veiller à limiter
au maximum le catabolisme protéique lié à une
maladie ou à un traumatisme, car il engendre
une perte musculaire difficile à récupérer chez
la personne âgée.
NE PAS NÉGLIGER L’ACTIVITÉ
PHYSIQUE
La prévention de la sarcopénie nécessite de limiter la
sédentarité avant tout. Elle passe également par le
renforcement musculaire via :
Ü des exercices de force et d’endurance ;
Ü de manière progressive et individualisée.
Les résultats sont optimisés lorsque l’exercice
est associé à un apport en protéines de viande
1 h avant.
17
V.
La
P RÉVENIR
LA DÉNUTRITION
dénutrition
protéino-énergétique
entraîne
ou
aggrave, chez la personne âgée, un état de fragilité ou
de dépendance, et favorise la survenue de morbidités.
Prévalence de la dénutrition
la dépister au plus tôt.
Selon le rapport 2007 de la Haute autorité de
santé, la prévalence de la dénutrition protéinoénergétique augmente avec l’âge. Elle est de 4 à
10 % chez les personnes âgées vivant à domicile,
de 15 à 38 % chez celles vivant en institution et
de 30 à 70 % chez les malades âgés hospitalisés.
« Un dernier chiffre sans doute sous-estimé,
considère le Pr Bruno Lesourd, car avant 2007,
on ne repérait que rarement les obèses dénutris ».
Et ce dernier de préciser: « La prévalence de 3 à
4 % à domicile concerne les seniors de 70 ans de
moyenne d’âge. A 80 ans, elle dépasse les 10 %. »
D’où l’importance
de la prévenir et, le cas échéant, de
« Les deux tiers des seniors de 75 ans qui ne sont
pas malades mais dénutris meurent dans les
cinq ans (Corti et al., 1994) ». Un rappel du Pr Bruno
Lesourd, professeur de nutrition et gériatrie au
CHU de Clermont-Ferrand, qui sonne comme
une mise en garde contre la dénutrition, étayée
par de nombreuses autres études. A commencer
par celle sur les sujets avec décompensation
cardiaque (Cederholm et al., 1995) qui a souligné Dépister au plus tôt
que la dénutrition augmentait d’un facteur 4 le
risque de mortalité dans l’année. Plusieurs études Le dépistage de la dénutrition est recommandé
ont montré que la fracture du col du fémur chez toutes les personnes âgées et doit être
concernait presque toujours des personnes âgées réalisé au minimum une fois par an en médecine
dénutries (Ponzer et al., 1999 ; Lumbers et al., de ville. Chez les personnes âgées à risque de
2001). La même conclusion concerne les seniors dénutrition, le dépistage est plus fréquent, en
atteints de pneumopathie (Potter et al., 1995). La fonction de l’état clinique de la personne et de
dénutrition est clairement associée au risque de l’importance du risque.
survenue d’escarres (Perneger
et al., 1998 ; Pinchofsky-Devin
et al., 1986). Enfin, au cours
DIAGNOSTIQUER LA DÉNUTRITION
de la maladie d’Alzheimer,
la perte de poids est associé
Ü Le diagnostic repose sur un ou plusieurs des critères suivants :
au déclin cognitif (Ousset
Dénutrition
Dénutrition sévère
et al., 2008) et prédictif de la
Perte de poids
≥ 5 % en 1 mois,
≥ 10 % en 1 mois
mortalité (White et al. 1998).
ou ≥ 10 % en 6 mois ou ≥ 15 % en 6 mois
Autant d’études qui soulignent
Indice de masse corporelle
IMC < 21
IMC < 18
que les décompensations
2
2
IMC
=
Poids
(kg)/Taille
(m
)
pathologiques
chroniques
Albuminémie
< 35 g/l
< 30 g/l
sont plus fréquentes chez les
®
patients dénutris, avec des
Test MNA (Mini Nutritional
< 17
conséquences plus graves.
Assessment) global (voir article
D’où l’intérêt de dépister une
suivant)
Source : HAS, 2007
dénutrition le plus tôt possible.
18
D
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I
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R
TRUCS ET ASTUCES POUR ENRICHIR LES REPAS D’UNE PERSONNE ÂGÉE DÉNUTRIE
- Les potages
En y ajoutant des pâtes à potage, du
tapioca, du pain, des croûtons, de la
crème fraîche, du beurre, du fromage,
du lait en poudre, des œufs, du jambon.
Penser aux soupes de poissons, de
lentilles ou de pois cassés.
- Les entrées
Compléter les crudités avec des œufs
durs, du jambon émincé, des lardons,
des dés de poulet, du thon, des sardines,
des harengs, des crevettes, du surimi,
des cubes de fromage, des croûtons.
Varier avec du saucisson, des pâtés, du
saumon fumé.
- Le plat protidique
Choisir des plats naturellement
riches, tels que des viandes en sauce,
des gratins de poisson, des quenelles,
des lasagnes, des pâtes farcies…
- Les légumes
Les servir plutôt en béchamel, ou
en gratins enrichis avec du lait en
poudre, du gruyère, de la crème fraîche,
du beurre, des œufs, de la viande
hachée…
- Les purées
En ajoutant des jaunes d’œufs,
du gruyère ou autre fromage râpé, du
lait en poudre…
- Les pâtes et le riz
En les additionnant de parmesan
ou gruyère râpé, de beurre, de crème
fraîche, de jaunes d’œufs, de lardons
(façon Carbonara), de jambon, de
viande hachée (façon bolognaise),
En pratique, le diagnostic de dénutrition repose
sur des critères de perte de poids, d’indice de
masse corporelle, d’albuminémie et de score
au MNA ® (voir tableau page précédente). Il
est utile de regarder aussi ce que la personne
mange : « Cela suppose de prendre le temps de
peser la personne, si possible en sous-vêtements,
à chaque visite, et de l’interroger sur son
alimentation, par exemple en lui demandant de
décrire, en composition et en taille de portions,
les repas de ses dernières 24 heures », insiste le
Pr Bruno Lesourd.
Prévenir
« Un senior qui ne mange manifestement pas
assez doit être accompagné par son médecin vers
une alimentation plus enrichie, plus diversifiée,
et avec des portions plus importantes, explique
le Pr Bruno Lesourd. Il convient d’encourager
une alimentation maison, avec des portions
plus grosses, et auto-enrichies (voir encadré). Il
faut aussi redonner des repères de consommation :
3 à 4 produits laitiers par jour, deux produits
animaux riches en protéines (viande, poisson,
œuf), un légume et un féculent par repas, au
moins une portion journalière de crudités et
de petits pois avec des morceaux
d’omelette (façon riz cantonnais).
- Les laitages et desserts
En incorporant du lait en poudre, du lait
concentré, de la crème fraîche, et pour
donner des goûts variés de la confiture,
du miel, de la crème de marron, du
caramel, du chocolat, des fruits au
sirop, etc.
- Les boissons
Enrichir le lait avec du lait en poudre
(soit une cuillère à soupe pour 100 ml
de lait entier) à consommer chaud ou
froid aromatisé (chocolat, café, sirop de
fruits). Penser au lait de poule (un œuf
battu avec du lait, du sucre, de la vanille
ou du rhum), au milk-shake (lait battu
avec crème fraîche et fruits).
des fruits... suffisamment mûrs pour pouvoir
être consommés ! C’est une évidence, mais la
nourriture doit être appétissante : il faut la relever
en saveurs et odeurs, par exemple avec de l’ail
et du persil, très prisés à cet âge, en respectant
la mémoire du goût,
et prendre le temps LA PERSONNE ÂGÉE DEVRAIT
de la présenter dans CONSACRER AU MOINS
une vraie vaisselle.
30 MINUTES AU PETIT-DÉJEUNER,
Enfin, la texture doit
répondre aux désirs UNE HEURE AU REPAS DE MIDI,
de la personne : inutile ET ¾ D’HEURE AU DÎNER. de tout mouliner, une
viande bien choisie et cuite convenablement sera
suffisamment tendre et facile à manger. Enfin,
l’apport hydrique doit représenter au moins 1,5 l/j. »
Il est aussi important d’encourager la convivialité
des repas par la venue de membres de la famille
ou d’amis et de consacrer suffisamment de
temps à l’acte alimentaire. « Quand on n’a pas
faim, il faut prendre le temps de manger, insiste
le Pr Bruno Lesourd. Les recommandations
officielles de 2005 du Conseil national de
l’alimentation encouragent la personne âgée à
consacrer au moins 30 minutes au petit déjeuner,
une heure au repas de midi, et ¾ d’heure au
dîner. »
19
VI.
O
UTILS D’ÉVALUATION
DE L’ÉTAT NUTRITIONNEL
Pour aider les praticiens à dépister au plus tôt un risque
de dénutrition, des recommandations ont été émises et
des outils développés.
Deux types de situations peuvent placer
les personnes âgées face à un risque de
dénutrition : celles sans lien avec l’âge et
celles plus spécifiques aux seniors. Quel
que soit son âge, une personne peut en effet
être exposée à des situations pathologiques
susceptibles d’entraîner une diminution des
apports alimentaires, une augmentation des
besoins énergétiques, une malabsorption,
ou les trois associées : cancer, défaillance
cardiaque, respiratoire, rénale ou hépatique,
pathologies digestives, alcoolisme, pathologies
infectieuses, etc. Mais du fait de leur âge, les
personnes âgées sont également exposées à des
risques de dénutrition plus spécifiques pour
de multiples raisons : environnement psychosocial (isolement, deuil, difficultés financières,
etc.) ; troubles bucco-dentaires (mauvais
état dentaire, sécheresse buccale, etc.), de la
déglutition, psychiatriques (démences séniles)
ou neurologiques (syndrome confusionnel,
syndrome parkinsonien) ; traitements
médicamenteux au long cours ; dépendance
pour les actes de la vie quotidienne ou
encore régimes restrictifs (sans sel, diabète,
cholestérol, etc.). Le professionnel de santé,
tout comme l’entourage, doit rester vigilant
lorsqu’un patient traverse une telle situation,
a fortiori si plusieurs circonstances sont
associées.
Le test MNA
Le test MNA®, acronyme de Mini
Nutritionnal Assessment, est un outil
20
simple et rapide d’identification des
patients âgés souffrant de malnutrition
ou présentant un risque de malnutrition.
Il identifie ce risque avant toute perte de
poids grave ou tout changement du taux
de protéines sériques.
Dans la pratique, il est composé de deux parties.
Le statut nutritionnel
®
des personnes âgées se LE TEST MNA : UN
définit par six questions OUTIL SIMPLE ET RAPIDE
simples posées en D’IDENTIFICATION DES
moins de 5 minutes. PATIENTS ÂGÉS SOUFFRANT
Par exemple, « Mangez- DE MALNUTRITION.
vous
moins
que
d’habitude depuis les trois derniers mois » ? Si
oui, « est-ce en raison d’un manque d’appétit
ou de difficultés à mâcher ou à avaler » ? Si oui,
« mangez-vous beaucoup moins qu’auparavant
ou seulement un peu moins » ?
Le score se définit alors au regard de
la taille et du poids et évalue le risque
de malnutrition, voire oriente vers
de nouveaux dépistages à intervalles
réguliers.
DISPONIBLE EN LIGNE
Ü L e formulaire du test peut être téléchargé en
français sur le site anglophone :
http://www.mna-elderly.com, dans la rubrique
« MNA® Forms ». Il existe en version interactive
qui calculera directement le score de votre
patient. Une version simple et imprimable
d’une page est également téléchargeable, ainsi
qu’un guide d’utilisation pour vous aider à
formuler les questions ou à mesurer le poids et la
taille de votre patient.
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S
I
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R
VII.
B
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ÉVOLUTION DES CONSOMMATIONS
ET VALEURS NUTRITIONNELLES
Sensu
stricto ,
le
terme
de
« viande »
désigne les viandes de boucherie : viandes
de bœuf , de porc , de veau , d ’ agneau et
viande chevaline .
Mais, à la place, est aussi
souvent utilisé le terme plus générique
de
« produits
carnés », qui regroupe non
seulement les viandes de boucherie mais
aussi les produits tripiers , charcuteries ,
volailles et gibiers .
Après une légère diminution de 1999
à 2003, la consommation des produits
carnés (large ensemble incluant les
viandes de boucherie, produits tripiers,
volailles, charcuteries) s’est stabilisée :
en 2010 les Français (adultes de 18 ans et
plus) en consomment 158 g/j en moyenne.
(enquêtes Inca 1999, CCAF 2003 ; CCAF
2010) (graphique 1).
Ü E VOLUTION
DES CONSOMMATIONS
DES PRODUITS CARNÉS
Mais cette évolution diffère d’une
catégorie de produits carnés à une autre :
}L
a diminution de la consommation de
viandes de boucherie, amorcée depuis
plusieurs années, s’est poursuivie : elle est
passée de 65 g/jour en 2003 à 55 g/j (soit
390 g/semaine) en 2010 (graphique 2) ;
} à
l’inverse, celle de volaille et de
charcuterie a légèrement progressé sur
cette même période.
Cette évolution des consommations pourrait
s’expliquer par une pluralité de facteurs. Audelà de ce qui influence l’image de la viande
dans la société (nouvelles représentations des
animaux, idées reçues en matière de santé,
croyances, etc.), la consommation en elle-
24
même est souvent reliée à des facteurs socioéconomiques (coût, recherche d’aliments
service, de produits industriels à forte
praticité, etc.), et pourrait résulter en partie
de mécanismes de substitution entre les
produits carnés « bruts » et les préparations
intégrant des petites quantités de produits
carnés (pizzas, sandwichs, etc.) (Lambert.
In Poulain J.P. dir. Dictionnaire des cultures
alimentaires. Paris. PUF, 2012 [à paraître].)
Ü L ES
SPÉCIFICITÉS
NUTRITIONNELLES
DE LA VIANDE
Afin d’étudier la composition nutritionnelle
des viandes de boucherie, un programme
d’analyses a été mené de 2006 à 2009
Graphique 1. Quantités moyennes de produits carnés
consommées en g/j
(Base : adultes de 18 ans et plus ; effectif 1440)
160
144
157,8
5,1
19,1
128
112
34,8
Autres
(pdts tripiers, gibier)
96
80
43,5
Volaille
64
Charcuterie
48
32
Viande de boucherie
55,3
16
0
Produits carnés des
sandwiches, quiches, etc.
Adultes (18 ans et plus)
Source : Crédoc, enquêtes CCAF 2003, 2007 et 2010
L
par l’Inra (Institut national de recherche
agronomique) pour le CIV (Centre
d’information des viandes), en collaboration
avec l’Anses (Agence nationale de sécurité
sanitaire, anciennement Afssa) sur trente
morceaux de bœuf, de veau, d’agneau et de
viande chevaline. Il en ressort les éléments
suivants :
} U
ne richesse constante en protéines,
avec 17 à 23 g/100 g selon les morceaux
et des protéines de haute valeur
biologique (c’est à dire un équilibre
en acides aminés indispensables
proche des besoins de l’Homme et une
absorption digestive élevée) ;
} 2 /3 des morceaux contiennent moins de
8 % de matières grasses (lipides), cette
teneur dépendant surtout du morceau ;
} D
es graisses à la composition diversifiée
en acides gras avec autant d’acides gras
mono-insaturés (AGMI) que d’acides gras
saturés (AGS) et une proportion moindre
d’acides gras polyinsaturés (AGPI)
dont, en petite quantité, des acides gras
oméga 3 à longue chaîne (EPA - acide
eicosapentaénoïque - par exemple);
} U
ne des meilleures sources alimentaires
de fer avec une forte proportion de fer
héminique - la forme de fer la mieux
absorbée par l’organisme ;
} U
ne richesse en vitamine B12 et
un apport intéressant en d’autres
micronutriments comme le zinc, le
sélénium, les vitamines B3 et B6.
Ü
IANDE ET SENIORS :
V
CHOISIR LES MORCEAUX,
LES PLUS ADAPTÉS (TEXTURE,
COÛT, ETC.)
Certains
patients
surveillent
leur
consommation de viandes de boucherie
pour réduire leur consommation de
lipides. Or, qu’il s’agisse de bœuf, de veau,
d’agneau ou de viande chevaline, il existe
des morceaux maigres et des morceaux
plus gras.
Les morceaux les moins gras apportent
moins de 5 % de lipides (tende de tranche,
macreuse, noix de veau, filet mignon de
E
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S
U
R
Graphique 2. Quantités de viandes de boucherie
consommées (g/j) chez les adultes (18 ans et plus)
70
65,1 g/j
3,8
60
0,6
4,8
6,1
50
57,8 g/j
2,6
0,5
4,0
5,5
12,8
40
11,5
55,3 g/j
3,2
3,5
0,5
3,8
12,5
30
37,0
33,7
31,8
Viande
non précisée
Viande
chevaline
Agneau
Veau
20
Porc (hors charcuterie)
Bœuf
10
0
2003
2007
2010
Source : Crédoc, enquêtes CCAF 2003, 2007 et 2010
porc) et la grande majorité des morceaux
sont entre 5 et 10 % de lipides (gigot
d’agneau, bavette, paleron, épaule, fauxfilet de bœuf ou de viande chevaline).
Seuls les morceaux les plus gras dépassent
les 10 % (entrecôte de bœuf, côte de veau
ou d’agneau : 13 à 23 % de lipides selon
les morceaux et l’espèce). Mais pour ce
type de morceaux,
il suffit de retirer LA GRANDE MAJORITÉ
au couteau le gras
DES MORCEAUX DE
bien visible pour
en
diviser
par VIANDES APPORTENT
deux ou par trois ENTRE 5 ET 10 % DE LIPIDES.
l’apport en lipides.
Avec l’âge toutefois, la question des
lipides devient de moins en moins
prioritaire, car le senior, en vieillissant,
a généralement besoin d’une alimentation
plus concentrée en énergie pour couvrir
ses besoins nutritionnels.
Chez les seniors, la consommation de
viande dépend aussi et surtout du budget
du ménage et de la tendreté, de nombreux
seniors jugeant la viande trop dure pour
eux. Certes, steak hachés, lasagnes, hachis
Parmentier et autres légumes farcis
25
L
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P
O
I
N
T
S
U
R
permettent de contourner ce problème.
Mais il est également possible de jouer
sur le choix des morceaux et surtout sur
leur cuisson. Pour les muscles pauvres en
collagène (essentiellement ceux situés
sur l’arrière de la carcasse : bavette, filet,
rumsteck, côte première, etc.), il faut
privilégier une cuisson rapide et modérée
(grillée, poêlée ou rôtie), sans dépasser
60°C à cœur puisque la dureté de la
viande augmente de façon significative
au-delà de cette température. Rappelons
néanmoins que les autorités sanitaires
conseillent de bien cuire les steaks
hachés avec une température à cœur au
moins supérieure à 70 °C : après cuisson,
l’intérieur doit être brun-gris, ceci pour
éviter le risque d’infection à Escherichia
coli ou aux salmonelles.
Au contraire, pour attendrir les morceaux
riches en collagène (collier, paleron,
jarret, macreuse à pot au feu, gite, etc.),
leur cuisson doit être longue, à l’eau ou à la
vapeur, avec une température dépassant
les 80°C à cœur pour dénaturer le
collagène, le solubiliser et le gélatiniser.
Or, ces morceaux à cuisson longue, qu’ils
soient bouillis (miroton, pot-au-feu,
potée…), cuits à l’étouffée (daube) ou en
ragoûts (bourguignon, tajines, etc.), ont
l’autre avantage d’être généralement les
moins onéreux, répondant ainsi à la fois à
la contrainte de budget et à la recherche
de tendreté exprimée par les seniors.
US :
POUR EN SAVOIR PL
RG
DESVIANDES-PRO.O
WWW.LESSENTIEL
Graphique 3. Teneurs en protéines (1) de différents morceaux de viandes (en g/100 g)
au regard des apports nutritionnels conseillés (ANC) (2) en protéines (en g/j)
0
10
20
30
40
50
60
70
ANC en protéines (g/j)
Homme adulte
Femme adulte
Senior homme
Senior femme
Teneurs en protéines (g/100g)
23
Tende de tranche
Bavette
20
Paleron
21
Boeuf
Entrecôte sans le gras
21
Veau
22
Noix
Agneau
21
Epaule
Viande chevaline
20
Gigot
Produits tripiers
18
Collier
23
Tende de tranche
Foie de boeuf
21
0
10
20
30
40
50
60
(1) Source : Valeurs nutritionnelles des viandes INRA-CIV 2009
(2) Source : Afssa, 2007.
26
70
D
O
S
S
I
E
R
L’alimentation
des seniors
Lieu de concertation et pôle d’expertise, créé en 1987 par les
professionnels de la filière viande et un établissement public, l’Ofival,
désormais intégré à FranceAgriMer, le CIV associe à son action des
scientifiques et des représentants d’associations.
Conception graphique et mise en page :
Le Centre d’Information des Viandes (CIV) est une association loi 1901.
Il a pour mission de contribuer, auprès des publics professionnels et
des relais d’information, à une meilleure connaissance des viandes,
de l’élevage et des filières bovine, ovine, chevaline et porcine,
sur différents thèmes tels que la nutrition, la sécurité sanitaire,
l’environnement, la santé et le bien-être des animaux.
- www.symbiotik.fr. Crédit photos : CIV. Montpellier, Mai 2012.
LE CENTRE
D’INFORMATION
DES VIANDES (CIV)