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SAISON 14 15 JOURNAL DE L’OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR N° 31 > OCTOBRE • NOVEMBRE • DÉCEMBRE 2014 BARBARA HENDRICKS UN CONCERT EXCEPTIONNEL À L’OPÉRA > OPÉRA LES VÊPRES SICILIENNES VERSION DE CONCERT > OPÉRA TURANDOT > BALLET Verse Us PLEIN FEUX SUR DWIGHT RHODEN & NACHO DUATO > JEUNE PUBLIC LA GRANDE FABRIQUE DE MOTS e rideau vient de tomber sur la saison 2013-2014 avec trois événements inoubliables, la création mondiale de Dreyfus, sur une musique de Michel Legrand et un livret de Didier van Cauwelaert, la prestation de notre Ballet Nice Méditerranée qui est allé représenter la France au French May de Hong Kong et la venue des très grands violonistes Julian Rachlin et Peter Zimmermann, ovationnés par le public. Quant à la nouvelle saison 2014-2015, elle s’annonce déjà prometteuse, avec elle aussi des moments particulièrement émouvants. 4 OPÉRA LES VÊPRES SICILIENNES en version de concert MARCO GUIDARINI SOPHIE FOURNIER TURANDOT FEDERICO GRAZZINI IRINA RINDZUNER Flâner sur le nouveau quai des Etats-Unis puis oublier ses préoccupations pendant quelques heures, voici ce que vous propose l’Opéra Nice Côte d’Azur, grâce à une excellence artistique toujours présente et soutenue par des projets ouverts sur la création comme sur le grand répertoire, que ce soit pour la programmation lyrique, symphonique ou chorégraphique. La saison lyrique, proposée par Marc Adam, Directeur artistique de l’Opéra, abordera les grands titres attendus par le public mais également des titres plus rarement programmés qui ne manqueront pas de susciter la curiosité. Philippe Auguin, Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Nice, mettra une nouvelle fois le talent de ses musiciens en valeur avec une programmation éclectique sur la scène de l’Opéra mais aussi dans des lieux emblématiques de Nice à l’occasion d’événements exceptionnels. Un hommage tout particulier sera rendu au grand compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez pour ses 90 ans. Le Ballet Nice Méditerranée et son Directeur artistique Eric Vu-An, après nous avoir fait vibrer cette saison et être allé porter les couleurs de Nice jusqu’en Asie, proposera une programmation toujours aussi audacieuse et talentueuse. Merci une fois de plus aux musiciens, aux artistes du Chœur, aux danseurs, aux techniciens, aux régisseurs, aux agents administratifs et aux ateliers de la Diacosmie, qui réalisent un travail remarquable pour fabriquer du rêve. Ce rêve que je vous invite à venir partager puisque l’Opéra Nice Côte d’Azur offrira encore cette saison des moments culturels pour tous et pour chacun. Christian Estrosi Député-Maire de Nice Président de la Métropole Nice Côte d’Azur 20 CONCERT SEPTEMBRE LE REQUIEM DE VERDI BARBARA HENDRICKS À NICE OCTOBRE & DÉCEMBRE BRAHMS, SYMPHONIES 7 DÉCEMBRE PROUST, CONCERT À THÈME LA SAISON DU CHŒUR DE L’OPÉRA CALENDRIER MUSIQUE DE CHAMBRE & CONCERTS EN FAMILLE 30 BALLET LE BALLET NICE MÉDITERRANÉE OCTOBRE VERSE US CRÉATION MONDIALE DE DWIGHT RHODEN POR VOS MUERO GNAWA DÉCEMBRE SOIR DE FÊTE PAS DE DIEUX MARCO POLO À HONG KONG 38 JEUNE PUBLIC LA GRANDE FABRIQUE DE MOTS MARTIN ZELS 41 DIACOSMIE VENTE DE COSTUMES PUBLICATION TRIMESTRIELLE GRATUITE - SERVICE COMMUNICATION - OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR 4 & 6 rue Saint-François-de-Paule, 06364 Nice, cedex 4 www.opera-nice.org 04 92 17 40 00 Location et renseignements 04 92 17 40 79 Directeur de la publication Gérard Renaudo / Anne Ginesta-Valentin Rédacteur en chef Véronique Champion Photos Dominique Jaussein / Opéra de Nice Infographiste Patricia Germain Ont collaboré à ce numéro : Sylvie Bailet, Virginie Broquet, Anne-Christelle Cook, Daniela Dominutti, Christian Vacher, Anne Stephant, Martine Viviano Licence d’entrepreneur de spectacles 1-1068076 / 2-1068074 / 3-1068075 Impression NISPHOTOFFSET, Saint-Laurent-duVar 06 - septembre 2014 © Conception - réalisation : direction de la Communication de la ville de Nice 38 CONFÉRENCES LA PRESSE EN PARLE LES PARTENAIRES Cher Public, Après une saison passionnante, qui a permis de découvrir des ouvrages inédits à Nice et d’entendre de nouveaux artistes, vous découvrirez au fil des pages qui suivent la nouvelle saison 2014-2015 que vous propose votre Opéra Nice Côte d’Azur : une saison chorégraphique, symphonique et lyrique riche et variée, où le plaisir, l’émotion et la révélation seront au rendez-vous. Le Ballet Nice Méditerranée sous la talentueuse direction d’Eric Vu-an, partagera avec vous autour de nombreux rendez-vous, sa magnifique technique et son talent. Nouveauté, l’Orchestre Philarmonique de Nice accompagnera nos danseurs pour deux productions au lieu d’une, Pas de Dieux et Soir de fête pour la fin d’année, et encore En sol et La Sylphide au mois de d’avril. La musique vivante, « live », ajoutera à la magie de ces soirées. A l’invitation de son directeur musical Philippe Auguin, l’Orchestre Philarmonique de Nice accueillera pour sa saison symphonique de prestigieux chefs et solistes tels György Ráth, Neeme Järvi, Jeffrey Tate, le jeune Michal Nesterowicz, Barbara Hendricks ou encore Nelson Freire, Michael Barenboim ou encore Kristian Zimerman. Un coup de projecteur particulier sur la soirée de gala du 17 avril. Des répétitions publiques, à la création française de La Grande fabrique de mots du compositeur Martin Zels en passant par les nombreux concerts de notre chœur d’enfants, nos portes s’ouvrent largement aux jeunes publics. Les concerts au foyer et les concerts en famille du dimanche matin restent des moments privilégiés de rencontre conviviale. Au fil de cette première année passée avec vous, j’ai pu petit à petit découvrir le cœur de notre ville, un cœur qui fort de ses traditions bat au rythme de la curiosité. Vous retrouverez ce dualisme qui anime Nice, tout au long de la saison lyrique que je vous propose. En ouverture de la saison lyrique, une version concertante du grand opéra de Verdi, Les Vêpres siciliennes, dans sa version française de la création. La distribution affichera notamment le grand ténor Michal Lehotsky qui compte parmi les meilleurs interprètes d’aujourd’hui, placé sous la baguette de Marco Guidarini. Avec Turandot, nous retrouvons la tradition de l’opéra italien et le charme immortel de la musique de Giacomo Puccini. Pour cette œuvre inachevée datée de 1926, Luciano Berio a imaginé en 2001 un final très respectueux du livret que nous vous invitons à découvrir mise en scène signée par l’italien Federico Grazzini et dirigée par Roland Böer qui nous revient après le succès inoubliable d’Adriana Lecouvreur. Nice, ville marine, ne restera pas insensible à la force de Peter Grimes, le premier des chefs-d’œuvre de Benjamin Britten. Dans cette partition phare du XXe siècle résonnent à plusieurs reprises des mélodies puisant leur source chez Puccini et Moussorgski, mais si représentatives du génie créatif de Britten, qui font de cet opéra un ouvrage puissant et attachant. Qui est Peter Grimes ? Un marginal, un criminel ou tout simplement un rêveur ? Aujourd’hui encore, le pêcheur Peter Grimes reste une énigme… que le ténor John Graham Hall et le chef niçois Bruno Ferrandis s’attacheront à révéler. Così fan tutte nous livrera un vrai « traité d’amour » que nous vous proposons en collaboration avec l’Opéra de Magdeburg. Mozart et son librettiste vénitien Da Ponte y signèrent le troisième et dernier fruit de leur collaboration. Così fan tutte brillera de tous ses feux, grâce à une distribution jeune et confirmée, sous la baguette de Roland Kluttig qui fera sur notre scène ses débuts en France. C’est autour de Semiramide, de Gioacchino Rossini que j’ai imaginé une nouvelle collaboration avec le duo George Petrou à la direction musicale et Jakob Peters-Messer à la mise en scène. Après le triomphe de Semele la saison passée, ils nous livreront leur interprétation de cette perle du belcanto rossinien sérieux. Un grand opéra en début de saison et un autre pour la clore : ainsi après Les vêpres siciliennes, La Juive de Fromental Halévy en coproduction avec le Staatstheater Nuremberg, terminera cette saison. Ce titre très peu joué aujourd’hui, avait déjà charmé, lors de sa création en 1835, des personnalités telles Richard Wagner, Marcel Proust ou Hector Berlioz. Sous la baguette de Frédéric Chaslin, cet opéra, marque le retour sur la scène niçoise du ténor français Luca Lombardo et des sopranos Hélène Le Corre et Cristina Pasaroiu. Il mettra particulièrement en valeur notre chœur sous la direction efficace et sensible de Giulio Magnanini, son directeur. Une fois de plus, grâce à la complicité, à l’énergie et à l’enthousiasme de tous les personnels, de nos ateliers de fabrication de décors et de costumes, de l’Orchestre Philharmonique de Nice et du Chœur de l’Opéra, du Ballet Nice Méditerranée, de l’ensemble des personnels techniques et administratifs, et bien sûr également de tous les artistes invités, l’Opéra de Nice Côte d’Azur sera source d’enchantement. Je me joins à eux pour vous souhaiter une excellente saison 2014-2015. Marc Adam Directeur artistique de l’Opéra Nice Côte d’Azur 4 OPÉRAS OPÉRA © Thinkstock GIUSEPPE VERDI LES VÊPRE S SICILIENNES OPÉRAS 5 Grand opéra en 5 actes Livret d’Eugène Scribe et Charles Duveyrier Création à l’Académie Impériale de musique, Paris, le 13 juin 1855 Version de concert en langue française OPÉRA UN SOIR [durée 3h10 env.] Direction musicale Marco Guidarini Hélène sœur de Frédéric II d’Autriche Anna Kasyan Ninetta camériste d’Hélène Sophie Fournier Henri jeune Sicilien Michal Lehotsky Guy de Montfort Gouverneur de Sicile Davide Damiani Jean Procida médecin sicilien Kihwan Sim Thibault soldat français Frédéric Diquero Danieli Sicilien Gianluca Bocchino Mainfroid Sicilien Aurelio Gabaldon Robert soldat français Bernard Imbert Le Sire de Béthune officier français Ziyan Atfeh Le Comte de Vaudemont officier français Daniel Golossov Orchestre Philharmonique de Nice Directeur musical, Philippe Auguin Chœur de l’Opéra de Nice Directeur du Chœur, Giulio Magnanini 6 OPÉRAS L’histoire du massacre des vêpres siciliennes s’est chargée, de siècle en siècle, de mille légendes et mille anecdotes plus ou moins fantaisistes. On prête parfois à Giovanni da Procida, diplomate aguerri, un rôle de premier plan dans l’instigation de la conspiration. Une rumeur locale voit même en lui un lointain père médiéval de la mafia sicilienne – Cosa nostra se pense en résistante nationaliste, mais les historiens contemporains invalident globalement cette hypothèse. En tout état de cause, le livret d’Eugène Scribe pour l’opéra de Giuseppe Verdi ne recherche pas la vérité historique du célèbre événement. Au moment de la création des Vêpres siciliennes à l’Académie royale de musique – soit l’Opéra de Paris – le 13 juin 1855, la presse française enthousiaste remarque toutefois qu’il ne faut pas y chercher de leçon d’Histoire. Si l’on retrouve le canevas général de l’insurrection sicilienne, les personnages et l’intrigue de l’opéra s’autorisent de nombreuses libertés avec l’Histoire. Pourtant, Scribe n’instaure pas de climat mythique et ne joue pas d’une atmosphère de troubadour. Un certain réalisme guerrier est entretenu, notamment par l’allusion aux phénomènes de viols de masse en temps de conflit. Montfort a eu son fils Henri par le viol d’une Sicilienne, et les paysannes enlevées par les soldats, à l’acte deuxième, montrent une bonne volonté si peu crédible qu’elle n’impose qu’un maigre voile pudique sur une cruelle réalité. Le librettiste construit un monde bien réel dans un passé de fantaisie, et l’on peut se demander si c’est bien au XIIIe siècle sicilien qu’il nous emmène vraiment. Au départ Eugène Scribe, le poète incontournable que Verdi a exigé auprès de l’Opéra, lui a en effet proposé un drame intitulé Le Duc d’Albe, écrit en 1836 pour Halévy, retouché en 1838 pour Donizetti et abandonné par tous deux. La pièce se déroule à Bruxelles en 1573. Le compositeur italien, refusant d’avoir l’air de récupérer les restes des autres, demande un changement de titre et de thème, et accepte la proposition des vêpres siciliennes. Sans être un prétexte, l’Histoire dans les Vêpres siciliennes est convoquée pour son pouvoir d’autorité et pour sa capacité à composer un effet de réel. Le librettiste conçoit un monde assez atemporel pour se faire passe-partout, et en choisissant un sujet à la mode depuis trente ans, maintes fois traité et parodié sur les scènes parisiennes, il convoque son public presque davantage au temps de Napoléon III que sous Philippe le Hardi. Les héros évoquent mieux ceux du Guépard dans le roman que Lampedusa1 écrira bien plus tard, que les dames et chevaliers de chansons de geste. La noblesse et les rebelles ne possèdent pas les mêmes codes d’hon- DE PÂQUES À PALERME... Par Nathalie Gendrot neurs, et sont condamnés à ne pas se comprendre. La modernisation du cadre thématique permet au librettiste de soigner l’effet d’identification des spectateurs aux personnages et de nourrir la part intime du scénario. Car la ligne de force de ce texte réside dans la balance dramatique entre la conscience politique et la vie intime, dans le déchirement entre le cœur et la nation, mais aussi entre l’amour d’une femme et l’autorité d’un père. Peu importe où et quand. Le personnage pivot n’est pas un protagoniste historique des vêpres siciliennes, il est jeune, pauvre et n’a pas de nom. La scène de l’acte IV où Montfort tente d’arracher le mot de « père » à Henri est symboliquement puissante bien qu’imparfaite en termes de structure. Henri peut tout arranger s’il accepte de dire « mon père » ; cela peut sembler dérisoire et constituer un enjeu trop faible. Mais il faut se souvenir que son père a violenté sa mère, qu’il maudit cet homme sans le connaître depuis sa naissance, et que son père est le chef des envahisseurs de son pays. Gonflé d’émotion, Montfort attend de son fils qu’il l’adoube en tant que père, comme les jeunes parents guettant les premiers mots d’un bébé. L’envahisseur implacable s’abandonne à un geste régressif, il requiert par là : effaçons le passé, revenons au temps de ta naissance et réécrivons l’Histoire ensemble. C’est une illusion, ils le sauront à la fin, mais pour l’instant Henri chancelle, résiste et cède. Le livret tout en dualité provoquera une musique toute en duos : ceux d’Hélène et Henri, de Henri et Montfort. La masse chorale même se dédouble. Le double chœur de l’acte II, avec d’un côté les convives du bal du gouverneur sur le navire, de l’autre les Siciliens décontenancés par la scène du rapt de leurs femmes (deux masses qui se développent indépendamment sur une même métrique en 6/8) constitue un des sommets musicaux des Vêpres siciliennes. Le sujet historique s’avère également un élément sine qua non de la forme choisie par le compositeur, le grand-opéra à la française. Codifiée dans les années 1820-30 à l’Opéra de Paris, marquée par quelques apogées comme Robert le Diable de Meyerbeer ou La Juive de Halévy, cette forme impose des scènes grandioses, une scénographie imposante, des chœurs écrasants et des incursions de ballet, mais surtout un livret en langue française. Lorsque Giuseppe Verdi demande un texte à Eugène Scribe, il réclame un cadre poétique d’une ampleur semblable à la scène du couronnement dans Le Prophète de Meyerbeer. VERSION DE CONCERT EN LANGUE FRANÇAISE OCTOBRE VEN 3 20H DIM 5 15H L’enjeu est de taille pour le compositeur ; une création pour le Grand Opéra n’est pas une mince affaire, et son œuvre sera fort attendue. Bien que pestant sans cesse contre l’institution parisienne qu’il nomme « la grande boutique », Verdi comme tous les autres rêve depuis longtemps d’une consécration que seule l’Académie royale de musique peut lui offrir. Donizetti, Bellini, Meyerbeer, Wagner : ils sont passés par là. L’Opéra possède un rayonnement unique en Europe et met en œuvre des moyens scénographiques hors normes, permettant de mettre en valeur la musicalité spectaculaire. En 1855, Verdi possède une aura établie, il vient de créer presque coup sur coup Rigoletto, Il Trovatore et la Traviata. Mais l’acmé parisienne d’une carrière ne s’atteint pas d’un saut, c’est une lente ascension marquée d’étapes obligées. Verdi commence à se faire connaître du public parisien à travers le Théâtre-italien qui reprend Ernani (titré Il Proscritto à Paris) en 1844 puis Il Trovatore en 1854. Une Légion d’Honneur en 1852 fera grogner le musicien mais aura le mérite de l’attacher assez à la France pour que le public l’adopte. Avec la création des Vêpres, prévue pour l’Exposition Universelle de 1855, Verdi entend marquer de manière définitive le genre du grand-opéra français. Ce sera le cas. Le soir de la première, leurs Majestés impériales LouisNapoléon Bonaparte et l’Impératrice Eugénie assistent au spectacle. L’événement mondain attire tant de curieux que les loges s’emplissent de beaucoup plus de spectateurs qu’elles n’en peuvent contenir. On se serre, debout entre les sièges, sans se plaindre. Verdi est appelé à venir saluer par deux fois, et le couple impérial ne quitte pas la salle tant qu’il n’a reparu.2 La critique est déçue du livret, mais s’extasie unanimement de la partition dont l’ouverture, le deuxième acte et le De profundis final au pouvoir dramatique infaillible recueillent les préférences. Le raffinement de l’instrumentation, l’ampleur des chœurs impressionnent Paris et Giuseppe Verdi, bien qu’harassé par cette bataille colossale, remporte le pari de confirmer définitivement sa réputation en France. u Nathalie Gendrot Extrait du programme des Vêpres siciliennes donné à l’Opéra Nice Côte d’Azur, les 3 et 5 octobre 2014 1 > Il Gattopardo (Le Guépard) paraît en 1958. Le célèbre roman conte les tourments des aristocrates siciliens fin de race face aux révolutionnaires du Risorgimento, à partir de 1860. Luchino Visconti le portera au cinéma en 1963. 2 > Le sujet des Vêpres était pour le moins osé face à un public français, mais les précautions de Verdi, qui a demandé nombre de corrections à son librettiste, ont été payantes. Aucun camp, Français et Siciliens, ne s’avère par trop caricatural, chacun s’en sort avec honneur. OPÉRAS 7 ENTRETIEN AVEC MARCO GUIDARINI Frais d’un été partagé entre le Théâtre Bolchoï de Moscou où il a dirigé Turandot et l’Opéra de Glasgow où il a triomphé avec Madama Butterfly, nous avons rencontré le Maestro Marco Guidarini, ravi de retrouver l’Orchestre Philharmonique de Nice © Raphaëlle Durosselle et l’Opéra Nice Côte dAzur pour diriger la version concert des Vêpres siciliennes en octobre. 4 questions à un chef prestigieux Les Vêpres siciliennes est une œuvre peu programmée, que ce soit en français ou en italien. Quelles raisons trouvez-vous à cela ? Marco Guidarini : Les Vêpres siciliennes ont été composées par Verdi dans la période qui suit immédiatement la « trilogie populaire ». L’immense succès du Trovatore, de Rigoletto et de La Traviata avait révélé au monde non seulement le talent immense d’un compositeur mais aussi une conception esthétique du théâtre en musique qui était centrée sur la vérité psychologique des personnages, bien au-delà du contexte historique de référence ou de la rhétorique littéraire particulière aux livrets de l’opera seria. Les Vêpres siciliennes marquent un passage vers une conception plus proche du grand opéra à la française, pour l’extension de la partition, la conception architecturale des scènes et le goût pour la « grandeur » théâtrale. L’esprit pour ainsi dire, de tragédie bourgeoise, est encadré d’une fresque plus vaste, celle du prétexte historique. Donc l’impact émotionnel est moins direct, il intègre aussi une narration qui est aussi liée aux événements extérieurs et aux personnages. Pourriez-vous nous illustrer la distribution niçoise pour cette version concertante ? La distribution niçoise pour notre version des Vêpres est certainement de toute première qualité, avec une synthèse très équilibrée entre la dimension internationale indiscutable de Lehotsky ou Damiani et le talent de jeunes artistes formidables comme Anna Kasyan et Kihwan Sim. La difficulté du style vocal qui se pose entre la technicité tardobelcantiste et la vérité expressive de la maturité verdienne constitue d’ailleurs un autre grand défi de la partition. 8 OPÉRAS Quels sont les liens qui unissent Les Vêpres siciliennes, Jérusalem et Don Carlos, trois opéras de Verdi composés en français pour le public français ? D’un point de vue général, je dirai que le lien commun est la tentative de se rapprocher des goûts meyerbeeriens du grand-opéra - mais sans perdre son identité, au contraire en renouvelant son propre style à travers cette expérience. J’ai été toujours fasciné par cette capacité de Verdi d’intégrer le goût et le charme français dans ses propres ouvrages. D’ailleurs l’admiration verdienne pour la culture française est primordiale, et elle est enracinée dans la littérature. Il suffirait de songer à son culte pour Victor Hugo. Venons-en à vous. Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur pour l’avenir ? Au-delà de mon activité de chef d’orchestre dans le monde entier, et pour laquelle l’expérience des années passées à Nice a été essentielle, tant sur le plan artistique qu’humain, j’ai l’intention de me dédier aux développements de projets interdisciplinaires, qui puissent intégrer la musique avec d’autres formes artistiques et de culture. Ma collaboration avec les musées, pendant ma longue période niçoise, a été révélatrice. J’ai aussi l’intension de construire des liens avec le monde universitaire et académique pour donner des opportunités artistiques aux jeunes talents. C’est dans ce sens que se situe mon travail avec l’Accademia de la Scala, l’Academia Placido Domingo de Valencia et bientôt avec le CNSM de Paris, ainsi que le parcours de mon Concours Bellini sur Paris. u ENTRETIEN AVEC SOPHIE FOURNIER Par Christophe Gervot, le 4 août 2014 Elle est Ninetta dans cette version de concert en langue française Christophe Gervot : Les Vêpres siciliennes est le premier opéra que Verdi a composé en français, pour l'Opéra de Paris en 1855, bien avant Don Carlos en 1867. En quoi, selon vous, la langue française transforme-t-elle la musique de Verdi ? Sophie Fournier : La langue française change énormément de choses, il y a une autre dynamique due en particulier aux accents toniques qui sont placés en début de mot en italien, et à la fin en français. La couleur des voyelles est différente d'une langue à l'autre. « Je frissonne » par exemple, prend une sonorité très particulière dans la partition, même si la musique reste italienne. J'ai chanté, à mes débuts, dans La Favorite de Donizetti, dans sa version originale en français. Ce qui me semble intéressant, c'est que ces œuvres ont été commandées dans cette langue et pour un théâtre français, ce qui montre l'invention des compositeurs, et les échanges, dans un art profondément vivant. Je me souviens avoir chanté la comtesse des Noces de Figaro dans une traduction de Eric-Emmanuel Schmitt en 1997, au Théâtre Impérial de Compiègne. Le texte était parfait et le traducteur a su garder la dynamique de la langue française. Verdi a su atteindre une telle cohérence. Vous défendez énormément la musique française, et vous avez participé à un film de Dominique Delouche, Denise Duval revisitée ou la voix retrouvée, d’après La voix humaine de Jean Cocteau et Francis Poulenc, avec Alexandre Tharaud au piano et aux côtés de Denise Duval, créatrice du rôle. Ce film est paru en DVD en 2009. Quel souvenir gardez-vous de ce travail ? C'est un souvenir formidable et l'un des événements de ma carrière. Je voulais chanter avec Denise Duval. C'est une femme extraordinaire, entière et passionnée. Chacun vit La voix humaine à sa façon. J'ai moi aussi connu de telles attentes d'un appel téléphonique. Dans ce film, je chante sur la scène de l'opéra comique, Alexandre Tharaud joue et Denise Duval, installée en face de moi, me donne des conseils. J'aime son authenticité, sa sensibilité et sa passion pour l’œuvre. Elle et moi avons des choses en commun. J'ai adoré les personnes qui l'entouraient, ses amis et l'élégance de leur comportement. On chante aussi avec notre culture et notre histoire. J'étais là pour écouter Denise Duval et m'imprégner d'elle, et la rencontre m'a énormément apportée. Elle me considérait comme une artiste. Parmi les nombreux opéras français que vous avez chantés, vous étiez Colette dans La basoche de André Messager – trop rarement représenté – en 1991 à l'Opéra de Nantes. Vous avez aussi été, entre autres figures, Blanche de La Force des Dialogues des carmélites à Nantes en 1996 et, depuis 2013 à l'Opéra de Toulon, Mère Marie et Carmen à Ljubljana (en Slovénie), Singapour et Tours. Vous avez également incarné Metella de La vie parisienne dans une mise en scène de Laurent Pelly à Toulouse et à Montpellier en 2010. Quels sont les rôles dont vous vous sentez la plus proche dans le répertoire français ? Francis Poulenc est l'un de mes compositeurs de prédilection, à qui je me sens intimement liée. J'aurais aimé vivre à son époque, et avoir la chance de le rencontrer. J'ai notamment interprété le rôle de Blanche des Dialogues des carmélites deux semaines après la disparition de ma sœur, OPÉRAS 9 avec une ferveur toute particulière. L'un de mes premiers rôles a été Conception de L'heure espagnole de Maurice Ravel. Je garde un souvenir très fort aussi de La mort de Cléopâtre, une tragédie lyrique de Hector Berlioz, en 2010, à Lille et en tournée en Russie sous la direction de JeanClaude Casadessus. J'ai également adoré le rôle de Guilhen dans Fervaal, une rareté absolue de Vincent D'indy qui date de 1897, à Berne en 2009, sur une idée de Marc Adam. Ce sont des œuvres très différentes mais elles ont en commun la finesse de la langue française. On doit les chanter en s'efforçant d'être au plus près d'une déclamation, même dans Carmen. Il est important de garder une prononciation qui n'enferme pas et qui permet de maintenir une projection. J'aime beaucoup l'air de la lettre de Metella où les mots ont une telle importance. Vous avez été l'élève de Régine Crespin au CNSM de Paris. Quelles traces vous a laissé cette immense artiste ? Je garde le souvenir d'une femme hors du commun, et j'ai eu beaucoup de chance de la rencontrer. Elle aimait que les choses soient vivantes et qu'il y ait de la musique à chaque fois que l'on chantait. J'ai découvert l'opéra assez tard et finalement, à l'époque, rien ne me paraissait inatteignable. L'échange avec Régine Crespin a été très vif et très fort. Elle m'a fait connaître tous les répertoires qu'elle avait abordés, et ce n'était jamais banal. Elle m'a appris cette articulation française, prononcée du bout des lèvres. Il fallait toujours la séduire en chantant. Elle aimait avant tout être touchée. Je me suis aperçue très vite de la chance que j'avais eue de la rencontrer, et j'avais ensuite envie de lui rendre hommage par mon chant. Vous reviendrez à Nice en janvier 2015 pour le rôle de Mrs Sedley de Peter Grimes de Benjamin Britten. Que représente cet opéra pour vous ? J'avais déjà interprété le rôle du chœur féminin du Viol de Lucrèce de Britten, et je suis ravie de chanter pour la première fois dans Peter Grimes. C'est un opéra magnifique, avec d'extraordinaires pages d'orchestre et un rythme fabuleux dans les ensembles vocaux. L'orchestration est éblouissante et l'histoire vraiment bouleversante. On ne peut pas tout entendre en une seule fois tellement c'est riche. Quels autres compositeurs aimez-vous interpréter ? J'aime beaucoup chanter Mozart. Sa musique m'évoque la jeunesse, la joie et la spontanéité. Elle permet au chanteur, tout en restant un instrumentiste, d'être très théâtral. Chaque figure de ses livrets est importante, et rend possible un réel échange sur le plateau. Le théâtre est toujours présent, dans un bouillonnement de chaque instant. Il y a de plus une vie incroyable, grâce aux ensembles et aux récitatifs. L'un de mes premiers rôles a été Chérubin des Noces de Figaro. J'ai aussi beaucoup interprété d'opéras de Puccini. J'adore les élans de sa masse orchestrale, un 10 OPÉRAS orchestre avec lequel il ne faut pas chercher à lutter, mais plutôt se laisser emporter, comme sur une vague. C'est pour incarner tous ces personnages qui meurent sur scène que j'ai voulu chanter ce compositeur. Dès que je peux, j'interprète aussi la musique de chambre de Debussy et la chanson perpétuelle d'Ernest Chausson. Ces partitions me touchent. Avec mon caractère assez extraverti, j'aime servir ces œuvres qui demandent de l’intériorité. Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ? Je vais chanter pour la première fois Nicklaus des Contes d'Hoffmann à l'Opéra de Toulon en mars 2015. C'est une œuvre que je connais bien, j'ai déjà incarné Giulietta et Antonia. J'adore les rôles de travesti, et je me sens très bien dans la peau d'un jeune garçon. Mes premiers amours ont été Siebel, Hänsel, Cherubin, Annio de La clémence de Titus et le prince Orlofsky. Je me dirige toutefois petit à petit vers des figures de femme mûre. Les choses évoluent, mais tous les personnages sont intéressants et c'est un vrai plaisir, avant tout, d'être sur scène. J'ai chanté Bertha du Barbier de Séville à Tours avec bonheur. J'ai envie de continuer dans des rôles de composition. Mais Nicklaus n'a rien à voir avec ça, et je vais m'en donner à cœur joie, et m'amuser. Quels rôles rêveriez-vous d'aborder ? J'aurais aimé interpréter du Wagner. Si l'occasion se présente, j'en serai ravie. Il y a beaucoup de rôles qui m'attirent, mais j'aimerais surtout chanter, si possible, jusqu'au bout. Je me sens chez moi sur scène, avec les gens du théâtre. C'est un univers qui me plaît. J'enseigne aussi, et j'adore transmettre. Ce qui me touche avant tout, c'est la vibration du chant, une sensation unique. J'ai beaucoup de chance d'exercer un métier magnifique. J'ai eu parfois des expériences humainement désagréables, mais il y en a dans toute profession. Je ne regrette absolument rien. Quel est votre souvenir le plus marquant dans votre itinéraire d'artiste ? Je garde un souvenir très fort du rôle de Jenufa à Tours en 2003. Le caractère du personnage, sa générosité et son pardon final me bouleversent. Cet opéra de Janacek m'a permis d'atteindre une plénitude. Il y a eu aussi cette belle rencontre avec Denise Duval qui m'a redonné foi en ce métier. u OPÉRA GIACOMO PUCCINI © Thinkstock TURANDOT « Dramma lirico » en 3 actes et 5 tableaux Finale de Luciano Berio, 2002 Livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d’après Carlo Gozzi Création Teatro alla Scala de Milan, le 25 avril 1926 [durée 2h10 env.] Direction musicale Roland Böer Mise en scène Federico Grazzini Décors Andrea Belli Costumes Valeria Bettella Lumières Patrick Méeüs Vidéo Luca Scarzella Direction du Chœur Giulio Magnanini Turandot La princesse Irina Rindzuner Altoum L’empereur Massimo La Guardia Timur roi de Tartarie en exil Mattia Denti Calaf son fils Alfred Kim Liù une esclave Ilia Papandreou Ping Grand Chancelier de Chine Alexandre Duhamel Pang Grand Maître des provisions Roberto Covatta Pong grand Maître de la cuisine impériale Alexander Kravets Un mandarin Richard Rittelmann Orchestre Philharmonique de Nice Directeur musical, Philippe Auguin Chœur de l’Opéra de Nice Directeur du Chœur, Giulio Magnanini CONFÉRENCE > 5 NOVEMBRE 18H ASSOCIATION POUR LE RAYONNEMENT DE L’OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR 12 OPÉRAS OPÉRA TURAND JEUX DE LA MORT Puccini meurt le 29 novembre 1924. Son disciple Franco Alfano achève l’ouvrage. Le soir de la première, à la Scala de Milan le 25 avril 1926 sous la direction d’Arturo Toscanini, ce dernier pose sa baguette après la mort de Liù, dernière page écrite par Puccini. NOUVELLE PRODUCTION NOVEMBRE MER 12 20H VEN 14 20H DIM 16 15H MAR 18 20H OT ET DE L’AMOUR Par Christophe Gervot « C’est comme chez les grands artistes : il y a parfois dans leurs poèmes des scènes si douloureuses qui vous font mal ensuite toute votre vie quand on se les rappelle, par exemple le dernier monologue d’Othello, Eugène aux pieds de Tatiana, ou bien la rencontre du forçat évadé avec l’enfant, la petite fille, dans la nuit froide, auprès d’un puits, dans « les misérables » de Victor Hugo ; cela vous perce le cœur une fois et ensuite la blessure demeure à jamais » Fédor Dostoïevski L’adolescent Traduction de Pierre Pascal Turandot est l’ultime opéra de Giacomo Puccini. Le compositeur s’est éteint en 1924, avant d’avoir achevé l’orchestration de la dernière scène dont on a retrouvé quelques esquisses. L’œuvre sera créée en 1926, et c’est Franco Alfano, proche du mouvement vériste qui terminera le duo final pour lequel Puccini voulait atteindre l’intensité de celui de Tristan et Isolde de Wagner. C’est cette version d’Alfano que l’on joue traditionnellement. Le compositeur Luciano Berio (1925- 2003) a offert sa vision de la fin de cet opéra, resté inachevé. Créée en janvier 2002 aux Canaries, en version de concert, sous la direction de Riccardo Chailly, cette nouvelle proposition a été ensuite représentée sur scène, la même année, à Los Angeles et à Amsterdam. Elle va être reprise à l’Opéra Nice Côte d’Azur en création française, à partir du 12 novembre 2014, dans une nouvelle mise en scène de Federico Grazzini. Turandot trouve sa source dans un conte chinois et une pièce de Carlo Gozzi, dramaturge vénitien du XVIIIe siècle, dont s’inspirera aussi Sergueï Prokofiev pour son opéra L’amour des trois oranges. Ferrucio Busoni (1866-1924), à qui l’on doit un très intense Doktor Faust, a précédé Puccini, en composant en 1917 une première Turandot. La bohème avait connu une semblable réécriture puisque Leoncavallo en avait offert sa version en 1897. Turandot fait partie de trois opéras majeurs du XXe siècle, restés inachevés au moment de la disparition de leurs compositeurs. Alban Berg, en s’éteignant en 1935, avait uniquement terminé les deux premiers actes de Lulu tandis qu’Arnold Schoenberg n’est jamais parvenu à composer le troisième acte de Moïse et Aaron, créé en 1957, six ans après sa mort. Quels indicibles secrets ces partitions explorent-elles pour se figer ainsi au seuil d’un absolu inaccessible ? Ces actes impossibles à finir restent une énigme, l’œuvre est ouverte à tous les possibles. FATALES ÉNIGMES L’énigme est un motif central de Turandot. Dès le premier acte, lors des retrouvailles entre Calaf et Timur, accompagné de Liù, le prince demande à la jeune esclave pourquoi elle fait preuve d’une telle fidélité et d’autant de courage pour affronter les chemins de l’exil auprès de son père, le roi déchu. Liù lui répond, sur une mélodie d’une ineffable beauté et un aigu extatique « Parce qu’un jour… dans le palais, tu m’as souri » (« Mi hai sorriso »). Ainsi, la jeune femme, portée par ce beau sourire, est prête à tout supporter, dans un dépassement de soi de chaque instant. Elle puise sa force dans un souvenir furtif, une image, ce qui n’est pas sans rappeler l’amour qu’éprouve Tamino dans La flûte enchantée, et qui n’a d’autre origine que le portrait de Pamina dévoilé par les trois dames, d’où résulte aussi une série d’épreuves. La beauté est une énigme. A peine arrivé au royaume de la princesse de glace, Calaf est violemment troublé par l’apparition fatale et perturbante de Turandot. Alors que celle-ci se montre pour assister à l’exécution du précédent prétendant, la vision de cette femme au balcon exerce une fascination immédiate chez le prince, « O beauté divine ! O Merveille ! O rêve ! » (« O divina bellezza ! O meraviglia ! O sogno ! »), un choc amoureux rapide et brutal. Il demande immédiatement à résoudre les trois énigmes que la princesse pose aux audacieux qui veulent la conquérir. S’il échoue, le candidat est mis à mort, au terme d’un jeu où les forces d’Eros et de Thanatos se déchaînent. Timur et Liù le mettent en garde contre cette attirance morbide, d’autant que la cruauté de Turandot est sans limites, et que ses épreuves sont impossibles à gagner. La foule est pleine de compassion et de terreur face à cette nouvelle victime annoncée. Ces avertissements évoquent Salomé de Richard Strauss, où le regard s’avère tout aussi mortifère. Hérode éprouve une semblable attirance pour sa belle-fille. Hérodiade tente vainement de le prévenir « Vous la regardez trop ». La similitude se poursuit dans la mise à mort du candidat en cas d’échec. Il est décapité. On pense à la décollation de Jokanaan, et à la phrase de Salomé tenant la tête dans ses mains « Le mystère de l’amour est plus grand que le mystère de OPÉRAS 13 DISTRI SCENES est une société spécialisée dans la vente, l’installation, la location et la prestation de matériel scénique en sonorisation, lumière, vidéo, scène et consommables destinés aux théâtres, mairies, salles de concert, salles des fêtes, associations ou bien particuliers… avec un service vente / installation, un service location / prestation et un service après-vente. Elle distribue les plus grandes marques : RVE, ASD, MA LIGHTING, SHURE, VERLINDE, ADAMSON, ROBE… DISTRI SCENES 345 chemin de la Badesse, 13290 Les Milles Tél : 04 42 24 17 25 - Mail : [email protected] la mort ». Dans l’ultime opéra de Puccini aussi, la mort plane au dessus du désir et de l’amour. Les trois ministres Ping, Pang et Pong, figures comiques qui créent un mélange des registres, tentent vainement de faire renoncer Calaf à son projet, par quelques formules grinçantes d’un sombre réalisme « Ici est la porte du grand charnier », « jeune dément » ou « Il y a l’ombre du bourreau là-bas ». Le prince se montre inflexible, il fait retentir le gong pour répondre aux énigmes. La foule, qui ne se fait aucune illusion sur l’issue de cette nouvelle série d’épreuves, s’écrie « Déjà nous creusons la fosse pour toi qui veut défier l’amour ! » (« La fossa già scaviam per te che vuoi sfidar l’amor ! »). Les ministres s’enfuient en éclatant de rire, à bout de mots. dans ton cœur ? », Liù répond, sur une note suspendue d’une beauté miraculeuse, « L’amour ». Les voix des deux femmes s’enlacent quelques instants. Torturée par les gardes, la jeune fille se suicide pour garder secret ce nom qui lui est si cher. Cette mort trouble profondément Turandot et lui perce le cœur. Elle va permettre, dans le duo final avec Calaf, sa lente acceptation de l’amour. Pour la première fois, le scénario échappe à la princesse de glace. Puccini n’est pas allé plus loin que cette mort de Liù. Lors de la première de l’opéra le 25 avril 1926 à la Scala de Milan, Arturo Toscanini, au pupitre, s’est arrêté de diriger après cette scène poignante, et s’est retourné vers le public en déclarant « Ici s’achève l’opéra. Le maestro en était là quand il est mort ». D’UNE SCÈNE À L’AUTRE LA VERSION DE LUCIANO BERIO Au deuxième acte, Turandot explique les causes du massacre de tous ses prétendants. En prélude aux énigmes, elle expose et hurle, dans un chant qui vient de très loin et d’une difficulté redoutable, sa haine des hommes et son refus du sentiment amoureux : « In questa reggia… », « Dans ce palais, il y a mille et mille ans, retentit un cri de désespoir ». En s’adressant à Calaf, devant la foule assemblée, elle poursuit ainsi « Mon aïeule fut entraînée par un homme semblable à toi étranger » puis « Je venge sur vous, cette pureté, ce cri et cette mort ». Elle ajoute « Jamais nul ne m’aura ! » et « Les énigmes sont trois. La mort est une ! ». Sa souffrance est infinie. Ainsi, la princesse de glace brandit, dans la démesure, son roman personnel et familial et l’obsession du viol d’une ancêtre qu’elle veut venger. Le passage est très théâtral. Turandot se met en scène de manière très ritualisée. Ce n’est certainement pas la première fois qu’elle fait ce monologue. Elle scénarise sa vie, face à ses sujets apeurés et soumis. Tosca, déjà, dans une semblable démarche, met en scène avec minutie l’exécution de son amant, comme s’il s’agissait d’une scène de théâtre, sur la terrasse du château Saint Ange de Rome, avant d’être piégée par la réalité. Les deux héroïnes ont en commun une fuite du réel et de la condition humaine et la tentation de faire de sa vie une œuvre d’art, en l’esthétisant. Turandot le prouve en affirmant à son père, après la victoire du prince, « C’est ta fille qui est sacrée » puis, dans une ultime résistance, plus tard à Calaf « Je ne suis pas chose humaine ». Elle ressasse inlassablement sa névrose en lui apportant quelques variations. Ses excès, son absence de tout compromis et son obsession de la vengeance en font une sœur d'Electre. Sa métamorphose s’accomplit cependant à l’issue d’un second choc traumatique. Il s’agit de la mort de Liù. La jeune esclave choisit la mort plutôt que de révéler le nom de celui qu’elle aime, dont la tête a été mise à prix. Il y a, dans cette figure du sacrifice, d’émouvantes réminiscences de Mimi et de Madame Butterfly. A la question « Qui a mis tant de force Il semble que le duo final soit un sommet, une forme d’absolu, que la mort de Puccini a rendu inaccessible. Cette scène explore les ultimes résistances de la princesse, sa métamorphose et son acceptation de l’amour. A l’époque de la création de la nouvelle version de Turandot en 2002, Luciano Berio constatait, dans cet opéra ultime de Puccini, « une conception plus éloignée du temps, plus distanciée et plus complexe que dans La bohème, où il est plus quotidien ». Afin de bien OPÉRA caractériser cette temporalité, PETER GRIMES et peut-être aussi pour rendre BENJAMIN BRITTEN sensible un temps intérieur 18, 20, 22 & 24 JANVIER 2015 dans ce qui se joue entre les deux protagonistes, des interCOSÌ FAN TUTTE WOLFGANG AMADEUS MOZART ludes séparent les duos entre 15, 17, 19 & 21 FÉVRIER 2015 Calaf et Turandot, et ménagent des pauses. Il a fait quelques SEMIRAMIDE coupures dans le livret, mais GIOACCHINO ROSSINI aucun ajout. Puccini avait écrit, 18, 20, 22 & 24 MARS 2015 en marge de la partition, « Tristan ». Berio a beaucoup développé cette dimension wagnérienne que le compositeur voulait atteindre. Au moment où les deux amants se touchent pour la première fois, on songe à la septième symphonie de Mahler. On entend aussi, dans toute la scène, un écho de Liù, qui a joué un rôle déterminant dans leur rapprochement. Le final est plus simple, plus intériorisé, et il développe certains thèmes présents au premier acte. La fin se termine sur un pianissimo, à l’inverse du déchaînement orchestral et choral proposé par Alfano. En février 1991, l’Opéra Bastille affichait la création française d’un opéra de Luciano Berio, Un re in ascolto (Un roi à l’écoute). C’est à une nouvelle écoute du dénouement de Turandot que cette version de 2002 nous invite, au plus près des ultimes désirs du compositeur. u NE MANQUEZ PAS OPÉRAS 15 OPÉRA FEDERICO GRAZZINI ENTRETIEN Par Christophe Gervot Traduit de l’italien par Jean-Marc Quaranta 16 OPÉRAS Christophe Gervot : Que représente pour vous Turandot de Puccini ? Frederico Grazzini : Je crois que pour un metteur en scène, Turandot est une montagne particulièrement difficile à escalader. Elle l'a été en tout cas aussi pour moi. Puccini lui-même a éprouvé beaucoup de difficultés dans son propre travail de création qu'il n’a pas réussi à mener à son terme. C'est un opéra compliqué à définir car très particulier. Je crois que c'est une œuvre vraiment novatrice, dans la mesure où elle dépasse les catégories traditionnelles de la dramaturgie tout en demeurant une fable. C'est cette ambiguïté, d'une grande modernité, qui fascine tellement. Le thème est lui aussi très actuel car il parle directement au public d'aujourd'hui. Calaf, le protagoniste, lutte pour conquérir la part la plus secrète et la plus cachée de son être. Il cherche à atteindre un amour qui ne repose pas sur la domination ou la possession de l'autre, mais qui est fondé sur la réciprocité et l'harmonie. Turandot est l’histoire de cette recherche. Comment compareriez-vous la scène finale de la version de Luciano Berio, choisie pour ces représentations niçoises, avec celle de Franco Alfano et en quoi a-t-elle des conséquences sur votre mise en scène ? Nous avons choisi la version finale de Luciano Berio parce qu'elle est plus proche de la dramaturgie musicale de Puccini. Berio synthétise et supprime certains passages et il réduit les parties de son invention à l'essentiel. Son travail repose sur toutes les esquisses laissées par Puccini, grâce auxquelles il est possible de retrouver les intentions du compositeur. Alors qu'Alfano avait utilisé quatre esquisses sur trente dans la première version, et cinq dans la seconde, Berio en prend en compte environ vingt-quatre, témoignant ainsi d’un grand respect pour Puccini. Dans la version d’Alfano, il est difficile de trouver un projet dramaturgique précis autre que celui de conclure l’histoire sur une fin heureuse et triomphante. Chez Berio en revanche, il y a très certainement une plus grande cohérence d'ensemble. Il propose un final très suspendu et dissout. « Amour » reste le dernier mot , mais il n'y a pas de jugement moral ni de triomphalisme. Il efface quasi totalement le désir de possession de Calaf, élimine le lieu commun de la mort belle, et fait presque complètement disparaître le thème de l'orgueil et de l'humiliation de Turandot. L’attention du spectateur est portée sur le travail intérieur et sur la transformation de la princesse, ce qui est le plus important pour Puccini. C'est clairement une attitude plus moderne en comparaison de celle d’Alfano. Berio fait plus de place à l’implicite et laisse à la musique le soin de développer tous les ressorts psychologiques. Pour restituer le mieux possible cet état de suspens sur scène, j’ai décidé d’utiliser la présence du cadavre de Liù durant le finale. La présence tragique de ce corps permet de maintenir un troisième pôle dramatique, en plus de celui de Turandot et de Calaf. Sur le plan symbolique, les opposés (Calaf et Turandot) se réunissent, mais le corps de Liù reste à terre, effleuré par la lumière d'un jour nouveau : chaque changement demande le sacrifice d'une partie de nous-mêmes. Comment présenteriez-vous la scénographie de votre spectacle ? Avec le scénographe Andrea Belli, nous avons voulu un espace qui fasse vivre l'atmosphère de fable et la dimension symbolique de l'histoire. Le monde de Turandot est dominé par la furie vengeresse, mais surtout par l'intellect, par le logos, dans sa forme la plus cruelle et la plus sanguinaire. La princesse contraint les prétendants, par le piège des énigmes, à un éternel bain de sang, et ses sujets sont réduits à être les esclaves de la terreur. Dans notre version, des princes morts sont transformés en têtes pétrifiées. Nous avons créé un lieu ambivalent qui puisse raconter, d'une part, l'évolution du cœur de Turandot et, d'autre part, le voyage de Calaf dans son monde intérieur. Dans cette proposition, l'indication du livret Pékin, au temps des fables devient un lieu magique et ambigu où l'éros se réconcilie avec le discours, un lieu sacré, un lieu de culte, qui renvoie à l'intériorité et au mystère inspirés par les œuvres de l'architecte japonais Tadao Ando, forteresse mentale et tombe. L'espace se transforme par les vidéoprojections et la lumière. Les vidéos projetées sur les parois deviennent une émanation magique du monde de Turandot et en même temps le reflet du regard halluciné de Calaf sur ce monde. Avec le vidéaste Luca Scarzella, nous avons développé, dans la dramaturgie des vidéos, l'opposition symbolique qui est à la base de cette histoire. Turandot est la reine de l'obscurité, Calaf le porteur de lumière. Turandot est un glacier lunaire, Calaf le feu et le soleil. Après la résolution des énigmes, la Lune est obscurcie par le Soleil. Ce n'est qu'à la fin que la lumière et l'ombre parviendront à s’entre-pénétrer. La lumière occupe justement une place très importante dans vos mises en scène. Quelle fonction aura-t-elle dans votre vision de Turandot ? Un de mes maîtres disait qu’au théâtre, la lumière est fondamentale, « Parce que sinon on ne voit rien ». Cela semble banal mais c'est une grande vérité. Tout ce que nous voyons sur scène n'existerait pas sans la lumière. Dans ce spectacle, elle joue un rôle fondamental parce que, en plus de peindre, elle raconte. Elle ne sert pas seulement à construire une atmosphère mais elle a une fonction symbolique bien précise. Elle est étroitement intriquée avec les vidéoprojections et elle devient même un élément narratif en soi parce qu'elle définit le monde de Turandot, un monde obscur fait d’ombres. Calaf est celui qui apporte la lumière dans ce monde. Grâce à son intervention, la forteresse de Turandot sera envahie par l'aube d'un jour nouveau. Cette transformation s’accomplit progressivement au cours des trois actes. Au début, c'est comme une force extérieure qui pèse sur la scène. Pendant l'air « Nessun dorma », cette pression atteint son paroxysme et au moment du baiser magique, dans le finale, cette force se libère. De quelle manière envisagez-vous la direction d'acteurs ? Le travail avec les chanteurs est déterminant pour la réussite d'un opéra. Dans Turandot, il y a divers registres qui sont imbriqués, le mode réaliste et dramatique pour Calaf, Liù et Timur, le genre plus comique et grotesque pour Ping Pong et Pang, ou encore un ton plus ritualisé et stylisé pour le chœur, pour n'en citer que quelques-uns. Ces différents registres reflètent le cubisme dramaturgique de cette œuvre et ils constituent le défi le plus grand à relever pour réussir à mettre en scène correctement cet opéra. Pour moi, il est essentiel que sur la scène, il y ait de la vie et que OPÉRAS 17 les événements qui se produisent soient crédibles, même si l’univers de la fable est fantastique et invraisemblable. Je suis sûr que le casting d'exception avec lequel nous allons travailler sera à la hauteur de cet enjeu. Qu'est, pour vous, une mise en scène d'opéra idéale ? Je ne crois pas qu’il existe une mise en scène d'opéra idéale. Il existe des spectacles plus ou moins intéressants. D’une façon générale, aujourd'hui, les mises en scène d'opéra ont la responsabilité de présenter un point de vue qui s'enracine dans le présent. Elles ont en particulier la responsabilité de faire fonctionner et de faire vivre dans ce présent des matériaux qui appartiennent au passé. Et cela, on peut le faire d'une infinité de manières. Souvent, mais pas toujours, ces œuvres qui appartiennent au passé sont d'un très haut niveau artistique, ce qui demande à la mise en scène un même niveau afin que le monde qui est construit sur scène puisse réellement dialoguer avec la musique. Vous allez reprendre en décembre 2014 votre vision de Hansel et Gretel de Humperdinck à l'Opéra de Rouen. Y-a-t-il des points communs entre vos choix visuels sur cette adaptation d'un conte à l'opéra et ceux de Turandot, qui s'inspire aussi d'une légende ? Hansel et Gretel est très certainement un spectacle au ton beaucoup moins fort et pensé pour un public plus jeune. L'histoire des deux enfants part d'une situation réaliste, y compris dans la scénographie, et elle conduit graduellement le spectateur dans un monde magique où même les objets sont animés et les forêts peuplées de créatures fantastiques. Avec Turandot, le spectateur est projeté immédiatement dans une réalité magique et symbolique, par moments horrible. Le public est obligé de déchiffrer les événements exactement comme le protagoniste, Calaf. Le spectacle commence dans un rituel ambigu de mort où se trouvent les têtes pétrifiées des princes que Turandot a condamnés à mourir dans un mystérieux souterrain. Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ? Ce sont les spectacles à venir. En art, on ne peut pas revenir en arrière, même pas pour reprendre le fil interrompu. Pourriez-vous citer un souvenir particulièrement fort dans votre itinéraire artistique ? Lorsque j'avais 16 ans, ma mère est venue me voir dans une mise en scène scolaire de Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare. Après le spectacle, elle m’a dit qu'elle n'avait pas cru un seul mot de ce qu'elle avait vu sur scène. Depuis ce jour, j'ai décidé d'essayer de m’améliorer. u 18 OPÉRAS LE RÔLE EMBLÉM Par Christophe Gervot traduit de l’anglais par Lucie Capdeville Christophe Gervot : Vous avez chanté Turandot dans plusieurs pays et de nombreuses productions à Santiago du Chili, New York, mais aussi Minneapolis et Saarbrücken. Que représente pour vous ce personnage ? Irina Rindzuner : Ces dernières années, le rôle de Turandot est devenu mon rôle emblématique. Chaque saison, je le chante quelque part dans le monde. L’an passé, j’ai fêté ma cinquantième interprétation. C’était au festival Domstufen d'Erfurt. J'espère que je fêterai assez vite la centième ! Quelles sont les difficultés du rôle ? Les exigences du rôle sont énormes. Il comporte notamment des aigus redoutables, qui doivent dominer un grand orchestre, et il nécessite une soprano dramatique, capable de maintenir une très haute tessiture, et ayant une puissance lui permettant d’être entendue par delà une orchestration extrêmement dense. Il n’y a pratiquement pas de notes intermédiaires et vous êtes en permanence dans les hauteurs, dans une sorte de septième ciel, durant la représentation toute entière. Le rôle de Turandot n’est pas très long, mais il est si difficile que peu de chanteuses dans le monde l’interprètent. Quelles différences avez-vous constatées entre le final traditionnel de Franco Alfano et la version de Luciano Berio proposée à Nice ? Je chante habituellement la version traditionnelle de Franco Alfano. J'ai cependant participé à une production qui s'achevait là où Puccini s'est arrêté, sur la mort de Liù. Je vais aborder pour la première fois le final de Luciano Berio et je suis, pour l'instant, toujours en train de le travailler. Il me paraît très intéressant, mais je pense que je serai réellement en mesure de le comparer à l'autre une fois les répétitions commencées. Vous avez abordé l'an passé Senta du Vaisseau fantôme. Quelles émotions suscite en vous cet opéra de Wagner ? Senta a été mon premier rôle wagnérien. J’ai adoré le chanter et le jouer, et c'est devenu un de mes rôles favoris. La musique est si belle, et l’idée de rédemption par l’amour si chère à mon cœur, que j'espère que cet opéra est pour moi le premier d'une série d’autres figures de Richard Wagner. © DEVON CASS ATIQUE D’IRINA RINDZUNER Quels autres opéras aimez-vous interpréter ? En dehors de Senta, j’aime interpréter Minnie dans La fanciulla del west, un autre opéra de Puccini, mais aussi Abigaille de Nabucco, Lisa de La dame de pique, Santuzza dans Cavalleria Rusticana et Tosca. J’espère pouvoir un jour ajouter à cette liste Lady Macbeth. Qu'attendez-vous d'un metteur en scène ? J'attends qu'il y ait une réelle collaboration et qu'il comprenne les exigences vocales d’un rôle. C'est pour moi essentiel. Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ? J’ai quelques projets que j’attends avec impatience, mais laissez-moi les garder secrets pour l'instant. Les chanteurs et les acteurs sont très superstitieux vous savez... Quel est votre souvenir le plus intense sur une scène d'opéra ? L'un de mes meilleurs souvenirs remonte à 2007, lors de mes débuts au New York City Opera dans le rôle de Santuzza. Tout était réuni, un grand chef d’orchestre, des collègues merveilleux et une mise en scène intéressante. A l'issue de l'une de mes grandes scènes, plus de deux mille spectateurs se sont mis à crier et à applaudir si fort que l’orchestre ne pouvait commencer à jouer l’interlude qui suit. Cela a bien duré cinq minutes ! Je me suis sentie durant quelques instants comme une star de rock, plus habituée à ce genre de réaction. C’était aussi très important pour moi car à l'époque, personne ne me connaissait. Si je suis capable de transmettre mes émotions à mon public, et que les spectateurs parviennent à éprouver ce que je ressens, je me dis que je fais correctement mon boulot. u OPÉRAS 19 Chers Amis du Philharmonique, C’est avec une grande joie que je me permets de vous inviter une fois de plus à nous accompagner pour une nouvelle saison de rendez-vous musicaux -moments privilégiés de la vie qui nous permettent de vivre plus intensément, d’être transportés vers d’autres horizons, de nourrir notre moi intime. « La musique, battant comme un cœur momentané à la place de mon cœur », telle que la décrit Marcel Proust, c’est l’expérience que nous voulons partager avec vous, et que seul peut générer le concert vivant. Au mois de septembre, une œuvre qui inaugura le romantisme français: La Symphonie fantastique d’Hector Berlioz. En octobre, le Concerto pour orchestre de Lutoslawski. En novembre et décembre, le cycle intégral des symphonies de Johannes Brahms. En janvier, la Cinquième symphonie de Dmitri Chostakovitch. En février, la Cinquième symphonie de Prokofiev et la Symphonie n° 88 de Haydn. En mars, la Cinquième symphonie d’Anton Bruckner, En avril, la Neuvième symphonie de Gustav Mahler. En mai, la Quatrième symphonie de Schumann. En juin, un hommage à Pierre Boulez pour son quatre-vingt-dixième anniversaire, avec son Livre pour cordes, mais aussi des œuvres dont sa vision a marqué le siècle : les Quatre pièces pour orchestre de Béla Bartók et Jeux de Claude Debussy. Qui dit mieux ? Viennent s’ajouter à ces merveilleux chefs-d’œuvre qui permettront à la splendeur orchestrale de notre Orchestre Philharmonique de se déployer dans une profusion de styles différents le talent de nombreux solistes de renommée internationale : Barbara Hendricks qui fera briller l’ouverture de notre saison avec son interprétation de la cantate Herminie d’Hector Berlioz ; Nelson Freire dans le Deuxième concerto de Frédéric Chopin, Barry Douglas dans le Concerto n° 25 de W. A. Mozart ; Krystian Zimerman dans le Premier concerto de Johannes Brahms, dont la prestation légendaire depuis ses débuts avec Léonard Bernstein au Musikverein de Vienne, il y a vingt-cinq ans. Michael Barenboim interprétera le Concerto pour violon d’Arnold Schoenberg, qu’il a récemment donné sous la direction de Pierre Boulez. Trois grands chefs, György Ráth, Neeme Järvi et Jeffrey Tate se succèderont à la tête de notre magnifique phalange. Vous découvrirez le jeune chef Michal Nesterowicz qui vient de brillamment débuter à la tête du Royal Philharmonic de Londres. Le tableau ne serait pas complet sans évoquer les « concerts en famille du dimanche matin », qui - faut-il le rappeler ?- font fureur depuis maintenant trois ans en vous permettant de retrouver nos brillants solistes, les concerts éducatifs, les concerts de Noël qui réjouissent toutes celles et tous ceux qui y participent que ce soit dans la salle ou sur la scène..., les concerts MANCA, les concerts « C’est pas classique ». Un concert pas comme les autres : « Marcel Proust musicien », le dimanche 7 décembre 2014, avec la participation exceptionnelle du meilleur spécialiste de son œuvre, Jean-Yves Tadié, pour découvrir différemment Wagner, Franck, Fauré, Debussy, avec en soliste le jeune et talentueux pianiste niçois Jonathan Benichou. Un nouveau venu, pour répondre au vœu émis par lui pour toujours plus de musique de qualité pour toujours plus d’entre nous : le Concert du Maire, un concert exceptionnel à Acropolis déjà à noter sur vos tablettes le samedi 2 mai 2015. La virtuosité orchestrale pour la joie du plus grand nombre, pour un concert de fête ! La place manque, chères Amies, chers Amis du Philharmonique, pour vous dire quelle est notre joie de vous retrouver à chaque nouvelle saison de concerts. Venez, revenez : pour vous qui nous découvrez en lisant ces lignes, vous aurez raison de venir dès les grands concerts des 19 et 20 septembre ! Pour vous qui nous faites déjà l’amitié d’être des nôtres, soyez assurés de notre engagement total pour vous emmener de nouveau découvrir, grâce à la musique, « l’essence derrière l’apparence ». Bons concerts philharmoniques à toutes et à tous ! Philippe Auguin Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Nice 20 CONCERTS CONCERTS DU PHILHARMONIQUE DE NICE DIRECTEUR MUSICAL, PHILIPPE AUGUIN CONCERT 13 SEPTEMBRE VERDI, Requiem soprano Amber Wagner REQUIEM mezzo-soprano Oksana Volkova Par Gérard Dumontet 2 000 personnes sont venues écouter le Requiem de verdi au Théâtre de Verdure à Nice ténor Alexey Dolgov basse Richard Anderson Chœur de l’Opéra direction musicale Philippe Auguin les sources de son inspiration, allant jusqu’à dire qu’il n’avait consulté aucun ouvrage à ce sujet. C’était un pieux mensonge. Il avait « épluché » sans aucun remord les requiem de Mozart, Cherubini et bien sûr de Berlioz. Mais Verdi est avant tout un compositeur d’opéra ; il ne pût s’empêcher de composer une œuvre dans laquelle les analystes ne manqueront pas de remarquer des analogies avec son opéra Don Carlos. Il reste fidèle à son style, énergie dynamique, invention et générosité mélodique ; sa technique musicale a évolué, certes mais le requiem marque un aboutissement, un sommet d’élégance et de CONCERT PHILHARMONIQUE raffinement. Verdi n’hésite pas 18 OCTOBRE CNRR DE NICE à dire à son éditeur « cette DVOŘÁK, BRUCH, LUTOSLAWSKI messe ne doit pas être chanC’EST PAS CLASSIQUE tée avec les mêmes phrasés, ACROPOLIS les mêmes accents qu’à VEN 31 OCTOBRE l’opéra mais il reste un comDIM 2 NOVEMBRE positeur d’opéra malgré lui, NE MANQUEZ PAS © D. Jaussein C’est le 22 mai 1873 que Giuseppe Verdi, alors au faite de sa gloire, apprit la mort du grand écrivain Alessandro Manzoni. Il en fut profondément bouleversé. Il faut dire qu’il avait admiré en lui aussi bien l’artiste que le patriote. Cette disparition le poussa à mettre en œuvre une idée qui germait en lui depuis longtemps. Mais c’est en Italien aussi bien qu’en patriote qu’il songe à une messe funèbre. D’abord, à la mort de Rossini en 1868 à Paris, Verdi lance le projet d’un hommage national et collectif. Un requiem en treize mouvements offert par treize musiciens importants de la péninsule. Verdi se réserve le mot de la fin si l’on peut dire ; un vaste « libéra me » domine, en souvenir du Stabat mater de Rossini. Mais le projet de cette messe ne verra jamais le jour et Verdi met sous le boisseau son « libera me ». C’est la disparition de cet autre grand artiste italien, Manzoni, qui provoquera la composition du Requiem. Manzoni était l’auteur de Promessi Sposi (Les fiancés) que Verdi avait lu et relu lorsqu’il avait dix-huit ans. Verdi, aux obsèques de l’écrivain, s’engage à écrire une messe de requiem. Promesse qu’il tient l’année suivante. Verdi n’était pas homme à se laisser impressionné par l’ampleur du projet, ni par les messes des requiem dormant dans les bibliothèques de la musique occidentale. Il était un peu « cachottier » ce Verdi et se gardait bien de citer et certains, avec un peu CONCERT À THÈME d’ironie, n’ont pas hésité à JAZZ ET SYMPHONIQUE parler d’un opéra ecclésias15 NOVEMBRE OPÉRA tique. CONCERT PHILHARMONIQUE L’œuvre fut créée en l’église INTÉGRALE DES SYMPHONIES San Marco de Venise le 22 DE BRAHMS mai 1874. Cette création fut PARTIE 1 une sorte d’opéra masqué, 21-22 NOVEMBRE OPÉRA car sur une injonction épisFESTIVAL MANCA copale, les choristes avaient 28 NOVEMBRE OPÉRA dissimulé leurs visages sous 29 NOVEMBRE OPÉRA un voile de deuil. Profane ou sacrée, l’œuvre est un chef-d’œuvre qui n’est ni un ouvrage défroqué, ni un opéra déguisé, mais un monument d’un humanisme grandiose et aussi paradoxal que cela puisse paraître, son Requiem est une glorification de vie. u CONCERTS 21 BARBARA “ Je suis quelqu’un de curieux. Je crois que je suis née comme cela... © Mats Bäcker ” CONCERT HENDRICKS INVITÉE PAR LE PHILHARMONIQUE DE NICE 19-20 SEPTEMBRE BERLIOZ soprano Barbara Hendricks direction musicale Philippe Auguin Par Christophe Gervot, le 15 juillet 2014 Christophe Gervot : Vous avez interprété Herminie au cours d’un programme consacré à Hector Berlioz, les 19 et 20 septembre 2014, à l’Opéra Nice Côte d’Azur. Comment présenteriez-vous cette cantate ? Barbara Hendricks : Je m’intéresse énormément à l’œuvre vocale d’Hector Berlioz, et j’ai notamment chanté plusieurs fois ses Nuits d’été au cours des vingt-cinq dernières années. Il a tenté quatre fois le Prix de Rome mais ne l'a gagné qu'une fois. J’aime explorer ses cantates qui n’ont pas eu cette prestigieuse reconnaissance et ne sont pas parvenues à toucher le jury. C'est comme si je leur donnais une nouvelle chance. Il y a notamment eu Herminie en 1828 et La mort de Cléopatre en 1829. C’est finalement pour Sardanapale que Berlioz a obtenu ce prix en 1830. Le monologue de Herminie est un poème vocal avec airs et récitatifs. Il y a trois ans, j’ai chanté Les Nuits d’été à Nice sous la direction de Philippe Auguin. J’ai beaucoup aimé ce travail avec lui et je lui ai proposé de revenir pour Herminie. Après quarante années de carrière, j’aime toujours découvrir des répertoires nouveaux. Vous avez toujours défendu la musique française. Vous avez fait vos débuts à l’Opéra de Paris en 1982, en incarnant Juliette de Roméo et Juliette de Gounod, dans une mise en scène de Georges Lavaudant, et vous avez notamment enregistré depuis des mélodies de Francis Poulenc sous le titre Tel jour, telle nuit. Que représente pour vous ce répertoire ? C’est un répertoire essentiel sans lequel il y aurait un manque énorme. Je m’efforce toujours de placer quelque chose de français dans mes programmes et j’ai encore chanté, en août dernier, des poèmes de Verlaine mis en musique par Gabriel Fauré. C’est un univers qui m’enthousiasme, qui me touche et que j’ai envie de partager avec le public. J’aime chanter cette langue, et c’est un luxe de pouvoir interpréter ainsi cette poésie. C’est beau, ça existe et ça va directement au cœur. J’ai eu la chance d’avoir une vie poétique, alors que notre époque ne l’est pas vraiment. Fauré me parle et j’essaie de transmettre ce qu'il me dit, dans une véritable conversation. L’art nous permet de vivre un peu mieux les uns avec les autres, c’est essentiel. Vous avez également proposé de nombreux concerts de Lieder et on vous doit en particulier un enregistrement de Winterreise de Franz Schubert. Quelles émotions vous procurent ces formes intimes en récital ? J’aime cette forme de récital avec piano. C’est un format très direct entre nous et le public qui permet de chanter la poésie. J’ai aussi interprété Die Schöne Müllerin. Ce sont des poèmes d’hommes, mais c’est passionnant de se mettre dans la peau d’un autre. Et puis, n’avons-nous pas tous les mêmes émotions ? Les émotions n’ont pas de sexe ! J’ai commencé à chanter des Lieder lorsque j’étais étudiante, ce qui est une véritable chance. Si l’on aborde ce répertoire après trop d’opéras, on est impressionné et on se sent nu. Lors de mes débuts, les artistes avaient encore le temps d’évoluer, et je suis toujours en évolution... Vous avez abordé à l’Opéra de Nice le rôle de Tatiana dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski en 2000. Quel souvenir gardez-vous de cette prise de rôle ? C’est un souvenir à la fois formidable et effrayant. J’avais souvent interprété auparavant des chansons russes, accompagnée au piano, mais pas d’opéra. Au début, je n'arrivais pas à trouver mes repères dans la partition et la mise en scène m’impressionnait. De plus, la scène de la lettre de Tatiana dure vingt minutes ! Mais j'avais aussi envie de bien chanter le russe. Je garde malgré tout le souvenir d'une période calme, et l’Opéra de Nice est un lieu propice au travail. CONCERTS 23 Vous avez exploré les répertoires les plus divers à l’opéra (Cavalli, Mozart, Donizetti…), dans le monde entier et sous la direction des plus grands chefs. Vous avez fait vos débuts au Metropolitan Opéra de New York dans le rôle de Sophie du Chevalier à la rose en 1986, rôle que vous avez également enregistré. Quelles émotions particulières suscite en vous la musique de Richard Strauss ? J’adore Richard Strauss et je viens de participer à un festival, à l’occasion des cent cinquante ans de sa naissance. Il a écrit les Quatre derniers Lieder l’année de ma naissance, et composé deux d’entre eux à Montreux où j’ai habité pendant vingt-cinq ans. J’ai l’impression qu’il les a écrits pour moi ! J’ai un lien extraordinaire avec sa musique en tous cas, et j’ai eu tout de suite envie de la chanter en la découvrant. C’est un régal. Sophie du Chevalier à la rose est un beau personnage. C’est une fille qui décide et ne veut pas se marier avec celui que son père a choisi. Elle refuse ce bouffon et choisit l'amour, c’est un caractère déterminé. Ce n’est pas seulement une belle musique. Vous êtes aussi une grande interprète de jazz. Quel plaisir vous apporte cette forme musicale et en quoi prolonge-t-elle votre exploration du chant ? Le blues, ce sont mes racines. J’ai commencé à chanter cette musique des esclaves dans l’église de mon père. Toutefois, pendant longtemps, j’ai aimé le jazz de loin. J’ai été contactée il y a une vingtaine d’années pour un concert © Mattias Edwall Vous vous montrez extrêmement curieuse dans vos choix et vous interprétez aussi le répertoire contemporain, notamment Angels in America de Peter Eötvös, d’après la pièce de Tony Kushner, au Châtelet en 2004. Quelles traces ce spectacle vous a-t-il laissées ? Peter Eötvös a travaillé avec nous en composant, et il créait pour chaque voix et chaque intonation. De plus, c’est un compositeur qui peut chanter toutes les notes de sa partition. Le travail avec l’orchestre a été fascinant. La musique de l’ange que j’interprétais est magnifique. Tony Kushner, qui était très content du résultat, a eu ensuite envie de m’avoir partout pour les reprises de sa pièce. Je lui ai cependant expliqué que c’est la musique qui était fantastique, avant tout. Ce qui était très fort, c’est que je devais voler pendant tout le spectacle, ce qui m’angoissait énormément. Je ne l’avais même pas dit à mes enfants. La musique m’a aidée à oublier ça, et c’est une expérience que j’ai beaucoup aimée. 24 CONCERTS en hommage à Duke Ellington à Montreux. J’ai adoré cette expérience et depuis, j’aime beaucoup interpréter ce répertoire. C’est une musique de chambre. Le 13 août dernier encore, j’ai chanté du blues à Lorgues, pas très loin de Nice. Votre carrière passe aussi par le cinéma. Vous étiez Mimi de La bohème, dans le film de Luigi Comencini en 1987 et avez été membre du jury du Festival de Cannes en 1999. En quoi le septième art est-il un complément nécessaire à votre itinéraire artistique ? Le travail d’actrice et de comédienne me correspond bien et coïncide avec ma façon d’évoluer sur scène. Je laisse le personnage sortir de moi et mon approche est plus cinématographique qu'opératique. Cette expérience au cinéma m’a beaucoup enrichie. J’ai également participé à un film en Suède, d’après The rake’s progress de Stravinsky, en 1994, sous la direction musicale de EsaPekka Salonen. C’est un travail qui vient de l’intérieur, comme pour un récital. Le cinéma m’a permis de faire plus en profondeur ce que je faisais naturellement. Chaque expérience me nourrit. Votre engagement humanitaire est très important, et vous avez notamment offert deux concerts pour la paix, en 1991 à Dubrovnik et en 1993 à Sarajevo, en pleine ex-Yougoslavie en guerre. Vous avez créé en 1998 la fondation Barbara Hendricks pour la paix et la réconciliation. En quoi ces combats reconnus au niveau planétaire, sont-ils une nécessité dans votre mission d’artiste ? En tant qu’artiste, je me mets à la place de la souffrance de l’autre lorsque je joue un personnage, mais je suis aussi une citoyenne. Je fais juste mon devoir en défendant les droits de l'homme. C’est aussi un chemin vers l’harmonie. J’ai fait un concert à La Haye juste avant de venir à Nice pour la défense des apatrides. La lutte pour l’égalité des droits civiques aux Etats-Unis m’a montré l’importance du respect humain. Je ne suis pas toujours tolérante, mais je suis consciente de mon intolérance et j’essaie de la corriger, pour agir différemment. Je n’ai pas besoin de tuer la culture de l’autre pour exister. Quels sont les projets qui vous tiennent à cœur ? C’est mon jardin, mon potager, mon petit-fils qui a deux ans… et continuer à faire de la belle musique que j’aime, aussi longtemps que je pourrai. Quel est votre souvenir le plus fort dans votre impressionnante carrière ? J’ai eu une carrière très riche mais je garde un souvenir particulièrement fort des répétitions du concert de Sarajevo en 1993. Au début, les musiciens étaient maigres et fatigués par la guerre. Peu à peu, je les ai vus se transformer sous l'effet de la musique. Leur jeu est devenu un acte de résistance contre un conflit ridicule et pas nécessaire. u > REPÈRES BIOGRAPHIQUES Citoyenne suèdoise née aux Etats-Unis, dans l’Arkansas, Barbara Hendricks a obtenu sa licence de musique à la Juilliard School of Music, élève de la mezzo-soprano Jennie Tourel. Auparavant, à l’âge de vingt ans, elle avait obtenu sa licence de mathématiques et chimie à l’Université du Nebraska. En 1974, Barbara Hendricks fait ses débuts sur scène aux Etats-Unis et en Europe pour ensuite se produire sur toutes les scènes les plus importantes à travers le monde, sous la direction des plus grands chefs comme Herbert von Karajan, Leonard Bernstein et Carlo Maria Giulini. Elle est parmi les artistes la plus aimée et respectée dans le monde. Elle est considérée comme l’une des plus éminentes et actives concertistes de sa génération ; elle est accompagnée en récital, en musique de chambre comme lors d’enregistrements par les plus grands pianistes de notre temps. En 1994, elle a fait ses débuts au Festival de Jazz de Montreux, et depuis participe régulièrement à des festivals de jazz de renommée internationale. Barbara Hendricks a vendu plus que 14 millions de disques, avec près de cent titres à son actif enregistrés chez Sony, Decca, Deutsche Grammophon et EMI. Depuis 2006, elle enregistre exclusivement pour son propre label, Arte Verum. www.arteverum.com Activiste des Droits Humains, elle a travaillé pour le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les refugiés (UNHCR) comme Ambassadeur de Bonne Volonté depuis 1987. Fin 1991 et 1993, elle donne, dans l’exYougoslavie alors dévastée par la guerre, deux concerts de solidarité à Dubrovnik et Sarajevo. En 1998, elle crée la Fondation Barbara Hendricks pour la Paix et la Réconciliation afin de personnaliser sa lutte pour la prévention des conflits dans le monde et de faciliter la réconciliation et encourager la paix. En 2007, le HCR la nomme leur seule Ambassadeur à Vie. www.barbarahendricks.com > AUTOBIOGRAPHIE Barbara Hendricks a publié en novembre 2010 son autobiographie Ma Voie - Mémoires aux éditions Les Arènes. CONCERTS 25 CONCERTS 21-22 NOVEMBRE 5-6 DÉCEMBRE BRAHMS direction musicale Philippe Auguin BRAHMS OU L’ART DU PARADOXE CONCERT À THÈME 15 NOVEMBRE BOLLING, ELLINGTON... sur une idée originale de Claude Vié direction musicale Olivier Tardy Par Gérard Dumontet Le Philharmonique de Nice donne l’intégrale des symphonies de Brahms Johannes Brahms (1833-1897) pratiqua une sorte de retour vers le futur. Il est le premier grand musicien dont la portée historique et la personnalité artistique ne coïncide pas vraiment. En fait, ce n’est pas un musicien néoclassique, mais plutôt un musicien qui introduit des nouveautés dans l’ordre classique. Il soumet son attirance pour le non-dit, le mystérieux ou même l’égarement, aux lois de l’architecture. Dans ses symphonies écrites entre 1876 et 1884, il déplace souvent vers l’exposition, la recomposition ou la coda, le centre de gravité qui, chez Beethoven, culmine dans le développement. Il aime aussi, et cela fait souffrir les amateurs d’un classicisme pur, les rythmes tertiaires et binaires juxtaposés. Cette liberté polyrythmique et polyphonique auront un effet libérateur, donneront une émancipation à certains des meilleurs compositeurs du XXe siècle, comme Ives, Tippett, Schoenberg, Berg, Webern, Messiaen ou même Carter. Mais le compositeur en lequel Maurice Ravel lui-même admirait un magicien de l’orchestre, était un grand connaisseur de la musique dite ancienne. L’art des grands polyphonistes de la Renaissance, Schütz, Bach, Couperin constituait une part importante de sa vie de musicien. Il fut même, et cela est étonnant, le seul compositeur de son époque à vouer une véritable admiration, un culte, à Joseph Haydn (1732-1809). On lui opposa Berlioz, Liszt, Wagner, ensuite Bruckner, Mahler. Mais il ne cherchait pas non plus à sacrifier à la mode du poème symphonique, du drame lyrique ou même de la musique à programme. Au-delà des apparences, il est l’héritier de Schubert autant que de Beethoven. Bien que Schoenberg n’ait pas hésité à appeler dans une conférence, Brahms « le progressiste », toutes ces comparaisons, toutes ces analyses sont certes passionnantes, puisqu’elles permettent d’approcher d’un peu plus près l’art de ce grand musicien, mais il est des éléments peut être plus importants qui fondent la grandeur et la pérennité de son œuvre, la spontanéité, le lyrisme, l’humanisme aussi qui imprègne chacune de ses compositions et qui, aujourd’hui encore, envoûte et charme l’auditeur. Nous l’avons dit, les Quatre symphonies ont été écrites en 1776 et 1884. Ce n’est donc qu’à partir de quarante-trois ans que Brahms s’attaque vraiment à la composition orchestrale. En l’espace de quatorze ans à peine, il passe des Variations sur un thème de Haydn au Double concerto pour violoncelle, violon et orchestre. Dans le domaine orchestral, tout est dit ; lui qui s’était révélé un maître absolu dans ce domaine n’écrira plus pour l’orchestre. u 26 CONCERTS Jazz et symphonique : une histoire d’amour. C'est un véritable hommage aux plus fameux jazzmen de l'ère du swing tels que Duke Ellington, Benny Goodman, Glenn Miller mais aussi Ella Fitzgerald et Frank Sinatra. L'autre grande surprise de ce spectacle est la participation du comédien Clément Althaus dans une mise en espace de Joël le Poitvin, des artistes aux talents multiples. PROUST MUSICIEN L’ESSENCE DERRIÈRE L’APPARENCE CONCERT À THÈME 7 DÉCEMBRE FAURÉ, FRANCK, WAGNER DEBUSSY / R. KOERING piano Jonathan Benichou direction musicale Philippe Auguin avec la participation de Jean-Yves Tadié Par Jean-Marc Quaranta Pendant longtemps professeur à la Sorbonne et à Cambridge, Jean-Yves Tadié a dirigé l’édition de A la recherche du temps perdu dans la Bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, où il est également directeur de collections. Il a publié la dernière grande biographie de l’écrivain. Dans Le Goût de la musique, Ariane Charton rappelle que Baudelaire dit qu’il « ne sait pas la musique », bien qu’il ait reconnu celle de Wagner « comme tout homme reconnaît les choses qu’il est destiné à aimer ». Jean-Marc Quaranta : Ce « Marcel Proust musicien » dont vous allez nous parler avait-il un savoir musical ? Jean-Yves Tadié : Proust avait un savoir technique plus étendu sans doute que celui de Baudelaire. Il avait étudié le piano et savait lire une partition, il consultait celles de Wagner. Pourtant le vocabulaire qu’il utilisait n’était jamais technique, ce qu’il considérait comme inadapté au caractère littéraire de son œuvre. Il l’employait parfois, avec humour, pour évoquer les cris de Paris qu’il rapprochait de la musique médiévale et de celle de Moussorgski. Sa connaissance technique faisait que son vocabulaire musical ne paraissait jamais inadapté, dérisoire ou vague. Il parvenait à rendre l’audition de la musique par les sentiments, les images, la création d’une chaîne visuelle. On peut écouter la musique en y projetant ses sentiments amoureux, comme Swann avec la Sonate de Vinteuil, mais Proust considérait la musique comme un langage pur, détaché de toute anecdote personnelle. En quoi ce concert est-il un concert « Marcel Proust » ? Il s’agit de quatre compositeurs pour lesquels Proust avait la plus grande passion. On ne pouvait pas trouver mieux, à part peut-être Saint-Saëns dont la Première sonate pour violon et piano a inspiré celle de Vinteuil. Mais Proust s’en est détaché, comme d’une période sa de vie, celle de sa grande passion avec Reynaldo Hahn. On observe la même chose avec Anatole France. Chez ces deux artistes, même s’ils avaient toutes les qualités du monde, Proust ne trouvait pas un langage véritablement nouveau. Il y a un admirable syncrétisme très habile chez Saint-Saëns, mais on peut comprendre qu’il ne figure pas dans ce programme qui, comme l’ensemble de la programmation de l’Opéra de Nice, donne envie d’habiter cette ville ! De vos recherches sur Proust, quel souvenir reste particulièrement émouvant ? Sans doute la première lecture des autographes de Proust ! Des lettres, tout d’abord, au début des années 1960, puis les soixante-deux cahiers de brouillons1 que j’ai lus à la suite, sans y comprendre grand-chose, il faut bien le dire, car le classement ne correspondait ni à l’ordre de rédaction, ni à celui de l’œuvre publiée. L’émotion fait naître le désir du travail scientifique, la vocation l’appelle, mais ensuite, il faut en faire abstraction. Lorsque j’ai écrit Proust et le roman, j’ai fait taire la sentimentalité et le bavardage, pour faire place au lecteur. Le chercheur, comme le chef d’orchestre, ne doit pas être bouleversé par l’émotion : l’un ne peut pas avoir de tremblement dans la plume, l’autre doit se fier à la rigueur de la partition. La lecture d’un extrait du Temps retrouvé par mon professeur de philosophie, quand j’avais 16 ans, m’a donné envie de lire toute l’œuvre, ce que j’ai fait sitôt rentré chez mes parents. Je retrouve ce sentiment d’extraordinaire beauté quand je relis telle phrase, stupéfiante par sa longueur et son sujet, du début de Sodome et Gomorrhe, une phrase de plus d’une page, authentiquement musicale. Votre plus grand moment d’émotion musicale ? On les trouverait par centaines ! Je me souviens avoir entendu dans mon adolescence, à la radio, Le Sacre du printemps qu’on n’entendait peu alors. Vers la même époque, j’ai écouté l’intégralité de la retransmission du Festival de Bayreuth. Je ne connaissais pas l’allemand, je n’avais ni programme ni livret. Il y eut aussi la découverte de Pelléas et Mélisande. Il en existait peu d’enregistrements et j’avais peu d’argent pour m’acheter des disques. L’audition de cet opéra, précédée de toutes ces voix littéraires qui en ont parlé, m’a bouleversé. Il est resté un objet d’admiration totale, comme les trois dernières sonates de Beethoven découvertes à la même époque. u 1 > Consultables à partir de cette adresse : http://www.item.ens.fr/index.php?id=578147 CONCERTS 27 SIX TITRES LYRIQUES & SIX DÉFIS... A première vue, la saison lyrique 2014-2015 met les artistes du Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur à l’honneur. Giulio Magnanini, directeur du Chœur nous en dit plus en quelques mots. Tout d’abord je me réjouis de constater qu’une fois de plus le Chœur de l’Opéra de Nice sera mis à l’honneur durant toute la saison lyrique. Effectivement, la saison 2014-2015 demandera beaucoup aux artistes du chœur, car dans la plupart des ouvrages, il sera le protagoniste principal. Je ne cesserai jamais d’exprimer la chance que j’ai d’être à la tête d’un groupe d’artistes si généreux, toujours prêts à répondre avec enthousiasme aux nouveaux défis artistiques proposés. Dès la rentrée, cette formation sera sollicitée par un des ouvrages les plus pétillants, amusant et reconnu du public d’opérettes : La Veuve joyeuse, lors de la XIIIe édition du Festival d’opérette de la Ville de Nice qui, peu à peu, devient un rendez-vous très attendu par les passionnées du genre. Après un très grand succès du Chœur de l’Opéra de Nice aux Chorégies d’Orange lors LES MARDIS des productions de cet été MUSICHŒUR (Nabucco et Otello), nous 14 OCTOBRE retrouverons le grand Verdi 9 DÉCEMBRE pour une œuvre magistrale : le 24 FÉVRIER Requiem. Sous de nombreux 21 AVRIL aspects, cet ouvrage ressemLES MARDIS ble à un opéra avec ses conDU CALM trastes, sa musique fortement 25 NOVEMBRE expressive et sa percutante 13 JANVIER partie chorale. 17 MARS Après cette « parenthèse » 14 AVRIL symphonique, nous ouvrirons LES MARDIS la saison avec une version des BAROQUES Vêpres siciliennes toujours de 10 FÉVRIER Giuseppe Verdi, en version de 19 MAI concert. Ce grand opéra qui nécessite une grande masse chorale vous fera découvrir la version française de ce magnifique ouvrage. Comme dans la plus pure tradition de Giuseppe Verdi, à l’histoire collective (celle d’une révolte populaire de l'île de Sicile contre la domination féodale du roi français Charles d'Anjou), vient se greffer un dilemne personnel : choisir entre devoir et amour. Un Sicilien, Henry, tombe amoureux de la duchesse française Hélène. Le patriotisme de ce jeune homme est contrarié car il apprend qu’il est le fils de Monfort, le gouverneur de l’ile. NE MANQUEZ PAS 28 CONCERTS Nous continuerons avec un classique incontournable pour notre public niçois : Turandot. Nous ferons de nouveau appel aux renforts des supplémentaires pour rendre à la partition de Puccini toute la puissance mais aussi la violence de ses pages. Par le souffle sans précédent de l’écriture chorale, Turandot demeure aujourd’hui le plus important parmi les opéras de Giacomo Puccini. Une première dans notre théâtre : Peter Grimes de Benjamin Britten trouvera sa place en début d’année 2015. Un grand orchestre, de grands chœurs, tout y est pour marquer la renaissance de l’opéra anglais. Pour notre plus grand plaisir, un petit voyage en cours de saison pour notre équipe afin de nous rendre, en collaboration avec nos camarades monégasques, à une représentation en version de concert, de Guillaume Tell au prestigieux Théâtre des Champs-Elysées. Pendant les festivités du Carnaval, Così fan tutte sera à l’affiche. Les mozartiens raffolent de cet opéra bouffe en deux actes où le chœur sera moins présent et laissera place à cette merveilleuse musique qui est le troisième et dernier volet de la collaboration Mozart/Da Ponte. Un classique à redécouvrir, Semiramide de Rossini : l’histoire de la reine meurtrière de Babylone est racontée par des airs et des chœurs somptueux. Les artistes du Chœur seront mages, soldats, princesses, babyloniens… Du point de vue technique, la vocalité rossinienne est un chapitre à part. La virtuosité de l'ornementation jusqu’à l’exubérance est toujours au service du texte dramatique. Pour clore cette saison riche et intense, La Juive d’Halévy. Une vraie démonstration chorale pour cet opéra qui ne manquera pas de surprendre notre public. Produit typiquement français, le grand opéra dont La Juive offre un modèle parfait, est un titre à redécouvrir car il marque plus qu’un autre le triomphe du chant français grâce à un orchestre puissant, un sujet émouvant mais surtout des chœurs importants. En parallèle de cette saison bien chargée, les artistes du Chœur et moi-même renouvelons le succès des Mardis Musichoeurs. Forts et motivés par le grand succès que ce cycle de concerts a obtenu la saison passée lors de sa première édition au Foyer Montserrat Caballé, nous revenons avec quatre nouveaux programmes… Festino nella sera del giovedì grasso d’Andrea Banchieri et une série de chansons françaises pour vous donner un avant-goût ! u CALENDRIER CONCERT EN FAMILLE MUSIQUE DE CHAMBRE LES DIMANCHES MATINS À 11H À L’OPÉRA LES LUNDIS « Johannes Brahms : amoureux pour la vie » DIM 28 SEPTEMBRE BRAHMS À L’OPÉRA À 12H15 LUN 20 OCTOBRE RAVEL, CHAUSSON LUN 22 DÉCEMBRE « Un dimanche matin avec les élèves du CNRR et les membres de l’Orchestre Philharmonique de Nice » DIM 23 NOVEMBRE SCHUBERT, MOZART, MENDELSSOHN SCHUBERT, MOZART, DVORAK « Professeur Lobinstein, le retour » DIM 30 NOVEMBRE WAECHTER « Du jazz au tzigane » « Autour des Quatre saisons de Vivaldi » DIM 14 DÉCEMBRE 11H & 15H NOËL À L’OPÉRA AU THÉÂTRE DE LA PHOTOGRAPHIE ET DE L’IMAGE À 12H30 LUN 10 NOVEMBRE SCHNYDER, RAVEL, PATRIX, DARMON AU CNRR DE NICE À 18H30 LUN 6 OCTOBRE JOLIVET, DEBUSSY, RAVEL, CHOSTAKOVITCH LUN 24 NOVEMBRE HAYDN, PROKOFIEV AU MUSÉE CHAGALL À 20H LUN 27 OCTOBRE MOZART, BRODMANN, BRAHMS LUN 8 DÉCEMBRE CHOSTAKOVITCH Robert Waechter, violon solo de l'Orchestre Philharmonique de Nice vient d'enregistrer les 3 Sonates pour violon seul. Le CD est disponible chez Amazon.fr. Le Ballet Nice Méditerranée a désormais BALLETS acquis la réputation d’une compagnie à même de proposer une diversité chorégraphique de haut niveau, aussi enthousiasmante pour le public que précieuse pour ses danseurs en quête d’excellence. En effet, si les spectateurs ont aujourd’hui la réelle possibilité de découvrir un large choix de ballets, les artistes ont, quant à eux, le BALLET NI MÉDITERR privilège d’enrichir leur jeu d’interprète au contact des œuvres des plus grands chorégraphes. La saison 2014-2015 présente ainsi des pièces ambitieuses aux multiples saveurs. Une note cependant ressort de cette programmation que nous sommes heureux de vous dévoiler : une fraicheur vivifiante due à la vigueur, à l’énergie et, reconnaissons le, à l’humour de certains ballets proposés. Cet éventail a été élaboré à partir de pépites du répertoire qui font revivre sur scène la pureté et l’élégance de Balanchine, le Broadway toujours en embuscade de Jerome Robbins, le romantisme exquis de Bournonville, les délicieux soirs de fête de Léo Staats ou encore les jeux virils de Robert North… Le talent qui grandit chaque année au sein du Ballet Nice Méditerranée m’emplit de fierté et de reconnaissance envers ceux qui en sont les acteurs et je vous invite à présent à rejoindre ses danseurs pour vivre à leurs côtés de formidables émotions chorégraphiques… à la fois captivantes, raffinées et inattendues. Éric Vu-An Directeur artistique du Ballet Nice Méditerranée Quel plaisir pour le Ballet Nice Méditerranée de débuter cette saison chorégraphique par un programme aussi prestigieux et enthousiasmant Eric Vu-An Photos danse D. Jaussein 30 BALLETS OCTOBRE CE ANÉE DIRECTION ARTISTIQUE, ERIC VU-AN VEN 17 20H SAM 18 20H DIM 19 15H JEU 23 20H VEN 24 20H SAM 25 20H CLASSES OUVERTES MAR 14 12H MAR 21 12H MASTERCLASS MER 22 10H BALLETS 31 CRÉATION MONDIALE DE DWIGHT RHODEN VERSE US Chorégraphie Dwight Rhoden Musique Nils Frahm Philip Glass, Sven Helbig, Kristjan Järvi Wolfgang Amadeus Mozart, Claude Debussy Costumes Christine Darch Lumières Michael Korsch Figurant parmi les chorégraphes les plus courtisés, Dwight Rhoden a enrichi le répertoire du Ballet Nice Méditerranée d’une pièce puissante et particulièrement exigeante qui permet aux danseurs d’exprimer toute l’étendue de leurs talents. Pour ceux qui connaissent le travail de Dwight Rhoden, la pièce Verse us constitue un moment de danse d’une intensité et d’une diversité remarquable. Eric Vu-An Verse us que Dwight Rhoden a créé pour le Ballet Nice Méditerranée reflète particulièrement bien ce savoir-faire. Richesse et diversité sont une fois de plus au rendez-vous dans cette pièce qui met en avant l’état pulsionnel du corps. Cette création, qui vise parfois la déconstruction, reflète nos multiples facettes et célèbre le chaos qui nous définit. Dès lors, la danse saute d’une émotion à l’autre. La dynamique du corps en mouvement interagit avec l’éclectisme assumé de la musique et suit les nombreux changements de partitions comme autant d’états affectifs qui nous traversent. Verse us rappelle alors Cunningham tant le lien entre la musique et la danse apparaît ici volontairement distendu. La danse s’autonomise et Dwight Rhoden nous offre une chorégraphie nerveuse et précise qui tient le spectateur en état d’alerte grâce aux nombreux changements qu’elle impose aux danseurs. Ces derniers entrent par vagues successives tandis que solos et pas de deux s’intercalent comme des trouées lumineuses. Actions et émotions font écho à la diversité rythmique, aux différentes couleurs et textures sonores pour évoquer cet organe imprévisible et instable qu’est le cœur. Propulsés dans cette réflexion, les danseurs donnent vie à une chorégraphie changeante et évolutive. S’ils apparaissent d’abord en duos, c’est pour mieux éclore, s’étoffer en groupes et donner naissance à des mouvements d’ensemble d’une autre densité. Parfois le groupe se désagrège. Certains danseurs quittent la scène et nous voici à nouveau plongés dans l’intimité d’un pas de deux. Mais déjà, une autre silhouette apparaît et déplace le centre de gravité de la chorégraphie ; nouveau clin d’œil à Cunningham qui a su briser la perspective à l’italienne de la scène en disséminant l’action. Dwight Rhoden s’en inspire et maîtrise à l’évidence l’art de la transition. Rien n’est brusque dans ces changements d’état. Les corps dessinent des courbes sensuelles, s’enroulent dans des plis harmonieux et décrivent une cinétique envoûtante. Si Verse us, fait preuve de sensualité, c’est aussi une démonstration éblouissante de précision et de rigueur implacable exigeant de la part du danseur une physicalité importante. Le ballet confirme ce que disent souvent les interprètes à propos du chorégraphe : pour parvenir au bout de ses pièces, le dépassement de soi est inévitable. Après avoir longuement observé les danseurs avec qui il s’apprête à créer, il s’en inspire, les magnifie et les sollicite au-delà de toutes limites pour en tirer le maximum. Les chorégraphies de Dwight Rhoden sont donc souvent douloureuses, intenses et pleines de difficultés. Mais c’est toujours pour les danseurs, qui ont l’occasion de travailler avec lui, la certitude d’atteindre une forme d’intensité chorégraphique qui les fait se sentir au sommet de leur art. u DWIGHT RHODEN chorégraphe Rhoden est considéré par le New York Times comme « l’un des meilleurs chorégraphes contemporains ». Originaire de Dayton (Ohio), il a commencé la danse à dix-sept ans et s’est produit dans des compagnies américaines de renom. En 1994, il fonde, avec le danseur mythique Desmond Richardson, la compagnie de danse contemporaine Complexions, considérée comme une « compagnie de danse multiculturelle originale américaine », soucieuse de promouvoir l’innovation par le biais d’un programme courageux et audacieux. Pendant plus de dix-huit ans, les œuvres de Rhoden, que ce soit pour sa compagnie ou pour d’autres compagnies de renom, ont rempli quelques-uns des théâtres parmi les plus prestigieux à travers le globe. Notoirement connu comme un « chorégraphe de danseur », Rhoden a travaillé, coaché et créé pour quelques-uns des artistes les plus divers dans le monde du ballet et de la danse contemporaine. Attitré du Théâtre de danse de la Caroline du Nord, il a également été artiste en résidence dans des universités à travers les Etats-Unis. Dwight Rhoden a reçu divers prix et distinctions incluant la Fondation de New York comme récompense artistique, le prix Choo San Goh pour la chorégraphie ainsi que le prix Apex de l’Ecole Alvin Ailey – en guise de reconnaissance pour son immense participation dans le domaine de la danse. « Les deux œuvres de Nacho Duato sont, comme toujours chez ce grand explorateur de cultures, la garantie d’un dépaysement de toute beauté. Ces deux chorégraphies sont aussi l’occasion de rendre hommage à Tony Fabre qui avait remonté ces ballets NACHO DUATO POR VOS MUERO Chorégraphie Nacho Duato Musiques espagnoles des XVe et XVIe siècles Lumières Nicolás Fischtel Textes de Garcilaso de la Vega [durée 25 mn] pour la compagnie. » Eric Vu-An En choisissant de s’enraciner dans l’Espagne du XVe siècle, Por vos muero de Nacho Duato célèbre un âge d’or au cours duquel la musique a accompagné l’expression d’une multitude de formes de danses. Si la chorégraphie ne possède pas d’argument à proprement parler, sinon le poème magnifique de Garcilaso De La Vega qui s’égraine sporadiquement, elle clame la joie sincère du corps en mouvement. A la fois lumineuse et poignante, Por vos muero possède une profondeur qui n’a d’égal que sa légèreté. Nacho Duato ancre sa chorégraphie dans un entre-deux qui exprime à la fois le bonheur d’exister et la résignation face aux derniers instants. De la joie d’abord. Cette œuvre en déborde. Elle est fiévreuse, espiègle. On s’agite, on se taquine. Pieds de nez et claquements de main nous rappellent une Europe et une Espagne Baroque qui savaient se divertir. Si Por vos muero nous donne à voir une danse festive et enjouée, son titre évoque des sentiments plus douloureux et plus solennels. Nacho Duato se fait ici l’écho d’une tradition où le macabre et la douleur ont eux aussi droit à la danse. La chorégraphie se fait grave et spirituelle. La nervosité cède la place à une élévation aux accents poignants et nous plonge dans une contemplation apaisante. Pourtant, la danse ne renonce pas à sa sensualité. Au contraire, celle-ci irradie chaque pas et chaque déplacement. [...] Nacho Duato s’illustre par sa faculté à adoucir toute forme de rugosité et tenir à l’écart la violence et ses effets faciles. Por vos muero, qui en en est l’illustration parfaite, exige on s’en doute de grandes capacités techniques et d’interprétation. Savoir retenir le mouvement, se maintenir dans cette alliance fragile entre l’énergie et l’épuisement, entre l’impulsivité et l’apaisement, entre l’échappée et la résignation. Les danseurs sont mis au cœur d’une danse organique qui abolit le passé et l’avenir et nous offre un mariage rare entre l’amour et la mort. u A GAUCHE : VERONICA COLOMBO DANS POR VOS MUERO NACHO DUATO NACHO DUATO chorégraphe Né à Valence (Espagne) en 1957, GNAWA Nacho Duato commence la danse Chorégraphie Nacho Duato Musiques Hassan Hakmoun, Adam Rudolph Juan Alberto Arteche, Javier Paxariño Abou Khalil, Velez, Kusur, Sarkissian Lumières Nicolás Fischtel à New York auprès [durée 22 mn] le Nederlands Dans Theater. à Londres, avant de rejoindre Maurice Béjart à Bruxelles. Il complète sa formation de l’Alvin Ailey American Dance Center. En 1980, il est engagé au Ballet Cullberg de Stockholm puis rejoint Sa première chorégraphie, Jardi Tancat, remporte le prix Un plateau où règne une obscurité prometteuse, des bougies qui tremblent audevant de la scène et une musique dont les rythmes évoquent les rivages ensablés de la Méditerranée. Il est des chorégraphies dont on sait dès les premiers instants qu’un beau voyage commence. Gnawa est de celles-ci incontestablement. Peu de gens connaissent les confréries gnaouas d’Afrique du Nord et encore moins les mâallems, leurs maîtres musiciens autour desquels s’organisent la pratique de la transe. En revanche, nous savons tous, et ce quels que soient nos goûts, ce que signifie être possédé par la musique. Qu’il s’agisse de l’extase que procure l’écoute d’une symphonie, d’un accord rageur qui électrise nos sens, ou encore du martèlement engourdissant d’un sample, musique et transe forment un lien universellement reconnu et partagé. […] Avec Gnawa, voguant entre Espagne et Maghreb, le chorégraphe élargit notre perception des choses. L’exercice est plus périlleux qu’on ne le croit car brasser dans un même souffle différentes influences, c’est toujours prendre un risque. Là où certains tombent dans le piège, Nacho Duato évite magistralement l’écueil. La réussite de Gnawa, est précisément de ne pas donner l’impression qu’il y a une juxtaposition plus ou moins habile de deux cultures. L’enchevêtrement est tel qu’à l’issue du spectacle nous comprenons que nous n’avons pas été vers l’Autre. Nous avons été l’Autre. Le grand talent du chorégraphe est de savoir donner au folklore un sens élevé. Le folklore n’est pas utilisé dans cette pièce comme un soin apaisant à nos humeurs maussades, parce qu’« ailleurs » et « avant » valaient mieux qu’« ici » et « maintenant ». Il devient ici notre réalité affective. Il nous décille sur notre propre identité et révèle en nous le multiple, l’altérité que le temps et notre curiosité déclinante ont arasée. Pour provoquer cette prise de conscience, cette désorientation, Nacho Duato conçoit sa danse comme un dialogue murmuré entre les corps. Les mouvements d’ensemble sont exceptionnels. Ici, le groupe n’a pas pour fonction de grossir en nombre le même mouvement à la manière d’un régiment. La ligne des danseurs se brise et tandis que l’un d’entre eux initie le mouvement, les autres le reprennent à la manière d’un canon, l’étirent, le répètent et le rendent sinueux comme le mouvement d’un serpent. Puis les corps se croisent, s’aimantent, s’évitent, se rejoignent à nouveau, s’amassent et se redéployent dans l’instant suivant. La transe vient de là, de ce va-et-vient permanent qui donne à la chorégraphie son souffle, sa nage, ses ondulations qui nous envoûtent et nous excitent également. Car la transe n’est pas l’hypnose. Nos yeux sont écarquillés, ils ne sont pas mi-clos. Cette chorégraphie sensuelle, Nacho Duato a su également la rendre nerveuse à souhait. Les danseurs pirouettent, fauchent l’air, nous crient leur vitalité et c’est au final de notre corps assis que la danse prend pleinement possession. u du Concours international de chorégraphie de Cologne (Allemagne). Tout en poursuivant sa carrière d’interprète, il crée une douzaine de chorégraphies pour la compagnie. En 1988, il est nommé chorégraphe résident au Nederlands Dans Theater, aux côtés de van Manen et de Kylián. Ses ballets ne tardent pas à figurer au répertoire des plus grandes compagnies dans le monde. En 1990, il se voit confier la direction artistique de la Compañía Nacional de Danza qu’il élève au niveau international. Nacho Duato est fait Chevalier des Arts et Lettres (1995). Le gouvernement espagnol lui décerne la Médaille d’Or des Beaux-arts en 1998 et il reçoit, en 2000, le Benois de la danse pour sa pièce Multiplicidad, Formas de Silencio y Vacio (1999). Textes Jeanne Marga Extraits du programme de salle octobre 2014 BALLETS 35 BALLETS À L’OPÉRA DÉCEMBRE JEU 11 classe ouverte 12H MAR 16 masterclass 10H MER 24 15H JEU 25 16H VEN 26 20H SAM 27 20H DIM 28 15H MAR 30 20H MER 31 18H AVEC L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE NICE DIRIGÉ PAR DAVID GARFORTH PIANO FRANCESCA TOSI Les fêtes de fin d’année à l’Opéra LÉO STAATS SOIR DE FÊTE Chorégraphie Eric Vu-An d’après Léo Staats Musiques Léo Delibes Lumières Patrick Méeüs Chorégraphe apprécié par Balanchine, Léo Staats est une figure du monde de la danse qui ne bénéficie pas de la mise en lumière qu’il mérite. Concurrencé en son temps par les sulfureux Ballets Russes, il a été un maître de ballet brillant bien que discret et surtout un grand pédagogue. Ses chorégraphies ont eu le mérite de s’être attelées à un chantier alors considérable : la revalorisation du rôle du danseur que le XIXe siècle avait réduit à celui de simple porteur. Avec Soir de Fête, œuvre de 1925, on assiste de manière remarquable à cette renaissance du danseur bondissant et évoluant librement aux côtés des danseuses. Cette chorégraphie illustre bien la fin d’un antagonisme homme - femme contreproductif qui avait fini par assécher la danse. GENE KELLY PAS DE DIEUX Chorégraphie Gene Kelly remontée par Claude Bessy Musiques George Gershwin Lumières Patrick Méeüs Pas de Dieux raconte l’histoire d’Aphrodite et Eros qui s’envolent vers la terre. Sur la plage où ils ont atterri, l’ardente déesse et le dieu malicieux séduisent respectivement un maître nageur et sa fiancée. Les couples ainsi formés se prélassent dans les plaisirs de l’amour. Au moment ou la belle Aphrodite danse avec son prétendant, Zeus survient pour reconquérir sa volage épouse et tout rentre dans l’ordre. Les immortels réconciliés remontent vers les cieux laissant les humains à leurs amours terrestres. Ce ballet de Gene Kelly admirablement construit suit fidèlement les trois mouvements du concerto en fa de Gershwin. La chorégraphie est percutante et pleine de fantaisie. Chaque pas est un « gag ». Danser en roulant les épaules, les genoux pliés et les pieds rentrés constitue peut-être un parti pris contraire à toutes les lois esthétiques mais bien conforme à celle de l’humour. Ce Pas de Dieux est en résumé un divertissement bien agréable. MARCO POLO À L’ÉTRANGER Le Ballet Nice Méditerranée au Festival du French May de Hong Kong Les danseurs et Eric Vu-An, leur directeur artistique ont fait des milliers de kilomètres pour aller à la rencontre de l’Asie avec ce magnifique ballet Marco Polo, chorégraphié par Luciano Cannito. Ils sont ainsi allés d’abord à Hong Kong, invités par le prestigieux Festival le French May, puis à Xiamen en Chine dans le cadre du Festival Croisements. Cette année était effectivement l’année du cinquantenaire des relations franco-chinoises et notre Ballet a ainsi eu l’honneur d’incarner la culture française et bien entendu le rayonnement de la Ville de Nice. Les danseurs ont également pu approcher cette culture orientale et côtoyer les danseurs du Hong Kong Ballet qu’ils ont eu la chance de voir répéter, sachant que ces derniers sont venus les voir danser à leur tour. De belles rencontres et de beaux souvenirs ! Pour Eric Vu-An, cette œuvre « située au carrefour de la danse classique et des danses orientales, permet aux danseurs d’exprimer un langage académique virtuose et de se fondre en même temps dans une gestuelle exquise évoquant de « lointains rivages » et « exigeant beaucoup de qualités techniques et d’interprétation de la part des artistes ». Librement inspiré du roman Les villes invisibles d’Italo Calvino publié en 1972, le célèbre explorateur vénitien est invité à la cour de l’Empereur Kublaï Khan afin qu’il lui raconte ses récents voyages. Une invitation au voyage, un dialogue entre un Empereur et un voyageur. u Ballet en 2 actes, librement inspiré du roman Les villes invisibles d’Italo Calvino Chorégraphie Luciano Cannito Musique Marco Schiavoni Décors, costume & lumière Jean-Pierre Laporte Avec la participation exceptionnelle d’Eric Vu-An, directeur artistique du Ballet Nice Méditerranée BALLETS 37 BALLETS EVENEMENTS Eric Vu-An, directeur artistique du Ballet Nice Méditerranée et trois danseurs de la compagnie s’envoleront prochainement vers Cuba. Invités par la célèbre chorégraphe et danseuse étoile cubaine, Alicia Alonso, ils se produiront les 29 octobre et 1er novembre dans La Pavane du Maure de José Limon, dans le cadre du Festival de danse de La Havane. DÉCOUVREZ LA CLASSE EN PLEIN AIR DU BALLET ! Les danseurs du Ballet Nice Méditerranée ont donné une classe ouverte en plein air quai des Etats-Unis à Nice, le 6 septembre dernier dans un décor de rêve, entre l’Opéra de Nice et la mer ! Eric Vu-An souhaitait présenter la nouvelle saison chorégraphique 2014-2015 à un large public. C’est fait ! Le public est venu nombreux et a ainsi pu voir et se rendre compte du travail quotidien des danseurs que l’on connait moins. Travail à la barre, travail au milieu, répétitions des ballets que la compagnie va donner en spectacle, autant de technique, de discipline, de volonté que les danseurs du Ballet Nice Méditerranée ont offert à leur public avec un immense talent. Retrouvez-les dans un programme nécessitant toujours plus d’excellence, dans Verse us, une création mondiale de Dwight Rhoden et deux magnifiques chorégraphies de Nacho Duato à partir du 17 octobre sur la scène de l’Opéra Nice Côte d’Azur. RENSEIGNEMENTS / RÉSERVATION 04 92 17 40 79 / www.opera-nice.org 38 JEUNE PUBLIC RENCONTRE INATTENDUE À HONG KONG Virginie Broquet était à Hong Kong pour quelques jours en mai dernier dans le cadre de son projet de carnets des ambassades de France et la sortie de son roman graphique Suzy Wong et les esprits… et a eu la surprise de « tomber » par hasard sur le Ballet Nice Méditerranée qui se produisait au prestigieux Festival du French May à Hong Kong. Elle a donc croqué un peu de ce moment privilégié du bout du monde. OCTOBRE JEUNE PUBLIC LA GRANDE FABRIQUE DE MOTS Dans le cadre des célébrations du jumelage Nice-Nuremberg SCOLAIRES MER 1er 10H TOUT PUBLIC MER 1er 15H SCOLAIRES premier degré JEU 2 10H & 14H30 SCOLAIRES second degré VEN 3 10H & 14H30 TOUT PUBLIC DIM 5 11H SCOLAIRES en allemand MAR 7 10H & 14H30 TOUT PUBLIC & SCOLAIRES second degré > tarif unique 5 € La Grande fabrique de mots est l’adaptation musicale du livre illustré éponyme de Valeria Docampo et Agnès de Lestrade dans la version du théâtre lyrique de Martin Zels destinée aux enfants de 8 ans et plus. ARGUMENT L’histoire se déroule dans un pays fictif et étrange dans lequel les gens parlent peu car ils doivent acheter des mots puis les avaler pour pouvoir les prononcer. Ces mots sont fabriqués dans La Grande fabrique de mots. Le jeune Philéas ne peut pas acheter les mots avec lesquels il souhaite exprimer son amour à Cybelle, il ne dispose que des trois mots qu’un autre a jetés. On peut parfois trouver des mots sans intérêt dans les poubelles ou sur la route. Certains mots volent et on peut les attraper avec un filet à papillons. En revanche, Oscar possède beaucoup de mots et il est également amoureux de Cybelle. Philéas avec ses trois mots : « cerise, poussière, chaise » réussira tout de même à conquérir le cœur de Cybelle car ses sentiments sont plus forts que tous les mots du monde. Et les actes, les regards et les sourires parlent d’eux-mêmes. JEUNE PUBLIC 39 ENTRETIEN AVEC MARTIN ZELS Mise en scène Marcelo Diaz Jeu / musique Helwig Arenz Beatrix Cameron Irene von Fritsch Johannes Reichert Martin Zels Direction artistique Jürgen Decke Direction musicale Martin Zels Composition musicale Martin Zels Scène Andreas Wagner Son Florian Kenner Éclairage / technique Sasa Batnozic Florian Kenner Nils Riefstahl Costumière Beatrix Cameron Assistante costumière Miriam Markl Maquillage Zuzana Radek Assistante du metteur en scène Silke Wilhelm Stagiaire en mise en scène Cornelia Götschel Pédagogie du théâtre Eva Ockelmann Carolin Wollnik Juliane Auer Presse et relations publiques Ute Sander-Keller Graphique Wolfgang Keller 40 JEUNE PUBLIC Compositeur et directeur musical de La Grande fabrique de mots Directeur du Théâtre lyrique au Theater Pfütze, Martin Zels raconte. Dans la plupart des mises en scène du théâtre lyrique, la musique occupe le devant de la scène. Tous les autres arts impliqués tels que le drame, les costumes et les décors, s’adaptent souvent à la musique. Le « jungeMET », le théâtre lyrique du Theater Pfütze et du théâtre de la ville de Fürth veut toutefois souligner la dimension multimédia du théâtre lyrique et favoriser une interaction entre tous les arts. Tous les arts impliqués doivent contribuer à un récit clair et intelligible. La musique demeure naturellement la principale composante, mais elle est toujours imprégnée et accompagnée d’éléments narratifs et d’expériences résultant de près de trente années de théâtre parlé pour jeune public. C’est également le cas de la pièce de théâtre lyrique poétique, La Grande fabrique de mots, que musiciens, comédiens et autres artistes ont entrepris, en associant leurs différentes influences, de mettre en scène ensemble. Grâce à cet opéra de chambre, j’ai réalisé un rêve en composant un opéra pour un contre-ténor, un registre pour des chanteurs masculins dans la gamme alto-soprano. Pour le chanteur Johannes Reichert, La Grande fabrique de mots est un défi sur le plan vocal. En tant que chanteur-narrateur, il entraîne le public à travers l’histoire et chante pendant environ quarante minutes. Au chant se joignent des instruments : un violoncelle, un violon et tout un ensemble d’instruments à percussion. Deux particularités caractérisent les musiciens qui jouent de ces instruments. D’une part, ils ne disparaissent pas dans la fosse d’orchestre, comme c’est souvent le cas dans le théâtre lyrique, mais ils sont présents sur la scène et visibles. D’autre part, ils ne se produisent pas uniquement en tant que musiciens, mais incarnent également les rôles des trois personnages principaux : Marie, Paul et Oskar. Leurs instruments leur permettent de communiquer les uns avec les autres et de montrer leurs différents caractères. Dans cette mise en scène, la musique alterne les rôles. Elle joue le rôle d’accompagnement d’une musique de film muet pour ensuite se transformer en une narratrice autonome. La diversité de la musique se retrouve également dans les timbres et les mélodies. Des doux duos du violon et du violoncelle, la musique s’envole vers les rythmes puissants des percussions. Elle est alors renforcée par une « Loop station » qui répète constamment les différents passages avec insistance et rend la fabrique de mots audible. Le Theater Pfütze a choisi la pièce La Grande fabrique de mots car cette œuvre met en avant l’importance de la langue et la valeur des mots que nous utilisons chaque jour. Cette pièce présente, d’une façon charmante, les rapports avec les mots. Les mots produisent un bel effet lorsqu’on les respecte, les contenus se laissent transporter même sans parole et les mots vides de sens sont à l’affût. Cette histoire d’amour poétique nous prouve que les actes sont parfois plus précieux que des milliers de mots. u DIACOSMIE COSTUMES À VENDRE L’Opéra Nice Côte d’Azur a mis des costumes de scène aux enchères pour la première fois ! C’est une première, l’Opéra Nice Côte d’Azur a mis en vente des costumes de scène, il y a quelques semaines sur le site agorastore.fr afin de gagner un peu de place dans les allées de la réserve de costumes de la Diacosmie, le centre de production de l’Opéra. François Remonenq et Janine Gregori qui « chouchoutent » tous ces costumes depuis des années – entre l’envoi au nettoyage, le référencement et la mise en place de codes-barres, la mise sous housse de protection, le rangement – ont également fait un travail remarquable de sélection pour cette vente. Cent soixante-cinq costumes ont ainsi été proposés à un prix de départ plus qu’abordable, de 5 à 20€, le but étant de rentrer un peu d’argent et surtout de donner une deuxième vie à ces costumes créés par les couturières de la Diacosmie. Les enchères se sont bien passées, certains prix ont presque été multipliés par dix. Le retrait de ces costumes s’est fait le 21 septembre à la Diacosmie, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine. CALENDRIER CONFÉ RENCES À L’OPÉRA OCTOBRE SAM 11 15H > Le Ring de Bayreuth, Hommage à Patrice Chéreau et Pierre Boulez Extraits du Ring, par Renée et Anne-Marie Saurel L’ASSOCIATION DES AMIS DE L’OPÉRA ET DE RICHARD WAGNER SAM 25 16H > Le Sacré dans l’Opéra français par André Segond CERCLE RICHARD WAGNER RIVE DROITE NOVEMBRE MER 5 18H > Turandot ASSOCIATION POUR LE RAYONNEMENT DE L’OPÉRA NICE CÔTE D’AZUR SAM 15 16H > Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, paroles et musiques Concert / conférence, création de Denia Mazzola Gavazzeni CERCLE RICHARD WAGNER RIVE DROITE DÉCEMBRE SAM 20 15H > Placido Domingo, plus d’un demi-siècle de carrière, l’artiste du siècle De Mexico à Bayreuth en passant par New York et Nice, par Renée et Anne-Marie Saurel L’ASSOCIATION DES AMIS DE L’OPÉRA ET DE RICHARD WAGNER 42 BLA BLA BLA LA PRESSE EN PARLE L’AVENIR COTE D’AZUR 13 juin 2014 La Côte d’Azur courtise la Chine Retour sur quelques éléments de ces relations en plein développement, à l’occasion d’une mission, économique et culturelle menée fin mai par une délégation azuréenne. [...] Le Ballet Nice Méditerranée de l’Opéra de Nice, que dirige Eric Vu-An, accompagnait la délégation. C’est dans le cadre du French May de Hong Kong, le plus grand événement culturel français à l’étranger qu’il a donné ses deux premières représentations en territoire chinois un Marco Polo dont le style à mi-chemin entre les cultures orientales et occidentales a émerveillé le public. Les retombées médiatiques et populaires ont amené les organisateurs à proposer à l’Opéra de Nice de revenir à Hong Kong dans les années futures. « la culture traduit le niveau d’excellence de Nice dans bien d’autres domaines et favorise l’attraction de la ville », commente Christian Estrosi [...]. LE POINT.FR 28 mai 2014 « Dreyfus » opéra populaire signé Michel Legrand, en création mondiale à Nice [...] L’affaire d’état du capitaine Dreyfus racontée tout en chansons et en légèreté ? Le tandem Legrand-Cauweleart a réussi un pari plutôt osé, servi par une distribution mêlant interprètes de théâtre, de comédie musicale et d’opéra. Des décors coulissants, époustouflants de prouesse technique, permettent de suivre l’intrigue simultanément dans neuf univers superposés se présentant comme les cases d’une maison de poupée. [...] Le metteur en scène, Daniel Benoin jongle non sans angoisse avec 130 effets de lumière et 60 effets vidéo, qui doivent servir une histoire en 53 chansons sous les accords de l’Orchestre Philharmonique de Nice. « C’est techniquement compliqué » admet-il. Le librettiste Didier Van Cauweleart n’a pas choisi comme personnage principal le tragique capitaine Dreyfus dont la seule action est d’écrire à sa femme. Il raconte l’histoire du point de vue inédit du traître cabotin Esterhazy. Les auteurs du spectacle ont voulu « une alchimie entre le rire et l’émotion » car sinon le message sur l’antisémitisme ne passe pas, résume Didier Van Cauweleart. [...]. NICE MATIN Vendredi 4 juillet 2014 Par Alain Maestracci Une folle saison en prévision à l’Opéra L’Opéra de Nice a présenté, hier sa programmation 2014/2015 : œuvres lyriques, concerts symphoniques, danse ou spectacles enfants. [...] « Nous avons eu cette année une saison réussie grâce à la curiosité du public. Il n y avait ni Mozart ni Puccini mais le public a suivi. Celle-ci sera différente avec le retour de ces classiques. Mais je revendique toujours cet éclectisme cette variété bien pensée ». Voila donc les mots d’ordre de la programmation 2014/2015 de l’Opéra de Nice, lancés par son nouveau directeur artistique, Marc Adam. [...] Objectif cette saison : « Elargir encore » vise Marc Adam. « Nous avons à Nice un public averti et c’est une chance. Mais il faut toujours aller chercher davantage et jouer plus. » Pour ça, l’Opéra frappe fort. Et sur tous les fronts. BALLET 2000 juillet 2014 Par Afio Agostini Moderne sans risques à Nice Le Ballet de l’Opéra de Nice est l’une des rares compagnies de France qui fait encore quelque chose que l’on puisse appeler ballet. [...] Le premier petit chef-d’œuvre de Jiři Kylián, une pièce de Ben Stevenson qui sans être phénoménale est très connue et l’un des des plus beaux ballets d’Alvin Ailey. Sinfonietta est la pièce crée par hasard en 1978 par laquelle Kylián se révéla internationalement [...] Il suffit de dire que les danseurs de Nice ont paru convaincus dynamiques et épanouis comme jamais [...]. Trois préludes du chorégraphe anglais Ben Stevenson pour un couple de danseurs et une barre. [...]. Pour finir Night Creature nous a plongés dans le monde d’Alvin Ailey, le grand chorégraphe noir américain considéré de manière simpliste comme le génie de la jazz dance. Ce night creature depuis quarante ans est l’un des temps forts du répertoire de la compagnie d’Alvin Ailey, demeure une merveille de fusion chorégraphique à l’américaine avec un rythme irrésistible [...] Chaya Masazumi tentait l’entreprise impossible d’imiter les danseurs inimitables d’Alvin Ailey. Mais Eric Vu-An a bien raison de viser haut dans ses choix chorégraphiques pour la compagnie qu’il dirige et pour son public. MUSICOLOGIE.ORG Samedi 20 septembre 2014 Par Jean-Luc Vannier C’est avec un programme « Hector Berlioz » que l’Orchestre philharmonique de Nice sous la direction de Philippe Auguin effectuait le samedi 20 septembre, après un « concert dans la ville » la semaine passée, sa rentrée dans les murs de l’opéra Nice Côte d’Azur. Un programme à la fois classique et exceptionnel : classique avec, précédée du Carnaval Romain, une magnifique exécution de la Symphonie fantastique, opus 14, œuvre dédiée au Tsar Nicolas 1er de Russie […] Mais exceptionnel par la présence de la soprano Barbara Hendricks dans Herminie, l’une des cantates obligatoires pour tout candidat de l’époque au concours du Prix de Rome. […] SOUTENIR L’OPÉRA Un acte stratégique à caractère philanthropique CLUB DES PARTENAIRES AIR FRANCE CCI PIERRE SCHMITT Président Directeur Général de PHILEA CHAMPAGNE HENRIOT CRÉDIT AGRICOLE © D.R. CONSEIL IMMO YVES COURMES DE ANGELIS BAT-IR DISTRI SCÈNES ERNST & YOUNG FRAGONARD GALERIES LAFAYETTE HÔTEL ASTON LA SCALA HÔTEL BEAU RIVAGE HÔTEL WEST END LE GRAND BALCON LENÔTRE LIGNES D’AZUR LYONNAISE DES EAUX MOLINARD NICEXPO ORANGE PERADOTTO PHILEA GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT POIVRE NOIR RICCOBONO SÉRIGRAPHIE MODERNE Vers une filière textile 100 % française Patron des sociétés Philea, Velcorex, Emanuel Lang et Tissage des Chaumes, Pierre Schmitt, personnalité hors normes, créateur et repreneur d’entreprises est un chevalier blanc du combat contre la liquidation un peu trop facile d’usines qui ont un véritable capital de machines et de savoir-faire. En innovant avec des matières premières tombées dans l’oubli comme le chanvre et l’ortie, il se bat pour reconstituer une filière textile 100 % française. Diplômé de Sciences Po Strasbourg et du Cesma de Lyon, il a occupé des fonctions commerciales et de création au sein du groupe DMC à Mulhouse, avant de créer en 1998, avec Eliane Wolf, la société Philea Textiles à Soultz dans le Haut-Rhin. Avec la reprise des trois autres entreprises en 2010-2012 et 2013, il a créé une synergie technique et de créations innovantes. Philea est organisé en trois pôles, technique, artistique et commercial, qui travaillent ensemble pour créer des tissus pour les grandes marques de prêt-àporter comme 1-2-3, Sandro, Max Mara, Hugo Boss. « L’ouverture vers la culture s’est faite par hasard, en fournissant des tissus en Nouvelle Zélande pour le tournage du film Le seigneur des anneaux, puis le tissu de la robe d’Hélène dans le film Troie. Par la suite, des associations alsaciennes sont venues nous demander des tissus pour leurs spectacles, et nous avons accepté car c’était une manière de céder des stocks et nous faire connaître auprès des consommateurs. Actuellement, nous sommes mécènes de l’Opéra National du Rhin à Strasbourg, de la Filature de Mulhouse, des Dominicains de Haute-Alsace, et d’autres encore. Nous sommes très heureux de pouvoir bénéficier du dispositif de déduction fiscale appliqué à nos dons, grâce à la loi Aillagon sur le mécénat. Avec l’Opéra Nice Côte d’Azur, notre collaboration est due à une rencontre fortuite et un bon premier contact. La convention qui nous lie est facile à mettre en place et à suivre, nous offrons du tissu pour la confection des costumes et en échange nous obtenons un récépissé Cerfa qui nous permet de déduire 60% du montant de notre don. Pour nos collaborateurs, ils ont ainsi la possibilité de voir des spectacles auxquels ils n’auraient pas eu forcément accès ou l’idée de voir : des créations mondiales, des opéras, des pièces de théâtre, des rencontres de créateurs extérieurs au monde de la mode dans nos ateliers. Tout cela est très positif pour l’esprit de l’entreprise. A travers cette expérience très positive à tous points de vue, nous sommes convaincus que d’autres entreprises devraient avoir la même démarche d’aide à la culture grâce au Mécénat et nous serions fiers que notre exemple puisse servir en ce sens. Nous n’avons qu’un seul regret, la distance qui sépare Nice et l’Alsace, car nous serions ravis de voir les belles productions de l’Opéra Nice Côte d’Azur avec des costumes réalisés avec nos tissus. » PARTENAIRES 43