économie

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politis.fr
Politis
Politis
Écologie
Biodiversité
en péril
I Semaine du 14 au 20 mai 2009 I n°1052 I
DÉPUTÉS EUROPÉENS
3:HIKNOG=VUXUUZ:?b@a@f@m@k;
Ce qu’ils
disent...
M 03461 - 1052 - F: 3,00 E
… ce qu’ils
votent
ÉCONOMIE
Cinq moyens pour
l’urgence sociale
LOI HADOPI
Entretien avec
Martine Billard
CANNES
L’Acid
au festival
PROCHE-ORIENT
La guerre
médiatique
SOMMAIRE
ÉVÉNEMENT
EUROPÉENNES
Le double
langage des
députés
européens.
DE SAKUTIN
Pages 4 et 5
ÉCONOMIE
ANALYSE.
Cinq moyens de
financer l’urgence sociale.
Pages 6 et 7
CULTURE
CANNES.
Quinze ans de
programmation pour l’Acid.
Pages 22 et 23
ROCK. « Together Through
Life », de Bob Dylan. Page 23
THÉÂTRE. « Liliom »,
de Ferenc Molnar, et « Éloge
du poil », de Jeanne Mordoj.
Page 24
MÉDIAS
TÉLÉVISION.
« Une histoire du
cinéma israélien »,
de Raphaël Nadjari. Page 25
MOBILISATIONS. Chômeurs
et salariés, même combat ?
Page 8
IDÉES / DÉBATS
SOCIÉTÉ
BONNES
FEUILLES.
INTERNET.
Entretien avec
Martine Billard : Hadopi, un
non-sens historique.
« La Nouvelle
Guerre
médiatique
israélienne »,
de Denis
Pages 10 et 11
UNIVERSITÉS.
Entretien avec
Isabelle This Saint-Jean :
« Nous subissons
des menaces ». Page 12
ÉCOLOGIE
TERRES.
La face cachée
de la reforestation. Page 14
MONDE
SRI LANKA. Vivre la guerre
à distance. Page 15
Sieffert.
Pages 26 et 27
TRIBUNE.
« 8 mai : ne pas
oublier Sétif », par Olivier
Le Cour Grandmaison. Page 28
DE BONNE HUMEUR. Chronique
de Sébastien Fontenelle.
Page 29
LE POINT DE VUE
DES LECTEURS
Pages 32 et 33
BLOC-NOTES
Pages 34 et 35
Couverture : Aurel
FAGET/AFP
DOSSIER
BIODIVERSITÉ
Malheureuse
nature.
Une protection
peu rapprochée.
Ces minuscules
envahisseurs.
Pages 18 à 21
LA SEMAINE PROCHAINE DANS POLITIS
L’EUROPE ET LA DÉMOCRATIE
2I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
ÉDITORIAL
PAR DENIS SIEFFERT
Cette Europe n’est pas une fatalité
R
Cette Europe
néolibérale
n’est pas une
donnée météorologique qu’il
conviendrait
de subir dans
une sorte de
désenchantement
démocratique.
evoilà l’Europe ! À trois
semaines des élections au
Parlement européen, nos
concitoyens sont donc invités à
se souvenir qu’ils appartiennent
à un vaste ensemble géopolitique qui
conditionne en partie leur vie quotidienne.
Tous les cinq ans, c’est à peu près la même
chanson. Hélas, entre-temps, rien ou
presque. Ce sont les grands partis, PS et
UMP, qui donnent le ton de l’indifférence.
Ceux-là se désintéressent à tel point de cette
assemblée qu’ils y envoient généralement
leurs seconds couteaux, voire de futurs exministres en disgrâce. C’est un peu les culsde-basse-fosse de la République. Les
oubliettes. Sommée de quitter les
munificences de la Place Vendôme pour
l’austère bâtiment strasbourgeois, Rachida
Dati n’a d’ailleurs rien trouvé de mieux
récemment que de tourner sa propre
candidature en dérision, pouffant de rire et
avouant publiquement son incompétence.
Mais le mal est plus profond. Si la
participation n’en finit pas de baisser depuis
trente ans que l’on vote pour élire des
députés européens, c’est surtout que les
gouvernements n’ont cessé d’invoquer
l’Europe pour légitimer leur politique
néolibérale. L’Europe et le néolibéralisme,
c’est un peu comme la poule et l’œuf. En
façonnant l’Europe à partir des dogmes
néolibéraux, ils ont créé une sorte
d’imperium qu’ils invoquent ensuite pour
inviter les peuples à la résignation. Peu à peu,
« Bruxelles » et « Strasbourg » sont devenus,
dans l’imaginaire collectif, le cœur des
décisions contre lesquels on ne peut rien.
La vérité est évidemment tout autre.
Cette Europe néolibérale n’est pas une
donnée météorologique qu’il conviendrait de
subir dans une sorte de désenchantement
démocratique. Ce n’est pas l’Europe qui a
inventé le dumping social, la précarité, les
délocalisations, la mise en concurrence de la
main-d’œuvre, ni affaibli les services publics
avant de les liquider, c’est l’idéologie
néolibérale de nos dirigeants. Et l’alibi
européen pour justifier tous les maux et
toutes les vilenies est moins le fait des
antilibéraux que des partisans déclarés de
cette Europe-là. Ils contribuent à faire haïr ce
qui leur est si utile pour se disculper devant
leurs électeurs et pour échapper à leurs
responsabilités. L’autre grande raison de
l’indifférence mâtinée d’hostilité que
beaucoup de nos concitoyens éprouvent à
l’égard de l’Europe tient à l’attitude de la
social-démocratie européenne. En France, la
date symbolique est sans aucun doute 1983.
Avec la fameuse parenthèse de la rigueur, le
pouvoir socialiste a renoncé à toute
transformation sociale. Il a adhéré au
néolibéralisme ambiant. Il a cédé à un
nouveau partage capital/travail tout à
l’avantage du capital et du capital financier.
Comme les pouvoirs néolibéraux de droite
ou de centre-droit, il a instrumentalisé
l’Europe pour accréditer l’idée que sa
politique lui était imposée de l’extérieur.
Mais, plus grave encore, nos socialistes se
sont emparés de « l’européisme » comme
d’une idéologie de substitution.
revanche les enjeux entre le « oui » et le
« non ». Ces deux référendums sont la
preuve évidente que nos concitoyens ne se
désintéressent pas de l’Europe ; qu’ils
peuvent même se passionner pour elle, pour
autant que les enjeux sont clairs. Souvenonsnous que vingt-six millions de Français ont
voté le 7 février 1992 « pour » ou « contre »
le traité de Maastricht. Soit plus de 69 % de
participation. Souvenons-nous que trente
millions se sont prononcés « pour » ou
« contre » le traité constitutionnel européen,
un certain 29 mai 2005. Soit 70 % de
participation. Peut-on parler d’indifférence ?
En revanche, quand il s’agit d’arbitrer un
duel PS-UMP sans enjeu – ce qui est le cas
aujourd’hui –, alors le risque est grand d’une
abstention teintée d’hostilité. Il n’y eut guère
que 46 % de participation aux européennes
de 1999, et 42 % à celles de 2004…
Comment éviter que ce sentiment
d’impuissance ne se manifeste plus fortement
encore cette fois ? Sans doute en s’efforçant
de convaincre que les enjeux des deux grands
référendums de 1992 et de 2005 existent
L’Europe n’était plus un espace
toujours et plus que jamais aujourd’hui. Et
politiquement neutre auquel la démocratie
que l’ambition d’une Europe démocratique,
devait donner un contenu, néolibéral pour
les uns, social pour d’autres, mais un objectif sociale et écologique, qui s’était exprimée
dans le « non » au cours de ces deux grands
qui se suffirait à lui-même. Comme si
débats, est représentée dans le scrutin du
l’Europe, n’importe quelle Europe, avait en
7 juin. La crise, qui n’était pas là il y a quatre
soi des vertus sociales, voire socialistes.
Ainsi, « Bruxelles », qui était déjà le lieu d’où ans, rend plus urgente encore la mobilisation
pour une autre Europe.
tombaient les mauvais coups, et où se
concoctaient les directives antisociales,
devenait de surcroît l’espace des confusions
idéologiques. L’Europe, privée d’épithète et
de caractérisation politique, devenait le lieu
où s’abolissaient les différences entre droite
et gauche. La campagne menée de concert
par une majorité du PS, l’UDF et une partie
du RPR, en 1992, en faveur du traité de
Maastricht, allait une première fois répandre
ce venin mortel pour notre démocratie, celui
de l’indifférenciation politique. Une
deuxième fois, en 2005 – et plus
spectaculairement encore –, les socialistes
partisans du « oui » allaient se fondre et se
confondre avec la droite néolibérale. Bras
dessus, bras dessous, on alla même jusqu’à
battre les estrades ensemble. Mais en 1992
comme en 2005, si le peuple ne voyait plus
guère de différences entre droite et gauche
traditionnelles, il voyait clairement en
1 4 mai 200 9
I
POLITIS
I 3
• L’examen détaillé
• Martine Aubry : Nous,
• Sur tous les grands
L’ÉVÉNEMENT EUROPÉENNES
Le double langage des députés
L’eurodéputée Bernadette Vergnaud, tête de la liste PS de la Région Ouest, entourée de ses colistiers. DE SAKUTIN/AFP
iracle du dédoublement.
Ce jeudi 23 avril, Razzy
Hammadi se mêle au rassemblement des personnels
d’EDF et de GDF-Suez aux
abords de l’Assemblée nationale. Le fougueux secrétaire national aux services
publics du PS ignore-t-il que ses camarades élus au Parlement européen ont, la
veille, entériné une vaste réforme visant
à poursuivre la libéralisation des marchés européens de l’énergie ? On ne sait.
Et qu’importe ! On ne retiendra que
l’écart entre le discours et les actes.
Razzy Hammadi apporte donc le « soutien » de son parti « aux salariés engagés dans la défense du service public »
et dont « les exigences […] relèvent,
insiste-t-il, de l’intérêt général de nos territoires et de notre pays ». En la circonstance, la rhétorique socialiste est invariée :
« Le PS demande le retrait des projets
de démantèlement et d’externalisation de
M
4I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 09
En 2004, le PS avait promis
de mettre un terme
à la cogestion PPE-PSE
de l’Europe. C’est le contraire
qui s’est produit.
l’activité » de ces deux entreprises
publiques.
La veille, la travailliste britannique Eluned Morgan, qui rapportait sur une directive clé du « 3e paquet énergie » sur le
marché de l’électricité, a obtenu à une
très forte majorité (588 pour, 81 contre,
9 abstentions) que les entreprises historiques comme EDF opèrent une séparation entre leurs réseaux de transmission
et leurs activités de production. L’hypothèse d’une cession pure et simple de
ces réseaux ayant été refusée par plusieurs
gouvernements, dont Paris et Berlin, les
géants de l’énergie qui refusent ce démantèlement définitif pourront opter pour
deux autres solutions à peine moins douloureuses : la location de leur réseau à un
opérateur ou sa filialisation avec une séparation stricte. Et c’est cette disposition
qu’ont votée les élus européens du PS, à
l’exception d’Anne Ferreira et de MarieNoëlle Lienemann, qui ont voté contre,
de Benoît Hamon et d’Harlem Désir, qui
se sont abstenus ; les élus européens du
PS ont fait corps avec le Parti socialiste
européen (PSE) pour approuver ce saucissonnage avec leurs collègues UMP
du groupe du Parti populaire européen
(PPE) et les élus du MoDem, qui siègent
dans le groupe Alliance des démocrates
et des libéraux pour l’Europe (ADLE).
« Oui, nous défendons les services
publics », s’exclame néanmoins Martine
Aubry en lançant la campagne européenne des socialistes, deux jours plus
tard, à Toulouse. Et, dans sa bouche, ce
« nous » désigne autant le PS que le PSE,
dont les principaux dirigeants sont à ses
côtés. Difficile de ne pas réprimer un sourire lorsqu’elle s’en prend au double discours de François Bayrou : « Nous, nous
le savons, le discours n’est pas le même
à Bruxelles et ici ! » Car ce qui est vrai du
MoDem l’est au moins autant du PS.
Et François Bayrou n’est pas moins menteur quand il affirme, la main sur le cœur,
dimanche dernier sur Europe 1, que ses
députés ont « constamment, sans aucune
exception, voté dans le sens de la défense
des services publics ». Avec un culot mitterrandien, il soutient même qu’« il suffit de reprendre la totalité des votes au
Parlement européen » pour le voir. Si la
complexité du site web de cette institution protège les eurodéputés de la curiosité des citoyens, l’examen du vote de nos
élus n’est jamais dénué de surprises.
À condition de s’armer de patience,
on peut y découvrir que la fin du monopole de La Poste sur le courrier de moins
de 50 grammes – avec tous les risques
d’abandon des territoires « non rentables » et de fermeture de bureaux qu’implique cette décision – a été votée le
11 juillet 2008 par les amis de Bayrou
et la quasi-totalité du PSE, sauf les socialistes français.
Ces derniers n’avaient pas été aussi unanimes lors d’un premier vote sur la directive électricité, le 18 juin 2008, qui exigeait alors une séparation patrimoniale
des votes de nos élus au Parlement européen procure bien des surprises.
nous le savons, le discours n’est pas le même à Bruxelles et ici ! •
dossiers de libéralisation, le PPE, le PSE et l’ADLE s’entendent.
MICHEL SOUDAIS
européens
totale coupant tout lien entre la production, le transport et la fourniture d’électricité. Les socialistes Robert Navarro,
Vincent Peillon et Béatrice Patrie avaient
voté pour ; les Verts Daniel Cohn-Bendit et Gérard Onesta également.
Cette entente sacrée entre le PPE, le PSE
et l’ADLE se retrouve sur tous les grands
dossiers de libéralisation et de déréglementation qu’a eu à
connaître le Parlement européen. Une
En 2004, le PS
cogestion qui se
avait promis de
manifeste aussi dans
mettre un terme
le dépôt de résoluà la cogestion
tions communes.
PPE-PSE qui
L’une d’elles, prédomine la
sentée par ces trois
construction
européenne depuis groupes, le 15 mars
ses origines. C’est 2006, marquant la
« contribution » du
le contraire qui
Parlement « au
s’est produit.
Conseil de printemps 2006 relative
à la stratégie de Lisbonne », soulignait l’importance « d’achever le marché intérieur selon ses quatre
principes fondamentaux, à savoir la libre
circulation des capitaux, des marchandises, des personnes et des services ». Elle
encourageait « une plus grande ouverture
des marchés au sein de l’UE » et soulignait
l’importance « de la poursuite de la libéralisation des marchés de l’énergie d’ici
à 2007 ». Adoptée à une très grande majorité (431 pour ; 118 contre ; 55 abstentions), elle a été approuvée par 20 socialistes français, Mmes Castex, Ferreira et
Lienemann s’abstenant.
Cette union sacrée s’est bien évidemment
manifestée sur le traité constitutionnel
européen. À plusieurs reprises. « Le maintien du texte actuel [rejeté par les Français et les Néerlandais, NDLR] constituerait un résultat positif de la période
de réflexion », affirmait ainsi en jan-
L’effet choux
de Bruxelles
vier 2006 une résolution qui demandait
« qu’en tout état de cause tous les efforts
soient accomplis pour garantir que la
Constitution entrera en vigueur en
2009 ». Facilement adoptée (385 pour,
125 contre, 51 abstentions) elle reçut les
voix de quatre socialistes français (Catherine Guy-Quint, Michel Rocard, Yannick Vaugrenard, Bernadette Vergnaud),
19 autres se réfugiant dans l’abstention
malgré le clair mandat que le peuple leur
avait donné le 29 mai 2005 et l’engagement du PS au congrès du Mans de respecter le vote des Français.
Lors de la campagne électorale de
2004, le PS avait promis de mettre un
terme à la cogestion PPE-PSE qui domine
la construction européenne depuis ses
origines. C’est le contraire qui s’est produit. En 2008, affirme l’Observatoire de
l’Europe sur son site web, ces deux
groupes « ont voté dans le même sens sur
97 % des votes par appel nominal (rapports, résolutions) examinés par le Parlement européen ». Un chiffre à détourner du vote socialiste les plus fidèles
militants de ce parti ! Ce site web proche
de Philippe de Villiers affirme tirer ce chiffre d’une étude systématique des
« 535 votes par appel nominal (votes électroniques, les seuls qui soient enregistrés
et donc traçables) » de l’année 2008 ; il
ne prend en compte que le vote des
groupes (les députés restent individuellement libres d’émettre un vote différent).
« Les groupes PPE et PSE n’ont voté différemment que dans 18 cas », dont 8 fois
pour s’abstenir ; et sur les 10 votes qui
les ont vus vraiment s’opposer « un seul
était un texte de nature législative ».
La crise peut-elle changer le comportement des eurodéputés en réactivant le
clivage droite-gauche ? En campagne,
le PS le prétend. Mais, jeudi dernier, au
dernier jour de la dernière session de la
mandature, le Parlement européen a très
LE PARL EMEN T EN QUELQU E S CHIFFRE S
Nombre d’élus
Il y avait 785 députés dans
l’assemblée sortante. Ils
seront 736 après le 7 juin.
Majorité
Le PPE, premier groupe
avec 288 députés, ne
pouvait avoir la majorité
sans l’appoint du PSE
(215 élus).
Votes
En 2008, sur 535 votes
électroniques, PPE et PSE
ont voté différemment
dans 18 cas seulement.
largement adopté, par 363 des 475 élus
présents, une résolution préparée par
l’ancien Premier ministre belge, Jean-Luc
Dehaene. Ce texte, qui traite de l’« incidence du traité de Lisbonne sur le développement de l’équilibre institutionnel
de l’Union européenne », « se félicite que
le rôle essentiel de la Commission comme
“moteur” […] de l’Union soit réaffirmé »
par ce traité, notamment par « la reconnaissance de son quasi-monopole d’initiative législative, qui est étendu à tous
les domaines d’activité de l’Union, à l’exception de la PESC », la politique étrangère et de sécurité commune.
Il est pour le moins curieux de voir des
parlementaires qui font campagne en
arguant de l’augmentation de leurs pouvoirs se satisfaire d’être toujours le seul
parlement au monde à ne pas pouvoir
proposer de lois, cette possibilité restant
un monopole de la Commission. Ils
contribuent à octroyer ainsi à une institution qui n’est pas démocratique le pouvoir de bloquer des institutions issues du
suffrage universel, puisque ce pouvoir
permet à la Commission de refuser de
proposer ce que le Conseil des ministres ou le Parlement voudrait qu’elle propose. C’est ainsi qu’à six reprises elle a
refusé de proposer une directive sur les
services publics.
Il est au moins aussi surprenant de
découvrir que les socialistes français
(excepté l’abstention de Mmes Ferreira
et Lienemann), comme les élus du
MoDem et du PPE, réclament la poursuite de la cogestion de l’Europe, au plus
haut niveau. Le texte de la résolution
qu’ils ont voté demande aux « États
membres et [aux] grandes familles politiques » de ne pas oublier de respecter
« l’équilibre politique et l’équilibre entre
les deux sexes » lors des « nominations
aux postes politiques les plus importants
de l’Union européenne ».
En attendant de se partager les postes
de commissaires avec les conservateurs
libéraux et les démocrates libéraux, les
socialistes continuent de faire croire aux
électeurs que l’Europe de la (leur) gauche
n’a rien à voir avec l’Europe de la droite.
_Michel Soudais
Retrouvez le blog de Michel Soudais
sur www.politis.fr
Comment expliquer l’incroyable
propension de nos représentants au
Parlement européen à tenir ici un discours
qu’ils contredisent aussi radicalement par
leurs votes dans cette assemblée?
Comment se fait-il que la quasi-totalité de
nos eurodéputés –socialistes pour
l’essentiel, mais les Verts ne sont pas
épargnés–, élus sur la promesse de
changer les politiques de l’Union
européenne, rendent les armes sitôt
installés dans l’hémicycle européen?
Certes, il n’y a à cela nulle fatalité. Le
groupe de la Gauche unitaire européenne,
présidé ces dix dernières années par le
communiste français Francis Wurtz,
prouve que l’aspiration à une Europe
démocratique, sociale et pacifique
exprimée dans les urnes peut être portée
dans le «travail parlementaire». Que celuici n’est pas forcément synonyme de
compromission.
Reste que l’institution produit sur la
majeure partie des élus une « étonnante
métamorphose». « Ils en viennent très
rapidement et très sincèrement à se
considérer comme des représentants d’un
intérêt supérieur “européen”
transfrontières, et parfois même
transpartis, qui n’a nullement fait l’objet
d’un débat pendant leur campagne»,
notent Bernard Cassen et Louis Weber
dans un petit essai instructif(1).
L’explication est autant sociologique que
structurelle. Car ce phénomène est assez
comparable à celui qu’avaient observé nos
grands-mères: tout aliment plongé dans un
bocal ayant contenu des choux de
Bruxelles en ressort imprégné de l’odeur et
perd sa saveur. La mutation de nos élus est
ainsi le produit d’un dispositif institutionnel
déséquilibré où le Parlement, seule
institution élue au suffrage universel, a
moins de pouvoir que la Commission ou le
Conseil européen.
Un système où, pour peser et s’affirmer
dans ce «triangle institutionnel», les
eurodéputés ne voient d’autre solution que
de faire corps avec leurs collègues de
bords politiques opposés. Un système où la
marge d’action des élus reste strictement
délimitée par les orientations politiques
néolibérales gravées dans
le marbre des traités.
(1) Élections européennes, mode d’emploi,
Éd. du Croquant, 128 p., 8 euros.
1 4 mai 20 09
I
POLITIS
I 5
ÉCONOMIE
ANALYSE Remis cette semaine à Nicolas Sarkozy, le rapport Cotis sur le partage des profits démontre
l’urgence de suivre de nouvelles pistes pour résorber les effets de la crise. L’argent est là : démonstration.
Cinq moyens de financer l’urgence sociale
ent vingt milliards d’euros
– au bas mot – pour faire face
à la crise économique et
sociale, c’est possible ! Ce
chiffre, loin d’être absurde, est à
opposer au manque d’ambition de
Nicolas Sarkozy sur le partage des
bénéfices pour sortir de la crise.
L’économie est en récession et les
C
perspectives pour les prochains mois
ne promettent pas d’amélioration.
Quant au plan de relance du gouvernement (sauvetage des banques,
fonds d’investissement stratégique,
mesures sociales), il n’est pas à la
hauteur de la gravité de la situation.
Principale raison, l’évolution du partage des revenus en France : les iné-
galités s’accroissent, les salaires baissent, les besoins sociaux ne sont pas
satisfaits.
Le rapport sur le partage des profits
demandé par Nicolas Sarkozy à la
mission de Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’Insee, donne un
aperçu de cette situation. Ce document très libéral, qui doit servir de
base à un projet de loi prévu pour
cet été, conforte l’analyse des économistes antilibéraux sur le partage
de la valeur ajoutée en France.
« Sans le dire, le rapport Cotis
confirme qu’il serait possible, sans
toucher à l’investissement, de transférer une part importante de la valeur
ajoutée des revenus du capital vers
ceux du travail », souligne l’association altermondialiste Attac. Il
existe donc des marges de manœuvre
pour financer un plan d’urgence
sociale. Où trouver ces moyens financiers ? Voici cinq réponses.
NICHES FISCALES :
70 milliards d’euros
Selon un rapport de la commission
des finances de l’Assemblée nationale
publié en 2008, il existe environ 486
niches fiscales, représentant un
manque à gagner pour l’État de 50
à 73 milliards d’euros. 200 dispositifs sont dérogatoires au seul impôt
sur le revenu, pour un coût total de
39 milliards d’euros en 2008. « Les
mille premiers bénéficiaires, par ordre
décroissant, des niches fiscales, sont
des contribuables qui, par le truchement des investissements outre-mer,
réussissent à faire baisser de plus de
moitié leur impôt sur le revenu et
obtiennent une réduction moyenne
de 300 000 euros. » Ce propos
n’émane pas d’un gauchiste mais du
député UMP Charles de Courson,
membre de la mission d’information sur les niches fiscales de l’Assemblée. La révision de celles-ci est
souvent annoncée sans être vraiment
mise en œuvre. Ministre de l’Économie en 2004, Nicolas Sarkozy
avait déclaré la guerre à ces avantages fiscaux, mais rien n’avait été
fait à son départ de Bercy.
EXONÉRATIONS DE COTISATIONS :
30 milliards d’euros
Cet hôtel de luxe a été construit à Nouméa dans le cadre du dispositif de défiscalisation des investissements outremer. Les niches fiscales représenteraient entre 50 et 73 milliards de manque à gagner pour l’État. LE CHELARD/AFP
6I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
Les allégements généraux de cotisations patronales sont estimés à
26,5 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2009, dont
23,4 milliards d’euros d’allégements
de charges dits « Fillon » et 3,1 milliards d’euros d’exonérations relatives aux heures supplémentaires de
la loi de 2007 en faveur du travail, de
l’emploi et du pouvoir d’achat (Tepa).
ÉCONOMIE
À CONTRE-COURANT
JEAN-MARIE HARRIBEY
Membre du conseil scientifique d’Attac
Selon un rapport de la commission
des finances du Sénat sur la loi de
finances pour 2009, il faut y ajouter
« des exonérations ciblées de cotisations patronales en direction de
publics particuliers, de secteurs d’activités ou géographiques pour un montant de 6 milliards d’euros ».
Pour la commission, il s’agit d’un
« empilement coûteux de dispositifs
dont l’efficacité sur l’emploi reste à
démontrer ». La Cour des comptes
a réitéré sa position en faveur d’une
diminution des
allégements généLe bouclier fiscal
raux de cotisareprésente un coût tions et a appelé à
de 7,7 milliards
« revenir sur le
d’euros. Les
maquis des multiples exonérations,
mesures du
abattements,
« sommet
déductions
et
social »,
réductions aux
2,6 milliards…
finalités diverses,
qui créent de fortes inégalités et constituent une perte de ressources
publiques, alors que leur intérêt économique n’est pas ou plus démontré ». Ces milliards pourraient être utilisés « pour abonder des fonds qui,
sous le contrôle des salariés et de leurs
représentants, financeraient les projets créateurs d’emploi, de formation et d’investissement productif »,
explique l’économiste de la CGT Nasser Mansouri-Guilani.
BOUCLIER FISCAL :
8 milliards d’euros
Le bouclier fiscal est la mesure la plus
controversée de la loi Tepa. Pour l’année 2008, il représente un coût de
7,7 milliards d’euros selon le ministère de l’Économie, qui explique que
cette loi représentera un coût de près
de 10 milliards d’euros à plein régime.
Surtout, il profite massivement aux
titulaires des plus hauts revenus :
810 millions d’euros pour 235 000
bénéficiaires potentiels du bouclier
à 50 %. Parmi eux, selon le Syndicat national unifié des impôts (Snui),
18 000 personnes soumises à l’impôt sur la fortune percevraient
564 millions d’euros de remboursement, dont un millier qui se partagerait 250 millions ! « Faut-il vraiment que la France soit le pays
occidental où les revenus des personnes très riches sont les moins soumis à l’impôt ? », s’interroge l’économiste Pierre Larrouturou, ancien
délégué national Europe du PS (1).
En comparaison, les mesures annoncées à l’issue du « sommet social », en
février, représentent un coût global de
2,6 milliards…
DIVIDENDES : 35,5 milliards d’euros
Les entreprises du CAC 40 se préparent à verser 35,5 milliards d’euros
de dividendes en 2009 (43 milliards
en 2008), selon une estimation du
quotidien économique Les Échos
publiée le 27 avril. Le quotidien relève
aussi que le taux de distribution calculé par rapport au résultat net des
entreprises du CAC 40 passe de 44 %
à environ 60 %. Il faut remonter à
1987 pour atteindre ce niveau ! On se
souvient que Nicolas Sarkozy a proposé une règle très contestée des trois
tiers pour la distribution des profits :
un tiers à l’investissement, un tiers aux
actionnaires et un tiers aux salariés.
« Le pré-rapport Cotis illustre (malgré lui ?) l’inanité absolue de la “règle
des trois tiers”. À sa manière, il
confirme qu’une autre répartition des
revenus est possible. En faisant passer la part des dividendes de 36 % à
12 % des profits, il serait possible
d’augmenter la masse salariale
(salaires et cotisations sociales) d’environ 10 % », explique l’économiste
Michel Husson.
IMPÔT EUROPÉEN :
18 milliards d’euros
L’idée d’une imposition européenne
est loin d’être à l’ordre du jour des
institutions de l’Union européenne
(UE). Celle-ci est réputée pour ses
paradis fiscaux qui drainent des centaines de milliards d’euros de fraude
fiscale. Pour donner un aperçu de l’injustice fiscale, la seule fraude à la TVA
représenterait 14 milliards d’euros
chaque année en France, selon le Snui.
L’ensemble de la fraude fiscale représentait entre 36 et 45 milliards d’euros en 2007, autant de ressources
manquantes pour le financement des
services publics et d’une véritable justice sociale. L’évasion et la concurrence fiscales affaiblissent notamment
l’imposition des bénéfices des sociétés. Selon l’économiste Pierre Larrouturou, un budget européen financé
par un impôt européen permettrait
de dégager 18 milliards supplémentaires dans le budget français, c’està-dire le montant de sa contribution
à l’UE. Il propose un impôt européen
sur les bénéfices des sociétés, ainsi
qu’une écotaxe et une taxe Tobin pour
limiter la spéculation sur les transactions monétaires.
_Thierry Brun
Retrouvez le blog de Thierry Brun
sur www.politis.fr
Que faut-il
développer ?
(1) Crise, la solution interdite, Pierre Larrouturou,
Desclée de Brouwer, 2009.
Tant que la nature profonde de la crise ne sera pas reconnue, toutes les
mesures annoncées à grand fracas auront l’effet d’un cautère sur une jambe de bois.
Cette crise globale est celle du capitalisme qui a cru pouvoir indéfiniment garantir une
accumulation par la seule activité financière, improductive par définition. Elle est aussi
celle d’un mode de développement fondé sur l’illusion que les limites écologiques
pouvaient être toujours reculées. Enfin, elle est idéologique et politique, le
néolibéralisme ayant perdu toute légitimité. Il s’ensuit que les propositions en termes
de croissance verte ou de développement durable à la sauce officielle sont à côté de la
plaque. Faut-il pour autant abandonner toute idée de développement ? Examinons ici
trois des problèmes qui sèment la zizanie au sein des mouvements qui veulent rendre
compatibles préoccupations sociales et écologiques.
L’horizon dans lequel l’humanité est capable de se projeter ne dépasse pas
deux ou trois générations. C’est pour cela que s’imposent le respect du principe de
précaution et la nécessité de penser la transition pour sortir du capitalisme et du
productivisme. Parallèlement à la baisse des productions néfastes, le développement
de celles de qualité est indispensable. Certes, l’empreinte écologique de l’éducation,
de la santé publique, des transports collectifs, etc. n’est pas nulle, mais la réduction
des inégalités passe en grande partie par l’accès de tous à ces services. Si la
décroissance de la production et de la consommation ou même leur plafonnement à
court terme s’appliquaient à ce type d’activités, c’en serait fini de l’espoir d’inverser la
logique dominante, sauf à condamner les pauvres à devenir
encore plus pauvres. L’amélioration de la qualité des services
Améliorer
non marchands impliquera pendant longtemps une
la productivité augmentation des moyens mis en œuvre et non une
réduction, vu l’état de délabrement dans lequel les aura
ne signifie
laissés le capitalisme.
pas automatiquement
accroître la
production.
D’autre part, certains écologistes critiquent
l’amélioration de la productivité du travail, qu’ils assimilent à
l’augmentation de la production. Or, la productivité met en
rapport la quantité produite et le travail nécessaire. Améliorer
la productivité ne signifie donc pas automatiquement
accroître la production, si le temps de travail individuel
diminue et si l’emploi est réparti entre tous. Les partisans de
la décroissance rétorquent que ce raisonnement oublie les
coûts cachés de l’amélioration de la productivité. Or, fondamentalement,
l’amélioration de la productivité est un principe d’«économie» au sens premier du
terme. Et la productivité est, à l’échelle globale, un indicateur monétaire et ne peut
dire que ce que dit la monnaie. Vouloir lui faire dire quelque chose en matière d’utilité
sociale des biens et services, de préservation de la nature ou de conditions de travail,
c’est confondre usage et valeur économique.
D’où le troisième problème : que devient le PIB dans une phase de transition non
productiviste? Les partisans de la décroissance disent qu’il doit diminuer. Pourtant,
on ne peut savoir à l’avance ce qu’il en adviendra. En remplaçant l’agriculture
productiviste par l’agriculture biologique, quelle serait la valeur monétaire de celle-ci?
Si l’amélioration de la qualité nécessite une plus grande quantité de travail (incluant
celui contenu dans les moyens de production), entraînant une hausse de la valeur
unitaire de chaque bien ou service, nul ne sait quel sera le résultat de la somme des
multiplications de ces valeurs par les quantités produites (le PIB). C’est un autre
problème que celui de l’érosion monétaire, que les comptables nationaux essaient de
résoudre avec la technique dite «à prix constants», car la production de qualité est
un «bien» différent de la production merdique.
Au total, la réflexion théorique et la stratégie politique pour une autre économie
doivent associer la redéfinition du développement et des finalités du travail,
l’utilisation de l’amélioration de la productivité du travail pour diminuer le temps de
celui-ci et la réduction des inégalités. Cette dernière passe par deux voies
complémentaires: la fixation d’une échelle de revenus maximale très faible et l’accès
de tous aux biens communs.
1 4 mai 20 09
I
POLITIS
I 7
SOCIAL
MOBILISATIONS Un nouveau front se dessine à l’occasion des États généraux du chômage et de la précarité.
Organisés par le Collectif pour des droits nouveaux, ils rassembleront chômeurs, syndicats et partis politiques.
Chômeurs et salariés, même combat ?
es manifestations interprofessionnelles le 29 janvier, le
17 mars et le 1er mai ; d’autres
prévues le 26 mai puis le
13 juin… Mais « on n’attendra pas
le 26 mai pour agir », lâche Évelyne
Perrin, animatrice d’Agir ensemble
contre le chômage (AC !). L’absence
de réponses à la hauteur de la crise
provoque « une exaspération sociale
qui ne trouve pas de débouché unitaire ni de réponse syndicale suffisamment radicale et durable »,
constate le Collectif pour des droits
nouveaux (1), à l’origine des États
généraux du chômage et de la précarité qui se tiendront les 16 et 17 mai
à Bobigny (voir ci-dessous).
Le Collectif appelle à la création
d’une coordination de salariés, de
précaires et de chômeurs, et réunira
des syndicalistes et des militants associatifs et politiques avec l’objectif
« d’établir une plateforme de revendications communes », résume Évelyne Perrin. Une « plateforme unitaire pour une garantie de revenu et
la continuité des droits », élaborée
en 2006 par quinze associations,
organisations et syndicats, servira de
base de réflexion.
Le texte revendique notamment le
droit à un revenu décent et la garantie de droits sociaux (santé, logement) pour tous les chômeurs et les
précaires grâce à la création d’un
fonds national, interprofessionnel et
mutualisé fondé sur une nouvelle
répartition des richesses. Mais les
débats promettent d’être houleux
D
Manifestation le 4 décembre 2004 à l’appel d’AC !, du MNCP et de la CGT chômeurs. GUAY/AFP
entre syndicats et partis de gauche
autour de plusieurs propositions. Il
sera en effet question du relèvement
et de l’élargissement du revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25
ans, de la création d’une allocation
pour les jeunes à la recherche d'un
emploi et du maintien du salaire pour
les personnes licenciées grâce au
Fonds d’intervention social, mis en
place en avril. Surtout, les avis divergent sur la notion de flexsécurité et
sur la responsabilité du capitalisme
dans les causes de la crise.
En outre, la CGT-Chômeurs et la FSU
n’ont pas encore signé la plateforme
élaborée en 2006, et le MNCP s’est
retiré de l’organisation des États
généraux. Malgré tout, organisateurs
et participants espèrent obtenir des
Le programme des États généraux
Un programme chargé attend les
participants aux États généraux du
chômage et de la précarité, qui auront
lieu les 16 et 17mai à la Bourse du travail
de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Dans un
contexte de grave crise économique,
l’enjeu de ces rencontres est d’établir un
front de lutte entre les salariés, les
chômeurs et les précaires. Elles seront
aussi l’occasion d’élargir les débats aux
syndicats et aux partis de gauche.
Syndicalistes et militants associatifs et
politiques se sont donné deuxjours pour
dresser un état des lieux du chômage et
8I
POLITIS
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de la précarité en France et présenter des
propositions.
Six ateliers seront organisés autour de
questions d’actualité comme le RSA, la
prise en charge des chômeurs par Pôle
Emploi, la lutte contre les licenciements
ou la formation professionnelle, mais
aussi sur les nouvelles formes de
précarité, le chômage des jeunes, le
travail précaire des femmes.
Les économistes Jacques Rigaudiat
(Parti de gauche) et Pierre Larrouturou
(parti socialiste)interviendront lors de
deux tables rondes. La première portera
sur le nouveau statut du travail salarié, la
garantie d’un revenu pour tous et des
droits nouveaux. La seconde traitera de
la nécessaire alternative anticapitaliste,
de la réduction du temps de travail, de la
défense de l’emploi et de la sécurité
sociale professionnelle. La synthèse des
ateliers et des tables rondes servira de
base à une déclaration commune et à la
mise en place d’un cadre de mobilisation.
_F. D.
Rens. : collectif d’organisation, Évelyne Perrin,
06 79 72 11 24.
résultats, explique Michel Rousseau,
des Marches européennes contre le
chômage : « La crise ne suscite pas
des attitudes de repli mais des mobilisations. Avant, les chômeurs
cachaient leur situation à leurs
proches ; aujourd’hui, ils se font
entendre et se rendent visibles. »
Et la défense des chômeurs est devenue une des priorités pour les syndicats, alors que le niveau de chômage bat des records. Les États
généraux comptent ainsi sur la présence d’ouvriers de Caterpillar et
de syndicalistes de la CGT. Ils seront
aussi l’occasion de mettre en place
des initiatives au niveau européen.
Parmi les propositions figure une
marche des chômeurs et des salariés.
Comme dans les années 1990.
_Fanny Derrien
(1) AC !, Actuchomage, Apeis, Attac Campus Quartier
Latin, Collectif féministe Ruptures, Collectif national
pour les droits des femmes, Droit au logement, Droits
devant !!, Fondation Copernic, Génération précaire,
Marches européennes, No Vox, SNU-Pôle emploi-FSU,
SNU-TEFI-FSU, Stop Précarité, Union syndicale
Solidaire.
SOCIÉTÉ
INTERNET La bataille contre la loi Création et Internet, dite Hadopi, est loin d’être terminée. La députée
Martine Billard (Verts) suit ce dossier en première ligne.
« Cette loi est un non-sens historique »
POLITIS I Le Parlement européen
a adopté le 6 mai un amendement
qui remet en cause l’un
des principaux points de la loi
Hadopi (1). Quelles sont les
conséquences de ce vote ?
Martine Billard I Le vote du Parlement européen, obtenu par 407 voix
contre 57, impose une décision judiciaire préalable à toute coupure d’une
connexion Internet. Les députés européens ont massivement décidé qu’Internet est aujourd’hui un outil fondamental à l’éducation et à
l’information, et que son interruption présentait un préjudice trop
important pour pouvoir être décidé
sans recours au juge.
Le gouvernement français considère
que l’accès à Internet n’a pas à être
reconnu comme un droit fondamental, que le recours au juge n’est donc
pas nécessaire pour infliger la coupure
de la connexion, et que les tribunaux
seraient trop encombrés par une telle
obligation. Les arguments donnés par
Christine Albanel,
ministre de la CulCette loi s’appuie ture, lors du débat
sur un postulat
à l’Assemblée
erroné consistant nationale, ont été
à faire croire que parfois sidérants,
depuis : « Rien
la baisse des
ventes de disques n’empêche d’aller
et DVD est due au consulter ses mails
chez son voisin »,
téléchargement.
jusqu’à : puisque
« trois juges vont
siéger dans la Haute Autorité, il y a
bien contrôle du juge », cherchant
ainsi à faire croire qu’il suffit qu’un
juge siège dans une instance ès qualités pour transformer cette instance
en autorité judiciaire.
Le projet de loi va être déféré devant
le Conseil constitutionnel par les deux
groupes d’opposition de l’Assemblée
nationale (SRC et GDR). Mais le vote
européen n’étant pas définitivement
acquis (2), il n’est pas certain que le
Conseil constitutionnel décide de censurer tous les alinéas introduisant la
suspension de la connexion Internet.
Vous avez été à l’Assemblée
en première ligne dans cette
bataille. Quelle est votre
principale critique contre
Hadopi ?
Cette loi s’appuie sur un postulat de
départ erroné consistant à faire croire
que la baisse des ventes de disques
et DVD est due au téléchargement
sans respect des droits d’auteurs. Or,
nous assistons au passage d’une économie fondée sur des supports physiques à une économie numérique.
Selon les opposants à Hadopi, la loi démontre surtout la volonté de contrôler Internet. HORVAT/AFP
10 I
POLITIS
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Il n’y a donc rien d’extraordinaire à
la chute des ventes de disques, dont
les prix exorbitants n’ont pas baissé
en vingt ans. Les coûts de production
et de diffusion sont bien inférieurs
dans l’économie numérique, et pourtant la répartition des bénéfices entre
artistes et majors de la musique est
restée la même, entraînant une hausse
de 20 % de la rémunération des distributeurs, mais rien pour les auteurs !
En revanche, les revenus issus du spectacle vivant ou même de la diffusion
publique d’œuvres augmentent régulièrement, et la dernière enquête
Médiamétrie pour l’année écoulée
montre une fréquentation des salles
de cinéma en hausse.
Cette loi ne sanctionne pas en tant que
tels les téléchargements abusifs mais
le défaut de sécurisation de la
connexion Internet. Pourtant, il est
SOCIÉTÉ
DE QUELS DROITS ?
CHRISTINE TRÉGUIER
impossible de garantir que l’adresse
IP (adresse de la connexion Internet)
relevée en infraction appartient bien
au titulaire de l’abonnement mis en
cause. Tous les pays qui s’étaient engagés dans ce type d’avertissement par
mail des internautes soupçonnés de
téléchargement abusif ont dû reculer devant la multiplication d’erreurs,
estimées entre 30 et 40 %.
Les majors ont soigneusement évité
de l’expliquer aux artistes et ont
réussi à leur faire croire que la loi ne
prévoit qu’une coupure d’au plus
15 jours, alors qu’elle pourra être de
2 à 12 mois.
En cas de détournement d’une
connexion, c’est le titulaire de l’abonnement qui sera poursuivi et non le
responsable du téléchargement abusif, et ce sera à lui de démontrer qu’il
n’a pas téléchargé sans respecter des
droits d’auteurs et qu’il a bien sécurisé sa ligne. Ce qui est quasi impossible techniquement et exclut d’emblée les configurations informatiques
sous logiciel libre. On passe du présumé innocent au présumé coupable.
Mais, comme cela pourrait avoir
comme conséquence de couper des
connexions professionnelles (médecins, avocats, artisans…), la loi prévoit que ce sera à la Haute Autorité
de décider ou non de prononcer la
coupure comme sanction. Une inégalité de plus devant la loi !
Le réseau Internet pourra donc être
surveillé par des sociétés privées (les
sociétés de droits d’auteurs) sans décision préalable de justice, ce qui revient
à étendre des dispositifs uniquement
autorisés dans le cadre de la lutte
contre le terrorisme à la défense d’un
droit de propriété.
Cette loi démontre surtout la volonté
de contrôle d’Internet, et les messageries en ligne y ont échappé de peu,
que ce soit par des mesures de surveillance ou par la labellisation de
sites par une autorité administrative.
Et encore, nous avons échappé de
peu au ridicule puisque le rapporteur
de la loi voulait obliger les moteurs
de recherche à référencer en priorité les sites labellisés par le gouvernement français !
C’est un non-sens historique, inacceptable au plan juridique, et inapplicable en pratique. Cette loi n’apportera pas un centime de plus aux
artistes. Pourquoi donc cette obstination gouvernementale ? D’abord,
ne pas perdre la face pour Sarkozy
après le camouflet du rejet du 9 avril
(les partisans de la loi s’étaient
trouvés en minorité dans l’hémicycle,
NDLR). Ensuite, donner l’impression
que l’UMP est un bien meilleur défenseur des artistes que la gauche, tout
en garantissant en fait les revenus des
majors et des artistes aujourd’hui les
mieux rémunérés. Enfin, cette loi est
aussi un cheval de Troie préparant
d’autres textes à venir ayant à voir
avec Internet : loi sur les jeux en ligne,
et surtout une nouvelle loi sur la Sécurité intérieure, qui aggravera encore
le contrôle d’Internet.
Quelle solution alternative
proposez-vous qui puisse
satisfaire les artistes ?
Le téléchargement existe de manière
massive depuis une décennie. Peuton dire que cette période a été mise
à profit pour étoffer l’offre légale
de téléchargement et en améliorer
la qualité ? Non. Au contraire, le
gouvernement et les majors se sont
arc-boutés dans la défense des intérêts de quelques-uns avec le verrouillage du marché par quelques
majors qui en contrôlent presque
les trois quarts.
Une première mesure consiste donc à
baisser les prix pratiqués tout en
rééquilibrant la répartition au profit
des artistes. Ensuite, une contribution
payée par les fournisseurs d’accès
Internet et les opérateurs téléphoniques, qui proposent de plus en plus
de musique, et même maintenant de
la télévision, créerait de nouvelles
recettes pour la création culturelle.
Cela, conjugué avec une licence globale consistant en une somme
modique intégrée au prix de l’abonnement, permettrait de dégager autour
de 800 millions d’euros.
Enfin, pour approfondir les réponses
à apporter en tenant compte des droits
d’auteurs, des nouvelles pratiques culturelles et du refus de basculer dans
le contrôle de la toile, la plateforme
« Création, public et Internet » amorcée par l’UFC-Que choisir, l’Isoc
France, la Quadrature du Net, le
Samup et le Collectif « Pour le cinéma » (créé par Paulo Branco, producteur de Wim Wenders, Werner
Schroeter, Michel Piccoli, Manoël
de Oliveira ou Raoul Ruiz…) annonce
des assises de la création et de l’Internet à l’automne.
_Propos recueillis par Denis Sieffert
(1) L’acronyme Hadopi, qui a donné son nom à la loi
« Création et Internet », correspond à « Haute
Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection
des droits sur Internet ».
(2) Le vote peut être encore infirmé par le Conseil
des ministres européens qui se réunit le 12 juin.
La riposte
européenne
Échaudé par le rejet quelque peu inattendu du 9avril à l’Assemblée
nationale, le gouvernement avait mis les bouchées doubles pour faire
passer son projet de loi Création et Internet. Sermonnés par Sarkozy,
qui en fait une affaire personnelle, et par Jean-François Copé, accusé
de ne pas avoir suffisamment mobilisé ses troupes, les députés UMP
ont été priés de voter droit. Une bonne centaine d’entre eux étaient
donc présents au Palais-Bourbon le 4mai pour la seconde lecture.
Pour éviter toute dissonance lors de la discussion générale, l’UMP a
soigneusement trié ses orateurs, évacuant ainsi les anti-Hadopi
notoires comme Lionel Tardy, Christian Vanneste ou Alain Suguenot.
Le lendemain, le bruit a même couru que le
Les députés
gouvernement pourrait, pour gagner du temps,
demander le recours à un vote bloqué, sans
ont réaffirmé
examen des amendements, en usant de
la nécessité
l’article 44.3. Il a finalement préféré reculer la date
de la protection du vote définitif pour laisser place à la discussion.
Ou plus exactement à un dialogue de sourds entre
du juge,
les opposants et une majorité fermement décidée
passant à la
à ne pas changer une virgule au texte proposé.
trappe un
Dans un hémicycle plutôt clairsemé, les
opposants ont vaillamment défendu leurs
amendement
amendements, ne recevant en réponse, la plupart
de compromis
du temps, qu’un laconique « avis défavorable» de
âprement
la part du rapporteur et de la ministre, suivi d’un
« l’amendement est rejeté» tombant du perchoir.
négocié.
Le texte devrait donc être adopté sans faire un pli
les 12 et 14mai par l’Assemblée et le Sénat.
Mais cette loi sera-t-elle applicable ? Déjà, elle menace de ne pas
être conforme à la législation européenne. En effet, le 6mai, un vent
anti-Hadopi a soufflé du Parlement européen, réuni pour la seconde
lecture d’un ensemble de directives dites Paquet télécoms. Ce jour-là,
les eurodéputés ont à nouveau voté à une très forte majorité (407 voix
contre 57) le fameux amendement 138 (renommé 46). Plébiscité en
octobre dernier, avant d’être retiré par le Conseil sous la pression de la
France, il stipule qu’«aucune restriction ne peut être imposée aux droits
et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux sans décision préalable
des autorités judiciaires». Les députés ont réaffirmé la nécessité de la
protection du juge, passant à la trappe un amendement de compromis
âprement négocié entre Conseil, Commission et Parlement, qui
proposait, lui, de s’en remettre à un « tribunal indépendant et impartial».
Pour Guy Bono, député PSE coauteur du 138 avec Cohn-Bendit, « c’est
une claque pour Sarkozy». L’Hadopi, en tant qu’autorité administrative,
ne pourrait sur simple présomption suspendre l’accès des internautes.
La ministre de la Culture a immédiatement démenti, affirmant que
l’accès à Internet n’est pas un droit fondamental. Mais si l’amendement
Bono n’a aucun impact sur l’Hadopi, pourquoi la France fait-elle, depuis
des mois, des pieds et des mains pour obtenir sa suppression?
Il appartient maintenant au Conseil de l’Europe, qui doit se réunir le
12juin, de valider ou non le Paquet télécoms en l’état. S’il le fait, les
fournisseurs d’accès pourraient bien disposer d’un argument de choix
pour ne pas obtempérer aux injonctions de l’Hadopi, et les internautes
d’un sérieux moyen de défense.
1 4 mai 2 0 0 9
I
POLITIS
I 11
SOCIÉTÉ
UNIVERSITÉS Présidente du collectif Sauvons la recherche et professeur d’épistémologie des sciences sociales
à Villetaneuse Paris-XIII, Isabelle This Saint-Jean analyse la stratégie du gouvernement face au conflit.
« Nous subissons des menaces »
POLITIS I Quel jugement
portez-vous sur la stratégie
gouvernementale pour
décrédibiliser le mouvement
universitaire ?
Isabelle This Saint-Jean I Nous
alternons entre colère et indignation. Il faut d’abord rappeler que
nous nous battons pour les étudiants. Le mouvement a fait preuve
de maturité. Les enseignants ont fait
au mieux avec les cours et les étudiants. On doit maintenant être vigilants sur la manière dont on traite
les examens. Jusqu’à présent, l’opinion nous a été favorable. L’approche des examens peut faire basculer cette tendance, les gens peuvent
avoir un sentiment d’instrumentalisation, d’où la nécessité de répondre en soulignant combien la ministre Valérie Pécresse porte la
responsabilité du conflit. Les conditions de sorties de crise étaient clairement exposées, et vraiment pas
insurmontables.
Valérie Pécresse estime
que nombre de revendications
ont été entendues et revues.
Qu’en est-il exactement ?
Elle n’a cédé sur presque rien au
regard de l’ampleur de la mobilisation, sachant qu’on ne demandait
tout de même pas la lune ! Les lignes
les plus dures ont réclamé l’abrogation de la LRU, mais l’ensemble
s’est surtout mobilisé sur les décrets,
la masterisation, l’emploi et les organismes de recherches. Si l’on regarde
ces quatre dossiers, on voit que
presque rien n’a été accordé.
Sur la masterisation, il y a juste un
report d’une année. Sur les décrets,
objet de la plus grande mobilisation,
sur lesquels circulent beaucoup de
mensonges, rien n’a été modifié.
Même Claude Guéant a reconnu
que, réécrit, le texte est le même ! Il
a seulement évolué sur les promotions, mais pas sur l’essentiel, c’està-dire sur les modulations de service,
mises en place dans un contexte
d’emplois scientifiques décroissants
et sans recours possible. Un jeune
enseignant-chercheur en début de
carrière ne pourra pas dire non à son
président d’université, et se retrouvera avec plus de
cours. Ces décrets
ouvrent la porte
« L’une des
victoires de notre à de sérieuses
interrogations
mouvement est
peut-être que l’on sur notre indépendance. Dera préparé les
rière cette indéesprits pour
d’autres secteurs, pendance, ce sont
les
libertés
comme celui de
publiques qui
l’hôpital et la
sont remises en
sauvegarde des
Côté
emplois publics. » cause.
emploi, rien n’a
changé non plus.
Il y a seulement une promesse de
François Fillon de non-suppression
de postes en universités pour 2010
et 2011. Ce n’est qu’une promesse,
laquelle ne concerne même pas les
organismes de recherches, qui ont
tout à craindre. Il ne s’agit pas seulement de s’élever contre les suppressions, mais aussi d’obtenir
davantage d’emplois scientifiques.
On attend toujours le plan pluriannuel d’emploi pourtant promis.
Enfin, sur le démantèlement des
organismes de recherches, c’est
l’opacité totale. Aucune garantie n’a
été donnée.
Comment justifiez-vous
l’entêtement du ministère ?
Par la volonté d’exemplarité, l’envie de nous mettre à genoux, de
manière purement cynique. Le sort
des étudiants et la recherche
publique ne sont pas sa première
préoccupation, sans quoi le gouvernement aurait lâché.
Quel est le rôle des présidents
d’université ?
Manifestation d’enseignants-chercheurs le 4 mars 2008, à Paris. DE SAKUTIN/AFP
12 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
Il existe une grande diversité au sein
de la Conférence des présidents
d’université (CPU). Elle a d’abord
accompagné et porté la LRU ;
aujourd’hui, elle est plus réservée sur
la pertinence des réformes en cours.
Les présidents occupent une position
très inconfortable. Ils sont en charge
des étudiants, avec la responsabilité d’un discours à tenir et le devoir
de défense des institutions. Ils sont
aussi probablement soumis à des
menaces du gouvernement. Car
celui-ci fonctionne à coups de
menaces. La criminalisation du mouvement en témoigne. Si les présidents
d’université ne rétablissent pas
l’ordre, on leur fait entendre que
toutes les ressources seront coupées.
Nicolas Sarkozy a été clair : « Pas de
moyens sans réformes ! » Cela dit,
les moyens n’y sont pas ! C’est pour
cette raison que certains présidents
sont à nos côtés.
Quel regard portez-vous
sur le traitement médiatique
des revendications ?
Il y a une réelle difficulté pour la
presse à traiter du sujet sur le fond.
Il me semble qu’en général elle suit
trop les pièges médiatiques du gouvernement. Maintenant, c’est celui
de la « minorité gauchiste » sur les
blocages, qui sacrifierait une génération, pour nous discréditer ; c’est
aussi le piège des examens. Cela
mériterait d’être traité avec plus de
recul. Mais le gouvernement a une
capacité à occuper le terrain médiatique, une maîtrise de la communication que nous, enseignants,
n’avons pas. Cela dit, l’une des victoires de notre mouvement est peutêtre que l’on a préparé les esprits
pour d’autres secteurs, comme celui
de l’hôpital et la sauvegarde des
emplois publics.
Enfin, comment envisagez-vous
la suite du mouvement ?
Il est important de garder l’opinion
publique avec nous parce qu’il y a
une échéance électorale, et il faut
que l’on fasse partie des éléments
qui vont envoyer un message très
clair au gouvernement. À l’occasion
des élections européennes, nous
organisons le 30 mai une table
ronde au Centquatre, à Paris, sur
les réformes universitaires européennes, en présence de nombreux
chercheurs.
Dans la même perspective, nous
organisons le 4 juin une manifestation sous le nom de « marche de
tous les savoirs », qui porte un message au cœur de nos préoccupations :
la connaissance comme valeur en
soi, et non pas comme marchandise.
_Propos recueillis
par Jean-Claude Renard
SOCIÉTÉ
MOBILISATION La « ronde des obstinés », qui proteste contre la réforme de l’Université, a franchi le cap du
millier d’heures. Elle veut désormais s’intensifier et s’associer à d’autres secteurs en lutte.
Le cercle s’ouvre et s’agrandit
ls tournaient depuis le 23 mars.
1 000 heures que les enseignantschercheurs, les personnels d’université et les étudiants se
relayaient, jour et nuit, pour montrer
leur désaccord au ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche en marchant en rond sur
le parvis de l’Hôtel de ville de Paris.
1 000 heures et pas l’once d’une
réponse du gouvernement. Le 4 mai
dernier, les « obstinés » ont alors
choisi d’interrompre leur ronde quotidienne et d’aller tourner « de façon
intempestive » en d’autres lieux.
Jeudi 7 mai, c’est au Panthéon qu’ils
sont partis faire des tours. « Notre
marche lancinante entre dans une
dynamique centrifuge, explique un
tract unitaire distribué par une enseignante de Sauvons l’université. Elle
réapparaîtra plus massive […] et s’associera plus encore aux autres secteurs en lutte. »
Sous le regard des passants et des
touristes, la « ronde des obstinés »
suit ainsi une allure décidée. « Le
décret qui modifie le statut des enseignants, prétendument réécrit, pose
toujours problème, explique madame
Dagois, professeur de musique. Il y
a aussi le texte sur la masterisation,
consacré à la formation des enseignants, qui s’élabore sans concertation en reprenant ce qui posait
problème dans le premier décret. »
Dans la ronde, on marche aussi pour
redire son opposition à la Loi sur l’autonomie des universités (LRU), votée
en août 2007. Parce que « tout ce
qui nous est présenté par le gouvernement comme des réformes se
résume à des économies de moyens »,
tranche l’enseignante.
« Tout ce qui nous « On se bat pour
une certaine idée
est présenté par
de l’enseignement,
le gouvernement
explique Nicolas,
comme
étudiant en philodes réformes
sophie à Parisse résume
VIII, pour une
à des économies
université en moude moyens. »
vement, avec une
recherche et des
enseignements
libres, non pas orientés vers des intérêts économiques ou dictés par un
pouvoir politique. »
« Changement de sens », hurle un
universitaire posté au centre du cercle. Après quelques instants de
confusion, les manifestants se retournent et reprennent leur marche et
leurs conversations.
I
Le 7 mai, la « ronde des obstinés » manifestait devant le Panthéon.
Et elle compte bien s’inviter dans la campagne des européennes. ERWAN MANAC’H
L’Europe des facs se mobilise
Un « G8 de l’Université » se tient à Turin cette semaine. Dans le même temps, un contre-sommet s’organise,
lieu de débats et de réflexions pour toutes les luttes européennes.
P
réambule au sommet du G8 des
chefs d’État, programmé cet été en
Sardaigne, le G8 de l’Université se tiendra à Turin du 17 au 19 mai. Y participeront recteurs et nombre de présidents
d’université des États membres pour débattre des stratégies de recherche sur
le secteur.
Le mouvement Vague européenne organise à cette occasion (via la Vague
turinoise Onda Anomala Torino) et aux
mêmes dates un contre-sommet sonnant comme une réponse au processus
de Bologne, établi il y a dix ans, qui
marque le désengagement de l’État,
promeut une prétendue autonomie et
définit la libéralisation des universités.
Au programme de cette rencontre, plusieurs ateliers de réflexion et débats sur
l’université globale, la production du savoir vivant, la confrontation des luttes
universitaires européennes, en Italie,
en Espagne, en Grèce et en France,
avant de clore sur une manifestation
qui devrait rassembler plusieurs associations (dont Attac).
Pour la Vague européenne, alors qu’au
Sommet du G8 « l’université sera représentée victorieuse, transformée et globalisée », il s’agit de la décrire comme
ce qu’elle est: « une université en crise,
contradictoire, avec un abaissement du
niveau des savoirs transmis et qui profite de ceux qui les produisent, les
condamnant à une condition de précarité. Si ce sont les académies qui continuent à administrer la pénurie des ressources, adoptant la logique d’entreprise,
la formation (non plus service public)
continuera à se légitimer dans la forme
de prestation à acheter, à des prix toujours plus lourds, produisant un “système” insoutenable pour qui y étudie et
y travaille».
_J.-C. R.
Block G8 University Summit, 17 au 19 mai, Turin. Rens. :
www.vagueeuropeenne.fr ou http://ondanog8.blogspot.com. Prog. : http://4.bp.blogspot.com
Un an après le mouvement étudiant
contre la LRU, les enseignants sont
en tête de cortège avec la même problématique. « C’est assez exceptionnel, poursuit Nicolas. Les professeurs
sont en grève depuis des mois. Ça fait
longtemps que ça n’était pas arrivé. »
Pourtant, cette année, la mobilisation
des étudiants fait un peu défaut pour
grossir les cortèges. « Ils sont dans une
telle précarité qu’ils sont paniqués à
l’idée de s’investir dans un mouvement, estime une thésarde en littérature. Beaucoup travaillent pour financer leurs études, donc une longue grève
pose un vrai problème économique. »
« La question des validations des
semestres nous préoccupe en priorité
depuis la rentrée, explique Nicolas.
Le gouvernement met la pression làdessus et menace les étudiants d’avoir
des diplômes bradés. On tombe un
peu dans ce piège finalement. »
La ronde redeviendra permanente si
aucune concession de fond n’est obtenue le 1er juin. Et, prévient le tract, « la
ronde infinie des obstinés s’invitera
dans le débat des européennes ».
_Erwan Manac’h
Site : http://rondeinfinie.canalblog.com
1 4 mai 20 09
I
POLITIS
I 13
ÉCOLOGIE
TERRES Au nom de la lutte contre la pollution, les forêts sont devenues un enjeu financier face auquel les droits
des peuples autochtones ne pèsent guère.
La face cachée de la reforestation
’est avec un grand sourire que
le prince de Galles visite en
novembre 2008 « l’une des
plus grandes initiatives de restauration des forêts tropicales jamais
tentées » sur l’île de Sumatra (Indonésie). En 2002, le gouvernement
indonésien a attribué pour cent ans
53 000 hectares des forêts d’Harapan à un consortium d’organisations
non gouvernementales environnementales, « afin de les protéger
contre la pression des plantations de
palmiers à huile et de bois à pâte,
de l’exploitation forestière illégale
et du feu (1) ». Il y aurait même des
emplois pour les communautés en
bordure des forêts.
Une réalité tronquée, selon Sarwadi
Sukiman, paysan originaire de l’île :
« Lorsque le consortium a pris le
contrôle de la région, des paysans et
des indigènes ont été intimidés, arrêtés, interrogés et expropriés de leurs
terres, forcés d’accepter par lettre de
ne jamais revenir. L’un d’entre eux a
été détenu pendant six mois pour avoir
défendu la terre de la communauté
touchée (2). » Selon le Mouvement
mondial pour les forêts tropicales
(WRM), l’établissement d’aires protégées est souvent suivi d’expropriations, faisant des réfugiés de la conservation une nouvelle catégorie de
migrants en pleine expansion (voir
encadré). Dès 2002, le WRM estimait
leur nombre à 600 000 en Inde. En
Afrique centrale, la création de neuf
parcs nationaux aurait entraîné le
déplacement forcé de 51 000 résidents,
C
En Indonésie, les communautés locales se retrouvent coincées entre les
plantations et les rares forêts mises sous cloche. ZAMRONI/AFP
sans qu’aucune aire d’accueil ne leur
soit proposée.
Le cas du parc national de Mount Elgon,
en Ouganda, est emblématique. Deux
ans après sa création en 1992 – qui
généra les premiers déplacements –,
un accord fut signé entre les autorités
de ce pays et la fondation Face, créée
par des entreprises électriques néerlandaises, pour y planter 9 000 hectares d’arbres destinés à stocker du
carbone en compensation d’émissions
de CO2 de centrales à charbon aux
Pays-Bas. Le parc bénéficie de la
Une convention pour les migrants écologiques
Estimés à 25 millions en 2001, les déplacés
environnementaux, dont le nombre pourrait
atteindre un milliard à la fin du siècle,
vivent dans un vide juridique. Des
chercheurs du Centre international de droit
comparé de l’environnement (CIDCE) et du
Centre de recherche interdisciplinaire sur
le droit de l’environnement, de
l’aménagement et de l’urbanisme
(Crideau) (1), à Limoges, esquissent
actuellement les contours d’une future
convention internationale pour protéger les
exilés du dérèglement climatique, mais
aussi des catastrophes naturelles,
14 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
technologiques ou industrielles. Cette
initiative scientifique et universitaire, qui
prévoit la création d’organisations
mondiales dédiées et d’un fonds financier,
est actuellement soumise à la communauté
internationale, aux États et aux ONG. Cette
convention viendrait compléter la
Convention de Genève sur le statut des
réfugiés (droit d’asile) en introduisant la
catégorie des « déplacés
environnementaux ».
_S. C.
(1) www.cidce.org et www.gridauh.fr
certification écologique FSC, dont un
des principes est d’assurer aux peuples autochtones leurs droits, les terres
et leurs ressources. Février 2008
marque pourtant l’expulsion de plus
de 4 000 résidents du parc. Pour le
service de la faune et de la flore ougandaises (UWA), l’installation de ces
communautés était « illégale ». Or,
deux ans et demi plus tôt, la justice
ougandaise avait autorisé la communauté des Benet « à s’y adonner
à des activités agricoles ».
Plusieurs conventions et déclarations
internationales reconnaissent pourtant les droits des peuples autochtones (3). Mais l’intégration prochaine
des forêts et des terres agricoles des
pays du Sud dans le marché mondial
du carbone (4), sous l’égide de l’accord qui succédera dès 2012 au Protocole de Kyoto, risque encore d’en
compliquer l’application.
Ainsi, le propriétaire d’une forêt ou
d’un champ pourra vendre un droit à
polluer correspondant aux quantités de carbone qui y sont stockées. La
Banque mondiale estime que ces
mécanismes (dits REDD) vont offrir
aux populations locales des compléments de ressources. « Ils risquent plutôt de créer une compétition croissante pour l’accès aux ressources
productives, selon Via Campesina.
Les terres ne serviront plus à nourrir les communautés locales, mais à
stocker du carbone pour que le Nord
puisse continuer à en émettre. »
Pour Sylvain Angerand, chargé de
campagne pour la
protection des
Les terres ne
forêts aux Amis de
la Terre France,
servirons plus à
« c’est un néoconourrir les
populations mais à lonialisme écolostocker du carbone gique. On réquisitionne de la terre
pour que le Nord
au Sud pour compuisse polluer.
penser la surconsommation du Nord. Les peuples
autochtones et les communautés
locales se retrouvent coincés entre des
plantations de palmiers à huile et les
rares forêts restantes mises sous
cloche. Tant que les États n’auront
pas résolu ces conflits fonciers, les
mécanismes de type REDD exacerberont ces tensions. »
Il devient donc urgent de transposer
dans les droits nationaux les conventions et déclarations relatives aux
droits des peuples autochtones, et en
particulier le principe de « consentement prioritaire, libre et informé ».
Une étude a montré que, quand les
communautés indigènes acquièrent
des droits, elles défendent avec succès leur territoire contre l’exploitation commerciale. Ainsi, 1 % des territoires octroyés aux indigènes sont
touchés par la déforestation en Amazonie (au Brésil), contre 2 % dans
les aires uniquement protégées par des
mesures environnementales, et 19 %
dans les zones non protégées.
Relégués actuellement au rang d’observateurs dans les négociations internationales sur le climat, les peuples
indigènes demandent donc une suspension immédiate des projets de type
REDD sur leurs territoires (5) tant
que leurs droits ne seront pas pleinement reconnus, protégés et promus.
_Sophie Chapelle
(1) www.princesrainforestsproject.org
(2) www.viacampesina.org
(3) Convention 169 de l’Organisation internationale
du travail, Convention sur la diversité biologique et,
surtout, Déclaration des Nations unies sur les droits
des peuples autochtones.
(4) Voir Politis n° 1050.
(5) www.redd-monitor.org/2008/12/15/indigenouspeoples-censored-at-poznan
MONDE
SRI LANKA Dans plusieurs villes occidentales, la diaspora tamoule se mobilise face au conflit. Reportage à
Paris dans une communauté discrète et très soudée.
Vivre la guerre à distance
epuis le durcissement des violences au Sri Lanka, en janvier, la diaspora tamoule est
plongée dans l’anxiété. Jour
et nuit, les Tamouls de Paris se retrouvent par centaines place de la République à Paris pour tenter de réveiller l’opinion et la diplomatie française.
Quatre jeunes sont en grève de la faim
depuis le 8 avril. Deux ont été hospitalisés et l’état de santé des deux
autres s’est fortement dégradé la
semaine passée. Ils ont réitéré, samedi
9 mai, leur refus de recevoir des soins.
« Je suis déterminé », prévient Shanmugarajah Navaneethan, l’un des
grévistes de la faim. Il exhorte Bernard Kouchner à reconnaître la région
de l’Eelam comme un territoire
tamoul. Malgré l’inquiétude de ses
proches, il se dit prêt à jeûner jusqu’à
la mort si le ministre français des
Affaires étrangères, qui rencontrait
mardi à New York son homologue
britannique, n’obtient pas d’accalmie
dans le nord-est du Sri Lanka.
Devant la tente montée pour abriter
les grévistes de la faim, Thevarajah
Thadcha guette les journalistes et les
passants qui s’attardent : « L’armée
sri-lankaise utilise des bombes interdites par la convention de Genève,
dénonce la militante de l’Organisation des jeunes Tamouls (OJT) : des
bombes à phosphore blanc, des
bombes à sous-munitions. Les familles
guettent le nom de leurs proches dans
les journaux, mais la plupart des victimes sont portées disparues car il
est difficile d’identifier les corps calcinés par les bombes. »
Les femmes entonnent des slogans fustigeant le gouvernement « terroriste »
du Sri Lanka. « J’ai quitté le pays en
1986, au moment ou ça commençait
à se durcir, témoigne Jana Francis,
29 ans. Mon père était recherché pour
avoir aidé les Tigres. Il s’est d’abord
enfui seul et on l’a rejoint de peur de
subir des représailles. » Jana a mis sa
formation de webmaster entre parenthèses, taraudée par l’inquiétude. « Les
gens qui sont blessés ou amputés ne
sont pas soignés, explique-t-elle. Ils
n’ont même pas d’eau pour nettoyer
leurs plaies. Au bout de quelques jours,
des vers en sortent. »
Endeuillés, rongés par l’anxiété, les
expatriés font preuve d’une grande
D
Les femmes fustigent le gouvernement « terroriste » du Sri Lanka. ERWAN MANAC’H
solidarité. « Les réseaux tamouls en
France sont d’autant plus denses
qu’ils se sont créés dans l’adversité »,
observe l’ethnologue Aude Mary
dans un ouvrage sur les Tamouls de
Paris (1). Les rites religieux du Ganesh sont célébrés chaque année dans
les rues du quartier de la Chapelle,
où les Tamouls ont « reconstitué une
territorialité ». Beaucoup n’y habitent pas mais viennent y trouver une
enclave communautaire très forte, où
les Tigres ont une influence politique
importante. Ils accompagnent l’intégration des migrants. « Les Tamouls,
c’est les Tigres ; et les Tigres, c’est les
Tamouls », scande la foule postée
place de la République.
Pourtant, derrière un soutien unanime en apparence, certains Tamouls
dénoncent la violence des Tigres. Une
critique discrète et isolée qui, selon
plusieurs témoignages, expose à des
représailles violentes. L’ONG Human
Rights Watch (HRW) dénonçait en
2006 (2) « de graves agressions, des
menaces de mort et des campagnes
de diffamation » des Tigres envers
leurs opposants au sein de la diaspora, en particulier au Canada ou au
Royaume-Uni. L’ONG américaine
pointait aussi un « racket » quasi quotidien d’une partie de la diaspora. Des
réfugiés sont contraints de verser plusieurs milliers d’euros, en s’endettant
s’il le faut, et des pressions pèsent sur
les familles de réfugiés restées au Sri
Lanka. « De nombreux membres de
la diaspora soutiennent activement
les Tigres, observait Jo Becker, l’auteur du rapport. Mais la peur est si
présente que même les Tamouls qui
ne les soutiennent pas pensent toujours qu’ils n’ont d’autre choix que
de donner de l’argent. »
Les réfugiés racontent peu les horreurs qu’ils ont vécues. « Mes parents
ont fui leur pays mais ils ne m’ont pas
raconté tout ce qui se passe là-bas,
explique Shanmugarajah Navaneethan, le gréviste de la faim. C’est avec
l’âge et en faisant des études que j’ai
compris les choses. »
La jeune génération, qui a grandi en
France, est en première ligne place
de la République. « Nos parents nous
ont offert une éducation, explique
Thevarajah Thadcha. De notre côté,
on a le devoir de remettre notre pays
entre leurs mains. » Cette jeunesse,
forgée dans une double culture,
aspire à être mieux reconnue par la
France. « Ça fait vingt-cinq ans
qu’on manifeste en France pour la
cause tamoule, sans résultat, accuse
le gréviste de la faim. Cela nous
choque, alors on a décidé de prendre
les choses en main. » Le 20 avril dernier, lorsqu’une poignée d’entre eux
exprimait violemment sa colère
contre les CRS dans les rues du quartier de la Chapelle, la France politico-médiatique découvrait une communauté discrète. « Il a fallu que
ça dégénère à la Chapelle pour que
les gens s’intéressent à nous »,
déplore Jana Francis.
_Erwan Manac’h
(1) En territoire tamoul à Paris, un quartier ethnique
au métro La Chapelle, Mary Aude, Autrement, 2008.
(2) « Les Tigres tamouls rackettent la diaspora »,
mars 2006. www.hrw.org
Un tiers des Tamouls en exil
Depuis la décolonisation du Sri Lanka,
en février 1948, des tensions sociales et
ethniques embrasent régulièrement le
pays. Les Tigres de libération de l’Eelam
tamoul (LTTE) revendiquent depuis 1976
l’autonomie d’une région littorale du nordest. Une idée toujours refusée par les
gouvernements sri-lankais, tenus par
l’ethnie cinghalaise majoritaire. En 1983, la
guerre civile explose, et la population
tamoule se trouve prise en tenaille entre la
répression gouvernementale et la
domination musclée du LTTE. Les
pogroms et la répression sanglante du
gouvernement poussent près du tiers des
Tamouls à l’exode. En janvier dernier, le
gouvernement sri-lankais a lancé son
« offensive finale » contre les Tigres. Ils
sont aujourd’hui acculés avec des milliers
de civils sur une étroite bande de terre
dans le nord-est du pays, sous le feu
nourri des forces gouvernementales.
La diaspora compte 600 000 à 800 000
personnes dans le monde. En France, il
s’agit de la première communauté de
réfugiés avec 60 000 Sri-Lankais
protégés par le droit d’asile et des milliers
en situation irrégulière. Les récentes
poussées de violence ont précipité, en
2008, 2 948 personnes à demander l’asile
politique à la France, soit près de 8 % de
l’ensemble des demandes.
_E. M.
1 4 mai 2 0 09
I
POLITIS
I 15
16 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
LES ÉCHOS
Stéphane Richard, directeur de cabinet de
Christine Lagarde, va devenir numéro deux du
groupe France Télécom. Et l’homme est déjà
pressenti pour la succession de l’actuel PDG,
Didier Lombard, en 2011. Un avenir
parfaitement maîtrisé attend donc celui qui a
fait fortune en quelques années et réussi ce
tour de force d’échapper à un redressement
fiscal considérable assorti d’une pénalité «de
mauvaise foi» et «d’abus de droits». Un
étonnant compromis est trouvé en 2007, au
moment de son arrivée comme directeur de
cabinet. Cet homme ira loin.
Le PDG de l’entreprise textile Carreman, sise à Castres, dans le Tarn, a proposé un
reclassement en Inde à neuf de ses salariés avec un salaire de 69euros. Depuis
New York, où il vit, le patron, François Morel, s’est tranquillement justifié en
invoquant la « stupidité de la loi française». Et le député de Castres, Philippe
Folliot(Nouveau Centre), lui a emboîté le pas en jugeant important de « faire modifier
les textes sur les reclassements». Pourtant, une instruction du ministère du Travail
datée de 2006 déclare que « la proposition d’une entreprise concernant des postes
au sein du groupe dans des unités de production à l’étranger pour des salaires très
inférieurs au Smic ne peut être considérée comme sérieuse». Sauf par le patronat et
le Nouveau Centre?
là-bas La grande peur d’Israël
Une diplomate américaine quasi inconnue (mais de premier rang) vient de faire
souffler un vent de panique sur le gouvernement israélien. La secrétaire d’État
adjointe, Rose Gottemœller, a indiqué que les États-Unis entendaient obtenir la
ratification du traité de non-prolifération nucléaire par l’Inde, le Pakistan, la Corée du
Nord et… Israël. Outre que c’est placer l’État hébreu en bonne compagnie, c’est déjà
admettre qu’il possède l’arme nucléaire –ce qu’il a toujours nié contre toute évidence.
Plus grave encore: c’est surtout soumettre Israël à un droit international qu’il rejette en
totalité. En Israël, on redoute de plus en plus de faire les frais d’un compromis entre
l’Iran et les États-Unis sur la question nucléaire.
Appel : soutenir le Tribunal Russell sur la Palestine
Des Comités nationaux d’appui (CNA) à un tribunal Russell sur la Palestine
(voir Politis n°1051) sont créés ou en cours de constitution dans plusieurs pays,
dont la France. Leur rôle est de sensibiliser l’opinion. Ils peuvent prendre en charge,
avec des experts et des juristes, la préparation d’un rapport d’expertise à présenter
au jury du Tribunal sur les violations du droit international
(http://www.russelltribunalonpalestine.org/pages/
Comites_nationaux_dappui-1041543.html).
Sans ce réseau et ces relais internationaux, ce tribunal des consciences perdrait
une partie de son efficacité, l’objectif étant de faire pression sur les États complices
des violations du droit international par la mobilisation de l’opinion
publique internationale.
Nous appelons les personnalités, les associations, les organisations syndicales
et politiques en France à le parrainer, à le soutenir.
Nous appelons tous les citoyens qui veulent aider à faire respecter le droit, qui
veulent voir enfin cesser une impunité insupportable, à nous apporter leur
concours. Leur participation, leur soutien sous diverses formes – y compris
financier – permettront d’assurer le succès de cette initiative.
Pour contacter le CNA France: [email protected]
Pour soutenir financièrement: AFPS; 21 ter, rue Voltaire, 75011 Paris
(chèque à libeller à l’AFPS en précisant Tribunal Russell).
D’OLIVIER BRISSON
LU
VU
Décidément, Rachida Dati
est mal à l’aise avec l’Europe
et avec la justice. Après son
désormais fameux fou rire
devant des jeunes de l’UMP,
voilà que la future ex-garde
des Sceaux sèche devant la
question d’un journaliste..
« Où se trouve la Cour de
justice des communautés
européennes? », lui
demande dimanche JeanJacques Bourdin sur RMC
et BFM-TV.
« – Et bien, euh…
à LaHaye. »
Le journaliste: « Euh, non
à Luxembourg.» Rachida
Dati: « Ah… oui pardon…
Bien sûr, mais, je pensais
que vous me parliez du
Conseil de l’Europe.»
Problème: le Conseil de
l’Europe est à Strasbourg…
C’est la Cour de justice
internationale qui est à
LaHaye. Et celle-ci n’a rien à
voir avec une institution
européenne, mais avec les
Nations unies.
pays qui composent les
Nations unies rencontre
Israël les bras grand
ouverts.» Reste à savoir si
Israël ferra preuve d’autant
d’ouverture.
Le roi Abdallah d’Arabie
Saoudite l’a dit dans un
entretien au site du magazine
américain Time
(www.time.com, 11mai), c’est
« a perfect time» pour
relancer le processus de paix,
et « Obama a conscience du
besoin urgent d’avancer
aujourd’hui». Pour régler un
conflit vieux de soixante ans,
le nouveau président
américain tente de substituer
une approche régionale à une
approche bilatérale et
« asseoir à une même table
Israéliens et Palestiniens,
mais aussi Israéliens et
Syriens, Israéliens et
Hit-parade
Le magazine américain Time
vient, comme chaque année,
de désigner les cent
personnalités «les plus
influentes» de la planète.
«Pas les plus brillantes»,
prend soin aimablement de
préciser le directeur de la
rédaction. Choix en tout cas
éminemment subjectif: on y
découvre par exemple
(stupeur de ce côté-ci de
l’Atlantique!) notre ministre
de l’Économie, Christine
Lagarde, sans doute
récompensée pour sa
maîtrise de l’anglais dans un
récent talk-show à la télé
américaine. Mais, surtout, on
y trouve pêle-mêle Obama,
Sarkozy, le banquier voyou
Libanais, avec les Arabes et le Bernard Madoff, le pilote qui
monde musulman». L’enjeu? avait réussi à amerrir sur
l’Hudson, en janvier dernier,
La reconnaissance d’Israël
par les 57 États arabes contre et l’acteur George Clooney…
Comme aurait dit le très
la création d’un État
regretté Bobby Lapointe,
palestinien. Rien que ça.
« C’est un engagement
«quel méli-mélo, dis!».
important, estime le roi,
Le président français figure
dans la catégorie «dirigeants
auteur, sans succès, d’une
et révolutionnaires»… au côté
proposition similaire en
2002, nous sommes en train du narcotrafiquant mexicain
Joaquin Guzman.
de proposer qu’un tiers des
NAAMANI/AFP
69 euros de stupidité
en 2 mots
HORVAT/AFP
FEDOUACH/AFP
ici Fortuné pantoufleur
Le client de supermarché qui remplace
les caissières, scanne, emballe
et encaisse peut-il être vidé s’il ne
travaille pas assez vite ?
le chiffre
34 000
C’est le nombre de postes supprimés dans la Fonction
publique, soit un fonctionnaire sur deux partant à la retraite
en 2010, a confirmé la ministre de l’Économie, Christine
Lagarde. Ce qui fait de l’État le plus grand licencieur du pays
pour une relative « économie » de 956 millions d’euros.
1 4 mai 2 00 9
I
POLITIS
I 17
• La biodiversité, ce n’est pas
• Une gageure à l’heure où
• La Fête de
DOSSIER BIODIVERSITÉ
MALHEUREUSE
NATURE
xiste-t-il une notion aussi essentielle et absconse que
la biodiversité ? Cette chimère lexicale a été inventée
pour donner à percevoir l’incroyable profusion des
espèces vivantes, du plus discret unicellulaire à la
plus menacée des baleines, mais aussi l’inconcevable
maillage de relations qu’elles entretiennent entre elles et avec les
milieux, sans parler de la cuisine secrète qui se concocte entre les
gènes. On appelle aussi ça « la vie »…
Cette fin de semaine, des centaines d’associations animeront la
3e Fête de la nature (voir p. 21), conviant ces particuliers qui
entretiennent chez eux un petit coin de nature à y participer.
Alors que presque tous les (maigres) efforts publics sont
canalisés vers la protection des espèces animales emblématiques
– l’ours, le lynx, etc. –, c’est l’occasion d’expliquer que la
sauvegarde de la nature « ordinaire » est essentielle à l’équilibre
de la vie. Un message hélas encore très peu audible.
Si le rapport « Approche économique de la biodiversité et des
E
services liés aux écosystèmes » du Centre d’analyse stratégique,
présenté il y a deux semaines, révèle combien la France est
« biodiverse », ce n’est que pour tenter de définir une valeur
économique à ce pactole, afin de susciter l’intérêt des décideurs
pour la biodiversité. Ainsi, on reste perplexe d’apprendre qu’un
hectare de forêt « vaut » 970 euros par an, et une prairie 600.
Après le succès planétaire du rapport Stern pour calculer le coût
du « laisser-faire » en matière de dérive climatique (1), certains
écologistes se rendent à cette logique. Elle est même inscrite au
Journal officiel du 12 avril 2009 : adoptant une liste de termes
relatifs à l’environnement, au paragraphe « biodiversité », il est
souligné que son maintien « est une composante essentielle du
développement durable ».
À l’ère de l’hypermarchandisation, on ne peut qu’être préoccupé
par les tentatives d’administrer désormais à la nature ces vieilles
_Patrick Piro
recettes empoisonnées.
(1) Voir Politis n° 1032-1033.
Une protection peu rapprochée
Parcs nationaux et réserves naturelles constituent le fer de lance
des politiques de préservation de la nature. Au prix d’affrontements
d’intérêts et pour des résultats insuffisants.
ouze ans après l’annonce du projet
en 1997, le parc national des
Calanques, dans la région de Marseille, a fait l’objet le 30 avril d’un
arrêté du Premier ministre annonçant sa
« prise en considération » par le gouvernement. Traduction : si tout se passe normalement, ce dixième parc national français
pourrait exister en 2012. Mais les expériences récentes du parc national de Guyane
et du parc national marin d’Iroise, à la pointe
de la Bretagne, ont montré qu’il était de plus
en plus difficile de concevoir et de définir
le périmètre d’un parc national, espace qui
reste pourtant la façon la plus efficace de
D
18 I
POLITIS
I 14 mai 2009
protéger un ou plusieurs écosystèmes, qu’il
s’agisse du paysage, de la maîtrise des aménagements ou de la biodiversité.
Instruments de la préservation de la biodiversité prévus par les lois de 1960 et de 2006,
les parcs nationaux font l’objet de féroces
négociations avec les élus locaux et nationaux, les offices de tourisme, les chasseurs,
les agriculteurs et les promoteurs immobiliers. Au fur et à mesure que se précisent
les contours et la charte d’un parc national, les impératifs écologiques s’effacent. Il
suffit de regarder la forme de la plupart des
zones centrales de parc (rigoureusement protégées) pour comprendre que leurs tracés
biscornus sont le résultat a minima de
consensus n’ayant pas grand-chose à voir
avec la logique écologique. Cette religion du
compromis bénéficie à tout le monde, sauf
aux protecteurs de la nature et à la biodiversité ; elle n’est pas nouvelle, mais entraîne
de plus en plus de demi-mesures depuis la
création du premier parc national français,
celui de la Vanoise, en 1963. Un siècle après
le premier parc américain…
Face à toutes les majorités, de gauche ou
de droite, les scientifiques et les naturalistes doivent plus que jamais négocier pied
à pied, mètre après mètre, la dimension des
espaces qu’ils veulent voir préserver pour
maintenir la biodiversité et sauver des
espèces, qu’elles soient emblématiques ou
inconnues des politiques et de l’opinion.
Le projet de parc national des Calanques en
est la dernière illustration. Depuis le lancement du projet par Dominique Voynet, alors
ministre de l’Environnement, la superficie
seulement les espèces protégées, c’est aussi la nature « ordinaire » •
la Nature, les 16 et 17 mai, sensibilisera à ces questions •
l’on marchandise même les paysages •
de ce qui devrait être le premier parc national terrestre et maritime français (donc les
espaces marins et côtiers bénéficiant d’une
protection forte) a régulièrement et patiemment été grignotée. Et tout en approuvant
le projet fin 2008, la majorité UMP de Marseille a – déjà – voté un certain nombre de
« réserves » sur les contours du futur parc.
Alors que le massif des Calanques, aux portes
de Marseille et inclus dans le parc, est déjà
théoriquement protégé depuis 1976 sur
5 463 hectares. En mer, la plupart des élus
locaux espèrent que certaines îles de l’espace
maritime échapperont à la protection.
Les réserves naturelles nationales, celles
créées en application de la loi sur la
Territoires protégés
– 9 parcs nationaux
– 161 réserves naturelles, y compris
dans les DOM-TOM
– 5 réserves naturelles corses
– 160 réserves naturelles régionales
– 600 sites achetés par le Conservatoire du
littoral, couvrant 125000 hectares sur 1 000 km
de rivage.
protection de la nature de 1976, font également de plus en plus souvent l’objet de discussions où les naturalistes tentent de mettre
en avant leurs objectifs de protection contre
des édiles locaux qui ne voient dans ces
espaces préservés que des « attractions touristiques » que pourront vanter les syndicats
d’initiative. Et comme ces réserves sont le
plus souvent gérées, par délégation de mission de service public, par des associations,
le ministère leur fournit de moins en moins
de moyens financiers, les incitant au développement de ressources propres. Ce qui
renvoie à l’exploitation touristique, alors
que ce n’est pas vraiment leur fonction : le
principe du parc national et de la réserve
naturelle repose sur une liberté d’accès gratuit. La préservation de la biodiversité ne
se construit donc plus depuis des années que
comme un infime mitage du territoire auquel
les espèces doivent s’adapter ou périr.
Comme les ours, pour lesquels le législateur,
sous la pression des lobbies politiques et touristiques, « oublia » d’inclure dans le parc
national des Pyrénées la zone dans laquelle
ils vivaient ; ou comme le grand tétras (coq
de bruyère), dont des réserves tentent d’organiser la survie dans l’est de la France, mais
que le législateur s’obstine à classer « espèce
chassable » pour ne pas faire de peine aux
fédérations de chasseurs.
Les parcs nationaux, les réserves naturelles,
les espaces achetés par le Conservatoire du
littoral dans la mesure des dotations de
l’État ne visent qu’à protéger la nature
« extraordinaire ». Reste la nature ordinaire, celle que les citoyens fréquentent
le plus souvent. Une nature qui ne passionne personne et que le Grenelle de l’environnement a tenté de sortir de l’ombre
en insistant sur la nécessité de créer des corridors biologiques, ce que les naturalistes
appellent la trame verte. Pour que, circulant d’un espace plus ou moins bien protégé à l’autre, les chances de survie des
espèces protégées ne soient pas aléatoires.
Mais le Medef a refusé que les corridors
biologiques soient opposables à des projets d’aménagement. Comme les réserves
et les parcs, ils doivent faire l’objet d’un
compromis. Ce qui réduit à bien peu de
chose le discours officiel sur la biodiversité. Il porte sur quelques espaces exemplaires péniblement délimités, alors que la
préservation des espèces doit concerner,
c’est l’Europe qui le répète, l’ensemble d’un
territoire national. Pas des confettis.
Les parcs et
les réserves
visent
à protéger
la nature
« extraordinaire ».
Reste la
nature
ordinaire,
celle que
les citoyens
fréquentent le
plus souvent.
FAGET/AFP
_Claude-Marie Vadrot
1 4 mai 2 00 9
I
POLITIS
I 19
DOSSIER BIODIVERSITÉ
Ces minuscules envahisseurs
Introduites par hasard ou par légèreté dans des écosystèmes
qui les ignoraient, certaines espèces en perturbent gravement
l’équilibre, proliférant sans opposition.
La grenouilletaureau de
Floride a
déferlé sur le
Sud-Ouest,
dévorant tout
sur son
passage.
CEYRAC/AFP
ne espèce est dite invasive quand
elle est introduite dans un milieu
naturel qui n’est pas son milieu
d’origine et que son développement
nuit aux autres espèces, et donc à la biodiversité locale ou nationale. Définition qui
vaut aussi bien pour une plante, un insecte
et un champignon parasite que pour un
mammifère ou un oiseau. Le problème n’est
donc pas que l’espèce soit « étrangère » mais
qu’elle peut contribuer, ayant trouvé une
niche écologique, à faire disparaître des
U
espèces autochtones. Ce n’est pas toujours
le cas puisque les scientifiques considèrent
que seule une espèce introduite sur cent
devient envahissante.
Ainsi l’arrivée de la genette au Moyen Âge,
apportée en France d’Afrique du Nord par
les Sarrasins, ou du Moyen-Orient par les
Croisés, n’a pas perturbé l’écosystème du
territoire français, où ce petit carnivore s’est
naturalisé et est devenue une espèce protégée par la loi. En revanche, le ragondin,
importé d’Amérique du Sud à partir de la
Parcs naturels ou touristiques ?
La France compte 45parcs
naturels régionaux (PNR). Les
élus, à la recherche de labels
pour le tourisme, les sabots et
les cochonnailles, en espèrent
d’autres. Indice révélateur: ces
espaces proposent plus de
300produits, du fromage de
chèvre à la bière en passant par
la dentelle, les restaurants ou
les hébergements, bénéficiant
d’un label «parc naturel
régional». Ce qui n’est pas
scandaleux mais n’a rien à voir
avec la protection des paysages.
Problème, escroquerie morale,
diraient certains: le citoyen,
lorsqu’il aperçoit le panneau
«parc naturel régional»,
imagine pénétrer dans un
espace préservé. Alors qu’il
découvre la plupart du temps
que les méthodes agricoles, la
protection des espèces,
l’urbanisme commercial, la
publicité routière, les
aménagements ruraux
ressemblent au reste du
territoire. Les parcs naturels
régionaux n’affichent jamais que
les textes réglementaires sur la
nature et le paysage y sont les
mêmes qu’ailleurs. Ces «parcs»
ne sont que des outils
d’aménagement peu
contraignants, donc
logiquement de plus en plus
nombreux. Au risque de
l’inflation et de la dévalorisation
de la dénomination. Pour que
cesse cette ambiguïté fâcheuse,
il suffirait de ne plus les appeler
«parcs». Ce qui évidemment les
renverrait à l’idée utilitariste que
trop d’élus se font de la nature.
Même si, heureusement,
certains des PNR, celui de
Brière, du Queyras ou des
Vosges du Nord, par exemple,
jouent de manière bien plus
volontariste le jeu de la
protection et du respect des
milieux naturels.
_C.-M. V.
fin du XIXe siècle pour sa fourrure, a fini par
s’échapper dans la nature et fait partie des
espèces exotiques à problèmes : creusement
des berges, grignotage des récoltes et destruction des œufs de nombreux oiseaux
nichant à terre. Et l’écrevisse rouge de Louisiane est un véritable fléau : en colonisant
par millions les plans d’eau, comme ceux du
parc naturel de Brière ou de la réserve du lac
de Grand-Lieu, elle entraîne la disparition
de l’espèce européenne et stérilise les lacs
et les étangs, où elle dévore tout. Sans s’attaquer, hélas, à une plante aquatique, la jussie, importée pour orner des bassins et des
aquariums et qui, relâchée dans la nature,
se multiplie à l’infini,
encombrant les plans
On le sait peu,
d’eau et les rivières. Difmais l’écrevisse
ficile de l’éliminer
rouge de Louisiane puisqu’un seul tronçon
de tige suffit pour qu’elle
est un véritable
recolonise les eaux par
fléau.
bouturage.
Toujours pour orner un
bassin, un châtelain des
environs de Bordeaux importa en 1967 une
dizaine de grenouilles-taureaux originaires
de Floride – ce qui est interdit depuis la fin
des années 1970. La bestiole trouva l’écosystème français à son goût ; elle pèse près
de 500 grammes, avec une espérance de
vie d’une dizaine d’années (moins qu’en Floride), elle a envahi tout le Sud-Ouest et continue à progresser, dévorant tout sur son passage : poissons, petites tortues, oiseaux et
les autres grenouilles. En Floride, elle est
régulée par les alligators, qui n’existent pas
(encore) en France.
La mondialisation, en accélérant le rythme
des échanges, facilite la venue de ces
espèces, tout comme les modifications climatiques qui favorisent l’installation de
plantes, d’insectes ou d’oiseaux auparavant incapables de résister à l’hiver. L’exemple des perruches échappées des cages qui
commencent à se multiplier inquiète les
spécialistes, tout comme celui des écureuils
de Corée et des herbes ou algues apportées
par les bateaux.
Le phénomène des plantes et animaux invasifs, qui a ses origines dans la recherche d’exotisme des jardins et des parcs particuliers du
XIXe siècle, a pris une telle ampleur que l’Europe a lancé un programme de recherche
et d’observation pour mesurer le phénomène. Premiers résultats publiés en avril :
plus d’un millier d’espèces envahissantes, un
préjudice de plusieurs milliards d’euros, la
constatation que l’invasion vient juste après
le réchauffement climatique dans les menaces
contre la biodiversité, mais aussi la certitude
que nul ne connaît de solution miracle.
_C.-M. V.
20 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
PAR FRANÇOIS LETOURNEUX*
Président du comité français de l’Union
internationale pour la conservation de la nature.
Le papillon qui terrorise
la Côte d’Azur
L’engouement pour les arbres ornementaux originaux a permis la
prolifération d’un papillon ravageur, importé d’Argentine, dont la
larve ronge les palmiers jusqu’à les tuer.
es palmiers exotiques sous des latitudes tempérées, c’est chic. Depuis
plus d’une décennie, les butias ou
les trithrinax, bien adaptés à nos frimas, ont la cote sur le pourtour méditerranéen. Mais comme ils poussent très lentement, et que les municipalités, jardins
publics, particuliers, etc. n’ont guère la
patience d’attendre que poussent les graines,
on importe des arbres de 10 à 20 ans d’âge.
La mauvaise surprise a été détectée à Hyères
en 2001 : dans des ramures nord-argentines,
résidait paysandisia, un papillon dont la
larve colonise le cœur de l’arbre. Les feuilles
se déforment, le bois pourrit, et le palmier
peut périr en quatre ans.
Et la larve se plaît sur la Côte d’Azur, au point
qu’elle infeste aujourd’hui vingt espèces,
dont plusieurs endémiques, ainsi que le dattier nord-africain. Paysandisia s’est rapidement propagé, aidé par le commerce horticole. À Montpellier dès 2002 – où 90 %
des palmiers ont péri ! –, il est désormais
signalé en Angleterre, en Suisse et en Belgique. « La situation est hors de contrôle »,
estime Jean-Benoît Peltier, chargé de
recherche à l’Inra de Montpellier. Car les
autorités tergiversent depuis des années. Il
D
En mai, fêter la nature
nous plaît
La 3e Fête de la nature se tient les 16 et 17mai.
Cette manifestation, créée par le comité français
de l’Union internationale pour la conservation de
la nature (UICN, plus de 200 experts, deux
ministères, cinq établissements publics et
37 associations de protection de la nature) ainsi
que le magazine Terre sauvage, comptera cette
année environ 1500 événements organisés dans
toute la France (DOM compris).
Trois thèmes principaux: une enquête grand
public de «science participative», avec
l’observation de trois oiseaux(rouge-gorge,
rouge-queue noir et hirondelle de fenêtre);
l’échange entre les particuliers «qui entretiennent
un coin de nature» – acteurs de la sauvegarde de
la biodiversité– et les réseaux de protection; et la
mise en valeur de ces derniers, alors que les
pouvoirs publics retirent leur soutien aux
associations dans tous les domaines.
_P. P.
Voir le site www.fetedelanature.com
aurait fallu imposer la destruction de nombreux
arbres (toujours délicat) ou
des traitements, hélas insatisfaisants (et comment
contrôler ?) : le seul produit
chimique efficace est interCRÉDIT À VENIR
dit, car trop toxique. Mais
certains ne se gênent pas
pour l’acheter en Espagne,
où il reste en vente libre.
Quant aux pesticides autorisés, seules les surdoses viennent à bout des
larves adultes. Reste un traitement biologique (à base de spores), mais coûteux et fastidieux, et surtout l’application d’une glu,
mise au point par Jean-Benoît Peltier, mais
pas encore sur le marché.
En attendant, les palmiers ont continué à
circuler. La mise sous quarantaine des
importations, procédure lourde, est rejetée par la profession. « L’alternative, relève
Laurence Ollivier, chercheuse au Cirad
de Montpellier, pourrait encore être de
planter des essences méditerranéennes
comme le tamaris, le platane, le cyprès,
l’olivier de Bohème et le pin. » En Argentine, son environnement d’origine, paysandisia reste naturellement sous contrôle.
Mais les chercheurs n’ont pas la recette
de cet équilibre.
Il existe un
traitement
biologique,
mais il est
coûteux et
fastidieux.
Veut-on protéger
la nature ?
L’évolution de la biodiversité peut être comparée à un avion dont
tous les rivetsassurent la cohésion: un rivet saute, l’avion vole
toujours; deux, trois rivets sautent, ça va encore, mais le danger peut
survenir à tout moment. La question essentielle est de savoir
combien de rivets l’avion peut perdre avant de s’écraser. Il en va de
même de la biodiversité: à partir de quel niveau d’appauvrissement la
situation devient-elle irréversible, tant pour la planète que pour le
territoire français? Nous ne le savons pas, ou mal, mais nous avons
simplement la certitude qu’il existe un point de non-retour. Non pas
pour la planète, qui en a vu d’autres, mais pour l’espèce humaine. Ce
qui pose la question de la nature «ordinaire». Nous ne protégeons
qu’1% de notre espace avec des réserves naturelles et des parcs
nationaux, ce qui est bien peu. Cette stratégie du partage de l’espace
entre ce 1%, pour que les protecteurs de la nature puissent «jouer
entre eux», et le reste, tout le reste, qui s’appauvrit rapidement à
cause de notre espèce humaine, que l’on peut considérer comme
invasive, n’est plus acceptable. Surtout dans les départements et
territoires d’outre-mer, où la France a la responsabilité d’une
biodiversité prodigieuse: bien plus d’espèces existent en NouvelleCalédonie que dans toute la métropole. Et la situation est encore pire
dans les pays du Sud, que nous appauvrissons par nos prélèvements
de riches : déforestation pour les agrocarburants, les cultures
intensives ou le bois, etc.
En France, nous savons presque tout du loup, de l’ours, de
l’aigle royal ou de la loutre, mais il n’existe qu’un seul programme
pour suivre l’évolution des oiseaux communs – ceux que nous
apercevons tous les jours –, ou celle des populations de papillons.
Or, c’est aussi dans la part, de loin la plus importante du territoire, qui
n’est pas protégée qu’il faut sauvegarder ou reconstituer la
biodiversité. C’est là que les plus grands progrès sont possibles.
D’où l’importance des corridors biologiques, la
trame verte, qui doit relier les espaces
Nous savons
protégés, indispensables réservoirs de
presque tout de biodiversité, entre eux et avec le reste du
territoire. Pas question de figer un état
l’ours ou de
remarquable de la nature, mais d’accompagner
l’aigle royal, mais son évolution, de lui permettre de vivre, de
s’adapter, ne serait-ce qu’aux modifications
il n’existe qu’un climatiques.
programme pour
La Fête de la nature que nous organisons
observer
depuis trois ans n’est pas destinée seulement
à faire visiter les réserves et les parcs, que les
l’évolution des
convaincus connaissent déjà, mais à faire
oiseaux
découvrir la nature «au coin de la rue», celle
que nous avons tous l’occasion de fréquenter
communs.
presque tous les jours. Cela permet de mettre
l’accent sur nos comportements, sur nos
habitudes de consommation, sur le danger d’abandonner des
déchets n’importe où, de rincer dans une mare ou une rivière un
bidon de détergent.
La Fête de la nature, c’est l’occasion de reprendre contact avec le
tissu vivant dont nous faisons partie. Et ce n’est pas triste, ce qui
explique sans doute son succès grandissant. Tous dehors, les 16
et 17 mai, et les autres jours !
* François Letourneux, scientifique, forestier et botaniste de formation, a été directeur du
Conservatoire du littoral pendant douze ans, directeur de la protection de la nature au
ministère de l’Environnement pendant huit ans. Il vient de publier, avec Marie-Sophie Bazin,
Oui ou non, voulons-nous protéger la nature ?, éditions Milan, 117 p., 12,50 euros.
_Patrick Piro
1 4 mai 200 9
I
POLITIS
I 21
CULTURE
CANNES
Talents de demain
epuis quinze ans, l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion
propose sa programmation
pendant toute la durée du
festival. L’occasion, avec le réalisateur
Pascal Deux, qui a présidé l’Acid de
2006 à 2008, et dont le documentaire
Noble Art a été projeté à Cannes en
2003, de revenir sur le travail accompli par cette association de cinéastes,
et de tirer un bilan de la présence de
l’Acid à Cannes, dont Politis est,
comme l’an dernier, partenaire.
D
POLITIS I Comment est née
l’Acid et pourquoi ?
Pascal Deux I L’Acid est née en 1992
dans un esprit militant, avec des
cinéastes comme Gérard Mordillat,
Serge Le Péron, Robert Guédiguian,
Jean-Pierre Thorn… Au début des
années 1990, de nombreuses salles de
petites et moyennes villes avaient du
mal à avoir accès aux copies. Déjà,
à l’époque, des films qui pourtant
obtenaient de bons résultats en salles
étaient rapidement « décrochés » des
cinémas. Ce fut le cas notamment
pour la Petite Amie d’Antonio de
Manuel Poirier et Parfois trop
d’amour de Lucas Belvaux.
Les cinéastes qui ont créé l’Acid se
sont alors dit qu’il fallait se battre pour
que ces films puissent être vus. Cela
allait passer par une relation étroite
avec des exploitants afin de sauvegarder et de développer la place du
cinéma en régions. L’une des premières
actions de l’Acid a donc été de générer des copies, via l’Agence pour le
développement régional du cinéma,
et d’en organiser la programmation.
Sur ces copies, l’exploitant ne paye
pas ce qu’on appelle le minimum
garanti dû au distributeur.
De plus, l’Acid assure l’organisation
de débats avec les réalisateurs. Progressivement, son travail a insisté sur
la durée d’exploitation, l’objectif étant
de lutter contre le « turn over » délirant des films et de permettre au
bouche-à-oreille de fonctionner. Souvent, les films que nous soutenons ont
de tous petits moyens de sortie. Donc
pratiquement pas de publicité, peu
d’accès au réseau généraliste des
chaînes de télévision. Avec, en plus,
la logique de juger de la carrière du
film en fonction de la séance de
14 heures du mercredi de sortie, qui,
22 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
L’Acid fête ses quinze ans
de programmation à
Cannes. Au long de ces
années, beaucoup de
découvertes. Entretien
avec le cinéaste Pascal
Deux sur le sens de cette
présence sur la Croisette.
si elle peut avoir du sens pour
OSS 117, n’en a aucun pour des films
qui passent parfois dans une seule salle
et dont la seule affiche dans la ville est
sur le fronton du cinéma. Ceux-là ont
besoin de s’installer un peu plus dans
le temps, et nous devons trouver des
moyens pour mieux faire passer les
informations sur les films. Il y a aussi
un travail d’éveil à accomplir, d’ouverture du public à des œuvres dif-
DR
férentes. Mais il y a encore un public
pour ces films, il y a encore des cinéphiles curieux partout. Nous en avons
la preuve chaque fois que nous accompagnons dans les salles des films que
nous soutenons.
Dès 1994, l’Acid a décidé de
présenter des films sur la
Croisette. Pourquoi ?
Cannes est une formidable caisse de
résonance. Les réalisateurs de l’Acid
ont décidé d’y montrer des films qui
les enthousiasmaient, mais qui, pour
la plupart, n’avaient pas de distributeurs. C’est toujours la même
logique qui préside aujourd’hui. Les
projections de l’Acid sont destinées
au public le matin, et prioritairement
aux exploitants, aux programmateurs
de festivals et aux distributeurs le soir.
Et quand les exploitants manifestent
leur intérêt pour un film, une dynamique peut s’instaurer qui va nous
aider à lui trouver un distributeur. Ce
qui arrive, selon les années, dans 80
à 90 % des cas. En général, le distributeur est trouvé dans les six mois qui
suivent Cannes.
Que vous inspire la liste des
premières programmations de
l’Acid à Cannes, avec des noms
de cinéastes qui, depuis, ont
fait assurément leur chemin ?
Ce qu’on peut dire, d’abord, c’est que
les cinéastes de l’Acid qui ont fait ces
programmations ne se sont pas beaucoup trompés. Il y a une variété de
réalisateurs – Alexandre Sokourov,
Emmanuelle Cuau, Nicolas Philibert,
Pascale Ferran, Malik Chibane, JeanDaniel Pollet, Henri-François
Imbert… – qui en étaient alors à leur
1er ou 2e film, et qui ont tracé des territoires de cinéma très différents. Beaucoup ont effectivement fait leur chemin depuis. Certains ont changé de
« catégorie » en réalisant des films à
plus gros budgets, comme les frères
Larrieu, par exemple.
Plusieurs d’entre eux se sont
ensuite retrouvés à la Quinzaine
des réalisateurs, et certains en
sélection officielle…
Oui, mais nous ne sommes pas dans
une quelconque concurrence. La sélection de la Quinzaine, historiquement
renommée, est chère à notre cœur,
pour nous, réalisateurs, mais nous ne
faisons pas le même travail. Comme
je le disais, les films que l’Acid programme sont pour la plupart sans distributeur, et notre action sur ces films
se poursuit après la période du festival, puisque nous les accompagnons
CANNES
ROCK
plusieurs mois après leur sortie. Il s’agit
aussi plus largement de dire et redire
que de beaux films sont faits par des
cinéastes passionnants, qu’ils ont leur
place sur les écrans, et que les festivals
doivent rester des lieux qui montrent
les films les plus ambitieux, les talents
qui feront le grand cinéma de demain.
On constate une ouverture aux
films du monde entier dans la
programmation. Comment
l’expliquez-vous ?
Nous recevons de plus en plus de films
de l’étranger tout simplement parce
que le travail de l’Acid y est de plus en
plus connu. Nous avons des partenariats avec une vingtaine de festivals
et de lieux culturels à l’étranger. Les
films que nous soutenons y sont montrés, et nous organisons le déplacement des réalisateurs. Partout où nous
allons, les réalisateurs, producteurs et
distributeurs nous disent combien
ils nous envient cet outil formidable
qu’est l’Acid, pour
le travail de promotion des films
« La Vie
sur le terrain, mais
intermédiaire »,
aussi pour la solide François
darité
entre
Zabaleta, fait
cinéastes. Il est
partie de la
programmation de donc normal que
de plus en plus de
l’Acid à Cannes
cinéastes aient
cette année.
envie d’entrer
dans cette grande
famille…
L’actualité de l’Acid, c’est
aussi la création de « l’Acid
spectateurs »…
Aujourd’hui, un discours dominant
veut laisser penser que le public a
perdu toute curiosité, que les spectateurs ne sont que de simples consommateurs. Alors que c’est le système
d’exploitation des films (rotation de
« produits frais » pour justifier des
cartes illimitées) qui ne laisse aucune
place au temps de la découverte et
du bouche-à-oreille. Tout au long de
l’année, nous rencontrons dans les
salles non des consommateurs mais
des spectateurs avides de découvertes,
c’est pourquoi nous avons décidé cette
année de lancer un réseau de spectateurs Acid, que nous pourrons sensibiliser sur tel ou tel film avant leur
sortie, sur le passage d’un réalisateur
dans leur ville, et avec lesquels nous
pourrons dialoguer autour des films
et des enjeux de la diffusion.
_Propos recueillis
par Christophe Kantcheff
Voir la programmation 2009 ci-contre.
Retrouvez la chronique quotidienne de
Christophe Kantcheff sur www.politis.fr
On prend les mêmes…
Vague de chaleur
ylan est partout. Sur la route
en permanence. À la radio, où
il anime une émission diffusée via le réseau satellite XM. Dans
les galeries d’art : récemment à Chemitz (Allemagne de l’Est), bientôt
à Londres. Il vient aussi de recevoir
une mention spéciale du Pulitzer.
Et puis on apprenait en début d’année la sortie à venir d’un nouvel
album dont le point de départ fut
une demande d’Olivier Dahan, réalisateur de la Môme, d’une chanson pour son prochain film. Une fois
celle-ci écrite, neuf autres ont suivi,
un album entier, intitulé Together
Through Life, qui sonne comme s’il
était enregistré à l’instant, devant
soi, en une prise.
En introduction, « Beyond Here Lies
Nothin’ » est lancé comme « Like
A Rolling Stone » : un coup sur la
caisse claire pour ouvrir les vannes
et déverser tout le contenu. C’est
un son sourd et épais, une mixture
moite et gluante qui sent les terres
du Sud. On croirait même que c’est
la soif qui rend la voix si éraillée,
pourtant d’une présence formidable,
portée et poussée par les guitares
et une rythmique en bois brut. Car
si on a beaucoup parlé de la présence
de l’accordéon, ce disque est aussi
un disque de guitares, avec au premier plan celle de l’impeccable Mike
Campbell, le guitariste de Tom Petty.
Après cette entrée en matière, « Life
Is Hard » a de quoi surprendre, d’autant que c’est la fameuse chanson
écrite pour le film. Le paradoxe est
que cette balade de comédie musicale, chantée d’une voix de crooner,
D
Le nouveau Dylan :
rock et blues au son
puissant et poisseux.
Des chansons débordant
d’urgence et de vie.
ne trouve guère sa place dans ce
disque, qui reprend réellement avec
« My Wife’s Hometown », écrit avec
Willie Dixon, un des piliers du label
Chess, celui de Muddy Waters, Little
Walter et Bo Diddley, pour lesquels
il a écrit nombre de chansons. Sa présence est emblématique de l’esprit
qui souffle ici.
À partir de là, il n’y aura plus de changement de cap ni de son, seulement
quelques nuances. « Forgetful Heart »
est encore plus brûlant que le reste
avec sa guitare saturée et un orgue
comme une brume de chaleur, « This
Dream Of You », avec sa partie de
violon, renvoie à « Desire », et « I Feel
A Change Comin’ On » est une grande
ballade dylanienne chantée d’une voix
miraculeusement redevenue presque
claire. Quant au final, on y croit à
peine tellement il est conduit pied au
plancher, guitare et accordéon triturant la même phrase, menant la danse
en écho, et Dylan qui s’emporte sur
le refrain : « It’s s all good/all good… »
C’est peu de le dire, on n’en attendait même pas tant.
_Jacques Vincent
Together Through Life, Bob Dylan, Sony.
Bob Dylan en concert au Mexique en mars 2008. MORENO/NOTIMEX
Pedro Almodovar, Ken Loach, Michael
Haneke, Quentin Tarantino, Lars Von
Trier… La liste des cinéastes en
compétition officielle cette année
ressemble à une sélection sur papier glacé,
riche mais sans risques. On peut
comprendre que Gilles Jacob et Thierry
Frémaux, les sélectionneurs, restent
fidèles aux réalisateurs qu’ils ont déjà
invités lors des éditions précédentes, et
qu’ils ne conçoivent pas d’arrêter de
donner de leurs nouvelles. Mais cette
noble attitude comporte quelques
inconvénients. Celui, en particulier, de
transformer cette sélection officielle en un
club de plus en plus fermé et hyperbalisé.
Même si les films des uns ou des autres
peuvent encore s’avancer sur des chemins
esthétiques escarpés, la compétition, au
total, a quelque chose d’académique.
C’est donc ailleurs, dans les autres
sélections (Un Certain Regard, la
Quinzaine des réalisateurs) et dans la
programmation de l’Acid, que le regard du
festivalier a des chances de plonger dans
l’inconnu. Là, peu de noms de célébrités
(sinon Francis Ford Coppola à la
Quinzaine, qui, trop chanceuse, l’a mis en
ouverture), quelques habitués (Alain
Cavalier ou Pavel Longuine à Un Certain
Regard, Pedro Costa ou Alain Guiraudie à
la Quinzaine…), mais surtout beaucoup
d’inconnus, gages de découvertes.
Acid 2009
Les films indiqués entre parenthèses
sont les courts métrages dont la projection
précède celle des longs.
Jeudi14 : Land of Scarecrows, de Gyeongtae Roh, Corée du Sud/France, fiction.
Vendredi15 : la Vie intermédiaire, de
François Zabaleta, France, essai (Yulia,
d’Antoine Arditti, France, animation).
Samedi16 : Avant-Poste, d’Emmanuel
Parraud, France, fiction (Colchique, de
Catherine Buffet et Jean-Luc Greco,
France/Canada, animation).
Dimanche17 : Perpetuum Mobile, de
Nicolas Pereda, Mexique, fiction
(l’Enclave, de Jacky Goldberg, France).
Lundi18 : Themis, de Marco Gastin, Grèce,
documentaire (C’est plutôt genre Johnny
Walker, d’Olivier Babinet, France).
Mardi19 : The Happiest Girl In The World,
de Radu Jude, Roumanie, fiction (Je criais
contre la vie ou pour elle, de Vergine
Keaton, France).
Mercredi20 : Thomas, de Miika Soini,
Finlande, fiction (Dahomey, de JeanBaptiste Germain, France).
Jeudi21 : Sombras (les Ombres), d’Oriol
Canals, France, documentaire (Ébullition,
d’Anne Toussaint, France).
Vendredi22 : Bad Boys Cellule 425, de
Janusz Mrozowski, France/Pologne,
documentaire.
1 4 mai 2 009
I
POLITIS
I 23
CULTURE
THÉÂTRE
CINÉMA
Homme à femmes et femme à barbe
« Clara »,
piètre partition
Une comédienne
remarquable pour un film
sans génie.
C
« Liliom », mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia. Un beau condensé de réel et d’irréel. BRIGITTE ENGUERAND
S
24 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
La magie de « Liliom »,
de Ferenc Molnar,
et un étrange
« Éloge du poil »,
de Jeanne Mordoj.
baraques et de pistes de danse
foraines, où se mêlent l’atmosphère
de la première moitié du XIXe siècle et quelque chose des foires du
Trône d’aujourd’hui, semble souffrir d’immobilité. Sans doute parce
que Molnar lui-même, comme le
rappelle Bélier-Garcia, parlait
d’« odyssée statique ». Rien n’est
pressé, rien n’est urgent dans ce
drame. La tragédie arrivera bien
quand il le faudra ! Passé ce sentiment d’immobilité, la soirée devient
belle et envoûtante. Car la mise en
scène joue avec toute la rouerie grave
de ce mélo qui déploie ses complaintes lancinantes et dit à la fois
l’amour et l’impossibilité d’aimer.
Agathe Molière incarne la femme
délaissée avec un talent émotif
magnifique. Rasha Bukvic est un
Liliom qui sait donner à sa nonchalance sa douleur dangereuse. Stéphane Roger, Agnès Pontier, Teresa
Ovidio et leurs partenaires donnent
une belle intensité à ce fort condensé
de réel et d’irréel.
Place à la femme à barbe à la Bastille ! La barbe que porte Jeanne
Mordoj est fausse, bien entendu,
mais ce qui est vrai c’est qu’elle a
écrit et conçu elle-même cet Éloge
du poil avec la collaboration, pour
l’écriture et la mise en scène, de Pierre
Meunier. Si le titre sonne comme une
plaisanterie, c’est bizarrement vers
la noirceur et l’idée de la disparition
que se dirige peu à peu ce numéro de
cirque inhabituel.
Jeanne Mordoj attrape des coquilles
d’escargot avec ses pieds et les projette dans la cuvette qu’elle a placée sur sa tête, dialogue en ventriloque avec deux crânes d’animaux…
Elle s’enterre enfin comme pour
saluer l’héroïne d’Oh les beaux jours
de Beckett en évoquant une charogne
qui pourrait être celle de Baudelaire.
Ancienne contorsionniste, elle crée
mieux les gestes et les climats que les
mots. Mais elle surprend parce
qu’elle ne ressemble à personne.
_Anne Laurent
_Gilles Costaz
Liliom, Nouveau Théâtre de Montreuil.
Tél. : 01 48 70 48 90. Jusqu’au 18 mai.
Éloge du poil, théâtre de la Bastille, Paris.
Tél. : 01 43 57 42 14. Jusqu’au 31 mai.
DR
ans doute parce qu’il est issu
des grandes fêtes populaires, le
théâtre se souvient beaucoup,
ces temps-ci, des fêtes foraines. Après
la tourbillonnante mise en scène de
Casimir et Caroline, d’Horvath,
montée par Emmanuel DemarcyMota au Théâtre de la Ville (actuellement en tournée), voici Liliom, de
Ferenc Molnar, qui, créé au Nouveau Théâtre d’Angers, s’installe à
Montreuil, et le spectacle d’une
étrange contorsionniste, Éloge du
poil, au théâtre de la Bastille.
Liliom est une sorte de classique
qu’on ne voit pas souvent et en même
temps un mythe, parce que le cinéma
(et surtout Fritz Lang) s’en est emparé
voluptueusement. En 1909, le Hongrois Molnar imaginait les aventures
d’un homme à femmes paresseux,
indécis, qui fascinait la clientèle féminine des luna-parks et dont la pièce
conte la vie en deux temps. Toujours
sans le sou, ce jeune homme tente un
mauvais coup et, le ratant, se donne
la mort. Il se retrouve dans l’au-delà,
où on lui donne le droit de revenir
sur Terre, treize ans plus tard, juste
un instant, pour voir l’amie qu’il
délaissait autrefois et la fille née de
leur union…
Le spectacle qu’a mis en scène très
subtilement Frédéric Bélier-Garcia
a du mal à trouver sa carburation.
Cette séduisante atmosphère de
lara Schumann, sujet récurrent
pour les féministes et les mélomanes. Est-ce en féministe ou en mélomane qu’Helma Sanders-Brahms
s’empare de son personnage ? Hélas, Clara ne permet pas de trancher
la question, tant il reste en deçà de
ses potentialités. Une femme diriget-elle un orchestre, fait extraordinaire pour le milieu du XIXe siècle ?
Elle est montrée en maîtresse d’école
qui dompte le petit monde des musiciens par des arguments bien sages,
et, quand elle les conduit, c’est à la
comédienne de porter seule, dans un
pauvre jeu de champs-contrechamps, toute la force et l’impétuosité de sa charge.
Clara Schumann a un mari génial, Robert, dont l’on retiendra surtout les
grimaces de Pascal Greggory. Sa première apparition à l’écran montre
déjà la maladie (il finira dans un
asile), et raconte en un mot l’histoire
du film (il perd sa bague, dont se saisit un jeune homme…). Ligne de jeu
constante, donc, pour un personnage
pourtant complexe que la maladie
rend tyrannique et qui confiera sa
femme qu’il adore à un jeune musicien talentueux.
On ne peut en vouloir à Pascal Greggory de la linéarité du scénario, ni
à Malik Zidi, improbable Johannes
Brahms, d’avoir été choisi à contreemploi. Ce dernier est plus convaincant en amoureux de Clara et ami de
ses enfants qu’en compositeur génial.
Dommage, car l’histoire de cette
femme en charge de famille, compositrice sacrifiée entre un époux malade mais aimé et un jeune homme
épris, tous trois réunis dans la musique, garde encore aujourd’hui une
charge sulfureuse. Reste, toutefois,
une comédienne remarquable, Martina Gedeck, qui porte sur ses épaules
un film qu’elle parvient à rendre humain et sensible.
MÉDIAS
À VOS POSTES
Histoire en images
TLUNDI
É L18ÉMAI
VISION
J’avais 15 ans
France 3, 0 h 10
quelques années près, le cinéma
israélien naît avec l’avènement
du parlant. Le premier film est
signé Nathan Axelrod, Oded hanoded (Oded l’errant), tourné en 1933.
Il préfigure une longue série de films
de propagande, comme Avoda
(1935), exaltant le sionisme et sa
capacité à forger un homme nouveau sur la terre d’Israël. Il se veut
héroïque, bâtisseur, sans plus attendre le salut de Dieu mais prenant
en main son destin et celui de son
peuple. L’utopie nationaliste des
pionniers s’inspire alors du cinéma
révolutionnaire soviétique.
Cette première période s’étire jusqu’au
début des années 1960, marquées par
deux films essentiels : Un trou dans
la lune, d’Uri Zohar, et Sallah Shabati, d’Efraïm Kishon. Le film de
Zohar, perle d’audace politique et formelle, annonce la naissance de la
« nouvelle sensibilité », influencée par
la Nouvelle Vague française, développant une thématique existentialiste centrée sur l’individu, son aliénation, sa solitude dans la grande ville,
en réaction au cinéma sioniste, à son
nationalisme et à son collectivisme.
Parallèlement, le film de Kishon,
grand succès public, conquérant
même Hollywood, se veut une comédie populaire, annonçant l’émergence
du cinéma commercial dit « bourekas » (du nom d’un friand gras et
savoureux), un genre divertissant,
dévoué à la représentation souvent
caricaturale de la population séfarade
en Israël.
Dans le second volet de ce documentaire, on observe combien le
cinéma israélien des années 1980
se dresse contre l’État. Khirbet
Hiza’a, de Ram Loevy (1978), censuré durant quatre ans, livrant la
guerre de 1948 du point de vue palestinien, avait donné le coup d’envoi.
Dans une société de plus en plus divisée, où les espoirs de paix s’éloignent,
l’image se glisse alors sur le terrain
de l’intime (à valeur universelle),
recueille la voix des minorités. Place
à l’homosexualité, à l’oppression des
femmes, au poids de la famille et
de la religion, au chaos des sentiments. Soit la parole de la diversité
du pays. Et dans cette deuxième partie, la place au cinéma de femmes en
Israël se veut prépondérante (avec
les témoignages de Mihal Bat-Adam,
Ronit Elkabetz et Keren Yedaya),
tentant de sortir de la présence
À
À travers une quarantaine
de films et de nombreux
témoignages, Raphaël
Nadjari retrace le
parcours du cinéma
israélien.
écrasante des hommes, qui pourrait
s’expliquer par la nécessité de cultiver le mythe militaire.
Raphaël Nadjari (né en France, en
1971) s’était illustré (notamment à
Cannes) avec The Shade (1999),
Apartment 5C (2002), Avanim (2004)
et Tehilim (2007). Quittant la fiction pour le documentaire, il livre là
une histoire du cinéma israélien, en
écartant le commentaire en voix off,
en illustrant son sujet par des extraits
d’une quarantaine de films, et en laissant la parole à une foule de témoins,
de critiques, d’universitaires et de spécialistes. Les historiens Nurit Gretz,
Ariel Schweitzer, Nahman Ingbar ;
les cinéastes Avi Mograbi (également
acteur), Moshe Mizrahi, Yehuda
Ne’eman, Renen Schorr, Nissim
Dayan, Menahem Golan (également
producteur), Eitan Green ou encore
Amos Gitai ; les comédiens Salim Dau
et Moshe Ivgy. La matière nécessaire
à un récit très riche, qui permet de
saisir comment, dans la succession de
traumatismes et d’événements, entre
la Shoah, les guerres israélo-arabes,
les vagues d’immigration ou la défaite
du socialisme fondateur, ce cinéma
est passé de l’affirmation d’une identité contestée à sa permanente remise
en cause.
Il n’y a donc pas une histoire du
cinéma israélien mais des histoires.
En fait, souligne le réalisateur,
« chaque période annonce la suivante et crée la possibilité d’un dialogue avec différentes couches de
la société et ce malgré la violence
et les guerres. Il n’y a pas de petites
ou de grandes périodes du cinéma
israélien car elles procèdent toutes
du besoin de définir ce que doit être
le cinéma lui-même, c’est-à-dire un
modèle d’analyse. […] C’est un
cinéma puissant parce qu’il pose en
permanence la question de la fonction du cinéma en tant que récit collectif, national, tout en étant
conscient de la nécessité de se défaire
de sa mission idéologique, didactique. Le cinéma israélien veut faire
partie de l’humanisme, conclut
Raphaël Nadjari, et c’est son fardeau, son égarement, mais aussi la
puissance de sa recherche. Il faut
qu’il reste en mouvement, sinon, il
redeviendrait idéologique. »
_Jean-Claude Renard
Une histoire du cinéma israélien, première partie
(1933-1978), lundi 18 mai, 23 h 55 (1 h 45) ; seconde
partie (1978-2007), jeudi 21 mai, 22 h 25 (1 h 47), Arte.
Également disponible en DVD (à partir du 10 juin),
chez Arte éditions, avec un livret de 36 pages.
Septembre 1941. Le 10. Fin de journée.
Métro Porte-Dauphine. André Kirschen
tire sur un sous-officier allemand. Un coup
de 6.35. Né en 1926, Kirschen a à peine
quinze ans. Sa victime est le troisième
militaire de la Wehrmacht abattu à Paris.
Quelques mois plus tard, le jeune homme
est arrêté par la police française puis livré
aux Allemands. Il a pris alors le nom de
Rossel, en souvenir du général de la
Commune de Paris. Il sera du procès des
27 résistants du réseau de la Maison de la
chimie en avril 1942, et évitera l’exécution
parce que, précisément, la loi militaire
allemande interdit la peine de mort pour
les moins de 16 ans. Son père et son frère
seront fusillés au Mont Valérien, sa mère
disparaissant dans la déportation. Par le
réalisateur Franck Cassenti, retour sur le
destin particulier d’André Kirschen (mort
en 2007), juif, fils d’un radiologue, né à
Bucarest, débarqué en France en 1931, qui
deviendra éditeur après la guerre.
MARDI 19 MAI
Transsexuel en Iran
France 5, 20 h 35
C’est l’histoire d’un paradoxe de la
législation iranienne. La République
islamique interdit l’homosexualité, mais
les personnes transsexuelles sont traitées
avec bienveillance par les autorités
(depuis que Khomeyni a promulgué une
fatwa en leur faveur). Légal et pratiqué
avec l’aval du gouvernement, le
changement de sexe s’accompagne de
l’émission d’une nouvelle carte d’identité.
In fine, c’est la seule solution pour éviter le
bannissement, la prison ou la
condamnation à mort. Mais sans échapper
aux regards des voisins, de sa propre
famille, à la malveillance. Tanaz Eshaghian
livre ici le fruit de quelques rencontres, de
Téhéran aux campagnes reculées.
Family Life
France 2, troisième partie de soirée
Véritable remise en cause des valeurs
traditionnelles, l’un des premiers films de
Ken Loach, tourné en 1971 et articulé
autour du conflit familial, entre pressions
psychologiques, aliénation
et émancipation, violences sociales
et médicales.
JEUDI 21 MAI
Indigènes
France 3, 20 h 35
Raphaël Nadjari au festival de Cannes en 2007.
GUILLOT/AFP
Rediffusion du film de Rachid Bouchareb
retraçant le récit de soldats oubliés de la
première armée française, recrutés en
Afrique du Nord. Avec notamment Jamel
Debbouze et Sami Bouajila.
1 4 mai 200 9
I
POLITIS
I 25
DÉBATS & IDÉES
Gaza :l’asphyxie avant les bom
La Nouvelle Guerre médiatique
israélienne, Denis Sieffert,
La Découverte, 153 p., 11,50 euros.
26 I
POLITIS
Le rappel des événements qui ont rythmé
ces trois ans et quatre mois témoigne
assurément d’une réalité qui contredit
déjà le discours officiel israélien : le départ
des 8 500 colons de Gaza n’a jamais
signifié la liberté et la souveraineté pour
les Gazaouis. Le retrait unilatéral d’Israël
n’a pas signifié son désengagement. Il faut
donc s’interroger sur l’interprétation qui
en a été proposée à l’époque par la
plupart des médias occidentaux.
Souvenons-nous que l’affrontement, en
août 2005, entre les colons et l’armée
israélienne avait donné lieu à une
médiatisation planétaire au cœur de l’été.
Nous savons ce dont Israël est capable
quand il s’agit d’empêcher la
médiatisation d’un événement. Nous
savons aussi ce qu’il peut faire quand il
veut montrer au monde entier ce qu’il est
en train d’accomplir. Pour mettre en scène
ce retrait et donner une forte résonance à
ces cas de conscience et aux tourments de
ces juifs arrachant d’autres juifs à leur
terre « d’adoption », rien n’a été épargné
aux téléspectateurs occidentaux.
Quatre ans et demi après le retrait
israélien de Gaza, la presse, d’abord
enthousiaste, s’interroge sur le sens de cet
acte politique présenté à l’époque comme
un « geste courageux » d’Ariel Sharon.
Le Monde a eu le mérite, dans un
éditorial du 6 janvier 2009, de remettre
en cause l’analyse de l’événement qui
avait prévalu à l’époque : « Salué comme
un coup de génie du Premier ministre
d’alors, Ariel Sharon, le retrait de Gaza,
opéré en août 2005, sans concertation
aucune avec l’Autorité palestinienne,
qu’incarnait depuis plus d’un an le
pragmatique Mahmoud Abbas, apparaît
aujourd’hui pour ce qu’il était : un coup
tactique à courte vue. […] ».
Si l’interrogation ne manque évidemment
pas de pertinence, on peut en revanche
discuter l’analyse qui suppose qu’Israël,
en retirant ses colons tout en renforçant
les conditions d’une asphyxie économique
de l’étroit territoire, aurait commis une
« erreur » sur le long terme.
Et si cette politique apparemment
contradictoire n’avait pas été une
« erreur » mais le résultat d’un froid
calcul qui conduisait tout droit au
renforcement du Hamas et à la guerre
civile interpalestinienne ? Après tout, c’est
ne pas faire beaucoup d’honneur aux
dirigeants israéliens que de considérer
qu’ils font toujours le mauvais choix, et
qu’ils sont incapables de comprendre ce
que nous, observateurs étrangers,
I 1 4 mai 2 0 0 9
Dans la Nouvelle Guerre
médiatique israélienne,
Denis Sieffert propose un autre
regard sur l’offensive
israélienne contre Gaza et les
trois années qui l’ont précédée.
Voici un extrait de son livre.
comprenons sans peine. La pertinence du
choix est déterminée par les buts que l’on
poursuit. Si l’objectif est la paix et une
relation apaisée avec les Palestiniens, la
décolonisation unilatérale de Gaza et son
bouclage ont en effet toutes les
apparences d’une mauvaise option. Si, au
contraire, le but est le renforcement du
« meilleur ennemi possible », c’est-à-dire
celui qui recueillera dans le monde
occidental le crédit de sympathie le plus
faible, et cela dans la perspective d’un
affrontement programmé, alors le choix
d’Ariel Sharon était le bon. On peut faire
beaucoup de reproches à l’ancien Premier
ministre israélien, mais pas celui d’avoir
été sot. Il n’est donc pas interdit
d’affirmer que le retrait de Gaza en
août 2005 et l’offensive meurtrière sur ce
même territoire fin 2008, début 2009,
doivent se lire comme un tout cohérent,
deux événements qui appartiennent à une
seule et même séquence historique. La
« décolonisation » unilatérale et le déluge
de feu sur Gaza ont été pensés comme les
deux étapes du même projet.
L’acharnement d’Ariel Sharon à étouffer
économiquement la population de Gaza
dès le lendemain du retrait israélien plaide
en faveur de la thèse d’une stratégie de
long terme.
Un peu moins d’un an avant le retrait, et
alors que le projet annoncé par Sharon
était au cœur du débat en Israël, l’un des
plus proches conseillers du Premier
ministre, Dov Weisglass, vendait la mèche
dans une déclaration au quotidien
Haaretz : le désengagement de Gaza,
disait-il dans un langage imagé, « fournit
la quantité de formol nécessaire pour qu’il
n’y ait plus de processus de paix. » « La
signification du désengagement, répétaitil, est le gel du processus ». Il ajoutait qu’il
était tombé d’accord avec l’administration
Bush pour que les « principaux blocs de
colonies de Cisjordanie ne fassent pas
partie d’éventuelles négociations ». Avant
de conclure avec un incroyable cynisme :
« Le reste [les autres points de la
négociation] ne sera traité que lorsque les
Palestiniens seront devenus des
Finlandais (1) ». Autrement dit, jamais !
Tant de franchise ne pouvait laisser les
bureaux du Premier ministre sans
réaction. Le lendemain, un communiqué
officiel réaffirmait que Ariel Sharon
« restait engagé dans la Feuille de route ».
Ce nième plan de paix concocté en 2003
par le « Quartet » composé des ÉtatsUnis, des Nations unies, de l’Union
européenne et de la Russie, prévoyait
notamment le gel de toute nouvelle
colonisation et la création d’un État
palestinien avant la fin de 2005. Qui disait
la vérité, le Premier ministre ou son âme
damnée ? Nous penchons nettement en
faveur de Dov Weisglass. Dans un portrait
qui lui était consacré, Haaretz notait qu’il
fonctionnait avec Sharon « comme un
vieux couple (2) » […]
Un mois auparavant, Ariel Sharon avait luimême reconnu qu’Israël « n’adhérait
plus » à la Feuille de route. Et dès la
publication de ce plan, en 2003, il avait
réagi en posant pas moins de quatorze
conditions à son application. La période
qui a immédiatement suivi le
démantèlement des colonies israéliennes
de Gaza a ensuite largement confirmé le
peu d’appétence d’Ariel Sharon pour ce
plan de paix. Rien ne justifiait en effet
qu’Israël organise, immédiatement après
s’être retiré, un blocus ravageur pour
l’économie gazaouie, et désastreux pour
l’évolution psychologique et politique des
Palestiniens de ce territoire. Pour mener
cette politique d’asphyxie économique,
Sharon est allé jusqu’à exacerber une
inhabituelle tension diplomatique avec les
États-Unis. C’est Condoleezza Rice qui a
obtenu – de haute lutte – la première et
éphémère ouverture économique de Gaza,
fin 2005. Quant à l’émissaire du Quartet,
l’ancien dirigeant de la Banque mondiale
James Wolfensohn, chargé de contribuer
au développement économique de Gaza,
il a fini par démissionner devant la
mauvaise volonté israélienne (3).
Ce blocus, si déterminant dans la vie
quotidienne et la psychologie collective
des Palestiniens, et qui a déterminé aussi
en partie la stratégie du Hamas, est
délibérément caché à l’opinion israélienne.
Sauf à une minorité éclairée, lectrice de
Haaretz, ou engagée dans le combat
bes
pacifiste. L’effondrement du niveau de vie
et des conditions sanitaires des habitants
de Gaza à partir de 2005, alors même que
le territoire est en fait tenu sous le joug
économique depuis 1994, n’est que
rarement évoqué dans les grands médias.
Le résultat de cette occultation est
évidemment que l’homme de la rue en
Israël ne comprend rien à la montée du
Hamas, et pas davantage aux tirs de
roquettes du mouvement islamiste sur les
villes israéliennes voisines. Privé
d’explications économiques et sociales,
il cherche les causes de ces événements
dans la nature du Hamas, voire dans la
nature des « Arabes », jugés naturellement
querelleurs et violents. Il analyse la
montée du Hamas comme le résultat d’un
phénomène d’islamisation spontané de la
population.
Selon cet imaginaire collectif, lui-même
producteur d’un « Arabe imaginaire »,
Israël a cessé à partir du 12 septembre
2005 – date du départ du dernier soldat
israélien – d’avoir la moindre
responsabilité sur le destin de Gaza. Peu
importe que toute infrastructure ouvrant
Gaza sur le monde – port et aéroport –
ait été interdite par l’État hébreu, que la
centrale électrique et les ponts aient été
pris pour cibles de l’aviation israélienne
dès les premiers raids en juillet 2006, que
les camions de ravitaillement soient
bloqués parfois jusqu’à ce que les denrées
qu’ils transportent pourrissent sur place ;
peu importe que les 2 700 travailleurs
palestiniens de Gaza travaillant en Israël
aient été reclus et voués au chômage.
D’où le sentiment, lorsque les roquettes
pleuvent sur Sderot, que les Gazaouis
sont ingrats. Un sentiment exprimé de
façon caricaturale au plus fort des
bombardements israéliens, et comme
pour les justifier, par un éditorialiste de
Haaretz, Ari Shavit, interrogé par
Libération : « Gaza est le front où Israël
a fait ce qu’il fallait : il a démantelé ses
colonies, se pliant aux demandes de la
gauche israélienne et de la communauté
internationale. » « La réponse n’a pas été
la paix, poursuit Ari Shavit, comme
suffoqué par tant d’injustice, pas même le
calme, mais la mise en place d’un régime
agressif et extrémiste au terme d’un coup
d’État aux relents fascistes (4). »
Des Gazaouis libres et souverains,
économiquement comblés, votent pour le
Hamas et expédient des roquettes sur
Sderot, uniquement par haine antiisraélienne. Cette perception aux relents
essentialistes a évidemment été renforcée
au cours de ces années 2002-2009 par la
diffusion de l’idéologie dite du « choc des
civilisations », notamment par
l’administration américaine au lendemain
des attentats du 11 septembre 2001.
Faute d’avoir des causes économiques ou
sociales, la révolte des Gazaouis, dont la
montée du Hamas est l’une des
manifestations, ne peut être que
« religieuse » et « civilisationnelle ».
Mais la décolonisation unilatérale de Gaza,
en août 2005, a eu d’autres vertus,
notamment en direction de l’opinion
publique internationale. La mise en scène
spectaculaire et savamment orchestrée des
rares expulsions de colons et le départ des
huit mille colons de Gaza avaient donné
lieu à une couverture médiatique
continue, et « mondialisée ». De même, le
5 décembre 2008, soit quelques jours
seulement avant l’offensive contre Gaza,
l’évacuation de quelques dizaines de
jeunes colons retranchés dans une maison
de Hébron, en Cisjordanie, a été aussi
abondamment montrée et commentée.
Les médias israéliens ont même parlé
d’« Intifada juive ». Les téléspectateurs
ont pu entendre ces jeunes gens traiter les
soldats israéliens de « nazis » et les
accuser – suprême insulte – d’être « pires
que des Arabes ». Répétition des
événements et des mots vus et entendus
trois ans auparavant à Gaza.
[…] Or, pendant que l’on tire par les
cheveux devant les caméras de télévision
une poignée d’adolescents irascibles, les
plans d’extension des colonies se
multiplient en Cisjordanie. Début 2009,
on estime à 250 000 le nombre de colons
en Cisjordanie, et à 220 000 à JérusalemEst. Les colons représentent 25 % de la
population de la Cisjordanie, mais ils
occupent 40 % du territoire. Pendant la
période dite d’Oslo, le processus de paix
(1993-2000), le nombre de colons est
passé de 110 000 à 195 000. Sans
compter Jérusalem-Est. Cette duperie
explique en grande partie l’explosion de
la deuxième Intifada en octobre 2000. Au
lendemain des événements de Gaza, en
janvier 2009, le mouvement israélien La
Paix Maintenant a rendu public un projet
de 67 000 nouveaux logements en
Cisjordanie, et 5 700 à Jérusalem-Est.
Ce qui signifierait, selon une projection
démographique moyenne, 292 000 colons
supplémentaires. Le double langage est à
son comble.
Des
Palestiniens
inspectent
l’immeuble
présidentiel de
Gaza, détruit le
27 décembre
2008 par une
frappe aérienne
israélienne.
KATIB/GETTY IMAGES/AFP
© La Découverte
(1) Haaretz, 10 août 2004.
(2) Cité par le Monde du 6 janvier 2009.
(3) Rapporté dans le Monde du 6 janvier 2009.
(4) Libération, 16 janvier 2009.
1 4 mai 200 9
I
POLITIS
I 27
DÉBATS & IDÉES
TRIBUNE
8 mai : ne pas oublier Sétif
OLIVIER LE
COUR GRANDMAISON
Spécialiste
des
questions
coloniales,
enseignant
en sciences
politiques à
l’université
d’Évry-Val
d’Essonne*.
8 mai 2009. La France célèbre, comme
il se doit, la fin de la Seconde Guerre
mondiale en Europe.
8 mai 2009. L’Algérie commémore le
soixante-quatrième anniversaire des
massacres de Sétif et de Guelma perpétrés
par l’armée française et de nombreuses
milices coloniales composées de civils
d’origine européenne. Bilan : Entre
20 000 et 30 000 victimes arrêtées,
torturées et exécutées sommairement pour
rétablir l’ordre imposé par la métropole et
terroriser de façon durable les populations
« indigènes ». Une seule et même date.
Deux histoires diamétralement opposées
en même temps que liées l’une à l’autre ;
pour recouvrer son autorité en Europe et
dans le monde, la France libre est prête à
tout pour défendre l’intégrité de son
empire. Ainsi fut fait. En métropole donc
et pour les colons des différents territoires
d’outre-mer, la joie de la paix, de la liberté
et de la démocratie retrouvées. Pour les
« musulmans », l’horreur, le sang et les
larmes provoquées par le déchaînement de
la violence d’État destinée à perpétuer
l’oppression et l’exploitation coloniales.
De quoi étaient donc « coupables » les
« indigènes » ? D’avoir osé manifester
pacifiquement, en ce mardi 8 mai 1945,
dans la rue principale de Sétif, pour exiger
la libération de Messali Hadj, défendre
« l’Algérie libre » pour laquelle ils ont
conçu un nouveau drapeau, symbole de
leur lutte pour le droit des peuples à
disposer d’eux-mêmes et pour
l’indépendance. C’est à cela que s’oppose
la France afin de perpétuer sa domination
Le 8 mai 2005,
plusieurs
milliers de
personnes
participent à
Paris à une
manifestation
à l’appel des
Indigènes de
la République.
GUILLOT/AFP
28 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
Le jour marquant la fin de la
Seconde Guerre mondiale est
aussi celui où l’État français
a réprimé dans le sang l’une
des premières manifestations
pacifiques pour l’Algérie libre.
Un passé toujours occulté.
imposée depuis cent quinze ans.
Monarchique d’abord, républicaine
ensuite, impériale après, et de nouveau
républicaine après la chute de
Napoléon III, la métropole a longtemps
soumis, comme l’écrivait Ferrat Abbas, les
« Arabes » au régime du « talon de fer » et
du « mépris », au Code de l’indigénat,
voté par la Chambre des députés le 28 juin
1881, aux tribunaux répressifs, à
l’internement administratif et aux
amendes collectives. Celles-là mêmes qui,
massivement appliquées pour sanctionner
les tribus kabyles soulevées en 1871,
avaient précipité leur ruine pour de
longues années. Sans oublier les
nombreux massacres commis par l’armée
d’Afrique pour conquérir l’Algérie, la
« pacifier » comme on disait déjà au
XIXe siècle, et rétablir l’ordre colonial
lorsque celui-ci était contesté par les
« indigènes. » Jusqu’en 1945, ces derniers
n’étaient que des « sujets français », des
assujettis en fait comme en droit, privés
des libertés démocratiques élémentaires.
À cela s’ajoutent de nombreuses
dispositions discriminatoires et racistes
qui ne pesaient que sur eux.
Telle était donc la situation de ces
« populations » comme on disait alors.
C’est contre cet ordre pour eux dictatorial,
injuste et inégalitaire que manifestent
donc ceux qui se rassemblent à Sétif ce
8 mai 1945 puis le soir même à Guelma.
On connaît la suite : le déchaînement de la
violence et de la terreur d’État avec son
cortège de crimes de guerre et de crimes
contre l’humanité. Oubliés les principes
qui, quelques semaines plus tard, allaient
être au fondement de l’article 1er de la
Charte des Nations unies, adoptée le
26 juin 1945, établissant le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes. Oubliés
aussi les engagements, contractés dans la
Résistance, puis inscrits dans le préambule
de la Constitution du 27 octobre 1946,
qui affirme : la France, « écartant tout
système de colonisation fondé sur
l’arbitraire », garantit à « tous […]
l’exercice individuel ou collectif des droits
et libertés proclamés ou confirmés » dans
le présent texte. Oubliés enfin les
fondements philosophiques, politiques et
juridiques, plus tard sanctionnés par la
Déclaration universelle des droits de
l’homme, votée par l’Assemblée générale
des Nations unies le 10 décembre 1948
à Paris, et son article 2 relatif aux droits
dont « chacun peut se prévaloir » sans
« distinction de race, de couleur, de sexe,
de langue, de religion et d’opinion
politique ».
Dans les colonies de la France
républicaine, ces principes ne s’appliquent
pas. Étrange conception de l’universel qui
n’a d’universel que le nom puisque les
prérogatives mentionnées ne valent ni
pour tous les hommes, ni pour tous les
lieux, ni pour tous les temps. Les
massacres de Sétif et de Guelma en
témoignent sinistrement : une fois encore,
la force a primé les droits, aussi
fondamentaux soient-ils, dès que le visage
de l’Autre épouse les traits du
« musulman » ici, du « Noir » ailleurs et
de « l’Indochinois » bientôt. Une fois
encore, en ce mois de mai 2009, ce passé
n’a toujours pas droit de cité, ni dans les
discours des plus hauts responsables de
l’État, ni dans la plupart des grands
médias français. Mépris, silence, oubli.
Pour combien de temps encore ?
*Dernier ouvrage paru : La République impériale : politique et
racisme d’État, Fayard, 2009 (voir Politis n° 1044).
DE BONNE HUMEUR
MOTS CROISÉS PAR JEAN-FRANÇOIS DEMAY
GRILLE N° 17
I II III IV V VI VII VIII IX X
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
HORIZONTAL : 1. Elles réclament un
chef héroïque ou fantastique.
2. Risquai. Note. Commence une
pétition. 3. Il enchaîne les
piquettes et les taules. Entoure le
manche. 4. En Amérique du Sud,
c’est à vomir. 5. Héros hugolien.
Plante dont les feuilles
ressemblent à des étoiles.
6. Patron que l’on prie. Dans un
mois, Nadal va en gagner plus
d’un. Véritable, il est encore
dangereux. 7. Mesure la sensibilité.
Passementât. 8. Pris un principe de
précaution en vue d’une grippe
mexicaine. 9. Pensée magique sur
l’île de Pâques. Instrument à
marteaux. 10. On la fait avant de
vendre ou d’acheter.
VERTICAL : I. Doctrine qui prend le
Solution de la grille n° 16 :
1. Ampliation.
2. Énoues. NPA.
3. Relishs. Pu.
4. Omis. Redit.
5. Pètera. Edo.
6. Embrun.
7. Socle. Rami.
8. Trie. Russe.
9. Ale. Fine.
10. Lentiforme.
I. Aéropostal.
II. Mnème. Orle.
III. Politicien.
IV. Luise. Le.
V. IES. Rée.
VI. Ashram. Rif.
VII. Se. Bruno.
VIII. In. Déraser.
IX. Oppidums.
X. Nautonière.
sujet pensant comme seule réalité.
II. Recueils de fables du Moyen
Âge. Particulièrement bon.
III. Laser non lumineux. Huilé pour
la bénédiction. IV. Menue monnaie.
Petit singe d’Amérique. V. Bruit de
tambour. Démesuré à l’Élysée.
VI. Certains se sont rués pour le
trouver. Arbre ornemental à larges
grappes. VII. Il est vénéré par les
rastas. Apparaît. VIII. Ramassai les
feuilles. IX. Protégera par des
arbres. Un drame à Tokyo. X. Elle
précède le partage.
SÉBASTIEN FONTENELLE
Dray Guevara
Le (très) gros titre explose en lettres de six cents mètres de
haut, dimanche (10 mai), à la une du Parisien : « Julien Dray sort
du silence ».
En soi, déjà, c’est furieusement alléchant, car les contributions
de Julien Dray au débat public sont toujours d’un immense
intérêt – on se rappelle, notamment, qu’il avait largement
révolutionné l’histoire des sciences politiques en déclarant, il y a
deux ans : « Oui, mon gars, tel que tu m’vois, je soutiens MarieSégolène Royal, et j’aime ça. »
Mais là, c’est d’autant plus exaltant que c’est pile « cinq mois
après le début de l’affaire » de « mouvements financiers
suspects » où il a été mis en cause que Julien Dray « parle
enfin » et « se confie en exclusivité » à Dominique de Montvalon
(also known as Dom Woodward), du Parisien – et cette info est
si extraordinaire que la presse dans son entier la reprend, du
Figaro (« Julien Dray rompt le silence ») au Miami Herald
(« You’re talking to me ? ») (1).
Et que dit Julien Dray quand il « sort »
Et que dit Julien (enfin) « du silence » ?
Julien Dray psalmodie qu’il est
Dray quand il
probablement sous le coup d’un (vil)
« sort du
complot (2) et qu’il est « archifaux » de
silence » ? Il
prétendre qu’il aurait une « vie
psalmodie qu’il est luxueuse » (nonobstant qu’il pose dans
le Parisien avec une élégante cravate
probablement
Hermès probablement plus onéreuse
sous le coup d’un
qu’un modèle de chez Celio) – puis
(vil) complot
lance qu’il s’expliquera « devant la
justice et personne d’autre », histoire de
et qu’il est
ne
pas nourrir un « voyeurisme
« archifaux »
malsain(3) » .
de prétendre qu’il Puis Julien Dray, se rappelant soudain
aurait une « vie
qu’avant d’être une incarnation du
« socialisme » sécuritaire il a été jeune
luxueuse »,
et fougueux, et même un peu
nonobstant une
communiste, prévient le monde (que
élégante cravate cette révélation traumatise) qu’il a (je
Hermès.
n’invente rien) « retrouvé dans [sa] tête
l’énergie et la radicalité de ses 20 ans »
– et le prouve en appelant, pour une « victoire » de « la gauche »
en 2012, à « une coalition allant des modérés du Modem à
l’extrême gauche ».
Dray Guevara !
(1) Nan, je rigole.
(2) Comme s’il était d’une telle importance dans le paysage politique français que
d’aucun(e)s aient fomenté de l’en « éliminer », comme il dit.
(3) En résumé : Julien Dray « sort du silence » pour ne rien dire, ou presque – et les
journaux unanimes célèbrent par de frénétiques vivats ce non-événement absolu.
Retrouvez le blog de Sébastien Fontenelle sur www.politis.fr
1 4 mai 200 9
I
POLITIS
I 29
RÉSISTANCES
PORTRAITS Elles sont antipub, antinucléaire, anti-OGM, antiguerre… et ne se retrouvent plus dans les formes
classiques de mobilisation. Un reportage de Lætitia Legrand.
Désobéir, disent-elles
tudiante en licence d’administration économique et sociale,
cette jeune fille de 20 ans au
petit gabarit estime aujourd’hui
que « l’agression publicitaire est abusive ». Mais son combat contre l’injustice, Gaëlle a commencé à le mener
il y a un an, en étant membre de l’association Icare, une organisation qui
agit de manière globale en matière
environnementale, sociale et de solidarité internationale. Certains de ses
membres mènent en parallèle des
actions de désobéissance civile. L’idée
mûrit alors dans sa tête. Aujourd’hui,
elle s’intéresse plus particulièrement
aux actions antipub. « Je pense qu’il
y a trop de publicités. Je veux agir
contre ce phénomène. » Elle souhaite
une publicité vraiment informative,
démocratique d’accès, centrée sur
toutes les activités humaines et non
imposée au public. Elle a envie d’agir
de manière forte. Gaëlle décide alors
d’intégrer le collectif des Déboulonneurs. Sûre de ses convictions, elle
le rejoint en mars, pour sa première
action en tant que désobéissante.
Le rendez-vous était donné à la sortie d’un métro parisien. L’objectif de
É
cette rencontre : dégrader en public,
de manière assumée et non-violente,
les panneaux publicitaires par barbouillage, c’est-à-dire par inscriptions
à la peinture. « Des journalistes étaient
là, nous avons ainsi pu exprimer notre
point de vue et nos revendications
auprès d’un large public. »
Après quelques barbouillages, les
forces de l’ordre sont arrivées. Elles
ont arrêté quelques désobéissants,
qui se sont ensuite retrouvés en garde
à vue pour quelques heures. Gaëlle
ne se sentait pas prête à affronter les
CRS, aussi a-t-elle mené sa première
action en tant que simple soutien aux
activistes. Mais elle reste déterminée et combative : aujourd’hui, elle
est prête à suivre toutes les actions
que le collectif lui proposera, en vraie
désobéissante.
LAETITIA LEGRAN
D
Gaëlle, 20 ans,
étudiante
« Contre l’agression publicitaire »
uand Claire ne s’occupe pas de
ses six petits-enfants, elle désobéit. Pour cette femme de 71
ans, « on ne doit pas obéir à
une chose qui n’est pas bonne ». Dans
sa jeunesse, après avoir beaucoup fait
l’école buissonnière, elle choisit de suivre des études sur les métiers du livre
et, depuis, elle « essaye d’être une
citoyenne modèle ».
Q
Aujourd’hui, ce qui l’énerve le plus,
ce sont les personnes qui parlent bien
mais n’agissent pas, « qui se renferment sur elles-mêmes, qui ne partagent pas ». L’impression qu’elle a
d’être face à un aveuglement général
lui donne envie de passer un mes-
Claire, 71 ans,
LAETITIA LEGRAND
Refuser, c’est se respecter
30 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
retraitée
sage : un autre monde est possible.
Alors elle intègre divers collectifs de
désobéissants. Au sein d’un groupe,
« je me sens plus forte et surtout
moins seule ».
Ce qu’aime Claire, dans la désobéissance civile, c’est qu’à chaque fois elle
se rend compte à quel point « c’est
simple et libérateur de désobéir ». Elle
réalise qu’avant, lorsqu’on lui imposait quelque chose, elle obéissait alors
qu’elle était capable de refuser.
Aujourd’hui, c’est en refusant qu’elle
se respecte. « J’ai obéi jusque-là
comme une enfant qui croit sans aller
voir ! Avec la désobéissance civile,
je dis NON et le ciel ne me tombe pas
sur la tête ! » À entendre sa douce
voix on ne pourrait imaginer que cette
grand-mère est une désobéissante chevronnée. Et pourtant, depuis qu’elle
est à la retraite, elle participe à autant
d’actions qu’il lui est possible. Mais
elle choisit, avant tout, celles qui lui
semblent justes, honnêtes, républicaines et dans lesquelles elle ne trouve
aucun profit personnel.
j’ai toujours été très attirée par la
non-violence. Mais il m’était difficile d’être militante lorsque j’avais
un emploi. Cela demande beaucoup
de temps d’être activiste. J’étais éducatrice spécialisée, je travaillais dans
le placement familial. Dans cette
structure, on employait beaucoup
de femmes maghrébines. C’était une
façon de les aider à s’intégrer dans
le système français car elles avaient
du mal à trouver un emploi. C’était
doublement riche car nous avions
ainsi une ouverture sur leur culture
à elles.
Je suis à Attac depuis 1998, date de
sa création. Je fais beaucoup de théâtre de rue avec cette organisation,
mais je trouve qu’elle ne touche
qu’une frange limitée de la population. Son discours est trop complexe
pour être accessible à tous. Pour moi,
la désobéissance civile, c’est exactement l’inverse. Depuis que je suis
à la retraite, j’ai plus de temps et je
participe plus à des actions directes
non-violentes car je les trouve intuitives et vivantes.
POLITIS I Qu’est ce qui, dans
votre parcours, vous a
conduite à participer à des
actions de désobéissance
civile ?
Annouk I Après avoir suivi des
études dans une école d’art, j’ai
obtenu une licence en histoire
des sciences politiques, et je suis
aujourd’hui médiatrice du livre.
En 2007 et en 2008, avec des
membres de l’association Résistance à l’agression publicitaire (RAP), nous avons
monté un groupe de travail afin de créer un jeu
pour sensibiliser les
enfants à la publicité.
Lors d’une réunion
avec ce groupe, j’ai
rencontré un désobéissant. Le désir de
passer à un stade
supérieur dans mon
mode d’action a fait
son chemin en moi.
C’est ainsi qu’en
février 2009, j’ai
participé à un stage
de formation à la
désobéissance
Isabelle,
70 ans, retraitée
et mère de deux fils
Racontez-nous l’une
des actions auxquelles vous
avez participé.
Avec des membres d’Attac, nous collions des tracts sur des affiches publicitaires dans le métro. Au fil du temps,
je me suis retrouvée seule à coller les
tracts. Un jour, des policiers sont arrivés. À mon âge, je ne me sentais pas
de courir pour échapper aux forces
de l’ordre, je n’avais pas envie de me
faire mal. Ils m’ont alors arrêtée. Avec
l’un des policiers, nous avons engagé
une discussion sur mes agissements.
Quand on s’est quittés, il m’a
demandé un tract en souvenir !
Aujourd’hui, je préfère effectuer des
actions avec des collectifs tels que Sortir du nucléaire ou la Brigade activiste
des clowns (BAC). Ils sont plus au fait
des limites de leurs droits, ils agissent
avec plus de prudence.
DRAGAN LEKIC
POLITIS I Qu’est ce qui vous
a conduite à participer à
des actions de désobéissance
civile ?
Isabelle I Depuis que j’ai 18 ans,
« La dérision est une arme très intéressante »
Comment choisissez-vous
les actions auxquelles vous
participez ?
Je me sens concernée par beaucoup
de causes : la justice, les questions
d’identité, les sanspapiers…
Par
contre, je manifeste
rarement pour le
féminisme car je ne
civile, organisé par
le collectif des
Désobéissants.
Ce stage m’a
permis de
confirmer
que je
« La désobéissance civile est
la seule alternative efficace »
C
EKI
NL
AGA
DR
pensais sur les modes
d’actions à mener. Ce
que j’y ai apprécié, c’est
la large place donnée à la
réflexion personnelle. Pour
moi, la désobéissance civile est
la seule alternative efficace.
Racontez-nous l’une
des actions auxquelles vous
avez participé.
Le contre-sommet de l’Otan, avec
les Désobéissants. Pour moi, l’essentiel était de participer à une action
Annouk, 27 ans,
médiatrice
auprès d’enfants
me retrouve pas dans ses valeurs.
Je suis plus attirée par la BAC, qui
est dans l’extrême non-violence.
Ainsi, les « clowns » ne se confrontent pas physiquement avec les CRS,
et la dérision me paraît une arme très
intéressante. En fait, je cible les
actions auxquelles je participe pour
ne pas me disperser ni perdre ma
motivation.
de blocage non-violente chargée de
sens et stratégiquement gênante. En
nous ralliant au collectif Block Nato,
nous voulions bloquer certaines
routes menant aux locaux où avaient
lieux les réunions relatives au sommet pour perturber son déroulement.
Le plus impressionnant a été de me
retrouver face aux forces de l’ordre,
que je trouvais en surnombre et
surarmées, alors que j’étais à découvert, sans masque ni arme. Le fait de
me sentir vulnérable physiquement
m’a très fortement impressionnée.
Ma détermination à tenir sur ce blocage, alors que les CRS tentaient
de nous dégager, résidait dans ma
conviction de la légitimité symbolique de l’action, la présence de
témoins qui nous protégeaient de
la violence éventuelle des forces de
l’ordre, et notre solidarité.
Quels sont vos critères
de choix pour les actions
que vous menez ?
Il est très important pour moi de bien
connaître les différents enjeux de
l’action que l’on peut me proposer
ou que je pourrais initier, pour être
sûre d’être bien en adéquation avec
ses objectifs.
1 4 mai 20 09
I
POLITIS
I 31
LE POINT DE VUE DES
Il n'ya rien de plus déstabilisant
pour les puissants de ce monde que
des peuples qui se mettent à
réfléchir et à qui, un jour, on ne
pourra plus raconter n'importe
quoi. Alors, continuons...
Christian David
Un conte extraordinaire Deux
banques mutualistes chères aux
Français, les Caisses d’épargne et
les Banques populaires, ont
fusionné en février-mars 2009 sous
la houlette du secrétaire général
adjoint de l’Élysée afin de se sauver
d’une faillite possible.
Il faut rappeler néanmoins que ces
deux établissements ont été
entraînés dans le rouge par la
création de Natixis et de Natexis.
Cette filiale commune est l’œuvre
de François Pérol, alors employé
par la banque Rothschild, après
qu’il eût quitté le ministère des
Finances, à l’instar du ministre
d’alors, Nicolas Sarkozy.
Il est pour le moins surprenant que
la personne à l’origine des déboires
financiers des deux groupes
bancaires organise leur fusion en
qualité de secrétaire général adjoint
de l’Élysée, et qu’il devienne ensuite
tout naturellement le PDG de cette
nouvelle entité.
La banque d’investissement créée
par les Caisses d’épargnes et les
Banques populaires avait pour
fonction le traitement de
« produits financiers
sophistiqués », dont certains à
hauts risques. Cela explique les
pertes colossales de cette entreprise
génétiquement modifiée. Cette
filiale, comme toutes ses
semblables créées par les autres
banques, travaillait dans l’opacité
confortable des paradis fiscaux
sous les conseils avisés de cabinets
d’audit et de notation domiciliés
dans ces trous noirs de la finance.
Il est curieux de remarquer que les
responsables de la destruction
massive des postes dans la Fonction
publique, notamment en milieu
hospitalier, par le biais de la
Réforme générale des politiques
32 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
publiques (RGPP), sont ces mêmes
experts domiciliés dans ces zones
de non-droit que sont les îles anglonormandes. Je veux parler des
cabinets d’audit Deloitte et
Pricewaterhousecoopers.
Mais revenons à NatexisNatixis. […] Un de ses achats par
effet de levier (LBO) les plus
médiatiques a été la prise de
contrôle de l’entreprise des Collants
Well. Tout naturellement, cette
acquisition entraîna
immédiatement plan social,
licenciements et délocalisation.
La stupide rapacité des fonds
spéculatifs, en demandant des
retours sur investissements
exorbitants, favorise et alimente la
crise financière mondiale par la
création de bulles spéculatives
incontrôlables. La production de
richesse dans une entreprise sans
difficultés se situe dans le meilleur
des cas autour de 6 %. On est bien
loin de ce qui est exigé d’elle quand
elle passe sous leur contrôle. Ces
comportements égoïstes et
irresponsables nous précipitent
dans le mur.
Les mêmes personnes qui ont
entraîné le monde dans la crise
majeure que nous vivons se
proposent aujourd’hui de moraliser
le capitalisme. Avec beaucoup
d’humour, certains nous proposent
même de créer un code éthique, un
code de bonne conduite, pour la
gouvernance des transnationales et
la rémunération de leurs cadres et
Pensez-y !
Abonnement web
à partir de 8 € par mois*
www. poli t i s. fr
Paiement sécurisé * voir conditions
LECTEURS
AGENDA
POLITIS courrier des lecteurs, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris.
01 43 48 04 00 (fax) [email protected] (e-mail)
Créteil (94) : le 15 mai, à 20 h 30,
DIFFUSION EN KIOSQUE
Pour connaître le point de vente le
plus proche de votre domicile, de
votre lieu de travail ou même de
votre lieu de vacances ;
si vous souhaitez que votre marchand de journaux soit approvisionné sous huitaine ;
appelez le
01 42 46 02 20
( d e l u n d i a u v e n d r e d i d e 10 h à 17 h)
ou envoyez un courrier
électronique à
c ontac [email protected] om
Un site des NMPP indique
également où trouver Politis :
w w w.t rouverlapresse.c om
de leurs actionnaires. Selon eux,
tout cela va permettre de retrouver
la croissance et par la même
occasion de relancer l’économie. Le
pire serait le recours à la loi. Ces
nouveaux chevaliers que sont les
capitaines d’industrie seraient alors
contraints de déserter, afin
d’exercer leurs talents sous des
cieux plus cléments. Mais le chef
suprême veille et les protège. Dans
sa grande mansuétude, il les a
même décorés de l’ordre de la
Légion d’honneur pour les
nombreux services rendus à la
nation dans leur recherche
permanente de l’intérêt général.
Ces personnes imbibées d’idéologie
ultralibérale, responsables de la
tourmente actuelle, sont toujours
aux commandes. Elles nous
proposent encore et encore leurs
fumeuses théories légèrement
époussetées. Elles nous disent qu’il
faut avoir confiance et croire sur
parole les dirigeants compétents qui
ont si bien assuré la marche du
monde pour le plus grand bonheur
de tous. […]
Mais un pyromane qui devient
pompier n’est-il pas tenté de
remettre le feu ? Ne faudrait-il pas
retrouver collectivement un peu de
sagesse et méditer la parole
d’Antoine de Saint Exupéry :
« Nous n’héritons pas de la terre,
nous l’empruntons à nos
enfants » ?
Lucien Pons
Révolte et légitimité Depuis
quelque temps, les salariés, pour se
faire entendre, emploient des
méthodes plus radicales
– séquestration de dirigeants et
dernièrement, à Compiègne,
saccage de la sous-préfecture par
ceux de Continental, excédés par
l’attitude de leur groupe.
À Clairoix, après avoir accepté de
repasser à 40 heures de travail
hebdomadaire en 2007, avec la
promesse de la direction de
maintenir l’activité jusqu’en 2012,
Continental annonce la fermeture
du site. Trahison !
L’attitude de ces patrons n’est pas
saine. Pour sauvegarder la
« salubrité publique », un grand
nettoyage (au Karcher, comme
dirait un certain Sarkozy) est
nécessaire au sein du patronat, des
grands groupes, des actionnaires.
On ne peut pas à la fois garantir
aux grands patrons et autres
actionnaires des ponts d’or
faramineux (même à ceux qui ont
ruiné leur entreprise) et avoir un tel
mépris pour les salariés.
On ne peut pas décider ainsi de la
vie d’êtres humains, leur faire vivre
des drames insurmontables, la
misère, tout cela pour faire de
l’argent, le plus d’argent possible, le
plus rapidement possible. Cela est
inadmissible ! […]
Notre pays a multiplié sa richesse,
mais la répartition n’est pas
équitable. Cela est reconnu
officiellement, la majorité
s’appauvrit alors qu’une petite
minorité s’enrichit. Cela n’est pas
tolérable ! Les ouvriers français
sont les premiers concernant la
productivité au niveau mondial. Et
le patronat se plaint. Les charges
sociales diminuent tous les ans. Et
le patronat se plaint. Subventions
Rendez-vous sur
notre nouveau site
www.politis.fr
de tous côtés, aides de l’État. Et le
patronat se plaint. Et ce n’est pas le
« pipeau » déjà tant et tant entendu
ou les « jappements » de notre
président qui changeront
fondamentalement les choses.
Alors les salariés se rebellent,
séquestrent et cassent pour affirmer
qu’ils sont des êtres humains et non
des pions.
Nos dirigeants, Sarkozy, Fillon et la
ministre de l’Intérieur montent au
créneau : « Cela est inadmissible,
illégal », « Il y aura des suites
judiciaires », etc. c’est sûr, ces
actions sont illégales. Mais qui fait
ces lois de la République, sinon
cette classe de privilégiés ? Et ils
font tout pour garder leurs
privilèges. Quand ils transgressent
leurs propres lois, très peu sont
inquiétés. « Suivant que tu naîtras
puissant ou misérable… »
Si ces messieurs veulent se référer à
la légalité pour protéger leurs
privilèges, eh bien, moi, j’en appelle
à la légitimité. À ce qui est
conforme à l’équité, à la justice, au
droit naturel. Il y a des moments
dans la vie où la légitimité prévaut
sur la légalité ; notre histoire de
France en est remplie.
Lorsqu’un système économique
écrase l’être humain, bafoue sa
dignité, se moque de la simple
morale nécessaire à la vie en
société, il faut se révolter. Certes,
c’est illégal ; certes, ce n’est pas le
meilleur moyen de s’en sortir, mais
tant qu’existera un tel mépris pour
l’être humain, il y aura des révoltes.
Et ce n’est pas l’arsenal policier et
judiciaire qui empêchera les luttes
légitimes afin de refuser le diktat
des grands groupes et de
revendiquer le droit de vivre dans le
respect et la dignité. La révolte est
saine et légitime, n’en déplaise à ces
messieurs.
Serge Liorzou, délégué du personnel
Attac Créteil- Bonneuil et le centre
socioculturel Madeleine-Rebérioux
organisent un « casse-croûte réflexion »
sur le thème : « La crise ? Que faire ? »
Avec Bruno Jetin, membre du conseil
scientifique d’Attac.
Centre Madeleine-Rebérioux,
27 av, François-Mitterrand.
[email protected]
Strasbourg (67) : les 16 et 17 mai,
salon Couleurs et Saveurs équitables 09.
Avec Politis.
Pavillon Joséphine de l’Orangerie,
03 88 83 28 10.
Romans (26) : jusqu’au 17 mai,
la Mission des affaires européennes et
internationales organise les Ateliers de la
coopération.
[email protected]
Paris IIe : le 18 mai, à 18 h 30,
projection du film les Femmes de la
Brukman, sur une expérience
d’autogestion en Argentine, suivie d’un
débat avec Luis Díaz, ouvrier de l’usine
autogérée Zanón. À l’occasion de la
parution de Produire autrement de la
richesse, aux éditions du Cetim.
Salle Jean-Dame, 17, rue LéopoldBellan.
Paris XVIIIe : le 18 mai, à 19 h 45,
la LDH organise un Café-droits de l’homme
« La cause des Roms » avec Malik
Salemkour, vice président de la LDH, et
Pierre Henry, directeur général de France
Terre d’asile.
10 av. de la Porte-de-Montmartre,
http://lepetitney.free.fr
Aix-en-Provence (13) : le 19 mai,
à 18 h, l’université populaire et citoyenne
du Pays d’Aix et Attac organisent une
conférence-débat sur « l’Amérique latine et
ses expériences dans la conjoncture
internationale » avec Éric Toussaint,
historien et président du CADTM.
Maison de la vie associative :
06 37 26 91 62
Toulouse (31) : du 19 mai au
10 juin, l’association Bleu comme une
orange organise 4 rencontres sur le
développement local durable et solidaire.
Respect, la Cimade et les
autres… Je trouve votre article
[email protected], 05 61 34 25 21
bien indulgent vis-à-vis des
quatre autres associations que
Respect (sur laquelle je partage
l’analyse parue dans le n° 1049 de
Politis) qui ont rompu l’accord
tacite de laisser la Cimade répondre
seule à l’appel d’offres du ministère
de l’Immigration, au nom d’intérêts
boutiquiers !
Colmar (68) : du 21 au 25 mai,
Éric Pliez, Montreuil
foire éco-bio d’Alsace sur le thème de
l’économie du bio.
Parc Expo, www.foireecobioalsace.fr
www. p oli tis. fr
Consulter l’agenda militant
mis à jour régulièrement
1 4 mai 2 0 0 9
I
POLITIS
I 33
BLOC-NOTES
VROUM, VROUM !
esses Deux grands-messes
successives sont célébrées
chaque dimanche matin sur
France Culture : celle de
l’Église catholique, qui
nomadise d’une paroisse à une autre ;
celle, laïque et républicaine, que célèbre
en son studio-chapitre de Radio France le
chanoine Philippe Meyer. On passe de
l’une à l’autre en un enchaînement
musical harmonieux et comme naturel :
un peu comme on passait naguère, dans
la vie réelle et dominicale de la
bourgeoisie provinciale, de l’église à la
pâtisserie.
C’est ici à la seconde que je me réfère (1).
J’essaye de ne pas la rater trop souvent,
tant ses échanges policés entre têtes
pensantes du même monde, aux
différences inscrites dans ce cercle étroit
qu’on dit « de la raison » (l’expression est
de Minc, je crois) – c’est-à-dire qu’on y
balance harmonieusement du centre droit
au centre gauche, en faisant mine parfois
de se porter quelque nasarde sans
conséquence –, sont représentatifs de cette
classe politico-médiatique dont la
satisfaction qu’elle a d’elle-même
ronronne à mille lieues de la vraie vie : la
langue étant plutôt choisie, et fréquent
l’emploi du subjonctif, on prend à leur
écoute une sorte de plaisir pervers. Le
comble de la différence entre ses officiants
réguliers (six ou sept, toujours les mêmes,
qui se relaient autour du maître de
cérémonie) relève de l’opposition entre un
ex-bayrouiste désormais sans
appartenance revendiquée à un exchevènementiste rallié à Sarkozy. Le
premier – Jean-Louis Bourlanges – est
un européiste de toujours un peu revenu
de ses enthousiasmes d’antan (et de
Strasbourg, où il siégea un temps) ; le
second – on a reconnu Max Gallo –,
longtemps pourfendeur de l’Union et
pilier du « non » aux différents traités
(deux !) qu’on eut la grâce de soumettre
au peuple, se déclare aujourd’hui
« totalement satisfait » par le récent
discours de Nîmes, où le PP (PrincePrésident) lançait la campagne de son
camp en prétendant réconcilier ceux qui
avaient voté « oui » et ceux qui avaient
dit « non » (2), ce qui paraît pour le
moins une affirmation hasardeuse.
Dimanche dernier, donc, on parlait de
l’Europe, et de cette élection qui vient (à
moins que l’insurrection ne la
précède !).
M
34 I
POLITIS
I 1 4 mai 2 0 0 9
on mot Bourlanges a le propos
volontiers malicieux ; et même
couvert d’assez de fleurs de
rhétorique pour en masquer le
parfum vénéneux, il laisse
deviner l’homme qui tuerait pour un
bon mot.
Ainsi juge-t-il le discours de Nîmes (où il
décèle, dans le martèlement, un style
péguyste modifié Guaino) :
« L’impression que c’est un accélérateur
sans embrayage. C’est-à-dire, ça
fait : vroum, vroum. Et puis rien, ça
tourne en boucle ». Voilà qui est bien
trouvé, et qui pourrait, ce me semble,
s’appliquer à l’ensemble des prestations
du PP, pas seulement au discours sur
l’Europe de la semaine dernière. Le blingbling des débuts du règne étant un peu
passé de mode (sous l’influence, sans
doute de Carlita, une vraie riche
« ancienne », elle, qui n’a pas besoin
d’étalage), je propose qu’on adopte ce
« vroum, vroum » fourni par l’aimable
Bourlanges. Il fera la paire avec le
nouveau surnom de son compère italien
(moins glorieux que le Cavaliere),
consécutif à son goût des « veline » (3) et
autres donzelles « à peine majeures »,
comme dit son épouse outrée en exigeant
le divorce.
Vroum-Vroum et Papounet sont donc les
deux grands dirigeants actuels de deux
des six États fondateurs de l’Europe ;
Monnet et Benvenuti – deux des pères
fondateurs – en mangeraient leur
chapeau.
B
oulin à café Heureusement
qu’on a l’Allemagne et sa
digne chancelière pour
redonner un peu de sérieux à
cette construction
européenne, qui n’a vraiment pas grandchose pour séduire les foules, ni nous
convaincre d’aller voter le 7 juin.
Et pourtant, même dans l’Allemagne de
Mme Merkel (où Sarkozy est allé
dimanche faire le joli cœur au meeting de
la CDU), on ne s’intéresse pas du tout à
ces élections au Parlement, peut-être
moins encore qu’en France, ce qui n’est
pas peu dire. Référence, encore, à
Bourlanges (qui fut, je le rappelle, un
zélote de la construction européenne) :
« Le Parlement européen est un beau
moulin à café, mais on ne met pas de café
dedans. » Autrement dit, il tourne à vide.
Pourquoi diable irait-on voter pour cette
M
machine à mouliner du vide, ce qui est en
effet une bonne définition d’une
Assemblée dont les pouvoirs s’arrêtent
(vite) là où commencent ceux
(plantureux) de la Commission ? Car
chacun le sait, en dehors des discours
convenus et des effets de tribune obligés,
la vraie question qui s’est débattue entre
notre PP et Mme Merkel, et qui occupe
les esprits de tous les dirigeants de
moindre envergure (le couple francoallemand restant le timon incontournable
du char européen), est moins : combien de
députés pour chaque camp ? (cette
question-là compte aussi, mais surtout
dans le champ de la politique nationale)
que : quelle composition pour la
Commission européenne, quel président
et quels commissaires aux postes clés
– qui sont la politique étrangère pour la
gloire et les portefeuilles économiques
pour la matérielle ?
Tant il est vrai que là est le pouvoir, et
qu’aucun État membre n’entend laisser à
d’autres le bénéfice de s’en approprier une
trop grosse part.
e can La première question
qui se pose est celle de la
reconduction ou non de ce
M. Barroso, seul candidat
déclaré à sa succession :
c’est lui qui distribue les portefeuilles.
Le Portugais (que Bourlanges, décidément
en verve, appelle « le gilet rayé des
États ») a toutes les faveurs de la droite
européenne et d’une grande partie de la
gauche sociale-démocrate de même métal.
D’où le scepticisme que rencontrent tant
Bayrou que le PS lorsqu’ils affirment
vouloir s’en débarrasser. Pour le reste, les
tractations vont bon train, dans un jeu de
poker menteur où l’on pousse un pion
belge pour en faire avancer un autre
italien, ou encore tel Français à tel poste
pour empêcher que tel autre échappe à un
Allemand ou un Néerlandais, etc. On cite
volontiers – pour les gens de chez nous –
un Michel Barnier ou même une Christine
Lagarde : comme on voit, ça décoiffe
assez modérément. Et tout cela n’a qu’un
lointain rapport avec des élections
parlementaires où les partis politiques en
général ne voient qu’un moyen pratique
de caser quelques militants méritants
éclopés du suffrage ou – c’est selon – d’en
écarter d’autres devenus encombrants
dans le jeu hexagonal (le seul qui compte
à leurs yeux).
W
Dans le
système bien
huilé de la
Françafrique,
le retour
d’ascenseur
fonctionne
à merveille,
et les valises
de billets
circulent
dans les deux
sens.
PAR BERNARD LANGLOIS
On notera aussi que le prestige encore
intact de Barack Obama aux yeux de tout
ce petit monde (et des électeurs) implique
que chacun décline à sa façon le slogan
fétiche : « Yes, we can ! » Ce qui donne le
« Quand l’Europe veut, elle peut ! » de
Sarko à Nice ; ou, plus fort encore, du
MoDem : « Jean-François Kahn ! » (Bon,
OK, je sors !)
rançafrique Encore un mois
pour parler de l’Europe, il faudra
bien y revenir. Intéressons-nous à
cet autre sujet d’ébahissement
qu’est, pour beaucoup, la
découverte de la solide implantation
immobilière (et autres biens) de quelques
rois nègres en douce France, de
préférence dans les beaux quartiers
parisiens, la banlieue chic, la Côte d’Azur
et autres lieux de villégiature agréables.
Ils sont trois dirigeants africains à
encourir les foudres de la justice française
à la suite d’une plainte jugée recevable
par une juge d’instruction qui n’a pas
froid aux yeux, Françoise Desset,
déposée par l’avocat William Bourdon au
nom d’associations (4) : Bongo, le
Gabonais (il y a toujours un Gabonais au
compte numéroté que vous
demandez…) ; son beau-père, Sassou
Nguesso, le Congolais (celui qui a peutêtre le plus de sang sur les mains) ; et
Nguema, le Guinéen : trois dictateurs,
trois pourris, trois corrompus
immensément riches ; et aussi trois
corrupteurs – et c’est bien le problème :
dans le système bien huilé de la
Françafrique, le retour d’ascenseur
fonctionne à merveille, et les valises de
billets circulent dans les deux sens. Ce qui
explique qu’après avoir fait traîner la
plainte le plus longtemps possible, le
parquet de Paris (obéissant) a fait appel
de la décision de la juge.
F
’issue lumineuse Le livre que je
recommande à votre attention
cette semaine est bien trop riche
pour que je tente de vous le
résumer. Il est d’actualité, en ces
temps de turbulences carcérales, puisqu’il
nous vient de l’intérieur d’un de ces lieux
clos – Fleury-Mérogis en l’occurrence –
où est censée passer la justice des
hommes. Des cellules et des
bibliothèques, des cercles d’écriture, là où
se rencontre la littérature, la poésie ; des
lecteurs, affamés de liberté ; et des
médiateurs, qui mettent en contact les uns
et les autres. Dans ma cellule j’ai fait le
tour du soleil est un livre magnifique, sur
le fond comme dans la forme (5). Il est
dédié à Pierre Dumayet (« qui nous a
donné le nom Lire c’est vivre, et nous a
initiés aux exercices d’admiration ») et à
Robert Badinter (« qui le premier instaura
le droit à la Culture dans les prisons »).
La couverture est la reproduction d’un
tableau magnifique de la peintre
portugaise Vieira da Silva. Il s’appelle
l’Issue lumineuse.
Il n’y a pas que des gens moches dans
la vie.
L
_B. L.
(1) L’Esprit public, le dimanche à 11heures.
(2)Accessoirement (mais il faudrait avoir mauvais esprit pour y
déceler un autre motif de satisfaction pour notre graphomane
académicien), MmeGallo est candidate en position éligible sur la
liste UMP en Île-de-France.
(3)La velina, en Italie, est la fille décorative, habillée d’un rien, que
les chaînes de télé exposent à longueur d’émission. Berlusconi
voulait en truffer ses listes pour les européennes –il n’en a
finalement retenu que trois (on n’en est pas encore tout à fait là
chez nous, mais faut pas désespérer).
(4)Transparence International France et Sherpa, ainsi qu’un
ressortissant gabonais.
(5) Dans ma cellule j’ai fait le tour du soleil, sous la direction de
Geneviève Guilhem, La littérature en terre in-humaine, coédition
Lire c’est vivre-AAEL (soutien de la fondation LaPoste), 240p.,
24euros.
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Comment s’appelle ce ministre qui
travaille à l’international après avoir
œuvré dans l’humanitaire et qui s’est vu
récemment accusé d’avoir fait de juteuses
affaires avec l’un ou plusieurs des rois
nègres sus-cités ? Je ne sache pas qu’il ait
déposé une plainte en diffamation contre
son accusateur. Et qui est donc ce chef
d’État élu depuis deux ans (putain, deux
ans !) qui s’était engagé pendant sa
campagne à en finir avec ces mœurs d’un
autre âge ?
Circulez, rien à voir ! Vroum, vroum !
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