Lost In Translation
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Lost In Translation Dossier Lumière Groupe 6 Sommaire 1.Résumé..................................................................................................... page 3 2.Présentation des personnages.......................................................... page 5 3.Les Principaux décors.......................................................................... page 8 4.Charlotte et l’approche de la tradition/spiritualité japonaise.............................................. page 10 5.CHARLOTTE, REPRESENTATION D’UNE QUÊTE IDENTITAIRE........................page 12 6.LES INTÉRIEURS....................................................................................... page 15 7.Les découvertes.................................................................................. page 17 8.INTÉRIEURS HORS DE L’HOTEL................................................................ page 20 p.2 1.RÉSUMÉ Tokyo. Une jeune femme, Charlotte, accompagne John, son mari photographe, en voyage d’affaires. Ce dernier étant souvent absent, Charlotte s’ennuie. Elle se promène, regarde par la fenêtre, mais elle ne trouve pas d’intérêt à cette ville. Bob Harris, un acteur américain sur le déclin, se rend à Tokyo pour tourner une pub pour un whisky. Il a laissé aux Etats-Unis sa femme et ses deux enfants dont il semble peu s’occuper. Bien qu’il ait beaucoup de monde pour s’occuper de lui, il est seul et s’ennuie dans cette ville qu’il ne connaît pas. Le lendemain de son arrivée, Bob va tourner la fameuse pub. Il tombe sur un réalisateur japonais qui ne parle pas américain et qui réunit tous les clichés des réalisateurs névrosés : il crie, donne des milliers d’indications, veut de l’intensité... Charlotte, quand à elle, va se promener dans Tokyo. Elle se rend dans un monastère, où elle assiste à une sorte de messe. En rentrant, elle appelle une de ses amies et lui parle de son incertitude : elle ne reconnaît pas son mari, elle a le sentiment que rien ne la touche, rien ne l’émeut... Son amie ne l’écoute pas et Charlotte raccroche, se sentant encore plus seule. Lorsque son mari rentre, ils sont assez distants l’un envers l’autre. De son côté, Bob rentre de son tournage et s’apprête à passer une soirée calme à regarder la télévision. Mais, il est interrompu par une prostituée haute en couleur « commandée » par un membre de l’hôtel. Il tente de s’en sortir tant bien que mal, mais ses efforts semblent vains. Le lendemain, tandis que Charlotte va de nouveau se promener, Bob se rend au shooting de l’affiche publicitaire. On lui propose de rester quelques jours de plus pour participer à une émission locale. Il reste évasif, mais il ne veut rester pour rien au monde : quelques minutes plus tard, il téléphone à son agent pour exiger de rentrer le jour prévu. Plus tard, Bob fait une pause au bar. Charlotte y est aussi, avec des amis. Ils se sourient de loin, elle lui offre un verre. C’est leur premier moment de complicité. Le jour suivant, alors que Charlotte et son mari marchent dans les couloirs de l’hôtel, ils croisent Kelly, une actrice américaine que connaît John. Charlotte est en retrait, John et Kelly semblant assez complices. John part travailler, Charlotte continue de se promener dans l’hôtel. Elle tombe sur une conférence de presse de Kelly puis se retrouve entraînée par une femme japonaise dans un club de jardinage. Le soir, alors que son mari dort, elle regarde à la télévision. Bob regarde les mêmes programmes depuis sa chambre. On les retrouve alors tous les deux au bar. Ils parlent de la crise de la quarantaine de Bob et des études de Charlotte. C’est leur première conversation. Charlotte se promène dans un magasin de jeu vidéo où elle observe de jeunes japonais jouer. En rentrant, elle retrouve John. Ils rejoignent Kelly au bar. Charlotte s’ennuie. Elle aperçoit alors Bob, assis au bar. Elle va le saluer, il lui annonce, sur le ton de la plaisanterie, qu’il planifie une évasion pour rentrer aux Etats-Unis. Le lendemain, John part pour quelques jours pour un shooting. Charlotte est de nouveau seule. Elle croise Bob, à qui elle propose de sortir avec elle et des amis. Bob, après avoir reçu un énième fax de sa femme concernant la moquette de son bureau, rejoint Charlotte et ils retrouvent Charlie Brown et sa troupe, des amis de Charlotte. Ils vont alors de bar en bar, dans un appartement, dans un karaoké. Charlotte et Bob se rapprochent de plus en plus, leur complicité ne cesse d’augmenter. A leur retour à l’hôtel, Bob appelle sa femme. La distance entre eux ne pourrait être plus évidente : il ne sait pas quoi lui dire, elle voudrait juste raccrocher. p.3 Le lendemain, Bob et Charlotte déjeunent ensemble. Mi-blaguant, mi-sérieux, Bob exige d’emmener Charlotte à l’hôpital, cette dernière s’étant blessée à l’orteil. Une fois là-bas, Charlotte se fait examiner tandis que Bob l’attend, parle avec un vieil homme qui ne comprend pas un mot de ce qu’il raconte, achète une peluche. Le soir, ils sortent tous les deux, se promènent dans les rues, s’amusent. Ils rentrent à l’hôtel et vont se coucher. Mais ils ne tardent pas à se rejoindre pour la Dolce Vita en buvant du champagne. Pendant toute la soirée, ils parlent de leur vie, de leurs angoisses, de leurs mariages. Ils s’endorment dans le même lit. Le jour suivant, Charlotte part à Kyoto. Elle visite, voit un mariage... Bob, seul à Tokyo, s’ennuie. Il décide de rester quelques jours de plus. Il participe à l’émission dont on lui avait parlé, qui est complètement délirante et dont le présentateur est totalement déjanté. Plus tard, sa femme l’appelle. Il lui parle alors de son sentiment de ne pas avoir une vie saine, tente de lui faire comprendre son mal-être, mais elle ne semble pas touchée par ses mots et raccroche hâtivement, comme à son habitude. Le soir, Bob descend au bar et parle avec la chanteuse du bar. Il se réveille le lendemain, la chanteuse dans la salle de bains : ils ont passé la nuit ensemble. Bien que déçue, Charlotte l’invite à déjeuner qui se passe mal. Gênés, mal à l’aise, ils n’ont rien à se dire. Ils se séparent. Le soir, Charlotte est réveillée par l’alarme incendie. Elle descend sur le parking, comme tous les autres clients de l’hôtel. Elle y retrouve Bob. Ce dernier part le lendemain. Ils vont ensuite au bar, se prennent la main. Il avoue ne pas avoir envie de partir, elle lui demande de rester avec elle. Dans l’ascenseur pour rentrer dans leur chambre, ils s’embrassent du bout des lèvres, gênés. Bob, sur le point de partir, laisse un message à Charlotte, espérant la voir avant de partir. Elle descend, mais ils ne sont pas seuls. Ils se séparent maladroitement. Bob monte alors dans son taxi. Il aperçoit alors Charlotte marchant dans la rue. Il la rattrape et l’embrasse, lui chuchotant des mots à l’oreille. Il rentre dans sa voiture, elle s’éloigne. p.4 2.Présentation des personnages Personnages principaux Les deux personnages principaux, Bob et Charlotte, sont à la fois semblables et différents. Effectivement, ils sont tous deux confrontés au choc des cultures mais n’en ont pas la même approche et en sont affectés différemment. Ils sont tous les deux seuls, l’un par choix, l’autre par défaut mais leur rencontre va les rendre tout au long du film presque indispensable l’un pour l’autre. Lors de la présentation de Bob, qui nous apparaît la première fois a son arrivée à Tokyo, on le sent seul, songeur et surtout très fatigué, las. A l’hôtel, il expédie le peu de conversations qu’il a pour aller replonger au plus vite dans sa solitude, souvent accompagné d’un verre de whisky et d’un cigare. Contrairement à Charlotte, il recherche la solitude, il dit même qu’il « fuit » sa vie de famille, il a une femme et un enfant, et est un acteur reconnu et professionnel, comme le montre ses séances pour la promotion du « Suntory Time ». En revanche, Charlotte est contrainte à cette solitude, elle accompagne son mari photographe de stars et se retrouve la plupart du temps seule. Sa back story ne nous est pas plus développée par Coppola mis à part qu’elle est diplômée de Yale en philosophie, un détail anodin car on ne ressent pas forcement son « esprit philosophique ». Elle et Bob n’arrivent pas à dormir et sont complètement déstabilisés par le décalage horaire. Charlotte se trouve complètement désorientée au début du film. C’est tout d’abord du au décalage horaire mais c’est surtout le choc des cultures qui semble réellement fort et conséquent pour elle. Elle est la plus touchée par celui-ci sûrement car elle prend la décision de s’y confronter, cependant on sent qu’elle ne veut pas se laisser abattre et tente d’ajouter un peu de gaieté dans sa vie. Comme lorsqu’elle ré-arrange sa chambre d’hôtel, un acte marqué par la solitude. D’ailleurs la majorité du temps elle reste séparée, se détache volontairement de cette ville, ce pays, cette culture, cachée derrière une fenêtre. On a donc pu remarquer que Charlotte faisait de légers efforts au départ pour « s’intégrer » à cette culture. Alors que Bob prend le choc des cultures d’une façon différente, il essaie de le comprendre (en regardant les émissions de télé par exemple), il observe mais garde un certain recul. Il n’essaie pas de se l’approprier. C’est ce qui fait sa principale différence avec l’approche de Charlotte. A la première approche, on peut donc noter que ces personnages sont confrontés au même chose comme le décalage horaire et les insomnies qui vont avec, mais aussi le choc des cultures dont chacun a une approche différente. Mais aussi leur solitude, une même conséquence dont les causes sont différentes ; Bob fuit sa vie de famille et Charlotte est délaissée par son mari. C’est après quelques échanges de regards au bar de l’hôtel que Bob et Charlotte vont tisser des liens. Durant ces échanges de regards, on voit qu’ils se sentent déjà proches l’un de l’autre, voire même qu’ils se comprennent sans prononcer un seul mot. La rencontre sera amorcée par Charlotte, la seule qui essaie d’aller de l’avant, on peut penser que si elle n’avait pas fait ce pas, Bob serait resté seul durant son séjour. Dès leurs premières rencontres dans l’hôtel, on sent qu’il y a quelque chose de vraiment fort entre eux, même s’ils restent tous deux très distants et polis l’un envers l’autre. Cependant, c’est grâce à la volonté de Charlotte d’échapper à cette solitude à laquelle elle se trouve confrontée chaque jour, que leur relation va vraiment démarrer et que le ressenti du spectateur (ce lien qui semblait fort durant leurs échanges de regards) va se voir porté à l’écran. Et cela commence par la soirée qu’ils passent ensemble en compagnie de Charlie et ses amis. Leur relation va s’agrandir au niveau sentimental d’une façon exponentielle. Leur approche p.5 vis-à-vis du choc des cultures change, lorsque les liens tissés sont forts, ils font complètement abstraction de la culture japonaise ou alors s’en accommodent le plus simplement du monde avant le changement dans leur relation, par exemple à l’hôpital. Au fur et à mesure on remarque que ce qui les intéresse le plus, c’est d’être ensemble, rien de plus. On peut même dire qu’il est parfois question d’un besoin obsessionnel, Bob lui envoie une lettre en pleine nuit, les deux s’enfuient de la soirée prévue avec Charlie. Leur relation évolue tellement vite que Bob ne se rend même plus compte que son besoin de solitude avait été remplacé par l’envie d’être avec Charlotte. Pour sa part Charlotte a complètement oublié son mari. On les sent indispensables l’un pour l’autre, avant le départ de Bob, leur déjeuner sans un mot n’est pas complètement dû a la nuit passée par Bob et la chanteuse, mais plutôt à leur séparation dans un futur proche. Ils se retrouvent un peu distants, comme s’ils se préparaient, on peut penser que si l’alarme incendie n’avait pas retenti ils ne se seraient peut être jamais revu. Ils ne parlent quasiment plus sauf pour dire les choses les plus simples avec le sens de leur relation, Charlotte ne veut pas se retrouver seule, Bob ne veut pas la quitter. Ils se sont forgés une armure de par leurs distances et la politesse qui de nouveau de la partie lors de leur au revoir dans le hall d’hôtel. Mais elle va éclater quand Bob apercevra Charlotte dans les rues de Tokyo, son désir de lui faire un réel adieu étant plus fort que tout, pour la première fois on les voit afficher au grand jour leur amour. Cette « communion » que l’on a tant attendue durant la deuxième partie du film, les libère complètement et nous affiche sourires et larmes, ce moment les a comblés. Ils se séparent et regagne chacun leur vie, on peut espérer que ce que Bob chuchote à l’oreille de Charlotte sont l’éventualité de retrouvailles une fois de retour aux Etats-Unis. Bob et Charlotte sont donc deux personnages touchés par les mêmes choses, mais les choix et motivations sont différents. Personnages secondaires Scénaristiquement parlant, les personnages de mari et femme, respectivement de Charlotte et Bob sont tout a fait en corrélation avec l’analyse faite précédemment. Ils sont les éléments déclencheurs des états de Bob et Charlotte au début du film. Le mari de Charlotte, est un photographe de stars, accaparé par son travail, qui n’a aucun problème avec son « intégration » à Tokyo. Egocentrique et travailleur, il délaisse complètement sa femme, déboussolée au début du film, alors qu’ils sont mariés depuis 2 ans. C’est lui qui pousse Charlotte dans sa solitude, même quand il se trouve être avec elle, il ne cesse de la repousser, affectivement parlant : il faut qu’elle arrête de fumer, il rentre du travail pour aller déjeuner avec une actrice... La femme de Bob est elle, pour sa part, le stéréotype de la plupart des femmes qui ont une vie de famille réussie. Elle s’occupe exclusivement de ses enfants et de la maison. Elle « harcèle » Bob avec la décoration de son bureau (étagères, moquettes), il se retrouve donc blasé, fatigué et a besoin de se retrouver seul. On sent une réelle absence de communication entre ces deux personnages. Ils ne se parlent qu’à travers des téléphones ou des fax, on sent qu’il existe entre eux une vraie rupture. Kelly est une actrice que connaît John. Charlotte et lui la croisent dans leur hôtel, cette dernière étant en pleine promotion. Blonde, jolie, naïve, cruche, bavarde, elle réunit tous les clichés de la starlette américaine. Elle est à l’opposé de Charlotte, pour qui l’intelligence et la culture prédominent. Elle apparaît également comme une menace pour cette dernière. John semble séduit par ce côté niais et volubile, bien moins effrayant que le diplôme en psychologie et le calme raisonné de sa femme. D’ailleurs, lorsque Charlotte critique Kelly, John prend immédiatement sa défense. Et lorsqu’ils prennent un verre tous ensemble, John s’amuse, rit, participe et s’intéresse à Kelly, tandis que Charlotte préfère aller saluer Bob. p.6 Bob est sans cesse entouré d’un staff japonais pour le moins envahissant. Ils semblent tous à son service, prêts à tout pour lui faire plaisir. Ils vont même jusqu’à lui envoyer une prostituée. Les plus impressionnants sont les personnages qu’il rencontre à un niveau professionnel. Le réalisateur de la pub réunit tous les prototypes du réalisateur névrosé et nerveux. Il ne cesse de demander la même chose : plus d’intensité. De plus, Sofia Coppola joue sur les traductions : bien que le réalisateur fasse de vrais monologues, la traductrice ne traduit que des phrases très courtes, voire un simple mot, ce qui interpelle Bob. Le photographe pour la pub est moins caricatural. Toutefois, on remarque ici aussi une parodie du photographe de mode qui ne cesse de donner des indications ayant plus ou moins de sens : pose à la Roger Moore, Rat Pack, plus de mystère... Enfin, le présentateur de l’émission à laquelle Bob est invité est totalement délirant et inimitable. Il saute partout, rit à tout va, ressemble plus à un personnage de manga qu’à un vrai être humain. Son émission est à son image : pleine de couleur, de musique pop et de jeux enfantins. Charlotte retrouve à Tokyo des amis : la bande de Charlie Brown. Ces derniers représentent les japonais branchés de Tokyo. Ils semblent connaître tout le monde et apprécier de faire de nouvelles rencontres. Ils aiment sortir et faire la fête. Ils permettent à Charlotte et Bob de se rapprocher car ils se voient enfin en dehors de l’hôtel, qui les rattache à la réalité. Ils donnent également une autre vision de la ville de Tokyo : une vision de la nuit, plus amusante et moins claustrée que la vision que nous donnent les promenades de Charlotte, de jour. On ne saura jamais comment Charlotte a fait leur connaissance. p.7 3.Les Principaux décors Les décors se coupent en deux grandes sections : l’intérieur de l’hôtel et l’extérieur de cet hôtel. En effet, ceux-ci sont la représentation de deux mondes différents auxquels les personnages doivent s’accoutumer. L’hôtel en lui-même représente une bulle américaine dans laquelle les personnages y retrouvent leur langue d’origine mais aussi des personnes de cette même origine même si, bien sûr, certaines exceptions sont à noter. Les chambres, par exemple, sont des lieux de perdition pour les deux principaux personnages. Ils y sont pour la plupart du temps seuls ou comme s’il l’était. Tout échange avec l’extérieur (autre qu’eux-mêmes) y sont proscrits que se soit le téléphone, la télévision, les CDs, le paysages. Rien n’est accessible. La chambre de Charlotte est un véritable lieu de solitude dans laquelle aucune échappatoire n’est possible, que ce soit en la personne de son mari ou encore dans les appels aux amis. Toutes ses activités ne finissent que dans un néant de divertissement et d’amusement. Ce lieu qui semble offrir un quelconque espoir à la jeune fille n’est en fin de compte qu’une illusion. Elle tentera maintes et maintes fois d’attraper ce rayon de lumière sans jamais y arriver. Toutefois, la rencontre entre Charlotte et Bob permettra de briser le sortilège lié à ce décor. La chambre de Bob est un autre lieu de solitude ; une solitude toutefois, différente de celle de Charlotte. Cette chambre est plus ou moins un refuge contre les assauts de ce monde inconnu dans lequel il doit vivre. Cependant, ce lieu sera forcé plusieurs fois par des assauts extérieurs qui rendront la situation plus qu’inconfortable. Comme pour la chambre précédente, aucune aide n’est disponible dans ce lieu. Tout lui est étranger ou trop familier. L’obscurité dans laquelle il veut s’enfermer montre l’engloutissement de ses peines auxquelles il tente tant bien que mal d’échapper. Il espère couvrir du voile de la nuit ses souffrances et ses ennuis alors qu’au final il ne fait que s’y engloutir encore plus. Mais Bob finira par finalement oublier ce lieu car le monde ne lui fait plus peur. Il l’accepte. Cette hôtel est alors un véritable contraste entre le salut et la solitude qui ne se tiennent pourtant qu’à deux pas l’un de l’autre. Chaque lieu est en réalité non loin ou en plein milieu de ce Styx. Les personnages se rencontrent mais y sont seuls. Ils s’aiment et se disputent et finissent par se séparer. Le Bar est un des lieux des plus importants de cet hôtel. Ils viennent y combattre ce démon appelés solitude avec une épée de Damoclès nommé alcool. Mais dans ce combat nos personnages y trouveront au final une arme bien plus puissante que leur épée : un ami. C’est le lieu de rencontre entre Bob et Charlotte. Ce lieu est vraiment bercé dans l’american life, ce qui le rend confortable de prime abord pour nos personnages ; les gens y parlent anglais, y chantent en anglais et pour certains sont américains. Mais les rencontres n’y sont pas toujours aussi fructueuses. L’hôtel est aussi le bureau des pleurs, les personnages parlent de leur passé, de leurs échecs, mais surtout de l’Amérique. C’est le lieu où les discussions sur l’Amérique y sont à 100% présentes, que ce soit en souvenir ou pour dire qu’ils veulent partir. Un dernier lieu qui a son importance dans cet hôtel : l’ascenseur idéal des hôtels de luxes de 50 étages… C’est un lieu silencieux où les personnages sont seuls. Ils ne parlent pas, ne bougent presque pas. Même dans la dernière scène qui fait exception car nos deux personnages sont ensembles aussi bien physiquement que spirituellement. Ils ne parlent et ne bougent quasiment pas. Cette solitude d’où vient-elle, a-t-elle été apportée d’Amérique dans le Taxi ? Ce n’est pas tout à fait faux en soit. Les personnages y sont seuls à contempler ce monde inconnu qu’est le Japon. Ce n’est pas un lieu de discussion mais de silence et de contemplation. C’est une sorte de minibulle qui les détache encore un peu du monde extérieur. Même si pour la fin Bob voulant retrouver ce monde éclate cette bulle un cours instant. Une fois la bulle éclatée et la barrière franchie s’ouvre un monde miraculeux qui va offrir de nouvelles choses aux personnages : un nouvel horizon et de p.8 nouvelles perspectives. Les personnages y sont métamorphosés, pleins d’énergie et à dix-mille lieux de l’Amérique et de leurs soucis. D’ailleurs pas une seule fois, ils ne parleront de ça dans cet environnement. Il s’agit d’ailleurs d’un véritable voyage touristique qui n’a pu se débloquer malgré leur rencontre. Les premières sorties en dehors de la bulle sont pour l’un comme pour l’autre une expérience désagréable. Ils sont perdus, ne comprennent absolument plus rien et ne pensent qu’à une chose : rentrer. Bob visite bon gré mal gré les studios japonais où les gens n’y parlent que japonais ou un anglais très minimaliste. Ces japonais quelque peu hostiles ne lui laissant, de par la barrière de la langue, aucune liberté d’intervention. C’est un monde très sombre mais déjà éclairé de quelques chemins lumineux. Il y est toutefois perdu et n’a aucune volonté d’accoutumance, le boulot c’est le boulot. Une fois la barrière franchie, il ira de lui-même dans ce milieu participer à une émission même si incompréhensible à cause de la langue, qu’importe, il tente de suivre en écoutant seulement le langage du cœur. Charlotte, va volontairement se plonger dans ce monde, lui faisant faire un baptême du feu un peu trop violent qui la bouleversera un peu. Elle aussi ne comprendra pas ce qui se passe et la langue, tout est complètement différent de ce qu’elle a connu. Elle aussi retournera dans ces lieux lorsqu’elle aura dépassé ce stade, même s’il elle ne comprend pas forcément avec ses connaissances ou sa culture, elle comprendra avec ses sentiments nouveaux. La rencontre entre Bob et Charlotte va faire apparaître le personnage de Charlie qui sera le guide japonais pour nos deux amis qui se transforme petit à petit en touriste joyeux dans tous ces nouveaux lieux. Emmené par Charlie, ils vont découvrir que ce monde n’est pas si hostile que ça et pas si compliqué. Et vont ainsi se créer dans cet immense Tokyo un chemin rien qu’à eux. Ils deviendront assez vite assez indépendant de Charlie et iront d’eux même dans les petits restaurants, à l’hôpital même, sans faire appel à qui que ce soit. Ils essaieront de comprendre par eux même. Ces lieux, bien que complètement japonais, leur sont accessibles et compréhensibles. Ces lieux les transformeront complètement, leur faisant prendre un nouveau style de vie qui dérange leurs vies personnelles entraînant quelques petits clashs mais qu’importe car ces lieux les ont liés. Au moment de leurs séparations, une possibilité s’offre à eux pour se revoir encore une fois pour vraiment montrer à jours leurs sentiments. Ils ne sont pas bloqués comme à l’hôtel, les gestes et les mots sortent comme dans un couple normal. Ils ne sont plus affectés par l’influence de leurs mondes respectifs pour ne vivre que dans le leur. Enfin, on peut dire que malgré l’hôtel qui leur imposait une limite de par l’ambiance, les personnages que l’on pouvait y trouver n’existent plus, une fois accoutumés au monde extérieur, à la bulle. Les personnages y sont libres de construire de nouvelles choses en oubliant le passé. Ecrire sur les pages blanches une nouvelle histoire esquivant les soucis du passé. p.9 4.Charlotte et l’approche de la tradition/spiritualité japonaise Bien que l’essentiel du film soit basé sur le rapport des personnages avec le Japon contemporain et high-tech, le personnage de Charlotte tente quand-même d’aller au-delà de cette réalité dominante, et de se familiariser (deux fois) avec un Japon plus traditionnel, et plus spirituel. L’on remarque que son premier échec et sa réussite par la suite s’inscrivent dans une narrativité ; ils semblent être étroitement liés à la personne qu’elle est avant d’avoir rencontré Bob Harris, et après : perdue, puis épanouie. La mise en scène de ces deux moments, la visite au temple bouddhiste au début du film, et la visite du temple de Kyoto dans la deuxième moitié, varie de manière flagrante pour appuyer cette évolution dans l’état d’esprit de Charlotte. Nous pouvons commencer par comparer le trajet qui amène Charlotte à ces deux destinations : dans la première visite, Charlotte est dans un métro complètement rempli, filmée en plans tailles, perdue dans la foule, éclairée par les lumières artificielles du métro ; elle semble chercher son trajet. Au contraire, lors de sa visite à Kyoto, on la retrouve dans un train vide, elle est complètement seule, filmée en gros plan, en train de contempler le paysage (Mont Fuji) éclairée par la lumière naturelle qui passe à travers la fenêtre. L’ambiance n’est pas aussi agitée que dans le métro, bien au contraire, Charlotte semble ici respirer, baignée dans une sérénité et une assurance ; elle ne cherche pas son trajet, sa destination est claire, directe : Kyoto. L’arrivée aux espaces en question diffère aussi largement d’un moment du film à l’autre. Etant dans des espaces ouverts, la lumière utilisée est exclusivement naturelle. Cependant, nous pouvons dire que le climat (et par conséquent, la lumière générée), constituent également des partis pris de mise en scène. Si nous admettons qu’effectivement, dans la première scène de visite au temple, avant que Charlotte n’ait rencontré Bob dans le film, cette dernière se sent perdue et ennuyée dans cet environnement japonais qu’elle n’arrive pas à s’approprier, alors il en va de soi qu’un temps nuageux et pluvieux puisse appuyer cet état d’esprit de manière justifiée. Le premier plan de son arrivée dans ce jardin/parc abritant le temple est lui aussi constitué de manière à la défavoriser par rapport à son environnement : nous avons affaire à un plan américain de Charlotte, écrasée dans un plan chargé de murs et de végétations filmé en longue focale. Elle est dans un sentier, avance dans le champ sans pour autant qu’on puisse la distinguer. Le décor est tellement chargé qu’il ne laisse même pas de place à d’autres personnes, Charlotte fraye son chemin dans une sorte de jungle urbaine fantomatique avant d’arriver à destination. Une fois au seuil du temple, nous pouvons nettement remarquer l’opposition entre l’insensibilité de Charlotte et le rituel bouddhiste qui s’y déroule. –Elle dira d’ailleurs par la suite à son amie au téléphone qu’elle « ne ressentait rien »-. Un champ/contre-champ, oppose donc Charlotte à ce qu’elle voit, dans un premier temps par l’ambiance lumineuse qui y règne. En effet, si l’on remarque bien, les plans sur Charlotte habillée en noir, sur-cadrée par la porte du temple, l’installe de manière statique dans une palette de couleurs pâles et dé-saturées : gris, noir, brun, blanc, mais pas de couleurs vives. Ce qui n’est pas le cas pour les plans sur les p.10 moines qui baignent dans les tons rouges et oranges. De plus, nous la voyons de face, silencieuse (apathique ?), en pied puis en poitrine (une tentative d’essayer de ressentir quelque chose ?), alors que les moines sont en pied, font des incantations, et ont constamment le dos tourné, tout comme les fidèles : n’avons-nous pas là une métaphore de l’inaccessible ? La séquence dans Kyoto intervient peu de temps après une scène-clé dans le film : Charlotte et Bob, qui sont désormais amis, sont allongés dans un lit et discutent de la vie de couple : c’est la discussion la plus profonde qu’ils ont de tout le film. Leur relation atteint un point culminant par le biais de cette conversation, et il est donc intéressant de remarquer que c’est presque à la suite de celle-ci que Charlotte se rend une seconde fois dans un lieu de culte, traditionnel et spirituel. A l’inverse de la première visite, cette séquence débute par un plan d’introduction, qui est un travelling sur le feuillage des arbres qui mènent au temple, sur ciel bleu. Les couleurs sont chaudes et saturées, on sent la présence du soleil. Puis, l’on aboutit sur un plan d’autres personnes présentes dans ce lieu : un groupe d’écolières en avant-plan, et une mère avec une poussette en arrière-plan : ce lieu est vivant, il s’y passe des choses. Charlotte défile dans des plans d’ensemble graphiques et dégagés, contrairement à la surcharge de la première séquence du temple. Ici, elle n’est pas écrasée, mais intégrée. Elle est également filmée sous différents angles : tantôt de dos, tantôt de face, mais toujours de manière assez rapprochée (souvent de taille mais aussi de poitrine), jusqu’à ce que son regard soit intrigué par un événement hors champ. Débute alors un deuxième contre-champ, et nous avons, pour la première fois, une réaction ; Charlotte observe un rituel de mariage, où les mariés et cortège sont représentés de face (contrairement aux moines qui étaient précédemment de dos), et l’on se rapproche d’eux assez rapidement ; les deux partis sont quasiment filmés à la même valeur (taille, voire poitrine), et nous passons également sur un détail, celui des deux mariés qui se donnent la main de manière délicate. Charlotte se déplace, se rapproche physiquement du cortège, esquisse des sourires. Nous passons à des plans en courte focale qui la détachent de l’arrière-plan végétal : que s’est-il passé chez notre héroïne ? Elle semble avoir trouvé une certaine sérénité. Notons également que le choix de représenter un rituel de mariage n’est sans doute pas anodin : quelle symbolique, quelle métaphore se cache derrière cette scène, et comment est-elle en rapport avec la relation entre Charlotte et Bob ? Charlotte aurait-elle, par la rencontre de Bob Harris, découvert une certaine sérénité, atteint un épanouissement qu’elle recherchait auparavant mais que son propre mari était incapable de lui offrir ? Si nous prenons les plans qui closent la séquence de Charlotte s’aventurant de manière plutôt amusée dans les alentours du jardin et qui se donne la peine d’attacher une prière sur un arbre à vœux, alors nous pouvons effectivement dire qu’elle a enfin réussi à « ressentir quelque chose », et que Bob Harris y est certainement pour quelque chose. p.11 5.CHARLOTTE, REPRESENTATION D’UNE QUÊTE IDENTITAIRE Ce film est produit en 2002, en pleine expansion d’un nouveau genre de cinéma asiatique, avec en tête de file des figures telles que Hou Hsiao Hsien, Wong Kar Wai, ou Hong Sang-Soo. Ces réalisateurs ont en commun une liberté de narration, de mise en scène, qui repose souvent sur la lenteur, le filmage de l’intervalle et du vide. Les lie également une recherche esthétique poussée, très composée, qui utilise énormément la lumière. La multiplication des discothèques dans les années 90 en fait un contexte habituel de ces cultures. Un des films évènements, sorti l’année précédente, met également un personnage jeune, féminin et perdu, en scène : Millenium Mambo, de Hou Hsiao Hsien (fervent admirateur de Ozu). Il peut donc être mis en parallèle avec Lost in translation à travers les personnage de Charlotte et de Vicky (Millenium Mambo). Il est évident que Sofia Coppola a vu ce film, et beaucoup de films asiatiques, quand elle se lance dans le tournage d’un film à Tokyo. On peut imaginer alors qu’ils ont eu une certaine influence sur sa manière de filmer la ville, et les personnages. Il faut s’adapter à un nouveau rythme. Il faudra donc analyser ici les partis pris de mise en scène quant à la représentation de Charlotte. Dans sa façon de filmer Scarlett Johanson, attachons-nous tout d’abord à l’espace : quel est l’espace donné au personnage pour réagir ? Dans un premier temps une liberté de se mouvoir grâce à l’errance ; le personnage, souvent seul, se balade, observe. Au temple de Kyoto, le panoramique souple du cadreur laisse au personnage la possibilité de s’échapper, de se décentrer du cadre, mais aussi de s’y promener. Les plans très larges qui ouvrent et ferment la séquence permettent à Charlotte de traverser l’espace. Cette appréhension de l’espace, qui laisse place au vide, à l’inconnu, est très courante dans le cinéma asiatique. Ils dénotent d’une certaine conscience du personnage de ne former qu’un avec un tout, une existence plus importante ; ici la spiritualité, avec le temple, et l’humain avec les mariés qui se donnent les mains, mais également la nature. Il est intéressant de voir cependant que ce vide, réconfortant dans la culture asiatique, est bel et bien ce qui va angoisser le personnage féminin. Le vertige procuré par l’espace top vaste nous est rappelé en permanence par la présence de la vue panoramique de la ville dans la chambre d’hôtel de Charlotte. p.12 Même en pied, son corps étant présent entièrement dans le cadre, Charlotte semble flotter dans l’espace, bien trop grand pour qu’elle n’y soit pas perdue. Que va t-elle faire de ce tout ? Comment en faire partie ? La ville devient alors le symbole de la perdition, mais aussi la possibilité de devenir quelqu’un d’autre dans un espace ou personne ne nous connaît, un espace que le personnage ne connaît pas lui même. Le motif du train souligne cette quête d’identité amorcée par Charlotte. Le personnage de Charlotte est isolé en permanence sauf exceptions de quelques plans fixes où elle est avec Bob, dans le même cadre, pour un instant de répit. Cet isolement est crée par l’espace vaste comme nous l’avons vu au temple, mais également avec la ville, à travers la baie vitrée. On peut aussi l’observer lorsque Charlotte se balade à Shibuya, quartier central et bondé de Tokyo, où elle traverse au milieu d’une foule. Les choix de cadrages, comme pour la majorité des plans faits sur le personnage de Charlotte sont simples. Ce procédé sera repris pour la dernière scène du film, où Charlotte est également prise dans une foule. D’un côté des plans larges dans lesquels Charlotte n’est qu’une personne parmi d’autres, sans véritable identité, sauf une différence manifeste qui est celle de la couleur de ses cheveux. comme une incapacité physique à se fondre, disparaître, dans la masse. Et d’un autre côté des plans serrés, mais faits avec une longue focale, et un fond écrasé, composé de lumières floues, statiques ou mouvantes, mais abstraites, qui souligne l’état d’esprit du personnage. Ces procédés de mise en scène révèlent la confusion des pensées et sentiments de Charlotte. Sofia Coppola joue avec les points lumineux, devenus tâches de couleurs, toujours multiples, en arrière plan, derrière Charlotte ou au premier, comme lorsque de nuit, dans un taxi, elle observe la ville à travers la vitre et le paysage lumineux défile devant son visage, par réflexion. Les sources lumineuses sont multiples, omniprésentes, indéfinies comme les idées du personnages. Ce jeu avec les lumières, qui leur donne une matérialité, et du sens, est très présent dans les scènes, d’appartement en particulier, de Millenium Mambo. Ici, Charlotte et ses fantômes, ses aspirations – les lumières- sont souvent présents dans les plans. C’est ainsi que dès les premiers plans du film, elle est très peu éclairée, en contre, plongée dans l’obscurité, avec derrière elles les points lumineux flous. p.13 Ensuite, lorsqu’elle prend le métro son ascension en escalator se fait à la lumière des néons qui quadrillent le plafond, comme lors de la première scène de Millenium Mambo le personnage de Vicky qui gravit les échelons de néons lumineux. Ici aussi la caméra à l’épaule participe de cette ambiance gazeuse, cotonneuse, onirique. Les lumières attachées à Charlotte sont souvent bleues, et elles ont une place importante dans le cadre : lorsqu’elle prend son bain, un plan large laisse un espace conséquent à une fenêtre lumineuse bleue qui la surplombe horizontalement, de même au restaurant de sushi, elle est cadrée à droite et à sa gauche, à l’arrière plan, un grand rectangle bleu lumineux, l’embrasure d’une porte vitrée, occupe la gauche du cadre. Les pensées de Charlotte sont donc floues, présentes, mais lumineuses et bleues, il y’a de l’espoir pour le personnage. Une grande fenêtre vers un horizon sans nuage. Ce bleu fait écho au grand aplat de couleur bleue, également, dans le karaoké, ou l’arrière plan est flou, donc le papier peint bleu gris également. L’utilisation d’une focale longue aplatie Charlotte, tâche rose mouvante, contre ce fond uni bleu, abstrait, qui lui laisse donc tout loisir d’agir comme elle veut. Le peu de lumière aide à installer cette atmosphère cotonneuse de boite de nuit, où la réalité laisse place au fantasme. Le personnage de Charlotte est donc double : femme enfant, candide, associée au bleu clair des béances lumineuses, mais aussi au bleu nuit de son pull over et de ses insomnies. Les éclairages très bleues foncés de ses nuits sans sommeil vont jusqu’à rappeler celui des nuits américaines, comme si le personnage ajoutait au jour cette nuit fictive. Nous pouvons donc conclure que le choix des cadrages et des lumières faits pour ce personnage sont basés sur la dualité. A chaque fois un procédé opposé mais qui finalement aboutit au même sens : des plans très larges à courte focale, qui isolent, ou des plans serrés dont la longue focale isole aussi en collant le personnage à des fonds abstraits. De même une lumière présente, bleue, puissante, en opposition à une nuit bleue, quasi fictive elle aussi. Les abstractions, le rythme lent, la place pour ce personnage de se mouvoir, mais aussi la longueur des plans qui permettent de montrer la non action, rattachent ce cinéma au cinéma contemporain asiatique. Le thème de la quête de l’identité à travers l’errance et l’observation de soi étant lui même au centre des préoccupations de cette « nouvelle vague » asiatique. p.14 6.LES INTÉRIEURS En ce qui concerne l’éclairage des intérieurs, nous avons affaire à deux lieux, types de lieux bien distincts: Il y a l’hôtel, où Bob et Charlotte sont en « translation », au milieu d’un univers qui leur est complétement inconnu et où ils errent telles des âmes en peine. Ce lieu est lui-même décomposé en plusieurs types de lieu: le bar, les chambres, la piscine... Bien sûr, ce qu’y vivent les personnages est véhiculé par des ambiances lumineuses bien particulières, assez froides, impersonnelles.On a comme l’impression qu’ils sont dans un aéroport où ils attendent la suite de leur voyage, en transition. Il y a les lieux à l’extérieur de l’hôtel, dans lesquels Bob et Charlotte tentent de s’intégrer et de trouver un sens à leur présence dans ce monde auquel ils ne semblent appartenir. éclats et les narguait tout en les invitant à la joindre derrière les vitres de l’hôtel.Pour finir, il y a les découvertes, où les deux mondes se rejoignent, jouent un chassé/croisé et tentent de s’imbriquer afin de faire sens. Ces deux types de lieux se font écho dans leur différences et ressemblances et sont autant de facettes représentatives du parcours que suivent, tant bien que mal, nos deux personnages principaux. Les découvertes ne sont que la synthèse additive de ces deux univers, qui contrastent et s’accordent à la fois. L’hôtel: -Comme dit précédemment, l’hôtel se distingue par des ambiances lumineuses très froides, pâles, grisâtres. C’est comme si nos deux protagonistes avançaient à l’aveuglette dans un brouillard indéfini, étant indécis quant à leur sort. A- Le lieu principal dans lequel sont retranchés nos héros est leur chambre respective: Prenons par exemple cette courte scène où Charlotte allume la TV, alors qu’en parallèle, Bob fait de même. Plongée dans le noir, notre personnage principal féminin est livré à l’ennui. Elle n’est éclairée que par un faible halo provenant certainement de la fenêtre de sa chambre, sur la partie gauche de son visage. Une autre source lumineuse, plus intense, vient faiblement éclairer le bas du lit, juste devant son mari. On a vraiment une impression fantomatique face à cette mise en scène, Charlotte n’est que faiblement apparente, les lumières de la chambre ne la définissant pas complètement: le lieu même est synonyme de perdition. Puis, comme pour chercher un guide, une voie dans tout ça, ce qui est clairement matérialisé par l’envie du personnage de tromper son ennui, elle allume son poste TV, après avoir rajouté une autre source lumineuse avec sa lampe de chevet. Tout à coup, son personnage, sa silhouette, son allure sont plus définis. Une lumière plus chaude vient éclairer la partie gauche de son visage, ainsi que le haut de celui de son mari, sa lampe de chevet étant située à sa gauche. Elle est enveloppée d’une douce chaleur, dans cet univers froid qu’elle ne connaît pas. Pour ajouter à cela, la télé dessine les contours de son visage et la définit encore mieux. Elle projette sur elle des petites tâches lumineuses qui semblent la distraire et l’aider à s’échapper peu à peu de son ennui. C’est peut-être aussi le seul objet qui appartient à sa culture qu’elle reconnaît vraiment, quand bien même les émissions sont en japonais. Cela agit sur elle comme une sorte d’hypnose la tirant de sa torpeur: l’ambiance froide de la chambre est remplacée par le chaud de la TV et de la lampe de chevet, qui sortent notre personnage de sa situation. p.15 B- Par la suite, nos deux personnages principaux se dirigent vers un lieu plus convivial et tout aussi principal de l’hôtel, le bar: Dans ce bar, nos deux héros se retrouvent accoudés côte à côte devant un verre et font connaissance. La encore, l’ambiance est assez sombre et désabusée, à l’image des deux protagonistes. Le bar est presque plongé dans la pénombre alors qu’ils sont éclairés par le bas, d’un faible halo qui semble émaner de leur verre. La source réelle provient certainement de projecteurs hors champ qui sont positionnés face à eux, en légère contre-plongée, autant que des lampes, luminaires leur tenant tête. Comme si, de même que la TV, c’était l’alcool qui trompait leur ennui, les sortait de leur état léthargique pour leur redonner de l’énergie. Derrière eux, les lumières de la ville scintillent à travers une grande baie vitrée et indiquent qu’en dehors de leur petite vie où se mêlent solitude et recherche de soi, la vie existe et rayonne. C’est d’ailleurs à l’extérieur qu’ils apprendront à mieux se connaître et à se savoir, à s’illuminer. Ces lumières sont autant de petites vies et facettes inconnues vers lesquelles nos héros ont du mal à aller. Elles leur rappellent néanmoins, par leurs tons chauds et colorées, qu’ils ne sont pas si seuls que ça et qu’au contraire, ils n’ont qu’à saisir leur chance pour sortir de leur transition. C- La piscine est aussi un autre grand lieu du film, par le sens qu’elle donne à la situation: Suite à la scène du bar, on assiste au bain de Bob. Eclairé par toutes sortes de lumières naturelles qui lui parviennent de part et d’autre de la baie vitrée de la piscine, dans des tons très crépusculaires puisque filtrés par le verre, il préfère plonger et se retrouver de nouveau seul. Un projecteur très puissant lui arrive en plein ¾ face, tandis qu’un contre jour vient découper sa silhouette. On pourrait assimiler cela à une sorte de pleine puissance, ou au moins à une définition retrouvée. Mais face à un groupe de gens faisant de la gym, Bob préfère plonger et se retrouver une nouvelle fois en eaux troubles, plutôt que de se heurter à la culture étrangère véhiculée par ce professeur comptant en japonais sur une musique tapageuse. Il retrouve une sorte de pénombre, où seules les lumières du bassin viennent le guider. Dès lors que l’on aperçoit de nouveau le flare provoqué par le soleil, les rumeurs de la gym reviennent avec toute la culture autochtone qu’elles symbolisent. Bob semble fuir cela et se replonge donc immédiatement dans l’eau. De plus, du fond de l’eau, les étrangers semblent vraiment extraterrestres, leurs jambes uniquement éclairées par les projecteurs sous-marins du bassin. Et Bob continue sa traversée dans ce monde qu’il ne comprend pas et qu’il cherche à fuir, tel sa famille, sa situation, perdu dans sa recherche d’identité. Dans l’hôtel, pour conclure, les ambiances lumineuses servent vraiment à retranscrire cet état de perdition que subissent les personnages. En pleine quête d’identité dans un monde dont ils ne connaissent pas les codes, quelques indices viennent les guider. Au milieu d’un brouillard empli d’incertitudes, ils se dirigent, main dans la main vers leur destin. En tatonant dans le noir à l’aide de balises symbolisées par des sources lumineuses faibles et ponctuelles, au milieu d’une ambiance sombre, peu éclairée et inconnue, il vont peu à peu vers la découverte d’eux-mêmes. p.16 7.Les découvertes Dans ce film les découvertes jouent un rôle extrêmement important. Elles réunissent deux mondes opposés, celui des deux protagonistes et l’inconnu, le Japon La première découverte saisissante se trouve au tout début du film, lorsque Bob se réveille à l’arrière de sa voiture, à l’arrivée de l’aéroport. Le plan débute après un cut sur le noir du titre du film. On y découvre Bob endormi, la tête contre la vitre. La voix off nous fait comprendre que nous nous trouvons alors au Japon. Bob se réveille doucement et regarde autour de lui cette ville ultra lumineuse. Le choix de ce plan pour ouvrir le film n’est pas anodin. On assiste à un réveil dans un nouveau monde inconnu, que Bob va tenter de comprendre. Débarqué d’Amérique cet acteur se retrouve confronté à une culture, des modes de vie et un univers qui lui sont inconnus. Dans ce premier plan, on découvre le visage de Bob endormi, qui est net. Le point sur son visage nous indique que c’est un personnage important. En arrière plan, la Ville. Entièrement floue, elle commence à englober Bob avec ces lumières néons qui éclairent doucement son visage. La caméra est placée en légère contre plongée pour donner une importance à cette ville que l’on imagine seulement. L’image tremble aussi comme si elle représentait la vision d’un spectateur assis à coté de Bob. Ces petit soubresauts nous placent donc à la place de ce spectateur, cette caméra indiscrète qui examine un homme qui dort. Renforcé par cette musique très douce, l’effet combiné de la caméra et des lumières, nous plonge directement au milieu d’un rapport de force entre ce personnage endormi et le monde qui se dessine derrière la fenêtre. 1m08s ==> 1m22s p.17 31m50s ==> 34m46s Nos deux protagonistes se parlent pour la première fois. Bob raconte des anecdotes sur un acteur à un serveur qui l’écoute poliment lorsque Charlotte viens s’asseoir à coté de Bob et demande à boire. La discussion s’engage et les deux personnages partagent assez rapidement des détails de leur vie. Ce qu’ils font, ce qu’ils aimeraient faire, pourquoi ils sont au Japon. Tout deux avouent à demi mots qu’ils n’y sont pas à leurs place. Cette découverte en arrière plan qui englobe les protagonistes, laisse deviner la ville et sa vie nocturne . Le rouge et le bleu clignotent, laissant paraître à l’aide du flou caméra un univers que l’on ne peut atteindre mais qui est omniprésent. Le fort contraste entre cet intérieur sombre et froid, typiquement occidental et Tokyo, se fait alors ressentir. Deux univers qui se côtoient sans pour le moment se mélanger, la ville est là mais nos deux personnage lui font dos pour le moment. Techniquement, ici et généralement dans les découvertes, c’est la différence de lumière entre l’intérieur et l’extérieur qui peut poser problème. En effet, si la différence est trop grande, pour exposer correctement l’intérieur, l’extérieur sera alors sur-exposé. A l’inverse, si l’extérieur est nuit comme dans le cas présent, donc avec une faible luminosité, pour obtenir du détail, il faudra ouvrir extrêmement le diaphragme. Ce qui aura pour conséquence de sur-exposer la scène intérieure et créer une faible profondeur de champ. C’est probablement ce qui s’est passé ici. L’extérieur nuit n’est pas d’un noir profond, on distingue le ciel bleu, les lueurs de la ville. On peut donc supposer que la pellicule est très sensible ou bien que le diaphragme est ouvert à l’extrême. L’absence de grain à l’image, caractéristique des pellicules à haute sensibilité est ici absent. On peut facilement en conclure que la pellicule a une sensibilité moyenne mais que c’est l’ouverture du diaphragme qui est très importante d’autant plus que la profondeur de champ est ici très faible. Cette scène a donc nécessité un éclairage particulier. Des lumières plongeantes sont dirigées sur les tables en arrière plan ce qui a pour effet de décrocher le bas des personnage. La luminosité extérieure s’occupe, elle, de découper Bob et Charlotte au niveau supérieur. Sur le bar, deux petites sources ponctuelles éclairent, elles aussi vers le bas pour créer deux taches lumineuses caractéristiques des spots suspendus au dessus du comptoir des bars. Pour les personnages, une source très diffuse pour créer des ombres douces et lisses est placée frontalement. Dans les plans de coupe, cette source est déplacée pour que la totalité du visage soit dans la lumière. Toutes les sources présentes ont probablement nécessité la présence d’un dimer pour réduire leur puissance pour que l’équilibre intérieur / extérieur soit respecté. p.18 Le plan débute sur une vue en légère plongée sur la ville. On ne se doute pas que nous nous trouvons alors à l’intérieur de la chambre de Charlotte. Un mouvement de caméra vers la gauche, introduit un poteau qui à ce moment nous fais prendre conscience que la caméra est derrière une vitre. Charlotte fais ensuite sont entrée dans le cadre par la gauche, elle est assise contre la vitre. On ne distingue pas le sol, seulement la ville en arrière plan et Charlotte qui a l’air grâce à ce pano travelling autour d’elle de voler, flotter au dessus de cette mer urbaine. Cette séquence interviens lorsque le petit ami de Charlotte la laisse seul à l’hôtel pour quelques jours. Charlotte se retrouve alors seul, perdu au milieu de cette culture qu’elle ne connaît et ne comprends pas. Elle observe la ville et tente de la saisir. Le cadre et l’image résume extrêmement bien la situation globale du film. Une jeune femme qui arrive avec sa culture dans un monde inconnu, qui se sens perdue. Dans ce plan Charlotte est en hauteur, elle domine la ville sans pour autant la maîtriser. La caméra avec son mouvement, fusionne ces deux mondes. La mise au point est en premier sur la ville puis, change pour se focaliser sur Charlotte. Bien que la ville se trouve loin, elle n’est pas totalement floue cela est due à la courte focale utilisée. La lumière du jour nuageux est la seul source lumineuse de la scène.Une source très diffuse qui suffit à éclairer la scène. 40m30s ==> 41m05s p.19 8.INTÉRIEURS HORS DE L’HOTEL TOURNAGE ET SHOOTING « SANTORI TIME » Dans ces deux séquences qui présentent ce que Bob vient faire à Tokyo (une publicité pour du whisky), l’installation lumineuse tend à attirer notre attention sur un milieu bien particulier. En effet, on remarque qu’on passe dans un univers à la température de couleur plus élevée, donnant plus de chaleur à l’image. Mais surtout, la lumière sur les visages semble - par rapport au parti pris qui régit tout le film d’une lumière douce, presque imperceptible - plus travaillée, contrastée, élégante, bref plus cinématographique. Évidemment Sophia Coppola est servie en ce sens par la situation qu’elle met en scène, le tournage d’une publicité, puisque la disposition lumineuse est visible. Pourtant, en corrélation avec l’ambiance lumineuse du film intégral, cette séquence se rapproche plus d’une manière « hollywoodienne » d’éclairer. Dans la première image, détaillons le travail sur la lumière. D’abord, dans la mise en scène lumineuse du décor, on sent bien deux zones particulièrement travaillées : la table avec le whisky et la colonne sur le côté droit, alors que la bibliothèque dans le fond reste assez discrète. Les projections, venant de la droite, qui forment des reflets sur le socle de la colonne et sur la tranche de la table sont particulièrement estompées. Elles servent à détourer de manière discrète les éléments de décor afin de garder, au fond droit et gauche, un élégant noir d’obscurité. La bouteille et le verre de whisky sont éclairés de manière très ponctuelle par le haut gauche, particulièrement mis en valeurs par la teinte de leurs liquides. On distingue aussi des reflets par touches sur les pieds de la table sans doute recevant la même lumière entrant par la porte à gauche de l’écran et éclairant le tapis. Bill Murray, surtout lui, est très mis en avant. Il trône dans un fauteuil de cuir qui plisse et brille parfaitement, sur lequel la lumière est aussi particulièrement travaillée. On sent une source très présente venant du bas 3 ¼ gauche, mettant en valeur le drapé du cuir et de la manche de costume du comédien ; une autre lumière, sans doute une boule chinoise, plus diffuse et estompée l’éclaire par le haut droit, faisant ressortir son costume et sa peau. La dernière source est plus forte et ponctuelle quel les autres, celle qui vient du haut du fauteuil et illumine aussi le coté gauche de son visage. Observons de plus près la deuxième image pour apprécier le travail fait sur le visage de Bill Murray. Cette source, éclaire de manière particulièrement forte le haut gauche de son crâne et p.20 s’estompe doucement sous son œil gauche. Ainsi, le visage apparaît de manière très claire (partie droite éclairée par la boule chinoise), tout en gardant, encore une fois, l’élégance de l’obscurité sur son coté gauche. Ainsi ce plan général (très récurrent dans la scène) apparaît sous le signe du luxueux mettant en lumière son comédien comme la « star de cinéma » qu’il doit représenter. Observons aussi que le contrechamp sur l’équipe (3° image) n’est pas moins bien éclairé, ou travaillé (peaux complètement éclairées dans un noir total, et machinerie particulièrement mise en valeurs par reflets). Cette séquence, dans sa manière d’éclairer, est un véritable avertissement au spectateur. Le cinéma, dans sa création technicienne au paroxysme, aussi dans ce qu’il a de trop reluisant, de trop propre, trop « pub », est ici mis en abyme. En effet, Sophia Coppola crée une situation qui désoblige complètement cet univers, le rapport de Bill Murray aux techniciens « professionnels » est très cynique, et c’est un univers qu’il souhaite quitter au plus vite. Ainsi, à l’échelle du film, cette séquence s’inscrit comme une volonté de rupture, comme un besoin de passer à un autre genre de cinéma. Et c’est ce que Sophia Coppola s’efforce de faire tout au long de son film : retrouver des ambiances naturelles, effacer la présence de la lumière, éviter tout côté clinquant. L’ESCAPADE La scène où Bill Murray et Scarlett Johansonn fuient leur hôtel et vont passer une soirée dans Tokyo, est très représentative de la volonté de Sophia Coppola de sortir la beauté du naturel. Nous verrons, la manière très particulière d’éclairer qu’elle a souhaité utiliser pour rendre son film très intimiste ; comment adoucir le ton peut servir son intrigue, et comment son sujet imposait en réalité, en soi, une certaine subtilité du traitement esthétique. La première image témoigne de ce retour à l’intimiste, à la douceur de la lumière, à son côté réaliste, minimaliste. Les personnages sont éclairés comme en décor réel, par des lumières sur leur table ou au mur, les laissant toujours un peu dans l’obscurité, Bill Murray apparaissant en particulier dans des couleurs sombres et très peu contrastées. Puis au fur et à mesure que la soirée continue, on bascule vers un coin de la pièce submergée de lumières bleues et de projections de feu d’artifice sur des ballons blancs. Sans doute pour signifier une évolution dans le ressenti des personnages, comme une explosion intérieure. Mais cela reste fait en finesse, en conservant toujours la touche de sobriété qui fait la marque de tout le film. En effet, dans les images 2 et 3, on se rend compte que très peu de choses sont éclairées, laissant les projections éclairer les parties p.21 blanches des costumes des comédiens et leur peau; et une lumière bleue puissante venant du fond de la salle, cachée par les comédiens et se réfléchissant sur les ballons. Beaucoup d’utilisation de contre jour. La pièce se retrouve plongée dans un noir presque total, sans doute pour rajouter au côté onirique de la séquence, les éléments d’action et les comédiens restant ainsi indistinguables, comme dans une sorte de flou. Dans la soirée karaoké qui suit la séquence précédente, on retrouve nettement cette volonté de subtilité de la lumière, de sa douceur et de son réalisme. On retrouve aussi le ton bleuté cher à Sophia Coppola, sa froideur, son intimité. Dans la première image, les lumières sont très faibles, laissant seulement les peaux très claires ressortir, semblant vouloir éviter à tout prix l’identification de la source ou la mise en valeur des comédiens. Par ailleurs, le décor de la pièce, la baie vitrée qui fait apparaître les voitures en taches du lumières, ou le mur très homogène du contrechamp, ajoutent à l’atmosphère bleutée de la scène, à sa froideur. Dans la deuxième image, on sent une légère volonté de mettre en valeur la comédienne (bien que le reflet rose dans ses cheveux soit justifié plus tard par une installation karaoké au plafond). Mais on sent bien un projecteur venant détourer le côté gauche de son visage, dessinant avec finesse son profil et son nez. Et donnant ainsi une un éclat différent à sa perruque, lui même contré par l’effet rose qui vient de la droite. Ici, il est simplement question de mise en valeur esthétique, de rendre l’image charmante, dans sa simplicité, encore une fois. C’est aussi le cas des deux images suivantes, climax de cette scène, dont le but est clairement d’esthétiser l’ambiance lumineuse pour faire passer une sensation de bien être, de quiétude intérieure et de charme. Ici, le décor vient palier le peu d’action de la scène, et re-situer l’ambiance dans un ton onirique. En effet, ces dents de scie zébrées éclairées par des guirlandes de lumière (dont on admire les reflets à droite de la première image), augmentent la dynamique de l’image et la rendent ainsi plus forte en émotion. La lumière ainsi justifiée, vient du haut et plongent sur les comédiens, les théâtralisant presque. Sur la dernière image, on peut nettement sentir tout le travail de lumière qu’exige Sofia Coppola puisque les comédiens sont parfaitement éclairés et qu’on ne peut absolument pas sentir la présence de sources différentes. Ce plan est une brillante démonstration de maîtrise de la lumière dans son effacement, sa discrétion, sa subtilité. On est passé dans une image assez contrastée, la lumière rase les sujets depuis le haut, quelques reflets sur la perruque de Scarlett Johansson et sur le crâne de Bill Murray. Toute l’esthétique de cette scène correspond donc à cette nécessité de la discrétion, de l’intimité et à son besoin de tendre vers le beau et le sensitif. p.22 Lost In Translation est un film basé sur une certaine forme de sensationnel, de passionnel, ressurgissant d’un quotidien privilégié, dans lequel on peut se perdre. Son esthétique est en réalité son atout le plus majeur, puisqu’il assure la cohésion du public à l’histoire. Pour admettre le sujet et son développement narratif, il fallait que le film lui-même inspire à la sensation de beauté, et pas dans un sens trop poétique ou épique du terme. Il fallait que tout soit dans la subtilité du regard, comme pour extraire d’une chose ordinaire et par trop simple le tout qu’elle peut représenter. Et c’est ce but que seule la lumière du film pouvait réaliser. En effet, elle est la dernière ressource narrative possible que Sophia Coppola a choisi pour faire la force de son film. Pari risqué qui met le talent du chef opérateur et sa finesse en jeu. On peut conclure en disant que ce pari est relevé, que de l’ambiance lumineuse générale du film découle une réelle atmosphère de réalité, de simplicité qui fait fonctionner toute l’intrique. Mais cependant, esthétique aboutie ne vat-elle trop pas souvent de paire avec esthétisme ? N’est on pas devant une nouvelle forme d’hyper importance de la lumière (au vu des conclusions du premier extrait analysé) ? p.23