Zibeline n°23 en PDF

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Zibeline n°23 en PDF
23
du 15/10/09 au 19/11/09 | un gratuit qui se lit
Culture
en Méditerranée
Politique culturelle
Richard Martin, les Rencontres d’Averroès
Saison de la Turquie en France
La Seyne, les agences régionales des arts du spectacle
La paix en Méditerranée, Aflam
5
6à8
9
10, 11
Portrait
Entretien avec Olivier Pauls
12
Théâtre
ActOral
La Criée, Les Informelles
Le Gymnase, le Gyptis, les Bancs publics
Le Lenche, la Minoterie, le Merlan
Le Maquis, le Toursky, les Ateliers
Le Jeu de Paume, le Vitez,
Ouest Provence, Martigues, Nîmes, Arles, Port-de-Bouc
Draguignan, Aubagne, Sainte-Maxime
Gap, Briançon, Cavaillon
Salon, Avignon
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20, 21
22
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24, 25
Danse
Au programme
Drôles de hip hop (Vaucluse), Dansem, La Parenthèse
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27
Cirque/Arts de la rue
Sirènes et midi net, Arles, le Merlan
Small is beautiful
28
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Performance
Désordre urbain, 3bisf, Consolat
30
Arts visuels
Art-O-Rama, Ateliers d’artistes
CCI, Musée Cantini
Museon Arlaten, Galerie la Non-Maison
Nîmes, Avignon
Miramas, Châteauneuf-le-Rouge
Au programme
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33
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37
38, 39
Cinéma
Image de ville, vidéochroniques, FFM, Cinépage
Les rendez-vous d’Annie, Gardanne, Apt
Cinehorizontes, Instants vidéos, Toulon
40, 41
42, 43
44
Musique
Concerts
Disques
45 à 58
59, 60
Livres
Ecritures croisées, Toulon
Correspondances de Manosque,
entretien avec Wendy Guerra
Les Littorales, les Escales
Salon des éditeurs indépendants, Au programme
Livres
Page des adhérents
Philosophie Hegel
Sciences Le carbone, IRD, au programme
Patrimoine
Gaston Castel, Saint-Rémy-de-Provence
61
62, 63
64
65
68 à 70
71
72, 73
74, 75
76, 77
Société
Cultures du cœur, Gastronomare
78
ZIBELINE EDUCATION ET JEUNESSE
Événement : Momaix
III
Spectacles
Massalia, Gymnase, Jeu de Paume, Pavillon Noir
Ouest Provence, Nîmes, Aubagne
Port-Saint-Louis-du Rhône, GTP, Toursky
Istres, Arles, Le Revest-les-Eaux, Port-de-Bouc
Caressez le potager, Sinte-Maxime, Gyptis
GTP, le Badaboum Théâtre, Karwan
IV
V
VI
VII
VIII
IX
Musique
La Cité de la musique,
la Maîtrise des Bouches-du-Rhône, Disques
Livres, Aubagne, Prix régional du livre
Arts plastiques Préau des Accoules, MAV
Patrimoine Le Théâtre Antique d’Orange
X, XI
XII, XIII
XIV
XV
Il pleut il fait soleil
La rentrée est triste ! la Criée est restée close, Richard Martin
ne mange plus, nombre de manifestations ont été annulées ou
réduites, plusieurs galeries ont fermé, et les saisons ont commencé bien tard, et terne ! Seules les manifestations différentes,
reposant par principe sur des propositions ténues -Actoral, Small
is Beautiful- tiennent le choc économique et restent inventives.
Mais la création peut-elle désormais se résumer à ces formes
intimes? Ou à des festivals animés par des bénévoles ? Doit-on
abandonner les grandes salles de la région à des productions
lourdes venues d’ailleurs, ou à des petites formes au-delà desquelles les compagnies d’ici, exsangues, ne peuvent plus créer ?
La rentrée est triste : Edmée Santy nous a quittés et nous
manque, et la presse régionale va très mal ! Trottinette a fermé
ses portes, la Revue Marseillaise de théâtre ne parait plus en
kiosque, la Tribune du Sud est passée comme un ange (lourdaud),
LCM ne sait pas ce qu’elle va devenir, Marseille89 ne publie
plus que quelques pages, L’Hebdo n’est plus que l’ombre de luimême… et le Ravi lance un appel à souscription (30000 €)
pour pouvoir sortir la tête de l’eau (ce journal satirique est
nécessaire, et a bien souvent levé des lièvres www.leravi.org).
Nous-mêmes nous battons pour survivre, et ne pourrons continuer à rendre compte de la vie culturelle régionale que si les
compagnies, les lieux, les collectivités restent sensibles à notre
travail, et nous soutiennent financièrement…
Mais la rentrée est belle : pour faire face à la crise nous tentons
une mue progressive. Nous augmentons notre tirage dès la prochaine édition, nos 25000 exemplaires n’étant visiblement plus
suffisants. Nous lançons un supplément Jeunesse et Éducation
en cahier central détachable. Nous peaufinons de nouvelles pages,
portraits, interviews, qui donneront la parole aux créateurs de la
région, affichés dorénavant en couverture. Nous augmentons notre
équipe de nouveaux collaborateurs, élargissons notre zone de
diffusion, couvrons de plus en plus d’événements. Bref, c’est en
cherchant à vous satisfaire davantage que nous espérons conserver votre soutien… ou l’obtenir : le bulletin d’adhésion est en
page 71, ou téléchargeable sur notre site !
AGNÈS FRESCHEL
RICHARD MARTIN | RENCONTRES D’AVERROÈS
POLITIQUE CULTURELLE
05
Grève de notre faim…
Richard Martin dans La revolte des fous © Fred
Quelque chose de très malsain est en train de se nouer
autour du Théâtre Toursky. Pour mémoire : l’État à travers
la DRAC PACA a cessé de subventionner le théâtre de
Richard Martin, et celui-ci, après avoir essayé toutes les
autres armes, a entamé une grève de la faim le 3 octobre.
On peut s’interroger sur ce moyen de lutte qui semble
ana-chronique et disproportionné. Mais la question n’est
pas là.
On entend, ça et là dans le milieu, des paroles scandaleuses
parmi des gens très bien. Certains disent qu’il y en a assez
de ces théâtres marseillais (avignonnais, arlésiens…) tous
dirigés par des sexagénaires (bedonnants, ajoutent-ils,
perfides) qui depuis des années proposent des créations
qui ne sont pas «à la hauteur de l’excellence exigée d’un
théâtre subventionné par l’État», et qui par ailleurs font des
erreurs de programmation régulières, confondant théâtre
public et privé, amateur et professionnel…
Il y a du vrai là-dedans. On aimerait que les jeunes, les
quadras, et même les quinquas, aient enfin les rênes, et
n’aient pas à attendre que leurs aînés partent à la retraite
postconcédée (je n’ai pas trouvé mieux comme antonyme
d’anticipée). Même si ce sont eux qui ont bâti ces théâtres,
il faudrait qu’ils passent la main en douceur un jour… Et
il y a du vrai encore : la programmation du Toursky, fondée
sur des amitiés anciennes, n’est pas parfaite. Mais laquelle
l’est davantage ? Celle des scènes nationales de la région,
ou des centres dramatiques, ou des grands festivals ? Eux
aussi font des erreurs, soutiennent des productions indigentes, voire, de plus en plus souvent, des spectacles faciles
qui ne devraient pas tourner sur les scènes conventionnées.
S’en prendre au Toursky sous ce prétexte d’excellence, c’est
hurler avec les loups. C’est oublier que ces arguments
n’opèrent qu’a posteriori, pour justifier la coupe brutale des
budgets. La lutte est beaucoup plus large que ce combat
singulier : il s’agit de ne pas accepter la diminution de la
Culture dans le budget de l’État. Que Richard Martin mette
en danger sa santé pour cela est courageux… Après le
Toursky, qui depuis 30 ans remplit sa salle et fidélise en
son théâtre des personnes qui ne vont pas ailleurs, qui
d’autre est sur la liste? La grève de Richard Martin, même
en sa tour d’ivoire banlieusarde et anar, est celle de tous…
AGNES FRESCHEL
Les Rencontres d’Averroès plongent dans les Figures du Tragique
et débutent par une série de spectacles et manifestations placées Sous le Signe…
Un programme culturel qui se déploie dans toute la Région
Au premier temps d’Averroès
Qu’est-ce que le tragique ? Une forme
de théâtre, un registre, ou un temps
historique où l’humain s’est séparé de
Dieu et a pris conscience de l’inéluctable, de la fin ? Si Nietzsche date la
Naissance de la Tragédie comme on le
ferait d’une prise de conscience collective, Pascal la renvoyait à la révélation
qui pouvait sortir les Libertins de la
mondanité puisque «la fin est tragique, quelle que belle que soit la comédie
en tout le reste.» Conscience de la
mort ou naissance de la conscience,
la Tragédie, si elle est humaine, se
mesure forcément à Dieu, au moins en
le niant. Est-ce un hasard alors si elle
est née en Méditerranée ?
Ces questions agiteront les débats,
mais aussi le programme artistique préliminaire. Cette année encore Avignon,
Aix, Arles, Martigues, Port-de-Bouc,
La Garde et Marseille sont concernés
par ces projections, débats, expositions et spectacles. Avec une affiche
cinématographique variée et effectivement très tragique, du film le plus
sombre de Guédiguian à une belle
rétrospective Pasolini (voir p 42), et
Le jour où Nina Simone a cessé de chanter © BonyMaya-press.com
de nombreuses rencontres littéraires :
Charles Depaule et Frédéric Valabrègue seront présents à Vitrolles le
31/10, on rencontrera Maïssa Bey à
l’IEP d’Aix le 19/11, Ghassan Zaqtan
qui lira son Supplément au passé au
CIPM le 30/10, Robin Renucci qui
interprètera une sélection de textes
sur le Tragique aux Salins de Martigues le 12/11. Une autre lecture réunira
Sharmila Naudou, Eric Houzelot et
Thomas Gonzalez autour du livre de
Mustapha Benfodil Archéologie du
chaos (amoureux) le 6 /11, et sera
suivie par un débat entre des éditeurs
de la région à la Bibliothèque Départementale, avec Sofiane Hadjadj
(éditions Barzakh). Côté spectacles
peu de choses, en dehors d’une rencontre (le 21/11) avec Andonis
Vouyoucas autour de sa prochaine
création très grecque, Hypatie, et la
reprise du magnifique Le Jour où Nina
Simone a arrêté de chanter, de et avec
Darina al-Joundi, au Méjan à Arles
le 10/11. Deux concerts : un concert
gitan après la projection de Vengo à
l’Alhambra, et le grand concert de
clôture, après les Tables Rondes, le
28/11, sous le signe de la Saison turque Erik Truffaz avec Ilhan Er ahin’s
Mustapha Benfodil © X-D.R.
Istanbul Sessions (voir p 6). À noter
également, le 26/11, un hommage à
Bruno Etienne, disparu il y a six mois.
Un premier temps de rencontres et
d’échanges, avant les Tables rondes
des 27 et 28 novembre, puis Averroès
junior qui se déploiera dans les
établissements scolaires…
AGNES FRESCHEL
Sous le signe d’Averroès
Du 30 oct au 6 déc
www.rencontresaverroes.net
06
POLITIQUE CULTURELLE
SAISON DE LA TURQUIE
La Saison de la Turquie en France, qui devait durer une année puis
dans la discrétion… le problème de l’entrée de la Turquie dans
économique, a ralenti les ardeurs. Reste quelques manifestations
La Turquie et l’Europe
L’entrée de la Turquie dans l’Union
Européenne est au centre du débat sur
l’Europe en France. On se souvient mal
que ce pays, officiellement candidat
depuis 1999, a demandé à participer à
la C.E.E. dès 1959 et est membre
associé depuis 1963. En fait ce débat
en recoupe un autre : la Turquie estelle une composante de l’Europe, ou
un corps étranger qu’il faut expurger ?
De fait les relations entre les populations sont anciennes…
C’est au cours du Moyen Âge que les
Turcs font irruption dans cette histoire.
Les Seldjoukides s’installent dans la
région et forment le Sultanat de Roum
après que le sac de Constantinople,
organisé par les Vénitiens, a démembré pour un temps l’Empire et l’a
durablement affaibli. C’est pourtant
une autre tribu turque, les Ottomans,
qui joue un rôle décisif dans la conquê-
te de l’Empire Byzantin. Installé sur
les rivages Est de la mer de Marmara et
des Dardanelles, au milieu des terres
impériales, Suleyman -qui a secouru
Jean Cantacuzène et épousé sa filles’empare de la ville de Gallipoli, à
l’ouest du Bosphore. Son fils, Murad I
avance encore en Europe. Le 29 mai
1453, Mehmed II prend Constantinople et met fin à l’Empire Romain
d’Orient.
fique (1520-1566) les pays arabes
font allégeance, et un État organisé
est mis sur pied : le Grand Vizir s’occupe du gouvernement central (le divan)
et des bureaux (les ministères). L’armée
et la marine sont performantes, les
impôts bien gérés. Les sultans ottomans ont aussi protégé les minorités
et, à Constantinople, devenue Istanbul,
ils ont maintenu le caractère cosmopolite de la ville.
L’apogée
L’homme malade
de l’Europe
La splendeur de l’Empire Ottoman
commence. Constantinople devient la
nouvelle capitale (à la place d’Andrinople), en 1458. La conquête continue:
Péloponnèse, Albanie, Bosnie et Moldavie tombent et les Vénitiens doivent
payer un tribut. À l’Est, la Cilicie et
Kurdistan sont gagnés en 1515. Au
sud, l’Égypte. Avec Soliman le Magni-
Mais à partir de 1570 une longue
période de déclin s’engage. Le pouvoir
vacille devant les querelles de succession. Si la Crête est conquise en
1669, le siège de Vienne, en 1683, est
un échec. Les provinces européennes
commencent à s’émanciper. La Russie
devient un adversaire farouche, dé-
Istanbul à midi
Dans son éditorial, Thierry Fabre examine la nouvelle
donne en Méditerranée et au Moyen-Orient consécutive à
l’arrivée à la présidence des États-Unis Barack Obama. Ce
qui nous rappelle qu’Istanbul est bien un des centres de
la Méditerranée. Et une ville monde, chargée d’histoire…
Mais la revue, comme à son habitude, veut voir au-delà
des apparences. Elle réunit une somme de regards pour
décrypter les réalités de la ville. Ainsi, Elif Safak propose
un postulat : Istanbul n’existe pas ! En fait, ce sont quatre
villes qui coexistent. Le passé, le présent et l’avenir
s’acharnent à dessiner la diversité de la cité. Ce constat
est prolongé lorsqu’on aborde la composition des
populations de la ville. Cosmopolite, elle l’est ! Mais
l’entrée dans la mondialisation a bousculé les
constructions anciennes. Si un passé fantasmé de
tolérance multiculturelle, supposé exister à l’époque
ottomane, remplit les rêves de concorde de la bourgeoisie
musulmane islamique, il permet surtout de nier la peur
viscérale de l’autre, et l’intolérance qui l’accompagne : les
minorités de toutes sortes sont donc bien mal loties.
L’assassinat évoqué de Hrant Dink, intellectuel arménien,
le confirme : la «turquicité» ne saurait être contestée
dans un paysage politique gangrené par le nationalisme.
Les bouleversements politiques, plus ou moins récents,
semblent, quant à eux, avoir abouti à la perte de l’identité
stambouliote. Michel Péraldi aborde des réalités plus
tangibles de la ville : Istanbul est une ville globale.
Fouillant les ressorts économiques de la métropole, il
conclut à l’établissement d’un «capitalisme de paria» bien
différent du fonctionnement des autres villes globales qui
dominent le monde.
Cosmopolite, la ville l’est aux dires de Cenciz Atkar qui
rappelle sa désignation comme capitale européenne de la
culture pour 2010… Il en révèle les enjeux, dans son
tissu urbain même, et nous ramène à cette lutte entre
nationalisme, islamisme et ouverture aux autres. La
production littéraire (voir p 8) de la capitale de la Turquie
reflète ces diversités et ces combats.
C’est donc une ville grouillante de vie, surprenante,
attachante mais aussi ambiguë qui se dessine à la lecture
de ce numéro de la revue.
R.D.
Istanbul, ville monde
La pensée du Midi n°29
actes Sud, 12 euros
sireux d’étendre son influence. Les
réformes d’Adbdul-Medjib (égalité de
tous les sujets au plan du droit, des
impôts et de l’armée), ne changent
rien. La Grèce est indépendante en 1830,
et les Russes progressent. Devant
cette ruée –Français et Anglais interviennent aussi-, le chancelier allemand
Bismarck se penche sur celui que l’on
appelle «l’homme malade de l’Europe».
Au congrès de Berlin (1878), Serbie et
Roumanie deviennent indépendantes;
la Grèce annexe la Thessalie et une
partie de l’Epire ; l’Autriche occupe la
Bosnie et l’Herzégovine ; l’Angleterre
obtient la Crête et les Russes quelques
villes. Les convulsions se précipitent!
La Sublime Porte passe sous le contrôle
économique des puissances étrangères.
Les Balkans sont en ébullition. Une
réaction panislamiste Turque émerge
-elle conduit au massacre des Arméniens en 1894-1896. Les Jeunes-Turcs,
eux, tentent d’imposer des réformes
libérales en 1908 sans grand succès.
Bulgares, Grecs et Serbes déclarent la
guerre aux Turcs (guerres balkaniques
1911-1912). Affaiblis, les Ottomans
font le choix de l’alliance allemande
en 1914. Vaincus en 1918, ils perdent
avec l’Empire, la rive européenne tandis
que sont prévus des Etats arméniens
et kurdes (Traité de Sèvres, 1920).
La République
Mustafa Kemal rassemble alors les
forces turques et parvient notamment
à récupérer la Thrace (traité de
Lausanne, 1923). Considérant que
l’islam dénaturé et rétrograde de
l’Empire ottoman est responsable de
la défaite, il abolit le Sultanat et
prend des mesures antireligieuses. La
proclamation de la République (29
octobre 1923) engage ainsi la Turquie
dans la modernisation du pays, mais
pas dans la démocratie…
Les Turcs appartiennent donc
indéniablement à l’histoire de
l’Europe. Les relations tissées ont été
faites de guerres, mais aussi
d’échanges ! Tout comme les relations
de la France avec l’Angleterre, puis
l’Allemagne…
RENÉ DIAZ
07
s’est réduite à quelques mois, se déroule
l’Union Européenne, conjugué à la crise
dans la région, à suivre absolument !
Anatolie
en Provence
Mon bel orient
En cette saison la mode est «a la turca» !
Mais les centres d’art européens
se positionnent loin des turqueries,
aux avant-postes musicaux et non
en plein XVIIIe siècle…
Pour la Saison de la Turquie en France, le musée Ziem
se tourne vers Istanbul au XIXe siècle évoquée par
des peintures, documents, photos et créations vidéos
À l’évènement du Grand Palais, De
Byzance à Istanbul, répond l’écho méditerranéen et martégal. C’est bien sûr
l’œuvre de Félix Ziem qui sert de port
d’attache à cette exposition ouverte
aussi sur l’art contemporain avec
deux vidéastes turques, Selda Asal et
Inci Eviner grâce au partenariat avec
Instants Vidéos. Un premier volet
présente peintures, dessins, aquarelles,
carnets de croquis d’artistes du XIXe
siècle inspirés par un Orient si proche,
réel et plus ou moins fantasmé.
Manquent à ce florilège les Signac,
convoités par les organisateurs mais
qu’ils n’ont pu obtenir.
Le second volet nous donne à voir
divers documents d’époque, notamment des affiches de promotion
touristique (Jules Chéret), des cartes
postales et en particulier des visions
d’Istanbul à travers un médium
émergent et révolutionnaire : la photographie. L’occasion nous est donnée
de saisir l’écart des représentations
entre les peintures fabriquées par la
main des artistes et les restitutions
opto-chimiques photographiées à
visée réaliste. Quelle est donc cette
Constantinople traduite à travers les
pochades atmosphériques de Ziem,
les relevés crayonnés par Jules Laurens,
le soin miniaturiste d’Auguste Mayer,
ou bien enregistrée depuis la tour de
Galata selon les vues panoramiques
de Paul Sebah, l’Istanbul et le quartier du bazar sur papier albuminé des
Frères Abdullah en 1865 ?
Un bon siècle plus tard, la vidéaste
turque Inci Eviner propose sa version du
Harem. À partir d’une image fixe, une
gravure d’I.A. Melling (1763-1831)
représentant l’imposant intérieur d’un
harem, l’artiste a intégré des personnages féminins en habits actuels,
animés de gestes répétitifs et incongrus, évoquant une chorégraphie
contemporaine.
Bazar Kumpanya © Bruno Wagner
CLAUDE LORIN
De Marseille à Istanbul
l’Orient turc de Ziem
et de ses contemporains
jusqu’au 10 janvier
Musée Ziem
04 42 41 39 60
Fabius Brest (1823-1900).
Caravanserail à Trebizonde,
huile sur toile, 113 x 167 cm
© Marseille,
musée des Beaux-Arts
La Turquie a été toujours été visitée par les artistes
européens venus y puiser l’inspiration. Mais au carrefour
des axes ou à cheval, les Turcs ne savent pas toujours sur
quel pied danser ! Thrace (Europe) ou Anatolie (Asie) ?
Leur musique a su tirer profit d’une telle mosaïque proche
de l’orient ou de l’occident. Autre carrefour culturel,
Marseille accueille cet automne quelques rendez-vous
musicaux majeurs dans le cadre de la Saison turque. Tout
d’abord la Fiesta des Suds qui n’oublie jamais nos voisins
de la Méditerranée (et autres !) accueille les Derdiyoklar
(23/10 à 19h). Performances scéniques époustouflantes
et légendaires, dialecte d’Anatolie sur fond de discorock… Je ne parle même pas du look venu d’ailleurs et de
la guitare à trois manches !
Oui vous avez bien lu, la Turquie se réveille… Continuons
légèrement plus au nord… de la ville pour atteindre
l’auditorium de la Cité de la Musique ; mais du calme,
vous avez un mois pour y arriver (20/11 à 20h30). Mais
quel métissage pour une création troubadour en Marseille
et Istanbul ! Bijan Chemirani, Sam Karpienia et Ulas
Özdemir exploreront le rapport au mysticisme et son rôle
dans la création contemporaine travers les chants d’amour
sacrés et profanes de l’Anatolie à la Provence, en passant
par la grande bleue. Ethnologue, héritier du chant et de
la poésie mystique anatolienne, Ulas Özemir est à
découvrir tout comme son saz (luth à manche longue).
Encore plus au nord en remontant la Durance pour
atteindre le théâtre de Château-Arnoux/Saint-Auban
vous pourrez découvrir une association qui vaut le détour:
jazz et musique turque. Le Didier Labbé quartet invite
la Bazar Kumpanya pour une rencontre festive et
magistrale (27/11 à 21h). Saz, Kaba zurna, mais aussi
accordéon, saxophone et tuba : le métissage se fait à tous
les niveaux. De quoi se remettre au Turc !
FREDERIC ISOLETTA
08
POLITIQUE CULTURELLE
SAISON DE LA TURQUIE
Fête de Turcs
Ils sont venus, mais ils n’étaient pas tous là ! Pour
célébrer la saison de la Turquie en France, les
libraires indépendants avaient invité un nombre
important d’auteurs turcs pour la 2e édition des
Littorales (voir p.64). Une belle occasion de faire
découvrir au public une littérature mal connue. Car,
en dehors de grands noms, comme celui d’Orhan
Pamuk, qui connaît-on ? Les rencontres du Comptoir littéraire et la soirée de lecture au Pelle Mêle
ont comblé ces lacunes, malgré les défec-tions,
dont certaines de dernière minute. Tout s’est finalement bien passé grâce à la grande compétence de
Timour Muhidine venu prêter main forte à Pascal
Jourdana. Spécialiste de la littérature turque d’aujourd’hui, cet auteur et traducteur a collaboré au
numéro spécial de La Pensée de Midi sur Istanbul
(voir p 6), à celui de la revue Siècle XXI, il a publié
une Anthologie de nouvelles turques contemporaines… Sa grande érudition ne l’empêche pas d’être
clair et chaleureux, ce qui a rendu ses interventions
très agréables et permis d’oublier les absences.
Ainsi, lors de la soirée de lecture en musique, Zülfü
Livaneli (voir p.66) était presque là sur la petite
scène du Pelle Mêle : les commentaires pointus, les
lectures vives de Raphaël France-Kulhman et les
échos orientalisants de son concert avec le Grec
Theodorakis ont fait vivre pendant une heure ce
romancier, mais aussi homme politique et musicien
Les Littorales ont tout de même permis de rencontrer et d’entendre certains écrivains, Demir
Özlü, Metin Kaçan et la jeune Asli Erdogan. Trois
visages très différents de la littérature turque actuelle, vivante et complexe, urbaine et rurale,
marquée par une histoire tourmentée, faite de
migrations successives et de bouleversements politiques et sociaux, que les récits charrient dans leurs
mots et à travers leurs personnages. Une littérature
désormais accessible, puisque plus fréquemment
traduite… Reste à l’approcher !
FRED ROBERT
À lire
Livaneli, Délivrance
et Une saison de solitude (Gallimard)
Özlü, Un rêve de Beyoglu (Pétra)
Yücel, La moustache (Actes Sud)
Erdogan, Les oiseaux de bois (à paraître),
La ville dont la cape est rouge, Le mandarin
miraculeux (Actes Sud).
Alsi Erdogan (a gauche) et sa traductrice © Juliette Lück
célèbre dans son pays. De même, plus tôt dans la
journée, Timour Muhidine avait évoqué un autre
absent, Tahsin Yücel, un auteur d’Anatolie centrale
dont les «fables paysanes» et La moustache en
particulier, récit sombre mais exceptionnel, sont à
découvrir absolument.
Danser la femme et l’amour
Dansem, festival de danse contemporaine en Méditerranée organisé par L’Officina, n’a pas attendu la
Saison turque pour s’intéresser au formidable élan
chorégraphique stambouliote. Depuis 12 ans Dansem
s’efforce de montrer comment les problèmes de
cohabitation entre rives et religions passent par les
corps, et en particulier, en Turquie, par le corps
féminin. La douzième édition (voir p 26) propose
donc 3 créations chorégraphiques turques ; deux
solos de femmes, et une pièce pour six danseurs
conçue par un couple : Filiz Sizanli et Mustafa
Kaplan, invités pour la 5e fois par Dansem, sont
Dokuman © Gokhan Kali
d’ailleurs en résidence de création à L’Officina, et
présenteront le 30 nov des Miniatures élaborées
avec d’autres artistes autour de ces mots : au cœur
du couple, au corps de l’amour… Leur création pour
6 danseurs (Dokuman, le 6 dec à la Friche) met en
scène les rapports de l’humain et de la machine
industrielle.
Le solo de Talin Buyukkurkciyan repose sur l’histoire
que lui racontait sa grand-mère arménienne, et
comment la petite-fille l’a peu à peu comprise,
entrouvrant des portes interdites. L’histoire était
proche d’un conte, mais mettait en fait en scène la
disparition de sa famille emmenée dans un train
un soir, et la perte de leur identité et de leur culture… Un travail sur la mémoire et le massacre,
intitulé en référence à Barbe bleue : If you open the
40th room (les 23 et 24 nov au théâtre de Lenche).
Le solo imaginé par Aydin Teker pour la danseuse
(et ancienne harpiste) Ayse Orhon est très différent : harS (le 10 nov aux Bernardines) met en scène
un objet, un instrument, un fétichisme ? Etre une
danseuse qui montre son corps en Turquie n’est
déjà pas si simple… Alors afficher une sensualité
douloureuse, et jouissive, avec un instrument ?
AGNES FRESCHEL
Programmation Turque de Dansem
Du 10 nov au 6 déc
www.dansem.org
www.officina.fr
LA SEYNE | AGENCES RÉG. DES ARTS DU SPECTACLE
POLITIQUE CULTURELLE
09
Sans chantier mais pas sans histoire
La Biennale régionale
de la mémoire populaire bat
son plein à la Seyne-sur-mer.
Nostalgie paralysante, résilience
nécessaire ou, plus radicalement
encore, tentative de révéler enfin
les racines d’un mal qui gangrène
cette côte ?
Les communes littorales du Var, et des Bouches-duRhône, tournent souvent le dos à leur passé ouvrier,
à l’histoire de leurs chantiers navals, pour se refabriquer une identité balnéaire (près des mines fermées
on le fait tout autant, tendant vers une identité provençale à base de cigales, de miel et de lavande). C’est
sans doute le sens de l’histoire : mais pour vivre le présent il faut aussi de pas occulter ou mépriser son passé.
Les chantiers à La Seyne ont fermé depuis 20 ans. Et
depuis le 10 octobre on voit d’anciens ouvriers, avec
leurs petits-enfants, qui visitent les expos comme on
revient dans une maison de famille. Partout dans la
ville des expos scénarisent ou témoignent du travail,
et de la vie populaire d’aujourd’hui et d’avant ; des
documentaires de l’INA sur l’histoire de la Seyne sont
projetés au théâtre Apollinaire et à la médiathèque
du Clos Saint Louis (voir CinéBerthe p 42) ; et un programme cinématographique impressionnant élargit les
perspectives en s’attachant, grâce à des documentaires et des fictions, à témoigner de diverses luttes
sociales, ou de la douleur des laissées pour compte :
Les Virtuoses de Mark Herman (le 16 oct) sur ces
mineurs britanniques qui jouent en fanfare, Still Life
de Zia ZangKe (le 17 oct) sur l’engloutissement d’une
ville en Chine, Les LIP, l’imagination au pouvoir
documentaire de Christian Rouaud (le 18 oct) qui
retrace le combat des ouvrières, le bouleversant La
Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche ( le 24 oct)
sur un autre chantier naval démoli, et le chef-d’œuvre
d’Aki Kaurismaki L’homme sans passé (le 25 oct),
voyage à travers le quotidien des sans domicile, et
sans mémoire. Ces films sont projetés à 20h30 au
théâtre Apollinaire.
La Graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche
Biennale Régionale de la mémoire populaire
La Seyne sur mer
Jusqu’au 25 oct
www.laregie-paca.com/pdfs/progLaSeyne.pdf
A.F.
Penser global, agir local
En marge du Festival Marsatac (voir p
45), La Nacre Rhône-Alpes, l’Arcade
PACA et le Réseau en scène LanguedocRoussillon1 ont invité les professionnels
à débattre de la circulation des artistes
et des projets à l’échelle des régions
européennes. Problématique cruciale et
récurrente pour les acteurs des musiques actuelles et, plus généralement,
du spectacle vivant, éclairée de manière
complémentaire par une analyse savante
et des témoignages. Avec Ferdinand
Richard dans le rôle de modérateur,
qui, en qualité de directeur de l’A.M.I.,
œuvre depuis plus de vingt ans à la
coopération internationale.
Dès l’introduction de Pascal Brunet,
directeur de Relais Culture Europe, la
réflexion a opéré un décollage à double
détente : d’un point de vue territorial,
il s’agit de penser à l’échelle européenne
et non plus seulement à l’interrégionalité ; d’un point de vue intellectuel,
il s’agit de dépasser le constat pour
répondre aux enjeux de la coopération.
Car derrière la question des identités et
des territoires se cachent les réalités
économiques et financières. Et Pascal
Brunet de rappeler trois questions majeures posées au citoyen et à l’artiste :
celles de la diversité culturelle, de
l’interculturalité («le problème de l’identité se pose au sein même de l’Europe»)
et des revendications identitaires («aujourd’hui, le dépassement des frontières
étatiques se produit en même temps
qu’une revendication des identités régionales»). Avant de conclure «qu’avant
même de créer des procédures, des marchés ou des outils communs, il faut
apprendre à se connaître et non pas
l’inverse», et de souligner la nécessité
de «favoriser une transversalité artistique et esthétique, recomposer tous les
liens sociaux, économiques et éducatifs
pour relever le défi.»
Une fois la toile de fond posée de manière extra large, une pluie d’expériences
a alimenté le débat. Notamment MarieAgnès Beau, International musical
consultant à Londres, qui a mis en regard
la situation des artistes de part et
d’autre de la Manche, quitte à faire sursauter l’assemblée sur les questions du
statut de l’artiste et du «droit de copier
pour vendre». Ou Laetitia Manach, du
British Council à Paris, qui a développé
les notions de contextes et de sociétés,
de marchés et de confrontations des
marchés, d’équilibre nord-sud.
Si la rencontre a permis de lister les
freins à l’export et d’évoquer quelques
moyens de débloquer les mécanismes
complexes, les questions demeurent plus
nombreuses que les réponses. Le chemin sera long avant que l’ensemble des
acteurs politiques considère la culture
comme un facteur économique et social
de développement, notamment dans un
cadre Euroméditerranéen ! Pourtant, à
l’heure où de nouveaux pays frappent à
la porte de l’Union européenne, où
l’Eurorégion Alpes-Méditerranée poursuit
ses différentes étapes de construction2,
peut-on penser l’échange entre artistes
et professionnels sans remettre en cause
les pratiques culturelles locales ? Cette
volonté politique de resituer les pratiques dans l’environnement économique
et écologique est-elle assortie de moyens,
ou n’est-elle qu’une manière de remettre en cause l’existant au nom de
principes de coopération ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
(1) Agences régionales des arts
du spectacle respectivement
à Villeurbanne (www.la-nacre.org),
Aix-en-Provence (www.arcadepaca.com) et Montpellier
(www.reseauenscene.fr)
(2) Programmes 2007/2013
sur www.euroregion-alpesmediterranee.eu/ et
www.regionpaca.fr
10
POLITIQUE CULTURELLE
L’exposition Dessine-moi
la Paix en Méditerranée
est pleine de violences.
Familiales, civiles,
mentales, ethniques.
Partout on y sent que
la guerre couve. Mais
peut-on dessiner un idéal ?
Michel Vauzelle le rappela
lors de l’inauguration
de l’exposition à l’Hôtel
de Région : rien de plus
difficile que de représenter
la Paix, «juste une pause
entre deux guerres», état
instable, désiré, jamais
atteint. La Paix en Méditerranée serait-elle une utopie?
Parcours
L’exposition se compose de 135 dessins issus de 47
dessinateurs d’horizons différents. Baromètre de la
liberté d’expression comme aime à le dire Plantu, le
dessin humoristique est un moyen performant pour
convaincre et toucher le public. Et c’est bien là
l’enjeu.
Cette exposition veut promouvoir un idéal de fraternité et de paix en Méditerranée. Le Conseil Régional,
très attaché -comme il le proclame- aux relations
d’échange avec les régions voisines, promoteur
d’une nouvelle gouvernance pour la Méditerranée et
de relations équilibrées entre le Nord et le Sud, se
devait de soutenir une telle démarche.
LA PAIX EN MÉDITERRANNÉE | AFLAM
Croquer en paix
Le dessin de presse s’affiche pour
clamer la paix : un panorama d’auteurs
internationaux grinçants et pacifistes,
avec des crayons
Le projet est né en 2006 de la rencontre de Plantu
et Kofi Annan alors Secrétaire général, et des débats
entre douze des meilleurs dessinateurs-caricaturistes
de la planète invités au siège des Nations Unies. Ainsi
fut créée la fondation Dessins pour la Paix-Cartooning
for Peace. Depuis, une exposition circule dans le
monde en s’enrichissant des initiatives locales et de
nouveaux dessins inspirés par l’actualité.
Sur une proposition du Club de la Presse MarseilleProvence, l’exposition accueillie à l’Hôtel de Région
démontre que le dessin de presse est une efficace
machine à secouer la pulpe du fond, mais aussi à rassembler les personnes de bonnes intentions. Se
côtoient une saynète d’épilation féminine en prélude
amoureux par la caricaturiste turque Ramize Erer,
l’alliance de la kalachnikov et de la machine à écrire
pour l’Algérien Nassim tandis que Jiho suggère
(attention, humour à la française ?) la pratique du tourisme sexuel… responsable !
Les images d’humour satirique servent la critique mais
aussi, dans certains pays, à torpiller les pressions
infligées à leurs concitoyens. Relevons la part non
négligeable de dessinatrices dans cette profession à
Zebres - Michel Kichka (Israël)
risques : Plantu citait récemment ce dessin d’une
consœur argentine titré C’est beau la broderie faite
par un homme ! qui représentait un barbu affairé à
recoudre l’entrejambe d’une jeune femme. Pour sa
caricature de Gargantua en monarque louis-philippesque, Daumier reçut six mois de prison. Quelle
serait la sentence aujourd’hui ?
CLAUDE LORIN
Dessine-moi la Paix en Méditerranée
jusqu’au 31 octobre
Hôtel de Région
www.regionpaca.fr
www.cartooningforpeace.org
Liberté ! et fragilité
voudrais pas être à sa place». Charka (Israël) prend
ses distances face au discours vestimentaire : Zeus
enlève, sous la forme du taureau blanc, une Europe
couverte d’un voile. Tous deux mettent en scène le
«relativisme culturel» honni par les conservateurs
qui refusent d’interroger les valeurs, respectables,
d’espaces culturels non-européens. Or la distance
n’est pas si grande entre les modes du paraitre.
Religions et cultures
Plantu (France). Dessin signe par Yasser Arafat
L’exposition, organisée en grands thèmes, débute
par la religion. La Méditerranée est le lieu de
naissance de trois grands monothéismes, mais la
référence religieuse est-elle un marquage décisif
pour les populations ? Le dessin du japonais No-Rio
représente un bâtiment dans la partie gauche, une
mosquée avec un muezzin scandant «Allah est grand»
tandis que l’autre partie du bâtiment représente, en
symétrie, un édifice industriel. Ambiguïté de la
religion ? Dieu de l’Âme d’un côté, Dieu Argent (celui
des Philistins) de l’autre ? Musulmans d’un côté,
capitalistes de l’autre ? L’union entre l’argent et la
religion est un mélange aussi courant que détonnant…
Un peu plus loin, Catherine Beaunez (France) s’interroge sur l’étrangeté de l’autre, avec deux femmes,
vêtues comme une occidentale (très dévêtue) et
musulmane (très voilée), qui s’exclament «je ne
Pour autant, ces différences sont aussi le reflet d’une
soumission à la consommation et au culte du corps,
comme aux préceptes sociaux ou religieux. Dénoncer
les autorités qui s’ingénient à réduire la liberté de
penser et d’agir était impératif : Plantu se moque de
la censure et fait allusion à l’affaire des «caricatures
du prophète» avec la représentation d’un stylo qui
écrit «je ne dois pas dessiner le prophète» de telle
sorte que l’on voit apparaître, par la disposition des
phrases, la figure de Mahomet (l’interdiction de la
figuration du prophète n’est pas présente dans le
Coran), sous l’œil d’un censeur enturbanné. Il critique
aussi vertement les autorités religieuses catholiques
quant à leurs prises de position sur le Sida et les
préservatifs.
Le thème la Méditerranée se centre autour d’un
nouveau Radeau de la Méduse de l’Union Pour la Méditerranée : Sarkozy triomphant se tient fièrement sur
la pièce de bois à la dérive (dessin de Kichka, Israël).
Toute la difficulté de l’union des peuples se retrouve
posée : à qui le bénéfice politique, pour quelles
finalités… Boukhari (Palestine) propose une rive
nord qui embrasse une rive sud… innocemment ?
Le problème des relations entre les deux rives est
posé. Dans l’Europe de Kroll (Belgique) l’impuissance tient dans le nombre de membres. Kichka
insiste sur des liens fragiles entre les différents pays
membres, rassemblés par des agrafes. Mais le problème majeur reste l’accueil des migrants. Tous les
dessinateurs dénoncent l’attitude défensive et
égoïste de l’Europe qui refoule des hommes et des
11
femmes venus chercher une terre pour
mieux vivre. Le Hic (Algérie) résume
la situation : une barque chemine
depuis l’Algérie, où l’on proclame que
le chômage recule, vers l’Europe où
une radio claironne qu’il augmente.
Difficile de faire l’économie du débat!
Peut-on proclamer que les migrants
doivent rester chez en attendant des
politiques d’aide au développement
qui ne se concrétisent jamais ? Les
immigrants ne seraient-ils que des
pourvoyeurs de chômage et d’insécurité ? C’est bien mal regarder l’avenir
d’une Europe vieillissante !
Lieux de conflits
Le thème la Turquie et l’Europe rassemble ces interrogations. Forattini
(Italie) dessine une Europe prise en
étau entre un croissant et une étoile.
Chappatte (Suisse) illustre la peur
européenne de l’envahissement : à un
couple de Turcs devant la muraille de
l’Europe, un homme crie «si j’ouvre, vous
promettez de ne pas entrer ?». L’Europe,
havre de paix, doute de pouvoir accepter des populations en contact
avec elle depuis si longtemps…
Le Proche Orient occupe une place
essentielle dans le dispositif. Cette
zone de conflits fraternels plonge ses
racines le passé : chacun fait des efforts
pour promouvoir des relations pacifiques mais les partis pris sont plus
marqués. Le regard le plus neutre vient
de l’extérieur, de l’Europe surtout.
Plantu a pu rencontrer Arafat et Perez,
deux artisans de la paix… mais le choc
des nations ne s’entrevoit pas moins,
chacun vit dans un monde fermé où la
critique va d’abord à l’adversaire. L’arrivée du Hamas, en Palestine, semble
avoir modifié les choses. La critique
interne n’y est plus tolérée : Boukhari
(Palestine) a été condamné pour avoir
dessiné une assemblée du Hamas où
tout le monde tient un portrait du
leader et premier ministre, Ismael
Haniyeh. Dessin inspiré d’une représentation semblable du politburo en
face de Staline. Chappatte (Suisse)
reprend l’idée en proposant un palestinien se regardant dans une glace et
s’interrogeant : «ami ou ennemi ?».
Hamas-OLP, le combat fratricide ne facilite pas les solutions. Un jeu de
dupes relevé par Rozenthal (Turquie)
dont le dessin montre Bush présentant
la feuille de route aux palestiniens :
les flèches y dessinent une étoile de
David ! Charka (Israël) dessine les
impuissances : un palestinien fait le
ménage et soulève le mur pour net-
toyer devant un soldat israélien consterné. Entre combat fratricide et
incapacité de laisser une place à
l’autre, c’est le jeu des puissances qui
est dénoncé.
Retour au général
Les poudrières autour de la Méditerranée constatent que les relents de
morts et de batailles qui exhalent de
l’Algérie à la Yougoslavie ou l’Iran.
Puis L’Afrique et la Méditerranée
élargit l’horizon : du tourisme sexuel
aux enfants soldats, des problèmes de
famine à celui des scandales humanitaires, c’est un passage en revue rapide,
et terrible, auquel on nous convie. Enfin
le chapitre Libertés rappelle la fragilité de la paix et de la tolérance. Krill
(Belgique) dessine une colombe embrochée sur un feu de bois, Chappatte
(Belgique) un africain unijambiste s’appuyant sur une mitraillette comme
béquille. Et si Kichka (Israël) rappelle
que la «liberté d’expression c’est faire
couler l’encre, pas le sang», on pourra
retenir le message de ces deux zèbres
dont l’un à un père noir et une mère
blanche et l’autre le contraire !
RENÉ DIAZ
Le 15 octobre, de 10h à 16h à l’Hôtel
de Région, plus de 300 lycéens et apprentis sont invités à venir débattre
et concourir sur le thème de la liberté
d’expression. Au programme : à 10h
conférence-débat avec les dessinateurs ; à 13h début du concours de
dessin pour les lycéens et apprentis ;
à 14h30 le jury présidé par Jean
Plantu et composé de dessinateurs
invités, de représentants de la Région
et du Club de la presse délibère, avant
la remise des prix –du message, du
graphisme, de la créativité, de la tolérance et de l’humour- à 15h30.
Débordant d’Aflam
Le cycle de Cinéma arabe proposé chaque année par Aflam a pris cette
fois une ampleur inaccoutumée : il faut dire qu’il est consacré à l’Algérie,
et que de ce fait de nombreuses associations marseillaises ont tenu à
s’associer à cet échange, devenu du coup, tranquillement, pluridisciplinaire et éclaté.
Éclaté car la quarantaine de films proposés aux Variétés à Marseille (à
partir du 1er déc) seront aussi projetés à partir du 18 novembre à Aix,
Apt, Arles, Briançon, Château Arnoux, Salon, Gardanne, Martigues
et Port-de-Bouc : la région entière depuis les cimes jusqu’aux salins
sera concernée !
Pluridisciplinaire, car avant ce cycle proprement dit de cinéma algérien
sur lequel nous reviendrons en temps utile, d’autres lieux et association
s’attachent à mettre en valeur des expressions culturelles algériennes.
Ainsi L’Alcazar projettera le 5 nov à 16 h des portraits littéraires
présentés par Mohamed Kacimi : 13 écrivains d’expression arabe,
française ou berbère. Le 18 nov à 16h se tiendra une conférence sur
l’édition et la littérature contemporaine algérienne, menée par Marie
Virolle responsable des éditions Marsa. S’en suivra à 18h un débat avec
la romancière Maïssa Bey, romancière algérienne, puis la projection
d’un documentaire sur Frantz Fanon, qui fut une des figures phares de
la libération algérienne, mais avant cela psychiatre à Blida.
La Cité de la Musique ouvre elle aussi les réjouissances le 5 nov à 20h30
avec la projection de deux courts métrages vidéo (Houria de Mohamed
Yargui et Les baies d’Alger d’Hassan Ferhani), puis un concert de
Mouloud Adel et le groupe Parfum d’al Andalus, présentant les divers
styles de musique algérienne, du chaabi populaire à l’aroubi sacré.
L’association Rivages exposera aux Variétés 5 photographes algériens
durant toute la manifestation (vernissage le 6 nov à 18h en présence
des artistes Sarah Bellache, Rafik Laggoune, Sid Ahmed Semiane,
Réda Samy Zazoun et Rachida Azadaou), les Bancs publics, eux aussi
très impliqués dans l’échange franco algérien, accueillent Tariq Teguia
et projettent Inland le 8 nov dans le cadre de leurs Rencontres à
l’Echelle (voir p 16)… De belles coopérations, qui se poursuivront
ensuite, plus en cinéma, avec Fotokino, Videochroniques, Chrysalide,
FFM, Instants Video, Peuples et Cultures, Reflets… Parce que l’Algérie,
à Marseille, concerne tout le monde !
AGNES FRESCHEL
Cinémas d’Algérie
Aflam
Du 5 nov au 6 déc
04 91 47 73 94
www.aflam.fr
Abdelkader Affak dans Inland de Tariq Teguia
12
PORTRAIT
ENTRETIEN AVEC OLIVIER PAULS
Il se joue volontiers des sexes
et des genres et vient, à 44 ans,
de signer la mise en scène
de Desesperate Singers,
créé aux Bouffes du Nord
par l’Ensemble Télémaque
Olivier Pauls :
«Un hommage déguisé
à Klaus Nomi»
Olivier Pauls © Agnès Mellon
Zibeline : Quel est votre parcours ?
Olivier Pauls : Je suis Marseillais d’adoption depuis
4 ans, date de mon arrivée de Paris pour vivre une
aventure de troupe avec Catherine Marnas. Je travaille
aussi sur d’autres projets, notamment avec Télémaque depuis l’année dernière, pour le sketch musical
La dernière contrebasse à Las Vegas (1974) d’Eugène
Kurtz, montré une fois au mois de mai 2008 à Montévidéo à Marseille. Le chanteur Alain Aubin m’a
demandé un regard extérieur, cela s’est transformé
en petite mise en scène.
Et votre participation à Desesperate Singers date de
quand ?
De cette première collaboration. On a filmé ce sketch
pour le mettre sur Internet. Le directeur du Festival
d’Île de France l’a vu et a demandé à Raoul Lay, directeur et chef d’orchestre de Télémaque, d’inventer
dans le prolongement un programme un peu décalé
sur le thème «Masculin / féminin».
Comment avez-vous travaillé avec lui ?
Il m’a donné un programme de morceaux, et j’ai
travaillé autour du contenu musical, du travestissement et du masculin-féminin. À partir de là, j’ai
élaboré une histoire et demandé à Raoul Lay s’il était
d’accord pour rajouter en ouverture un extrait de The
Cold Song, reprise emblématique de Klaus Nomi
connu de tous. Le chanteur était aussi tristement
célèbre pour être la première vedette morte officiellement du Sida, maladie méconnue à l’époque. Il
était intéressant de travailler sur la révolution sexuelle
de ces années 70-80, et l’hécatombe terrible qui s’en
suit.
Pourquoi avoir voulu l’incarner sur scène ?
C’est quelque chose qui s’est imposé immédiatement, Raoul devait incarner Klaus Nomi ! En fouillant,
il est devenu une figure de rêveur, un regard distancié sur lequel les spectateurs se focalisent.
Comme si le fantôme de Klaus Nomi regardait un
spectacle en lien avec sa vie : ses chansons reprises
voire détournées, mais aussi ce qui se passe dans
l’inconscient, les pulsions de vie et de mort.
Est-ce pour autant un spectacle consacré à Klaus
Nomi ?
C’est plus large que ça. Avec Télémaque, on aborde
à travers cette «figure» et ses reprises de Purcell la
problématique de la représentation et de l’être :
«Quel rôle veut-on nous faire jouer ?». Des questions
un peu existentielles.
Comment dirige-t-on des musiciens quand on vient
du théâtre ?
Au départ, je pensais les diriger comme des acteurs,
mais le temps de répétition était limité. Surtout, je
me suis aperçu qu’ils avaient besoin d’un timing et
d’un placement précis du fait de leur formation musicale. Ma mise en scène a alors collé à la partition,
mesure après mesure. Une belle découverte pour
moi.
Au bout du compte, il s’agit d’un spectacle musical
ou d’un concert théâtralisé ?
Entre les deux… même si la forme concert demeure.
Il s’agit en fait d’une direction d’acteurs plus que
d’une mise en scène : les costumes, les gestuelles,
les attitudes, les chorégraphies partent des personnalités de chacun, des musiciens et chanteurs de
Télémaque. Il y a aussi des influences comme le film
Cabaret de Bob Fosse et un monde fantasmagorique
personnel. J’avais envie d’une ambiance proche de
l’entre deux guerres… pas si éloignée d’aujourd’hui.
Sur ce thème masculin/féminin, quel est votre parti
pris ?
L’axe principal consistait à se demander comment
on peut se laisser enfermer derrière un masque social, comme Klaus Nomi. D’où le jeu particulier avec
les voix : le travail avec Brigitte Peyré et Alain Aubin
se joue autour du trouble engendré par une voix
féminine dans les graves et une voix masculine dans
les aigus. Au bout du compte, que reste-t-il comme
différences quand les deux se rejoignent et chantent
ensemble ? Est-ce qu’être un homme ou une femme
nous définit fondamentalement ?
ENTRETIEN REALISE PAR HERVÉ GODARD
Le fantôme des Bouffes du Nord
Le théâtre, savamment restauré dans sa décrépitude, bruisse des personnages réanimés par Peter
Brook. Et au moment où l’on s’attend à voir surgir
Hamlet, c’est Klaus Nomi qui entre en scène… Raoul
Lay, le directeur de l’Ensemble Télémaque n’était jamais allé aussi loin dans le travestissement, poussant
la ressemblance jusque dans la gestuelle suspendue,
erratique, ponctuée d’une direction contemporaine
nécessaire à l’exécution du programme. The Cold
Song aux accents électro en ouverture, Berio, Kurtz
et Murray Schafer habillent des pièces d’Olga
Neuwirth regroupées sous le titre Hommage à Klaus
Nomi (1998). Cet ensemble d’œuvres, avec de purs
moments d’émotion (Requiem for the party girl), est
d’un intérêt musical inégal mais forme sens dans sa
Desperate singers © Agnès Mellon
globalité. Finalement, on oublie ce Klaus Nomi fantomatique pour se concentrer sur le duo de chanteurs
composé de la soprano Brigitte Peyré et du contreténor Alain Aubin. Très habiles vocalement dans
l’ambiguïté des graves et des aigus, ils font preuve
de belles qualités d’acteurs, entraînant avec eux les
solistes de Télémaque. Une boite à contrebasse en
forme de cercueil, un homme en bas-résille, des
musiciens en longues jupes noires qui se mettent à
danser, une guitare électrique, une ambiance de
cabaret déglingué : la mise en scène, épousant les
contours d’un dispositif de concert, joue sur les codes
de l’androgyne excentrique, sans éviter quelques facéties clownesques trop appuyées.
Reste le plus important : une nouvelle fois Télémaque
démontre que la musique contemporaine peut devenir accessible à tous sans se dévoyer, en flirtant avec
le théâtre et le show-business gothico-rock des
années Sida.
HERVÉ GODARD
Desesperate Singers (Requiem pour Klaus Nomi)
a été créé le 28 septembre 2009 aux Bouffes du Nord
pour le Festival d’Île de France.
Reprise le 21 nov à La Minoterie à Marseille
puis le 20 mars aux Salins de Martigues.
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième jeudi du mois
Edité à 25 000 exemplaires
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
Jean-Louis Benoît
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Arts Visuels
Claude Lorin
[email protected]
06 25 54 42 22
Livres
Fred Robert
[email protected]
06 82 84 88 94
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Ont également participé
à ce numéro :
Emilien Moreau, Christophe
Floquet, Dan Warzy, Élise
Padovani, Yves Bergé, Susan
Bel, Edouard Bartholémy,
Christine Rey, Hervé Godard
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Photographes :
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
X-Ray
[email protected]
06 29 07 76 39
Juliette Lück
Cinéma
Annie Gava
[email protected]
06 86 94 70 44
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Philosophie
Régis Vlachos
[email protected]
Sciences et techniques
Yves Berchadsky
[email protected]
Secrétaire de rédaction
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Secrétaire de rédaction
Jeunesse
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
06 64 97 51 56
Polyvolantes
Delphine Michelangeli
[email protected]
06 65 79 81 10
Société
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Maquettiste
Philippe Perotti
[email protected]
06 19 62 03 61
Maryvonne Colombani
[email protected]
06 62 10 15 75
Marie-Jo Dhô
[email protected]
14
THÉÂTRE
ACTORAL
Pas après pas dans la ville...
De ces deux semaines
de vagabondages à éclipses
à Montévidéo et ailleurs
en compagnie des invités
d’Actoral numéro 8, subsiste
une étonnante impression
de douceur, d’équilibre de confort ?
Avec Christophe Fiat, par exemple, jouer c’est pas
gagner : droit dans ses bottes, le reste égaré (on
connaît l’animal), notre homme à Montévidéo lit
avec la distance calculée du dandy fragile qui se met
à nu -et ô miracle de la scansion improbable, de la
césure volante, de l’accentuation arbitraire- nous
entraîne de Cosima-Diana à Francis Ford Coppola,
de la petite musique du lac de Côme à la chevauchée
éructante du lieutenant US avant l’Apocalypse ; on a
beau être sur la défensive ( on sait tous que Wagner
rime avec hélicoptère) ça marche tout seul... on y est.
Même chose lorsque les Bernardines convient à la
rencontre avec le Crabe Rouge de Julien Mabiala
Missila : c’est le Congo qui fait voler en éclat la
langue du drame et rit de se voir si drôle en ce miroir;
la tragédie du Beach est rejouée par Bibiche, la commedia dell’Africa possède désormais le juge en toge
au même titre que le chef de guerre ou le fonctionnaire zélé. L’énergie de l’écriture obtient la grâce des
maladresses de jeu, en fait une façon «sans façons»
d’occuper le plateau que l’on qualifierait volontiers de
«civile» si le terme n’était pas pris pour d’autres
combats! Au Merlan, c’est à une traversée des
apparences que nous avons été invités et avant tout,
dans une passionnante conférence initiatique de
Raphaël Navarro, à liquider nos vieilles illusions ; la
magie nouvelle est là ; le sommeil de la raison engendre ses monstres et le jeune Etienne Saglio, dans
son grand manteau noir, sorti tout droit d’un film des
frères Quay, fait vaciller délicieusement les perceptions du spectateur qui, frôlé par le noir et les ailes du
rêve, a un peu de mal à sortir de son fauteuil.
Retour à Montévidéo : de la jeunesse encore dans
le duo-tandem-binôme de Mylène et Renée, Lauzon
et Gagnon, québécoise et québécoise, allant vers venant d’où, s’interpellant, se traversant du regard et
des mots, juste là où il faut (coucou la vidéo) ; joli
numéro de sororalité sans chichis : potes-poètes,
c’est bien ça !
De l‘amitié y en a aussi plein le court métrage de
Valérie Mréjen projeté aux Variétés French Courvoisier : délicatesse, sobriété de la situation, force et
élégance de ce plan-séquence de 14 minutes qui
brosse en creux et en fous-rires le portrait de l’acteur
Edouard Levé absent pour cause de suicide. C’est à
croire que les gens méchants sont en voie de disparition !
Non que Diable... À Montévidéo la puissante Viviane
De Muynck, figure permanente de la Need Company
de Jan Lauwers, dans sa magistrale leçon de théâtre
autour de la Lettre à une Actrice de Jean Marie
Crabe rouge © Baudouin Mouanda
Piemme nous ramène au fil ténu de la ruse et du
trou noir, du déséquilibre et de la rupture de ton ; son
corps massif tangue, flotte sur John Coltrane puis,
enfilant ses hauts talons (souffrance commentée )
pour s’asseoir à la table de lecture, elle n’a de cesse
d’accompagner, de doubler sa lecture d’une respectueuse «désobéissance» au texte... Intelligence et
incarnation d’une écriture vivante !
Autre incarnation, celle de Tanguy Viel lisant son
Paris Brest : une lecture plate, sans effet, qui durant
une heure donnait de larges extraits de ce flot de
conscience largement transcendé par la mise en
paroles. Un moment magique, qui donne envie de
retourner encore au livre.
À la Friche encore d’autres formes ; celle programmé par Marseille Objectif Danse : un solo d’Olga
Mesa, fragile, déroutant, une mise à nu d’une femme
qui se cherche et remue une souffrance qui s’échappe d’elle par de petits cris, gémissements, gestes
incontrôlables. De reptations furtives en gestes
aveugles elle danse , sensible, avec presque rien.
Juste après, dans la petite salle BF, Rodolphe
Blanchet livre un autre combat. Débordant de mots
celui-là, de rage incontenue, de malheurs et de barbaries qui surgissent en flots. C’est la parole brûlante
de Raharimanana, mise en plateau par Thierry
Bédard, avec juste un micro sur pied, et un musicien
qui scande de ses répétitions circulaires une parole
faite elle aussi de cycles. La langue fortement déformée, comme créolisée artificiellement, est parfois
difficile à saisir dans ses nuances… mais pas la
violence de l’abandon, de l’injustice, de la révolte qui
anime Za. Ce sont les Excuses et Dires préliminaires
de Za, sorte de prolégomène au récit Za publié aux
éditions Philippe Rey. L’histoire d’un père à moitié fou
qui cherche le corps de son fils disparu (existe-t-il ?)
sur une terre pleine d’ordures industrielles, et sans
vie. Apocalyptique…
MARIE-JO DHO, AGNÈS FRESCHEL, FRED ROBERT
Excuses et dires liminaires de Za
© Pierrot Men
LA CRIÉE | LES INFORMELLES
THÉÂTRE
15
Jouer la Nuit
Après bien des atermoiements
Jean-Louis Benoit va enfin pouvoir
créer son Shakespeare à Marseille…
Zibeline : Pourquoi monter Shakespeare?
Jean-Louis Benoit : Citez-moi un metteur en scène
qui n’en ait pas envie ! Je ne l’avais plus fait depuis
Henry V dans la Cour d’Honneur, et j’avais envie d’y
revenir. Par ailleurs je pense que les Centres Dramatiques Nationaux doivent produire de grands
spectacles : il faut habiter ces 15 m d’ouverture, et
peupler les grandes salles avec de grandes pièces,
des distributions nombreuses, des costumes et des
décors. Rouvrir notre théâtre avec cette pièce
témoigne de cette volonté de ne pas céder à
l’amenuisement général des productions théâtrales.
Mais pourquoi la Nuit des rois ?
C’est une belle comédie, douce amère. Toutes les
comédies de Shakespeare sont un peu tristes, mais
celle-ci, sa dernière, est la seule qui parle du désir
physique. Elle est lumineuse et poétique, à la fois
réaliste et onirique, bercée par la mer. J’éprouve à la
monter un véritable plaisir littéraire, et au-delà ce
thème de la gémellité, de la reconstruction d’une
identité brisée, m’émeut particulièrement.
Comment cela se traduit-il sur scène ?
Le double est idéalisé chez Shakespeare : ils ont
«même voix, même visage et même corps», ce qui
Jean-Louis Benoit © Brigitte Enguerand
est impossible à rendre sur une scène… Mais les
symétries ne s’arrêtent pas là : Viola et Olivia sont
des anagrammes, elles ont toutes les deux perdu leur
frère respectif, et leur père, toute la pièce est bâtie
avec des doubles, des reflets, des intrigues parallèles
qui se croisent…
Quels sont vos choix de mise en scène ?
Sans le reconstituer j’ai indiqué le XVIIe siècle, en
particulier pour représenter le travesti qui n’aurait pas
de sens dans un costume contemporain. Pour le
reste… cette pièce est entièrement aristocratique, il
n’y a aucun personnage populaire, ce qui est très
rare! Cela se sent dans la langue versifiée de la pièce,
mais on perd cet aspect très littéraire et ambigu du
langage en Français. Nous avons essayé de le rendre
par le décor, l’idée d’un palais de marbre, mais aussi
par un jeu de rideau, un lieu instable, mouvant, lié à
la mer. Le naufrage est omniprésent, la mer mystérieuse, là, sans cesse.
Comment répétez-vous actuellement ?
Les conditions sont épouvantables. J’aime répéter à
Marseille, sur le plateau. Là on est exilés à Paris, on
sait à peine quand on jouera… Les comédiens se
sont préparés pour le 5 novembre, repousser la date
d’une création provoque un grand malaise. Mais bon,
il faut bien que ces interminables travaux se fassent.
Nous jouerons à partir du 17 novembre, jusqu’au 29,
ce qui est beaucoup moins que prévu. Puis nous
partons en tournée… mais nous espérons vraiment,
entre les dates, trouver quelques jours pour revenir à
Marseille. Ne pas jouer suffisamment devant le public
marseillais serait pour nous une catastrophe…
ENTRETIEN RÉALISE PAR AGNÈS FRESCHEL
La Nuit des Rois
La Criée
du 17 au 29 nov
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
Equinoxe
Quand Nature et Culture jouent les
concepts irréconciliables, même les
projets les plus costauds se mettent à
douter d’eux-mêmes : le Festival des
Informelles s’est installé de nouveau
dans les espaces complexes de L’E2C
mais il semblerait que les tempêtes de
septembre aient eu quelque peu raison
de la belle énergie qui préside habituellement à cette manifestation initiée
Transquinquennal avec le groupe Toc © CAC
par le Théâtre des Bernardines. Le
public, clairsemé mais pas malheureux
d’être là, n’a pas donné le coup de
pouce nécessaire à ces travaux d’artistes diversement achevés (dix jours
de résidence pour neuf propositions à
construire / huit minutes de bonheur
dans le petit film des Jacquelin-Darbelley avec les stagiaires de l’école)... et
pourtant elle pouvait être belle la
Parade avec des spect-acteurs comme
le suggérait le dernier film de Tati,
icône malicieuse et décalée de ces
deux soirées ! À commencer par les
performances ambitieuses, fondées
sur le déploiement et le lien social,
portées par la Cie La Zouze de
Christophe Haleb et le Collectif Transquinquennal + TOC de Bruxelles ;
chacune dans sa forme (corps et
espace en bascule par-dessus tête /
litanie-conférence pince sans rire),
travaillant sur et à partir de la matière
humaine au présent, s’est donc
trouvée légèrement en sous régime.
Ce qui ne fut pas le cas du Moteur de
Fernand Fernandez, pétaradante
éructation dadaïque du mot à taire ou
à tuer ! Ni de la Vente aux Enchères,
littéralement, d’Ambra Senatore très
belle et pas chère -qui dit mieux ?-
dans ses poses turinoises et trompel’œil ! Et encore moins des Anomalies et
Perspectives concoctées par les
Endimanchés que certains sont allés
voir trois fois pour le plaisir -sinon quoide traverser les murs et de plonger
dans les eaux noires du Vieux-Port !
D’autres propositions sont restées en
retrait ou peu lisibles, bousculées par
les intempéries ; prise de risque assumée avec une élégante sérénité par
Mireille Guerre sur sa moto-juke-box.
Rendez-vous l’an prochain au solstice
d’été ?
MARIE-JO DHO
L’International Informelles
Festival
a eu lieu les 18 et 19 septembre
à l’Ecole de la Deuxième Chance.
16
THÉÂTRE
GYMNASE | GYPTIS | BANCS PUBLICS
L’homme vertical
Projetons ensemble
Pour ouvrir sa saison théâtrale après la
danse (voir pVIII), le Gyptis programme
la création de La Chute de Camus par
Raymond Vinciguerra
Zibeline : Pourquoi le choix de ce texte ?
Raymond Vinciguerra : C’est un texte qui m’a
toujours accompagné. Il n’y a pas beaucoup
d’œuvres comme cela, que l’on découvre à 20 ans,
puis qui vous poursuivent, qu’on n’arrête pas de
retrouver et de redécouvrir au fil de la vie et des
blessures. Le personnage de Clamence produit un
effet de miroir multiple : ce juge pénitent accusé de
tous les maux entraîne chacun à commencer sa
propre confession. Il nous révèle que la liberté
nécessite un combat, une lutte contre la facilité du
jeu social, de la séduction, contre la lassitude des
corps aussi. La Chute est un dépouillement pied à
pied, car choisir la lucidité est définitif, total, le
renoncement à être un animal social est définitif… et
c’est ce qui crée le vertige, et l’espérance.
L’espérance ?
Oui. Pas une espérance mièvre ou religieuse, une
espérance lucide, sans aliénation. Je monte ce texte
à ce moment là de ma vie, alors que je ne suis plus
très jeune, parce qu’il n’y a pas de chute sans espérance d’envol, sans verticalité de la conscience.
L’homme en quête de liberté se brûle, tombe, mais
peut espérer l’envol.
Et comment montez-vous cela ?
Avec une grande humilité !! Il s’agit de faire entendre
ce texte, sans démonstration d’adresse, d’accompagner le discours, la charge mentale du verbe. De
l’éclairer. Philippe Sejourné sera Clamence, sur un
plateau épuré, avec la musique répétitive de Phil
Glass qui reprend la circularité du texte, et deux
écrans vidéo pour décor. Ils démultiplieront le personnage, et illustreront quelques thèmes de l’œuvre,
Raymond Vinciguerra et Philippe Sejourné © A. Grisoni
l’eau, l’enfance. Il y aura aussi une incarnation du
double de Clamence, qui hantera la scène et incarnera le doute qui sous-tend le récit : Clamence
parle-t-il à quelqu’un ou à lui-même ? Selon les âges
de la vie, La Chute est perçue comme un long discours, ou un soliloque… Je ne veux pas lever cette
ambiguïté, mais faire partager à tous la complicité
intellectuelle, la fraternité ressentie à entendre ces
paroles rares qui font que, parfois, on ne se sent plus
seul…
ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL
La Chute
Du 17 au 21 nov
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Théâtre de Beaucaire le 27 nov
Théâtre du Balcon, Avignon, les 11 et 12 déc
Les Rencontres à l’Echelle organisées par le théâtre
des Bancs publics ont pris cette année une ampleur
inattendue… En se tournant vers l’Algérie, le petit «lieu
d’expérimentations» s’ouvre paradoxalement sur la
ville, collabore avec son voisin le Gyptis et avec
AFLAM pour l’accueil du film de Tariq Teguia, Inland
(voir p 11), avec les Rencontres d’Averroès pour
l’accueil et la lecture de Mustapha Benfodil (voir p
5), avec le MuCEM pour l’accueil d’une exposition
de photographies de Pierre Bourdieu (Image
d’Algérie - Pierre Bourdieu, un photographe de circonstance du 5 nov au 6 déc), avec La Friche, Radio
Grenouille, la Bibliothèque Départementale…
Ces Rencontres deviennent ainsi un véritable festival,
soutenu par Marseille 2013. Ce qui donnera l’occasion aux marseillais, outre les projections et les
rencontres, d’assister à nombre de créations : un
«projet» de Thomas Gonzales à La Friche les 18 et
19 nov, plusieurs «projets» de danse - Balkis Moultashar du 12 au 14 nov, Aurélien Desclozeaux les
19 et 20 nov, Thierry Thieu Niang les 21 et 22 nov«croisés» avec des artistes ou écrivains algériens. Et
le «projet croisé» des directeurs du lieu, Julie Kretzschmar et Guillaume Quiquerez les 5 et 7 nov :
une création en forme de quatuor (deux hommes/deux
femmes, deux Algériens/deux Français) où il sera
question d’une terre (in)connue, de ceux qui sont
Français, veulent être Français, refusent de l’être ; la
question de l’immigration algérienne est repensée
dans son histoire, occultée, mal transmise, inconnue…
D’autres propositions encore, et «projet», qui semblent bien en voie de se réaliser !
A.F.
Les Rencontres à l’échelle
du 5 nov au 6 déc
les Bancs Publics
04 91 64 60 00
http://lesrencontresalechelle.com
Forcément ardante
Quand vous allez voir sur les planches une actrice qui
vous a fait rêver sur les écrans, la peur vous tenaille
d’être déçu, que le mythe de son sourire s’effondre.
Et s’il s’agit de Fanny Ardant, et qu’elle se permet,
guidée par Lambert Wilson, de jouer du Lagarce,
de s’emparer de cette écriture contemporaine
ciselée et de camper La Fille dans Music Hall, vous
doutez du bien fondé de l’entreprise… Mais dès les
premiers mots toute réticence, toute appréhension
disparaît. C’est elle, ça ne peut être qu’elle, ce
personnage de fausse chanteuse vieillissante et
ratée, Dalida de pacotille qui court de salles minables
et arrière-couloirs, avec son tabouret et ses deux
boys, dont l’un chante et l’autre pas. Et c’est elle
magnifiquement, parce que l’égérie de Truffaut
parvient à faire oublier sa réussite de star, pour être
cette obsédée d’autres éblouissements, provinciaux,
décatis, déchus avant même d’avoir atteint un peu
de gloire.
Lambert Wilson a mis Fanny Ardant en danger :
décontenançant le public venu la voir être éclatante
elle doit crier de douleur, pleurer de renoncement,
lever sa perruque pour laisser apparaître ses cheveux
blancs, son visage baigné de larmes, son rimmel
dégoulinant. Dans son corps et sa voix, et sa diction
si reconnaissable, La Fille prend vie, le texte s’oriente
vers un réalisme qui n’aplatit jamais ses boucles,
retours en arrière et mises en abyme, mais offre au
contraire à La Fille une émotion nouvelle, incarnée.
La rencontre entre l’icône du cinéma et cette écriture
difficile devient évidente et sublime : parce qu’il y est
question d’illusion, de l’amour inconsidéré de la
scène, du fait d’offrir de soi, et de se heurter à la
triviale brutalité du monde.
AGNES FRESCHEL
Music Hall s’est joué au Gymnase
du 29 sept au 2 oct
à venir au gymnase : Le Diable Rouge,
mise en scène de Christophe Lidon,
du 13 au 24 octobre
© Michel Lebrun
LA MINOTERIE | LE LENCHE | LE MERLAN
THÉÂTRE
17
Créations sinon rien !
La Minoterie poursuit sa politique d’accueil et de soutien de ses compagnies de prédilection, en restant
particulièrement attentive à soutenir la création
régionale. Avec ce mois-ci, outre Massilia force (voir
p 26), deux pièces de Grand Magasin, suivies de
celle du théâtre de l’Ajmer (Franck Dimech). Grand
Magasin investit à la fois les murs pour Les déplacements du problème, une pièce de théâtre musical
composée avec l’IRCAM, et le restaurant de la joliette
Dock of the Bay pour Panorama commenté, une
pièce de 20 mns à raison de deux séances par jour.
La création de Franck Dimech s’intitule Jumel, et
repose sur le duo de deux comédiennes taiwanaises,
et un texte de Fabrice Dupuy. Un échange, logorrhée
ininterrompue entre deux sœurs semblables dans
leur repli et leurs souvenirs violents et leurs désirs
refoulés, malgré la parole.
Camping final
© Grand Magasin
Vers l’Est
AGNES FRESCHEL
Les déplacements du Problème. Panorama commenté
Du 19 au 24 oct
Jumel
Du 12 au 19 nov
Théâtre de la Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
Il y a de la truie en toi
Projet cochon
© Elizabeth Saint Jalmes
Tandis que les saisons marseillaises s’affichent de
plus en plus méditerranéennes, le théâtre de Lenche
va prendre son premier air d’automne en Europe de
l’est. En poursuivant son cycle Tchekhov, qui se veut
exhaustif et passera en revue toutes les pièces… mais
aussi les écrits moins monumentaux, nouvelles,
lettres, aphorismes… Les Cabarets Tchekhov du
Lenche sont des moments fort conviviaux où l’on boit
du vin en mangeant des chips et en se régalant de
beaux textes murmurés à la russe. C’est-à-dire avec
emphase, même dans les lieux intimes !
Le deuxième spectacle de la saison nous emmène à
Prague, sur les traces de Franz Werfel, juif pragois de
langue allemande mort en 1945. Une pièce
programmée dans le cadre d’une manifestation
l’Europe intellectuelle en fuite durant la seconde
guerre mondiale, et qui permettra de voir également
à l’Alcazar des documentaires sur Arthur Koestler,
Varian Fry et le Camp des Milles (le 12 nov), ainsi
que le film de René Allio adapté du bouleversant
roman d’Anna Seghers Transit (les 13 et 14 nov), et
un documentaire sur Thomas Mann. Si l’histoire de
la seconde guerre mondiale est abondamment
explorée, la mise à sac de l’Europe intellectuelle par
les nazis, puis par les régimes communistes, n’est
pas toujours mesurée. Franz Werfel, juif et hongrois
et pourtant nationaliste allemand, est sans doute le
symbole à même de faire comprendre cette histoire.
AGNES FRESCHEL
Il n’a été heureux qu’une fois, sous un parapluie
Du 13 au 25 oct
Alma et Franz
Du 33 au 15 nov
Theâtre de Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Mathilde Monfreux est une jeune
artiste, installée à Marseille, qui vient du
cirque. Mais côté rural, rustique même.
Le Merlan vous propose de venir découvrir son travail, qu’il coproduit, autour
du cochon. L’animal symbolise bien
des perversions, depuis la saleté de la
fange jusqu’à la bestialité assumée ou
une appétence sexuelle déviante… Rose
aussi, jeune, il est mignon, tire-bouchon, victime innocente des loups, et
se dévore volontiers, de la côte au jambon et du museau au sabot… À travers
cette imagerie liée au cochon, Mathilde
Monfreux a conçu un spectacle qui parle
d’elle, de son animalité qui la mène à
confectionner des boudins coagulés
dans ses bas de jeune fille. Une régression tapageuse vers un ça étrange, que
l’on partage pourtant… et qui vous
conduira à suivre, juste après, les
miroirs envolés de Mélissa Von Vépy
(voir p 29).
A.F.
Projet cochon
Du 12 au 14 nov à 19h
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
Il n'a été heureux qu'une fois,
sous un parapluie
© Catherine Rocchi
18
THÉÂTRE
LE MAQUIS | LE TOURSKY | LES ATELIERS
L’hérésie prend le maquis
À l’époque où l’on se plaît à commémorer tant d’évènements avec un discernement parfois douteux, la
compagnie du théâtre du maquis s’attache elle aussi à
l’histoire et exhume une date dont bien peu se souviennent… Celle de la croisade contre les Albigeois, il y a
précisément 800 ans, en 1209 ! Pendant intéres-sant aux
manifestations qui entourent le 600e anniversaire de la
naissance du roi René ! Cabaret donc, avec des tables
conviviales qui rythment les places des spectateurs, jus de
fruits, bon vin, photo-phores… Les gens entrent, s’installent,
grignotent, bavardent, musique occitane en fond sonore…
Des volutes de fumée commencent à s’enrouler autour des
instruments qui attendent sur scène, la foule doucement
s’apaise, la fumée de plus en plus dense gagne les premiers
rangs… le spectacle commence. «Laissez-vous aller à la folie
cathartique !». Le jeu est lancé, parodies, paraboles, chants
iconoclastes, mimes guignolesques, un brin d’Apollinaire et
ses cosaques Zaporogues, émotion vraie sur le massacre
de Béziers, fin’amor et garçons bouchers, inquisition et
justice rendue sous le chêne de Saint-Louis, qui ne se
prenait pas pour le fruit d’icelui… Un festival de rire et
d’indignations, de récits d’exactions de cette terrible année
1209 qui trouveraient sans doute bien des échos dans nos
années 2009… Occitan et Français se mêlent pour décrire
une Occitanie brisée, par un pouvoir qui ne pourrait
connaître d’équivalent au-jourd’hui. Vous en êtes bien sûr ?
Le cabaret des hérétiques
© X-D.R.
L’ironie est parfois grinçante, et numéros de cabaret
toujours déjantés, pour un spectacle vivifiant.
MARYVONNE COLOMBANI
Le Cabaret des Hérétiques sera joué le 16 oct au Jeu de
Paume (Aix), le 17 oct à Coudoux, le 13 nov au Tholonet,
le 5 déc à Chateauneuf-le-Rouge.
www.theatredumaquis.com
Mon Golem, le spectacle d’une vie
Au Toursky, auprès de Richard Martin «l’ami de toujours»,
Wladyslaw Znorko a réuni dans Mon Golem toute sa
famille, les rencontres les plus récentes et les complices de
la première heure. Habité depuis longtemps par ce conte
fantastique, le metteur en scène en offre sa propre vision
théâtrale comme «si nous étions dans une chambre
d’enfant.» Entre rêves éveillés, songes, rires et
chuchotements, glissant de l’éclat de rire à l’effroi, de
l’allégresse à la détresse en une fraction de seconde. Mais
ce n’est pas la vraie histoire de Golem, «ce personnage
légendaire fabriqué de glaise, à qui le Grand Rabbi Löw
donna vie sur les berges de la Vltala à Prague» : c’est celle
réinventée de toutes pièces par un artiste au langage unique.
Figure singulière par son habileté à conter tout autant qu’à
montrer, fabricant d’histoires extraordinaires, passeur d’une
langue inconnue et dessinateur d’images fortes. Sur le
plateau : 3 cabanes, 2 orages, 1 guerre, 1 violoncelliste, 1
fanfare, 7 acteurs-musiciens, 1 canari, 3 poules, 1
marionnette, 1 remorque à roulettes. Un fourre-tout poétique
qui le suit depuis ses premiers pas, sans oublier le train qui,
quand on ne le voit pas, se fait entendre. Dans Mon Golem
comme toujours, l’histoire devient tableau, la parole devient
musique, et l’action -si action il y a- se déploie dans une
temporalité incertaine. Car Znorko a le talent incontesté
d’inventer un univers onirique à nul autre pareil (même si on
pense à Nadj, parfois). Mais il est tellement elliptique, voire
énigmatique, que certains lassés s’en éloignent vite… quand
d’autres, visiblement, y plongent encore à corps perdu.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Mon Golem a été créé
les 9 et 10 octobre
au Toursky
Les Ateliers
au travail
Dessin de Znorko
À venir au Toursky
Après la dernière création de Quartiers Nord, une autre
encore : Cœur @ prendre, le dernier solo d’Edmonde
Franchi, toujours attachée dans son écriture intimiste et
drôle à parler de solitude, et de condition féminine. Les 13
nov est complet, mais le Toursky a rajouté une date… le 14
nov, avec priorité aux abonnés !
www.toursky.org
La saison du Théâtre des ateliers commence fort, avec l’accueil du petit bijou
qu’est Vice-Versa, un délire d’après
Will Self sur une histoire de plaie
ambiguë qui apparaît sur la cuisse d’un
jeune homme (du 19 au 21 oct ). Puis
le 13 nov une Veille théâtrale consacrée à Picasso, star de l’année aixoise:
des textes théoriques et plus intimes,
des poèmes surtout, par le peintre de
génie qui déclara pourtant «je suis un
poète qui a mal tourné» ! Lus par Alain
Simon et Jean-Marie Broucaret, à partir
de 19h. Entretemps des lectures, Les
Questions du Prince, dans le cadre de
Momaix (voir p V), autour de Contes
des Balkans, tous les mercredis d’oct
et nov à 15h, mais aussi le jeudi 29 oct
et le mardi 3 déc : un début de saison
actif, littéraire et impliqué, dans un
théâtre où le public semble toujours
heureux de s’asseoir, avide de
découvertes…
A.F.
Théâtre des Ateliers, Aix
04 42 38 10 45
www.theatre-des-ateliers-aix.com
VITEZ | JEU DE PAUME | MIRAMAS | THÉÂTRE DURANCE
THÉÂTRE
19
Plus d’avant-garde ?
Le théâtre qu’on appelle de l’absurde, et que ses
auteurs préféraient nommer d’avant-garde, se trouve
aujourd’hui dans une position paradoxale : alors qu’il
a à son époque, dans une Europe en ruines, bouleversé les règles du théâtre littéraire (Camus, Sartre)
et surtout du théâtre bourgeois qui tenait encore le
haut des scènes, il acquiert aujourd’hui un statut et
une reconnaissance qui le font mettre au programme
des lycéens (Fin de partie est cette année au programme des Terminales Littéraires) et lui permettent
d’être mis en scène par des héritiers d’un théâtre
réaliste. Ce qu’il n’est pas. Les résultats sont
contrastés…
Ionesco
Les Chaises mis en scène par la Comédie française
au Jeu de Paume relèvent du contresens. La pièce ne
supporte pas la lenteur et le lyrisme : on ne peut,
semble-t-il, que la jouer sec, vite, rythmée qu’elle est
par l’envahissement progressif de l’espace scénique
et sonore, et par le surgissement de personnages
fantasmés, et presque matérialisés (par le son si ce
n’est par la présence physique). Difficile donc de la
faire interpréter par des acteurs âgés, même s’ils sont
très alertes, et surtout par des comédiens qui jouent
«mimétique», c’est-à-dire sans prendre en compte la
mécanique désagrégée des mots, en s’accrochant
plutôt aux bribes émotionnelles qui surgissent de la
relation entre les deux Vieux, ou entre eux et leurs
fantasmes.
L’émotion chez Ionesco naît de la déconstruction du
langage et du réel, de la course folle, de l’absurdité
justement, et pas des sentiments exprimés. Les
chaises suspendues qui descendent des cintres, les
rideaux qui se soulèvent pour laisser passer la lumière
font un effet joli… qui n’a pas sa place dans cet univers. La mise en scène de la Cantatrice Chauve par
Jean-Luc Lagarce, que l’on pourra voir ces prochains
jours aux Salins et à Cavaillon, joue sur cette mécanique sans la forcer à aller vite, mais en faisant crisser
ses saturations sans les dissimuler… Il faut dire que
la première pièce de Ionesco est un bijou de drôlerie,
et que les suivantes (Rhinocéros, Le Roi se meurt) ont
plongé plus avant dans la symbolisation politique. Les
Chaises, entre les deux en ce sens là, est sans doute
moins intéressante…
Beckett
Fin de partie, en revanche, est indéniablement un
chef-d’œuvre. Charles Berling la monte avec
intelligence, tout en voulant visiblement la rendre
abordable à un public assez large : le décor, imposant,
mime un intérieur déglingué sans aller jusqu’à
représenter la ruine de bric et de broc où vivent
Hamm et Clov, et les deux parents enfermés dans les
poubelles. Le metteur en scène se méfie du décor
bourgeois et construit une perspective tordue, brunâtre, faite de faux-semblants, où seul Clov se meut
claudiquant… Les acteurs, qui jouaient un peu trop
intimes dans la grande salle de la Colonne, se
laissaient parfois aller à faire sentir l’ennui par le
silence, ou la lenteur. Alors que l’ennui métaphysique,
existentiel, se signifie beaucoup mieux par le vertige,
et les changements de rythme. Mais enfin Dominique
Les Chaises © Cosimo Mirco Magliocca
Contemporain,
médiéval,
pédagogique !
Fin de partie © Cosimo Mirco Magliocca
Pinon est un Hamm formidable de présence physique, privé qu’il est pourtant de mouvement et de
regard. Charles Berling en valet effacé est d’une
modestie étonnante, puis d’une drôlerie subtile quand
il se met en colère, et devient burlesque. Tous deux
pourtant sont comme effacés, dépassés dès que les
deux vieux ouvrent leur poubelle et leurs cœurs
affaiblis : Gilles Seagal, pitoyable et geignard, et
Dominique Marcas, d’une justesse, d’une ampleur,
d’une présence exceptionnelles (seules son visage et
le bout de ses doigts dépassent pourtant du bord de
sa poubelle !). Tout est fait pour que l’on sente la
langue s’effilocher, l’espace partir à vau-l’eau, et
l’ennui s’installer au point de rendre la mort désirable.
Charles Berling voulait monter ce grand texte avec
modestie : pari réussi.
AGNES FRESCHEL
Les chaises
a été créé au Jeu de Paume du 2 au 10 oct.
Fin de Partie a été joué au Théâtre Durance
le 6 oct et à La colonne, Miramas, le 10 oct.
Il sera au Jeu de Paume du 17 au 21 nov.
Théâtre du Jeu de Paume
0 820 000 422
Au théâtre Vitez aussi la saison commence un peu
tard -rentrée universitaire oblige-, mais très fort, avec
un nombre de spectacles impressionnant, et toujours
le même souci esthétique de produire un théâtre qui
interroge représentations et pratiques.
Le 19 oct un monologue dont Sabine Tamisier avait
présenté des extraits à Cavaillon et aux Bernardines:
Cosa Nostra, flot de paroles d’un personnage désaxé
qui se heurte au monde, passe d’une chaise à l’autre,
ne sait comment s’habiller, être, pour devenir visible,
voire désirable : une belle recherche de langue, comme
prise directement dans la conscience, dite par un corps
qui est sur scène sans artifice, comme dérangé par
nos regards…
Le lendemain, pour ouvrir officiellement la saison, un
spectacle musical de Jeanne Béziers sur une nouvelle d’Amado : Les deux morts de Quinquin la Flotte
(le 20 oct). Puis le 22 Marcia Hesse de Melquiot, et
le 29 une lecture de Jusqu’à ce que la mort nous
sépare de Rémi de Vos, qui donneront l’occasion de
découvrir deux écritures contemporaines très différentes, et aussi fortes.
À partir du 3 nov, place à Mômaix ! Le théâtre universitaire dirige ses ambitions pédagogiques vers les
plus jeunes… en programmant l’essentiel des formes
théâtrales du festival jeune public qui agite Aix (voir
page V). Avec le Théâtre de cuisine le 3 nov, puis une
création de Danielle Bré le 24. Et en laissant place,
du 18 au 20 nov, à l’atelier de création de l’université
de Provence qui montera la Farce de Maître Pathelin,
dirigée par Agnès Regolo.
A.F.
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
http://theatre-vitez.com
20
THÉÂTRE
OUEST PCE | MARTIGUES | NÎMES | ARLES | SÉMAPHORE
Pouvoirs des mots
Chromos
et mutilations
Empire © Giannina Urmeneta Ottiker
Comment la propagande fabrique-t-elle l’Histoire ?
C’est le sujet abordé par le collectif Superamas dans
son dernier spectacle, Empire (Art & Politics). Sous
forme de fable, et utilisant danse, théâtre et vidéo,
les artistes français et autrichiens remettent en cause
les mécanismes de représentation des faits historiques, prenant comme point de départ une bataille
napoléonienne datant de 1809. Considérée comme une
victoire des deux côtés du Danube -par les Français
(bataille d’Essling) mais aussi par les Autrichiens
(bataille d’Aspern)-, elle est surtout l’une des premières tueries à grande échelle (40 000 morts) et la
première bataille des communiqués de presse. De
l’hégémonie de l’empire napoléonien le collectif dérive sur un autre empire, «au sens de l’emprise, une
relation toujours plus cohérente et inextricable entre le
business capitaliste, le spectacle et les médias.»
Retrouver la distance critique permet de distinguer
caricature et réalité, «tout le travail du plateau tient
dans cette réalité et ces tensions entre vrai et faux,
vérité et artifice.»
La Comédie Française met ensuite Claudel à l’honneur avec la mise en scène de Yves Beaunesne du
Partage de midi. La plus abordable des pièces du
dramaturge fleuve et incandescent, illuminé par Dieu,
mais encore par le désir. L’exaltation des sentiments
qui exige une mise en scène inspirée et le jeu impeccable des quatre comédiens : Marina Hands campe
une Ysé flamboyante…
Enfin, Fellag et Marianne Épin philosophent avec
tendresse et poésie sur une Algérie toujours en prise
entre traditions et modernité, au gré d’une galerie de
personnages haut en couleurs.
Loin de se contenter de ses créations danse et
musique (voir p 26 et 57), les Salins proposent une
programmation théâtrale de choix. Avec La Cantatrice
Chauve les 22 et 23 oct, pièce inaugurale et loufoque
de Ionesco, dans la mise en scène mythique de JeanLuc Lagarce recréée par François Berreur. En 1991
Lagarce avait proposé une cantatrice aux couleurs
sursaturées, version bonbonnière anglaise féroce.
Depuis elle tourne, et sera aussi à Cavaillon quelques
jours avant (voir p 24). Après cela les Salins accueillent le 6 et 7 nov une entreprise étrange de Zabou
Breitman, qui a théâtralisé le cinéma documentaire
de Depardon. Comment les Gens anonymes peuventils être incarnés sur une scène par des comédiens
célèbres ? Enfin les 13 et 14 nov la Scène Nationale
accueille Une Fête pour Boris, la pièce de Thomas
Bernhard mise en scène par Denis Marleau. Passée
cet été par le Festival d’Avignon, elle a fasciné par ses
effets de grossissement et d’illusions (voir Zib 22).
Horripilant, fascinant et drôle…
A.F.
DOMINIQUE MARÇON
Empire (Art & Politics)
Collectif Superamas
Les 21 et 22 oct
Scène Nationale des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Une fête pour Boris © Stéphanie Jasmin
Partage de midi
mes Yves Beaunesne
Les 5 et 6 nov
Tous les Algériens sont des mécaniciens
mes Fellag et Marianne Épin
Les 13 et 14 nov
Théâtre de Nîmes (30)
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Profondeur de l’âme
Voyage en pays de Calaferte en compagnie d’Alain
Timar qui signe ici la mise en scène de Je veux qu’on
me parle. À partir d’une série de courtes pièces et de
textes de l’écrivain, le metteur en scène dresse un
portrait saisissant de nos propres habitudes de vie,
entre turpitudes et lâchetés. Une plongée dans l’humour noir, la dérision, voire le tragique, un puzzle de
saynètes dans lequel excellent les comédiens (Yaël
Elhadad, Nicolas Gény et Roland Pichaud) qui
incarnent tour à tour les humains que nous sommes.
Suivent trois petites pièces de Tchekhov dans une
mise en scène de Patrick Pineau : La Demande en
mariage, Le Tragédien malgré lui et L’Ours. Trois comédies, trois petits bijoux que l’auteur qualifiait
lui-même de «vaudeville à la française» et qui décrivent, avec des histoires simples en apparence mais
Je veux qu'on me parle © Manuel Pascual
aux enchaînements délirants, le ridicule et l’extravagance de la nature humaine.
DO.M.
Je veux qu’on me parle
mes Alain Timar
Le 20 oct
Trois pièces de Tchekhov
Mes Patrick Pineau
Le 12 nov
Théâtre La Colonne
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
21
Finesse du verbe
Rarement jouée, la pièce de Tristan
Bernard Les deux canards est ici mise
en scène par Alain Sachs, avec Yvan
le Bolloc’h dans le rôle-titre. Ce dernier incarne Lucien Gelidon, écrivain
parisien qui se voit contraint d’accepter
le poste de rédacteur en chef de deux
journaux concurrents et politiquement
opposés… piégé qu’il est par ses amours
volages. Comique de situations, verbe
haut, la mécanique fonctionne, rehaussée par le jeu étourdissant des douze
comédiens.
Maxime Leroux se met en scène, avec
la complicité de Bernard Murat, dans
une pièce hommage au poète Patrick
Espagnet, Les Noirs, «à partir de poèmes écrits sur le monde du toro et des
ferias du sud dont il était un aficionado
fidèle.» Los negros, ces taureaux de
combat qui donnent son nom au recueil (éd Loubatières), le sud, les gitans,
autant d’évocations, de mots dont
s’empare le comédien avec force et
truculence, faisant monter «une mayonnaise de sons, d’images et de mots.»
DO.M.
Les deux canards
mes Alain Sachs
Le 27 oct
Les Noirs
Maxime Leroux
Le 7 nov
Théâtre de Fos
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
Les noirs © Daniel Bounias
Jean
qui chante
Texte inachevé, Jean la Chance est
une pièce de jeunesse de Brecht,
inspirée d’un conte des frères Grimm.
Jean, paysan simplet, se trouve dépouillé de tout ce qu’il possède au fil
de trocs absurdes : un cheval contre
une vache, la vache contre une oie…
et même sa femme, il commence
d’ailleurs comme ça. D’échanges en
échanges, Jean s’enrichit ou se libère,
jusqu’à finir par échanger une oie
contre la liberté. Sans jamais se départir de son innocence, ni de sa
confiance en la vie qui le fait paraître
si atypique. La mise en scène de
François Orsoni emprunte au concert
rock, portée par la musique de Tomas
Heuer, ancien des Béruriers Noirs, sur
laquelle les comédiens-chanteurs
donnent de la voix.
© Huma Rosentalski
Jean la Chance
Le 17 nov
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
DO.M.
L’appel des classiques
Müller et Lanoye ! Les Atrides, chaos d’un héritage celui que ces auteurs ont laissé et dont la cie Moebius
veut témoigner- est une création collective, dont
Thomas Bédécarrats assure la mise en scène ; «notre
histoire commence avec Atrée et Thyeste pour s’achever (ou plutôt s’inachever) avec la folie d’Oreste. Une
histoire sans résolution ni morale, une histoire en suspens qu’il appartient au spectateur de penser»
Leur 2e création, non moins ambitieuse, s’attaque à
Shakespeare. Un Macbeth recentré sur le couple-phare
confronté à sa propre identité, «un huis clos dans
lequel toutes les frontières deviennent floues : le
temps, le réel, les êtres perdent leur cohésion. Macbeth
et Lady Macbeth deviennent des monstres dramatiques ; à travers eux s’exprime une infinité de variations
d’eux-mêmes.»
Ancré sur les quais du Rhône, le Théâtre de la Calade
résiste fièrement aux intempéries quelles qu’elles
soient, et propose cette année encore une programmation riche qui allie des créations théâtrales, de la
musique avec les incontournables concerts «jazz au
grenier» (1re date le 23 oct avec le Pacific jazz quartet)
et quelques pépites hors normes, en collaboration
notamment avec le Musée Départemental de l’Arles
Antique dans le cadre de l’exposition César le Rhône
pour mémoire.
La jeune cie montpelliéraine Moebius ouvre la saison
avec le projet ambitieux de raconter d’un seul tenant
le mythe des Atrides, d’après Eschyle, Euripide,
Sénèque, Pétrone, Hugo von Hofmannsthal, Heiner
DOMINIQUE MARÇON
Les Atrides © cie Moebius
Les Atrides
Du 16 au 18 oct
Macbeth
Du 13 au 15 nov
Théâtre La Calade
04 90 93 05 23
www.theatredelacalade.org
Qui parle ?
Lorsque Mazzuchini monte des textes de Valletti,
on ne sait plus très bien qui parle. C’est que la
symbiose est telle entre la parole de l’auteur et la
présence de l’acteur, qui choisit aussi, et adapte ! Et
disparaît dans la folie mythomane, se fondant avec
les personnages à double fond, qui eux-mêmes
jouent à s’inventer des vies, et à les livrer comme si
c’était de vrai… Parfois, entre la folie de Mazzuchini et
celle des personnages de Valletti ça marche à merveille. Comme dans Psychiatrie/déconniatrie, pièce
folle, justement. D’autre fois le côté foutraque et
décontracté ne parvient pas faire exister des personnages, et l’on ne voit que Mazzuchini le bateleur.
Mythomane, dernière création de sa compagnie Pile
Poil (du nom de sa chienne), est un montage de
textes chers, et préserve des surprises participatives… La sauce prendra-t-elle cette fois ? Allez-y voir
: de toute façon, par moments au moins, ça décolle…
A.F.
Mythomane
Valletti/Mazzuchini
Les 13 et 14 nov
Le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
22
THÉÂTRE
DRAGUIGNAN | AUBAGNE | STE-MAXIME | CAVAILLON | GAP
Désir d’homme
Et s’il n’y avait plus d’hommes, nulle part ? Et si,
comme dans les Basses-Alpes en 1852, les femmes
vivaient dans un isolement total ? Le désespoir de
l’attente prendrait alors le dessus sur la solitude, et le
désir se ferait plus pressant. C’est ce désir, justement,
qui irrigue le texte autobiographique de Violette
Ailhaud écrit en 1919, L’homme semence, dévoilé
longtemps après sa mort, en 1952. Une écriture
simple et limpide récitée à trois voix par Maryse
Mazzani (Violette), Maud Leclerc (Rose, la fille du
boulanger) et Luc Martinez (le récitant), théâtralisée
avec brio par Didier Kowarsky. Sous le platane
centenaire de la place du Château à Bargemon, nul
besoin d’une débauche d’accessoires : dans un
dispositif scénique réduit à l’essentiel, Violette
Ailhaud est plus que jamais vivante. Sur son visage
silencieux glisse une palette d’expressions subtiles,
ses gestes économes et rustiques disent l’essentiel :
le silence et la peur qui paralysent le village, le rythme
des champs, les nécessités domestiques. Mais
surtout «l’appel de vie qui nous vient du monde des
bêtes.» Cette absolue nécessité d’enfanter qui fait
que les femmes et les jeunes filles attendent tout du
premier homme venu, d’abord sa semence, ensuite
sa force de travail, et enfin sa présence. Un bonheur
presque honteux, éphémère, que vécut Violette
Ailhaud en silence, mais qu’elle osa coucher sur le
papier. Pour dire ce désir d’aimer, Didier Kowarsky a
pris le parti d’une récitation lente, suspendue au
temps, rythmée par le reflux de la mémoire. 1852,
1919, 2009 et toujours l’envie de vivre.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
L’homme semence, création de la Cie Melelez’Arts
présentée par Théâtres en Dracénie (83) à Taradeau,
Bargemon et Châteaudouble les 9, 10 et 11 oct
Le texte est publié par les éditions Parole
à Bauduen (83)
L'homme semence, Maryse et Maud © X-D.R.
Jaurès à Aubagne
Small is Beautiful a commencé la saison aubagnaise en beauté dans la rue, et le Comœdia attend
des spectacles jeune public (voir p V), la musique des
Chemirami (le 18 oct) puis celle de Juan Carmona
(le 7 nov)… Décidément le Théâtre d’Aubagne résiste
plutôt bien dans un paysage morose ! La programmation théâtrale proprement dite débute par un
hommage rendu à Jaurès, dont les 150 ans sont
passés, à quelques pantalonnades près, grosso
modo inaperçues… C’est le Théâtre Artscé-nicum
qui ouvre les festivités commémoratives : 1907,
Bataille dans le midi est un spectacle musical, porté
par un chœur qui rappelle les événements oubliés de
1907, la révolte des paysans vignerons, défendus par
Jaurès… Jaurès encore, le 5 nov, incarné cette fois
par Jean-Claude Drouot le rugissant, et opposé
dans un dialogue fictif, mais possible, à Maurice
Barrès qui courut véritablement à son chevet,
quelques heures avant qu’il ne succombe au coup de
feu de Raoul Villain. Un dialogue politique au sommet,
imaginé par Bruno Fuligni.
A.F.
1907, Batailles dans le midi
Le 25 oct à 17h
La valise de Jaurès
Le 5 nov
Théâtre Comoedia, Aubagne
04 42 18 18 88
www.aubagne.com
1907 © X-D.R.
Le théâtre de Sainte-Maxime, au moment même où il s’apprêtait à lancer
une saison vraiment intéressante, a
subi, avec la ville toute entière, de
graves inondations. Chacun s’en est
remis, mais le premier temps fort de la
saison Entre Ciel et Terre a du être
amputé d’une partie de ses
spectacles. Une soirée de soutien aux
habitants, portes et cœurs ouverts, a
vu se rassembler au théâtre des gens
qui, finalement, n’y seraient peut être
pas venus autrement… La saison
repart d’un autre pied, avec de
nouvelles perspectives, et des
propositions tout aussi alléchantes : de
la musique et de la danse très diverses
avec The black rockcoalition orchestra
le 18 oct (voir p 46), NOs LIMITs le 24
oct (voir p 26), et une Flûte Enchantée
comedia dell Arte le 14 nov (voir p 55).
Mais Le Carré qui affiche une belle
transdisciplinarité programme aussi du
théâtre, avec La Vie devant soi, spectacle mis en scène par Didier Long et
porté par Myriam Boyer, triplement
moliérisé, d’après le roman célèbre et
émouvant d’Ajar/Gary (le 31 oct). Les
enfants ne sont pas en reste, avec un
spectacle de fabliau de la Cie Artefact,
qui regarde de la tradition du théâtre
médiéval (le 17 nov) pour retrouver le
rire grotesque, mais aussi vers celui qui
en fut le passeur durant la Renaissance:
Rabelais (le 20 nov), qui militait pour le
progrès de l’esprit, sans négliger le
bonheur du vin et des mots tapageurs!
A.F.
Carré Léon Gaumont
Sainte Maxime (83)
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
La Vie devant soi © Agence Enguerand
Abondance ne nuit pas !
Incontournables
à Cavaillon !
Ils ont eux aussi commencé leur saison
en nomades, promenant dans les bars
du Vaucluse Victor Bâton, d’Emmanuel Bove et Pierre Pradinas.
L’histoire d’un homme (Thierry
Gimenez) qui n’en peut plus d’être
seul et se confie à un accordéoniste
(Marc Perrone) trouvé là… il reste
quelques dates pour découvrir ce
spectacle (le 15 à Noves, les 16 et 17
à Chateauneuf de Gadagne). Ne
vous en privez pas !
Puis la Scène Nationale de Cavaillon
entre en son théâtre en beauté en
accueillant la mythique mise en scène
de la Cantatrice Chauve par Jean-Luc
Lagarce (le 19 et 20 nov, voir les Salins p 20). Et ce sera au tour de Maguy
Marin de venir installer son MayB sur
la scène (le 10 nov). À ne louper sous
aucun prétexte, si vous trouvez encore
des places !
A.F.
Scène Nationale de Cavaillon (83)
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
La cantatrice chauve © Brigitte Enguerand
…à Gap et Briançon !
La Scène Nationale de Gap rentre elle aussi dans ses murs après ses excentrés
(voir p 52) pour accueillir deux excellents spectacles produits dans la région : Le
Malade Imaginaire mis en scène par Alexis Moati procède d’une belle mise à
distance, et représente le théâtre de Molière de façon pédagogique et ludique, en
commentant ses ressorts, puis en s’y laissant glisser. C’est mutin, enlevé et
intelligent (les 9 et 10 nov). Quant au monologue de Koltès porté par Iljir
Selimoski, c’est une redécouverte de l’actualité paradoxale d’une langue, incarné
par un homme qui est le personnage (voir p 29), guidé par la connaissance intime
qu’a de l’œuvre Catherine Marnas (les 17 et 18 nov à 19h).
Briançon retrouve également les murs du Cadran avec le Malade Imaginaire (le 12
nov) qui sera précédé de La Maison, un spectacle écrit d’après La vie Matérielle
de Duras : une vie de femme qui parle de sa mère, mise en scène par une femme
(Cécile Backès) et interprétée par une autre Cécile (Gérard). Du 5 au 7 nov, à 19h.
A.F
La nuit juste avant les forêts © Michel Guillerot
La Passerelle,
Gap (05)
04 92 52 52 52
Le Cadran,
Briançon (05
04 92 25 52 52
24
THÉÂTRE
SALON | AVIGNON
Mentir, se souvenir
Le Théâtre Armand, à Salon, ouvre sa
saison avec La Surprise de l’amour de
Marivaux, dans une mise en scène de
André Tardy, de la cie dramatique de
Saint-Étienne. Prenant le parti de la
modernité, ce dernier rafraîchit costumes
et décors, rendant plus proche encore
la langue de Marivaux. Lorsqu’il s’agit
de sincérité…
Puis, Sans mentir, il s’agira de réussir sa
vie sentimentale quand on est quadras,
malchanceux, cyniques et manipulateurs comme le sont les personnages
de cette comédie drôle et enlevée de
Xavier Daugreuilh, mise en scène par
José Paul et Stéphane Cottin. Mais peutêtre que sans mentir rien n’arrive…
Pari audacieux que celui d’Adeline
Defay, qui adapte pour la scène des
extraits de La recherche du temps
perdu de Proust. Bernadette Lafont,
Robin Renucci et Xavier Gallais se
prêtent à l’exercice dans une mise en
scène très simple -une table, une lampe,
un comédien- qui veut restituer toute
la richesse de l’écriture complexe de
Proust. D’infimes fragments que tous
trois doivent incarner brillamment…
DO.M
La Surprise de l’amour
Mes André Tardy
Le 20 oct
Sans mentir
Mes J. Paul et S. Cottin
Le 22 oct
Marcel Proust, à la recherche du temps
perdu
Le 18 nov
Théâtre Armand
04 90 56 00 82
www.salondeprovence.fr
Sans mentir © X-D.R.
L’âme du temps
d’existence aux personnages. La mise en scène de
Thierry Otin nous conduit dans ces contrées vivantes de
l’âme qui s’égare et surtout donne de l’éclat aux pas
perdus, nous convainquant du droit aux chemins de
traverse. Un petit bout d’humanité en plein cœur. Un brin
triste et nostalgique mais qui fait mouche. «J’ai pris
l’habitude d’attendre à côté de moi des fois que la vie
passerait et que je pourrais la prendre.» Blam.
DELPHINE MICHELANGELI
Le Nord Perdu s’est joué aux Doms
du 1er au 4 octobre
Le Nord Perdu © X-D.R
D’abord il y a les mots. Une poésie fulgurante et un art de
la formule qui touche au cœur. «Nous avançons, il semblerait qu’arrive un vertige, un vide, une chute. Nous
tombons. C’est dans le flottement qu’on peut se laisser
porter, c’est en perdant le nord qu’on peut être surpris.»
Blam. La voix d’arbre de Charles Juliet nous (ac)cueille et
tire le portrait sensible du spectacle à venir, tout en
sensations. Un voyage à l’intérieur de soi, entre solitude et
trébuchements. Le temps qui s’y écoule nous perd et nous
saisit. On a le privilège de le mesurer. On s’y reconnaît. Les
4 comédiens nous décrivent les attirails du temps qui
passe, cherchent les envers du décor. Ils sont ces gens
que Catherine Monin a portraitisés dans son recueil édité
en 2005. L’auteure, poète et sensible comédienne, est ici
fragile et très émouvante. Elle nous prend à l’âme.
Emmanuel Baillet, sorte de Jean-Philippe Smet qui aurait
oublié d’être Hallyday, est touchant de vérité, de pudeur
et de présence avant de révéler une drôlerie cachée. Des
tulles fantasmagoriques reçoivent les projections intenses
d’Erick Priano -qui signe également une recherche
musicale à la hauteur du propos- et offrent un cocon
À venir aux Doms
Au CE de la Société européenne des produits réfractaires
(SEPR) existe une section théâtre très active. À la demande
de la Scène Nationale de Cavaillon, l’auteure et comédienne Laurence Vielle a rencontré employés, ouvriers
et cadres dirigeants à l’occasion des 60 ans de l’entreprise.
De cette rencontre est né La Grande dame, spectacle qui
laisse entendre les mots d’hommes et de femmes en proie
à des émotions, des aspirations, des luttes au sein de cette
grande entreprise appartenant au groupe Saint-Gobain. Ils
auront à leurs côtés les musiciens Bertrand Binet
(guitariste) et Vincent Granger (clarinettiste).
La Grande dame
Les 22 et 23 oct
Théâtre des Doms
04 90 14 07 99
www.lesdoms.be
25
Mots d’auteur
Le philosophe et auteur dramatique Bernard Proust propose une démarche
particulière autour de son travail : une réflexion de l’écriture à la mise en scène,
avec une première soirée intitulée «rétrospective» durant laquelle «l’auteur et les
acteurs croisent les lectures de textes récents et de réflexions sur le théâtre» (le 22
oct) ; le lendemain, focus sur un travail en cours, Spinoza, avec un texte mis à
l’épreuve de la scène ; le dernier soir (le 24 oct) une de ses pièces, Habeas Corpus,
est jouée (et mise en espace) par Alain Cesco-Résia : l’exploration «d’une forme
implicite de théâtre, une petite forme, banale, quotidienne, inaperçue et que tout un
chacun a pratiquée et pratiquera, la visite médicale.»
En novembre, reprise de la dernière création en date d’Alain Timar, Une voix
sous la cendre. Seul en scène, dans un monologue époustouflant, François
Clavier se fait le porte-parole bouleversant de Zalmen Gradowski dont carnet
fut retrouvé en 1945 sous les cendres de juifs gazés et brûlés à Auschwitz. La
mise en scène dépouillée d’Alain Timar laisse place aux mots, avec pudeur et
retenue.
DO.M.
Une voix sous la cendre
Mes Alain Timar
Du 18 au 20 nov
Théâtre des Halles
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Une voix sous la cendre © Manuel Pascual
Toujours là
Début 2009, André Benedetto, disparu cet été,
avait réactualisé sa pièce Emballage, écrite fin 1969
à la demande de Bernard Mounier, alors directeur
de la maison de la culture du Havre. Emballage 2
contient donc une deuxième partie, dans laquelle
Benedetto a rajouté «la très lourde toile de fond de la
mondialisation, des délocalisations, des licenciements,
du chômage qui ne cesse pas d’augmenter, des profits
énormes réalisés avec un cynisme triomphant, du
démantèlement des services publics et par
conséquent de la République, qui perdant ses usagers,
perd ses citoyens.» Le Théâtre des Carmes en
propose une lecture, première étape de création, le
17 oct. Puis la pièce Lettres Anonymes d’Aujourd’hui,
de Benedetto, annulée cet été, sera reprise avec les
mêmes comédiens –Hélène Raphel, Ludivine
Bizot, Claude Djian et Farid Boughalem-, et
Bertrand Hurault qui reprend là le rôle laissé vacant
par le maître et créateur des lieux.
DO.M.
Emballage 2
André Benedetto
Le 17 oct
Lettres Anonymes d’Aujourd’hui
André Benedetto
Du 20 au 24 nov
Théâtre des Carmes
04 90 82 20 47
www.theatredescarmes.com
Ce qu’il reste d’un rebelle
Il arrive, tel un héros blasé, en Super Rebelle ridicule
qui n’a plus la pêche. Pas vraiment désobéissant, ni
complètement révolté, Christophe Alévêque a rôdé
en avant-première au Chêne Noir son nouveau one
man show. Humoriste et bouffon, il le reste bien sûr
lorsqu’il caricature et épingle les gesticulations du
monde à l’heure d’Internet, la consommation, la
liberté soumise au choix d’un opérateur téléphonique
ou le sexe qui mériterait bien son grenelle. Un brin
obsédé et gentiment provocateur, il joue avec le
public tout acquis à ses bons mots, et arrive même à
lui faire entonner naïvement un «joyeux anniversaire»
pour fêter la crise ou le faire rentrer en transe sur les
1000 Colombes de Mireille Mathieu. Il dresse un
portrait assez réussi des ados aux montées
d’hormones incontrôlées, qui «se tiennent en S» et
«chaussent du 45 et dans leur tête du 3», épinglant au
passage Dolto. Improvisateur talentueux, il a sans
aucun doute le sens de la formule et de la répartie.
Mais c’est dans son inspiration première qu’il se
trouve réellement : la revue d’actualité. Manaudou
qui a arrêté l’eau, Borloo aussi, l’omniprésence de
Zébulon, la grippe, France Télécom, la gauche et ses
nombrils. Tout y passe, c’est drôle et efficace. «On
est passé du siècle des Lumières au quinquennat de la
bougie» résume ce qu’il pense de la société actuelle.
Son spectacle reste pourtant un peu «fourre tout»,
déroulant 3 ou 4 sujets phares, une revue d’actualité
attendue et quelques chansonnettes moyennes.
Caustique, en alerte… mais effectivement rebelle ?
DE.M.
26
DANSE
AU PROGRAMME
Se
battre
Anne Lopez vient danser au théâtre de Nîmes des
Varier
Emanuel Gat continue son voyage sur les scènes de
pièces déjantées et ironiques : Menace, une pièce sur
les dérives des médias qui brossent un portrait de plus
en plus apocalyptique du monde, et Duel, un quintette
d’hommes qui vont s’affronter en reprenant la figure du
duel (depuis le western jusqu’aux duels de SF…), et se
confronter au jugement du public, en des jeux du cirque
des temps nouveaux… Une création d’une compagnie
de Montpellier dérangeante et talentueuse, accueillie
en résidence au théâtre de Nîmes qui, décidément,
aime la danse !!
Ouest Provence, en offrant à Miramas son duo Variations d’hiver, tiré du Voyage d’hiver, sa pièce de 2004
écrite sur la musique de Schubert. À partir d’un extrait de
ce duo masculin une pièce se construit, différente, selon
le principe -très schubertien !- de la variation musicale
autour d’un thème donné.
Duel / La Menace
Du 17 au 20 nov
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Questionner
En préambule du festival Dansem, la Cie Kelemenis
Questions de danse
Du 27 oct au 7 nov
Théâtre des Bernardines
04 96 11 11 20
www.kelemenis.fr
S’arrêter
Le Pavillon Noir accueille la création soliste de Miguel
Nosibor. Depuis 15 ans le chorégraphe propose un hip
hop intelligent, contemporain, qui s’interroge sur la
forme sans oublier ses racines populaires, revendicatives, et sa jubilation du mouvement. Le chorégraphe
après 15 ans marque un Temps d’Arrêt : il est vrai que
le hip hop, pris souvent dans les mailles d’un système
consumériste de la culture qu’à ses débuts il dénonçait,
a besoin aujourd’hui d’un temps de réflexion…
Temps d’arrêt
Du 4 au 9 nov
Pavillon Noir, Aix
0811 020 111
www.preljocaj.org
Jouir
Carlotta Ikeda vient danser dans la salle pourtant
incommode de la cité du livre… Invitée par les Écritures
Croisées pour sa fête du livre sur l’Asie (voir p 61), elle
a accepté de venir dans ces conditions précaires, et de
danser en ouverture son magnifique solo, Waiting, écrit
en 1996 à partir des mots de Duras (l’Indochine, son
frère qui meurt, son corps qui se transforme…) et d’une
sublimation de la danse Butô, transformée avec une
indécence folle en danse sensuelle, impudique, jouissive
et extatique. Sublime !
Waiting
Le 15 oct
Cité du livre, Aix
04 42 26 16 85
www.citedulivre-aix.com
La Menace © X-D.R.
Rassembler
La Minoterie accueille Massilia Force qui fête ses treize
ans en produisant un spectacle anniversaire en treize
tableaux, mêlant amateurs et professionnels, dans la
pratique d’un hip hop jubilatoire et virtuose qui prend
un plaisir sensuel à l’exploit, et à la transmission.
Massilia Force
Les 30 et 31 oct
La Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
Diffuser
Entre une tournée au Brésil et de nombreuses repré-
Tomber
Le Collectif Are you in Town et les danseurs de la formation professionnelle Coline proposent une création
inspirée de la figure de la chute : deux danseurs et une
acrobate aérienne se mettent en déséquilibres, sur les
envolées de la musique de Beethoven…
Jump of Falls Series
L’Olivier, Istres
Le 6 nov
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
>
programme ses questions de danse aux Bernardines :
des pièces courtes, pas tout à fait abouties ou déjà
créées, s’exposent pour questionner les pratiques
chorégraphiques, ou le corps exposé, en mouvement,
en dialogue. Huit pièces, dont une création de Skalen,
seront jouée chacune deux fois lors de quatre programmes.
>
Variations d’hiver
La Colonne, Miramas
Le 8 nov
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
sentations en France et en Belgique, le Ballet National
de Marseille continue de danser son programme néoclassique dans la région. Le théâtre Molière de Marignane
reçoit donc le Tatoo de Kelemenis, le duo de Forsythe et
le Somewhere de Julien Lestel. Un programme qui commente la danse classique, ou entre de plain-pied dedans…
Programme néoclassique du BNM
Théâtre Molière, Marignane
le 24 oct
04 91 32 72 72
www.ballet-de-marseille.com
collectif Are you in town © Chris Van der Burght
Jubiler !
Recréer
La cie Commun Instant (Vaucluse) dirigée par le choré- La Cie Alexandra n’Possee lance ses six danseurs à l’asgraphe Jean-Pierre Aviotte (ex danseur du BNM)
propose une nouvelle version du Sacre du printemps,
reposant sur des danseurs d’une grande virtuosité classique, et un vocabulaire qui cherche la fluidité et l’image.
En l’occurrence, les forces telluriques… À suivre !
Le Sacre du Printemps
Théâtre Armand, Salon
le 10 nov
04 90 56 00 82
www.salondeprovence.fr
Trembler
C’est une pièce historique, fondatrice du renouveau de
la danse contemporaine, qui a presque 30 ans, mais n’a
rien perdu de sa force émotionnelle. Maguy Marin, inspirée par Beckett, fait évoluer des corps mutilés, grimés,
enfarinés, décrépis, clowns terrifiants aux désirs minables.
Petits affrontements, minuscules envolées, esprit grégaire et guerrier à la fois : l’humanité y est affreuse, et
le spectacle grandiose.
May B
Scène Nationale, Cavaillon
Le 10 nov
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
>
saut des limites… Limites physiques surtout (ils sont
époustouflants de virtuosité tant au sol que debout),
mais aussi, à travers cette quête de l’exploit, une interrogation sur cette volonté d’aller au-delà de ses propres
ressources…
NOs LIMITes
Théâtre Durance, Château Arnoux (04)
Le 23 oct
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime (83)
Le 24 oct
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
MAY B © Claude Bricage
STATION ALEXANDRE | AVIGNON | DANSEM
DANSE
27
Dans leurs rêves
Pour inaugurer sa saison, la Station
Alexandre a misé sur la jeunesse, la
poésie et l’onirisme. Elle a ouvert son
lieu, magique en soi, à la compagnie
franco-canadienne La parenthèse,
récemment sélectionné pour la Biennale des Jeunes Créateurs à Skopje. Le
chorégraphe Christophe Garcia et
ses 6 danseurs ont proposé une reprise, totalement revue et corrigée pour
ce nouvel espace, de leur dernière
création Le bal des songe-creux. En
prime et en live, les 6 musiciens du
groupe Poum Tchack dont deux,
Alexandre Morier et Jean-Philippe
Steverlynk, ont composé la musique
originale de cette nouvelle version.
Un songe-creux, c’est une personne
qui nourrit son esprit de chimères. Sur
scène donc se déploient les phantasmes de personnages variés : celle qui
se rêve éternellement jeune et mince
tout en se goinfrant de gâteaux, celui
qui s’imagine en diva, celle qui attend
le prince charmant… Tout ce petit monde
est entraîné cahin-caha, d’élans en
frustrations, par une sorte de «guide es
onirisme». On s’emballe, on retombe,
dans une fougue parfois désordonnée
mais émouvante, quoique répétitive.
Mélodies nostalgiques aux accents
slaves, rythmes endiablés de bastringue, envolées solitaires de violon,
d’accordéon ou de piano, grincements
inquiétants de contrebasse, dans cette
ode au rêve, la musique épouse la
danse.
Jouant sur les hauteurs, tirant parti des
coursives et des fausses fenêtres,
danseurs et musiciens ont pris possession du lieu, magnifié par de somptueux
éclairages. Le public leur en a su gré
car les élégants fauteuils n’offraient
qu’une visibilité relative passé le premier rang. Et se tordre le cou pour voir,
c’est pas le rêve !
FRED ROBERT
Le bal des songes creux
a été présenté à la Station Alexandre
du 1er au 3 oct
Culture hip hop
plinaire et éducative autour de la «culture» hip hop : voici que la MJC d’Apt
et la galerie Zoomy, les Doms et le
Théâtre Golovine d’Avignon, L’auditorium de Vaucluse et la maison de
Monclar, et le Théâtre des Hivernales
bien sûr, proposent une programmation complémentaire, bon enfant,
fondée sur une politique participative
(spectacles pédagogiques, ateliers et
stages nombreux durant les vacances)
et quelques bons spectacles à découvrir. En particulier, aux Doms, Tag
de la cie les Daltoniens (beatbox et
théâtre visuel), les formidables Onstaps
(percussion corporelle) au Golovine,
et La Stratégie de l’échec, un duo sur
l’enfermement volontaire programmé
au théâtre des Hivernales.
Collectif Jeu de jambes © P. Boissiere
Heureusement qu’il y a les Hivernales
à Avignon pour animer un peu la vie
chorégraphique vauclusienne ! Le
Centre de Développement Chorégraphique a changé de directeur, mais
poursuit sa manifestation de Toussaint,
tout en passant la main de l’organisation à l’association Arts vivants en
Vaucluse : Drôle(s) de hip hop, qui
élargit ses territoires, se déroule désormais entre 10 partenaires, et devient
une manifestation vraiment pluridisci-
Le Bal des songes creux © Agnes Mellon
Danse, Femmes,
Méditerranée
Dansem existe depuis 12 ans ; l’idée
de mettre en réseau les danses contemporaines du pourtour méditerranéen
ne date pas, pour L’Officina, de
Marseille Provence 2013 ou de l’Union
pour la Méditerranée : elle est au cœur
de son projet depuis toujours, et cela
se sent… D’abord, et c’est paradoxal,
parce que Dansem a proposé bien des
fois des formes inabouties, décevantes,
ratées ou balbutiantes qui témoignaient, justement, de cette difficulté
à créer de la danse en Méditerranée,
surtout lorsqu’on s’éloigne de la rive
européenne. Difficulté économique
bien sûr, mais aussi problème culturel
lié aux tabous qui pèsent sur les corps
et sur le sexe : la danse, justement, est
peut être le meilleur moyen de faire
voler en éclat quelques frontières…
Le programme cette année est plus
riche que jamais : en dehors de la programmation Turque (voir p 8), et des
questions de danse de Kelemenis,
sorte de préface à cette 12e édition
(voir ci-contre), Dansem accueille des
créations de toute part ! Manon et
Fanny Avram, les deux sœurs
marseillaises, photographe/auteur et
comédienne/performeuse, mettent en
danse des fantômes d’une histoire
familiale ancienne, qu’elles n’ont pu
réveiller (les 13 et 14 nov aux Bernardines) ; quelques jours plus tard (les
18 et 19 nov), c’est l’Italienne Caterina
Sagna qui leur succèdera dans la
chapelle, avec Basso Ostinato, un trio
d’hommes à tables qui fument, boivent,
rient, se tapent sur le ventre… Une autre
pièce de femme au Théâtre d’Arles :
celle de la Marocaine Bouchra
Ouizguen, qui elle mettra en scène
quatre femmes (le 20 nov)… Nous y
reviendrons, puisque Dansem se
déroule jusqu’au 11 déc, et se déploie
à Marseille, Arles et Aix…
AGNES FRESCHEL
Helene Iratchet © Photolosa Piere Ricci BD
A.F.
Drôle(s) de hip hop
Avignon, Apt, Le Thor
Du 19 au 31 oct
04 90 86 11 62
www.hivernales-avignon.com
Dansem
Du 10 nov au 11 déc
Marseille, Arles, Aix
www.dansem.org
www.officina.fr
28
CIRQUE/ARTS DE LA RUE
SIRÈNES | ARLES | MERLAN
Drôle de don !
Reprise de Sirènes et Midi net, l’incontournable
rendez-vous des premiers mercredis du mois sur le
Parvis de l’Opéra. Les spectateurs n’ont pas été
déçus par les Tony Clifton Circus qui, comme le nom
de leur troupe ne le laisse pas deviner, sont italiens.
Vainqueurs du Prix des Arts de la Rue de Barcelone
en 2003 ils tournent partout en Europe. Leur objectif:
déranger, bousculer, tout sauf ronroner ! Leur Xmas
forever, critique féroce de la consommation qu’on fait
avaler aux enfants sous prétexte de réjouissances
communes, a été joué dans le cadre de Small is beautiful à Martigues et Aubagne. Sur le parvis de l’Opéra,
à midi, ce fut un concentré…
Une estrade rouge, un grand fauteuil, un micro : on annonce l’arrivée de «l’adjoint à l’espoir et à la joie de la
Mairie de Marseille.» Il choisira dans la foule quelqu’un
et lui fera un don merveilleux en réalisant son voeu.
Musique et chansons aux accents de Luis Mariano,
puis sirènes ! Aussitôt débouche une grosse 4x4
blanche et des gardes du corps aux lunettes noires
surgissent, écartant la foule. Suspense. Qui va sortir
de la voiture ? Je vous le donne en mille ! Le père Noël
soi-même avec sa barbe blanche et sa tenue rouge.
Il se précipite pour serrer des mains toujours sous la
surveillance de ses inquiétants gardiens, puis fonce
sur un homme dans un fauteuil de handicapé. Son
voeu ? Danser ? Pas de problème : un «ange» en combinaison blanche fait tourner le fauteuil sur la musique
de Singin’in the rain, les parapluies s’ouvrent, une
bombe de farces et attrapes explose, le sourire du
«gagnant» est à la grimace. C’est ça le bonheur ?
Paillettes et flons-flons, tout dans l’illusion ?
Pitres emplumés
Ils savent y faire les artistes catalans de Los Gingers
pour faire monter lentement la pression, se mettre la
salle dans la poche, avec humour et dérision dans un
exercice pas si simple de clowns qui sont avant tout
des virtuoses du saut, de la barre et des portées.
Lorsque s’ouvre le rideau, les premiers pas se font
dansés, sur des airs connus de grands standards (ils
ne pas Los Gingers pour rien !), rumba et salsa.
Savant mélange de fête kitch -costumes compris- et
de numéros «classiques» d’envolées, de jonglage,
d’équilibre, leur travail tient tout autant du cirque que
de la gymnastique, avec ce petit grain supplémentaire
de douce folie, d’humour subtil et de bonne humeur
contagieuse qui lient le tout. Sans oublier une
technique irréprochable, car il en faut pour s’envoler
comme pour tomber, qu’on soit un «roi de l’acrobatie»
un brin macho ou une danseuse-équilibriste
glamour… et pour se relever, avec toutes ses plumes
et ses paillettes !
DO.M.
Perlas y plumas a été joué
les 10 et 11 oct au Théâtre d’Arles
dans le cadre de Cirque et Entresorts.
© Oscar Santamaria Rojo
CHRIS BOURGUE
Il dono a été donné le 7 octobre dans le cadre
de Small is beautiful. Prochain rendez-vous
avec Fred Nevchehirlian le mercredi 4 novembre
à midi pour une sirène musicale
© Agnes Mellon
Le Merlan fait son cirque
En trois spectacles le Merlan propose un véritable festival de cirque contemporain. D’abord en accueillant
Camille Boitel, jusqu’au 23 oct, dans son spectacle tout public L’Immédiat, où il construit un univers instable
fait de bribes bancales de quotidien (voir Zib’22). Puis en concrétisant le Projet Cochon de Mathilde
Monfreux, qui met en jeu son côté animal, et son amour/dégoût des cochonnailles (voir p 19). Enfin en
accueillant les mêmes soirs Melissa Von Vépy. On avait remarqué l’immense talent de la trapéziste, capable
de construire un discours avec son corps habile,
juste le vide et ses regards, dans un duo avec Chloé
Moglia créé au Creac lors d’un vagabondage du
© Agnès Mellon
Merlan (I look up, I look down, 2005). Elle revient en
solo, après avoir créé sa pièce Miroir Miroir au
Festival d’Avignon : avec un miroir composé de
dalles amovibles elle joue de ses reflets, de ses
brisures aussi, suspendue au-dessus d’un piano où
Stephan Oliva égrène sa musique. Entre balancements, suspensions et passage de l’autre côté de
la belle surface narcissique…
A.F.
Miroir Miroir
Melissa von Vépy
Du 12 au 14 nov
04 91 11 19 20
www.merlan.org
SMALL IS BEAUTIFUL
CIRQUE/ARTS DE LA RUE
29
Psyché urbaine
Villes réanimées avez-vous donc une
âme ? L’Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine a débarqué aux Bancs
publics pour psychanalyser Marseille,
et plus particulièrement la Belle de
Mai. Entreprise loufoque dites-vous ?
Pas tant que ça… C’est avec de vraies
méthodes analytiques que l’agence
procède, suscitant la parole et les
souvenirs des «patients» allongés sur
des divans lors de vraies séances (20
à 30 mns !), et recueillant les empreintes des visages et des mains
plongés dans la glaise primordiale
(Baptêmes de terre de Fred Martin)…
De ces expériences, qui ont suscité
une forte implication des habitants,
restent des traces, à partir desquelles
Laurent Petit bâtit des prescriptions à
mourir de rire, mais fondées, pour la
plupart, sur un diiagnostic assez juste:
Marseille est sale et négligente comme
une adolescente attardée, elle se
prend pour le centre excentré du
monde, n’a de cesse d’être fécondée
par la mer et «prise par derrière» par
ses agresseurs… Appuyée sur la
psyché des habitants, des références
historique réelles (la Ville sans nom) et
urbanistiques approximatives, le
portrait est assez juste ! Quant à
prescrire la généralisation de jardins de
chômeurs (il n’y a plus d’ouvriers !) qui
cultiveraient une «herbe à forte valeur
ajoutée» tout prêt d’une école officielle
de «gredins» et d’un funiculaire, fait des
compressions des voitures, qui relierait
Londres à Tunis en passant par la Belle
de mai et l’Obélisque… Ceci dit, sur le
Vieux-Port ce soir-là, face à des
millions de téléspectateurs, Messieurs
Muselier et Menucci se livraient à
Anpu © X-D.R.
d’autres projections quant à l’avenir du
Grand Marseille. Monumentales aussi,
sans aucun doute plus réalistes, mais
moins drôles !!
A.F.
L’ANPU s’est livrée à son jeu
psychanalytique du 3 au 9 oct,
invitée par les Bancs publics
dans le cadre de Small is Beautiful
Pas si small à Martigues…
Rendez-vous est pris, le 6 oct à
Martigues, dans le parking du personnel du centre commercial Auchan.
Face au mur gris du fond, le public
patiente. Les néons, qui devaient
s’éteindre, resteront allumés. Qu’importe : dès que déboule le comédien,
cheveux mouillés, vêtements trempés,
la magie opère. Iljir Sélimoski est là,
seul, avec son mal de vivre qu’il
trimballe dans cet univers humide, en
demande d’amour. Son corps est tout
entier lancé dans ce monologue qu’il
adresse à un inconnu abordé comme
ça, parce que trop de solitude…
Immergés dans le texte de Koltès, La
Nuit juste avant les forêts -«ce petit
diamant dont la langue est sculptée de
manière jubilatoire» selon les mots de
la metteuse en scène Catherine
Marnas-, nous oublions les néons, les
voitures qui de temps en temps démarrent bruyamment, et suivons pas à
pas l’errance de celui, homme plus que
comédien, qui nous communique si
brillamment son humanité.
À Martigues toujours, sous le pont de
l’autoroute, l’ambiance est à la détente. Malgré les gros blocs de béton
imposants qui se dressent de part et
d’autre d’une route qui ne semble pas
avoir de fin… Tournant le dos à la mer,
quelques chaises longues attendent
les spectateurs. Devant, la structure
grise, au sol un bout de terrain de foot
synthétique, et dessus, au coin, un
joueur face à son ballon. Une 10e
minute corner dans laquelle s’élance le
danseur-chorégraphe Raphaël Dupin.
Seul il convoque, avec son ballon, tous
les joueurs imaginaires, joue son
match : corner, coups francs, penalty,
rumeur qui monte et enfle et ce corps
qui lentement se déplie, répète encore
et toujours ces mouvements de
jambes, en équilibre précaire sur un
point peut-être gagné… Match terminé,
«gazon» arrosé, et ce corps qui
continue à se mouvoir, fatigué…
Une pause soupe bienvenue, et le
public se regroupe près d’une gargote
au bord de l’eau. Une voix, puis deux
puis quatre se font entendre, les
Beaux parleurs sont sur place ! Le
cercle s’élargit, les quatre tchatcheurs
sont dans la place et commencent à
s’invectiver. Les joutes verbales
commencent, un thème est abordé,
qui fera mieux que qui ? Si les voix
s’égarent parfois dans les airs, les
mots rebondissent souvent en faisant
mouche, jusqu’à la très attendue partie
d’insultes «pas injuriantes», qu’on
aurait aimée plus longue !
Fin de partie pour ce coin perdu de
Martigues, découvert au gré des
spectacles toujours singuliers que
nous offre Small is beautiful !
DOMINIQUE MARÇON
Raphael Dupin
© Agnès Mellon
Les Beaux parleurs © Agnès Mellon
Small is Beautiful s’est également
déroulé à Marseille et Aubagne
du 2 au 10 oct.
La Nuit juste avant les forêts sera joué
à La Passerelle, Scène Nationale
de Gap (05) les 17 et 18 nov.
Puis en Nomade(s) avec la Scène
Nationale de Cavaillon
du 28 janvier au 1er février
30
PERFORMANCE
DÉSORDRE URBAIN | 3BISF | CONSOLAT
De l’ordre urbain
Flou artistique
C.N.o.p.t. © X-D.R.
Pour sa troisième édition, le festival de
la performance organisé par le collectif
de RedPlexus a investi la ville de
Marseille. Le mot d’ordre était le «désordre», une mise en «chantier» censée
déranger l’habitude, la norme, les flots
et habitudes, le tout dans un paysage
urbain défini : La Friche de la Belle de
Mai, les Bernardines, la rue Grignan….
C’est ainsi que samedi, dès 15h, les
badauds sur La Canebière ont pu découvrir des personnages étranges.
Décalés, voire totalement incongrus, la
situation dans laquelle ils se trouvent
étant inadéquate au lieu où on les
rencontre : une mariée en chemise de
nuit aux genoux noircis par ses interventions amoureuses et épistolaires
sur le sol, des plagistes bronzant autour
de la fontaine de la mairie du 2e arr., un
homme esquissant des pas de danse,
emprisonné dans le labyrinthe de son
quotidien obsessionnellement ordonné,
des individus dans des poubelles
recouvertes de terre, une femme «ordinaire» se préparant dans une salle de
bain, à ciel ouvert, à devenir une diva,
un beau moment chanté rappelant les
saltimbanques des rues d’antan… Et
puis une autre femme aux yeux bandés
qui, sous l’impulsion d’une musique
grinçante, avance pas à pas dans un
espace délimité par les bandes rouges
et blanches habituellement utilisées
sur les scènes de crime. Dans la douleur
de ses gestes, elle suit un parcours
chaotique jalonné de mots forts comOrnic'art © X-D.R.
me «liberty, démocracy, egality…» Des
mots sur lesquels elle piétine. Car ici,
sur ce territoire, les pancartes nous disent: «Vous n’êtes pas les bienvenus» !
Comment ne pas penser à ces hommes capturés lors de la rafle de Calais
quelques jours plutôt, qui au moment
de cette performance sont jugés indésirables par les tribunaux ?
Préavis de désordre urbain s’est
donc révélé amusant, incisif par moments, mais aurait gagné être plus
spontané. L’espace urbain, contraint par
la lourdeur des autorisations municipales obligatoires, peut-il être encore
un terrain de liberté ? Peut-on encore espérer du Désordre urbain, sans préavis?
Le travail performatif de Dominique
Gilliot consiste en une mise en scène
d’elle-même. C’est ainsi qu’elle
construit son œuvre, depuis qu’elle a
obtenu son diplôme aux Beaux-arts de
Cergy et son post-diplôme aux Beauxarts de Lyon. Le 3bisf à Aix en a donné
un aperçu au cours d’une performance
de 25 minutes, Encore un flou de
bougé, dont le postulat de départ était
de «construire un espace de 5 mètres
carrés à partir d’un point fixe, de
manière empirique.» Un «espace à la
fois contenu, complexe, mais pas
hermétique» dans lequel Dominique
Gilliot évolue, sans trop que l’on sache
vers quoi… Après avoir compressé la
matière dans «un effort vain» (des
oreillers blancs), transbahuté plusieurs
fois divers accessoires, projeté des
images en noir et blanc, demandé au
public de déménager de la salle de
spectacle à la salle d’exposition, et
retour ; après cet «exercice périlleux et
pas poétique du tout» comme elle le dit,
il reste en mémoire une gestuelle
minimaliste et des emphases discursives. Des choses sérieuses aussi
lorsqu’elle parle et chante en anglais,
ou qu’elle fait s’envoler une pluie de
flocons blancs devant une immense
carte postale du Vieux-Port. Sans acteur et avec une économie de moyens,
sa performance est cousue d’un fil
d’impertinence légère qui force l’attachement. Et l’admiration, puisqu’elle
vient juste de réaliser «un truc unique
en Europe, voire même dans l’hémisphère nord» !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Performance suivie
en avril/mai 2010
d’une installation/
performance,
Pour ta focale
inversée,
au 3bisf à Aix.
04 42 16 17 75
CLARISSE GUICHARD
Préavis de désordre urbain,
festival de la performance
a été vu du 23 au 28 septembre
2009 à Marseille
betonsalon
© Christelle Geronimi
Derrière les portes
L’association Andiamo a choisi de s’intéresser à l’entredeux de nos trajets quotidiens, à nos passages, en allant voir
derrière les enfilades de portes fermées au regard. Ainsi, il
y a 4 ans, elle crée, avec le concours des acteurs du quartier,
Les portes ouvertes Consolat qui permettent à la zone
Longchamp d’ouvrir ses entrailles au public et d’en favoriser
la REdécouverte avec une nouvelle grille de lecture, celle de
l’art. Le parcours habituellement emprunté par le passant
se transforme en une balade artistique, puisqu’une cinquantaine de lieux vous accueillent avec un verre pour vous faire
découvrir les œuvres, installations et performances des
artistes qu’ils ont hébergés. Moment agréable et, comme à
l’atelier Tarente ou encore dans ce lieu dédié à insertion
sociale, Résurgences. Le travail exposé est souvent insolite
comme le cabinet des curiosités de Céline Giordano,
poétique comme les Véhicules de Pierre Boucharda, ou
questionnant comme la vidéo de Tristan Favre qui dénonce
la politique du défaut volontaire des installations urbaines,
conçues pour éloigner les populations de la rue.
Dans un deuxième temps, la balade se fait plus participative,
les lieux invitant le flâneur à prendre part à des ateliers de
sérigraphie avec La DesignOthèque, de théâtre avec Les
Argonautes ou La Ferronnerie, de musique avec Le Local
ou encore à visionner des courts métrages de la jeune création arabe avec Aflam. Place Labadié, dans un village associatif
créé pour l’occasion, cette douce errance conduit à une
dégustation de mets délicieux préparés par La Kuisin et les
enfants tout en écoutant un meltin pot des émissions de
Radio Galère. Il est difficile de voir toutes les propositions!
Alors, en clôture du troisième jour, un repas de quartier est
proposé. On y remet un prix, celui de la meilleure chasse
aux trésors…
CLARISSE GUICHARD
Les portes ouvertes Consolat ont eu lieu
du 9 au 11 octobre à Marseille
32
ARTS VISUELS
ART-O-RAMA | ATELIERS D’ARTISTES
Positive attitude
Si Marseille Provence 2013 est clairement un horizon, il reste encore à
Art-O-Rama beaucoup de travail,
avant comme après : décider les
institutionnels à soutenir le fonctionnement de l’association et convaincre
de nouveaux mécènes. En attendant,
l’heure est à l’évaluation.
Gaïd Beaulieu et Jérôme Pantalacci,
cofondateurs du salon d’art contemporain, dressent un bilan positif de
la 3e édition, conscients de bâtir petit
à petit leur projet : «Chaque nouvelle
édition est un challenge. C’est aussi
l’occasion de nouvelles rencontres,
et le bouche-à-oreille finit par dépasser les frontières locales, puis
nationales et internationales.» Pour
preuve la fréquentation moyenne
journalière de 80 visiteurs qui, pendant les Journées du patrimoine, a
atteint la barre des 200, sans compter
les lycéens venus de Salon, les professionnels, la presse locale et nationale
spécialisée. Une augmentation due
à une meilleure visibilité de la manifestation, qui s’est associée avec le
Bauhaus Lab, Sextant et Plus et
Triangle : «Les collaborations sont
toujours plus riches et intéressantes
si elles se font dans un esprit de
partage et dans une bonne coordination. À nous de travailler dans ce
sens-là.» Regroupement efficace
qui a fait venir les professionnels :
pour la première fois, des représentants de la Délégation aux arts
plastiques, du Fonds national d’art
contemporain à Paris et du Frac
Languedoc-Roussillon ont fait le
déplacement.
Et les collectionneurs ? Si, comme
sur toutes les foires, les ventes ne
sont jamais garanties, 4 galeries sur
7 ont trouvé acquéreurs parmi les 44
collectionneurs venus de France, de
Belgique, de Norvège et de Suède,
auxquels il faut ajouter ceux de
Marseille et de la région. Ceux qui
n’ont pas acheté ont constaté
néanmoins «la qualité de la programmation et des échanges.»
D’ailleurs, souligne Art-O-Rama, «la
présence d’un collectionneur international membre du comité de
sélection de la foire LOPP a permis
à la N.O. Gallery de Milan et à la
galerie parisienne Objet de production d’être identifiées. Peut-être
participeront-elles à la prochaine
LOPP à Barcelone ?». L’avenir le
dira.
Hannes Vanseveren, Bankje, 2004. Bois, fer, beton, 400x100 cm.
Vue d'installation DamN'Art 2004, courtesy Hoet Bekaert Gallery, Gand
Emilie Perotto,
My Heart Belongs
to Daddy, 2008.
Bois medium,
micro-onde, neon,
prise electrique,
159x35x60 cm.
Exposition Retour
de Visite Ma Tente,
Marseille-Berlin,
200708, SMP,
Marseille
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
www.art-o-rama.fr
L’art en coulisse
Les Ouvertures d’ateliers d’artistes sont à l’amateur d’art ce que le marathon est au sportif !
Une manifestation qui permet de découvrir des lieux insolites et des laboratoires intimes,
au plus près de la création
Le jeu de piste imaginé par l’association Château
de Servières a rassemblé 102 personnages dans
31 ateliers. La partie s’est jouée en 3 jours avec
des amateurs d’art et de potentiels acquéreurs.
Pour la première fois, l’association a développé
un programme d’échanges avec le Portugal en
accueillant cinq artistes sélectionnés par Carlos
Alves. Une ouverture à l’Europe d’un excellent
niveau artistique.
Petite visite guidée «transfrontalière». Dans l’atelier de Lili Heller et de l’irlandais Ben Readman,
les sculptures en tissu de la portugaise Susana
Pires cohabitent harmonieusement alors même
qu’ils se connaissent à peine. «Parce qu’on a la
même manière de penser une œuvre d’art ou
d’aborder les questions de l’art» commente Lili
Heller en habituée de la manifestation, «c’est une
petite géographie dans notre agenda. Une manière
de montrer mon travail là où je crée et l’occasion
de créer des liens avec le quartier, de rencontrer
l’ébéniste ou le cafetier. Et ça marche !». Aller vers
l’autre : une posture commune aux 102 artistes,
caractéristique de l’opération et gage de son
succès. Tous ont besoin de ces échanges-là.
Même leitmotiv chez Frank Aslan qui a ouvert ses
portes à Pascal Martinez, Geoffroy Mathieu, Nin
Bek et Inés Beija Botelho, chacun boosté par
l’événement dans la production d’œuvres spécifiques : autoportraits pour Nin Bek, photographies
pour Pascal Martinez, tirages numériques pigmentaires pour Geoffroy Mathieu. Inés Beija
Botelho optant pour des croquis inédits, une vidéo
et un diaporama afin de rendre compte de ses
sculptures et installations monumentales. Rue
Thubaneau, Clémentine Carlsberg a transformé
son nouvel espace en galerie et réussi le dialogue
Vue de l'atelier de Pierre-Gilles Chaussonnet © X-D.R.
entre les sculptures aléatoires de Jérémy Laffon
et les vidéos de Susana Anagua. Au Panier, Mélanie
Terrier profitait de ses derniers jours dans son
atelier pour faire une mini-rétrospective et recevoir Catarina Patricio. Pas tout à fait une inconnue
puisque le duo s’est rencontré à la Biennale de
Tunis en 2008. Du coup, leurs œuvres respiraient
à l’unisson. Dernier petit tour chez Hervé Nahon
et Alain Brunet qui ont hébergé Moirika Reker
Gilberto Reis, et la partie est finie. Les Ouvertures
d’ateliers d’artistes n’ont jamais si bien porté leur
nom !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
11e édition des Ouvertures d’ateliers
d’artistes du 9 au 11 oct à Marseille.
Opération À Vendre du 14 au 18 oct
à la Galerie Montgrand (ESBAM).
CCI | MUSÉE CANTINI
ARTS VISUELS
33
Art en chambre
Visiblement ému ce vendredi 25 septembre, le
président du jury, Gérard Traquandi, a pointé le
nombre et la qualité croissants des candidatures
et l’ambition pour ce concours encore récent de
devenir un évènement majeur en région, en
dépassant même ses frontières. Les critères «d’originalité, d’esthétique, et d’innovation et de la
représentation plus ou moins abstraite, d’une
vision de l’économie territoriale» ont servi à
départager les candidats dont la variété des
propositions est exposée actuellement à la Bourse.
Sur les 14 artistes retenus après une première
présélection de 66 dossiers, les lauréats pour
cette édition 2009 sont Sylvie Reno, Laurent
Perbos et Lionel Scoccimaro. Certaines des ces
œuvres pourront être acquises, pour un montant
de 30 000 euros, afin de rejoindre la collection de
la CCI.
La culture est désormais appréhendée comme
un des vecteurs du développement économique.
Reste alors aux artistes à se demander comment
l’approche symbolique de l’art peut rendre compte
d’un territoire structuré par des impératifs que
sont l’économie, le sociétal, ou encore l’environ-
nement…? Que peuvent donc produire les artistes
de spécifique ? Les cartonnages de Sylvie Réno et
les tuyauteries de Laurent Perbos (qui a conçu
les séduisants Dragibus en verre soufflé) n’ont
pas semblé surprendre grand monde parmi les
curieux présents le soir de l’inauguration, et les
photographies de châteaux d’eau en morceaux de
sucre de Lionel Scoccimaro rappelaient trop vite
les séries minières du couple Becher. Mais peut
être l’art contemporain local trouve-t-il en ce lieu
une ouverture vers un public plus large ?
Toutefois la CCI exposait aussi du moins attendu:
en deux minutes et cinquante-deux secondes
tapantes, une vidéo syncopée au rythme de 15
photos/seconde sur le principe du stop and go,
nous entraîne dans une précipitation urbaine
(plutôt marseillaise) à la place d’un visiteur/
touriste/zappeur qui voudrait voir tout mais trop
vite. Son titre : 2’52. Les auteurs, Anne Barroil et
Marie-Anne Hauth, auraient pu arrêter le compteur à 2’13 ?
Symboliquement… pour Marseille 2013 !
CLAUDE LORIN
À partir de tuyaux d'arrosage, une des propositions de Laurent Perbos © C. Lorin
Les trois lauréats du 2e Concours Artistique organisé par la CCI de Marseille
Provence sont désormais connus. Comme pour l’année précédente, le Palais de
la Bourse expose les œuvres primées dans ses locaux de la Canebière
2e concours artistique de la CCIMP
Palis de la Bourse, Marseille
www.ccimp.com
Voir le théâtre en peinture
Au musée Cantini, De la
scène au tableau explore
les relations du théâtre et
de la peinture de JacquesLouis David à Gordon Craig
L’exposition explore les transformations esthétiques qui s’opèrent
du milieu du XVIIIe siècle à la fin du
XIXe en peinture dans son rapport
avec l’art dramatique, le théâtre
principalement et l’opéra. Sa réalisation a été rendue possible dans la
cité phocéenne grâce à la rencontre
de Guy Cogeval, actuel président du
musée d’Orsay et commissaire de
l’exposition, avec Marie-Paule Vial,
conservateur en chef des musées
de Marseille.
Passionnant par son sujet d’étude à l’origine les cours donnés par Guy
Cogeval à l’École du Louvre-, le projet
manque d’un zeste de théâtralité. Le
propos est illustré chronologiquement par une importante sélection
de peintures, dessins et quelques
(trop rares) maquettes : deux cent
pièces au total pour une exposition
d’envergure.
On commence avec le néoclassicisme (David, Girodet, Pierre-Narcisse
Guérin) en passant par le style Trou-
badour (Ingres, Delaroche), le
romantisme (Delacroix, Hayez), le
réalisme (Daumier, Degas), le
symbolisme (Moreau), les Nabis
(Vuillard, Bonnard) jusqu’à la rupture prononcée par Appia et Craig.
Un parcours linéaire malgré le soin
apporté à la scénographie (l’envers
de certaines cimaises se laisse
montrer comme au théâtre, des
effets de découpe en perspective),
mais de surprenantes représentations où l’emphase le dispute au
mélodrame (Les Enfants d’Edouard
de P. Delaroche), le surdimensionnement des formats à la dramaturgie
exacerbée (Saint Jean Chrysostome
et l’Impératrice Eudoxie de J.-P.
Laurens), les gestuelles outrées des
sentiments humains (Le Roi Lear
pleurant sur le cadavre de Cordélia
par J. Barry) : depuis Poussin, le théâtre des passions se pare de peinture
pour opérer la catharsis chère à
Aristote.
L’exposition est aussi l’occasion de
Lady Macbeth somnambule, 1772, Johann Heinrich Füssli, Londres, The British Museum
© The Trustees of the British Museum, Plume, encre grise, aquarelle grise et graphite 30,7 x 43,2 cm
voir rassemblées des œuvres disséminées dans le monde ou peu
visibles comme les dessins ou les
aquarelles de Füssli, William Blake,
Appia, par ailleurs emblématiques
comme la Sortie du bal masqué de
Gérôme.
En 1904, le théoricien et initiateur de
la scénographie moderne, Adolphe
Appia, déclarait péremptoire :
«Notre mise en scène est toute entière esclave de la peinture qui a la
prétention de nous donner l’illusion
de la réalité.» Avec Edward Gordon
Craig, il actait la fin d’une conception classique de la mise en scène
qui prévalait depuis plus d’un siècle.
C’est avec leurs ébauches radicales
en faveur d’une scénographie révolutionnaire que se clôt l’exposition.
Comme on aurait aimé connaître la
suite !
CLAUDE LORIN
De la scène au tableau
jusqu’au 3 janvier
Musée Cantini
Catalogue : voir p 70
Rencontre Peinture et théâtre
Le 12 déc à 16 h
La Criée
0 810 813 813
www.marseille.fr
34
ARTS VISUELS
MUSEON ARLATEN | GALERIE LA NON-MAISON
Fête avant travaux
Car le Museon Arlaten va vivre un
moment clef de son histoire, évoluant du musée ethnographique du
XIXe siècle au musée de société du
début du XXIe siècle ! Ce qui
représente un chantier colossal :
restauration du monument historique (Hôtel de Laval-Castellane et
chapelle des Jésuites), augmentation des surfaces du musée,
élaboration d’un nouveau parcours
d’exposition, consolidation et restauration des collections. Soit quelque
30 000 objets qui s’apprêtent à faire
le grand saut entre le musée et le
futur Centre d’étude, de restauration
et de conservation des œuvres dont
la réalisation a été confiée au cabinet d’architectes Anne Lévy et
Nicolas Magnan. Livré fin 2010 sur
le site des anciens ateliers Sncf
d’Arles, à l’atelier des roues, le
CERCO accueillera à terme les fonds
non exposés. En attendant, place à
la fête du renouveau et aux activités
hors les murs qui continuent…
Museon Arlaten,
cliché de S. Normand
Musée à Rénover
24 et 25 octobre
Accès gratuit à l’ensemble
de la manifestation dans la limite
des places disponibles
Museon Arlaten, Arles
www.museonarlaten.fr
Museon Arlaten, cliché de S. Normand
À l’heure où le Museon Arlaten,
musée départemental créé à la fin
du XIXe siècle par Frédéric Mistral,
s’apprête à fermer ses portes jusqu’en 2014 pour «se refaire une
jeunesse», il organise un week-end
festif de fermeture samedi 24 et
dimanche 25 octobre. Un événement volontairement convivial pour
la conservation qui souhaite «ne pas
mettre la clef sous la porte sans rien
dire et redonner toute la splendeur
d’antan au musée.» Tous les compagnons de route seront là pour offrir
un programme d’activités éclectiques conçu «pour tous les goûts,
tous les âges et toutes les envies» :
interludes dansants, concerts, conte,
visites intimes, crieur public, promenade poétique, jeux… Des temps de
discussion-rencontre avec les équipes du musée seront même prévus
afin que les habitants puissent
s’approprier le projet. Bref, cette
balade ultime dans la configuration
actuelle du musée permettra au
public, pour la première fois, de
pénétrer les coulisses, et plus
largement de comprendre la rénovation ainsi que les nouveaux enjeux
muséographiques d’un musée en
métamorphose.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Pile ou face
À Aix, la Non-Maison va jusqu’au
bout d’un Non-Projet avec une NonExposition : La Pile, performance
artistique de Bruno Peinado, «l’un
des jeunes artistes français qui
représentent la France à l’étranger»
et Bernard Marcadé, critique d’art
et commissaire d’exposition. Et un
Non-Vernissage le 15 octobre d’une
exposition virtuelle : en lieu et place
d’une œuvre qui ne sera jamais
matérialisée, une pile de la revue
Semaine traitant de la durée sera
empilée. Car la disparition, l’omission et l’oubli sont au cœur de ce
projet, ou plutôt à l’origine. Bruno
Peinado avait déjà proposé à la NonMaison, en 2008, un nouveau projet
artistique : l’installation de météorites en métal écrasées au sol de la
galerie, quitte à le briser. Une idée
périlleuse et audacieuse pour Michèle
Cohen quelques mois à peine après
l’ouverture ! Mais, de commande
publique non aboutie en volatilisation de partenaires institutionnels, la
météorite est restée en suspens…
C’était sans compter sur la pugnacité
de Michèle Cohen, le compagnonnage de Bernard Marcadé, et la
volonté de Bruno Peinado de poursuivre sa réflexion sur les fractures,
la faille, le chaos : La Pile voit le jour,
transcendant de manière virtuelle la
mort annoncée d’un projet. La
météorite ne parvient pas à
s’incarner ? La Pile atteste de sa
Non-Existence ! Avec un numéro
spécial de Semaine conçu comme
un témoignage sur les aléas d’une
installation, et la difficulté à jeter des
passerelles entre public et privé.
D’un projet jeté aux oubliettes,
Bruno Peinado et Bernard Marcadié
ont fait une expérience totale, le
premier enveloppant de brouillard
ses météorites de papier tristement
grises (pour le coup quasi invisibles
dans la revue), le second retrouvant
Michèle Cohen après vingt ans
d’absence pour écrire sur cet acte
manqué. Comme pour conjurer le
sort.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Semaine est une revue
hebdomadaire pour l’art
contemporain, publiée et diffusée
par Analogues, Arles.
La Pile
Bruno Peinado
et Bernard Marcadé
Galerie la Non Maison,
Aix-en-Provence
du 15 octobre au 10 janvier 2010
06 24 03 39 31
www.lanonmaison.com
06 24 03 39 31
Dessins du projet de Bruno Peinado
Les trois princes de Serendip,
partition pour un accident qui ne s'est pas
encore realisé à La Non-Maison ...
36
ARTS VISUELS
NÎMES | AVIGNON
Pas de foire sans casser d’e
Pour sa 10e édition la foire d’art contemporain de Nîmes subit quelques liftings.
Que gagne-t-on au change ?
Cette année 2009 a vu la conversion de la foire
d’art contemporain ArtéNîm en ArtNîm comme
une promesse de renouvellement. En fait peu de
changements notables. L’équipe de base restructurée, exit le précédent directeur artistique
(et initiateur du projet) Didier Vesse remplacé par
Philippe Saule. La formule reste peu ou prou
identique : un corpus de galeries professionnelles
complété de structures non commerciales,
associatives, écoles d’art, artothèque, éditeurs,
rencontres et débats, et une exposition thématique dont les œuvres n’étaient pas à la vente.
L’ensemble reste hétérogène et manque de
lisibilité pour le visiteur. Et celui-ci avait relativement peu à se mettre dans l’œil : une petite
vingtaine de galeries, l’exposition Tempéraments,
et les autres participants n’ont pas suffi à remplir
la jauge de la halle. Les galeries historiques et/ou
de premier plan, présentes aux éditions précédentes manquaient aussi à l’appel.
Une Foire d’art reste un évènement commercial
dont les règles doivent être claires pour tous. Or,
dans un espace dédié au commerce de l’art où les
9m2 de stand coûtent 1800 euros, quel rôle est
donné aux structures non commerciales ? Le
salon manquait aussi d’exigence dans la sélection
(banalité naïve), de rigueur dans l’accrochage (pots
de fleurs en plastique pour décor), de finition des
structures de présentation…
SParK - Summer Time, TMI Toile, 150x150 cm.
Galerie Bertheas - Les Tournesols
Jean-Luc Blanchet, Mister Flower, 2009,
laque glycero noir brillant et gel irridescent sur toile, 200x200 cm.
Exposition Temperaments, peinture contemporaine en France
On le sait, ce genre de foire repose sur un paradoxe : ne pas être seulement un espace marchand
mais un lieu questionnant et prospectif, représentatif des richesses locales en même temps
tourné vers d’autres rives, constitue toujours la
quadrature du cercle ! Pourtant cette édition 2009
avait de bons atouts avec les galeries Pannetier,
Couturier ou Negpos, une exposition militant en
faveur de la jeune peinture, un débat qui s’an-
nonçait vivace entre Claude Viallat et Fred Forest
(malheureusement absent pour raison de santé)!
ArtNîm a peut être joué de malchance… disons
que 2009 est une année de transition !
CLAUDE LORIN
www.artnim.com
En veux-tu, on voit là !
Le Parcours de l’Art assoit sa place
incontournable dans les évènements
artistiques avignonnais, avec une 15e
édition développée désormais sur trois
semaines. Max Charvolen en est l’invité d’honneur
Si la cité des papes a réussi à «créer une proximité entre l’artiste, l’œuvre et le public» c’est
aussi grâce au Parcours de l’Art. Là où Jean Vilar
avait lancé la démocratisation du théâtre quelques décennies auparavant, les arts plastiques
ont désormais leur rendez-vous de rentrée.
La synergie entre les partenaires historiques
publics et privés, institutionnels et associatifs, la
fidélité du monde de l’entreprise à travers le Club
des Trente (pour le catalogue) entre autres,
confortent le travail d’une association et de sa
présidente et responsable artistique, Christiane
Ponçon, et confirment la maturation d’un projet
porté de longue date.
Une des nouveautés de cette édition 2009 est la
première résidence d’artiste dont a bénéficié Max
Charvolen en juillet dont la restitution est exposée
au Cloître Saint-Louis avec des pièces plus
anciennes. Un petit catalogue édité par La Fabrique Sensible retrace cette expérience in situ.
Dans les mêmes murs, l’exposition collective
inaugurale a ouvert cette édition prometteuse et
riche d’évènements -dont plusieurs conférencessur la problématique l’œuvre et le lieu.
Paradoxalement, on rencontre peu d’œuvres
tridimensionnelles, sculptures ou installations
(Caroline Avias, Lydia Rump, Julie Monnet…) alors
que les autres médiums recouvrent des formes
assez traditionnelles aussi singulières parfois : les
grandes topographies abstraites d’Anna Baranek,
les oculi humides et troubles de Jean Arnaud, les
graphies intemporelles d’Alexis Di Maggio. Il est
un peu dommage que cette thématique ouverte
n’ait pas été abordée avec plus d’audace et
suscité plus de projets aventureux : œuvres
éphémères ou incitant au temps de l’expérience,
de l’évènementialité, ou de décontextualisation…
Mais la surprise peut surgir des cimaises de la
trentaine
de
lieux
associés,
jusqu’à
Châteaurenard : il faut parcourir !
CLAUDE LORIN
15e Parcours de l’Art
jusqu’au 24 octobre
divers lieux
www.parcoursdelart.com
en premier plan Equilibre de Lydia Rump,
sur le mur Giverny, Givenchy de Caroline Avias. © C.Lorin
MIRAMAS | CHÂTEAUNEUF-LE-ROUGE
ARTS VISUELS
37
Qui est Rose ?
Dernier volet du projet Athanor hors les murs : montrer à la Médiathèque Intercommunale de Miramas
les vidéos de Gilles Constancin, dont une création-fiction à propos d’une certaine Rose
Galerie historique pour l’art contemporain à
Marseille, Athanor a baissé le rideau en juin de
cette année. Mais Jean-Pierre Alis continue son
combat avec des projets hors les murs via un
partenariat avec le Pôle Arts Visuels Ouest
Provence. Après les expositions Un peu plus à
l’ouest (Pascale Robert, Alain Domagala,
Matthieu Montchamp) au CAC d’Istres et Claude
Viallat à la médiathèque de Miramas, celle-ci clôt
le cycle par une programmation ambitieuse : la
projection de cinq œuvres du vidéaste Gilles
Constancin dont une commande inédite, deux
rencontres à ne pas manquer les 20 et 22 octobre
(voir p 65), ainsi que des ateliers de médiation.
Quoi que ce soit (2009) s’appuie sur le texte de
Gertrude Stein Le monde est rond (1939), mais
développe sa propre fiction sur un grand écran
panoramique transparent. Une histoire sans
véritables début ni fin où ce que nous voyons n’est
pas tout à fait ce que nous voyons, ni croyons en
comprendre. Comme dans Brume (2004) et 21
plumes (2005-2007), Gilles Constancin joue avec
intervient une bande son, composée d’un leitmotiv
musical et d’une ritournelle enfantine. Une voix
de fillette parle des yeux bleus de Rose, s’interroge sur la valeur existentielle des choses, du
monde, de soi, d’elle-même. «A rose is a rose is
a rose» déclamait le poème de Gertrude Stein.
CLAUDE LORIN
Le monde et Rose
jusqu’au 7 novembre
Médiathèque Intercommunale Ouest Provence
04 90 58 53 53
www.mediathequeouestprovence.fr
21 plumes, Gilles Constancin
d’infimes flottements temporels et troubles
visuels obtenus pas de discrètes manipulations
numériques. Les espaces interfèrent en terre et
mer, les couleurs plus actives que dans ses
réalisations
monochromes
précédentes
(fluorescences), agissent entre réalité patente et
déréalisation poétique. Pour une première fois
Tentatives de récupération
Ne jetez plus, triez ! Ne brûlez pas,
ça pollue ! Valorisez vos déchets,
c’est de l’art ! Arteum compose
un tri sélectif de l’art de la récup’
et du réemploi
Déchet ou ressource ? Les treize artistes réunis
par Pierre Vallauri et Christiane Courbon ont
formellement choisi de faire du rebut ou des
matériaux dérisoires le terreau de leur œuvre.
Hétérogénéité oblige, ces démarches de réemploi
pourraient se regrouper autour de deux types
principaux : l’élaboration de figurations/narrations d’une part, la construction de formes plus
symboliques ou abstraites d’autre part. Chez les
premiers nous retrouvons les figures bien connues de Louis Pons et Jean-Jacques Ceccarelli
(un de ces Rond-point pourrait remplacer le
monument de la place Castellane ?), les assemblages fantasques de Brice Mathey ou les farfadets
Brice Mathey, Le grand Marseille © C.Lorin
facétieux de Pétra Werlé faits d’ailes, de mues et
carapaces d’insectes, d’algues, plumes, mie de
pain et fleurs séchées.
Plus inquiétants sont les gnomes en réassemblage de restes de squelettes animaux de Sabrina
Gruss. Marie Morel accumule des saynètes
amour/hard en de grands panneaux bleutés, les
barlus d’Armand Avril théâtralisent des bois
flottés en scénographies primitives. Plus engagé
sur notre humanité, Jean-Baptiste Audat retourne le contenu des journaux, stratifie les bouquins
de poche en mobiliers inertes. Jeanne Gérardin
transmute les rubans d’étoffe en sen-suels objets
organiques colorés tandis qu’Odon tresse toujours ses réseaux filamenteux à base de kraft
teinté.
Le sens des choses devient plus énigmatique
lorsque Alain Joriot affuble de titres improbables
les débris de machines (La virée tzigane). Les
fragments travaillés avec économie par Jean
Berthet rapprochent l’objet du signe. L’œuvre
s’épure… Des chutes de métal, Jean-François
Coadou conçoit des structures tridimensionnelles
et abstraites (Equation N°21, Inconnue N°12) pour
laisser voir, paradoxe ultime, le rebut d’acier,
rouillé et verni, se dématérialiser. Le déchet absolu.
CLAUDE LORIN
La Beauté des restes
jusqu’au 28 novembre
Arteum , Châteauneuf-le-Rouge
04 42 58 61 53
www.mac-arteum.net
38
ARTS VISUELS
AU PROGRAMME
Collection sentimentale. Marseille est la troisième étape
d’un Voyage sentimental conçu à l’occasion de la manifestation nationale
Collections d’automne, fenêtre ouverte sur les collections des fonds
régionaux d’art contemporain qui circulent. À Marseille, la référence
à l’ouvrage de Laurence Sterne, A sentimental Journey Through France
and Italy (1768), détermine le choix des pièces -photos et vidéos pour
la plupart- et offre à ce voyage sentimental une tonalité particulière,
à la fois mélancolique et rêveur. Comme un vagabondage en boucle. M.G.-G.
Voyage sentimental 3
jusqu’au 12 décembre
Frac et Ancien Presbytère, Marseille
04 91 91 27 55
Lucien Pelen, Saut à la corde, 2003 - collection FRAC Languedoc-Roussillon
Paris Match en Seyne. Place aux scoops, aux photos dérobées, aux
célébrités, aux petits et grands événements de notre histoire depuis 1949.
Après avoir consacré ses premières éditions à l’eau, l’air, le feu, la terre ;
après avoir salué le travail d’un photographe du Var, Franck Horvat, voici
que le festival international de photographie L’Œil en Seyne se «peopolise»
lui aussi… Grâce à l’un des médias les plus reconnus de la planète, Paris
Match, témoin de premier plan des mouvements du monde. L’exposition
condense ainsi 60 années de la vie du magazine, 60 années de notre vie
«où l’émerveillement le dispute au tragique.» M.G.-G.
Les 60 ans de Paris Match
Villa Tamaris centre d’art, La Seyne sur Mer (83)
jusqu’au 26 octobre
04 94 06 84 00
Dans l’atelier des Gobelins,
le peintre Marc CHAGALL peint
sur la toile déroulée la composition
qui ornera le plafond de la coupole
du Palais Garnier à Paris.
Janvier 1964
© Izis Bidermanas/
Archives Paris Match
De chair et d’encre. «On ne peut échapper à sa condition… humaine» écrit Alix Paj à propos
de ses dernières productions exposées à l’Espace Écureuil, témoins du renouvellement
de sa pratique. Des encres de chine sur acétate et PVC travaillées par effacement,
de la matière fluide, en mouvement, où affleurent à la surface des êtres de chair et d’encre.
Des visages aux yeux d’une fixité si effrayante que les ombres du passé semblent planer sur eux.
M.G.-G.
Alix Paj,
Fondation
Espace Ecureuil
Alix Paj
Du 18 novembre au 4 décembre
Espace Écureuil, Marseille
04 91 57 26 45
Les gueules cassées. Pour sa nouvelle exposition à la galerie Anna-Tschopp, Alain Crocq réunit
des «gueules cassées» peintes entre 2008 et 2009. «Des accidentés de la vie qui portent en eux
les cicatrices de peines intériorisées, les stigmates d’une vie fracturée par les séparations, les rêves
brisés, les déceptions» comme l’écrit avec justesse Yves Gnaegy, directeur de la galerie.
Plus dépouillées que jamais, ces œuvres n’ont rien perdu de leur force, au contraire,
toujours si promptes à révéler l’indicible, ce qui se cache au fond des êtres.
Des êtres en perdition, comme tous ceux qui retiennent l’attention de l’artiste,
par ailleurs clinicien et fin observateur de l’âme humaine. M.G.-G.
Alain Crocq
jusqu’au 31 octobre
Galerie Anna-Tschopp, Marseille
04 91 37 70 67
Alain Crocq, Les gueules cassées, acrylique sur toile
39
La peau paysage. Figure majeure de l’art vidéo, Thierry Kuntzel,
disparu trop tôt en 2007, a laissé une œuvre fondamentale pour
l’expérience esthétique des nouveaux médias. Grâce à Instants Vidéo
et au Mac/Val, nous pourrons (re)voir La Peau, une de ses dernières
installations. Plusieurs rencontres dont celle avec son assistante
Corinne Castel le 17 oct et les projections d’anciennes bandes vidéos
sont annoncées. C.L.
La Peau
Hommage à Thierry Kuntzel
jusqu’au 7 novembre
La Compagnie
www.la-compagnie.org
Le projecteur Photomobile
Rencontre avec l’artiste à 17h le 7 nov, peu avant le vernissage.
Gap 05
Michel Vanden Eeckhoudt
du 10 novembre au 19 décembre
Galerie du théâtre de La passerelle
04 92 52 52 58
Dominique Angel, Pièces supplémentaires
Michel Vanden Eeckhoudt, Gap 2009
Petits riens importants. Gap 05 de Michel Vanden Eeckhoudt clôt la saison d’expositions
de la galerie du théâtre de La passerelle suite à résidence d’artiste. Un de ses sujets de prédilection
a été les chiens et d’autres animaux, les petits riens des gens aussi.
À Gap il a vu les cochons avant l’abattage et rencontré au hasard les habitants,
remarqué un tatouage sur un dos décolleté, les tas de neige… C.L.
Pratiques croisées. Sous le titre générique Pièces supplémentaires, Dominique Angel développe
un ambitieux projet dans le cadre des actions Hors les murs du Frac Paca. Résidence, expositions,
performance, vidéos, écritures, œuvres in situ, ateliers scolaires se déroulent entre Villeneuve-lezAvignon (Chartreuse, Tour Philippe le Bel), Tarascon (Cloître des Cordeliers, Château Royal) et
Avignon. Une publication sera coproduite par L’Agence Alternative et les éditions Analogues.
Pièces supplémentaires
jusqu’au 30 décembre
www. fracpaca.org
© Agnès Mellon
L’Inde et le reste. Notre collaboratrice Agnès Mellon, photographe
lyrique, expose ses photos indiennes au Centre Julien, à Marseille.
L’occasion de découvrir son regard de voyageuse, libérée des lumières
des salles de spectacles… Photographe de l’Ensemble Télémaque,
elle exposera également ce qu’elle a attrapé de leur histoire… pour fêter
leurs 15 ans, à la Cité de la musique, à partir du 21 nov. A.F.
L’Inde d’Agnès Mellon
Centre Julien
Jusqu’au 30 oct
http://photographe-agnesmellon.blogspot.com
40
CINÉMA
IMAGE DE VILLE | VIDÉOCHRONIQUES
L’écran noir des nuits urbaines
Du 13 au 17 novembre, à Aix-en-Provence, Image de ville fera son cinéma,
consacré cette année à la nuit, aux lumières nocturnes de l’espace urbain
Image de Ville propose donc des rencontres avec des
professionnels du 7e art, Toni d’Angelo, Richard Copans,
Michel Kammoun, cinéastes ; Willy Kurant, directeur
de la photo, ainsi que des éclairagistes, critiques,
plasticiens, des architectes, des géographes… Un hommage sera rendu à Henri Alekan, l’un des plus grands
directeurs français de la photo. Et des films seront
projetés : une nuit du film noir au Renoir un vendredi
13... Le 14, à la salle Armand Lunel, l’accompagnement
en live du film de Karl Grune, La Rue, par Nicolas
Errera qui a composé aussi la musique de Nocturna, la
nuit magique, de Victor Maldonado et Adrian Garcia,
proposé l’après-midi du 15 en présence de Victor
Maldonado. Et ce même jour à 20h30, en avant-première, au cinéma Mazarin, Padre nuestro de Christopher
Zalla, Grand prix du Jury au Sundance Festival 2007.
Image de ville a invité le FID Marseille qui présentera
une sélection de documentaires. On parlera aussi des
villes méditerranéennes, Beyrouth, Naples, Tel-Aviv à
partir de trois regards sur la nuit urbaine en Méditerranée avec Falafel, de Michel Kammoun ; Una notte,
de Toni d’Angelo et Frozen days de Danny Lerner.
Et aussi pour la première fois, plus de 300 films
documentaires en accès direct, issus des éditions précédentes.
Alors, c’est quoi la nuit pour vous ?
ANNIE GAVA
Image de Ville
04 4 42 63 45 09
www.imagedeville.org
Padre Nuestro
de Christopher Zalla
Machinations anachroniques
chroniques réussit son virage : les visiteurs
viennent en nombre découvrir l’exposition
Machination qui réunit douze artistes autour
d’une figure-symbole de la modernité : la
machine, cet obscur objet à la fois libérateur et
aliénant qui représente la perfection tout
autant que la faille. Machines, machinesactions, machinations : le territoire est vaste,
les réponses plastiques variées. Des canettes
de bière de Laurent Terras transformées en
bolides volants à la Porsche customisée par
Frédéric Vaësen, de la sculpture Morphogène
de Richard Baquié à la performance «aéropoétique» de Raphaël Zarka et Vincent
Lamoureux, Machination rassemble des
œuvres constitutives d’une pensée ambiguë
face à la machine. Amie ou ennemie de la
création ? De l’homme ? Emmanuelle Bentz
enchâsse la machinerie de son Distributeur
aléatoire dans une cabane en bois, Cyrille. C
de Laleu met à mal l’origine du monde par
calembour visuel interposé et dispositif vidéo.
Plus cynique, Christoph Draeger dénonce
dans TWA 900, III le morcellement et
Vue de l'exposition Machination, videochroniques © Frederic Gillet
la manipulation de l’image
médiatique, la surinformation, la
théâtralisation de la catastrophe.
Une machination à l’échelle planétaire comme l’avait dénoncé en
son temps un certain Orson Welles.
Il y a du challenge dans l’air. En quittant la
Friche pour le Panier, Vidéochroniques fait un
bond en avant et gagne en visibilité. L’équipe a
transformé l’ancienne menuiserie délabrée en
galerie, avec bancs de montage et bureau, et
la proximité des ateliers de Lorette audessus, de Red district et de la Vieille Charité
à quelques pas crée une cohésion qui a du
sens. D’autant que Vidéochroniques a repensé
sa ligne éditoriale pour s’ouvrir sur le quartier
et amplifier son projet : réalisation d’expositions liées à l’image mobile et immobile,
résidence d’artistes auxquels l‘association
apporte expertise technique et artistique,
ouverture d’un centre de documentation.
Projet financièrement utopique malgré un
fonds de 1500 œuvres vidéo, cinéma expérimental et portraits d’artistes ! En effet, si la
première tranche de réhabilitation a été prise
en charge par la Ville de Marseille, ce sont les
bénévoles qui ont maçonné la transformation
finale…
Pour sa première réalisation in situ, Vidéo-
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Machination
jusqu’au 7 novembre
Vidéochroniques
09 60 44 25 58
0
°
N
du 15/10/09 au 19/11/09 | un gratuit qui se lit
]
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R
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°
Édito
Qui ose encore rêver d’un avenir meilleur ? Les
parents, les éducateurs, s’ils n’en sont assurés, se
doivent d’y croire.
L’accès des jeunes à la culture est crucial pour
notre avenir, et notre présent. Dès son lancement,
Zibeline a ouvert ses pages à cette question en
se penchant sur les propositions jeune public, et
en traitant de l’éducation artistique. Aujourd’hui,
Zibeline crée un supplément mensuel publié en
cahier central, Zibeline Éducation et Jeunesse,
pour prolonger cette démarche. Car nous voulons
réfléchir ensemble, parents, jeunes, artistes,
professionnels de la culture et de l’éducation, sur
ce que nous voulons transmettre.
Les enfants et les jeunes sont victimes d’une
société de consommation qui les prend
agressivement pour cibles. Le milieu artistique se
laisse parfois aller à les traiter comme des clients,
mais souvent lutte contre le formatage imposé de
leurs désirs. Zibeline Éducation et Jeunesse veut
aider à construire le sens critique des enfants, qui
seul leur permettra de faire leurs choix librement.
Projet ambitieux, mais justement, Zibeline veut
croire en un avenir meilleur…
Nous nous ferons donc l’écho de l’actualité
artistique et culturelle destinée au jeune public et
aux adolescents dans notre région, en informant
des activités proposées, et en poursuivant nos
chroniques spectacles, littérature, disques… Nous
amplifierons notamment notre réflexion sur les
écritures contemporaines pour la jeunesse, la
culture scientifique, l’éducation artistique, la
transmission du patrimoine. Le tout ponctué, au
gré de l’actualité, de dossiers thématiques, de
rencontres, de portraits, et de paroles critiques
d’adolescents et d’enseignants : l’éducation ne se
fait pas sans eux.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI ET AGNÈS FRESCHEL
MOMAIX
Durant deux mois le festival Mômaix
fait souffler sur Aix-en-Provence un
vent de jeunesse et une pluie de
spectacles et d’animations. Pas moins
de sept structures conjuguent leurs
énergies autour du Théâtre Vitez,
initiateur du festival, pour rassembler
un public intergénérationnel réceptif à
cette programmation éclectique de
qualité.
Au Pavillon noir, quelques pas de
danse avec une pièce très visuelle
d’Alwin Nikolais, The Crystal and the
Sphere (du 15 au 17/10), et le hip hop
inventif de l’une des figures du
mouvement marseillais, Miguel
Nosibor (les 4 et 5/11). Le tout
accompagné de projections vidéo sur
l’univers artistique du chorégraphe
américain et d’une rencontre avec
Miguel Nosibor, car le festival étoffe
son offre de spectacles d’une
farandole d’actions qui favorisent les
liens du jeune public avec la création.
De la danse encore, mais au Grand
théâtre de Provence, où Josette Baïz
et le Groupe Grenade redonnent vie au
héros du célèbre roman de Charles
Dickens, Oliver Twist. Le Grand théâtre
de Provence, décidément très enclin à
la famille, reçoit Victoria Chaplin et
Jean-Baptiste Thierrée dans Le Cirque
invisible (24 et 25/10) et fait entendre
l’Orchestre français des jeunes baroque dirigé par Paul Agnew (le 3/11).
Les trois coups du théâtre sonnent aux
Ateliers qui poursuivent leur saison
Lecture Plus, conte des Balkans,
parenthèse de lecture, d’improvisation
et de découverte du plateau (les 14, 28
et 29/10, 3, 4 et 18/11…). Au théâtre
du Jeu de paume également, avec le
conte de Charles Perrault Peau d’âne
revisité par Caroline Ruiz (les 6 et
7/11) et Jojo le récidiviste du metteur
en scène Joël Jouanneau, toujours
fidèle à Aix. Qui pourrait oublier Mamie
Ouate en Papôasie joué ici même ?…
Au théâtre Antoine Vitez bien sûr,
riche en rendez-vous : Christian
Carrignon et son Théâtre de cuisine
s’embarquent dans une odyssée très
particulière (le 3/11), puis Danielle Bré
écrit une fugue théâtrale cubiste pour
Pablo Picasso (Des Papis dans la tête)
tandis que la compagnie Arketal
voyage dans le temps avec les mots de
Jean Cagnard (À demain ou la route des
six ciels).
Le théâtre musical n’est pas en reste
avec un nouveau venu dans Mômaix,
Théâtre & chansons, qui s’adresse
aux petits bonhommes (Pilou et les
cailloux de Karine Boucherie et David
ÉVÉNEMENT
III
The Crystal and the Sphere © Fred Hayes
En piste
pour Mômaix
Flick les 24 et 31/10) comme aux
«grands» de 10 ans initiés à la poésie
de Rimbaud mise en musique par
Isabelle Bloch-Delahaie (Et toi tu
marcheras dans le soleil…). Quelques
notes à peine séparent le théâtre
musical de la musique grâce aux
Concerts d’Aix qui, pour leur premier
festival, font le grand écart entre le
rock énergique du groupe Zut et
l’opéra-conte Cendrillons mis en scène
par Julien Di Tommaso d’après Perrault
et Grimm. Le tour de piste continuera
au 3bisf en compagnie de Skappa et
son spectacle 10 millions de Km2,
évocation de l’autre et de l’ailleurs.
Plus que jamais cette année, Mômaix
est une invitation à partager la culture
en famille !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
À demain ou la route des six ciels © Brigitte Pougeoise
Mômaix
du 14 octobre au 16 décembre
04 42 91 99 19
www.mairie-aixenprovence.fr/
-Momaix-
IV
SPECTACLES
MASSALIA | GYMNASE | JEU DE PAUME | PAVILLON NOIR
Incontournable Massalia !
À l’image de Philippe Foulquié, directeur du théâtre
Massalia, nous aurons le goût de la «prise de risques» en
partant à la découverte de deux créations : Mère/fille par la
compagnie Anteprima (20-24 oct) et La Puce de neige des
Buchinger’s boot marionnettes (3-4 nov). Deux univers
diamétralement opposés : le premier intimiste consacré au
dialogue d’une mère, en pleine de crise de la quarantaine,
avec sa fille préadolescente qui cherche sa place à l’école,
et plus largement dans une société de performances et de
compétitions. Le second, un opéra fantastique de
marionnettes où le héros, le petit insecte Keruguq, est
pourchassé par un baron machiavélique. Quand Mère/fille
situe son action dans l’espace clos et protégé d’une salle
de bains pour évoquer la peur de grandir et de vieillir, La
Puce de neige mêle science-fiction, anomalies géophysiques
et mythologie de l’Âge de pierre dans le décor du Grand
Nord.
Entre ces deux propositions, la compagnie Clandestine
présente un petit bijou visuel, C’est pas pareil (24-30 oct),
réalisé avec les techniques du Kirigami (papier découpé) et
du pop-up. À la table de jeu, savamment mise en lumière, les
mécanismes de papier et les personnages manipulés par
Ester Bichucher en disent long sur les relations humaines,
les différences, la norme et la marginalité. Dans un tout autre
registre encore, le Sagliocco Ensemble de Norvège donne
une conférence-théâtre sur… la place du chien dans l’histoire
de l’art ! Poétique et délirant, Wouaf ! Art (10-13 nov) est une
invitation à regarder autrement Picasso, Renoir ou Seurat.
Quatre rendez-vous donc, pour réfléchir, voyager, rêver
et apprendre.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Mère/fille, Cie
Anteprima
À partir de 11 ans
À l’occasion de
la publication du texte chez
Actes Sud-Papiers, rencontre
avec l’auteur Laura Forti
jeudi 22 octobre à 17h
à l’Institut culturel italien.
C’est pas pareil, Cie Clandestine
À partir de 3 ans
La Puce de neige, Buchinger’s boots
marionnettes
À partir de 8 ans
Wouaf ! Art, Sagliocco Ensemble
À partir de 6 ans
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
Sans histoires
J’aime tes biceps
Ils sont rares les spectacles abstraits
qui s’adressent au jeune public.
Pourtant, même si les enfants aiment
les histoires, ils sont fans d’effets
féériques… Les 10 danseurs qui
reprennent le répertoire d’Alwin
Nikolais, chorégraphe américain qui
révolutionna la danse contemporaine
en y introduisant la notion d’illusion,
leur fera pousser des cris d’admiration.
Sa magie tout en transparence et
lumières colorées est d’une fluidité
fascinante…
Le trio coloré et enfantin de Kéléménis
tourne un peu partout depuis sa
création, et s’arrête à Marseille au
Gymnase. La pièce, ludique, amusante,
joue sur l’amusement des corps. À
bouger, à changer, à s’amuser
ensemble, mais surtout à s’attirer. Car
il est question de désir dans ce joli trio,
et pour une fois la belle ne choisit pas
le gentil, mais le costaud…
The crystal and the sphere
Alwin Nikolais
Danse à partir de 5 ans
Du 15 au 17 oct
(10h, 14h, 17h et/ou19h)
Pavillon Noir, Aix
04 42 93 48 00
www.preljocaj.org
L’Amoureuse de Monsieur Muscle
Michel Kéléménis
Danse à partir de 4 ans
Les 17 et 19 nov
Théâtre du Gymnase, Marseille
0 820 000 422
www.lestheatres.net
A.F.
A.F.
© Fred Hayes
L’âne du bonheur
Depuis le film de Jacques Demy on a tendance à prêter à Peau d’âne la blondeur
sculpturale de Deneuve, et le côté psychédélique et flower power qui donna à
notre enfance un air de liberté… Mais le conte originel n’est pas si coloré ! Caroline
Ruiz recrée le Conte de Perrault au théâtre du Jeu de Paume mais, tout en revenant
à l’intrigue incestueuse, elle garde l’idée d’une comédie musicale pleine de joie de
vivre…
A.F.
Peau d’âne
mes Caroline Ruiz
Théâtre à partir de 6 ans
Les 6 et 7 nov
Théâtre du Jeu de Paume, Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
OUEST PROVENCE | NÎMES | AUBAGNE V
Les objets, les mots et les corps
Depuis sa création le théâtre de Fos-sur-Mer, baptisé
Centre culturel Marcel Pagnol, accorde une place
particulière à la programmation familiale et jeune
public. En lien étroit avec les écoles et collèges des
alentours, le lieu est fréquenté par une population aux
origines sociales très diverses : à Fos ce sont souvent
les enfants, amenés par les écoles au théâtre, qui
font à leur tour office de passeurs auprès de leurs
familles… Ce début de saison ne déroge pas à la
règle, puisque le Théâtre de cuisine est accueilli
avec deux spectacles judicieux en ce lieu : C’est
encore loin ? (les 20 et 21 oct) est un duo/duel entre
deux femmes à l’identité métissée. Louisa Amouche
et Patricia Guannel jouent ici de leur propre histoire,
qu’elles dansent, disent et illustrent avec des bribes
de musique et des objets symboliques de l’espace
géographique qu’elles ont intégré… La répétition une
Odyssée est un spectacle plus formel, construit
autour d’une mise en abyme : les comédiens jouent
aux comédiens qui doivent créer l’Odyssée… Au
passage ils en interprètent, avec des bouts de ficelle
et de décors ingénieux, les principales scènes (les 22
et 23 oct), initiant ainsi les plus jeunes à l’épopée
antique…
Mais ce n’est pas tout ! Le 4 nov, place encore au
théâtre d’objet avec l’histoire de Marcello Marcello,
champion de papier imaginé par une femme de
ménage à l’invention débordante, créée par
Mathilde Aguirre. Et puis le 7 nov, un spectacle de
La répétition, une odyssée © X-D.R.
cirque très sensible, où un couple de clowns devenu
en partie infirme apprend à vivre avec ce nouveau
corps, à partager autrement… Cela s’appelle Dans
mes bras, par la compagnie L’Attraction Céleste.
AGNES FRESCHEL
Petits instantanés de vie
Voici l’histoire tendre et cocasse des
toutes premières fois qui jalonnent une
vie : premier regard, premier vélo,
premier deuil, premier baiser... Des
sentiments universels écrits avec
finesse par Vincent Cuvellier, portés
sur scène avec simplicité par la
compagnie de l’Arbre rouge qui s’est
tournée vers la poésie du quotidien, la
musicalité de la parole et des objets.
Gracieux comme le vol du héron
remontant la rivière, le spectacle Héron
ascendant rivière est interprété par
Nathalie de Pierpont, subtile et
émouvante.
Hop, hop,
hop sur
la ligne d’or !
blier, Madame Bête est tout occupée à
fabriquer une bien étrange famille, et le
moment est venu de réaliser «sa créature»… Sans la déranger, les jeunes
enfants se glissent aisément dans son
univers symbolique et émouvant.
Sans paroles et sans récit, mais avec le
corps et l’objet dont elle fait son théâtre, Christine Le Berre raconte La ligne
d’or. Dans son atelier jonché d’animaux empaillés, de jambes de bois et
de masques animaliers, elle est Madame Bête : là, elle invente de drôles de
personnages, mi-humains mi-animaux.
Chut, silence ! Affublée d’un grand ta-
M.G.-G.
M.G.-G.
Héron ascendant rivière
Compagnie de l’Arbre rouge
théâtre à partir de 5 ans du lundi
16 nov. au mercredi 18 nov. à15h
Théâtre de La Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
Mémé monte au ciel
Comment mémé est montée au ciel est
le deuxième rendez-vous jeune public
du théâtre Comœdia après la Symphonie d’objets abandonnés de Max
Vandervosrst. À ce classique incontournable qui fait parler les objets succède
cet autre classique qui, à l’image de la
compagnie Caus’toujours, n’a pas sa
langue dans la poche ! Écrit et interprété par Titus, le spectacle met en
scène une mémé qui rêve qu’elle fait
du patinage artistique dans le ciel. Ou
plutôt une mémé qui fait vraiment du
Centre culturel Marcel Pagnol
Fos-sur-Mer
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
La ligne d’or
Compagnie Hop ! hop ! hop !
théâtre à partir de 5 ans
mercredi 14 oct. 15h30 et 18h30
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 00
www.theatredenimes.com
patinage artistique. Car au théâtre, tout
est possible. À moins que ce soit un
spectacle où il fait bon rêver ?
M.G.-G.
Comment mémé est montée
au ciel
Compagnie Caus’toujours
théâtre à partir de 6 ans
mardi 17 oct. 14h30
Théâtre Comœdia, Aubagne
04 42 18 19 88
La Ligne d’or
© Didier Martin
VI
SPECTACLES
PORT-SAINT-LOUIS-DU-RHÔNE | GTP | TOURSKY
Espace public
Si Port-Saint-Louis-du-Rhône manque cruellement
d’équipements culturels -l’espace Gérard Philippe,
qui ne peut accueillir toutes les formes de spectacles, sera à terme entièrement dévolu au cinéma-,
elle n’en accueille pas moins le siège du Centre
National des Arts de la Rue, le Citron Jaune, que
gère la compagnie Ilotopie. Un atout de taille et un
éclairage intéressant pour ce territoire situé à l’ouest
de Ouest Provence et donc taillé pour accueillir la
manifestation Carrément à l’Ouest ! Le souci
commun de Scènes et Cinés et d’Ilotopie est d’aller
à la rencontre des habitants en conciliant exigence
artistique et accompagnement culturel des publics.
Françoise Léger, directrice artistique d’Ilotopie,
parle même d’un «devoir de citoyen : l’investissement
par le public de l’espace public.» Le ton est donné,
l’apprentissage de la rue sera donc une fête, à
laquelle participent de nombreux artistes dès le 14
oct sur le marché : la compagnie Albédo proposera
les services de l’agence Les Tonys, deux drôles de
personnages (voir p 28)… Puis deux musiciens issus
des musiques improvisées encadrent des enfants de
trois écoles de Port-Saint-Louis avant de les diriger
lors d’une parade, qui partira en ballade dès le
vendredi après-midi (le 16 oct), avant de donner le la
de départ aux festivités qui dureront toute la journée
du samedi. Au programme (réservez votre souffle, il
n’y aura pas de temps morts) : Les Babas au Rhum
vous feront le coup du Changement de programme
impromptu dans le centre-ville; Les Demeurés du
Begat Theater promettent un voyage solitaire et hors
du temps dans le roman éponyme de Jeanne
Benameur ; l’Orphéon Théâtre Intérieur revisite le
mythe du grand méchant loup avec Être le loup (voir
pVIII) ; la cie Pernette propose des Miniatures en
journée, et un spectacle, Le Passage, le même soir ;
Les miniatures - cie pernette © Franck Gervais
la cie Les Trois Points de Suspension un bien
nommé Voyage en bordure du bout du monde ; et
enfin, final explosif avec les Fratelli Brutti et leur
concert électro blues forain Monofocus… Vous avez
dit à l’Ouest ?
DO.M.
Carrément à l’Ouest
Du 14 au 17 oct
Ilotopie
04 42 48 40 04
www.ilotopie.com
www.scenesetcines.fr
Invisible et irrésistible
enfants James et Aurélia, et aujourd’hui le Cirque
invisible. Invisible mais bien réel puisque, sur scène,
Victoria Chaplin fait naître de ses costumes
extravagants un bestiaire fantastique et Jean-Baptiste
Thierrée invente de drôles de gags tirés de valise
magique.
M.G.-G.
Le cirque invisible © Brigitte Enguerand
Place au jeune public au Grand théâtre de Provence
qui convoque la poésie, le fantastique et
l’enchantement en un seul spectacle, le Cirque
invisible, créé par les globe-trotters Victoria Chaplin et
Jean-Baptiste Thierrée. Depuis trente ans, le couple
entraîne le public dans un conte de fées avec le
Cirque bonjour, puis le Cirque imaginaire avec leurs
Le Cirque invisible
À voir en famille à partir de 8 ans
du jeudi 22 au samedi 24 oct. 20h30,
dimanche 25 oct. 17h
Grand théâtre de Provence
04 42 91 69 69
www.grandtheatre.fr
MarseilleMexique,
c’est magique !
Depuis deux ans, Mexico Magico colore le théâtre
Toursky de couleurs chatoyantes le temps d’un festival.
L’opportunité de suivre en famille les saltimbanques
du Cirko de Mente dans leur spectacle de cirque sans
animaux Reviens à mes pieds, d’écouter le must de la
musique contemporaine mexicaine avec Eblem Macari
Trio ou de se laisser entraîner par les sonorités débridées de la fanfare Banda Tierra Del Sol. On pourra
même fêter avec le groupe Tribu son 36e anniversaire
et découvrir son instrumentarium inouï, entièrement
naturel : carapaces de tortue, conques marines, tambours de pierre, flûtes de roseau et de bois…
M.G.-G.
3e Festival Mexico Magico
Cirko de Mente, Reviens à mes pieds…
mardi 20 oct. 21h
Soirée concert, Eblem Macari Trio et Tribu
vendredi 23 oct. 21h
Théâtre Toursky
04 91 02 58 35
www.toursky.org
ISTRES | ARLES | LES COMONI | LE SÉMAPHORE VII
Ça décoiffe au Palais
C’est sûr, les pensionnaires du Palais Nibo ont la tête
en l’air ! Heureusement que Monsieur Loyal est là
pour mettre de l’ordre dans ce spectacle jubilatoire
où les numéros s’enchaînent avec brio. Corde lisse,
danse, corde volante, feu, équilibre sur pneu,
monocycle et portés acrobatiques : la compagnie les
Têtes en l’air conjugue cirque classique, nouveau
cirque, cabaret et théâtre burlesque avec une énergie
communicative. D’ailleurs l’ambiance n’engendre pas
la mélancolie qui va de la poésie à la franche rigolade:
sous chapiteau, place des Lices, on ne sera pas à
l’abri des surprises.
M.G.-G.
L
Le Palais Nibo et ses pensionnaires
sous chapiteau, parc des Lices, Toulon
du 20 octobre au 3 novembre
Maison des Comoni
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.com
Le Palais Nibo © Antoine Bachelet
Implacable
Poussières
de vies
et d’amour
Pas de nom, pas de maison, pas de
famille : au Vietnam, on les appelle
Poussières de vies. Pour aborder des
thèmes sérieux, comme ici les droits
des enfants, la compagnie À Suivre
manie le jonglage et l’acrobatie, joue
du théâtre, ne badine pas avec
l’humour et fait même des prouesses.
Comme celle de donner vie aux
enfants des rues, ces poussières de
vies invisibles : Pomelos, le petit
vendeur de fruits à la sauvette, Violeta,
la grande sœur à tout le monde,
Liberto, l’intello revendicateur ou
Biscoto, petite tête et gros bras. Bref,
une famille recomposée qui vend des
pommes d’amour par manque
d’amour.
M.G.-G.
Poussières de vies
Compagnie À Suivre
tout public à partir de 7 ans
mercredi 28 octobre 15h
Théâtre le Sémaphore, Port-de-bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphoreportdebouc.com
Au centre de la pièce de Wajdi Mouawad, Assoiffés, l’adolescence est abordée
frontalement, à travers la vision de ceux qui la vivent. Trois personnages -dont
deux ados-, aux destins inexorablement liés, se retrouvent le temps d’une enquête.
Celle de Boon, anthropologue judiciaire, appelé pour identifier deux corps
retrouvés enlacés au fond d’un fleuve. L’un d’eux est celui de Murdoch, ami
d’enfance étrangement disparu, l’autre celui d’une jeune fille, Norvège.
Replongeant dans son passé, Boon se souvient de Murdoch, assoiffé de paroles,
refusant le conformisme, la médiocrité pour trouver un sens à sa vie, et découvre
Norvège, muette après s’être retrouvée du jour au lendemain confrontée à sa
propre laideur.
La mise en scène de Benoît Vermeulen veut pénétrer cet univers intriguant
entre passé et présent, réel et imaginaire, dans lequel les ados, entre perte de
repères et quête de sens, oscillant entre doutes, envies et espoirs cherchent à
franchir l’étape compliquée qui sépare l’enfance de l’âge adulte.
DO.M.
Assoiffés
Le 10 nov
Cie Théâtre le Clou
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
© Simon Menard
La belle vie
Rien n’est simple, mais la vie est belle.
Y compris dans l’univers des petites
bêtes de Contes d’automne, spectacle
de Claire le Michel adapté d’un livre
de Grégoire Solotareff (éd École des
Loisirs). Des petites histoires qui
mettent en scène des bestioles que
tout sépare le plus souvent, mais qui
sont contraintes de vivre en bonne
intelligence, avec leurs défauts et leurs
qualités. Comme Caroline la coccinelle
quand elle rencontre Fred le papillon,
comme Marie-Christine, la pie, et
Ricardo, le mulot, qui tombent
amoureux… Sur le plateau Julie
Monnier, comédienne, et Frédéric
Firmin, musicien, font dialoguer les
mots et la musique.
DO.M.
Contes d’automne
Le 10 nov
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
VIII
SPECTACLE
CARESSEZ LE POTAGER | STE-MAXIME | GYPTIS
Artistes au jardin
Depuis plusieurs années le parc de la
Mirabelle accueille une manifestation
particulière : durant trois jours des
spectacles se déroulent, petites
formes conviviales et familiales, mais
d’une qualité que nombre des
manifestations bon enfant de ce type
oublient incidemment. Ainsi, le
dimanche, sous un soleil inconstant,
entre des enfants attentifs et des
parents décontractés étalés sur leur
nappe à pique nique, on a pu entendre
une vraie chanteuse lyrique interpréter
avec talent quelques airs du répertoire,
tout en faisant le poirier (si si) ou en
jouant Carmen l’allumeuse sur les
genoux de spectateurs complices et
amusés. Quant à la performance du
danseur funambule, elle fut épatante :
Jérôme Dorso retrouve dans son
solo, sur son fil, les poses cabrées,
sexuelles, angulaires, narcissiques de
Nijinski, tout en gardant la belle épate
des acrobaties fildeféristes. Très
applaudi, malgré les premières
gouttes. Puis il y eut encore les cours
et démonstrations de tango, un bal, et
la vente aux enchères du potager au
profit d’une association caritative
africaine. Car l’équipe de Caressez le
potager n’oublie ni les arts, ni la fête,
ni le partage…
AGNES FRESCHEL
Jérôme Dorso © X-D.R
Fantaisie artificielle
Jérôme Thomas nous avait habitués à des
spectacles d’une plus grande densité, comme
Rain/Bow, création de 2006 qui tourne encore.
Sortilèges, premier rendez-vous jeune public du Carré
Sainte-Maxime, est de nature plus «légère», comme
la pluie de plumes tombée du ciel sur scène. Inspiré
de la fantaisie lyrique de Ravel et Colette, L’enfant et
les sortilèges, le spectacle ne parvient pas vraiment
à ensorceler.
L’histoire est simple : l’héroïne, sorte de Fifi
Brindacier, profite de la ville endormie pour faire le
cirque de sa vie, refusant tout à trac d’obéir aux
grands et de ranger ses jouets. Pour crier sans
ménagement l’espace d’un songe : «Je vais tout
péter!» ou «Je veux des histoires et pas des devoirs !»
Sur le plateau, c’est la panique ! Voilà qu’une flopée
d’accessoires surgissent des entrailles de son lit
transformé en boîte de Pandore (sabre, lance,
poupées, livre magique, peluches), que des fauves
tentent de lui lécher les orteils, que des fantômes
étranges glissent dans la pénombre. Si rien ne
l’affole, le public, lui, s’amuse lorsque la chambre se
transforme en piste de cirque : les numéros de
jonglage et d’acrobatie en mettent plein les yeux des
enfants… Mais ça ne fait pas mouche à tous les
coups, et le peu de matière narrative ne suffit pas à
lier la panoplie d’effets visuels, à donner du sens aux
belles images. Un merveilleux qui, malgré le talent
des trois acteurs circassiens, n’opère pas assez…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Spectacle présenté le 22 sept
au Carré Sainte-Maxime (83)
à l’occasion du festival Entre ciel et terre.
Sortileges © X-D.R
L’enfance du hip hop
David Llari crée sa première pièce au Gyptis, dans un théâtre habitué à recevoir des ados. Voici un spectacle
qui ne devrait pas leur déplaire ! Les danseurs de la compagnie Sun of Shade sont d’une virtuosité propre à
susciter leur enthousiasme… Le beatboxer est époustouflant, il parvient non seulement à produire des sons
très proches des instruments acoustiques, mais aussi à superposer les rythmiques… Quant aux danseurs,
spécialistes du robot, breaker, contorsionniste ou funk style, ils sont épatants. Sans doute un peu trop cachés
par des costumes occultants : on aimerait voir davantage leurs mouvements. Mais le propos est de retrouver
l’enfance, d’animer des jouets, lézard, robot, pierrot, figurine. Les lumières et le décor sont efficaces, les
séquences un peu longues parfois, bâties sur un crescendo, mais dans une succession linéaire un peu lassante.
Mais cela reste un spectacle coloré, qui devrait trouver son rythme dans l’habituel enthousiasme du public ado!
A.F.
Artoy’z © Agnès Mellon
Artoy’z est créé au Gyptis du 13 au 17 oct
GTP | BADABOUM THÉÂTRE | KARWAN IX
Drôle de leçon !
Jean-François Zygel est venu éclairer la musique du grand Ludwig pour inaugurer
la saison qui lui est consacrée au Grand Théâtre de Provence
Son visage, ses lunettes et ses mimiques sont à coup
sûr familiers. Normal, Jean-François Zygel est
devenu un personnage incontournable du PAF. Sa
façon singulière de présenter un compositeur de
manière ludique tout en étant pertinente ne
s’essouffle pas, bien au contraire. Ses leçons de
musique, passées également par la case radio,
trouvent un public nouveau, du mélomane au
néophyte séduit par ce discours enjôleur, humoristique et désacralisé. Les plus jeunes aussi s’y
retrouvent : Beethoven avec un grand B a été passé
à la moulinette à coups de sarcasmes sous les doigts
ou les mots du pianiste présentateur. L’auditoire
comblé adhère et en redemande, pouffant de rire à
l’écoute des premières mesures du «médicament des
adolescents» appelé plus communément 1er
mouvement de la sonate Au clair de lune. La mort et
l’amour, grandes questions du romantisme, sont à
leur tour raillés, bien que la musique en soit si
merveilleuse. Exemples à l’appui, le baryton Laurent
Alvaro en profite pour déployer son timbre énergique
et sa belle présence alors que le mandoliniste Julien
Martineau exhume des curiosités compositionnelles
destinées à une certaine comtesse fruit d’un béguin
encore une fois malheureux ! Entouré également de
l’excellent quatuor à cordes Diotima et du plus
inattendu quatuor de trombone Format A4 (dont la
virtuosité méphistophélique a secoué l’ouverture de
Guillaume Tell du rival Rossini), le zélateur Zygel a une
fois de plus réussi son pari pédago avec ce Beethov’
on the rock’s.
FREDERIC ISOLETTA
Jean-Francois Zygel
© Pilippe Gontier
L’Ogre qui aimait les enfants…
La Nuit de l'ogre doux © X-D.R
Le Bada fait son boum depuis le 2 septembre ! La
sixième compagnie à occuper les lieux est l’Arène
théâtre du Tarn et Garonne, avec La Nuit de l’ogre
doux. Souhaitant être au plus près des plus petits, le
metteur en scène Éric Sanjou a écrit un texte qui
joue sur les mots simples et la musique originale de
Mathieu Hornain. Il s’est souvenu de ses terreurs
d’enfant, seul dans sa chambre, le soir, lorsqu’il
inventait des personnages et se racontait des
histoires pour se donner du courage. C’est ce que
fait Tipouce, qui aime le théâtre et veut jouer l’histoire
du Petit Poucet avec des marionnettes. Rien ne se
passera comme dans le conte de Perrault : «Monsieur
la fée» va brouiller les pistes et l’ogre bleu ne veut
surtout pas manger les enfants. Une autre histoire se
joue alors sur fond de ciel étoilé : la fée devient méchante et emprisonne l’ogre, Tipouce et les enfants
dans le donjon du château. Mais tout finit bien en
chansons : Tipouce attendra sereinement la nuit suivante et sa couverture bleue se métamorphosera à
nouveau en ogre amical…
Après le spectacle une dizaine d’enfants ont participé
à un atelier avec dessins, costumes, personnages
pour s’approprier le spectacle et en parler. Car au
Badaboum voir et faire ne se conçoivent pas séparément…
CHRIS BOURGUE
Prochains spectacles, des reprises du Badaboum
mises en scène par Laurence Janner :
La poupée Scoubidou du 14 au 24 octobre,
Rumpelstiltskin du 26 octobre au 3 novembre
et Lulu Poppop du 11 au 21 novembre
Représentations mercredi et samedi après-midi
à 14h30 / 04 91 54 40 71
Vivre sans loup
dents pointues, l’apprentissage des rugissements.
Tout cela, fondé sur un comique et des décalages
éprouvés, fonctionne bien. Il n’en va pas de même
des épisodes avec le représentant de l’ordre et la
brebis Renée : le propos, plus complexe, est confus,
et les changements de voix et de personnages ne
facilitent pas la compréhension de l’intrigue. Puis le
comique reprend ses droits pour évoquer les
problèmes de digestion du mouton-loup, qui n’a
vraiment pas l’estomac adéquat. La morale est
sauve: nous n’avons pas besoin d’oppresseurs !
CHRIS BOURGUE
Être le loup s’est joué dans divers lieux publics et
champêtres, ou dans des parcs urbains, notamment
au Parc Borély le 7/10. Il sera à Port-St-Louis le
17/10 et au Parc de l’Oasis (Marseille 15e) le 21/10.
www.karwan.info/-Orpheon-Theatre-Interieur
Etre le loup © Orphéon Théâtre Intérieur
La saison Régionale des Arts de la Rue et du Cirque
a débutée avec la Compagnie Orphéon pour 13
représentations dans des centres culturels et autres
structures appartenant au RIR (Réseau inter-régional
en Rue). Françoise Trompette, metteuse en scène,
a choisi un texte de théâtre Jeune Public de Bettina
Wegenast et installe sur le gazon un troupeau de
moutons dont le public fait partie. Au début les deux
bergers (Frédéric Martinez et Georges Perpes)
rassemblent le troupeau, invitant ainsi les spectateurs
à se regrouper près de l’espace de jeu. Puis les 2
comédiens deviennent moutons et mangent du
gazon à pleines dents, pour le plus grand plaisir des
plus jeunes spectateurs. C’est alors que surgit la
terrible nouvelle : le loup est mort ; suivie de son
corollaire : qui va le remplacer ? Au lieu de se réjouir
de la disparition d’un danger constant, un des deux
moutons prétend à sa succession. S’ensuit la
transformation avec la fourrure noire, le collier de
X
MUSIQUE
CITÉ DE LA MUSIQUE
Une Cité presque céleste...
Au pied de la Porte d’Aix, la Cité de la Musique, inaugurée en 1995, propose des cours
collectifs ouverts à tous
Le but est clairement établi : il s’agit de commencer
par la pratique et de jouer très vite en groupes.
Principe qui stimule et permet d’heureux moments
de partage et de découvertes d’esthétiques
différentes, notamment à l’occasion des scènes
ouvertes organisées par les enseignants. Ainsi trouvet-on non seulement les apprentissages classiques de
cordes, vents, claviers, jazz, formation musicale, mais
encore de chansons de variétés et du Moyen-Orient,
électroacoustique, musique arabo-andalouse,
accordéon diatonique, kora, cornemuse et musiques
traditionnelles du monde. Reste l’embarras du
choix... La Médiathèque propose aussi son fond
multimédia, en accès libre.
À l’unisson et aux pupitres !
Depuis 2007 la Cité a mis en place le dispositif
Orchestre à l’école avec le soutien du Conseil
Général, de la Ville, de l’Inspection Académique et
de partenaires privés. Créé il y a une dizaine d’années
à Paris le concept s’est mis en place à Marseille dans
deux établissements du secteur en zone sensible : il
s’agit de motiver des élèves en les réunissant dans
une classe-orchestre sur trois ans, avec trois heures
de musique par semaine au lieu d’une seule. En
même temps que la musique ils apprennent l’écoute,
le respect, le plaisir grâce à une «pédagogie au
service du groupe et non de l’individu» comme le
souligne Yolaine Callier, responsable du secteur
enseignement à la Cité.
C’est au collège Versailles qu’a démarré le projet.
En fin de 6e, 18 élèves sur l’ensemble des 7 classes
étaient sélectionnés. Dès leur rentrée en 5e ils
recevaient leurs instruments, bois et cuivres, prêtés
par la Cité de la Musique. Cette année ils sont en 3e
et 5 parmi eux ont choisi de compléter leur formation
en prenant des cours de pratique collective à la Cité.
Denise Dalest, professeure de musique,
communique son enthousiasme : «Quand la Cité m’a
contactée j’ai accepté immédiatement. L’occasion de
permettre un réel éveil musical ! Les enfants sont
devenus très vite brillants en musique et on s’est rendu
compte de son impact sur les caractères, et même sur
les résultats scolaires. L’orchestre s’est produit
plusieurs fois, suscitant toujours une grande émotion.
Nous avons même été sollicités par le festival d’Aix.»
Jean-Marc Pongy, professeur de saxo, intervient 2
heures par semaine et dirige l’orchestre : «Je suis
resté un mois en observation dans la classe, ils
manquaient d’attention et de tenue. Puis je leur ai fait
jouer une seule note ensemble, ils ont donné leur 1er
concert au bout de 3 mois. Le fait d’être en orchestre
crée une vraie motivation chez ces enfants de milieux
défavorisés. C’est une ouverture extraordinaire pour
eux et leurs parents qui les soutiennent.»
De son côté, l’école Corsec en est à la 2e année du
projet. Agnès Capel, la directrice, nous confie : «Le
milieu est très défavorisé, les enfants tous d’origine
étrangère. Il a fallu choisir ceux dont les familles étaient
stables sur le quartier. Mon rôle est de leur donner
accès à ce qu’ils ne connaissent pas. Par exemple ils
n’ont pas besoin de moi pour jouer des percussions
africaines, pour les instruments à cordes c’est une
autre histoire... Depuis, avec Nadine Amrani,
professeur de contrebasse qui dirige l’ensemble de
cordes, on remarque moins d’absentéisme, plus
d’attention et de concentration, les résultats scolaires
s’améliorent. Les parents aussi s’investissent et nous
accompagnent pour les sorties...»
On se surprend à rêver à la généralisation de ces
démarches, les vertus pédagogiques de la musique
faisant décidément l’unanimité…
© FX Rosanvallon
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.com
CHRIS BOURGUE
Un directeur à l’écoute
Éric Michel, Le directeur de la Cité en poste depuis 1996, explique la vie de sa Cité, véritable ruche…
Zibeline : comment fonctionne la Cité de la
Musique ?
Eric Michel : Ici on est dans une ruche qui bourdonne en permanence. La Cité développe ses
enseignements sur 8 sites. En tout, 6500 m2 de
locaux, 67 enseignants, 2200 élèves, 10 associations (dont Télémaque et Nine Spirit) et 3 lieux de
diffusion. Nous organisons 120 concerts par an
dans les meilleures conditions professionnelles
possibles.
Quels sont vos critères de choix pour votre programmation ?
La qualité ! Selon une thématique nouvelle chaque
année, autour de partenariats avec d’autres structures. Nous veillons à mettre en valeur la richesse
locale et toutes les esthétiques avec une volonté
d’originalité. On accorde une grande place aux musiques traditionnelles du monde et les musiques de
l’exil.
Quels sont les enseignements proposés et la ligne
pédagogique ?
Notre projet consiste à éduquer l’écoute, créer une
dynamique et favoriser les pratiques collectives de
tous les publics. Notre mission n’est pas de former
des solistes, seulement 10% de nos élèves passent
le concours d’entrée au Conservatoire et 2% devien-
dront professionnels.
Justement, quelles sont vos relations avec les autres
structures d’enseignement musical ?
Excellentes. En fait nous sommes complémentaires:
le Conservatoire National forme des interprètes et
des enseignants alors que nous proposons des
formations non-diplomantes. Mais très épanouissantes !
PROPOS RECUEILLIS PAR CHRIS BOURGUE
MAÎTRISE DES BOUCHES-DU-RHÔNE | LIVRES XI
Chœurs romantiques pour enfants
La Maîtrise des Bouches-du-Rhône
présentait le 3 oct. à l’Opéra
de Marseille un programme
romantique de chants à deux
et trois voix, couronnement
d’un CD sorti en septembre
Un beau décor champêtre, vingt et un enfants en
deux rangs, soprani et alti, tuniques noires et cols
marins. Cela commence par six chants de
Rachmaninov qui évoquent la gloire du peuple, la
nature. La précision des attaques, les nuances et
finales si raffinées, les regards vers le chef, dont les
gestes sont d’une grande fluidité, attestent d’un
travail rigoureux et régulier. Puis treize chants
moraves de Dvořák parlent d’amour et de nature : le
chœur est très homogène, alternance de sons liés,
piqués, nuances toujours parfaites, manquant
pourtant d’ironie populaire… Les enfants dirigés
remarquablement par Samuel Coquard se jouent
avec aisance des canons et des polyrythmies. C’est
une performance de chanter en russe, en tchèque,
puis en allemand même si cela manque un peu de
dynamique corporelle, et que les aigus des sopranos
sont souvent bas… La pianiste, Magali Frandon se
fond dans cet ensemble avec l’élégance discrète des
accompagnateurs, mais sait aussi avoir fougue et
musicalité dans les passages solistes.
La deuxième partie, avec un ensemble plus réduit de
douze enfants, touche de rose pour les filles, costume
sombre pour les garçons, propose le Jour de Mai de
Rheinberger, compositeur et pédagogue apprécié
au XIXe siècle : joies du renouveau, de la nature.
© Serge Ben-Lisa
Magnifique canon à trois voix dans la Ballade et très
beaux accents tragiques dans Repos de midi. Des
filles se moquent d’un vieux tilleul mais il leur répond:
«vous serez toutes fanées depuis longtemps que je
serai encore ici, couvert de fleurs !» Les graves des
jeunes alti résonnent, et le chef nuance cela comme
la palette d’un peintre.
S’ensuivent trois bis réclamés par un public enthousiaste… On ne peut que saluer le travail de ces
collégiens, leur implication, leur attention remarquable, leurs qualités musicales. Une maîtrise qui ne
Poum, poum, tchak !
Après la clarinette et la guitare, c’est
au tour de la batterie d’être découverte
par les pitchouns dans la jolie collection de Gallimard Jeunesse. Le principe
pédago est éprouvé : les jeunes
enfants sont sensibilisés aux sonorités
de l’instrument par une histoire mise
en musique. Là c’est Igor, enfant boudeur et malheureux, pas très aimé,
plutôt abandonné, ni très ouvert sur les
autres, n’aimant ni l’école, ni sa tante
Marcelle qui le garde… Jusqu’au jour où
il monte au grenier et tombe sur une…
baguette magique !
Le récit (Leigh Sauerwein) est coloré
par des sons de caisses, grosse ou
claire, de cymbales et toms imaginés
par le percussionniste et batteur
Christian Lété. Le livre est illustré de
planches bariolées, naïves et doucement étranges (Aurélia Fronty et
Christine Destours). Vient ensuite la
partie documentaire exposant les différents composants et accessoires de la
batterie, ses modes de jeux, exemples
sonores à l’appui… et quelques éclaircissements historiques sur sa fonction
de gardienne du tempo… Le tout est
raconté, et présenté sur le ton de la
confidence, par Judith Birnbaum.
JACQUES FRESCHEL
Igor et la baguette magique –
La batterie
Editions Gallimard Jeunesse, 15 euros
Dès 6 ans.
cesse de progresser, entre musicalité acquise et
énergie à parfaire. Car la musique est toujours en
mouvement, surtout les chœurs d’enfants par
essence passagers !
YVES BERGÉ
Récré en chansons
Cet album plonge les bambins dans
l’ambiance ludique de la cour de
récréation, «des rondes, des mimes et
des tape-mains.» Quelques comptines
courantes (Trois p’tits chats, Dans ma
maison sous terre, Derrière chez ma
tante, Un pou, une puce…), arrangées
par Bernard Davois et Jean-Philippe
Crespin, sont mêlées à des compositions originales, si bien qu’on ne sait
plus vraiment lesquelles sont de pures
inventions. Mais les titres stimulent
l’imaginaire: 007, Technotoc… Repris
par une équipe de jeunes chanteurs
(de 6 à 11 ans), les courts textes,
conçus sur le principe de la répétition,
sont accompagnés par des instruments acoustiques traditionnels (piano,
violon, guitare, hautbois, flûte, contrebasse, batterie saxo et… ukulélé),
colorés parfois d’effets électro et
synthétiques.
Le livre grand format comporte autant
de planches colorées (Thomas Baas)
que de titres (21 chansons) à suivre en
bougeant, en mimant une gestuelle
précise, aux sons d’onomatopées, de
mots biscornus… ou à reprendre en
play-back. Le tout est chapeauté par
Anne Bustaret, psychopédagogue de
la musique, spécialiste du folklore
enfantin et de l’éveil sonore.
JACQUES FRESCHEL
Vive la récré !
Livre + CD
dès 4 ans
éd Gallimard Jeunesse Musique,
19,90 euros
XII
LIVRES
Polar féministe
Elle habite Limoges, part à la campagne pour les
vacances d’été… Mais elle se prénomme Augustine,
et l’action se déroule en 1895 ! Difficile en ce temps
de montrer que l’on est intelligente et boulimique de
lectures, et pas de romans à l’eau de rose ! D’autant
qu’elle est élevée par une mère traditionaliste qui
résume l’éducation des filles à la couture, et un père
inspecteur de l’Instruction Publique qui désespère,
en constatant que jamais sa fille ne pourra prétendre
à des fonctions dignes de ses grandes capacités…
Ne demande-t-elle pas à son père d’apprendre le latin
pour les besoins de son enquête ? Car enquête il y a:
accompagnée de son cousin, Augustine va percer
des mystères en étudiant la toponymie (quelle est
l’origine du mont Gargan ?), les luttes sauvages qui
bouleversent les diverses tendances des Rose-Croix,
des enlèvements d’enfants, une lady atteinte d’un mal
incurable, et… Eric Satie en personne ! Dans ce
nouveau roman Nicolas Bouchard met en scène la
jeunesse de l’héroïne qui dénouait déjà les fils des
intrigues de sa série policière historique (Et le ciel
s’embrasera, Mon ombre s’étend sur vous, Éd
Flammarion). Un style léger, enjoué, clair, une intrigue
bien menée: la nouvelle collection Chambres noires
peut s’enorgueillir de choix d’une belle qualité.
MARYVONNE COLOMBANI
Les disparus de la source
Nicolas Bouchard
Ed Mango, Coll. Chambres Noires,
9 euros
L’art de la yourte
Le quotidien s’avère parfois sans pitié. Les familles
mêmes aimantes ne trouvent plus le temps de
l’essentiel, absorbées par les tâches auxquelles la vie
les contraint. Est-ce ainsi que les hommes vivent
interrogeait le poète, est-ce ainsi que la vie sépare ?
Famille ordinaire, deux enfants, maman institutrice,
papa à la tête d’une boîte en voie d’OPA,
licenciements en perspective… Comment trouver
l’adéquation entre les sentiments, réels, et l’autre
réalité qu’une économie hautement libérale impose?
Tout s’évalue-t-il à coup de fiches, de pourcentages ?
Enfants et adultes se croisent, s’aiment, mais les
mots pour le dire sont difficiles à prononcer. Une
photo de magazine les rassemble, mais ils l’ignorent…
Ce beau roman, sensible, tout en retenue, en pudeur
et en saines indignations contre un monde qui nie
l’individu, s’adresse par sa collection à la jeunesse,
mais donne des leçons d’humanité à la littérature
«adulte». La famille Doinel (hommage discret à
Truffaut ?) nous entraîne dans la quête de cet
équilibre qui fait que les adultes peuvent garder leurs
rêves intacts. Une belle leçon de vie à mettre entre
toutes les mains.
M.C.
Papa et maman sont dans un bateau
Marie-Aude Murail
Ed. École des loisirs, collection Médium, 11 euros
Luttes d’enfance
Depuis la Guerre des boutons de Louis Pergaud, la
littérature jeunesse est familière des luttes de bandes
d’enfants pour le partage d’un territoire. Ces batailles
échevelées qui les laissent grandir, s’affirmer, devenir
adultes, avec un œil au beurre noir et des genoux
écorchés, parfois des blessures plus cruelles… Mais
il est plus rare que ces rixes enfantines se situent
dans des contextes historiques qui leur accordent
une autre dimension. Ainsi La guerre des pêches nous
plonge dans l’horreur des débuts de la dictature au
Chili, en 1973. Comme les adultes, les enfants sont
confrontés aux choix de préserver ou de dénoncer, de
plier ou de résister. Victimes aussi d’une économie
qui broie les êtres, ils doivent parfois renoncer à leurs
rêves de réussite, d’école.
Roberto Ampuero campe de belles figures d’enfants
qui, par la force des évènements, doivent prendre des
décisions d’adultes. Un beau roman qui réussit,
malgré les ombres terribles de la dictature, les
bassesses, les compromissions, la tentation de la
lâcheté, à laisser un goût d’espoir.
M.C.
La guerre des pêches
Roberto Ampuero
Traduit par Dominique Delord
Ed. Actes Sud Junior, 9 euros
AUBAGNE | PRIX RÉGIONAL DU LIVRE XIII
Le plaisir de lire
Aubagne, Ville-lecture, a rendez-vous avec les Journées du livre de jeunesse du 12 au 15
novembre. Découvrir, participer, échanger sont les maîtres mots de cette 16e édition qui
œuvre «pour que le livre et la lecture deviennent indispensables dans le parcours des enfants»
Les Journées du livre jeunesse sont un temps fort parmi
beaucoup d’autres pour cette cité qui défend le livre et la
lecture. N’a-t-elle pas mis en place le portage des livres à
domicile pour les seniors, constitué un comité de lecture
petite enfance et conduit des ateliers d’écriture en direction
des structures petite enfance ? N’organise-t-elle pas des
journées professionnelles pour «appréhender la lecture en
mouvement» ? Ne participe-t-elle pas au Prix des lycéens et
apprentis de la région PACA ? C’est dire si Aubagne est un
lieu de rencontres privilégiées entre les auteurs et les
lecteurs !
Cette année, Fred Bernard et François Roca sont les
auteurs d’honneur avec une exposition et une carte blanche,
histoire d’entraîner notre imaginaire dans les fabuleux
voyages de leurs albums écrits et peints à quatre mains. À
leurs côtés, une myriade d’auteurs et d’éditeurs seront
présents pour échanger avec les familles et découvrir
notamment les dernières nouveautés. Comme la littérature,
ça creuse, les Journées du livre jeunesse ne laissent pas
repartir le jeune public avec le ventre vide ! Elles organisent
le temps du week-end «Le chocolat littéraire», moment
propice de complicité où auteurs, professeurs et spécialistes
mettent à la portée des enfants qui la philo, la science,
l’illustration, qui l’écriture ou le conte. Qui dit lecture, dit
spectacles, et les Journées du livre jeunesse ne sont pas en
reste avec Bou et les 3 zours par le Théâtre du Fauteuil (à
partir de 4 ans), Moi, papa ours ? par la compagnie Coup
de Balai (à partir de 4 ans), Contes d’amour autour du
monde de Muriel Bloch (à partir de 8 ans) et Moby Dick
par Morisse et compagnie (à partir de 8 ans). Autant de
rencontres savoureuses avec les mots des autres…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Journées du livre jeunesse
12-15 novembre
Centre de congrès Agora, Aubagne
04 42 18 08 08
http://aubagnevillelecture.over-blog.com/
Lire au lycée
Toujours plus nombreux et fervents les
lycéens et les apprentis de la région
PACA, avec leurs enseignants et les
partenaires, repartent pour année de
découvertes littéraires et de
rencontres avec des auteurs vivants, et
ravis de dialoguer avec leurs jeunes
lecteurs. Cette action de la Région et
de L’Agence régionale du livre
s’inscrit dans le cadre des conventions
en faveur de l’éducation culturelle et
artistique, en partenariat avec les
Académies d’Aix-Marseille et de Nice
et la Direction régionale des
affaires culturelles. Elle s’affine et se
développe depuis 2004 et touche de
plus en plus de lycéens et d’apprentis:
de 14 équipes initiales on passe cette
année à 32 trios, constitués chacun
d’un Lycée ou d’un Centre de
formation des apprentis, d’une librairie
et d’une bibliothèque liés par une
charte pendant 3 ans. Chaque
établissement engage environ 40
adolescents appelés non seulement à
lire les 12 livres de la sélection, mais
aussi à participer aux deux forums
organisés dans l’année permettant
rencontres et échanges entre lycéens
et auteurs. L’année scolaire est
ponctuée de visites sur les métiers du
livre et se termine par une grande
manifestation au cours de laquelle
chaque établissement présente un
travail créatif à partir du livre de son
choix. Le tout en musique et en
chansons!
Avant de revenir en détail sur la
sélection (dans notre prochain
numéro!) Zibeline remarque avec
plaisir cette année la place accordée
aux écrivaines : 4 romans et 1 BD sur
les 12 ouvrages sont écrits par des
femmes. Plus qu’un tout petit effort
pour la parité!
CHRIS BOURGUE
www.livre-paca.org
Moi papa ours © X-D.R
XIV
ARTS PLASTIQUES
PRÉAU DES ACCOULES | MAV
Arlequin coquin
Espaces de ville
Fidèle à sa mission de sensibilisation
des enfants à l’art par le jeu, le Préau
des Accoules fait écho à la nouvelle
exposition du musée Cantini, De la
scène au tableau, en brossant le
portrait du fameux Arlequin. Qui
mieux que ce personnage légendaire
pouvait ouvrir le monde du théâtre aux
enfants ? Farceur, pitre, menteur et
malin, Arlequin comédien cache
derrière son masque bien des secrets
et des facettes… Le Préau des
Accoules les dévoile au jeune public à
grand renfort d’activités pédagogiques
(découverte de la scène et ses décors,
du costume, des masques, ateliers de
gestuelle et d’improvisation), de
panneaux illustrés et de jeux conçus et
fabriqués spécialement, preuves d’une
belle inventivité. Le parcours est
ponctué de haltes thématiques -l’habit
fait l’Arlequin, les enfants d’Arlequin ou
encore Arlequin sous le masque- qui
favorisent la découverte et la réflexion
et permettent à l’équipe de partager
des moments ludiques avec les
enfants. Avec, cerise sur le gâteau, de
véritables trésors dénichés dans les
collections des musées de Marseille
que le Préau des Accoules met à
portée de leur regard : gravures et
dessins du XVIIIe s. provenant du
musée Grobet-Labadié, masque
comique du IIe s. av. J.C. du Musée
d’archéologie
méditerranéenne,
images publicitaires du XIVe s. du
Avec Sous la lune II,
la Maison de l’architecture
et de la ville de Marseille
accueille pour la première
fois une exposition
interactive destinée aux
familles et au jeune public
Musée d’histoire de Marseille… Une
occasion unique, selon la directrice
Laurence Rossellini, d’offrir aux enfants
un premier contact privilégié avec des
œuvres originales.
Pour certains d’entre eux, ce sera
également l’occasion de toucher du
doigt le théâtre car le spectacle vivant
fait son entrée en scène au Préau des
Accoules grâce à de nombreuses
collaborations. Avec son proche voisin
le théâtre de Lenche pour des visites
couplées avec l’exposition, avec la
compagnie Tiramisu qui fait
découvrir le jeu masqué aux minots,
l’équipe du théâtre Massalia qui
ponctue l’exposition de lectures et
l’Institut culturel italien qui propose
des ateliers de théâtre en langue
française et italienne. Sûrs qu’après
cette exploration du monde d’Arlequin,
les enfants rêveront tous d’être un jour
comédien !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Arlequin, comédien et coquin
enfants de 4 à 10 ans
jusqu’au 29 mai
ouverture tout public mercredi
et samedi de 13h30 à 17h30 avec
animations gratuites sur inscription
(samedi 14h et 16h, mercredi 16h,
vacances scolaires lundi, mardi,
jeudi, vendredi 14h)
Le Préau des Accoules
04 91 91 52 06
Combinaison, années 50, Maison Henri Ours, Musée de la Mode de Marseille © François Moura
L’œuvre-jeu du sculpteur Miquel
Navarro, commande du Centre
Pompidou à Paris, réussit le tour de
force d’être ludique, pédagogique et
poétique ! La MAV prête volontiers sa
verrière à cette installation de 50 m2
qui s’expose dans le monde depuis….
1994. Avec un succès qui ne se
dément pas : une manière de parler
autrement de l’architecture, et d’élargir
son public en proposant une exposition
à manipuler…
Déployée au sol, l’œuvre rassemble
plus de 1000 pièces mobiles qui, au fil
des manipulations, composent une
ville imaginaire vue d’en haut, une «ville
idéale» née de la combinaison de
cubes, colonnes, tours et pyramides.
Quant aux règles du jeu, elles sont
faciles puisqu’elles peuvent être
réinventées à tout moment ! «D’un
point de vue pédagogique, souligne la
MAV, cette présentation de la ville
permet au public d’avoir un nouveau
point de vue sur elle, non plus de
l’intérieur mais d’en haut». Sans
compter que chacun peut suivre ses
propres pistes, entre réalité et
imaginaire, et appréhender l’espace
urbain à son échelle. Que l’on vive en
bord de mer, en milieu rural ou dans
une mégalopole, on se réapproprie les
éléments «comme des mots que l’on
peut combiner avec les mains» pour
aménager son territoire, inventer des
monuments, dessiner un plan. Bref,
rêver sa ville de demain…
Zibeline : Comment expliquez vous
que cette exposition rencontre un tel
succès depuis 15 ans ?
Boris Tissot, commissaire de
l’exposition : Cela tient à la qualité du
travail du sculpteur et au plateau qui
permet une meilleure approche de
l’espace dans lequel nous vivons. Le
fait de présenter l’exposition sous la
verrière de la Maison de l’architecture
et de la ville est particulièrement
propice : les jeunes y seront invités à
jouer et à créer leur ville. Ils vont la
découvrir ou la redécouvrir, et ils auront
beaucoup d’histoires communes à
partager.
© Centre Georges Pompidou
Dans chaque ville, le public dispose
d’outils identiques et pourtant l’espace
qu’ils reconstruisent n’est jamais le
même. Pourquoi ?
C’est la parole des jeunes qui sert de
liant et révèle le palimpseste de la ville
dans laquelle le jeu se déroule. Ce sont
eux qui nourrissent cette ville
imaginaire, dans l’interstice entre
chacune des sculptures. Et de ce lien
naît un nouvel espace urbain, grâce
aux relations entre la main, les histoires
et les jeunes qui se l’approprient.
Parfois, on pose une caméra dans les
ateliers pour pouvoir capter ces
«interstices» et l’on constate
d’innombrables variations d’un atelier
à l’autre.
Sept sculptures verticales sont fixées
au sol, comme sept repères
immuables…
Avec Miquel Navarro, on a souhaité
poser des repères et, pour des
questions de sécurité, les fixer au sol.
Bien qu’elles soient en aluminium poli
de couleur grise, les jeunes inventent
au milieu d’elles des jardins. Dans
toutes les villes du monde, l’exposition
devient toujours un lieu de création, un
lieu de vie.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE GODFRINGUIDICELLI
Sous la Lune II
Miquel Navarro
Maison de l’Architecture et de la Ville
Jusqu’au 6 nov
Visite/atelier d’1h30 environ sur
inscription
Entrée libre à l’exposition
04 96 12 24 10
THÉÂTRE ANTIQUE D’ORANGE
PATRIMOINE
XV
Homo spectator !
Depuis mai, le théâtre antique d’Orange est peuplé
de Fantômes, et s’anime d’étranges fêtes où l’on
entend le cliquetis des armes… De merveilleux
prétextes pour faire découvrir la culture antique en
action !
Le monument draine des milliers de
visiteurs chaque année. La beauté
exceptionnelle du site, son caractère
unique (n’est-ce pas le théâtre romain
le mieux conservé de l’Empire ?),
constituent d’indéniables atouts. Mais
le public est exigeant, les pierres
seules ne suffisent pas à calmer son
appétit, il faut aussi les faire vivre pour
déplacer les familiales foules…
20 siècles de fantômes
Grimpez au sommet de la cavea, quelle
vue sur l’ensemble de cette belle
architecture ! Glissez-vous dans la
galerie couverte qui surplombe
l’édifice, là où les pullati, les marginaux
de la société, étaient placés pour
assister aux représentations (pour eux,
il fallait voir sans être vus !). Dans les
alvéoles, sortes de grottes creusées à
intervalles réguliers, les fantômes du
passé vous attendent, ceux de
l’Aurusio du IIIe siècle, deux jeunes
gens qui se disputent les faveurs d’une
belle («pulchra puella !»). Leurs
hologrammes naissent d’entre les
pierres. Puis, les anciennes gloires du
renouveau du théâtre, à la Belle
Epoque, avec Sarah Bernard, laissent
la place aux années pop rock (19751981) : ce sont Franck Zappa,
Téléphone, Dire Straits… La dernière
grotte déroule le fil magique des
chorégies, l’hologramme de Roberto
Alagna nous guide, «les artistes sont là
pour l’éternité», Nathalie Dessay,
Béatrice Uria-Manzon et tant
d’autres…
En quatre étapes nous sommes prêts
à renouer avec les premières foules qui
ont hanté les lieux… jusqu’à devenir
comme eux «homo spectator».
Enfance du jeu
La fête romaine commence. Le char
s’élance sur la piste, le cheval bouscule
un peu l’escalier de bois qui mène à la
scène… Entre les combats de
gladiateurs et les démonstrations de
char -réservées aux enfants qui
hésitent parfois- on pouvait, les 12 et
13 septembre, visiter les ateliers du
campement romain. Passionnant !
Les intervenants parlaient avec flamme
de leurs stands. On vous initie à
l’écriture, à partir de modèles des
divers alphabets antiques, maniement
du calame et du stylet assurés ; on
vous fait composer de petits tableaux à
partir de tesselles colorées, pour les
mosaïstes d’un jour. Ne croyez pas que
seuls les enfants soient intéressés par
l’exposition d’armes romaines, soldats
et gladiateurs, les livres aussi, les
mallettes contenant des sets
d’écriture, les tablettes de cire et les
papyrus !…
Que dire enfin du stand animé par la
VIIIe Légion ? Jeux d’enfants, hochets
dont le tintement était censé éloigner
les mauvais esprits, chariots à
roulettes, osselets, dés, poupons de
chiffon égyptien, ancêtre de la poupée
Barbie articulée en bois (les étapes de
croissance des filles n’ont guère
changé depuis 2000 ans). Clin d’œil
aux écoliers, une statuette à tête de
singe représente le maître qui les
martyrise avec sa longue férule et de
trop longs devoirs.
Mais place au spectacle.
© Jean-Louis Zimmerman
Il s’agissait pour le public de chasser
les démons de la mort. Brice Lopez
insiste sur l’origine funéraire des jeux
comme du théâtre. Représentation
d’une courte pièce, avec le vieillard
riche, la jeune fille, la vieille femme
folâtre, l’idiot avec ses cheveux rouges
et ses yeux bleus pour montrer qu’il
n’est pas Romain ! … La musique -re-
constituée par un groupe italien sur
des reproductions d’instruments
d’époque- donnait aux acteurs des
indications sur le jeu, la progression de
l’action. Les siècles un instant s’effacent : de quoi toucher du doigt la
paradoxale épaisseur du temps…
MARYVONNE COLOMBANI
La Fête romaine a été donnée
les 12 et 13 sept
dans le Théâtre antique d’Orange
www.otorange.fr
Gladiateurs
Brice Lopez, directeur de l’ACTA,
convie les spectateurs à une
démonstration de gladiature, insistant
sur la dimension cathartique du
combat spectacle. Puis il présente les
différents types de gladiateurs, ce
qu’ils symbolisent, insiste : il n’y a pas
de combat sans entraînement ! Le
sable de l’arène crisse, les combats se
succèdent, on se prend au jeu, lutte
technique, rapide, précise, du grand
art. Mais des marques rouges strient
les dos qui luisent de sueur. Intermitte!
Pause ! L’école de gladiature s’ouvre
aux enfants qui s’en donnent à cœur
joie, avec une discipline toute romaine.
Théâtre
Le char romain a cessé ses tours, les
spectateurs rejoignent leurs places,
représentation théâtrale oblige ! Non,
pas de Plaute ni de Térence, mais un
exemple du théâtre du haut empire.
Depuis plusieurs siècles il n’y avait plus
de textes de théâtre, mais des
représentations grossières, violentes.
© ACTA
Si l’animation multimédia Les Fantômes du Théâtre est permanente
(jusqu’en 2011), il n’en va pas de même pour la Fête romaine. En mai
cependant le théâtre accueille une fête destinée aux enfants (entrée gratuite
jusqu’à 17 ans). Tout au long de l’année un parcours est destiné aux 5-12 ans
(distribution d’un livre d’enquête qui leur permet de partir à la recherche
d’indices) et des tarifs familiaux sont pratiqués.
www.theatre-antique.com
Vous pourrez retrouver l’association ACTA et son école de gladiateurs dès
mars 2010, à Beaucaire (voir Zib 21).
04 66 20 27 76
www.parc-beaucaire.fr
FFM | CINÉPAGE
CINÉMA
41
Au pays du père Noël
Amour libre (Käpy selän alla) de Mikko Niskanen
La Finlande s’associe dans notre
imaginaire aux grands espaces glacés,
aux rennes du père Noël, aux lacs
cernés de forêts, au silence, au sauna
et à la valse triste de Sibelius. Un pays
sauvage et froid, aux confins de l’Europe, longtemps sous la coupe du «grand
frère» soviétique et que les films d’Aki
Kaurismaki, urbains mais décalés,
n’ont pas rendu moins énigmatique.
Du 22 au 29 septembre, en une trentaine de films, fictions, documentaires
et vidéos, l’association Cinépage nous
a fait «rencontrer» le cinéma finlandais
«avec ses fi(n)nitudes et ses (in)finitudes», et entendre une langue qui s’est
imposée difficilement avec l’unité nationale.
La sélection nous a permis de découvrir des chefs-d’œuvre du patrimoine
cinématographique,
méconnus du public français et des
jeunes finlandais : Teuve Tulio dans
Le chant de la fleur écarlate en 1938,
Valentin Vaala dans Des êtres
humains dans une nuit d’été en 1948,
Matti Kassila dans La semaine bleue
en 1954 et Mikko Niskanen dans
Amour libre en 1966, utilisent l’histoire
et la géographie de leur pays pour raconter amour et désir dans les nuits
blanches de l’été nordique.
De ces projections restera sur notre
rétine le sourire des deux jeunes actrices d’Amour libre qu’on croirait sorties
d’un film de Godard, ou la ligne d’horizon hérissée de touffes d’herbes
rebelles entre les déserts du ciel et de
la terre arctiques des Sept chants de la
toundra d’Anastasia Lapsui et Markku
Lehmuskallo, ces sept histoires d’exil,
d’arrachements, de perte d’identité pour
le peuple nomade des Nenets russifié
au cours des années trente.
S’imposeront aussi, peut-être, quelques images du film d’ouverture, Obéir
d’Aku Louhimies comme le gros plan
de la nuque du juge «blanc», esthète
qui écoute Satie entre deux exécutions
de «rouges» pendant la guerre civile de
1918 ou les jeux de miroirs et les glissements, de la fiction filmée au réel
archivé.
Mais surtout nous reviendront encore
en mémoire les plans et les cadrages
d’Aki Kaurismäki; les rouges, les
bleus, les bruns, l’ovale du visage clair
de Katie Outinen, fille aux allumettes
présente-absente ; le noir et blanc du
polar tragicomique d’Hamlet goes business au pays où l’alternative demeure
entre avoir et ne pas être, et toujours
ce parti pris de la lumière pour l’ombre,
noirceur des faubourgs où, dans le
dernier volet de la trilogie prolétarienne, Koistinen, vigile dans un magasin,
sans cesse entre deux portes, perd
définitivement le code et les clés de sa
vie.
ELISE PADOVANI
Racontez-nous des histoires...
Nisreen Faour © A.G
Grâce à l’énergie et à la passion communicatives de
ses organisatrices, arborant sur elles, cette année,
non sans panache, le noir et le jaune de l’affiche de
la manifestation, Films Femmes Méditerranée
connaît un succès grandissant et mérité. Jeanne
Baumberger et ses complices nous régalent
d’avant-premières, d’inédits, d’œuvres peu et mal
distribuées, mettant en avant le travail des femmes
dans le cinéma, de la mer Noire à la Grande Bleue.
Ainsi, ce mercredi 30 septembre, la salle où on
projetait Des enfants dans les arbres de Bania
Medjbar était comble, et il a fallu doubler la séance
pour permettre à ceux qui n’avaient pas pu entrer de
voir ce film tout juste sorti du labo, en présence de la
réalisatrice, de son producteur et de ses acteurs. Un
conte sans fée sur fond réaliste et social, où on suit
du nord au sud, dans un Marseille que ne renieraient
ni Carpita ni Allio ni Guediguian, le périple de deux
enfants déterminés à parler à leur père emprisonné
aux Baumettes autrement que par l’intermédiaire de
Radio Galère.
La sélection 2009 a misé sur des histoires fortes.
Retenons Les contes de l’âge d’or, film roumain à
sketches, projet de Cristian Mungiu, dans la lignée
de la comédie italienne des années 70, grinçants et
drôles car «on riait beaucoup sous le communisme»
confie la réalisatrice d’un des cinq contes, Ioana
Uricaru, distançant ainsi l’absurdité du régime
ubuesque de Ceauscescu, et oubliant un temps la
menace de la Volga noire qui s’arrêtait parfois devant
vous.
Retenons encore le beau sujet du mélodrame Les
mariées de Pandélis Voulgaris produit par Scorsese.
Et l’odyssée sans Ulysse des trois Pénélopes de
Chaque jour est une fête, qui parcourent un Liban
hanté par la guerre et ses cauchemars, recréé par
Dima El-Horr dans des plans dépouillés, hypnotiques.
Nouveauté de l’édition 2009, programmée par notre
collaboratrice Annie Gava : la compétition ludique
entre treize courts métrages. Ils nous ont raconté des
histoires de famille et de filiation (Kali Kronia Mama
d’Irina Boïko, Volver de Rachel Baloste), de désir et
d’entraves (Bon vent de M.S Ahmadi, Corps et voiles
de Valérie Malek, L’Abaya d’Ingrid Franchi ), de
guerre et de mort (Six minutes et demie à Tel-Aviv de
Mirey Brantz, Milan de la serbe Michaela Kezele,
qui a obtenu le prix du public). Et fait découvrir le
film d‘Emilie Carpentier Les ombres qui me traversent où chaque image suggère plus qu’elle ne dit,
dans la confusion d’une fête estivale, en Roumanie,
toute la violence des pulsions et de l’initiation au
monde des adultes.
FFM s’affirme année après année comme un rendezvous à ne pas manquer. Preuve que le Film
méditerranéen rime bien, aussi, avec Femmes…
ELISE PADOVANI
42
CINÉMA
RENDEZ-VOUS D’ANNIE
Les rendez-vous d’Annie
Du 19 au 24 oct, à La Seyne-sur-mer, La Compagnie des Embruns et les Ateliers
de l’image proposent Cineberthe, une semaine de projections et de rencontres
pour fêter 10 ans de films avec les habitants de la Cité Berthe. 14 films réalisés
avec des jeunes accompagnés par Natacha Cyrulnik entre 1999 et 2009. 6
soirées thématiques avec Sabine Putorti, directrice de l’Institut de l’Image à Aixen-Provence, Jean-Michel Perez cinéaste, Philippe Faucon cinéaste, Jérôme
Mazas architecte-paysagiste, Catherine Poitevin monteuse, Philippe Meirieu
professeur à l’Université Lyon II, et Jean-Pierre Daniel.
Du 21 octobre au 3 novembre,
l’Institut de l’image à Aix propose
une Rétrospective Joseph Losey. Du
Garçon aux cheveux verts, réalisé en
1948 à Don Giovanni (1979) en passant
par Eva (1962) ou The Servant, un an
plus tard, vous pourrez (re)voir huit
films parmi la quarantaine qu’il a
réalisés entre 1939 et 1984.
La Compagnie des Embruns
Les Ateliers de l’image
06 82 134 724
www.lacompagniedesembruns.com
Institut de l’image
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Eva de Joseph Losey
À partir du 31 oct, dans le cadre de la manifestation Sous le signe d’Averroès,
sont projetés plusieurs films liés à la
thématique La Méditerranée, figures
du tragique, suivis de rencontres et
de débats.
À Vitrolles, La ville est tranquille de
Guédiguian
À Apt le 6 nov, Gare centrale de Youssef Chahine au Festival des Cinémas
d’Afrique du Pays d’Apt
À La Garde, le 8 nov, Mamma Roma
de Pasolini
À Marseille, à la Friche, le 10 nov, soirée
Pasolini avec Carnet de notes pour
une Orestie africaine et Et maintenant
la 4e partie de la trilogie commence, un
documentaire de Barbara BouleyFranchitti.
Au cinéma Le Meliès à Port-de-Bouc
le 20 nov, Œdipe roi de Pasolini
Au Club de supporters les Winners le
18 nov, Jamais le dimanche de Jules
Dassin
Espace Culture
04 96 11 04 76
www.rencontresaverroes.net
Jamais le dimanche de Jules Dassin
Dans le cadre Cinémas d’Algérie (voir
p 11), AFLAM propose le 5 nov, à 16 h,
à l’Alcazar, la projection du documentaire de Dominique Rabourdin,
Vivre et écrire en Algérie. Et à 20h30, à
la Cité de la Musique, un ciné
concert: des courts métrages algériens précéderont le concert de
Mouloud Adel et du groupe Parfum
d’al Andalus. Puis le 8 nov, au
Gyptis, projection d’Inland de Tariq
Teguia.
Cinémas d’Algérie
Aflam
Du 5 nov au 6 déc
04 91 47 73 94
www.aflam.fr
Le 27 Octobre, à 20 heures, au
cinéma Variétés, le Collectif ASSO
DOM PACA propose Aliker de Guy
Deslauriers en présence du
réalisateur et de Stomy Bugsy. Ce
film relate l’affaire du journaliste André
Aliker, retrouvé assassiné, et la
naissance, dans les années 30 en
Martinique d’une presse indépendante
et libre, soucieuse de justice et
d’égalité.
Le 23 octobre, à 20 heures, au
cinéma Variétés, est projeté le
documentaire de Simone Bitton,
Rachel, en présence de la réalisatrice.
La séance sera animée par les Rencontres Films-Femmes et Méditerranée. Le
film enquête sur la mort de Rachel Corrie,
jeune pacifiste américaine, écrasée par
un bulldozer israélien en mars 2003
alors qu’elle tentait d’empêcher la
destruction de maisons palestiniennes.
Le 24 oct à 14h, à L’Alcazar,
l’association Cinépage propose une
conférence sur la violence des images
au cinéma, animée par la critique de
cinéma et philosophe, Hélène
Frappat.
Cinépage
04 9185 07 17
Rachel de Simone Bitton
Du 27 oct au 7 nov, l’association Apatapelà a invité le Festival Internacional de
Video y Cine Indigena de CLACPI -Amérique latine- et le Festival Présence Autochtone de l’association Terres en vue -Montréal- pour Abya Yala, la première
édition des Rencontres du Cinéma Amérin-dien. Abya Yala c’est le nom donné
par les nations indigènes à l’Amérique, de l’Alaska à la Terre de Feu, un symbole
de la reconquête d’un territoire, de la mémoire et des identités. Ce sont une vingtaine de films, documentaires, fictions, courts métrages qui seront présentés de
Briançon à Marseille, en passant par Forcalquier, Gardanne, Martigues, Aix,
Avignon et la Ciotat.
Sans oublier une table ronde, le 6 nov, à l’ Equitable Café - Marseille avec la participation de Jeannette Paillàn, Kevin Papatie, Manuel Rosenthal, Carlos Perez, Felix
Atencio-Gonzalez, Fabien Le Bonniec, ainsi que les structures locales, les Instants
Vidéo, Shellac, Film Flamme, 360° et même plus, Aspas et le FidMarseille.
Apatapelà
04 91 90 89 21
www.apatapela.org
Pour ses 30 ans, le cinéma Renoir à
Martigues propose, en partenariat
avec plusieurs structures, un cycle
intitulé La Ruralité dans tous ses
états. Cinq documentaires en présence de leurs réalisateurs : le 6 nov,
Hinterland de Marie Voigner ; le 12
nov, Dernière Saison de Raphaël
Mathié ; le 18 nov, La Terre de la Folie
de Luc Moullet (à suivre…).
Cinéma Jean Renoir
04 42 44 32 21
cinemajeanrenoir.blogspot.com
GARDANNE | APT
CINÉMA
43
Oh ! l’automne, l’automne à Gardanne….
Le Festival Cinématographique d’Automne de Gardanne
est un rendez-vous incontournable pour les cinéphiles…
… et les autres ! tous ceux qui aiment
découvrir des films venus de tous les
coins du monde. C’est du 23 octobre
au 3 novembre que se tiendra la 21e
édition, au cinéma 3 Casino. Vous pourrez voir 80 films, venus de plus de 30
pays, longs et courts métrages et
rencontrer plusieurs réalisateurs invités.
En ouverture, le 23 octobre, la Palme
d’or, Le Ruban blanc de Michael
Hanecke. Et c’est le film de Kamen
Kalev, Eastern plays qui clôturera la
manifestation le 3 novembre.
Le réalisateur bulgare met en scène
deux frères qui ont perdu le contact
depuis plusieurs années: le cadet a
rejoins un groupe néo-nazi ; l’aîné se
retrouve être le témoin d’une famille
turque victime d’une rafle raciste.
Esemble, les deux frères pourront réfléchir à ce qu’ils attendent vraiment
de la vie...
Entre ces deux films, le superbe long
métrage de l’Argentin Carlos Sorin,
La fenêtre ; le réjouissant Humpday de
Lynn Shelton ; Tu n’aimeras point de
Haim Tabakman ; Rien de personnel
de Mathias Gokalp qui sera présent, et
bien d’autres…
Des avant-premières aussi, comme le
premier film du réalisateur chilien
Alejandro F. Almendras, Huacho, qui
met en scène le quotidien d’une famille
paysanne par une chaude journée de
fin d’été, ou le prix du scénario à
Cannes, Nuits d’ivresse printanière de
Lou Ye, ce cinéaste qui avait été
interdit de réalisation pendant 5 ans
pour avoir évoqué la répression sur la
place Tienanmen dans son film précédent, Une jeunesse chinoise.
Comme chaque année, deux gros plans:
l’un sur la comédie italienne avec des
films de Dino Risi, d’Ettore Scola… et
l’autre sur le cinéma anglais avec Of
time and the city de Terence Davies,
Boy A de John Crowley, Fish tank
d’Andrea Arnold, et Somers town de
Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye
Shane Meadow.
La soirée Bollywood et la compétition
courts métrages seront aussi au programme de ce Festival d’automne qui
promet, comme toujours, de belles
surprises.
Festival Cinématographique d’Automne
de Gardanne
Cinéma 3 Casino
04 42 51 44 93
www.cinema-gardanne.fr
ANNIE GAVA
Apt, c’est reparti !
La 7e édition du Festival des Cinémas d’Afrique
du Pays d’Apt aura lieu du 6 au 11 novembre. 15
longs métrages, 7 courts, la plupart inédits en salles,
de huit pays différents, dont l’Afrique du Sud,
l’Algérie, le Cameroun, le Maroc, la Tunisie, seront
présentés, chacun à deux reprises, le public étant de
plus en plus nombreux.
Car les réalisateurs sont présents pour échanger avec
les spectateurs, en particulier Jean-Marie Téno,
Jihan El Tahri, Osvalde Lewat, Brahim Fritah,
Nadia El Fani qui participeront à un débat sur le
documentaire dans les cinémas d’Afrique, animé par
le critique, Olivier Barlet. Et Tariq Teguia, jeune
cinéaste algérien, donnera une «leçon de cinéma».
Un hommage à Youssef Chahine, entamé l’an
dernier, se poursuivra avec la projection de Gare Centrale, en partenariat avec Les Rencontres d’Averroès.
Un autre sera rendu au Malien Adama Drabo avec
la projection de la comédie Taafé Fanga où l’illustre
griot Sidiki Diabaté nous invite, sur la falaise de
Bandiagara, dans le passé du peuple dogon…
Le festival sera aussi une vitrine des films primés aux
Rencontres de Carthage et au Fespaco de Ouagadougou, dont Teza de Haïlé Gerima qui a eu les deux
grands prix, et, en avant-première, des films qui viennent juste d’être présentés aux Festivals de Locarno
et de Venise.
Les femmes cinéastes ne seront pas oubliées puisque cinq présenteront un film : la réalisatrice de Satin
rouge, Raja Amari, son nouveau film Les Secrets ; la
réalisatrice franco-égyptienne Jihan El-Tahri, Behind
the Rainbow ; Dyana Gaye, Un Transport en commun,
comédie musicale à la manière Jacques Demy et
Nadia El Fani, son dernier film.
Les établissements scolaires vivront encore une fois
au rythme du festival : films, échanges avec les
Les secrets de Raja Amari
cinéastes. Le jury lycéen sera présidé par Osvalde
Lewat, réalisatrice camerounaise, dont sera projeté
le documentaire, Une affaire de nègres.
Entre deux films, vous pourrez découvrir l’exposition
photo d’Abdoulaye Sima, Une Afrique questionnée,
tout en buvant un thé à la galerie Zoomy, qui se
prononce zou maï !
Et oui ! Apt, c’est reparti !!!!
ANNIE GAVA
Festival des Cinémas d’Afrique du Pays d’Apt
08 72 57 49 35
www.africapt-festival.fr
Les secrets de Raja Amari
44
CINÉMA
CINEHORIZONTES | INSTANTS VIDÉOS | TOULON
L’amour et la fête
Du 6 au 14 novembre au cinéma Le
Prado à Marseille, se tiendra la huitième
édition du Festival Cinehorizontes
En ouverture, le 6 nov, un film de la section «Aimer
autrement», présenté en partenariat avec le festival
Reflets. Fuera de carta de Nacho G. Velilla : Maxi,
propriétaire d’un grand restaurant à Madrid, est un
cuisinier connu qui vit son homosexualité sans
complexe. Un jour, sa vie va changer…
Sept films seront en compétition pour le Grand Prix,
attribué par un jury présidé par l’actrice Laura del
Sol, parmi lesquels Ander de Roberto Castón, en
présence du réalisateur : une histoire d’amour entre
un paysan basque et un immigré péruvien, également
dans le cycle «Aimer autrement».
José Luis Cuerda présentera son film Los Giraloses
ciegos, Goya 2009 du meilleur scénario, et dans le
nouveau film de Lucia Puenzo, El Niño pez, on
retrouvera Inés Efron, l’actrice révélée dans XXY.
Dans Retorno a Hansala de Chus Gutiérrez,
Pyramide d’Or au Festival du Caire, certains villageois
marocains, qui ont perdu leurs enfants candidats à
l’immigration, ont accepté de jouer leur propre rôle.
La Buena Nova d’Helena Taberna est une histoire
de guerre et de religion, mais aussi une histoire
d’amour. Ce film sera présenté également le 11 nov
au Cinéma Lumière à La Ciotat et le 12 au cinéma Le
Pagnol à Aubagne.
Réjouissances !
Invité d’honneur, le séduisant Sergi Lopez avec deux
films : El Cielo Abierto de Miguel Albaladejo et, en
avant- première, C’est ici que je vis de Marc Recha.
Les courts métrages ne sont pas oubliés avec huit
films de l’École de Cinéma et de l’Audiovisuel de la
Communauté de Madrid le 10/11, projection suivie
d’une fête cubaine à l’Espace Julien avec Pupy y
los que son son, groupe cubain de 14 musiciens,
tout frais débarqué de la Havane… Et en clôture, le 14
nov, Amateurs de Gabriel Velázquez : le voyage
d’une jeune fille d’origine espagnole, qui part en
Espagne à la recherche de son père.
Une semaine festive pour tous les amateurs de
cinéma, et de culture hispanique !
ANNIE GAVA
Cinehorizontes
Horizontes del Sur
04 91 08 53 78
www.horizontesdelsur.fr/
El nino pez © Lucia Puenzo
Par delà les horizons
Carnet de notes pour une Orestie Africaine de Pier Paolo Pasolini
Les 22e Instants Vidéo balaient
les horizons vidéo-électroniques
et poétiques. Une constellation
internationale d’installations,
projections, rencontres et
performances. Le choix sera rude !
L’hybridation des médiums est désormais signe de
notre époque ; le numérique appliqué aux images,
aux sons, au corps, à la communication globalisée
provoque des figures nouvelles, incite à l’interactivité
des technologies entre elles, du spectateur avec
l’œuvre bien souvent. Comment les créateurs dans
chaque pays s’accommodent-ils de ces possibilités ?
Quelles nouvelles propositions sont avancées ?
Quelles formes nouvelles sont inventées ?
Les Instants Vidéo 2009 repoussent encore une fois
les limites, ou tentent le rapprochement d’horizons
amis. Plusieurs manifestations sont programmées en
Pologne, Egypte, Palestine (avec un 1er Festival d’art
vidéo et Performances) et en Syrie, un bon nombre à
Nice, Aix, Martigues et Port-de-Bouc, et toujours en
port d’attache Marseille, la Friche avec une dizaine
de lieux partenaires. Pour Pierre Mercier «il n’y a pas
de combat de seconde zone». On attaque le 10
novembre avec l’inauguration des Rencontres
Poétroniques et les 16e Rencontres d’Averroès (voir
p 5) autour de L’Orestie et Pasolini, entre autres. Le
programme est passionnant.
CLAUDE LORIN
Chaque édition des Instants Vidéo et Poétiques
permet de vérifier et remettre en jeu cette remarque
de Bill Viola : «La technologie constitue une des clefs…
de toute activité artistique. C’est à la fois un moyen et
un obstacle à l’expression de nos idées. Cette tension
est tout à fait vitale pour toute œuvre d’art.»
Avez-vous vu l’horizon récemment ?
22e édition des Instants Vidéo
du 10 nov au 19 décembre
Marseille et autres lieux
www.instantsvideo.com
Des femmes
L’association Les Chantiers du cinéma programme
son 8e Festival Portraits de femme, qui décline cette
année le thème D’une rive à l’autre : des longs et
courts métrages (ne pas rater la nuit du court, à La
Seyne, le 11 déc) issus d’une dizaine de pays, projetés
à Toulon (à l’Espace Comedia, au cinéma Le Royal),
à la Seyne (au Centre social Berthe, au Théâtre
Guillaume Apollinaire), à Six-Fours (au cinéma
Alphonse Daudet), et à Châteauvallon où aura lieu
notamment la soirée d’ouverture (le 16 nov à 20h30)
: Le Secret de Lily Owens de Gina PrinceBythewood, état des lieux d’une certaine Amérique
haineuse et raciste dans les années 60. La
programmation permet de (re)voir des films de
grandes réalisatrices, récents pour la plupart : celui
de la turque Yesim Ustaoglu, En attendant les
nuages, qui revient sur le génocide Turc perpétré
contre la population Grecque Orthodoxe au début du
XXe s., Jaffa de l’israélienne Keren Yedaya, le tout
récent Cendres et sang de Fanny Ardant ou encore
le très justement primé (Grand Prix du jury, meilleur
film étranger et meilleure actrice pour Catalina
Saavedra au Festival Sundance 2009) La Nana du
chilien Sebastian Silva… Sans oublier Almodovar
En attendant les nuages de Yesim Ustaoglu
et ses Etreintes brisées, Lilienfeld et sa Journée de la
jupe, Coppola et son Tetro, ou Guédiguian avec
L’Armée du crime…
DO.M.
8e Festival Portraits de femme
du 16 nov au 12 déc
Ollioules, Toulon, La Seyne, Six-Fours
Les Chantiers du cinéma
04 94 09 05 31
CONCERTS
MUSIQUE
45
Cherche T3 pour concert de rock
Première édition réussie
pour En Aparté du 18 au 20
septembre, qui délocalise
création contemporaine et
musiques actuelles en
appartement !
Il fallait oser, ça aurait pu se passer
chez vous ou chez votre voisin, à
condition tout de même de posséder
un salon aux beaux volumes. On ne
se déplace plus pour aller au concert,
il vient à vous ! Voilà un concept
singulier et prometteur. Durant deux
soirées, trois particuliers accueillent
deux concerts au sein de leur
appartement en plein Marseille, de
Longchamp à la Joliette, en passant
par Bougainville ou Vauban.
Initiative de La Compagnie à Table,
l’évènement prend de l’ampleur, le
bouche à oreille fonctionne.
portent certainement au-delà de ce
salon ! Vient le tour de Sammy
Decoster, personnage dont on
entendra certainement reparler. La
rythmique sauvage, guitare et
contrebasse en adéquation avec son
allure tiendra sans sourciller en
haleine un auditoire pantois tout
heureux d’être là où il faut au bon
moment ! Irina Popovska, Hervé
André, Oh ! Tiger Mountain et
L’endroit de l’objet ont été les
autres acteurs de ce festival
prometteur qui s’est terminé par un
apéro-concert-picnic sur la plage.
FREDERIC ISOLETTA
© Pirlouiiiit - Live in Marseille
Réservation obligatoire mais moment
ô combien agréable qui permet
d’écouter les riffs déjantés sur les
mots slamés et jetés en pâture au
public… assis où il peut pour les
derniers arrivés, sur le parquet ou
près de la cheminée. Peu importe, les
paroles de Fred Nevchehirlian
Marsatac 11 : mission accomplie
Du 24 au 26 septembre les Docks des
Sud ont été véritablement envahis
pour la 11e édition de Marsatac
Rachid Taha © Agnès Mellon
Toujours plus haut, toujours plus fort, le festival
qui avait pris ses marques sur l’esplanade du J4
s’est posé sur une nouvelle base avec succès : les
Docks. Téléportation réussie pour 24500 adeptes !
Mutation oblige, la nouvelle aérogare, camp de
base de l’indéboulonnable Fiesta, s’est métamorphosée à coups d’images géantes : deux scènes
plus une dédiée aux jeunes talents, un espace
«labo» ouvert aux radios Nova et Grenouille, des
espaces vivants festifs intérieurs et extérieurs, de
quoi se rafraichir et se nourrir… et l’essentiel : de
la bonne musique avec son lot de surprises.
Tout a commencé avec le passage remarqué de
l’agité Rachid Taha qui pour l’occasion n’avait pas
bu que du thé à la menthe… Campé de son
antinomique compère ex guitariste des Clash Mick
Jones, l’échevelé inondait la foule d’une logorrhée
militante entre deux titres endiablés engendrant
un cocktail détonnant, reprenant les tubes interplanétaires Rock the (el) casbah et Should I stay or
should I go (avec pour ce dernier LA voix gravée à
jamais sur le sillon). Puis vint la rencontre du
troisième type : le rappeur Oreslan apparaissait sur
scène pour quelques jets de paroles, prouvant qu’il
n’était pas seulement l’auteur du titre scandaleux
devenu tristement célèbre… Mais pourquoi l’inviter,
surtout dans un festival qui n’affiche pas une seule
femme au premier plan ?
Parmi les 36 formations artistiques venues de toute
la galaxie (Bénin, USA, Italie, Japon, Grande-Bretagne…), l’accent avait été mis à juste titre sur les
créations maison avec Aftershock et Mix-Up
Beyrouth, qui ont glané un succès mérité. Tout
comme les shows très réglés d’Étienne de Crécy et
des anglais d’Archive, qui ont prouvé la très riche
diversité du festival…
N’oublions pas les belles performances d’Art Brut,
des General Elektriks, du trio vitaminé Battant et
des durs à cuire en costume trois pièces Success
dont le passage brut de décoffrage a été largement
salué et commenté. Mais si révélation il y a il faut
chercher du côté des Speed Caravan. L’incroyable
formation qui a tapé dans l’œil de Peter Gabriel a
tout d’une grande. La virtuosité transcendante de
Mehdi Haddab a sublimé l’auditoire avec son oud
électrique aux sons venus d’ailleurs. Mosaïque
d’influences orientales mêlées à une incroyable
énergie électro-rock, la caravane sauvage a tout
emporté sur son passage, subjuguant une foule en
délire et trouvant le moyen de donner ses lettres de
noblesse au sacro-saint Killing an arab des Cure,
reprise maison complètement explosive.
Tout ce syncrétisme sonore a rythmé sans temps
mort trois soirées, ou plutôt trois nuits de folie
musicale d’un Marsatac qui s’inscrit plus que
solidement dans le paysage musical.
FREDERIC ISOLETTA
Speed Caravan © Agnès Mellon
46
MUSIQUE
CONCERTS
Le Coq et l’Arlequin
D’après un certain Jean Cocteau couchant sur
papier ses aspirations patriotiques à propos d’une
musique française devant abjurer sa dépendance à
son encombrant voisin germanique, voici ce qui
vous attend : le Coq (musique bien de chez nous)
et l’Arlequin (mosaïque kaléidoscopique venue
d’ailleurs). Chauvinisme oblige commençons par
notre jardin avec la création de Dégun de la
Canebière, opérette rock marseillaise des Quartiers
Nord (5 au 7/11 à 21h au Toursky). Du côté du
théâtre des Doms en Avignon c’est Novembre en
chanson qui vous tend les bras dans une association
franco-belge : Saule et les pleureurs / Eddy la
Gooyatsh mais attention spectacle délocalisé au
Grenier à Sons de Cavaillon (14/11 à 21h). Côté
swing, la cave à jazz de Charlie Free à Vitrolles
accueille le Time out trio (7/11 à 21h) alors qu’au
Théâtre de Nîmes il faudra compter sur Richard
Bona avec Pierrick Pedron en 1ère partie dans le
cadre du festival l’Agglo au rythme du jazz (17/10
à 20h30). N’oubliez pas la presque française Jane
Birkin au théâtre du Gymnase (13 et 14/11 à
20h30) dans son spectacle Enfants d’hiver où elle
chantera ses propres textes bien mijotés sans
oublier les plus belles chansons de Serge !
On peut maintenant étaler notre arlequin tout en
couleur : la nouvelle génération flamenca du
Français Juan Carmona au Comœdia à Aubagne
vous attend pour les Nuits Flamencas (7/11 à
21h). On dérive un peu et nous voilà en plein jazz
manouche et pas des moindres avec Tchavolo
Schmitt qui nous honore de sa présence au Cadran
de Briançon (20/10 à 20h30). Même lieu d’accueil
pour Ferenc Vizi et son programme XIXe au piano,
après tout la musique dépasse les bornes et les
frontières (13/11 à 20h30). Le Théâtre Durance de
Château-Arnoux programme Piazzola, histoire du
tango à vivre avec The Renegades Steel Orchestra
(14/11 à 21h). Et pourquoi ne pas tenter le revival
Nina Simone au Carré de Sainte Maxime ? The
black rock coalition orchestra sera bien là (18/10
à 20h30) après son passage électrifié aux Salins à
Martigues (le 16/10).
Richard Bona © Betote Akwa
Renegades Steel Orchestra © Marc Roger
Que reste-il ? À Arles le Cargo de nuit bien sûr et
les fameux Hocus Pocus pourtant bien français au
show fracassant (7/11), mais surtout les New
Model Army pour les connaisseurs et notre plus
grande joie (8/11). Et vu qu’une bonne nouvelle
arrive rarement seule, le groupe britannique des
années 90 And also the trees vient présenter son
nouvel album sur la scène du Poste à Galène
(3/11). Question bonne surprise pensez à virer vers
Istres pour découvrir la prometteuse Alice Russell
à l’Usine (31/10) en revenant vers l’Espace Julien
pour Pascale Picard (18/11). Et dire que Placebo
repointe son nez au Dôme (6/11) ! Ça promet…
Alice Russell © Digby Oldridge
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Guitares acoustiques
aux accents brésiliens…
Jo Vurchio, guitariste, vit à Marseille et a connu
Toninho Ramos, compositeur guitariste brésilien,
lors de Musicoramos, des rencontres entre guitaristes et chanteurs en région parisienne. C’est au Cri
du Port, dans le cadre de l’événement Jazz sur la
Ville, qu’ils se sont produits en duo le 8 oct. La
violão de sete cordas (guitare à 7 cordes) qu’utilise
Toninho Ramos apporte, par sa corde additionnelle,
une étendue de possibilités dans les graves. Le duo
des musiciens, qui menaient tour à tour le dialogue,
a conquis un public vraiment attentif, distinguant
bossa nova, samba, choro, baião, autant de formes
musicales des régions du Brésil, qui ont pour racines
communes la culture des esclaves noirs venus
d’Afrique atlantique. La maîtrise technique de
l’instrument, la virtuosité des deux guitaristes laissaient deviner les percussions si typiques de cette
musique telles le surdo, les claves, le tambourim
ou encore le reco-reco reproduisant le coassement
de la grenouille. Un moment exceptionnel.
… jazz et bien d’autres encore...
Cave à Jazz de la Cité de la Musique le 5 oct : cordes,
cuivre, rythme et voix : un quartet étonnant formé
autour d’Alain Richou à la guitare nylon et de
Didier del Aguila à la guitare basse. Alain Richou
a d’abord étudié le piano avec Michel Petrucciani
pour se découvrir une passion pour la guitare. Il
développe aujourd’hui des compositions très personnelles empreintes de religiosité intemporelle.
Didier Del Aguila, compositeur également, a fait
preuve de son talent pour l’improvisation. Tous
© Armel Bour
deux ont démontré qu’ils sont de grands techniciens dans leur art. Notamment dans Nouvelle terre
qui remémore les vieux vinyls perdus de la série des
Return to Forever ou encore le «souvenir de l’immédiat», selon la formule d’Alain Richou, évoqué par
le morceau Rappelle toi qui prend des couleurs
arabo-andalouses. L’adjonction du trombone de
Francesco Castellani apporte un côté langoureux
et glissé au son, une rondeur, ou encore une nuance
sud-américaine. Quant à Jean-Luc Difraya, voix et
percussions, il fut un brin démonstratif et parfois
excessif. Dommage !
DAN WARZY
Jazz sur la ville se clôture le 19 oct à la Cité
de la musique avec le lancement du disque
de Raphaël Imbert New York Project (voir p 60)
et Ahmad Compaoré Quintet (Musique Rebelle)
47
Vivement la fin de semaine…
La programmation des salles de la
région reste un brin frileuse en cet
automne, annulant Nadiya et Sherifa
Luna (et reportant Lara Fabian, rien
de bien grave !). À part l’ancien Stones
Mick Taylor (le 22 à l’Espace Julien)
et un plateau reggae prometteur le 19
au Cabaret aléatoire (la première tournée de Rootz underground épaulé
par le français Danakil), tout se
déroulera les week-ends : le 23,
Mulatu Astatke mêle son vibraphone
éthiopien aux techniques des Heliocentrics, le lendemain est prévu un
grand bal populaire à Aubagne avec
les Barbarins fourchus, mais aussi
du sérieux avec Joseph Arthur au
Poste à Galène (le 24). Notez aussi
Joseph Arthur © X-D.R.
la venue surprise de No Jazz au Paradox avec un nouvel album Zooland
(pensez à réserver !).
Une semaine se passera avant de par-
tager la folie de Puppa Chubby à
Istres (le 30) ou le zouk des Aiglons
historiques de Gwada (le 31), à moins
d’être tenté par les revenants Leda
Atomica qui accompagneront le film
Nosferatu… pour la soirée Halloween
(au Kféquoi de Venelles le 31). Cela
s’active ensuite, avec les américains
de Groundation au Dock (le 6),
Maymun et son hip hop reggae funk
rigolo à l’Intermédiaire le 7 et l’enturbanné Sizzla le lendemain, pour
un ragga à 18h tapante…
Deux jours seulement à attendre
avant de retrouver un jour ferié ! le 10,
ambiance des îles pour le 30e anniversaire du groupe Kassav au Dock ou
le rythme latino du fondateur de Los
Van Van à l’Espace Julien, puis le 13
une soirée flamenco avec Louis
Winsberg à l’Espace Julien présenté
par la Meson, ou Latino au Dock pour
une grande nuit qui promet d’être
chaude avec El Canario. Le lendemain, le 14, 24 kw de Dub à l’ancienne
avec King Shiloh (à l’Affranchi) pour
les plus robustes, ou soirée jazz
Africaine à Châteauvallon avec Dobet
Gnahoré, avant Neneh Cherry. Enfin,
(voir p 58) le Portail Coucou vérifiera
l’ADN de Jo Corbeau le 17 oct et les
empreintes de Toko Blaze le 14 nov.
X-RAY
L’aventurier du son
Fidèle à une singularité exigeante qui le caractérise depuis
le début de sa carrière, le pionnier Erik Truffaz, trompettiste
suisse, n’en finit pas de sonder, en défricheur infatigable, les
secrets et richesses de l’alchimie des styles musicaux et des
sons.
Fruit de ses récentes explorations, le Paris project, émanation de l’album Paris enregistré par le label Blue Note se
faisait entendre le 10 oct à Châteauvallon. Aux côtés de Truffaz,
Sly Johnson, transfuge du groupe Saïan Supa Crew, chanteur
et talentueux beat boxer officiait au micro ainsi qu’un complice de longue date, Philippe Garcia à la batterie et au
sampler. Pour créer une atmosphère sonore homogène, le
groupe s’était adjoint la présence de Salvatore Dardano en
tant qu’ingénieur du son, qui a superbement œuvré dans
l’ombre.
Les puristes du jazz seraient déconcertés par cette prestation tant la musique semble figée par la présence des
machines. Mais ce qui est perdu en spontanéité est retrouvé
en atmosphère : bien que contraint par des boucles hypnotiques, le groove était présent, et magnifiquement mis en
valeur par la voix qui alternait de basses profondes et chaleu-
reuses en rythmes hip hop finement articulés, offrant un
contraste saisissant avec le jeu aérien au son de réverb si
caractéristique du trompettiste. En duo comme en trio avec
batterie, les musiciens ont finalement servi un set très proche
de l’enregistrement, avec des compositions originales et des
reprises, certes sans surprise, mais avec une énergie et un
enthousiasme communicatifs.
EMILIEN MOREAU
Eric Truffaz et Sly Johnson © X-D.R.
La plus belle pour aller danser…
Ne boudons pas notre plaisir, la Fiesta reste incontournable, même concentrée sur cinq
dates seulement cette année
Les coups de cœur de Bernard Aubert,
le directeur de la Fiesta, restent Avishai
Cohen (jeudi 22) et Charlie Winston
(vendredi 16), «écoutés tout l’été», même
si la surprise pourrait être l’icône du
Rock 80’s, Nina Hagen (samedi 17) ou
l’énigme Christophe (samedi 24).
N’hésitant pas à donner carte blanche à
des acteurs qu’il soutient, Bernard Aubert
veut réunir les publics, pour la soirée
hip hop/électro (vendredi 23) par exemple, afin de partager la fête ensemble.
La parenthèse Marsatac s’est refermée
définitivement, «un mariage gâché, qui
ne pouvait se réparer et devait donc se
séparer», puisque Marsatac, hôte relogé
in extremis, n’y a pas trouvé l’acoustique à son goût et s’est jugé trop à l’étroit,
n’écoutant pas le public visiblement satisfait (voir p 45)… La Fiesta réinvestit
le tapis rouge des Docks avec «plus
d’ambitions», et un peu plus d’un million d’euros de budget. Fidèle à des amis
comme Khaled (le 24), elle accueille
cette année Juan Carmona (1er concert
à la Fiesta en 96 pour son premier album),
avec tout le «gratin» du Flamenco et un
orchestre symphonique (le 22).
Seule déception avant le coup d’envoi,
l’annulation de dernière minute du Jamaïcain Chaka Demus. Tout devrait plaire
au public, avec en nouveauté grands
écrans et autres fioritures (comme une
démonstration de Cocktails), des expos
un peu partout dans les containers, et
des navettes gratuites pour rentrer.
L’équipe, citoyenne, s’est mise au tri
sélectif et gobelet unique, et invite une
centaine de SDF, par l’action de la Fondation Abbé Pierre. Même l’acousticien
invité à la conférence de presse semble
satisfait des améliorations opérées… Il
n’y a donc que des bonnes raisons pour
partir danser à la Fiesta comme on part
en vacances. Un voyage qui s’ouvrira
l’an prochain au Mexique, et a déjà lancé
l’invitation à 13 pays… pour 2013 !
De deux
choses l’une
Une pierre deux coups comme on dit!
Marion Rampal et Kabbalah seront
au Forum de Berre pour le premier
café concert de la saison (le 17/10 à
19h et 21h). Tout d’abord le Own
Virago de la géniale Marion vous
invite à fêter la sortie de son disque.
Jazz, rock et improvisation, tout y
passe pour une rencontre à savourer.
Ensuite ? Tradition klezmer et influences actuelles, les Kabbalah vous feront
valser entre orient et occident pour
se poser en Europe centrale. Révélation de l’édition 2009 du Printemps
de Bourges, ils boucleront une soirée
éclectique à double entrée à ne pas
rater !
F.I.
X-RAY
La Fiesta des Suds
Du 16 au 24 oct
Docks des Suds
04 91 99 00 00
www.dock.des.suds.org
Marion Rampal © Solene Person
04 42 10 23 60
www.forumdeberre.com
48
MUSIQUE
CONCERTS
L’œuvre sous les ruines
En clôture du Festival des Musiques
Interdites, le Toursky recevait le
prestigieux Wiener Concert-Verein le
18 septembre
On retrouvait le décor unique de grilles noires
évoquant l’univers carcéral inquiétant d’Athalie de
Mendelssohn donnée en juillet, dispositif scénique
sans doute moins adapté à un concert symphonique. Mais Cécile Auclert apportait sa voix grave
et percutante aux textes de Benjamin Constant
sur la liberté, juste avant la symphonie pour cordes
de Mendelssohn : remarquable unité des pupitres,
attaques précises, direction souple et tonique
d’Errol Girldlestone. La récitante glaçait ensuite la
salle par ces mots extraits du Nationale Zeitung :
«la musique de Mendelssohn est certes géniale, mais
elle n’est pas supportable pour un mouvement de
culture raciste…»
Le concerto pour violon, piano et orchestre du
même Mendelssohn nous fit découvrir la violoniste
Vera Novakova, sensuelle et dynamique et la pianiste
Maki Miura-Belkin, au toucher clair et brillant :
séries d’arpèges redoutables de l’allegro. Un extrait
de La Ruine de Kasch de Robert Calasso, sur le
pouvoir et la tyrannie, annonçait la création d’Helmut Schmidinger, symphonie en cinq phrases issues
d’une lettre de Haydn à Maria Anna de Genzinger :
œuvre de belle facture pour ce compositeur de
quarante ans. Ses dissonances âpres rappellent les
premières œuvres de Schönberg mais dans la der-
L'orchestre Wiener
Concert-Verein © X-D.R.
nière partie, l’écriture, carrément tonale, surprend.
On attendait plus d’audace contemporaine dans une
œuvre d’aujourd’hui !
La lettre émouvante de Haydn à son éditeur Breitkopf,
demandant l’indulgence pour son chef-d’œuvre La
Création, était une manière élégante d’annoncer sa
symphonie n°49. Les cordes toujours homogènes et
chaudes et les belles couleurs des vents résonnaient dans l’Andante plaintif et l’Allegro passionné.
Un beau concert qui célébrait le bicentenaire du
père de la symphonie. À travers son prolongement
romantique et contemporain, un souffle de liberté.
YVES BERGÉ
Roquevaire les Orgues
La 13e édition du Festival International d’Orgue de Roquevaire bat son plein depuis mi
septembre à travers la thématique bois, cuivres, et orgue naturellement. Retour sur le
concert tout en couleurs du 3 octobre
S’il existe un instrument complètement «timbré», c’est bien l’orgue !
Véritable orchestre à lui seul, surnommé roi des instruments, il offre
une palette sonore dotée d’une
richesse incroyable où l’organiste
choisit ses «jeux» comme le peintre
mélange ses couleurs. Si au demeurant vous vous approchez d’une
console d’instrument vous pourrez y
voir entre autres des timbres proposés : clarinette, trompette, hautbois,
flute ou basson.
Associer ces registres existants à un
ensemble à vents est le pari audacieux et réussi de ce 13e Festival
International d’Orgue de Roquevaire, toujours sous la houlette de
son président Jean-Robert Cain. Le
public nombreux a pu apprécier
l’alliage éclatant proposé par le
Quintette à vent de Marseille et
Brice Montagnoux aux claviers dans
un répertoire essentiellement français
allant de Daquin à Tomasi en passant
par Widor, Roussel, Dupré et Alain.
L’organiste, brillant soliste, a pu faire
admirer sa technique et sa musicalité
dans la 5e symphonie de Widor et
dans l’incroyable final de l’Evocation
de Dupré. Les interprétations remarquables de Noëls de Daquin, des
danses de Tomasi ou du trop rare
divertissement de Roussel ont mis en
évidence une association originale
(ainsi que des opus peu donnés) qui
varie des duos immuables dont le
© X-D.R
public est pourtant friand… Soulignons l’ouverture vers le monde
contemporain avec en point d’honneur la présence du compositeur
Lucien Guerinel, donnant des
explications sur ses Médiatissées,
œuvre récente à l’humour corrosif
(pièce dodécaféinée…). Thomas
Saulet à la flute, Bernard Giraud au
hautbois, Daniel Paloyan à la
clarinette, Frédéric Baron au basson
et Renaud Taupinard au cor ont su
donner la réplique aux cinq claviers
du gigantesque instrument, dans un
concert au diapason d’un festival qui
bouge !
FREDERIC ISOLETTA
Lieder
enflammés
Le cycle «Musique et Poésie», initié
par le Consul Général d’Allemagne en
collaboration avec la Cité de la
Musique de Marseille, s’est ouvert le
9 oct sur un concert dédié à Robert
Schumann. Le but étant ici de
retrouver l’esprit romantique du
Liederkreis opus 39, ses grands élans
et l’omniprésence du sentiment
amoureux, on ne fut pas étonné de
voir le comédien Michael Zugowski
faire le récit de la tentative de suicide
du compositeur, avant de lire les
lettres enflammées de Robert et Clara
à la lueur d’un chandelier, les yeux
perdus dans le vague. Parti pris plutôt pertinent : Schumann avait en
effet composé ces Lieder entre 1839
et 1840, années qu’il passa séparé de
sa fiancée, réduit à une correspondance
illicite… Ses lettres, passionnées,
témoignent de l’amour et de l’estime
du compositeur envers sa muse, celle
qui seule selon lui saura interpréter
son œuvre avec assez de subtilité.
Les lettres de Clara regorgent également de mots d’esprit et d’envolées
lyriques maîtrisées. Rappelons que
les œuvres et concerts de la talentueuse musicienne avaient également
laissé Goethe, Liszt et Brahms sans
voix.
La mezzo colorature Christine
Kattner, à l’origine de ce projet et
habituée à ce répertoire, a su
interpréter ces Lieder remarquablement, avec émotion et agilité. La
finesse et la subtilité de sa voix ne
s’accordaient malheureusement pas
toujours avec le jeu plus en force de
la pianiste Nina Uhari ; mais ces
quelques décalages n’ont pas fait
tiquer un public conquis. Le concert
s’est achevé sur un Lied de Clara
Schumann, Liebst du um Schönheit,
éloge d’un amour tendre. Celui que
les deux musiciens partagèrent
jusqu’au bout.
SUSAN BEL
49
Musique et patrimoine Son et sens
Les journées du patrimoine s’orchestrent de multiples façons laissant le
choix de visites, de découvertes
inédites, de retrouvailles aussi avec
des lieux que l’on côtoie en oubliant
parfois leur beauté. Il y a aussi des
concerts qui renouent les fils de notre
histoire, nous entraînent inlassablement dans des voyages où le temps
s’abolit. C’est ce que s’efforce de
promouvoir depuis plus de vingt ans
l’ensemble Les Festes d’Orphée. Le 20
sept, en l’église du Saint-Esprit d’Aixen-Provence, les spectateurs étaient
invités au voyage. Avec une chanson
des Filles à marier de Gilles Binchois,
riches entrelacs du chœur des hommes
et de celui des femmes, canons, ruptures de rythmes, neuves au début du
XVe, chant vigoureux et plein d’humour auquel des extraits plus sérieux
de la messe L’homme armé de
Guillaume Dufay, son contemporain,
s’élèvent dans l’entêtante odeur des
lys. Belles interprétations aussi de la
Provence baroque de Jean Gilles,
Campra, Vallière. Le XXe pour une fois
était à la Feste, avec la fine et subtile
interprétation des quatrains Valaisans
(Rilke) de Darius Milhaud, par la
voix tout en nuances de Laure Bonnaure, ou les Vingt Alléluias de Philip
Tyack, en création : de larges vagues
qui s’emportent, s’apaisent, permettent au chœur de donner toute sa
mesure. Un concert original pour cet
ensemble qui a fait la démonstration
de sa qualité en osant aborder des
œuvres qui ne constituent pas le fond
de son répertoire. Une initiative à
cultiver : sans création pas de
patrimoine pour demain !
MARYVONNE COLOMBANI
Choeur
des Festes d'Orphee
© Les Festes d'Orphee 2009
Galliano come Bach !
Ses concerts sont des événements
attendus avec impatience par les amateurs de jazz et de tango argentin,
surtout quand le programme porte le
titre alléchant de From Piazzola to
Galliano ! Dans une enceinte qui vibrait
encore du souvenir des deux symphonies
(5 et 9) de Beethoven programmées
peu de jours auparavant, le Grand
Théâtre de Provence, fidèle à son
éclectisme, accueillait donc l’icône du
«new jazz musette» français. Un quintette à cordes aux allures schubertiennes
allait servir de partenaire à l’accordéoniste, qui débutait avec brio le
concert par le très célèbre Libertango
de Piazzola ; le face à face s’annonçait sulfureux ! Le tango qui suivit
allait rapidement calmer nos ardeurs.
Le jeu de l’ensemble à cordes, au
phrasé millimétrique, les contours
mélodiques subtils mais sans chair
rendirent le superbe Vuelvo al sur
presque anémié : l’équilibre entre les
jeux opposés du soliste et du quintette avait du mal à se faire.
Cette dichotomie fut plus marquée
encore dans l’œuvre suivante : le
concerto en la mineur pour violon de
Bach ! Certes il s’agissait d’une première en direct, dans une salle à
l’acoustique impitoyable… Mais un
problème musicologique se pose, lié à
l’interprétation de l’œuvre : on peut
sans doute jouer Bach debout à l’accordéon, dans un phrasé oscillant entre
jazz et classique… mais avec un quintette au jeu académique et confiné ?
Le from Piazzola via Bach… était un
détour de trop.
La deuxième partie du concert fut de
meilleure facture, et atteignit même
des sommets lorsque Galliano fit du
Galliano (Concerto pour accordéon,
Suite française), avec un quintette qui
commençait enfin à le suivre. Mais le
troisième mouvement du concerto
pour hautbois de Bach, qui clôtura la
soirée en guise de bis, confirme le
virage actuel pris par l’accordéoniste
français. Les nostalgiques du Richard
au cœur de lion le pleurent déjà !
CHRISTOPHE FLOQUET
Les Acousmonautes © Jose Assa
Les Acousmonautes, collectif de
compositeurs de musique électroacoustique créé en 2008, proposent
depuis le 25 sept (jusqu’au 21 oct)
une exposition à la Fondation
Vasarely : L’opus à l’oreille rassemble
diverses installations photos, vidéos
et «mises en son» des salles de la
Fondation. Une conférence et un
concert y ont eu lieu le 10 oct :
l’occasion pour un public malheureusement peu nombreux d’en apprendre
plus sur la musique acousmatique.
Ce souci des compositeurs de rendre
accessible leur travail méconnu,
difficile à appréhender, en rapprochant leurs œuvres de photos et de
textes, n’est pas toujours efficient.
Ainsi le descriptif attribué aux Pullulants d’Hugues Delbergue, travail
pourtant plutôt abouti, fait sourire :
ce grouillement savamment orchestré
serait une allusion à l’émergence
d’une élite réduisant les humains à la
haine et à la misère ? On se demande
également si une installation audio
de Lucie Prod’homme et quelques
clichés passés de Christophe Moidica remplissent leur ambition de
dénoncer les travers de l’urbanisme…
Mais si ces justifications et rapprochements desservent certaines
œuvres, plusieurs pièces sont tout à
fait dignes d’intérêt ! On retiendra
notamment une création de Lucie
Prod’homme, Derrière les murs, travail
sur les cris, chuchotements, inspirations de sursaut, traduisant à merveille
l’angoisse et les prémisses de la folie
inhérents à l’isolement. Ainsi que la
création de Fabrice Martin, ou le Puzzle
96 de Michel Pascal, assemblage
brillant de divers enregistrements
musicaux réarrangés : cette musiquelà n’a aucun besoin de paratextes
pour signifier…
SUSAN BEL
L’Opus à l’Oreille
Fondation Vasarely, Aix
jusqu’au 21 oct
Richard Gallliano © X-D.R.
50
MUSIQUE
CONCERTS
Deux fois, pour mémoire
© X-D.R
Deux œuvres majeures du Baroque tardif, le Salve
regina de Scarlatti et le très célèbre Stabat Mater
de Pergolèse, contrepointées par la Symphonie du
Saint-Sépulcre de Vivaldi, furent données le 12 sept
(17h et 21h) à la Chapelle des Oblats à Aix : un
double concert un peu exceptionnel car sujet à un
enregistrement en direct qui débouchera sur la
sortie d’un CD commercialisé en décembre. L’ensemble Parnassie du Marais, au nom quelque peu
énigmatique et suranné dirigé par la claveciniste
Brigitte Tramier, mit son talent au service de la
soprano Catherine Padaut et du contre-ténor
Michel Géraud. Aux antipodes des interprétations
empreintes d’un pathos ostentatoire, cet ensemble
de poche mit l’accent sur une palette de sentiments
nuancés avec une sobriété et une humilité exemplaires. Ce choix, gageure tant il implique d’attirer
l’auditoire dans un univers confiné sans tomber dans
la monotonie, fut en partie réussi grâce à l’équilibre
trouvé entre les deux chanteurs. À la clarté, l’assurance, la précision technique de la soprano répondit
la souplesse et la chaleur de la voix du contre-ténor
patinée par une musicalité exceptionnelle. À
l’unisson de ses chanteurs les deux violons et le
continuo soulignaient les volutes de la mélodie.
Excès de précision ? Inhibition due à l’enregis-
trement ? Le motet de Scarlatti donné en ouverture
manquait d’un peu de brillance et de relief. La
petite pièce de Vivaldi, exempte de virtuosité mais
à l’expression très forte, libéra l’ensemble qui finit
par une superbe interprétation du Stabat Mater. La
pitié douloureuse du texte illustrée par une large
gamme de sentiments fut magnifiée par l’ensemble.
Ce concert tout en nuances laisse augurer de la
qualité du disque à venir, attendu avec une impatience non dissimulée…
CHRISTOPHE FLOQUET
Musiques au Château
Uchaux est une commune située à la limite du
Vaucluse et de la Drôme. Elle a la chance (et la
charge !) de posséder un trésor qu’une association
tente de valoriser. Sur ses hauteurs, surplombant la
vallée du Rhône, au nord d’Orange, émerge un
antique château, vestige d’un moyen âge loin
d’avoir révélé tous ses mystères.
Lors des Journées du Patrimoine, l’équipe de
bénévoles a accueilli de nombreux visiteurs sur
l’enceinte fortifiée du Castellas et sa chapelle
romane attenante. Mais l’idée de son Président Paul
Reymond, architecte de métier (converti pour l’occasion en guide de luxe), a été d’agrémenter la visite
des salles, terrasse ou nef romane de musiques
d’agrément.
L’ensemble Baroques-Graffiti, dirigé par le claveci-
niste Jean-Paul Serra, bien connu des amateurs
de musique ancienne en région, Caroline Gerber et
Sharman Plesner (viole d’amour, violon), Tarek
Abdallah (oud) et Jean Christophe Deleforge
(violone) ont présenté leur instrument avec à
propos. Les sonorités de Bach, les improvisations
choisies sont entrées en harmonies avec les vieilles
pierres de tailles ornées d’énigmatiques marques
de tâcherons.
En soirée, toute la troupe est descendu dans la
vallée pour découvrir, dans l’adorable église de la
Galle, cinq superbes Sonates, tout en allegros polyphoniques et nuances subtiles, adagios profonds
ou danses panachées, gavotte, gigue ou sarabande… signées Johann Pachelbel.
© X-D.R
Baroques-Graffiti s’est produit durant
les Journées du Patrimoine le 20 sept.
à Uchaux
JACQUES FRESCHEL
© X-D.R
Avignon sous le soleil !
C’est avec le Chanteur de Mexico de Francis Lopez que s’est
ouverte la saison lyrique de l’Opéra-théâtre d’Avignon
Créée en 1951 avec Luis Mariano dans
le rôle de Vincent ( le chanteur et
danseur de fandango), cette œuvre
connut immédiatement un grand
succès : plus de deux millions de
personnes applaudirent le Chanteur à
sa création, et les vingt tableaux des
deux actes furent tous somptueux !
Le Chanteur de Mexico marque l’apogée de la notoriété de Lopez qui a
composé ici la plupart de ses meilleures mélodies et plusieurs d’entre
elles, dont Mexico, Acapulco ou
encore Quand on voit Paris d’en haut
sont encore sur beaucoup de lèvres.
En Avignon aussi, près de 60 ans
après, le succès est grand ! L’opérette
est chaudement applaudie, car dès le
début s’est installé sur scène une
énergie et un enthousiasme contagieux qui ont perduré jusqu’au final.
La chanson Mexico a bien sûr été reprise plusieurs fois par les artistes et
les spectateurs. Un spectacle pétillant d’un bout à l’autre, mis en scène
dans un esprit de fête par Jacques
Duparc.
CHRISTINE REY
51
Seicento et cantates profanes
Les escales italiennes ont d’entrée séduit le public les 4 et 6 oct
lors des premiers concerts de l’Automne Baroque
Il est des ensembles qui n’évitent pas
la redondance de programmes entendus mille fois, parfois même par les
mêmes interprètes… Au demeurant
les opus de maitres peuvent échapper
et gagnent à être réentendues mais
hélas ce ne sont pas toujours ces
derniers qui sont servis à toutes les
sauces au public ! Heureusement, le
Concerto Soave issu du Centre Régional d’Art Baroque s’évertue à
allier qualité et rareté des œuvres. En
ressuscitant les Vêpres à la Vierge
comme elles étaient données dans les
églises vénitiennes au milieu du XVIIe
siècle, Jean-Marc Aymes offrait de
ses claviers (clavecin et orgue) une
musique incroyablement colorée à un
auditoire comble. La littérature proposée (avec psalmodie de l’antifona)
nous a plongés au cœur de la cité des
doges au temps de Monteverdi,
brossant un tableau d’art sacré où le
nouveau style concertato devient
l’écho des représentations du Tintoret
ou de Véronèse. Grossi, Merula,
Rigatti, Donati, Grandi, Rovetta,
Mazzochi et Mattioli sont des noms
qui ne vous disent rien ? Peu importe,
leurs belles partitions témoignent de
l’intense activité qui régnait à San
Marco et ailleurs. Il faut dire qu’avec
Ensemble Concerto Soave © Marie-Eve Brouet
la spécialiste du chant baroque
Marie-Christine Kiehr les notes ne
peuvent qu’être magnifiées tant le
timbre si suave de sa voix correspond
à ce répertoire. Le trio vocal composé
également du ténor Valério Contaldo
et du baryton-basse Stephan Macleod
se révélait harmonieusement équilibré, soutenu avec sensibilité (dans
une musique qui en demande énormément) par l’archiluth de Diego
Salamanca, la basse de violon
d’Etienne Mangot et les deux violons
d’Alba Roca et Béatrice Linon. Un
très beau moment.
FREDERIC ISOLETTA
Sandrine Piau © Antoine Le Grand-Naive
L’Histoire
à rebours
Deux jours plus tard le CRAB nous
emmenait à Rome à travers Lamenti e
Trionfi d’Amore chantés par Sandrine
Piau, auréolée des Victoires de la
musique 2009.
Jean-Marc Aymes, dynamisé par le
succès de l’intégrale Frescobaldi, surprenait à nouveau par son élégance
et sa science du continuo. Dans la
sonate en ré de Haendel, il peint les
plus beaux contrastes : une Allemande pulsée et terrienne suivie d’un
Presto brillant et magique. Etienne
Mangot, violoncelle et viole de gambe,
suit avec intelligence le discours harmonique et détaille avec un timbre
soigné les mouvements lents et vifs
de la Sonate de Geminiani.
La mozartienne Sandrine Piau affronte les redoutables vocalises. Le
combat est féroce et rappelle la symbolique de l’amour baroque, conquête
insaisissable… Elle jongle avec les
phrases étourdissantes de Storace,
Cesti, Bononcini, Rossi, Gasparini,
comme le faisaient les castrats de
l’époque. Les figuralismes langoureux
(lagrime dove sete, Rossi) contrastent
avec l’explosion des récitatifs dramatiques : crudellissimo arciero, Bononcini).
En bis, le sublime credete almen dolore de Haendel, compositeur allemand
naturalisé anglais qui a importé à
Londres l’opéra italien ! Des pianissimi aériens, un soutien parfait de la
basse de viole et du clavecin, aria
suspendu sur un fil, celui du partage
entre les styles divinement empruntés. Et la très espiègle Canzonetta de
Monteverdi quel sguardo sdegnosetto
où Sandrine Piau se révèle mutine à
souhait.
Un très beau voyage romain, escale
baroque et profane.
Les programmes symphoniques de
cette année avignonnaise ont décidé
de faire entendre, à chaque concert,
une œuvre contemporaine. Et c’est à
un parcours à rebours que le concert
d’ouverture conviait l’auditoire le 9
oct… Avec Incanto tout d’abord, du
français Eric Tanguy. Sacré Compositeur de l’année aux Victoires de la
musique classique 2008 (et 2004),
Eric Tanguy est né en 1968 et sa
notoriété a dépassé depuis longtemps
nos frontières. Incanto a été commandée par l’orchestre de Bretagne,
créée le 28 janvier 2002 au Lincoln
Center de New York, et plusieurs fois
enregistrée. Courte œuvre symphonique, elle présente une richesse de
timbres impressionnante, et une
vigueur orchestrale considérable, qui
ne recule pas devant l’expressivité et
s’empare de l’héritage symphonique
légué par ses pères.
Cent ans avant la naissance d’Eric
Tanguy, Edvard Grieg, alors âgé de 25
ans, composa son Concerto pour piano
et orchestre en la mineur : la première
audition eut lieu en avril 1870, et
reçut immédiatement l’approbation
de Franz Liszt.
Ce concerto, œuvre clé du répertoire
pianistique, allie lyrisme et virtuosité.
L’immense pianiste russe Mikhail
Rudy, spécialiste de cette œuvre, l’a
interprété à Avignon avec toute la
passion et la magie qu’on lui connaît.
La seconde partie de soirée fut consacrée à la troisième symphonie de
Beethoven, l’héroïque et Napoléonienne. Elle a obtenu un succès
prévisible, grâce à l’implication de
l’orchestre emmené par Jonathan
Schiffman.
YVES BERGÉ
CHRISTINE REY
52
MUSIQUE
CONCERTS
Nouvelle star
Création marseillaise réussie pour Préface en prose, œuvre du jeune
compositeur Lionel Ginoux à la Minoterie le 2 octobre
La musique dite savante n’est pas
toujours vielle d’un ou deux siècles.
Elle se compose encore de nos jours,
et est même jouée en concert…
Certes on n’écrit plus comme Mozart
et pourtant les acteurs de ce
renouveau artistique ont aussi du
talent, et ont besoin d’être reconnus
comme des musiciens d’aujourd’hui,
tout autant «actuels» que ceux des
autres musiques… Lionel Ginoux
fait partie de ces artistes talentueux
et la création marseillaise de Préface
en prose pour chœur mixte, orchestre
de chambre et récitant ne nous fera
pas mentir. L’ensemble C Barré ?, le
chœur Pyramidion et le jeune et
dynamique chef Sébastien Boin,
tous les protagonistes ont mis leurs
qualités au service d’une musique
riche et construite. Sur des textes
émouvants du poète juif roumain
déporté Benjamin Fondane, relayés
avec finesse par le récitant Sacha
Saille, l’espace se construit puis se
Lionel Ginoux © X-D.R.
déconstruit. Le traitement orchestral
et vocal (les cordes de la harpe
frottées parfois à la brosse, le bruit
du souffle dans les bois ou encore le
froissement du papier journal) donne
une dimension chatoyante aux
alliages de timbres confondants. La
maturité de l’écriture est déjà
largement perceptible, dans l’unité et
le sens de l’œuvre, la matière et
l’émotion. Un opus salué avec ferveur
par un auditoire conquis dans une
salle bondée.
En préambule et sous la direction
efficace de Pascal Denoyer était
donnée la cantate a cappella Gegen
den Krieg (contre la guerre) de
l’allemand Eisler, combattu et
pourchassé tant par les nazis, les
américains que les communistes !
Œuvre sérieuse dont les méandres
contrapuntistes rappellent les racines
germaniques d’un auteur qui n’a pas
composé que de la musique de scène.
FREDERIC ISOLETTA
Contre l’apathie,
écoutez une «revue de cuisine» !
Le 10 oct, le Théâtre du Cadran de Briançon et
l’Ensemble Télémaque servaient sur le plateau du
Foyer Culturel de l’Argentière la première de La
revue de cuisine, leur coproduction franco-italienne.
Un mélange détonnant de textes savoureux de la
littérature musicale et gourmande, entre jazz et
surréalisme, un spectacle excentré et juste ce qu’il
faut excentrique. C’est que les théâtres alliés de
Gap et Briançon déplacent ce concert tout neuf vers
des contrées ordinairement battues en neige, Embrun,
Veynes… Chabottes, qui soudainement vont se
mettre à frémir puis bouillir des accents poétiques
ou jubilatoires de compositeurs snifant avec délice
leurs premières lignes mélodiques de jazz…
© Agnes Mellon
Debussy, Chostakovitch, Satie, entrecoupés de
textes éclectiques, poétiques, souvent appétissants,
toujours esthétiques, sont servis avec vivacité,
sensualité et coquinerie par la très savoureuse
Julie Cordier. Une rencontre entre musicalité des
langues et accents instrumentaux, où les proportions entre commedia dell’arte et tendre morceau
de poésie sont très habilement dosées par Alexandra
Tobelaim, l’excellente metteuse en «cène». Un
chef, Raoul Lay, qui joue à se toquer de la Julie
soubrette, au point de ne diriger ce nouveau
voyage du talentueux Télémaque que d’une demibaguette !
Le public mis en appétit sort en se demandant si
les suaves saveurs sensuelles qui subsistent résonnent encore aux papilles, aux pupilles ou aux tympans.
Un goût qui questionne sur les esthétiques
comparées de l’art culinaire, de la littérature et de
la musique en une tentative de les hisser en leurs
contrées et sommets les plus reculés… en l’alpe !
YVES BERCHADSKY
La Revue de cuisine après sa création
à L’Argentière puis Guillestre poursuit son périple
excentré à Embrun (le 14/10), Veynes (le 16/10),
Serres (le 18/10), Tallard (le 20/10), Chabottes
(le 22/10) avant une tournée en Italie.
Théâtre le Cadran, Briançon (05)
04 92 25 52 52
www.ensemble-telemaque.com
Joie et destin
Chacun connaît connait les premières
mesures de la Symphonie du destin,
tous savent fredonner l’Hymne à la
joie. Étrange manie que d’aimer
retrouver des compositions mille fois
entendues… mais qui n’arrivent pas à
Anima Eterna © Dirk Vervaet
lasser malgré le nombre de leurs
différentes interprétations. Quel
bonheur d’entendre pour la énième
fois la 5e et la 9e symphonie de
Beethoven, jouées magnifiquement
sur des instruments anciens au Grand
Théâtre de Provence ! L’expérience de
l’orchestre dépasse de loin l’écoute
d’un disque : elle est physique pour le
public envahi de sons, pour les
musiciens aussi qui interprètent deux
œuvres aussi riches dans la même
soirée.
Ampleur des cordes, velouté des
pizzicati des violoncelles, envolées
maîtrisées des flûtes, son particulier
des bois anciens, avec quelque chose
de champêtre dans le rendu…
l’ensemble Anima Eterna, sous la
direction toute en nuances de Jos
Van Immerseel, a donné au public
aixois un spectacle animé d’une belle
fougue. Le chœur et les solistes de
l’hymne à la joie étaient éblouissants,
avec des voix larges, puissantes, bien
timbrées. Une soirée d’exception !
MARYVONNE COLOMBANI
Vers le romantisme
1, 2, 3, 10… aucune énigme pour ces nombres, mais le choix des sonates pour
violon et piano de Beethoven, interprétées le 9 octobre au GTP par Isabelle
Faust au violon, et Alexandre Melinkov au piano. Le programme n’est pas
très original, mais il est interprété par des maîtres ! L’une est soliste du Berliner
Philharmoniker ; l’autre, nommé New Generation Artist Musique de chambre par
la BBC. Devant un parterre de mélomanes avertis, ces jeunes artistes ont donné
toute la mesure virtuose de leur talent : un travail d’une rigueur irréprochable,
trilles enlevés du piano, belles cadences, intelligence parfaite des deux
musiciens qui dialoguent véritablement, sublimes legatos du Stradivarius qui
salue aussi lors des rappels, une Belle au bois dormant qui a su emporter le
public dans ses rêves. Une riche palette d’émotions, de la gravité à l’allégresse
ludique se jouait sous les doigts de ces deux grands artistes. Qui ont
parfaitement témoigné de ce moment clef de l’histoire de la musique, où le
clarissime s’est fait romantique…
MARYVONNE COLOMBANI
Isabelle Faust
© Marco Borggreve
54
MUSIQUE
CONCERTS
Der… Die… Das ?
Ne nous fions pas à l’apparente légèreté du Chevalier à la
Rose : peu avant le cataclysme de 1914, Richard Strauss et
Hofmannsthal ont réalisé un pur chef-d’œuvre !
D’une écriture dense et savante, mais
sachant nouer avec une veine à
valeur universelle, Le Chevalier à la
rose puise à la source de Beaumarchais. L’intrigue cette comédie
burlesque s’ancre dans une Vienne
toute rococo et, sans que cela déroute, des décors feuillus à la
Fragonard ou du Watteau des «fêtes
galantes». Sa musique regorge de
clins d’œils : du coït orchestral de
l’Ouverture aux valses chamarrées qui
jalonnent un scénario aux allures de
Nozze mozartiennes, mâtiné d’un
pastiche d’aria italienne, de symphonies puisant ses couleurs chez Mahler
ou du grotesque Falstaff de Verdi…
son flot instrumental voluptueux
foisonne de zébrures qui dardent la
toile d’épais coups de pinceaux expressionnistes d’où émergent des récifs
d’un dépouillement impérieux.
Ce sont dans ces suspensions d’une
lourde charge émotive que La Maréchale de Gabriele Fontana a fait
basculer le public du «rose» un rien
kitch au «gris» mélancolique. Son
personnage de femme au seuil du
déclin physique est unique dans
l’histoire de l’opéra. Sans elle, l’opus
ne serait qu’un oeuvrette sans profondeur… On y lit, cependant, outre
une réflexion sur la fuite d’un temps,
la fin d’un monde qui, du côté du
Danube (aussi bleu soit-il), ne se
relèvera plus.
On ne sait pas au bout du compte (du
conte ?) quel est le rôle principal de
l’opus. Le Baron Ochs du grand Manfred
Hemm (inoubliable Papageno, davantage ici Falstaff qu’oiseleur) a
traversé la scène en homme «primaire», gouailleur et antipathique à
souhait. Véritable opéra de femmes
Le Chevalier à la rose © Christian Dresse 2009
(le magnifique trio final en est peutêtre la clé), Der Rosenkavalier doit
beaucoup aux aigus cristallins de la
jeune Sophie incarnée par Margareta
Klobucar.
Mais les représentations marseillaises,
mises en scène par Dieter Kaegi et
dirigées par Philippe Auguin, ont
surtout révélé un grand «Chevalier».
Kate Aldrich (superbe Salammbô il y
a un an) trouve dans ce noble travesti
de quoi donner la pleine mesure de
ses talents théâtral et vocal. Brava
(ou bravo ?) !
JACQUES FRESCHEL
Le Chevalier à la Rose
a été représenté du 30 sept.
au 7 oct à l’Opéra de Marseille
Dynasty
Les Bach sont une lignée
impressionnante ! Leur réputation
venait d’un talent immense
et d’une énergie débordante :
sept générations de compositeurs !
Pierre Cao © Sebastien Boulard
C’est grâce aux Amis de Saint Victor qu’on a pu entendre, le 8 oct, six compositeurs de cette lignée:
Johann Christoph Friedrich, Johann, Johann Christoph, Johann Michaël, Carl Philipp Emanuel et bien
sûr l’immense Jean-Sébastien. Pierre Cao, le
Chœur Arsys Bourgogne et Le Concert Lorrain
ont proposé un concert de Motets avec récitant.
Savoureux mélange de styles : du noble choral
luthérien de Johann Christoph aux fugues étourdissantes de Jesu meine Freude de Jean-Sébastien.
Le narrateur Yohann Albaladejo prenait un plaisir
malin à ces histoires d’admiration entre pères, frères,
oncles, cousins, histoires d’ascension, de transmission du savoir : une voix ferme et enthousiaste, qui
se délecte à la lecture des ancêtres musiciens de
Jean-Sébastien.
Le continuo est assuré brillamment, et le chœur
étonne par la qualité des attaques, l’articulation, le
phrasé, le détaché : Pierre Cao, à la direction ferme
et nuancée, scrute le son pour en faire ressortir la
moindre vibration. Dans Fürchte dich nicht (N’aie
pas peur) le dialogue entre les deux chœurs est si
parfait qu’on entend parfaitement le contrepoint à
huit voix, dont les effets spatiaux auraient ravi
Johann Christoph : il avait lui-même conçu deux
tribunes à Eisenach !
Jesu meine Freude (Jésus, ma joie) de Jean-Sébastien
est un sommet musical. Béatitude céleste, sons
tenus, tuilages, dix minutes suspendues en pianissimo dans la fugue : l’entrée des ténors (Ihr aber
seid nicht fleischlich, sonder geistlich -vous n’êtes
pas de chair, mais d’esprit) suivis des soprani puis
ténors et basses est sublime! L’Abbaye bondée
gardera longtemps les résonances de ce moment
enthousiasmant.
YVES BERGÉ
La farce selon Verdi
En 1889, à 76 ans, Giuseppe Verdi revenait au
métier de compositeur pour écrire son 28e et ultime
chef-d’œuvre : Falstaff. En se renouvelant, il venait
tordre le cou aux idées reçues concernant son prétendu conservatisme en matière de lyrisme. Dans
cet opéra, délaissant à dessein la grandiloquence
habituelle de ses chœurs populaires antérieurs au
profit d’une finesse d’écriture relevant davantage
d’un travail de coloriste que de mélodiste, il crée
une sorte de déclamation continue à l’image de
Wagner, son rival de l’époque, et cisèle l’orchestration. Auréolé de son précédent succès, Otello,
pour lequel il avait déjà eu recours au librettiste
Boïto, il livre alors une comédie lyrique profondément ambiguë dans sa signification mais magistrale
dans sa musicalité.
Reprendre un tel ouvrage n’est donc pas chose aisée
d’autant que nombreuses sont les différentes versions
enregistrées de ce monument. C’est ce défi qu’ont
relevé l’orchestre et les chœurs de l’opéra de Toulon
aidés par une distribution vocale de premier plan et
placés sous la direction efficace de l’excellent
Giuliano Carella. En effet, sur une mise en scène
et des décors classiques, la part belle était donnée
aux chanteurs, tous convaincants tant vocalement
que par leur présence scénique : Alberto Mastromarino dans le rôle titre était parfait, sans parler
des remarquables Adina Aaron (Alice) et Gianpero
Ruggeri (Ford) qui ont su enchanter les amateurs
d’opéra, venus en masse goûter aux délices du
lyrisme à l’italienne.
EMILIEN MOREAU
Falstaff © Frédéric Desmesure
Falstaff a été joué
à l’opéra de Toulon
du 9 au 13 oct
55
Manon à l’italienne
Manon Lescaut est le premier chefd’œuvre de Puccini, avant la Bohème,
Tosca et Butterfly. Huit jours après sa
création le 1er février 1893 à Turin,
c’est à Milan que l’autre grand Italien
de l’opéra dévoile son ultime ouvrage
lyrique avec un euphorique Falstaff.
Comme si, cette année-là, le témoin
passait symboliquement d’un génie à
l’autre, de Verdi à Puccini.
C’est sans doute le succès du Manon
de Massenet (1884) qui a donné
l’idée à Puccini de puiser à la source
de l’abbé Prévost. Mais à la différence
du Français qui colore l’ouvrage de
menuets et autres références au
XVIIIe siècle, décrit une idylle plutôt
naïve que la réalité du monde finit
par détruire, c’est principalement à la
description tout italienne d’une
passion désespérée que s’attache
Puccini. Le succès est également au
rendez-vous et, depuis, les voix les
plus éminentes (Freni, Callas, Caballé,
Domingo, Di Stefano..) se sont
penchées sur le destin tragique de la
jeune Manon et de son fougueux
amant Des Grieux.
Sur la scène phocéenne, pour une
toute nouvelle production mise en
scène par Yves Coudray, on attend la
soprano Catherine Naglestad et le
ténor Andrew Richards entourés
d’une pléiade d’artistes. La direction
musicale est assurée par Luciano
Acocella (les 12, 14, 17, 19 nov à
20h et le 22 nov à 14h30).
L’Opéra offre également des concerts
de Musique de Chambre à des tarifs
défiant toute concurrence. On entend
des pièces pour quatuor à cordes de
Lucien Niverd, Albert Roussel et
André Caplet par Sylvie Niverd &
Marie-Judith de Bucy (violons),
Cécile Florentin (alto), Véronique
Gueirard (violoncelle) et l’ensemble
vocal féminin Hymis dirigé par
Bénédicte Pereira (le 24 oct à 17h).
JACQUES FRESCHEL
Catherine Naglestad © Christina Feuser
Opéra de Marseille
04 91 55 11 10
www.marseille.fr
Psyché-délices et «Voyage» rossinien
Il Viaggio a Rheims © Alain Julien
La belle princesse Psyché rend jalouse Vénus qui mandate
son fils Eros pour l’humilier. Mais ce dernier tombe
amoureux et finira, après de multiples épreuves, par se
joindre à elle et la rendre immortelle. Le sujet
mythologique a inspiré Molière, Pierre Corneille et
Quinault pour une «Tragi-comédie ballet» mise en
musique par Lully pour le Roi Soleil en 1671. Elle fut
adaptée avec une intrigue différente en «Tragédie-lyrique»
en 1678 sur un livret de Thomas Corneille et Fontenelle.
De cet imbroglio historique la Compagnie du Griffon
(Julien Palajas) et les Bijoux indiscrets (Claire Bodin)
proposent une relecture pour huit comédiens, quatre
chanteurs, une danseuse et quatorze musiciens sur
instruments anciens (le 23 oct à 14h scolaire et à 20h, le
25 oct à 15h).
Le «Dramma Giocoso» Il Viaggio a Reims devrait faire le
bonheur des amateurs de bel canto rossinien (après
Avignon… et avant Marseille). Cet opus à la distribution
foisonnante, composé à l’occasion du sacre de Charles X
(1825), est réactualisé par Nicola Berloffa dans un
contexte «années 30». Mise au placard, la partition du
Voyage (remaniée pour Le Comte Ory en 1828)) fut
retrouvée dans les années 70 et connaît depuis 1984 (recréation par Abbado) un succès indéniable. C’est qu’elle
offre la possibilité de nombreux jeux scéniques
fantaisistes et peut donner sa chance à de jeunes artistes:
il s’y trouve quasiment 14 premiers rôles. Les
acteurs/chanteurs défilent sur une intrigue légère, certes,
mais au service d’un chant souverain (le 6 nov à 20h et le
8 nov à 15h).
Les «ciné-musicophiles» ne manquent
pas le «ciné-concert» réalisé à l’occasion de la projection du chef-d’œuvre
muet de Chaplin Les Lumières de la
Ville (1931) avec, dans la fosse et en
direct, l’Orchestre de Toulon dirigé
par Timothy Brock (le 7 nov à
20h)… ni la traditionnelle Heure
Exquise des jeunes chanteurs du
Cnipal (13 nov. à 19h).
J.F
Opéra de Toulon
04 94 92 70 78
www.operadetoulon.fr
Flûte alors ?
Servante maîtresse
1752 : une troupe italienne présente
à Paris La Serva Padrona de Pergolèse.
La critique s’émeut et déclenche la
«Querelle des Bouffons» opposant
Italiens et Français. Le débat musical
prend une tournure caricaturale et
«Tout Paris se divisa en deux partis
plus échauffés que s’il se fût agi d’une
affaire d’État ou de religion» écrit
Rousseau. Derrière ce point d’histoire
se cache une œuvre fort subversive
puisqu’elle consacre, bien avant
Beaumarchais (elle fut créée en
1733), l’ascension d’une servante au
rang de «patronne». Et Pergolèse
excelle dans ce genre comique aux
accents populaires qui emprunte ses
thèmes à la commedia dell’arte. On
attend donc cette production des
Paladins dirigés par Jérôme Correas
dans une mise en scène de Vincent
Vittoz !
J.F
La Serva Padrone
Le 18 oct à 15h
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 55 24 77
www.scenesetcines.fr
La troupe Comédiens et Compagnie revisite le chef-d’œuvre universel de
Mozart La Flûte enchantée pour neuf comédiens/chanteurs, deux sopranos et
un quatuor à vent. On annonce une fantaisie jubilatoire en forme de «commedia
dell’arte in musica» entre opéra et théâtre de tréteaux avec marionnettes, danse
et pantomime… À découvrir donc, dans une mise en scène de Jean Hervé
Appéré et une adaptation musicale de Vincent Manac’h (dir. Samuel Muller).
J.F
La Flute enchantée © X-D.R
La Flûte enchantée
Théâtre Durance, Château Arnoux (04)
Le 16 oct
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
Carré Léon Gaumont, Sainte Maxime
(83)
Le 14 nov
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
56
MUSIQUE
CONCERTS
La crème
des Quatuors
Alors que s’achève le Concours international d’Opéra à Marseille, s’ouvre en
Avignon celui des jeunes violonistes.
Lors de l’épreuve finale, les candidats
de départagent aux sons d’un morceau
de bravoure, le 3e concerto de SaintSaëns (23 oct à 20h30), pièce que l’on
retrouve le lendemain lors du Concert
des Lauréats à coté du Concerto en ré
majeur de Mozart et d’autres opus
puisés dans les phases éliminatoires
(24 oct à 20h30).
Dans l’attente d’I Capuleti e I Montecchi de Bellini (22 & 24 nov.), on se
réjouit d’entendre le douloureux Stabat
Mater de Pergolèse chanté par la
contralto Nathalie Stutzmann et la
soprano Lisa Larson en compagnie de
l’orchestre baroque Orfeo 55 (30 oct
à 20h30).
Et l’on n’oublie pas le traditionnel
ApérOpéra des jeunes chanteurs du
Cnipal (14 nov à 17h).
Opéra-Théâtre d’Avignon
04 90 82 81 40
www.mairie-avignon.fr
Addio
Edmée !
Edmée Santy n’est plus. Esculape a fini par rendre les armes et laisser partir
cette fée qui protégeait les arts avec tout le souffle qu’il lui restait dans les
bronches… Edmée présidait Euterpe, muse de la musique vouée à la promotion
de l’art baroque. Mais son œuvre se prolonge grâce au travail entrepris à ses
côtés par toute l’équipe du Centre Régional d’Art Baroque derrière le
claveciniste Jean-Marc Aymes…
Après deux très belles «Escales italiennes» (voir p51), l’Automne baroque se
termine par des Caprices Napolitains avec la harpe double de Mara Galassi (le
20 oct. à 20h30 au Temple de la rue Grignan - conférence de Dinko Fabris
à 18h à l’Institut Culturel Italien) et Vertiges du Sacré, pont entre la Venise du
Seicento et les rives de la Palestine avec Moneim Adwan (chant et oud), la
soprano María Cristina Kiehr et le Concerto Soave (le 25 oct. à 18h à l’église
St Laurent).
Nathalie Stutzmann © Divulgacao
Concours de violon
et «Stabat» majeur
Chants
de
la terre
Depuis 2006 et sa «Victoire de la Mu-
sique» comme «Ensemble de l’année»,
le chœur de chambre Les Eléments est
considéré comme un fer de lance de l’art
choral en France et à l’étranger. Son
chef Joël Suhubiette dirige ces voix
majeures depuis douze ans. Sur les quais
de la «Venise provençale», il fait entendre
des répertoires romantique et contemporain germano-slaves de Schubert,
MARSEILLE. 04 91 90 93 75 - www.crab-paca.org
Schumann, Brahms, Dvorak, Stravinsky,
Location Espace Culture 04 96 11 04 61
Bartok et Ligeti. Un florilège de chants
populaires récoltés ou réinventés, en
particulier au moment de la formation
Trois rendez-vous au Grand Théâtre deux ans, au moment de la sortie d’un des langues et identités nationales de
beau DVD sur les 32 Sonates Beethoven l’Est européen.
de Provence
L’Orchestre Français des Jeunes par Daniel Barenboïm (intégrale et
Théâtre des Salins, Martigues
Baroque (en résidence depuis le 26 master-class). Aujourd’hui, à tout juste
Le 17 nov
oct.) donne un double concert pour un 23 ans, le virtuose joue, outre Beetho04 42 49 02 00
tour d’Europe de musiques signées ven et Haydn, les fantastiques Tableaux
www.theatre-des-salins.fr
Charpentier, Purcell, Vivaldi, Locatelli d’une exposition de Moussorgski (le 10
et Bach (Johann Sebastian et Carl nov. à 20h30).
Philipp Emmanuel). Des opus sympho- Artiste associée depuis l’inauguration
niques où la voix de contre-ténor (Paul du théâtre aixois, Laurence Equilbey
Agnew dirige et chante) aura sa part revient avec Accentus pour de superd’expressivité (concert pédagogique le bes Lieder pour voix solistes et chœur
1er nov. à 17h privilégiant Vivaldi et de Schubert. Les chanteurs sont accomBach avec présentation/animation pagnés par l’Orchestre Régional de Pour le premier concert de la Société
d’Anne Charlotte Rémond et concert Cannes P.A.C.A. dans des orches- de Musique de Chambre de Marseille,
trations de Brahms, Reger, Webern et Svetlin Roussev est remplacé par
final le 3 nov. à 20h30).
S’il est un jeune pianiste à découvrir Krawczyk (le 14 nov. à 20h30).
Raphaël Oleg. En compagnie de la
c’est bien David Kadouch ! Mais peutpianiste Elena Rozanova, ils jouent des
04 42 91 69 69
être a-t-on déjà vu le documentaire
sonates de Grieg, Ravel, Prokofiev et
www.legrandtheatre.net
réalisé par Arte (Maestro), diffusé il y a
Poulenc (le 20 oct). C’est ensuite le
fabuleux Quatuor Prazak qui vient,
pour les 90 ans de la SMCM, interpréter
Haydn, Mendelssohn et Schubert La
Zibeline 22 a annoncé un peu trop
jeune fille et la mort (le 10 nov).
Jeu
de
Paume,
Aix
tôt le concert du Fine Arts Quartet
Le 20 nov
en ouverture de la saison des Concerts
Société de Musique de Chambre de
04 42 99 12 12
d’Aix. C’est le 20 nov que le mythiMarseille
www.concertsdaix.com
que quatuor américain (fondé en
Concerts à la Faculté de médecine
1946) joue Chostakovitch, SaintEspace culture 04 96 11 04 60
Saëns, Schumann.
Jeunes et virtuoses !
Oleg, Rozanova
et les Prazak
Fine Arts erratum !
Rendez-vous incontournable des
amateurs de musique de chambre à
la Toussaint, le Festival de Quatuors à
cordes en Pays de Fayence célèbre en
2009 l’année Mendelssohn. C’est le
Quatuor Talich qui en est l’invité
d’honneur aux côtés des Fine Arts,
Ardeo, London Haydn, Parkanyi et
Ludwig. Les prestigieux Tchèques
donnent l’Intégrale des Quatuors de
Mendelssohn à Tanneron, Bagnolsen-forêt, Callian et Saint-Raphaël où
ils dirigent également une classe de
Maîtres (du 26 au 28 oct). Le concert
d’ouverture à Fayence est confié au
mythique Fine Arts Quartet, mais on
peut aussi se rendre à Seillans, Mons,
Tourettes ou Montauroux, superbes
villages de l’arrière pays varois, pour
entendre des classiques de Haydn,
Beethoven, Grieg ou Ravel…
Festival de Quatuors à cordes
en Pays de Fayence
du 23 au 30 oct
Syndicat intercommunal
04 94 76 02 03
www.quatuorsenpaysdefayence.com
43e
édition
Le Festival de Saint-Victor (voir p
53) bat son plein avec le violoniste
Nemanja Radulovic et Marielle
Nordmann à la harpe pour un programme flamboyant (le 22 oct). Autre duo
royal : l’organiste Olivier Vernet accompagne le trompettiste David
Guerrier dans des opus baroques et
modernes (le 6 nov). Le Parlement de
Musique (dir. Martin Gester) et la
soprano Mariana Flores donnent des
Gloria, Motets et Concertos de
Haendel (le 19 nov).
Abbaye de St-Victor
04 91 05 84 48
www.chez.com/saintvictor
Voyage
choc !
L’ensemble de Frédéric Daumas reprend Playblick, spectacle tout public
où, au rythme de percussions foisonnantes, on suit trois marionnettes
burlesques partant à la découverte
du monde et de ses musiques.
Simiane Collongue
le 23 oct à 14h et le 24 oct à 20h30
04 86 31 62 73
www.symblema.com
Plongées historiques
L’ensemble de Guy Laurent affiche un
programme commémorant le «500e
anniversaire de Calvin» : un regard expert
sur les pratiques chorales des origines
du chant réformé (à Marseille, le 17
oct à 18h au Temple Grignan et à Aix,
le 20 oct. à 20h30 au Temple de la rue
de la Masse).
L’académie de tambourin présente Musique de fête au temps de Bellaud : des
chansons à danser et danses de la Renaissance avec les vers du poète
Provençal (le 10 nov à 19h au Temple
Esprit
baroque
Jean-Paul Serra imagine un programme de concert ayant pour thème
la fameuse joute musicale prévue à
Dresde entre l’organiste allemand
Jean-Sébastien Bach et le Français
Louis Marchand qui, finalement… n’a
jamais eu lieu (Le tournoi imaginaire à Martigues le 16 oct à l’église
de la Madeleine et à Tarascon le 17
oct à la collégiale Sainte-Marthe).
Bénédicte Pereira (soprano), Madeleine Webb (alto), Laurent Blanchard
(ténor) et Tomek Hajok (basse) chantent des Motets de Bach et des pièces
méconnues de Jean-Adam Guilain
accompagnés par la viole de gambe
de la rue Masse) et le petit chœur des
Festes d’Orphée chante des pièces du
Laudario di Cortona datant du XIIIe
siècle à l’occasion du 800e anniversaire de la fondation de la famille
spirituelle de Saint-François d’Assise
(Office chanté le 14 nov à 17h à Aix à
l’église St Thomas de Villeneuve).
Festes d’Orphée
04 42 99 37 11
www.orphee.org
d’Agustina Merono et Jean-Paul Serra
à l’orgue (Marseille, le 1er nov. à 17h
à l’église de la Mission de France).
Baroques graffiti reprend également
son programme d’opus pour pianoforte du surprenant Johann Schobert
et pour violon (Sharman Plesner) du
musicien métis le Chevalier de Saint
Georges, que le jeune Mozart croisa
sans doute lors de ses voyages parisiens (Aix, le 5 nov. à 18h et 20h30
au Musée des Tapisseries et à Arles,
le 6 nov au Temple réformé).
04 91 64 03 46
www.baroquesgraffiti.com
Échos sur la contemporaine
Benjamin Dupé, guitariste et compositeur, crée aux Salins puis au Merlan
un «solo mais pas tout seul», comme
il se plaît à dire. Durant la saison
dernière, à l’occasion de plusieurs
résidences, il a recueilli la parole de
néophytes sur la musique contemporaine. Des a priori d’abord, puis des
impressions nées de l’écoute de certaines œuvres clefs. Mais il a toujours
pris soin de ne guider ni l’écoute ni les
opinions… Son Comme je l’entends est
donc une sorte d’œuvre radiophonique
à partir de ces paroles enregistrées,
montées parfois, répétées. Cette bande
est diffusée sur des haut-parleurs disposés en cercle autour de lui, qui
interprète ses compositions au centre
du public et des voix, seul avec sa
guitare…
Comme je l’entends
Les Salins
Le 20 oct
04 42 49 02 00
Le Merlan
Les 1er et 2 déc
04 91 11 19 20
Concours
d’opéra
Finale avec l’Orchestre Philharmonique de Marseille pour la 11 édition du
e
concours lyrique présidé par Rollando Villazon.
Le 16 oct à 20h à l’Opéra
04 91 18 43 10
www.concours-opera.fr
Other
truths…
Do Make Say Think, formation à
géométrie variable, collectif canadien
au croisement du «free-jazz, postrock, électronica et folk astral»…
Montévidéo, Marseille, le 5 nov
04 91 04 69 59
www.grim-marseille.com
Balalaïkas
Tournée régionale de l’orchestre
traditionnel Les cordes d’argent de
St-Petersbourg.
Gemenos, le 15 oct - La Ciotat, le 16
oct. - Aix, St-sauveur le 17 oct. Marseille, Notre-dame du mont le 18
oct à 16h30.
04 91 47 57 38
www.maitrisegabrielfaure.org
58
MUSIQUE
CONCERTS | DISQUES
Nuits pianistiques
Le Festival aixois se poursuit avec des
concertos majeurs (le 17 oct. à 19h30
aux Pennes-Mirabeau), une Soirée
Jazz (le 18 oct. à 17h au Musée des
Tapisseries), Dominique Vidal (Clarinette) et Christiane Baume Sanglard
au piano (le 23 oct au Musée des
Tapisseries), Michel Bourdoncle (piano)
et Pierre Hommage au violon (le 6
nov à 20h au Musée des Tapisseries),
Michel Camatte et l’orchestre du
Conservatoire Milhaud pour des
concertos avec des lauréats locaux (le
14 nov au Jeu de Paume) et une
Europe en musique pour un choix de
concertos pour piano, violon et flûte
(le 15 nov à 17h à Simiane
Collongue).
04 42 16 11 70
www.lesnuitspianistiques.com
Electro-relax
! Sacrée
Trois jours de concerts de musiques
spatialisées ! L’auditeur est plongé Méditerranée
dans un bain de sons électroniques…
allongé sur un transat : cool !
Trans’electrOacoustique
GMEM, Marseille
du 11 au 13 nov à 19h30
04 96 20 60 10 www.gmem.org
Point
d’orgue
Pour les derniers récitals du festival,
l’instrument de Cochereau est associé
à la bombarde de Jean-Michel Alhaits
dans un répertoire traditionnel breton
(avec Jean-Pierre Rolland le 16 oct)
et au Grand Ensemble de Cuivre, Les
Zin’q, dans des pièces croisant Mozart,
Bach et le New Orleans (avec Samuel
Liegon le 18 oct).
Festival d’Orgue de Roquevaire
04 42 04 05 33
www.orgue-roquevaire.fr
Cité
classique
Littérature (Musset, Tchekhov, Verlaine…) et musique (Beethoven, Chopin,
Fauré…) par Michèle Raybaud (piano)
et la comédienne Pascale DelestiNovella (le 16 oct à la Villa Magalone),
avant le hautbois glorifié par Marc
Badin et Anaït Serekian au piano (le
22 oct à l’Auditorium de la Cité) et
du chant mozartien par Christine
Kattner (mezzo) et Ludovic Amadeus Selmi (piano), mis en scène par
Mickaël Zugowski (le 6 nov à la Villa
Magalone).
04 91 39 28 28
www.citemusique.marseille.com
Hybrides
à sons
Conférence-concert illustré par Lucie
Prod’homme sur la musique électroacoustique.
Le 16 oct
Urban Gallery
04 91 37 52 93
Depuis longtemps l’association Ecume
accueille des ensembles musicaux du
pourtour méditerranéen. Au fil des
concerts, par le chant et la notion de
sacré, s’établissent des sensibilités
communes : du chant bulgare (Quatuor
Balkanes) ou perse (Ensemble Chemirani), arabe (Waed Bouhassoun)
ou judéo-comtadin (Ensemble Nekouda), arabo-andalou (Ensemble Tarab)
ou arménien (Trio Oshakan). Un festival itinérant qui conduit de Lançon
de Provence à Aubagne, Fuveau,
Vitrolles, La Roque d’Anthéron et
Marseille.
Chants Sacrés en Méditerranée
jusqu’au 25 oct
04 91 91 41 41
www.ecume.org
Électro
Deux sets en
compagnie de
Khundalini, mix de «musique électronique, instruments traditionnels et
voix féminine», et Zumabrek, expérimentation «électro atypique, soul
spaghetti et savane urbaine»…
Carré Léon Gaumont, Sainte
Maxime Le 6 nov. à 20h30
04 94 56 77
www.carreleongaumont.com
«Silete
Venti»
L’ensemble baroque Capriccio Basel
dirigé du violon par Dominik Kiefer
accompagnent la soprano María
Cristina Kiehr dans un programme
alliant Bach et Haendel, mais
également William Hayes et Giovanni
Battista Ferrandini.
Théâtre de Nîmes
Le 8 nov. à 17h
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Musique au temps
de
Michel Serre
Récital de clavecin aux chandelles par Christine Lecoin qui joue des Suites
d’Elisabeth Jaquet de la Guerre, Jean-Henry d’Anglebert, Gaspard Leroux et Louis
Couperin. Pour accueillir le tableau restauré L’Apo-théose de saint Roch du
peintre baroque provençal de la fin du XVIIe siècle.
MARSEILLE. Le 21 oct. à 20h30
à l’église de Mazargues (entrée libre)
La
Fantaisie selon Vizi
Ferenc Vizi, pianiste roumain de 35 ans, aime à proposer au disque (label
Satirino) et au concert des programmes cohérents. C’est le thème de la Fantaisie
pianistique qu’il interroge avec des opus de Liszt, Chopin, Schumann, Scriabine
et… Mozart (ut mineur K. 475).Le Cadran, Briançon (05)
Le 13 nov
04 92 25 52 52
www.ccbrianconnais.fr
JACQUES FRESCHEL
«À la bien-aimée Barbara !»
Cette saison, le Grand Théâtre de Provence donne carte blanche à la soprano
Barbara Hendricks pour trois concerts
de prestige. En fin d’année (le 11 déc.),
elle chante un Noël familial avec l’Orchestre de Cannes et la Maîtrise des
Bouches-du-Rhône, avant le monumental cycle de Schubert Le Voyage
d’Hiver (23 fév.) et du Blues en compagnie de ses complices du Magnus
Lindgren Quartet (24 fév.)
On sait assez peu que, depuis 2006,
Barbara Hendricks a quitté EMI pour
créer son propre label. Elle se sent
ainsi libre de graver ce qui lui plaît…
et peut prendre des risques. «Il est
fondamental pour moi que le répertoire des mes enregistrements reflète
de manière honnête mon activité de
concertiste» déclare-t-elle… Et il faut
l’entendre sur scène, à plus de 60 ans,
défendre des répertoires pas toujours
conventionnels devant un public
venu a priori se divertir au spectacle
d‘une diva du chant classique… Il faut
voir comment elle l’emporte, au final,
grâce à ses qualités artistiques,
humaines et son tempérament de
battante !
Après cinq disques consacrés au
répertoire espagnol, des Lieder de
Schumann, des airs baroques, des
mélodies de Poulenc et du Blues, elle
retrouve son compère, le pianiste
Love Derwinger pour un choix de 28
Lieder de Beethoven. Ce n’est pas dans
ce domaine que le «grand sourd» est
le plus célèbre. Pourtant, ses 80 opus
ne sont pas à négliger : certains sont
de vrais bijoux (Sehnsucht, In questa
tomba oscura…) et les six pièces de
An die Ferne Geliebte (À la bien-aimée
lointaine) constituent le premier cycle
romantique du genre. Autant de
poèmes de Goethe et ses contemporains, enregistrés avec une profonde
sincérité par une artiste hors normes.
Et des témoignages «tardifs» que les
aficionados ne manqueront pas
d’écouter avec une once de nostalgie
après que la grande Barbara aura
lancé ses ultimes vocalises !
JACQUES FRESCHEL
CD Arte Verum ARV-006
www.arteverum.com
59
Petits as de chœur
La Maîtrise des Bouches-du-Rhône, entre deux
représentations du Chevalier à la Rose à l’Opéra de
Marseille, lors desquelles intervenaient quelquesuns de ses jeunes solistes, a donné un concert de
présentation de son dernier enregistrement (voir p
XI). Après un disque consacré au compositeur Jean
Langlais, salué par toute la presse, ce CD s’attache
aux traditions chorales slave et germanique de la
seconde moitié du XIXe siècle. Les Treize chants
moraves op.32 harmonisés par Dvorak constituent
le cœur d’un somptueux programme à côté duquel
on découvre aussi un contemporain méconnu,
Josef Gabriel Rheinberger, chantant le «Jour de
mai» (Maitag) et Six chœurs avec piano (Magali
Frandon) de Rachmaninov.
Une fois n’est pas coutume, les voix aériennes de
la «Maîtrise» portent l’art du chant choral vers des
cimes artistiques d’autant plus précieuses qu’elles
sont raides d’accès ! C’est que la formation vocale,
relancée par Samuel Coquard depuis 2002, œuvre
depuis les quartiers Nord de Marseille au Collège
André Malraux. Ce qui ne l’empêche pas d’égrainer
de brillants concerts, et de participer à des productions prestigieuses qui enchantent les
mélomanes de la région.
CD Solstice SOCD 254
www.solstice-music.com
JACQUES FRESCHEL
Rasta dans l’appeau
La troisième galette du Corbeau, qui a survolé
récemment de nombreux concerts, suit le parcours
migratoire du fleuve de l’Huveaune (de son ancien
nom Ubelka). Ce bruyant volatile avait commencé
sa carrière de saltimbanque à la fin des années 60
à Paris, d’où il a ramené un ramage rasta tissé
d’idées anarchistes. Sans entrer dans une longue
biographie, on peut dire qu’il a laissé des plumes et
posé la sienne sur tout ce qui est passé par là en
reggae, du grand Yéba (et l’écho de répondre
«Aïoli»), à un style de tchatche reconnu depuis le
succès du Massilia Sound System. Convaincu des
relations mystiques entre Marseille et Kingston, sa
carrière aurait pu s’envoler du coté du Stade
Vélodrome, avec son premier tube J’aime l’O.M.,
joué avec l’équipe anglaise de Dennis Bovell. Aigri
par les résultats, il a depuis fait son nid à Aubagne,
pour une œuvre plus personnelle et attachante. La
première partie d’un triptyque annoncé illustre son
projet de spectacle grandiloquent, mêlant chant,
art visuel et danse. On plonge dans l’intimité de
Marie Madeleine ou, avec Tout, dans des références
bouddhistes… et on saisit le paradoxe de cet
artiste, qui voit grand dans un monde de chaos, et
transmet son verbe humanitaire dans des hommages à Lee Scratch Perry ou... Fernandel
(Schpountz Power) !
Le jardin paradoxal
Jo Corbeau
Ras Tyron Prod
06 16 80 38 11
X-RAY
Par les racines
On peut facilement ignorer le nom de Kiddus I,
artiste possédant la maudite caractéristique de ne
pas avoir enregistré de vrai album jusqu’à celui-ci;
il a pourtant crevé l’écran lors d’une scène de
transition du film Rockers, filmé en 78 en plein
cœur de la période reggae. On le voit ôter son
bonnet et secouer ses locks, et chanter tout ce
qu’un rasta pouvait alors ressentir, souffrance et
persécution, prières et dénonciation. Cool et toujours en retrait, il est resté actif grâce à des
proches tels Earl Chinna Smith, ou le label
Makasound en France et deux opus contenant son
hit du film Graduation in Zion sont depuis sortis. Ce
Green for Life évite la redondance mais pas la
facilité. Après un premier titre dévastateur, l’ombre
de son guitariste accompagnateur l’empêche de
développer tout son talent et, par peur de froisser
un public roots assez intégriste sans doute, il
imbrique maladroitement ses autres influences.
Dommage, ceux qui ont pu le voir se prendre au jeu
du Live sur un pur ribald mento attendaient plus
d’originalité. Que l’on trouvera sans doute sur les
cinq autres albums prêts à être commercialisés…
Green for Life
Kiddus I
Makasound
X-RAY
Le boucan du Toucan
Issu de la même cage (une production Ras Tyron),
Toko Blaze a pris son envol loin du flux migratoire
de nos autres volatiles locaux. Cet oiseau-là a du
talent à revendre, une force de persuasion douce
et tranquille, il a toujours su rester en retrait...
pour ne pas se faire piéger. C’est encore en parfait
artisan qu’il travaille, qu’il se livre et délivre des
textes travaillés et solides, disponibles dans le
livret. Son dernier album prouve sa douce
détermination et nous promène de situations pas
gaies (Contrôle d’identité) en constat pagaille (Ton
héritage), s’interrogeant sur la mixité sans tomber
dans la facilité. Présent à la Fiesta comme dans de
nombreux projets locaux, il soigne autant sa scène
que ses chansons studio, et nous fait marcher et
danser chaque fois. Des couleurs musicales
différentes habillent chaque titre, et déclenchent
parfois un groove partagé (Ali Boumaye). Se
définissant comme un griot urbain, «se remémorant
toujours des faits historiques», il agit sans
concession, vit et vole, libre.
X-RAY
Urban Griot
Toko Blaze
Ras Tyron Prod
06 16 80 38 11
60
MUSIQUE
DISQUES
New York New York
Lorsqu’on achète un album de
Raphaël Imbert on ne prend pas
beaucoup de risques. Une fois de plus
le talentueux et inventif saxophoniste nous emmène en voyage. New
York, sa musique et son jazz sont ici
revisités par l’artiste marseillais auquel s’ajoute le contrebassiste Joe
Martin et le percussionniste Gerald
Cleaver. Sobriété question formation
mais foisonnement d’idées tissées
dans un esprit de modernité où les
saxophones (soprano, ténor et alto)
se croisent pour laisser quand il le faut
la place à une batterie foisonnante.
Né d’un projet soutenu par la Villa
Médicis hors les murs, NY Project a
réellement débuté en 2003 lorsque
Raphaël Imbert, qui souhaitait étudier le sacré dans le jazz, s’est rendu
outre-Atlantique afin de rencontrer
les acteurs et témoins de cette musique. Six ans ont passé et le résultat
est sans appel : admirable ! Une bonne
partie de l’histoire du jazz est présente dans ce nouvel album qui
s’écoute et se savoure. Echoes of
Harlem d’Ellington est subtilement
revisité comme Central Park West de
Coltrane, et les compositions person-
nelles témoignent d’un univers habité, amoureux de tout ce qui fait le
jazz. La danse s’invite (My Klezmer
Dream) tout comme une suave volupté qui rend comme impalpable
parfois le timbre au soliste (Lullaby
from the beginning). Indispensable !
FREDERIC ISOLETTA
NY Project
Raphaël Imbert
Harmonia Mundi
Tout simplement...
Dans l’univers sonore d’outre-manche,
où un groupe comme les défunts Joy
Divison a laissé son empreinte, And
Also the trees a connu son heure de
gloire à la fin des années 80 et au
début de l’ère 90. Comme bon nombre de formations britanniques, ils
sont toujours là et bien vivants
comme le prouve la sortie de leur
onzième album (hors live et compilations) et leur passage attendu sur
la scène du Poste à Galène de Marseille le 3 nov prochain. When the
Rains come ne révolutionnera pas la
sphère sombre et cinglante de la
pénombre coldwave mais se présente
comme un opus à découvrir avec
attention, une session acoustique
reprenant des titres de l’ensemble de
leur catalogue pour leur 25e anniversaire. Selon les morceaux, l’absence
de guitare électrique et l’utilisation
d’une contrebasse peuvent paraître
surprenants… Pourtant le son nouveau et défraîchi ne manque pas de
créer une atmosphère mélancolique
douce et voluptueuse. Exercice
périlleux mais réussi comme sur le
mythique Virus Meadow, tout dépouillé, et le pesant A room lives in
Lucy. Les adeptes, peut être un poil
déroutés à la première écoute s’identifieront rapidement à l’âme toujours
féconde qui anime le groupe favori
d’un certain Robert Smith.
toute seule. De Belle & Sébastien à
Françoise Hardy les sphères voisines
de nos trois rêveurs sont presque
évidentes, et ne font pas oublier le
souci des mélodies si raffinées des
premiers titres. Volontiers mélancolique, songeuse, contemplative, la
voix fine tisse et délie sa mélopée
comme suspendue au-dessus d’un
tapis sonore feutré et discret. Le titre
phare Les petits miroirs ne pourra
d’ailleurs que vous charmer ; il a d’ail-
leurs trouvé aisément sa place dans
la compilation de voix françaises
Filles Fragiles. La pop mélodique c’est
trop innocent nous diront les
détracteurs ; mais quand elle est si
tendre et retenue, elle se savoure.
FRÉDÉRIC ISOLETTA
When the rains come
And also the trees
AATT /Differt-Ant
Un ange passe
La pop pleine de charme du trio parisien Peppermoon se délecte la tête
dans les étoiles. Mélodieux, aérien et
débordant de douceur, le premier
album intitulé Nos Ballades vous
emmène dès le premier titre, Après
l’orage, sur un sol harmonieux vaporeux et délicat. Propulsé sur le devant
de la scène par le succès obtenu sur
son Myspace, la bande à Iris (chant),
Benoît (guitare) et Pierre (clavier et
programmations) s’est construite
F.I.
Nos ballades
Peppermoon
Idol – Edina Music
Attention danger !
Ovni visible facilement depuis le
jeune et prometteur label Scandale,
les Sexy Sushi rentrent dans la case
du genre électro-clash. Le duo sarcastique composé de Rebeka Warrior et
Mitch Silver, personnages téléportés
hauts en couleurs et excentricité est
a priori peu recommandable, et ne
s’en cache pas ! Je ne vous parle même
pas des paroles, brulots avec lames
de rasoir en guise de marque-pages
pour l’album Tu l’as bien mérité !
Mais après tout, on se prête au jeu et
à la mise en scène. Rythmique frénétique et machine enragée, le
tandem surréaliste a un but qu’il faut
connaître : «courir nus sur les foules
décapitées !». Observez d’ailleurs la
douce pochette au graphisme décoloré, et vous mettrez déjà un pied et
une oreille dans un univers particulier
et décoiffant. Les deux Nantais vous
invitent sur un terrain glissant où
vous ne tiendrez pas debout, même
si l’humour acerbe et virulent des
sushis en string est prêt à vous
mordre la joue pour vous réveiller.
Vous l’aurez bien mérité !
F.I.
Tu l’as bien mérité
Sexy Sushi
Scandale ! rec
ÉCRITURES CROISÉES | TOULON
LIVRES
61
Croiser l’Asie
Depuis plus de 25 ans Annie Terrier fait
vivre à Aix une manifestation littéraire
constamment passionnante. Les plus
grands écrivains de notre temps y sont
passés, et nous y ont livré des réflexions,
des confidences… qui ont armé des
débats, et donné vie dans le souffle
retenu du public à des embryons d’histoires. On se souvient de Philip Roth
flamboyant, de Rushdie l’an dernier si
drôle et chaleureux, d’un MoYan
ambigu, et de l’admirable force de Toni
Morrison…
Depuis tout ce temps des liens étroits
se sont tissés entre la fac d’Aix et les
Écritures Croisées, puis entre la Cité du
Livre et les Métiers du Livre, tout voisins. C’est naturellement que la Fête du
Livre à Aix se nourrit d’échanges de
haut vol entre les professeurs, les éditeurs, les auteurs, les étudiants. Tout
cela dans cette chaleur qui naît de
l’amour partagé de la Littérature.
Cette 26e édition, qui a été très difficile
à mettre en place après le succès de la
25e (Rushdie, justement) et le remous
de la réélection aixoise, s’annonce pourtant passionnante. C’est un continent
que les Écritures Croisées vont permettre de rencontrer : l’Asie. Non pas à
travers les grands écrivains japonais ou
elle les cite presque tous ! Elle n’a pas
tout à fait fini Taro, un vrai roman de
Minae Mizumura (voir p 68), mais
elle recommande Li Ang la Taïwanaise,
Chinatown de Thuan la Vietnamienne…
Puis, soudain intarissable et labile, fait
l’éloge de Chart Korbjitti le Thaïlandais,
de Kim Young Ha la Coréenne, de
Philippe Picquier l’éditeur… et de
Carlotta Ikeda, qui a accepté de venir
et d’offrir sa danse dans les conditions
techniques difficiles de la Cité du livre
(voir p 26).
Entremetteuse Annie Terrier ? Sans
doute, mais avec une connaissance
intime de ceux qu’elle entremet…
AGNES FRESCHEL
Fête du livre aux Écritures
Croisées
L’Asie, un vrai roman
Du 15 au 18 oct
Cité du Livre, Aix
04 42 26 16 85
www.citedulivre-aix.com
Thuan © X-D.R.
chinois traduits depuis longtemps, mais
avec une génération que l’on ne connaît
pas en Europe, tout comme on connaît
mal les auteurs Thaïlandais, Coréens ou
Vietnamiens qui seront présents.
D’ailleurs Annie Terrier, une fois n’est
pas coutume, ne fera pas office de
passeur, mais d’entremetteuse…
«Depuis 25 ans, dit-elle, c’est Noël Dutrait 1
qui s’occupe des écritures asiatiques. Il lit,
traduit, enseigne la littérature de ce continent, que je connais peu de ce fait ! Je suis
toujours venue aux écrivains par leurs
livres… Pour la première fois j’attends, en
retrait, que les auteurs m’ouvrent par leur
présence la voie de leurs œuvres. Je pense
que pour la plus grande part du public il
en sera de même, même si les étudiants de
la Cité travaillent sur ces livres depuis la
rentrée.»
Comment donc ? N’aurait-elle rien lu ?
Mais voilà que lorsqu’on lui demande
ce qu’elle nous conseille dans les quelques jours qui restent avant la rencontre,
1
Directeur du département des Études
Asiatiques de l’Université de Provence,
traducteur de Mo Yan, Gao Xingjian,
et auteur de nombreux ouvrages
de référence sur la Littérature Chinoise.
Toulon a soif de lire
À l’ombre de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde et
du Livre sur la Place de Nancy, la Fête du livre de
Toulon peine à rayonner hors les murs malgré une
fréquentation massive du public et l’adoubement des
professionnels. Depuis 13 ans pourtant, cette manifestation financée par le Conseil général du Var met à
l’honneur la richesse de la littérature méditerranéenne
contemporaine auprès d’un public acquis à sa cause.
Plus de 50 000 visiteurs sillonnent ainsi les allées du
chapiteau dressé en centre-ville, participent aux signatures, aux rencontres et aux débats autour «des arts de
la table» qui pimentent la fête. Sans compter le Prix
des lecteurs du Var, présidé par Paule Constant, qui
fédère 500 lecteurs bien déterminés à défendre leur
poulain parmi quatre romans présélectionnés. Cette
année Rose Fountain Motel de Jabbour Douaihy
(Actes Sud), Il était une fois peut-être pas de Tadjer Akli
(Lattès), La nuit de Fort-Haggar de Stéphane Héaume
(seuil) et Plage de Manaccora 16h30 de Philippe
Jaenada (Grasset). Un prix qui n’est pas phagocyté par
les maisons d’édition mais décerné librement par les
lecteurs des médiathèques varoises !…
L’objectif est donc de «travailler sur la qualité, les
rencontres et les propositions de spectacle vivant» en
s’appuyant, comme toujours, sur la richesse du
département en termes d’auteurs, d’éditeurs et de
libraires. Mais dans les trois années à venir, la Fête du
livre «aura pour vocation de dialoguer avec d’autres événements du pourtour méditerranéen» annonce Ricardo
Vazquez, directeur des affaires culturelles du Conseil
général du Var, les yeux rivés sur l’Union pour la
Méditerranée. Une idée, rappelons-le, lancée à
Toulon le 2 février 2007 par Nicolas Sarkozy, et dont
le Conseil général entend déjà poser les jalons avec la
Fête du livre et les Rencontres artistiques du
Var… Pour l’heure, 300 auteurs portant haut les
couleurs, les langues, les cultures du pourtour méditerranéen ont rendez-vous du 20 au 22 novembre avec
des lecteurs assoiffés d’écriture, d’imaginaire, de
dialogue.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Fête du livre, Toulon (83)
du 20 au 22 nov
www.var.fr rubrique culture événements
62
LIVRES
MANOSQUE | ENTRETIEN AVEC WENDY GUERRA
Chères
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Pourquoi «même» direz-vous. Justement.
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s’étire un peu sur ses images et ses redites,
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et Karine Saporta a décidé d’en élide l’été ind
Tout un jour à Manosque
Samedi midi, jour de marché. Beaucoup de monde
dans les ruelles du centre. La place de l’Hôtel de Ville,
accoutumée à recevoir les auteurs les plus en vue, est
pour l’heure envahie par les étals. On se faufile jusqu’à
la petite place de l’Hôtel d’Herbès, qui jouxte la
médiathèque. Là se tiennent quotidiennement les
apéros littéraires du comité de lecture de
Manosque. Aujourd’hui on accueille Véronique
Ovaldé et Thierry Hesse. Après la lecture d’extraits
choisis de leurs deux derniers romans (voir p 66), les
auteurs sont invités à monter sur les planches pour
répondre à quelques questions. Et là, catastrophe, la
sémillante Ovaldé, à peine installée, se fait piquer par
un frelon et quitte précipitamment les lieux, au grand
dam de l’auditoire venu pour elle (ils pourront
retrouver l’écrivaine en décembre dans le cadre
d’Ecrivains en dialogue aux ABD - l’hiver devrait
nous prémunir contre les bestioles agressives !) Pendant
que l’une se fait soigner, l’autre prend la parole. Thierry
Hesse se dit «ému» d’avoir entendu lire son texte. «J’ai
eu le sentiment que le livre était arrivé quelque part»,
ajoute-t-il. Il souligne l’importance pour un auteur de
rencontrer son public et de pouvoir expliciter certains
de ses choix. Ainsi, s’il réfute pour Démon l’appellation
de «roman historique», il revient longuement sur le
rôle du romancier dans le traitement des grands
drames de XXe siècle. Selon lui, après le temps des
témoignages, celui des historiens, voici venu celui des
romanciers ; d’où l’actuelle tendance à «faire une
histoire à partir de l’Histoire», pour une génération qui
n’a pas connu la guerre mais en est héritière. Thierry
Hesse clôt son intervention par la lecture d’une scène
de son roman, puis discute longuement avec les
lecteurs.
14h30, les lectures reprennent sur l’agréable place.
Raphaël France-Kullmann donne sa 3e lecture
d’extraits des Lettres de Louis Kremer (D’encre, de
fer et de feu : lettres à Henry Charpentier (1914-1918);
éd. de la Table Ronde). La guerre encore, cette fois la
Grande, évoquée par le poète mort en 1918 au travers
de sa correspondance. Humour, poésie et horreur pure
s’y mêlent dans une prose à laquelle le comédienlecteur sait rendre toute sa flamboyance.
Hélas, il faut filer, car à 15 h00 c’est dans la petite
salle du théâtre qu’on a rendez-vous pour la
lecture-performance de La borne SOS 77 (voir
p.67). Arno Bertina et Ludovic Michaux lisent de
larges extraits du texte tandis que certaines des photos
sont projetées derrière eux. Alors le texte qu’on avait
parcouru se met à claquer. Une grande gifle assénée
avec douceur, qui donne envie de retourner au livre,
d’y plonger. Bravo !
Petite pause, puis à 18 h00 LE grand entretien du
jour ! Sur la place de l’Hôtel de Ville bondée, Pascal
Quignard parle de son dernier ouvrage La barque
silencieuse (Gallimard). L’écrivain (essayiste, romancier,
poète ? il refuse de trancher) revient longuement sur la
lecture et l’étude, «portes ouvertes sur l’extase de la
découverte», auxquelles il continue de s’adonner car,
dit-il, «j’apprends jour après jour les mots qui me fuient».
Abordant les thèmes majeurs de son œuvre, il fait une
place particulière au retrait, à la solitude.
Pourtant, cet homme raffiné et profond ne se
retranche pas dans une tour d’ivoire ou de sel. Ainsi,
jugeant «nécessaire de se défasciner, de se désidérer» de la
religion, dont il craint le retour actuel, il plaide pour
l’athéisme, condition sine qua non de la liberté
intellectuelle. Amoureux des mots et des formules, ce
grand auteur régale l’auditoire de son style et de
l’acuité de ses propos. On serait fasciné, s’il ne nous
avait mis en garde…
F.R.
miner le plus structurant : la relation
amoureuse à Bruno. Ce n’est pas le seul
mauvais choix.
La belle danseuse parle mal (on sait combien jouer en dansant est difficile, surtout
en incarnant), une autre danse hélas assez
peu, le danseur est inexistant. Reste les
vieilles dames -pas très vieilles d’ailleurs,
et alertes, touchantes, impliquées- que
Saporta a propulsées sur scène pour incarner le corps de la mère multiplié. Bonne
idée ? Certainement : le théâtre est une entreprise trop importante pour être laissée
aux mains des seuls professionnels.
Encore faut-il, ces amateurs, les mener
avec tact vers un endroit où se révèlera
pour eux quelque chose, qui par ricochet
touchera le public.
Visiblement mal préparées, hésitantes,
gênées, empruntées, les dames oubliaient
leur texte, se cognaient au décor. Mal
endimanchées, enrôlées dans des déplacements sans naturel, elles transpiraient le
malaise, le mauvais trac, et non la joie
nécessaire à la scène. À la fin il y eut cette
idée catastrophique de leur faire dire leurs
textes, pas assez travaillés, trop intimes,
trop abrupts, sur leur relation à leur fille.
Confessions déversées à contrecœur.
On a vu le travail de Pina Bausch, Gallotta,
ou Thierry Niang sur des corps vieillissants. Danseurs ou non. Rien n’est plus
touchant. Mais sans un minimum d’empathie observer l’imperfection des corps
devient indécent.
A.F.
Laver les ombres
a été créé le 23 septembre
au Théâtre Jean le Bleu,
Manosque
63
Prendre l’air de Marseille
La
ferveur de lire
Intéressante, la proposition de Carole Bouquet,
de lire les lettres d’Artaud à Genica. Sa voix un peu
masculine fait sonner les phrases tourmentées du
poète, sa passion péremptoire et tyrannique, ses
indélicatesses et sa souffrance. Le choix des lettres
déroule en creux leur histoire, dont on sent que
l’actrice roumaine a tenté de se protéger, tant était
brûlant et étouffant le souffle de son amant. Car
s’il invoque son «âme», son «ange», Artaud l’accable aussi de son mépris, de sa véhémence. Carole
Bouquet, sobrement vêtue de gris sombre, les
cheveux attachés, juchée sur un tabouret a donné,
malgré quelques bredouillis, à entendre la «folie
d’amour». Mais on regrette que des extraits
musicaux soient venus scander la lecture, pauses
artificielles qui ont rompu le fil enfiévré de cette
correspondance. En revanche, la comédienne a eu
la bonne idée de lire, lors du rappel, un extrait
prophétique de l’essai majeur Le théâtre et son
double.
Paris n’est pas une fête. En tous cas, pas pour
l’héroïne de Bonjour, minuit dont Dominique
Reymond a lu des passages, debout devant un
lutrin, avec une maîtrise de la voix et un sens du
jeu remarquables. Jean Rhys évoque, dans le Paris
des années swing, l’effondrement d’une femme, sa
solitude et son acharnement pitoyable à «avoir un
plan et s’y tenir.» L’excellente Dominique
Reymond a incarné avec brio cette étrangère en
lutte, avec un mélange de goguenardise et
d’émotion qui a rendu sa lecture passionnante.
Une ovation a justement salué sa performance.
Au départ, c’était l’idée de Jean-Claude
Izzo : accueillir des auteurs étrangers et
leur «faire goûter Marseille». Depuis
quatre ans, en hommage au romancier
disparu, La Friche et ses partenaires,
L’Écrit du Sud, l’Ecailler et l’ADAAL,
organisent des résidences d’auteurs.
Didier Daeninckx, Noël Simsolo et
l’Allemande Doris Gercke se sont déjà
succédé. L’écrivain de romans noirs
Carofiglio, de Bari, est pressenti pour
2010. Mais pour l’instant, c’est la
Cubaine Wendy Guerra qui a posé ses
valises, à la demande de son éditeur
français Stock. Elle projette en effet
d’écrire un roman qui aurait pour cadre
La Havane, Cienfuegos mais aussi
Marseille, trois cités portuaires et métissées. Rien de défini pour l’heure, mais
des pistes qui se précisent au fil de son
immersion dans la ville. Et la certitude
que son personnage principal sera, à
nouveau, une femme, cubaine et noire,
et son histoire un subtil mélange d’intime et de social.
Zibeline : Wendy Guerra, comment
vous sentez-vous ici ?
Wendy Guerra : Très bien ; j’ai
rencontré beaucoup de monde, les
personnalités, les lecteurs lors de séances
de signatures, mais aussi des gens dans
la rue, au hasard.
Quelle vision avez-vous de Marseille ?
La vision d’une cité très vivante, mixte.
Durant cette phase d’investigations je
bouge. Je me suis installée dans différents quartiers, Malmousque, le
Vieux-Port, Saint-Barnabé… afin
d’avoir une approche diversifiée de
Marseille. J’irai aussi passer quelques
jours à Manosque où j’étais dimanche
dernier. L’essentiel, pour moi, est de ne
pas avoir d’idées préconçues. On a
tellement de clichés sur Cuba que je
voudrais, moi, éviter ça !
En France, on a des idées toutes faites
sur Cuba ?
Pas seulement en France ! La femme
cubaine, par exemple, est forcément
métisse, pauvre, de gauche, danseuse de
salsa !! Ce n’est vraiment pas ainsi que je
me définirais. Je suis petite-fille d’Espagnols, j’ai du sang japonais et pas noir ;
et en ce qui concerne la politique, je n’ai
aucun discours ; je suis artiste avant
tout. Si je fais bouger les choses dans
mon pays, ce sera par mes œuvres, pas
par une quelconque action politique.
Votre roman, Mère Cuba, révèle pourtant un engagement certain ; il n’a
d’ailleurs pas été édité à Cuba…
Si mes romans ne sont pas édités dans
mon pays, ce sont pour des raisons
politiques qui m’échappent totalement.
Et votre héroïne ? Elle porte le même
patronyme que vous. Votre récit est-il
autobiographique ?
Aucune œuvre n’est autobiographique
pour moi. Et puis, elle s’appelle Guerra
comme moi, mais son prénom, Nadia,
fait penser à «nadie» (personne, en
espagnol) ; alors, c’est moi, ce n’est
personne, c’est une femme cubaine
parmi d’autres. Je laisse le lecteur croire
ce qu’il veut… C’est sa liberté.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRED ROBERT
À lire : Tout le monde s’en va
(coll. De poche) et Mère Cuba
(voir Zib’ 22)
F.R.
Lettres à Guenica et Bonjour Minuit
ont été lus au Théâtre Jean le Bleu
les 25 et 26 sept
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64
LIVRES
LES LITTORALES | LES ESCALES
La bataille du livre
En cette rentrée 2009, les libraires
et éditeurs indépendants
du département se mobilisent
afin que la lecture publique
se développe et touche le public
le plus large
présence du réalisateur et de Lanzmann lui-même, un
vieux monsieur brillant, au talent indéniable de conteur,
mais à l’ego, hélas, surdimensionné et aux répliques
gratuitement acerbes.
On a aussi senti passer le vent de la guerre et la poussière du désespoir afghan pendant la projection à
l’Alcazar du magnifique Terre et cendres d’Atiq Rahimi,
adapté par le romancier lui-même de son roman
éponyme (POL, 2000). Deux soirées au ciné, qui
donnent envie de retourner aux livres.
Alors, même s’il y a eu des défections, celle de Rahimi
hospitalisé en particulier, ces 2e Littorales ont tenu
leurs paris et permis de belles rencontres.
C’est l’une des priorités de la politique culturelle mise
en œuvre au quotidien sur l’ensemble du territoire
départemental par le Conseil Général 13. Dans le
cadre de cette action d’envergure, deux manifestations
importantes sont à signaler, orchestrées par la combative association Libraires à Marseille.
… en Escales
De Littorales…
Pour sa 2e édition, le «rendez-vous annuel des livres et
des auteurs, proposé par les libraires indépendants
associés» a joué la carte de l’ouverture et de la diversité
en intitulant son Comptoir littéraire Approches sensibles d’un monde pluriel. Ainsi, sous les chapiteaux
à nouveau installés sur le cours d’Estienne d’Orves, les
lecteurs et promeneurs du week-end ont pu glaner les
paroles d’écrivains aussi divers que Marie-Aude Murail,
auteure de romans jeunesse (voir p XII), Wendy
Guerra (voir p 63) et Belinda Canone venues
évoquer «les sons du monde», mais également les auteurs
d’ouvrages où texte et arts visuels se rencontrent,
comme en ont présenté les éditions du Chemin de
Fer, du Bec en l’air ou la jeune Hélium. Chaque
libraire associé a proposé cette année ses choix, ses
coups de cœur. C’est ainsi que la librairie Maupetit a
privilégié les auteurs turcs (voir p 8), que Regards et
Prado Paradis ont invité les littératures espagnole et
sud américaine dans le cadre des Belles Latinas, que la
Réserve à Bulles a convié les artistes et l’association
© Juliette Lück
Massilia BD… Beaucoup de choix, des stands variés
et des auteurs pour tous les goûts, afin que tous les lecteurs puissent trouver leur bonheur ! Et tout cela dans
la qualité, car Libraires à Marseille entend bien
mettre en avant sa différence : Les Littorales ne sont
pas une Foire aux Livres ; plutôt un lieu relativement
intime, où il fait bon flâner, écouter, discuter avec les
écrivains et les libraires.
Les Littorales, ce sont aussi des soirées, qui mêlent la
littérature et les autres arts, le cinéma en particulier
cette année. On a ainsi pu voir en avant-première aux
Variétés le téléfilm documentaire consacré au parcours
de Claude Lanzmann. Une très belle réalisation de
Sylvain Roumette pour la collection Empreintes, en
© Juliette Lück
Après les chapiteaux et les rencontres dans de grands
lieux comme la BMVR Alcazar ou le cinéma Les
Variétés, les libraires indépendants lancent pour toute
la saison 2009-2010 une opération pilote soutenue et
financée par le Conseil Général 13. Escales en
Librairies, selon Mathieu Rochelle et Christine
Fabre de la Bibliothèque Départementale et Bernard
Millet du CG13, répond à une nécessité, celle de la
pérennité des libraires en centre ville, et à une idée
majeure, celle d’aller «au cœur de là où ça se fait».
Dans les librairies donc, et avec les libraires, dont le
rôle essentiel pour la vitalité de la création et la
diffusion des œuvres sera ainsi reconnu et encouragé.
Dans cette perspective, Escales en Librairies proposera dès octobre une série de rendez-vous mensuels,
selon le principe de 2 rencontres, l’une dans une
librairie marseillaise, l’autre dans une librairie du
département. Le premier invité de la saison est prestigieux, comme ils le seront tous. C’est en effet l’un des
axes du programme de ces Escales : proposer à tous
les publics de rencontrer des écrivains reconnus à
l’échelle nationale, voire internationale, spécialistes de
disciplines variées et porteurs d’une grande qualité de
savoir et de transmission. Les 15 et 16 octobre prochain, Aix puis Marseille auront ainsi le plaisir et
l’honneur d’accueillir Georges Didi-Huberman.
L’historien de l’art et philosophe s’entretiendra de son
dernier ouvrage Survivance des lucioles (Minuit, 2009),
mais également de son œuvre, conséquente, consacrée
à l’histoire et à la théorie des images. De quoi réjouir
les étudiants des nombreuses écoles d’art du département, et pas seulement eux. La 2e escale, en novembre,
se tiendra autour de la célèbre anthropologue Françoise Héritier ; et en décembre, c’est Jacques Barsac
qui viendra parler d’architecture et de Charlotte
Perriand. Un programme ambitieux, on le voit. Et qu’on
salue, chapeau bas !
FRED ROBERT
Les Littorales se sont déroulées du 7 au 11 octobre
à Marseille.
Escales en Librairies
Georges Didi-Huberman
Librairie les Vents du Sud, Aix
Le 15 nov à 19h
Librairie l’Odeur du temps, Marseille
Le 16 nov à 19h
www.librairie-paca.com
SALON DES ÉDITEURS INDÉPENDANT | AU PROGRAMME
LIVRES
65
Éditeurs militants
Beau succès pour ces Deuxièmes Rencontres de l’Édition Indépendante,
organisées par la Bibliothèque départementale et l’Agence régionale du Livre PACA.
Et une occasion rêvée pour les maisons indépendantes d’exprimer leur différence !
Il fallait être à l’heure, le 18 septembre,
aux ABD Gaston Defferre ! Ni la pluie,
ni le fracassant orage matinal n’avaient
découragé les éditeurs indépendants, de
la région et d’ailleurs, venus présenter leurs
ouvrages et débattre de leur métier
pendant deux jours. Dès l’ouverture il y
avait foule, dans le grand hall et dans
l’auditorium, à tel point que les retardataires ont dû se contenter d’une
vidéoconférence dans une salle du premier étage….
Refuser l’air du temps
L’indépendance était au centre de la
conférence d’Éric Vigne, directeur de
collection chez Gallimard. On peut,
comme l’ont fait certaines personnes
lors du débat, se demander si la situation d’une maison comme Gallimard
est comparable avec celle d’un éditeur
local. Éric Vigne balaie l’objection et se
présente comme membre d’une «maison indépendante qui ne publie que des
livres». À ce titre, il se situe comme les
autres participants et peut parler de la
«crise de l’édition et du livre». Il le fait,
brillamment, avec clarté, éloquence et
un humour souvent grinçant, sur un
sujet qui lui tient visiblement à cœur :
la toute puissance des grands groupes et
des ouvrages qu’ils imposent, à coups
de campagnes promotionnelles, selon
des circuits de lancement et dans une
optique de vente rapide qu’il juge «très
déstabilisateurs pour la profession.»
Selon lui, l’édition indépendante doit
aujourd’hui affronter deux problèmes
majeurs : celui de la distribution et celui
du temps, de la durée physique des
livres en rayon. L’édition indépendante
doit se battre pour faire exister d’autres
ouvrages que ceux de la mode et du
moment, dont il se demande d’ailleurs
s’il s’agit encore de livres. Il est vital de
publier des textes qui reflètent la complexité du réel, la «palette de gris» que les
fast thinkers redoutent tant, de découvrir de nouveaux talents. Car la crise ne
vient pas tant de la surproduction que
du formatage. Il n’y a pas trop de livres,
mais nettement «trop de semblables» !
D’où le rôle crucial des libraires, auxquels Éric Vigne a rendu hommage.
Des bibliothécaires et documentalistes
également, éclaireurs éclairés.
Croiser les rencontres
Nouveauté futée cette année : les 15 éditeurs régionaux présents en ont invité
15 d’ailleurs, que le poète Pierre Guéry
a présentés tout au long de la journée
professionnelle. Des duos inscrits dans
des perspectives similaires, pour élargir
le champ et marquer l’étendue du territoire des éditions indépendantes. Agone
l’engagée a ainsi invité la révolutionnaire Échappée de Montreuil, tandis
que la jeune maison arlésienne Où sont
les enfants présentait La Compagnie
créative de Bordeaux, spécialisée dans
le livre jeunesse. Les surréalistes d’Attila,
basés au Rayol dans le Var, avaient fait
signe à l’inventive Cambourakis ; les
poètes, artistes et performeurs de Plaine
Page (Barjols, Var) à Voix Édition
(Elne, Pyrénées-Orientales), le collectif
marseillais Soleda aux Fondeurs de
Brique tarnais… Bref, beaucoup d’animation autour des stands !
Cette effervescence professionnelle s’est
prolongée le samedi, d’autant qu’il coïncidait avec les Journées Européennes
du Patrimoine. Une intéressante occasion pour le public de rencontrer des
maisons d’édition engagées, loin de
l’homogénéisation ambiante et du prêtà-penser.
FRED ROBERT
Les 2e Rencontres de l’édition
indépendante se sont tenues
aux ABD Gaston Defferre à Marseille,
les 18 et 19 septembre.
À lire : Éric Vigne Le livre et l’éditeur,
éd Klincksieck, 15 euros
Au Programme
AIX
FORCALQUIER
Centre des écrivains du sud – 04 42 21 70 90
Rentrée littéraire avec Gwenaëlle Aubry, Brigitte Giraud, Philippe
Routier. Entretien conduit par Paul Constant, lectures par
Laurent Kiefer. Le 22 oct à 18h.
Association Forcalquier des livres – 04 92 75 09 59
Des livres et leurs mystères : expositions, conférences, ateliers pour
mettre en lumière toute la chaîne du livre. Du 23 au 26 oct.
MARSEILLE
ARLES
Association Le Méjan – 04 90 49 56 78
Didier Sandre lit Le Fou d’Elsa. Le 15 oct à 20h30.
Lecture-concert : improvisation autour de La double vie d’Anna
Song (Éd. Actes Sud, 2009) avec l’auteure, Minh Tran Huy et le
pianiste et compositeur Karol Beffa. Le 20 oct à 20h30.
Musée Réattu – 04 90 49 37 58
Exposition Chambres d’écho consacrée à la collection
photographique du musée ainsi qu’à l’œuvre de Brassaï. Jusqu’au
29 nov.
Museon Arlaten – 04 90 93 58 11
Dans le cadre de la manifestation Musée à rénover, week-end festif
de fermeture les 24 et 25 oct. Discussions/rencontres sur la
conservation et sur le projet de rénovation ; comptoir musical en
partenariat avec les Suds ; interludes dansants avec l’Atelier
Saugrenu ; concert de Frédéric Nevchehirlian ; des contes…
Hors les murs : A la rencontre d’un fleuve, le Rhône, visite fluviale
avec le Musée départementale de l’Arles Antique et le Centre
Permanent d’Initiative à l’Environnement (les 7 et 8 nov,
inscription au 04 90 98 49 09).
Upop’Arles / Maison de la vie associative – 06 16 89 46 41
Conférence/débat sur Images et culture numérique par Robert
Pujade, président de l’association Avec le Rhône en vis-à-vis. Le
17 oct à 15h.
BMVR Alcazar – 04 91 55 56 34
Exposition Anthony Browne : sélection de dessins originaux extraits
de ses livres pour enfants. Jusqu’au 18 nov dans la salle d’exposition.
Conférence sur Les apports de la laïcité pour les femmes par Aline
Vergnon-Bondarnaud, présidente du GRAIF, Robert Lazennec,
de l’observatoire de la Laïcité de Provence et d’Aix, et Mathilde
Dubesset, maître de conférences en histoire contemporaine à
l’Institut d’Études Politiques. Le 16 oct à 14h en salle de
conférence.
CIPM – 04 91 91 26 45
Exposition consacrée au travail de Pierre Albert-Birot, poète et
typographe. Jusqu’au 28 nov.
ABD Gaston Defferre – 04 91 08 61 08
Exposition Route impériale n°8, Arenc, de la plage de sable aux
chantiers d’Euromed : photos de Philippe Piron, vidéo-portraits de
François Landriot et recueil de témoignanges de Nora
Mekmouche. Jusqu’au 24 oct.
Institut culturel italien – 04 91 48 51 94
Ateliers de Katsumi Komagata, graphiste japonais. De 10h à 12h :
comment réinventer une forme ; de 14h30 à 16h30 : un papier
découpé pour inventer une histoire. Le 24 oct à la librairie
Imbernon.
Conférence dans le cadre de l’automne baroque sur La musique
à Naples à l’aube du XVIIe s par Dinko Fabris. Le 20 oct à 18h.
Rencontre autour du spectacle Mère/Fille de Laura Forti, avec
cette dernière, Antonella Amirante et la traductrice Graziella
Végis. Le 22 oct à 18h.
Espace Leclere - 04 91 50 00 00
Conférence de Claude Sintes, directeur du musée départementale
de l’Arles Antique. Le 2 nov à 18h.
Espace Ecureuil – 04 91 57 26 49
Conférences d’initiation : Art et paysage II : du symbole au
sentiment (Emergence) par Jean-Noël Bret. Le 10 nov à 12h30,
le 13 nov à 12h30 et 18h.
MIRAMAS
Médiathèque Intercommunale – 04 90 58 53 53
Dans le cadre de l’exposition Le Monde et rose : conférence de
Nicolas Féodoroff, critique d’art et de cinéma, programmateur au
FIDMarseille et conférencier au Musée d’art contemporain de
Marseille, le 20 oct à 18h30, galerie de la Médiathèque ;
rencontre lecture/vidéo avec Laurent Dhume, comédien, le 22
oct à 18h30, galerie de la Médiathèque.
VILLENEUVE-LEZ-AVIGNON
Association Totout’arts – 04 90 90 91 79
Burkin’arts : manifestation autour de l’art contemporain
Burkinabé : peinture, sculpture, bogolans, mobilier design.
Jusqu’au 25 oct à la Chapelle des Pénitents Gris, à l’Hôtel de
Montanègues et à la salle des Conférences.
VOLONNE
Association Amitié et loisirs – 04 92 64 58 25
14e Festival du livre et de l’écriture sur le thème de la Nature et
environnement, l’eau et l’air. Du 15 au 18 oct.
66
LIVRES
LITTÉRATURE
Le roman d’un Noir
Pour son éditeur Myriapode, Naître ou ne pas naître
Noir de Victor Kathémo est un roman «à la lisière de
l’essai qui donne à réfléchir sur la condition d’un Noir
dans le monde contemporain.» Mais sa construction est
trop autobiographique et factuelle pour l’inscrire dans
une tradition romanesque, et pas assez théorique pour
prétendre à l’essai. Du coup, le lecteur nage en eaux
troubles. Au départ il y a un nom, Victor Kathémo
Neïlungu Bilemba, qui pose le cadre généalogique du
narrateur et les liens sacrés qui en découlent depuis
son arrière-arrière-arrière grand-père Bilemba, «chef
coutumier et guerrier hors pair.» Et une région
d’Afrique: les Grands lacs. Puis pêle-mêle sont évoqués
la foi, Dieu et les dogmes religieux à travers,
notamment, l’arrivée «des missionnaires catholiques pour
convertir les populations locales de croyance animiste.»
Mais aussi l’abolition de l’esclavage par la France et la
déception de ne pas voir l’Afrique en faire autant : «Les
indépendances y sont célébrées en grande pompe, et
cependant l’esclavage y demeure un sujet tabou, un kyste
purulent que l’on n’a pas envie d’effleurer. (…) L’Afrique
se sent-elle complice de son passé douloureux ?» En guise
de réponse, Victor Kathéma en appelle une fois encore
à son ancêtre Neïlungu comme force de témoignage.
Cahin-caha l’histoire se développe depuis sa terre, le
Rwanda, jusqu’à l’Europe et son corollaire, la
modernité et les origines. Zigzaguant entre récit
familial, rappels géopolitiques et bribes d’analyses
généralistes, Naître ou ne pas naître Noir ne parvient
pas à entrer dans le romanesque, tout en étouffant de
métaphores et d’images.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Naître ou ne pas naître Noir
Victor Kathémo
Édition Myriapode, 17 euros
Brèves de taxi
Où peut bien nous conduire Khaled Al Khamissi à
bord des taxis du Caire ? Dans un dédale de ruelles
surpeuplées certes, au cœur d’interminables
embouteillages, dans la chaleur étouffante de la
capitale, mais certainement plus loin encore. Pour son
premier livre, Khaled Al Khamissi a mis à profit ses
innombrables déplacements pour consigner, d’avril
2005 à mars 2006, au moment où le président Hosni
Moubarak sollicitait un cinquième mandat, quelquesunes de ses conversations avec les chauffeurs de taxi.
Par petites touches cocasses, lucides, il brosse le portrait
de la société égyptienne à la manière d’un peintre
impressionniste, traquant les mauvaises humeurs, les
situations absurdes et le désenchantement d’un
peuple. Avec une infinie tendresse, toujours. Taxi est
un tableau social, économique et politique mené
comme une enquête de terrain, à la fois haletante et
brouillonne car l’auteur ne peut se défaire de son
métier de journaliste et réalisateur. Aussi, bien qu’il
alimente ses cinquante-huit brèves de digressions,
d’anecdotes personnelles ou de situations fictives, les
dialogues paraissent-ils souvent factices, trop «écrits»
pour être spontanés. Taxi, prétexte littéraire habile,
tend un miroir à un peuple préoccupé par la
corruption, la politique, l’exil, les femmes, l’insécurité,
la pollution, l’enseignement et «la course au pain», ses
deux priorités… Une fois les portes refermées sur les
banquettes usées de vieux taxis chaotiques, on a la
sensation d’être passé trop vite d’un taxi à l’autre, sans
vraiment croiser le regard du chauffeur.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Taxi
Khaled Al Khamissi
Traduit de l’arabe (Égypte) par Hussein Emara et Moïna
Fauchier Delavigne
Actes Sud, 18,80 euros
Le retour de la femme jaguar
Il y a des auteurs dont on attend le roman suivant avec
la fébrilité des retrouvailles prochaines. Véronique
Ovaldé fait partie de ces écrivains-là, ni tout à fait la
même, ni tout à fait une autre à chaque nouvel opus. Ce
que je sais de Vera Candida ne fait pas exception. Dans
cette histoire de famille, de départ et de retour sur une
île tropicale des antipodes, à mi-chemin entre roman
d’apprentissage et réalisme magique à la sud
américaine, on retrouve les motifs récurrents d’une
œuvre romanesque originale. Secrets de famille, deuils
et morts, couple et passion, femmes abandonnées,
salauds et justiciers… à première vue rien de très
nouveau. Sauf qu’Ovaldé traite ces thèmes archi
rebattus, par elle et d’autres, avec un sens du récit et un
goût pour la langue dont on se délecte.
Qui est ce «je» du titre initial ? D’emblée, on veut
savoir qui parle et qui est cette énigmatique Vera
Candida. Et puis, il y a les sous-titres qui rythment le
livre en distillant humour et poésie, comme le font
aussi les nombreuses parenthèses (Ah, l’explication du
mot «chet set» !), les images inattendues, les ruptures
de ton et de registre. Il y a encore les lieux, ancrés dans
le réel et pourtant mythiques, comme le sont les
personnages, souvent affublés de drôles de noms.
Insolites et solitaires, fragiles mais déterminés, sortes
de survivants, ils revendiquent sans faillir le droit à
l’amour dans un monde de brutes et de mort…
Véronique Ovaldé a décidément le talent de créer des
univers dans lesquels on a plaisir à entrer. Et à revenir.
FRED ROBERT
Ce que je sais de Vera Candida
Véronique Ovaldé
éditions de l’Olivier, 19 euros
67
Un monde parfait ?
La collection Collatéral des éditions manosquines Le
bec en l’air nous a habitués au dialogue entre la
littérature et la photographie contemporaines. Grâce
à elle on a arpenté, en images et en mots, les chemins
de Cuba ou d’Alger. Le dernier-né de la collection
nous entraîne moins loin et semble a priori moins
exotique, puisqu’il se passe pour l’essentiel sur une
portion très réduite du boulevard périphérique
parisien, aux alentours de La borne SOS 77. C’est
pourtant à un véritable voyage qu’Arno Bertina et
Ludovic Michaux nous convient, un périple vers le
hors-champ des caméras de surveillance du
périph’,vers la marge, entre piliers de béton et voies
sans issue.
2005. Sur le trajet vers son travail, Ludovic Michaux
aperçoit les installations insolites d’un SDF qui «loge»
sous le périphérique ; il le rencontre, se lie avec lui,
photographie ses compositions. C’est à partir de ces
photos et d’autres encore, qui montrent les dispositifs
mis en place dans la ville pour empêcher les sans-abri
de s’y installer, qu’est né le projet du livre dont Arno
Bertina a écrit le texte. Une histoire à deux voix, celle
qui vient d’ici, du «milieu des bagnoles (…), avant
l’entrée du tunnel…», la voix d’un SDF philosophe et
artiste, et l’autre qui parle de là, d’un bureau de
surveillance de l’autoroute, la voix d’un nouveau,
curieux et pas encore désabusé.
La fiction, fortement inspirée d’un réel que les images
montrent, ne joue pas la carte du pathos. Elle fait
mouche pourtant, car elle questionne ce monde de
nantis qui jettent les objets dont ils ne veulent plus,
comme ils se débarrassent des marginaux, en les
reléguant pour mieux les ignorer. Une livre lucide et
humain, à lire, regarder et méditer.
La borne SOS 77
texte d’Arno Bertina,
photographies de
Ludovic Michaux
éditions Le bec en
l’air, 14,50 euros
FRED ROBERT
Symphonie héroïque
Œuvre polyphonique en trois mouvements
savamment orchestrés, le dernier roman de Marie
NDiaye met en scène Trois femmes puissantes.
Puissantes, Norah, Fanta, Khady Demba le sont sans
doute, fortes en tout cas d’une détermination et d’une
fierté chevillées au corps. Ce qui ne les protègera ni
des humiliations, ni des blessures, ni de la solitude.
Car ces trois récits mettent à jour trois souffrances.
Celle de Norah qui revient au pays de son père et
découvre la décrépitude et les crimes de celui qui est
parti lorsqu’elle était enfant. Celle de Fanta, que les
échecs successifs de son mari enferment dans l’exil.
Celle enfin de Khady Demba, que sa belle-famille
renvoie à la mort de son époux, la condamnant à la
misère et à la clandestinité. Face à l’adversité, les trois
femmes opposent résistance et dignité.
C’est loin d’être le cas des hommes, dont la
romancière dresse un tableau peu réjouissant : pères
irresponsables et criminels, fils dociles et velléitaires,
compagnons peu fiables… Ce roman subtil ne se
résume pourtant pas à une manichéenne guerre des
sexes. La composition ternaire (et non binaire,
justement), outre qu’elle tend des passerelles entre les
récits, offre, grâce aux contrepoints qui clôturent
chacun d’eux, une ouverture du point de vue, un
nouvel éclairage de la fiction grâce auquel celle-ci
échappe définitivement à tout discours convenu. Et,
summum de la finesse, le texte central est relaté du
point de vue du personnage masculin ; Fanta y figure
seulement en creux. Dans ce roman, une place de
choix est ainsi laissée à la parole de l’homme, pour dire
ses faiblesses mais aussi son sursaut vers une dignité
reconquise… grâce à l’amour ou à la présence tutélaire
d’une de ces femmes puissantes, héroïnes du quotidien
qui lui redonnent son éclat.
Trois femmes puissantes
Marie NDiaye
éd Gallimard,
19 euros
FRED ROBERT
Un homme en exil
Lorsqu’il était étudiant dans son pays, la Turquie, Sami
n’était pas à proprement parler un révolutionnaire. Ses
parents, commerçants, gagnaient proprement leur vie
et il avait fait des études de cinéma à Istambul. Ni de
gauche, ni de droite…
Il se retrouve dans le froid de Stockholm avec d’autres
étrangers mais il n’est pas, comme les autres, un
réfugié politique. La raison de son exil ne sera dévoilée
par Sami lui-même que plus tard dans le récit. Récit à
deux voix qui alternent et se complètent : celle d’un
ami romancier qui a recueilli quelques confidences,
celle de Sami lui-même qui rectifie, et mettra du
temps à dire sa blessure. Jeux d’écriture et de points de
vue qui se prolongent par une adresse directe au
lecteur dans l’alternance d’un style écrit et d’une parole
plus brute. Peu à peu, grâce à ces confrontations, on
comprend ce que sont l’exil et le déracinement,
l’immersion dans une langue étrangère et la force de
la langue maternelle, qu’on retrouve soudain alors
qu’on ne la parle plus depuis 9 ans.
C’est ce qui arrive à Sami lorsqu’il se retrouve à
l’hôpital avec un ancien ministre turc venu soigner
une tumeur au cerveau. Une infirmière lui demande
de servir d’interprète. Sami reconnaît en lui le
responsable de la mort de celle qu’il aimait. Son passé
ressurgit, le désir de vengeance le harcèle. Une réunion
a lieu avec les exilés d’Iran, du Maroc, d’Amérique
latine, du Japon, d’Espagne. Tous ne sont pas d’accord
pour une exécution…
Zülfü Livaneli aborde frontalement le problème de la
vengeance, de ce que l’on peut oublier voire
pardonner, et du temps qui passe et qui change les
hommes. Peut-être le véritable exil ?
CHRIS BOURGUE
Une saison
de solitude
Zülfü Livaneli
traduit du turc par
Timour Muhidine
éd.Gallimard,
21 euros
68
LIVRES
LITTÉRATURE
Un mal qui répand la terreur…
Le second roman historique de Nicole Cheverney
s’attache à l’un des thèmes phare de la littérature
consacrée à Marseille, la grande peste de 1720.
Chacun a en tête la sinistre silhouette du Grand SaintAntoine avec sa cargaison de tissus d’Orient et dans ses
cales, le lourd secret d’une épidémie qui allait faucher
plus de cinquante mille victimes. Nous retrouvons
dans ce roman les acteurs réels du drame, le capitaine
Chataud, les échevins de la ville, Estelle, Moustiers…
le peintre Serre, la belle figure de monseigneur Belzunce,
les médecins, les petites gens, les «corbeaux», ces
forçats réquisitionnés pour charger les morts sur des
charrettes avant de les jeter dans de larges fosses
communes… Les petites gens comme les grands sont
ici mis en scène, les attitudes nobles et lâches aussi,
dans une fresque peinte avec talent. Remarquablement documentée, l’auteure livre un tableau riche et
pittoresque des étapes du fléau, la danse du cheval
blême, autre nom de la peste. Les passages obligés de
la description de la peste sont écrits dans un style
flamboyant, avec une magnifique ampleur. Mais il est
dommage que certains personnages soient abandonnés en cours de route… Ainsi on laisse Chataud
dans une auberge pour suivre le bon docteur Bénézet
Monédières, on ignore ce qu’il advient aux échevins,
à monseigneur Belzunce, et le feu d’artifice qui nous
emportait s’achève sur une histoire simple, la destinée
sacrifiée d’une jeune servante, dans un monde à la
Maupassant. Si bien que malgré toutes les indéniables
qualités de ce roman au souffle parfois puissant, nous
restons au final sur notre faim.
La danse du cheval blême
Nicole Cheverney
Éd Cheminements,
20 euros
MARYVONNE COLOMBANI
Avenirs radiés
N’oublions pas que l’amertume est d’abord une saveur
et ne rime pas forcément avec aigreur ! Et remercions
vivement les éditions Agone pour la remise en circulation de la Dictature du Chagrin et autres écrits amers.
Parus entre 1945 et 1953, ces textes courts, denses,
destinés le plus souvent à des journaux suédois, nous
rappellent fort à propos que l’existentialisme n’a pas
été une simple crispation de la conscience parisienne,
et que le présent peut durer toujours.
Lorsque Stig Dagerman, dans une prose ferme,
impressionnante de simplicité (ranimée avec justesse
par la sobre traduction de Philippe Bouquet ) se livre
à une démystification méthodique du monde de
l’après-guerre, tout s’éclaire sous son regard incisif et
rempli d’amour pour l‘humanité. Qu’il disserte de
front sur la responsabilité de l’écrivain («faire saisir à
l’individu le sens de sa liberté»), qu’il dénonce les fauxsemblants de la commémoration ou les artifices de ce
qui deviendra «guerre froide», ou qu’il mette en scène
finement dans ses Coups de gueule à la Swift ou à la
Kafka l’absurde des mœurs du temps (L’assassinat de
la contrebasse ou La liberté des chiens danois), l’auteur
ne perd jamais de vue que les idéaux trahis font mal au
ventre tout autant que la disette. Cet anarchosyndicaliste délicat n’est-il justement pas à l’origine du
titre le plus singulier de la littérature du XXe siècle :
Notre besoin de consolation est impossible à rassasier ?
L’homme tragique, broyé par l’Histoire collective,
pourra alors trouver sa dignité à avouer simplement :
«Le froid est vif et j’ai le cœur transi.»
La Dictature
du Chagrin
Stig Dagerman
Traduit par P
hilippe Bouquet
Nouvelle édition
augmentée
Ed Agone,
17 euros
MARIE-JO DHO
Envolées nippones
Minaé Mizumura écrit en japonais. Élevée aux Étatsunis, à Long Island, elle entretient avec l’oncle Sam
des relations ambiguës qui l’amènent à enseigner
souvent en Amérique, y passant de longues saisons
universitaires tout en rêvant d’un Japon authentique
qu’elle sait irréel. Mais son propos est toujours celui de
la langue. Ce qui peut paraître étonnant, car Tarō
retrace en six cents pages une saga construite à la
manière des Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë : les
familles Shigemitsu et Saegusa, nobles et parvenus,
figurent les Linton et les Earnshaw de la version
britannique. Le canard boiteux, enfant adopté promis
à la domesticité qui saura extraire toute la haine de son
corps pour brûler le destin s’appelait Heathcliff. Chez
Mizumura il se nomme Tarō Azuma et n’est pas tout
à fait Japonais... D’ailleurs la société japonaise
d’aujourd’hui paraît bien insignifiante en regard de ce
bâtard surhumain qui passera son existence entre
félicité suprême et douleur d’aimer. Car si la trame
originale de l’histoire est respectée en grande partie, le
contexte -le Japon au sortir de la deuxième guerre
mondiale jusqu’à aujourd’hui- bouleverse la donne.
Grâce à la traduction que l’on imagine au plus près de
cette langue si étrangère, Mizumura entraîne les
lecteurs français dans un monde extraordinaire, où
l’on sent à chaque seconde le double poids de
l’idéologie et de la codification. Plus fort que les
conventions de son époque, le formidable Tarō a
vraiment existé. Et le début de l’ouvrage contribue à
nous ancrer dans la réalité quotidienne des migrants
japonais aux États-Unis d’après-guerre. Un univers où
les nippons émaillent leurs discours et leurs gestes
d’attitudes américaines tandis qu’une jeune fille
nommée Minaé Mizumura s’efforce de construire, en
japonais, un monde parfait...
EDOUARD BARTHELEMY
Tarō , un vrai roman
Minaé Mizumura
traduit par Sophie
Rèfle
Ed le Seuil, 24 euros
Minae Mizumura
sera présente à Aix
pour la Fête du livre
des Écritures Croisées
à partir du 15 oct
LIVRES
La voix de l’homme
Géniale et abondante, l’œuvre vocale du compositeur
Francis Poulenc, membre du Groupe des six, est l’objet
d’une publication sous forme d’actes de colloque
(Université de Saint-Etienne) aux Editions Symétrie.
Sous la coordination d’Alban Ramaut, quinze
chercheurs en musicologie et en littérature questionnent le foisonnant corpus choral et mélodique de celui
qui a tissé tant de liens avec les hommes de lettres et
mis en musique nombre de textes des poètes et
écrivains de son temps. Tout amoureux de la musique
appréciera à sa juste valeur l’ouvrage, mais il faut
néanmoins souligner la pertinence de la mise en regard
des vers d’Eluard, Cocteau ou Max Jacob. La genèse et
la réception de l’œuvre, le rapport de l’homme à la
voix et à l’interprète, la sensibilité visuelle de l’artiste
aux éditions originales illustrées par Matisse ou Dufy
et la mémoire auditive que conservait le compositeur
de la voix d’Apollinaire et de la diction d’Eluard sont
autant d’études passionnantes et instructives. Francis
Poulenc et la voix – texte et contexte offre outre
son érudition une formidable et peu fréquente
transversalité pluridisciplinaire, clef indispensable à la
compréhension des opus de l’ardent défenseur de l’art
français.
FREDERIC ISOLETTA
Francis Poulenc et la voix
coordination Alban Ramaut
Éd. Symétrie, 28 euros
Rendez-vous chez Castel !
À l’heure où les marseillais redécouvrent (voir p 76)
l’architecte Gaston Castel, acteur majeur de la cité
phocéenne et de ses environs au XXe siècle, les Éditions
Parenthèses associées aux Archives Départementales des B-d-R ont la bonne idée de publier un
ouvrage collectif retraçant la longue histoire d’une
agence qui a perduré sur trois générations. Sous la
direction d’Isabelle Chiavassa et François Gasnault,
cette somme exhaustive regroupe études, projets,
catalogue, écrits, archives et illustrations de grande
qualité de celui qui fut le professeur d’un certain
Fernand Pouillon. De l’entre deux guerres à la
reconstruction de la ville, l’auteur d’édifices majeurs
comme le Monument aux morts de l’armée d’Orient
ou l’Opéra municipal (après l’incendie de 1919) est
montré sous toutes ses facettes et elles sont nom-
breuses. Tendances art déco, moderniste, monumentale
voire utopiste, les préoccupations de l’architecte en
chef du département étaient aussi urbanistes.
Dressant un panorama instructif sur les constructions
marseillaises depuis 1880, l’imposant volume Les
Castel, une agence d’architecture au XXe siècle
fait revivre une agence aux annales passionnantes.
Toujours à la mode à l’image de l’Arbois actuellement
en rénovation, l’histoire du Marseille des temps modernes se déguste chez Castel.
F.I.
Les Castel - une agence d’architecture au XXe siècle
Éd Parenthèses/Archives Départementales,
44 euros
Souffle épique
Dans la petite ville côtière Desperance, située dans le
Golfe de Carpentarie, au nord est de l’Australie,
aborigènes (le «vrai peuple») et blancs («les habitants
d’Uptown») vivent côte à côte, sans trop se mélanger.
Les premiers savent comment respecter la loi
ancestrale, celle du lieu, rendent hommage aux esprits
créateurs, respectueux qu’ils sont de leur terre. Car
c’est bien d’elle dont il est question tout au long de ce
roman épique ; une terre vivante qui subit les caprices
du temps, qui modèle ses habitants et les force à
composer, une terre dont on ressent et entend le
souffle à chaque page. Sur cette terre, les blancs ont
implanté une mine, synonyme d’exclusion pour les
aborigènes qui ont juste le droit d’y travailler et de
l’accepter. Pourtant certains se révoltent, et vont tout
faire pour l’éradiquer. À commencer par Will
Phantom, l’un des nombreux personnages hauts en
couleurs qui guident le lecteur pas à pas dans cette
aventure, fils de Norm, vieil aborigène, «pêcheur d’entre
les pêcheurs» et plus grand connaisseur de la mer ; on
croise aussi Mozzie Fishman, qui perpétue les
cérémonies ancestrales à sa façon, Joseph Midnight,
ennemi juré de Norm, et sa fille Hope, aimée de Will
et mère de son fils Bala… Tous s’affrontent, s’aiment,
se jaugent au gré des événements. Roman déroutant et
tourbillonnant, pour lequel son auteure, Alexis
Wright, qui a consacré sa vie à la cause aborigène, a
reçu en 2007 le plus grand prix australien (le Miles
Franklin Award) décerné pour la 1re fois à un auteur
Aborigène…
DOMINIQUE MARÇON
Carpentarie
Alexis Wright
Ed Actes Sud, 23,90 euros
69
70
LIVRES
ARTS
Surréalisme et Musique
À quelques exceptions près, la plupart des ouvrages
consacrés au surréalisme affirment qu’il n’y pas de
surréalisme musical. Peut-être parce qu’André Breton,
«pape» du mouvement qui se développe dans les
années vingt, montrait peu de goût pour la musique ?
D’où sa célèbre allégorie : «Que la nuit continue donc
à tomber sur l’orchestre». Est-ce à dire que sa visée de
rupture, prônant la «toute puissance du rêve» et interrogeant «le fonctionnement réel de la pensée», a jeté un
voile définitif sur l’expression musicale ?
Sébastien Arfouilloux tend à démontrer le contraire,
arguant que l’expérimentation musicale, souvent
accompagnée d’une révision des valeurs classiques,
positionne l’art du sonore dans l’esprit surréaliste. Par
une étude des liens entre littérature et musique, de
productions de créateurs du surréalisme employant la
musique, des affinités artistiques avec des musiciens,
l’auteur mène une enquête historique autant qu’esthétique, fouille les influences et collaborations de
l’ensemble des acteurs du mouvement… des origines
Dada aux héritages «récents».
Au commencement était Parade, les Ballets russes,
Satie, Picasso et Cocteau, le futurisme avant les «Six»,
puis vint le goût du surréalisme pour la chanson
populaire et le jazz, Poulenc et Eluard, jusqu’au Boulez
du Marteau sans maître et la figure d’André Souris…
JACQUES FRESCHEL
Que la nuit tombe sur l’orchestre
Surréalisme et musique
Sébastien Arfouilloux
éd Fayard/Les chemins de la musique, 24 euros
Le Blues est un Roman
Longtemps la voix d’Alain Gerber a résonné sur les
ondes de France Musique et de son émission Le jazz
est un roman. Au swing de son inimitable débit et de
son timbre feutré, il a conté, avec une culture pharaonique, la vie des grands du jazz, des statues Lester
Young, Sonny Rollins, Chet Baker, Louis Armstrong,
Bill Evans, jusqu’aux talents plus discrets, dont le
destin souvent précaire et tragique était relaté avec une
(com)passion souveraine.
On sait moins que l’homme de radio se doublait depuis
longtemps d’un homme de lettres. Après de nombreux romans, nouvelles et essais, il s’est lancé dans le
«roman-jazz». Un genre personnel qui lui colle au
phrasé. Car sa phrase chante comme un long chorus
de ballade : Alain Gerber parle comme il écrit; il écrit
comme il parle, avec force lyrisme, jusque dans la
peinture du quotidien.
Après Chet (2001) ou Charlie (2005), son dernier pavé
puise dans les origines du Blues. Depuis la guerre de
Sécession au temps de l’abolition de l’esclavage, on suit
les aventures de Nehemiah. Affecté au service du fils de
ses maîtres il a assisté à ses leçons, en a fait son miel :
il sait lire, compter et connaît… la musique ! Après
avoir tapoté sur une planche figurant les notes noires
et blanches, c’est un style qui n’est ni celui du noir, ni
du blanc qui coule sous ses doigts. Dans les bastringues
de la Nouvelles Orléans il est un des premiers virtuoses
du blues.
Au-delà de la musique, le récit parle de l’initiation à la
liberté. Tels les juifs errant quarante ans dans le désert
après la sortie d’Egypte, les noirs affranchis restent
longtemps des nègres humiliés qui demeurent
incapables de franchir la «ligne» qui sépare le Sud du
Nord. C’est peut-être pour cela que le blues noyaute
autant les cœurs… et que ce roman nous transporte !
JACQUES FRESCHEL
Blues
Alain Gerber
éd Fayard, 25 euros
Peintres de la théâtralité
Nécessaire prolongement de l’exposition du musée
Cantini (voir p 33), l’ouvrage, bien au-delà du catalogue, s’impose comme la référence sur le sujet inventé
par Guy Cogeval : les relations de la peinture et du
théâtre de la fin du XVIIIe siècle à l’orée du XXe.
Chaque contribution -ici l’érudition est de rigueurpermet de décoder les multiples références qui nourrissent les conceptions et les options plastiques élues
par les peintres.
De l’enracinement dans la culture antique, de l’ut
pictura poesis à l’influence fondamentale du drame
shakespearien ou wagnérien chez Füssli ou Delacroix
jusqu’aux propositions anti picturales d’Adolphe Appia,
nous saisissons pleinement l’influence complexe de la
théâtralité dans la transformation de la peinture vers la
modernité, attribuée habituellement à des courants
réputés révolutionnaires comme l’impressionnisme.
L’excellente iconographie complète les reproductions
de dessins et tableaux (pourquoi rogner la contreplongée du Saint Jean Chrysostome de J.-P. Laurens ?),
par divers documents tels livrets, affiches, frontispices,
programmes de théâtre illustrés par des peintres
comme Vuillard ou Maurice Denis. Un ouvrage qui
ravira les férus de théâtre, et de peinture.
CLAUDE LORIN
De la scène au tableau
Editions Skira, 39 euros
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911411mars
00 91
er
72
PHILOSOPHIE
HEGEL
C’est bien connu :
on peut tout justifier
en philosophie !
Le mot, péjorativement,
peut désigner
une rhétorique qui
s’arrange ou s’amuse
de la vérité. Alors on
trouvera bien de quoi
justifier une double
page sur Hegel
et la phénoménologie
de l’esprit ?
En alignant Hegel, Marx,
crise du capitalisme ?
Peut-être…
Pour me venger
de ma rédac chef qui
le mois dernier,
sous prétexte de rentrée
culturelle chargée,
a sucré les pages philo ?
Sans doute !
Disons aussi qu’il y avait
de la jalousie dans l’air.
Après la double page
sur La critique
de la raison pure dans
Zibeline l’an dernier,
il convenait d’accorder
un droit de réponse
au principal contradicteur
de Kant.
On est un journal honnête
et on ne veut d’ennui
avec personne !
Petit Hegel
Don Juan, mes de Philippe torreton © Pascal Gely agence Bernard
Obscure clarté
Lire la Phénoménologie est une entreprise périlleuse ; c’est
certainement le bouquin le plus obscur de l’histoire
de la philosophie. Paradoxal quand on sait qu’Hegel a
voulu proposer un vocabulaire simple et vivant pour,
dans une véritable dramaturgie, montrer le parcours et
le drame de l’esprit à la rencontre du monde. C’est
tellement complexe que certains philosophes analytiques anglo-saxons s’amusent à citer des passages de ce
livre pour pointer l’inanité de la philosophie de l’histoire allemande. Ou française d’ailleurs. Et que les
Allemands allaient chercher dans la traduction française pour y comprendre quelque chose !
Mais l’obscurité de ce livre n’est pas un élitisme : il vient
de sa profondeur, et surtout de son rôle inaugural dans
l’entreprise phénoménologique. Alors essayons d’en
parcourir arbitrairement quelques idées.
Vive le paraître
D’abord la phénoménologie quésako ? Cela vient du
grec phaïnestaï, briller, être visible. C’est une entreprise
philosophique qui va s’intéresser à l’objet tel qu’il apparaît à l’esprit ; entreprise polémique puisqu’il ne
s’agit plus de dire, comme avec Platon et Descartes,
que ce qui apparaît est faux. Car une chose peut
apparaître de manière contradictoire à l’esprit : ce
bourgeon qui le lendemain est fleur, cette bougie qui
sera fondue ; la philosophie classique constate ces
contradictions : ce qui apparaît n’est pas ce qui est. On
soumet ainsi le monde visible ou sensible au monde
des idées ou intelligibles. La phénoménologie c’est la
succession des moments selon lesquels les objets n’apparaissent pas de la même manière et se trouvent
contestés ; c’est une aventure d’idées dont le chemin
produit un concept, une définition. C’est aussi le parcours de l’esprit dans tout ce qu’il vit : la perception
sensible, la vie organique, la conscience de soi, le plaisir,
la liberté, l’État , la religion, etc… Rien que ça !
Continuons sur le connu. Hegel est célèbre pour être
le philosophe de la dialectique désignée formellement
par la trilogie thèse-antithèse-synthèse et vulgarisée
dans les méthodologies de dissertations par le oui-nonmerde !, ou oui-non-pourquoi pas pour les tièdes.
Alors c’est quoi la dialectique ? Elle résume bien la
philosophie de Hegel et notamment la phénoménologie
de l’esprit, en désignant un processus par lequel toute
chose se constitue. Car une chose n’est pas ; l’être désigne l’immobilité et surtout la méconnaissance des
processus de constitution de ce qui est. Certes on peut
dire que toute chose est en devenir. Mais une fois
qu’on a dit ça, on en a trop dit ou pas assez.
Pas assez car c’est oublier de dire qu’une chose est ce
qu’elle a été et ce qu’elle sera. Alors la dialectique c’est
montrer qu’une chose se constitue par son dépassement perpétuel, par les moments contradictoires qu’elle
rencontre et par le monde dans lequel elle se distingue.
Bon ok, soyons clair ; commençons par le plus simple:
il serait bête de dire que ce bourgeon est un bourgeon.
Pour bien le connaître, l’expliquer et le comprendre il
73
en trois points
faut rappeler qu’il est dans son propre dépassement, à
savoir en fleur, qui elle-même est dans son dépassement en fruit, qui lui-même est dans son dépassement
-pourquoi pas si on recrache bien le noyau- un arbre.
Facile le bourgeon on vous l’avait dit !
T’as pas autre chose ? - si si… tiens, la montagne. Rien
de plus minéral qu’une montagne ; disons qu’en tant
qu’être on ne peut faire plus massif, indépassable ou
antidialectique. Mais si ! Elle ne peut s’expliquer que
par l’histoire qui l’a faite, les différentes ères géologiques durant lesquelles elle s’est constituée, les érosions
qui l’ont creusée, les vallées dont elle est faite, les autres
montagnes qui l’entourent, auxquelles on peut la
comparer et la distinguer etc…
Conscience malheureuse
On comprend encore mieux cette méthode dialectique dès que l’on passe à l’homme qui est tout aussi
une histoire et un devenir. Dire qu’un homme est ce
qu’il est c’est faire œuvre de paresse quant à la
compréhension de ce qui a fait ce qu’il est. Et puis
rajoute Hegel : «une chose n’est donc vivante que pour
autant qu’elle renferme une contradiction et possède la
force de l’embrasser et de la soutenir.» Que c’est beau
dans le texte !
Bon, je ne sais pas si ça vous aura éclairci ; sinon, j’ai
encore droit à plusieurs coups puisque la dialectique
hégélienne est un vaste tout, et peut s’éclairer par les
différents moments du parcours de la phénoménologie
de l’esprit. Car ce parcours c’est celui de la conscience.
La conscience, dans cette nouvelle philosophie qu’Hegel
appelle phénoménologie, est avant tout un acte, un
acte d’outrepasser le donné, de pousser au-delà de ce
qu’Hegel désigne sous le terme célèbre d’Aufhebung ;
dépassement qui explique le mouvement dialectique.
Comme le dira plus tard Sartre, «être pour la conscience
c’est être sous le mode d’être ce qu’elle n’est pas.»
La conscience est prise dans un devenir qui est plus
fort et plus prégnant que l’être stable, mais ce devenir
la rend étrangère à elle-même. C’est certes cette
enfance dans laquelle je ne me reconnais plus puisque
lointaine et non autonome, mais aussi cet instant
d’hier où j’étais un autre. Autre, car ce que j’ai vécu
depuis m’a altéré ; j’ai rencontré d’autres choses,
personnes, instants, perceptions ; tout ceci, que je le
veuille ou pas, m’a changé. Et c’est par ces altérations
qu’on se constitue.
Mais ces altérations prennent le mode de la confrontation, car je ne peux être qu’en étant reconnu comme
tel. C’est une étape du développement vital, l’éclosion
de l’homme dans l’animal dans un dépassement
nommé désir. Hegel nous raconte ce dépassement en
nous plaçant à l’origine presque mythique où un
vivant, devenu humain, s’extrait du cycle de la
reproduction, de l’instinct. L’homme rompt avec le
manque et c’est l’envolée du désir. Cette éclosion
s’achève dans la phénoménologie sur une allégorie
devenue célèbre : la dialectique du maître et de l’esclave, sorte d’archéologie de la conscience de soi, entre
mythe et roman initiatique. Très complexe d’en parler,
mais essayons.
Dialectique du dominé
Don Giovanni
de Joseph Losey
Pour passer de l’individuation de la vie organique à la
conscience de moi je dois prouver à l’autre, en face de
moi, que je suis conscience. Or le propre de la conscience c’est de n’être attachée à aucune existence
déterminée et surtout de le montrer. Quoi de plus
radical alors pour signifier ce détachement qu’exhiber
qu’on n’est pas attaché à la vie ! La reconnaissance de
soi passe alors par la mise en jeu de sa propre vie. C’est
là que nous en arrivons -à grand renfort de schématismes- à la dialectique du maître et de l’esclave.
Dialectique car il y a apparemment contradiction : dans
Et pour parler d’autre chose…
Les discussions socratiques continuent à Marseille. Animées entre autres par Marc Rosmini. Après celle du
mercredi 7 octobre, les artistes sont-ils au-dessus des lois ( à partir de la vidéo on n’est pas des gobis !), courez à
celle du mercredi 9 déc à 18h30: Sommes-nous tous des artistes ?. Ce sera aux Pas perdus, 10 rue sainte
Victorine. C’est très vivant, c’est une philosophie qui va vers tous les publics et s’empare de tous les objets.
R.V.
04 91 91 27 55
www.fracpaca.org
cette lutte mythique entre le maître et le valet, c’est le
maître qui n’a pas peur de la mort, car il n’en a pas
conscience, aveuglé qu’il est par son prestige de la
domination. Et dans cet exercice de la domination, la
dialectique montre que paradoxalement c’est l’esclave
qui remporte la lutte. Pourquoi ? D’abord parce que
c’est toujours le dominé qui fait preuve de plus de
clairvoyance et d’intelligence –subissant une situation
il doit la réfléchir, contrairement au dominant. Ensuite
parce que l’essentialité de la vie n’apparaît pas des deux
côtés du conflit : seul le faible thématise la mort et sent
qu’il peut mourir. Enfin, parce qu’il y a un processus
formateur dans le travail : le maître jouisseur immédiat,
ne le connait pas et en dépend. La relation Maître/
Esclave est donc dialectique puisque, par-delà l’apparence du moment de la domination, c’est en fait
l’esclave qui est supérieur. Ce que Marx comprendra
au terme d’une dialectique faisant du prolétaire celui
qui domine réellement les moyens de production,
tandis que le maître bourgeois n’est plus qu’un parasite
devenu inutile.
Paradoxe de la dialectique : c’est celui qui est aliéné
qui est le plus libre. Encore faut-il s’entendre sur ce
terme : on ne peut véritablement être, être libre, qu’en
allant vers ce qu’on n’est pas, qu’en se déterminant
vers ce qui est étranger. Intervient alors la fameuse
critique de la belle âme. Le pire nous attend dès que
l’on agit, rien ne s’accomplit comme nous l’avions
voulu. La belle âme montre une attitude cherchant
refuge dans la volonté et se détourne de toute entreprise effective, de l’engagement. Hegel, remettant en
cause cette attitude, critique sévèrement Kant qui ne
considérait la liberté que dans le domaine de la volonté, des bonnes intentions, et non de l’engagement.
Philosophe de la liberté, Hegel est donc bien un
philosophe politique : la liberté s’éprouve en s’engageant dans une cause radicale puisque c’est dans le
dépassement dialectique du réel que l’homme pourra
enfin dire qu’il est.
REGIS VLACHOS
À lire, avant
ou après la Phénoménologie…
Une intrigue criminelle
de philosophie
Lire la Phénoménologie
de l’Esprit de Hegel
Jean-Clet Martin
Éd La découverte, coll.
Les Empêcheurs de penser
en rond,
21 euros
74
SCIENCES
LE CARBONE
C, nous comptons sur toi
Le Carbone, symbole chimique «C», masse atomique 12,0117 g. Cet atome et les molécules
auxquelles il participe sont si petits que, bien
évidemment, nous ne pouvons les manipuler que
collectivement, en masse. Les chimistes ont inventé pour cela «l’atome-gramme» qui représente
la masse d’un nombre conventionnel, suffisamment
grand, défini arbitrairement, de l’entité considérée.
Le Sieur Amadeo Avogadro (1776-1856), physicien
et chimiste turinois, découvre vers 1809, confortant ainsi les hypothèses de la théorie atomiste,
que deux volumes identiques de deux gaz distincts
(par exemple O2, gaz dioxygène ou H2, hydrogène
gazeux), sous des conditions identiques de température et de pression, contiennent le même nombre
de particules. Il est le premier ainsi à distinguer les
entités «moléculaires élémentaires» -ce que nous
appelons aujourd’hui les atomes- des entités moléculaires complexes -nos «molécules actuelles».
Cette découverte débouche rapidement sur la mise
en évidence du concept de masse atomique des
différents éléments et leur calcul. Johann Josef
Loschmidt (1821-1895), physicien autrichien, est
le premier en 1865 à déterminer approximativement le nombre d’Avogadro c’est-à-dire le nombre
d’entités contenues dans un atome-gramme d’un
élément pur simple. Mais il faut attendre 1971 pour
que les scientifiques conviennent d’une unité de
base du système international commune : «la
mole» qui est la quantité de matière d’un système
contenant autant d’entités élémentaires qu’il y a
d’atomes dans 12 grammes de l’isotope 12 du
carbone. Et il faut bien dire qu’il y en a très-trèsbeaucoup (6,02 1023 soit six cent deux mille
milliards de milliards).
Le diamant C
est éternel
Faut-il taxer le carbone ? Au nom du profit
éco-compassionnel le libéralisme vert jette le carbone
avec l’eau du bain primitif. L’atome qui fonde l’existence
même du vivant va être taxé de tous les maux.
Les pauvres seront-ils… carbonisés ?
C la vie…C rare…C cher
Il existe actuellement, dans l’univers, à la connaissance humaine, 117 éléments. Chacun constitue
une entité atomique distincte qui se classe selon
son numéro atomique (le nombre de proton de son
noyau) dans une classification périodique encore
appelée tableau de Mendeleïev. Dans la vieille
croûte de notre bonne Terre, on ne trouve que 94
d’entre eux avec des abondances naturelles tout à
fait variables. Ainsi l’oxygène [O] arrive très largement en tête avec 46% de la masse, suit le silicium
[Si] avec 28% et notre pauvre carbone n’est taxé
que de la 17e position avec seulement 0,02%.
Cependant dans l’univers il se place mieux puisqu’il
arrive en 4e position avec 0,4% derrière l’oxygène,
son grand vainqueur à 1%.
© Tonkin Prod.
S’il est bien timide sur Terre, notre C ne nous en
est pas moins cher. Bien que constituée de 60 à
90% d’eau, nous résultons impérieusement de l’organisation complexe des molécules organiques,
selon «la logique du vivant» de François Jacob
[1970]. Si l’azote [N], l’oxygène [O], l’hydrogène
[H] constituent les instruments principaux de
l’orchestre de la symphonie organique, le carbone
en est le chef incontesté car c’est lui qui forme par
ses enchaînements le squelette fonctionnel des
propriétés spécifiques de la molécule. Et si le gaz
carbonique [CO2], le méthane [CH4] ou le sulfure
d’hydrogène [SH2] sont voués aux gémonies par
l’éco-logie intégriste, il ne faut pas oublier que
nous en résultons, et ce dès l’époque où nous nous
la coulions douce dans le bain primitif.
Cet odieux CO2
Et voilà qu’on impute à l’immonde CO2 l’étouffement progressif de notre planète par «effet de
serre». Si on admet que la contribution des
émissions carbonées participe au réchauffement
climatique, on ne peut ignorer la possible prépondérance des phénomènes thermiques cycliques
cosmiques qui rythment notre planète. Et elle en
a connu bien d’autres ! Les gigantesques émanations et projections que l’atmosphère a subies
durant la «crise volcanique» du crétacé à la fin de
l’ère secondaire est sans commune mesure avec ce
qui se joue actuellement. Il est d’ailleurs probable
que c’est la densification des substances carbonées
dans l’atmosphère qui inaugure l’explosion de la
diversité biologique du tertiaire.
Mais aujourd’hui, dans la société sécuritaire libérale, il faut en permanence trouver un coupable là
où autrefois la science ne cherchait qu’une explication. Et comme en matière de connaissance
désormais il n’y a qu’un impératif c’est… vendre,
on va nous vendre notre propre culpabilité. Mieux
encore, on nous vend la culpabilité de manger, de
respirer, de péter, de vivre. Car bien sûr les choses
75
essentielles telles que les guerres en
Irak, en Afghanistan… les essais nucléaires dans certains archipels… les
trafics de déchets dans le sud italien…
tout cela est éminemment biocompatible, bio-éthique, bio-moral. Il
faut sans doute les encourager car cela
crée de l’emploi.
Non, ce qu’il faut rééduquer c’est le
péquin ! Ce fumeur, ce chauffeur d’où
nous vient tout le mal. Et connaissez-vous une meilleure méthode
pédagogique dans la société des
marchands que de faire payer la formation citoyenne ? Taxer… voilà qui
est éducatif ! Si tu peux plus payer…
tu crèves, et donc tu ne pollues plus…
Logique ! En 2008, les rentrées fiscales
provenant des produits pétroliers occupaient le 4e rang, derrière la TVA
(129,9 milliards d’euros), l’impôt sur
le revenu (51,8 milliards d’euros) et
l’impôt sur les sociétés (49,2 milliards
d’euros). Augmenter les taxes indirectes pour alléger l’impôt sur les
revenus, voilà une idée qu’elle est
bonne, éducative et surtout d’une immense justice sociale.
Allez mon ami le carbone, si tes actions
remontent en bourse, je te reverse
tous les bonus écologiques possibles
sur l’argent des contribuables !
Sciences émancipatrices
La culture scientifique
et technique de masse :
une arme pour combattre
la misère en afrique.
Un séminaire international sur «la
culture scientifique au sud» s’est tenu
les 29 et 30 septembre à la Bibliothèque de l’Alcazar à Marseille. Ce
séminaire, organisé par l’Institut de
Recherche pour le Développement
[IRD] en partenariat avec le Ministère des affaires Etrangères et la
Région PACA, avait pour objet de
cerner les enjeux et perspectives,
pour l’Afrique, de la diffusion dans
les populations de la culture scientifique. Cette manifestation, qui a
rassemblé 180 personnes sur deux
jours dont le tiers représentait dix
pays du continent africain, clôturait
un ambitieux projet mené par l’IRD
sur 4 ans.
L’Institut de Recherche pour le
Développement, dont le siège est
désormais basé à Marseille, avec ses
2200 agents dans le monde, a pour
mission de développer des projets
scientifiques centrés sur la relation
Conférence-débat lors du séminaire sur la culture
scientifique au Sud organisé par l’IRD à Marseille
© IRD - Daina Rechner
entre l’homme et son environnement
dans la zone intertropicale. Ces deux
journées ont permis de dresser un
bilan plus que positif du programme
bâti en 2004 autour de la promotion
de la culture scientifique et technique dans les pays du sud. Ce projet,
premier de cette ampleur à mettre
en œuvre un véritable programme de
passage du savoir scientifique dans
la société civile africaine, a été couronné de succès. Il postulait que
l’acquisition d’une culture scientifique
et technique permet aux sociétés du
Sud de mieux s’inscrire dans le processus de développement durable et
aux citoyens de cette partie du
monde de devenir des acteurs à part
entière de ce développement. Il
n’est de meilleure arme contre la
misère et la soumission que d’acquérir la maîtrise de son univers;
non pas pour le soumettre mais pour
se défendre d’y être dominé. Une
belle et originale perspective que
des scientifiques mettent à la disposition des peuples pour s’émanciper
et prendre enfin en mains leurs
destinées.
Y.B.
Institut de Recherche
pour le développement
www.latitudesscineces.ird.fr
YVES BERCHADSKY
Au programme...
Puis vint l’automne et la foudre et la pluie et les
autans… qui changèrent nos âmes en poudre. Heureusement que la Fête de la science, du 16 au 22
nov, annonce un été indien des connaissances et la
pollinisation du savoir. Les Zibulles de savants de
Marseille et d’ailleurs peuvent encore proposer des
animations scientifiques et techniques sur le site :
www.drrt-aca.com/images/
stories/FETEDELASCIENCE2009/
apl_participation.pdf.
Cette année la fête gravitera autour de deux astéroïdes
temporels : «l’Année mondiale de l’Astronomie» et
le «Bicentenaire de la naissance de Darwin».
Dans cet univers astro-physico-darwino festif, et
dans le cadre du Mois du Film Documentaire, l’association Polly Maggoo programme diverses séances
de films en région PACA, en présence des cinéastes
et de chercheurs. Les deux premières séances Cinésciences auront lieu :
- À Gap : “DARWIN”, le 17/11 à 20h00 à l’Espace
culturel Cinéma Le Royal, en partenariat avec Gap
Sciences Animation
- À Nice : “RECHERCHES” le 18/11 à 15h30 au
Grand Amphi au «Village des Sciences» du Campus
de Valrose, dans le cadre de «l’université des lycéens»
en partenariat avec l’institut Robert Hooke de culture scientifique.
Nous profitons de cette annonce pour informer nos
aimables Zinéphiles que l’édition 2009 des Rencontres Internationales Science et Cinéma [RISC],
organisées habituellement en novembre par Polly
Magoo, sont reportées à 2010… sine die. Espérons
pour la diffusion de la culture scientifique et
technique que cette intéressante et originale manifestation ne soit pas remise… ad patres.
Rappelons d’autre part au Zibelnébuleux que
l’Année Mondiale de l’Astronomie 2009 (AMA
09), à laquelle participent 120 pays, s’est ouverte
à l’UNESCO, à la mi-janvier. En PACA, nombre
d’amateurs et de professionnels de l’astronomie
souhaitent offrir au public l’occasion de découvrir
et de partager leur «passion du ciel» au travers d’un
riche programme de manifestations proposé tout
au long de l’année. Votre Zibelserviteur vous
conseille d’aller sur le site de la Coordination PACA
de l’AMA09 qui, avec le soutien du Conseil Régional
PACA et de la DRRT, est notamment chargée de
recenser l’ensemble de ces activités dans la région
(http://astropaca.net/). Deux expositions sont
proposées :
- Galilée, explorateur de l’Univers du 8/10 au
31/12 au musée La Maison de Nostradamus à
Salon-de-Provence. Deuxième volet d’une thématique plus large qui s’intitulait «Galilée, 1609-2009,
un an, une vie», cette deuxième partie mettra plus
précisément en valeur les travaux de l’astronome
qui a enseigné à Padoue et mis au point, à Venise,
non loin de là, sa lunette astronomique, en 1609.
- Telescopium, exposition réalisée par l’Observatoire Astronomique de Marseille Provence, en
collaboration avec notre bien aimé Museum
d’Histoire Naturelle du Palais Longchamp de Marseille. Nous en avons déjà parlé mais elle est
prolongée jusqu’au 10 janvier 2010, et nous insistons sur son intérêt.
Y.B.
76
PATRIMOINE
GASTON CASTEL
Bienvenue chez Castel
L’architecte Gaston Castel
et son œuvre sont enfin l’objet
de coups de projecteurs
par l’intermédiaire de deux
expositions dans la ville
où il a tant œuvré : Marseille.
Deux rétrospectives
complémentaires visibles
aux Archives Départementales
des Bouches-du-Rhône
et au Musée d’Histoire
de Marseille
Même si vous ne pouvez pas mettre un nom dessus
vous connaissez forcément bon nombre d’édifices construits par Castel à Marseille. L’annexe du palais de
justice où la ligne droite et les formes géométriques
tranchent avec son voisin du siècle précédent, la
somptueuse maison agence de l’architecte sur les hauteurs du cours Franklin Roosevelt à l’oriel (ou bow
window), qui demeure toujours si surprenante…
Pour la petite histoire, la vie de Gaston Castel et par
conséquent son œuvre architecturale n’ont tenu qu’à
un fil au début de la première guerre mondiale, et il
s’en est fallu de très peu pour que nous n’entendions
jamais parler du grand constructeur qu’il a été. Laissé
pour mort sur un champ de bataille dans la Meuse en
1914, il connaitra la captivité et sera grand blessé de
guerre, perdant un œil et gardant à vie une impressionnante cicatrice sur le visage. L’autre guerre lui a par
ailleurs laissé un goût amer, puisqu’il fut ensuite destitué de sa fonction d’architecte en chef du département
sous le gouvernement de Vichy… Cacher et héberger des
résistants n’était certes pas le meilleur paravent pour
cet homme plongé dans les grands conflits, ce qui a sans
nul doute joué dans le rapport particulier qu’il a entretenu toute sa vie avec les monuments commémoratifs.
Le Monument à la Paix est des plus célèbres, rappelant
le tragique évènement du double assassinat d’Alexandre
1er de Yougoslavie et de Louis Barthou ayant eu lieu
sur la Canebière. L’imposant Pax qui se trouve à l’angle
de la rue de Rome à la préfecture ne sera pas entendu,
et sera témoin quelques années plus tard de la grande
guerre. L’autre grand ouvrage est dédié aux morts de
l’armée d’Orient, également connu de tous les marseillais mais aussi des navigateurs puisqu’il se trouve sur
la Corniche. Ce qui n’est pas écrit sur les plaques mais
que nous pouvons découvrir à l’exposition des Archives
Départementales est l’emplacement et la forme originelle voulue à l’époque par l’architecte (1922). Et si
le projet avait abouti, un grandiose mémorial serait
perché au sommet du fort Saint-Nicolas surplombant
le vieux port !
Intitulée Gaston Castel les territoires de l’architecte,
cette exposition s’attache à narrer une vie consacrée
à l’architecture mais aussi à l’urbanisme. Documents
d’archives, écrits théoriques, plans, dessins et vidéo…,
le parcours de l’architecte qui a marqué de son empreinte le territoire du sud-est de la France dans la
Alain Lassus. Monument a la gloire des armees d’Orient sur la Corniche a Marseille 1927
première moitié du XXe siècle est détaillé dans ses
moindres méandres. De la prison des Baumettes aux
établissements scolaires comme les lycées Marseilleveyre et Cézanne en passant par les immeubles
HBM (habitation bon marché) et l’opéra municipal, la
rétrospective se veut fluide et agréable à parcourir.
Pour les jeunes, un jeu ludique et instructif permet de
découvrir les façades d’ouvrages représentatifs. On
découvre alors avec intérêt que Castel était un élève
extrêmement doué pour le dessin, produisant des
toiles soignées de ses futures constructions. Son passage aux Beaux-Arts, remarquablement détaillé dans
l’exposition, permet de comprendre sa singularité.
Artistes associés
C’est sur les bancs de cette grande école que des liens
forts ont été noués avec bon nombre d’artistes qui
l’accompagneront toute sa vie. L’exposition Gaston
Castel et les artistes, architecture et décors à
Marseille de 1919 à 1945 présentée au Musée
d’Histoire dévoile l’extraordinaire richesse de l’entourage de «l’ami des artistes», et le concours qu’ils lui
ont apporté. La reconstruction de l’Opéra après le grand
incendie de 1919 qui n’a laissé debout que les murs
maîtres est caractéristique de ce foisonnement esthétique : un impressionnant collectif d’artistes s’est réuni
autour de l’architecte. Les peintres Carrera, Julien,
De Groux, les sculpteurs Sartorio, Bourdelle, Eichaker,
pour ne citer qu’eux, ont participé à une véritable
entreprise débouchant sur le joyau art déco que l’on
connaît, si typique de l’entre deux guerres.
Les documents dévoilés, comprenant peintures, maquettes ou coupures de journaux, se révèlent d’une
grande acuité et permettent de se saisir des clefs nécessaires à la compréhension d’œuvres collectives. Outre
le fidèle Sartorio qui amena le maître vers son Brésil
natal pour y édifier un énième monument commémoratif (pour l’indépendance du pays), le sculpteur
Botinelly faisait également partie de la garde rapprochée
de celui qui portait une attention toute particulière
aux décorations de ses bâtiments.
Le parcours de l’exposition dévoile aussi quelques raretés tels des portraits de l’artiste brossés par des peintres
n’ayant pas passé la postérité comme Fernand Bourgeois.
Ami et voisin, le célèbre Marcel Pagnol ne s’était pas
trompé en louant considérablement les talents de
l’architecte borgne. Empreint d’un certain néoclassicisme monumental mais perméable aux nouveaux
courants de son temps comme l’art déco ou le modernisme, Gaston Castel trouve enfin sa place à Marseille
grâce à ces deux belles expositions, et au catalogue des
Archives édité par les éditions Parenthèses (voir p 69).
FREDERIC ISOLETTA
Projet pour la cite des expositions, 1956
Gaston Castel les territoires de l’architecte
Archives départementales, Marseille
jusqu’au 19 déc
www.archives13.fr
Architecture et décors à Marseille de 1919 à 1945
Gaston Castel et les artistes
Musée d’Histoire, Centre Bourse
jusqu’au 2 janv
www.marseille.fr
SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE
PATRIMOINE
77
110 caissons
à la brosse
à dents !
Le samedi 19 septembre,
la France entière sortait pour
les Journées du patrimoine.
Routes encombrées, foules
qui se pressent à l’entrée
des musées, des châteaux,
des lieux interdits à toute autre période…
Il y avait ce jour-là un évènement exceptionnel aux Antiques
de Saint-Rémy-de-Provence, l’inauguration des deux monuments
qui ont connu la campagne de restauration la plus importante
de leur histoire, puisqu’elle a duré dix mois !
Dévoilement de la plaque recouverte du drapeau de
Provence, sang et or. Applaudissements, la foule se
rassemble, les personnalités sur l’estrade entre les
deux édifices commencent leurs discours. Est-ce la
nature du site, le soleil qui caresse les pierres, la
douceur de l’après-midi ? les différentes interventions sont intéressantes, et accordent à ces instants
une profondeur inattendue.
Le coût d’un symbole
Le maire de Saint-Rémy, Hervé Chérubini, insiste
sur le coût énorme des travaux et l’aide considérable apportée à sa ville qui n’a supporté que 5%
des frais, le reste étant pris en charge par l’État (Direction régionale des affaires culturelles) à hauteur
de 50%, le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte
d’Azur (20%), le Conseil Général des Bouches-duRhône (25%), pour une somme de 946 432 euros.
Mais l’investissement permet de sauver un véritable
symbole. Les Antiques se retrouvent sur les cartes
postales, les timbres poste, les logos, et furent chantés
par les plus grands poètes de la Provence, de Mistral
à René Char. Ils sont les témoins de l’histoire de la
région, le ciment qui unit les siècles -l’arc de triomphe
n’est-il pas le plus ancien arc de Gaule ? C’est même
le premier partenariat public
privé
(rires) puisque l’arc est un édifice public, et le mausolée des Jules est privé, cénotaphe d’une famille.
Mémoire et ambition
méditerranéenne
Jean-Noël Guérini se félicite du succès des journées du patrimoine, qui témoignent de l’intérêt de
tous pour les «objets de mémoire». Ces derniers
fondent notre identité culturelle et nous enracinent. Ils répondent à notre quête de sens, sont
des clés qui s’inscrivent dans notre histoire. C’est
pourquoi, il ne faut pas hésiter à y mettre le prix.
La nécessité d’entretenir de tels lieux, de contribuer à leur restauration fait partie des priorités du
CG qui soutient des dizaines d’opérations chaque
année. Une civilisation s’inscrit dans la durée. Le
rythme est alors rassurant. Le temps nous encourage à méditer…
Michel Vauzelle souligne la fierté d’entretenir et
de redonner vie à de tels monuments, qui font partie du patrimoine mondial. En prendre soin, c’est aussi
participer au monde, apporter notre
contribution, un véritable message
éthique autour d’une esthétique.
Il y a urgence, il faut restaurer
le patrimoine, réfléchir grand,
dans une dimension aussi bien
intemporelle qu’universelle.
Et plus particulièrement,
dans la perspective de
Les Antiques
© Service communication
- Ville de Saint-Remy-de-Provence
Marseille 2013, le patrimoine exceptionnellement
riche de notre région constitue un atout de taille.
Le Président de la Région en appelle à la bonne volonté du nouveau ministre de la culture, l’engage à
poursuivre l’œuvre de ses prédécesseurs, en concluant
des conventions pour que les autres sites bénéficient des mêmes aides. Il espère que la culture ne
souffrira pas des nouvelles législations, car si la
région ne dispose plus de la compétence culturelle,
elle ne pourra plus financer les postes qu’elle pourvoyait. De nombreuses activités et de nombreux
sites seraient alors abandonnés ! Or, par le biais du
patrimoine partagé, un dialogue permanent est établi, un brassage social. L’esprit même de la république
est en jeu. C’est autour de la culture que se fonde
un peuple. C’est par elle que s’effectue la projection
des valeurs républicaines sur le territoire de la République. «Un peuple sans mémoire est un peuple sans
avenir !»
Pour finir Michel Vauzelle rappelle que le patrimoine
rapporte : plus de 20 millions d’euros annuels sont
récoltés par les billetteries des monuments et musées
de la région ! Il est triste que l’argument financier,
lâché à contrecœur, soit le seul jugé recevable dans
ce monde libéral, mais c’est un fait !
L’art de l’artisanat
Après les discours la visite : un petit film documentaire retrace les étapes de la restauration, il
initie aux secrets de la pulpe de papier humide qui
ramollit les croûtes noires et extrait le sel de la
pierre, du gommage fin et précis (on se croirait dans
un salon d’esthétique !), du nettoyage à la vapeur
d’eau, même avec des brosses à dents !, du ceinturage discret, du respect absolu des matériaux, des
couleurs. Un travail remarquable effectué par François
Botton, architecte en chef des monuments historique, maître d’œuvre, l’entreprise Girard, pour les
travaux de maçonnerie et de pierre de taille,
l’Atelier Morisse-Marini, en collaboration avec l’atelier
Daniel Esmoingt, pour la restauration des sculptures, le L.E.M. pour les analyses de laboratoire. À
chacun, les différentes personnalités ont rendu un
hommage appuyé.
L’on peut se plaire à imaginer les monuments
dans 2000 ans, toujours debout, défiant le
temps, portant avec eux cette belle leçon
d’humanisme d’un beau samedi de fin d’été.
Et se demander ce qu’il restera des nôtres ?
MARYVONNE COLOMBANI
Office du Tourisme
04 90 92 38 52
www.saintremy-de-provence.com/
78
SOCIÉTÉ
CULTURES DU CŒUR | GASTRONOMARE
Inclusion culturelle
Cultures du cœur : un nom aux résonances sensibles pour une action nationale
orientée vers les publics socialement défavorisés
Créée en 1998 à l’initiative de professionnels du
spectacle et de l’emploi, Cultures du Cœur est un
réseau de 60 associations. Ses activités s’inscrivent dans une logique de lutte contre l’exclusion,
définie par la loi de 1998 qui réclame l’égal accès de
tous à la culture en ce qu’elle permet l’épanouissement personnel et l’apprentissage de la citoyenneté.
Pour sa part, Cultures du Cœur 13 a été créée en
2000 sur 3 sites : Marseille, Aix et Arles. Il s’agit non
seulement d’amener vers les lieux de culture des personnes qui n’y vont pas spontanément, mais encore
de proposer aux travailleurs sociaux des formations
professionnelles agréées, de rechercher des partenaires culturels prêts à s’investir dans la lutte contre
l’exclusion en proposant des invitations à leurs
spectacles.
Un immense réseau s’est ainsi mis en place : les
propositions des structures culturelles (environ 400)
sont publiées sur le site et les travailleurs sociaux
peuvent y choisir les spectacles qui correspondent à
leur public, mais se voient aussi proposer des cycles
de formations de 4 journées rentrant dans le cadre
du projet européen EQUAL qui lutte contre toutes les
formes de discriminations et d’inégalités dans le
monde de l’emploi. Ainsi du 16 au 18 novembre sera
proposée une formation sur L’art et la culture dans
les pratiques d’accompagnement socioprofessionnel
et les Ateliers d’Écriture pour adultes reprendront
jusqu’à mi-mars à la Méjane et l’Alcazar.
Le rôle du travailleur social est ainsi mis en avant,
c’est lui qui conseille et rassure, c’est lui qui incite à
sortir et permet l’apprentissage du choix et de
l’autonomie. Car les publics concernés peuvent aller
au spectacle incognito, en toute liberté, en compagnie de la personne de leur choix.
Tous les ans une thématique réunit partenaires sociaux et culturels. Cette année c’est le Patrimoine
industriel qui est mis à l’honneur avec 7 rendez-vous
durant l’année. Le lancement de l’opération se fera
dans le cadre de la Journée Mondiale du Refus de
© Cultures du cœur
la Misère le 16 et 17 octobre. En février 2010 une
journée Entre art et société, quelles rencontres ?
proposera une réflexion sur l’Art comme moyen
d’intégration et de communication. À suivre...
CHRIS BOURGUE
04 91 32 64 78
www.culturesducoeur.org
www.equal-france.com
Culture gourmande du quotidien
Franc succès pour le premier festival
du Conservatoire International des
Cuisines Méditerranéennes. Une
foule gourmande et curieuse a parcouru le quai du Port à la recherche de
saveurs nouvelles venues de rives
lointaines, mais aussi de goûts du
terroir provençal. C’est ainsi que se
côtoyaient les stands des Pays d’Afrique du Nord, des régions du sud de
l’Italie et de l’Espagne, du Liban, de la
Croatie, de la Turquie, et ceux des
producteurs de la véritable brousse du
Rove en passe d’obtenir le label européen AOP (appellation d’origine
protégée), du safran de Haute-Provence,
des représentants des Paniers marseillais exclusivement bio... Le repas
gastronomique suivi d’un concert de
jazz d’André Jaume a réuni 160
convives et on a refusé du monde pour
la bouillabaisse de poulpes.
Durant deux jours des chefs réputés
ont proposé démonstration et dégustation de recettes à base de produits
de la mer, tandis que les enfants du
Centre social St Joseph Fontainieu se
livraient à la confection de cakes aux
sardines et de madeleines avec les
chefs Arnaud de Grammont du Café
des Épices et Roland Schembri du
César Place. Objectif : souligner la
diversité des saveurs et découvrir des
façons créatives de se nourrir.
Le public très varié est passé sans
problème des nourritures terrestres
aux spirituelles ! Sous un chapiteau
trois librairies, L’Attrape-mots, Le
Greffier de St Yves et Imbernon,
présentaient un choix original de livres
de cuisine comme ceux des remarquables Éditions Stéphane Bachès de
Lyon, mais aussi des romans dans
lesquels la cuisine et la nourriture
tiennent une place de choix comme La
couleur des aubergines de l’indienne
Bulbul Sharma ou Aventures d’un
gourmand vagabond de Jim Harrison.
Des conférences prolongeaient agréa-
blement ces découvertes. Ainsi Bruno
Giraud Héraud, président du CICM,
et ses invités italien, catalan, turc et
marseillais, ont évoqué la variété des
marchés, lieux de convivialité alliant
commerce et culture. Remo Mugnaioni, chercheur à l’Institut du
monde arabe, a évoqué les trois
tablettes d’argile retrouvées en Mésopotamie, ancêtres de nos fiches de
cuisine. Thierry Fabre a expliqué sa
théorie de la «convivance», selon un
néologisme venu tout droit de l’italien,
évoquant une philosophie de l’existence et une esthétique du quotidien
dans l’art de cuisiner et manger
«ensemble» qui commence par l’art de
prendre le temps, comme le souligne
le symbole de l’escargot choisi par les
défenseurs du Slow Food… Un
concept à mettre en œuvre!
CHRIS BOURGUE
www.cuisinesmed.com
À lire : La cuisine, un gai savoir
La pensée de midi n°13
© Patrick Wallet