Nouvelles du Front Nouvelles Richesses
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Nouvelles du Front Nouvelles Richesses
Obras - Fréderic Bonnet Collectif AJAP14 Nouvelles du Front Nouvelles Richesses ? Commissariat et production du Pavillon Français à la 15ème Biennale internationale d’Architecture de Venise 2016 PAVILLON FRANÇAIS | BIENNALE INTERNATIONALE D’ARCHITECTURE DE VENISE 2016 Il fut un temps où l’Architecture, c’était naturellement l’architecture pour tous, en lien avec l’économie et les évolutions sociales. Dans un certain sens, Jean-Louis Cohen a témoigné lors de la dernière biennale de cette énergie politique, de la mobilisation de l’industrie, de la créativité nécessaire pour étendre le plus largement possible les effets de l’architecture. Nous avons été baignés de ce positivisme. Le travail de Gropius et de Taut - des dizaines de milliers de logements, pour tous, à une qualité optimale -, les engagements humanistes d’Alvar Aalto, les positions de Le Corbusier, l’inventivité généreuse de Prouvé, l’extraordinaire bouillonnement sur le logement, encore dominant il y a vingt ans, est notre héritage. Il faut dire qu’il naquit dans un siècle traversé par deux guerres, qui nous laissa, à deux reprises, exsangues et dévastés, où il fallut reconstruire, puis croître, à toute vitesse. Souvenons-nous que la maison Domino est une réponse aux désastres des premiers mois de la « grande guerre » autour de la frontière belge. Nous étions il y a près d’un siècle dans l’état que les réfugiés d’aujourd’hui ont quitté. Assoupis désormais dans le confort déclinant qui est le nôtre, il faut qu’Aravena nous secoue, et restaure comme une évidence la nécessité de cet engagement passé. Il faut dire qu’il parle depuis un autre pays, un autre monde, le Chili, un pays immensément prospère de ses ressources, mais où les inégalités entre très riches et très pauvres sont un point de départ, un état des choses, et non pas, comme en Europe, le début d’une longue dégringolade, que chaque jour de la « crise économique » actuelle confirme : oui, les écarts se creusent, la classe moyenne se fragilise, certains territoires décrochent. Nous reconnaissons dans les propos d’Aravena beaucoup de nos engagements. Avec une certaine distance : qu’est-ce que la France, dans son pavillon de la biennale, peut apporter de singulier au débat qu’il appelle de ses vœux ? Par ces nouvelles du front, en France, nous voulons montrer comment la condition économique qui s’installe durablement - inégalités croissantes, financiarisation, concurrence métropolitaine mondialisée - suscite des organisations nouvelles qui déplacent le sens de la richesse. C’est une approche résolument optimiste. Nous ne croyons pas au vertige de la concurrence des territoires, nous croyons au contraire qu’il y partout d’immenses ressources, des complémentarités, des valeurs latentes à mobiliser, révéler, fertiliser. C’est un des rôles de l’architecture d’aujourd’hui. Les politiques publiques s’étiolent, l’urbanisme contemporain assemble des produits immobiliers dont le relookage façadier peine à masquer la standardisation étriquée et, ça et là, quelques centaines de millions de dollars donnent à deux ou trois grands couturiers de dispendieuses illusions. Nous voulons témoigner de tout le reste, moins visible, émergeant pourtant de partout, sur des territoires ordinaires, et qui révèle des richesses insoupçonnées. C’est le sens de notre travail conjoint, à une génération d’écart. Notre candidature est ainsi l’histoire d’une heureuse coïncidence. Nous ne témoignerons pas par nos travaux, ni insisterons sur une génération. Il s’agit plutôt d’un moment singulier de l’architecture, en France. Nous témoignerons à travers le travail d’autres architectes, d’autres expériences, que nous irons chercher partout sur le territoire français. NOUVELLES DU FRONT, NOUVELLES RICHESSES ? Nouvelle richesse, le vivier. Nous témoignerons de la diversité ; d’abord par les photographies d’un état des lieux, celui du collectif France Terres Liquides, exposées d’emblée au visiteur. Ces images parlent de ce que nous voyons, des territoires où nous sommes nés, parfois, où nous habitons, où nous travaillons, que nous traversons. Rien de plus. Parfois hideux, souvent banals, mais regardés toujours avec une délicatesse qui laisse entrevoir, dans les replis d’un site, dans les profondeurs de la géographie, dans le hasard des rencontres, des potentiels extraordinaires. Nous voulons montrer qu’émergent de ces sites des merveilles, non pas parce que l’architecture est belle, spectaculaire ou mémorable - quand bien même peut-elle l’être - mais parce qu’elle résulte d’un improbable agencement d’énergie, de personnalités, de savoir-faires, de ressources. Et le vivier est considérable, nous le savons. Il démontre que l’architecture est partout possible, même à l’écart. Ou peut-être : grâce à ces écarts. Cet éloge de la diversité est d’ailleurs une forme de manifeste architectural. Même si les phénomènes sont globaux, traversent les territoires, leur rencontre avec le terrain est toujours singulière, et n’appelle pas de recettes. Nouvelle richesse, les rencontres. Ces merveilles résultent le plus souvent d’un combat, d’un engagement –où l’architecte, d’ailleurs, n’est pas le seul protagoniste, loin s’en faut. Cette implication des uns et des autres donne du sens: à la communauté et à la « chose publique », à l’individu, à l’organisation du travail, à la prise de décision, à la vision politique. Dans ces échanges, dans cet engagement de personnalités diverses - l’élu, le charpentier, l’architecte, le citoyen - réside une réponse au mainstream économique. Aussi étrange que cela puisse paraître, certains considèrent comme une richesse ce travail collectif, et non pas le rendement de l’investissement ou la progression infinie du salaire. Nous suivons ici les hypothèses de Pierre Rosanvallon et Dominique Méda . L’architecture peut contribuer à susciter de nouvelles valeurs, qui ne sont pas financières, directement quantifiables. Cette valorisation des ressources des uns et des autres, cette « création » d’échanges, de sens collectif mais aussi de plaisirs individuels, cette recherche souvent fort frugale - par nécessité - est une réponse à la crise. Elle apporte de la modération, de l’économie, de la « cohésion sociale » que le mainstream n’arrive pas et n’arrivera vraisemblablement pas à offrir. Dans le contexte actuel, cela restaure la dimension éminemment politique de l’architecture. S’il est un front, c’est bien celui-là. PAVILLON FRANÇAIS | BIENNALE INTERNATIONALE D’ARCHITECTURE DE VENISE 2016 Nouvelle richesse, l’émotion. Ces évolutions indispensables, que nous rencontrons partout en France sous des formes très diverses, n’impliquent pas pour autant un renoncement à l’architecture. La co-production, la co-construction, la transformation du rôle de l’architecte (qui est aussi, souvent, assistant à la maîtrise d’ouvrage, menuisier et citoyen, assistant au financement, etc...), l’implication croissante d’autres métiers garde toute sa force à l’architecture, à la puissance de la matière, des lumières, à la générosité des espaces, des parcours. Faire autrement, bricoler même, ce n’est pas dissoudre l’architecture dans ce qui pourrait devenir, si l’on y prend garde, le nouvel académisme du do it yourself, cheap and fast. Nous voulons aussi témoigner de cette exigence, de ce « sérieux », pourrait-on dire. Le recours à l’architecture est ainsi un véritable front, une lutte. Notamment pour nous préserver d’un localisme trop facile. Même si les ressources mobilisées sont souvent locales, liées à une situation donnée, à des entreprises singulières, à des personnalités bien précises, l’architecture parle d’autre chose que de ces simples conditions, elle nous extrait du site - et c’est sans doute pour cette raison qu’elle l’anoblit. L’architecture permet la reconnaissance et le partage, au delà du lieu, depuis la Suisse, la Chine ou, peut-être, le Chili. Depuis plusieurs sessions, l’Espagne, effondrée sous les vestiges de la corruption et de la spéculation bancaire, incroyablement pugnace, nous éblouit d’un effort d’architecture inaliénable. Pour la France, à partir de paysages ordinaires trop oubliés, nous recueillerons des témoignages manifestes, et débattrons. Fréderic Bonnet, Grand Prix d’urbanisme 2014 Collectif AJAP 14 NOUVELLES DU FRONT, NOUVELLES RICHESSES ? Equipe : OBRAS Architectes Urbanistes Fréderic Bonnet Collectif AJAP14 représenté par : Boidot & Robin Architectes Julien Boidot, Emilien Robin Boris Bouchet Architectes Boris Bouchet Claas Architectes Boris Nauleau Atelier png Antoine Petit, Nicolas Debicki, Grichka Martinetti NeM Architectes Lucie Niney, Thibault Marca Studio 1984 Jean Rehault, Jordi Primas, Marina Ramirez, Romain Gie R Architecture Alice Wijnen, Guillaume Relier Studiolada Benoît Sindt, Christophe Aubertin, Xavier Géant, Agnès Hausermann, Eléonore Nicolas, Nastasia Vellandi Contact : [email protected] PAVILLON FRANÇAIS | BIENNALE INTERNATIONALE D’ARCHITECTURE DE VENISE 2016