Elektra

Transcription

Elektra
Elektra
Opéra en un acte
Musique de Richard Strauss (1864-1949)
Livret de Hugo von Hofmannsthal,
sur la base de sa pièce de théâtre du même nom (1903),
inspirée par la tragédie antique Ἠλέκτρα de Sophocle
Créé au Hofoper (actuel Sächsische Staatsoper) de Dresde, le 25 janvier 1909
Chanté en allemand
Elektra rêve de révolte et de venger le meurtre de son père. Elle attend le
retour de son frère pour l'aider dans ce projet. Obsédée par l'ombre de
son père, accablée par les brimades de sa mère et de l'amant de celle-ci,
Elektra sombrera dans l'extase sanglante de son hystérie autodestructrice.
Les Jeunes au cœur du Grand Théâtre
Programme pédagogique, Grand Théâtre de Genève
avec le soutien de la Fondation de bienfaisance de la Banque Pictet
et de la République et canton de Genève
Dossier pédagogique réalisé par Christopher Park
septembre-octobre 2010
NB: Ce dossier pédagogique vient soutenir le travail des enseignants et des élèves pendant les six semaines de parcours
pédagogique au Grand Théâtre. Il est compilé à partir d'éléments qui sont soit du ressort des connaissances générales,
soit fournis par les artistes impliqués dans la production, soit du domaine public, soit dérivés de différents documents en
copyleft ou du type GNU Free Documentation Licence. Il est libre de droits d'auteur. Sa diffusion et sa lecture à des fins
didactiques ou de formation personnelle non lucratives sont encouragées, mais il n'est pas destiné à servir d'ouvrage de
référence pour des travaux de nature académique.
1
Table des matières
Introduction
p. 3
Les rôles et la distribution de la production du Grand Théâtre
p. 4
Ce qui s'est passé avant le début de l'opéra/
Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra ?
p. 5
Qui sont les principaux personnages?
Quels sont leurs types de voix?
p. 8
Qui est Richard Strauss?
p. 15
À l'écoute d'Elektra
p. 19
Une histoire interminable de vengeance
Électre, Oreste et la malédiction des Atrides
p. 21
ANNEXES
CD d’accompagnement : liste du contenu
Textes allemands des extraits du CD d'accompagnement
et traduction française
Questionnaires d’évaluation pour les élèves et l’enseignant
p. 24
p. 25
p. 35
Hors pagination
Extraits de la partition d'Elektra pour l'Atelier voix du parcours pédagogique
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Introduction
Ce dossier pédagogique est destiné aux enseignants qui participent au parcours
pédagogique proposé autour du programme de l’opéra Elektra, dans le cadre du
programme « Les jeunes au cœur du Grand Théâtre ».
Ce dossier préparé à l’attention des enseignants du cycle d’orientation et du
postobligatoire, contient suffisamment d’informations pour leur permettre d’assurer
une bonne préparation des élèves au spectacle.
En amont du parcours pédagogique et du spectacle, nous demandons aux enseignants
d'utiliser ce dossier pour familiariser leur classe avec:
l’argument
les personnages et les voix
les moments-clé musicaux et dramatiques en lien avec ces voix ()
Une bonne connaissance de ces trois aspects garantira un maximum de profit et de
plaisir pour les élèves prenant part aux ateliers du programme et venant au Grand
Théâtre pour assister à la répétition générale d'Elektra .
En fonction du niveau des élèves ou du temps à disposition pour aborder la matière, on
pourra choisir un ou plusieurs des éléments restants du dossier pour approfondir
l'approche de la production du Grand Théâtre par les élèves.
En annexe de ce dossier vous trouverez des questionnaires d’évaluation à votre
intention ainsi qu’à celle de vos élèves. Merci de bien vouloir les photocopier et en
remettre un exemplaire à chaque jeune ayant participé au parcours pédagogique, et de
nous les renvoyer remplis accompagnés du vôtre. Cela nous permettra d’évaluer
l’intérêt et la pertinence de nos propositions. Il sera également possible de nous
déplacer dans les classes afin de renforcer le travail préparatoire, ou de répondre aux
questions des élèves dans leur établissement, à l’issue du spectacle si l’enseignant le
souhaite.
Nous vous remercions pour votre collaboration et vous souhaitons, à vos classes et à
vous-mêmes, un parcours pédagogique inoubliable au cœur du Grand Théâtre.
Les animateurs du programme pédagogique
Kathereen Abhervé
Christopher Park
[email protected]
[email protected]
022 418 31 72
022 418 31 88
3
Les rôles et la distribution de la production au Grand Théâtre
L’action se passe dans la Grèce antique à Mycènes, plusieurs années après le retour de la guerre de Troie.
Elektra
Électre, fille d'Agamemnon et de Clytemnestre,
princesse de Mycènes
Jeanne-Michèle Charbonnet
soprano
Chrysothemis
Chrysothémis, soeur d'Électre
Erika Sunnegårdh
soprano
Klytämnestra
Clytemnestre, veuve d'Agamemnon et reine de
Mycènes
Éva Marton
soprano
Orest
Oreste, fils d'Agamemnon
Egils Silins
baryton
Aegisth
Égisthe, frère d'Agamemnon et amant de
Clytemnestre
Jan Vacík
ténor
Die Vertraute
La confidente de Clytemnestre
Magali Duceau
soprano
Die Schleppträgerin
Sa porteuse de traîne
Cristiana Presutti
soprano
Ein junger Diener
Un jeune serviteur
Manfred Fink
ténor
Ein alter Diener
Un vieux serviteur
Slobodan Stankovic
basse
Die Aufseherin
La surveillante
Margaret Chalker
soprano
Der Pfleger des Orest
Le précepteur d'Oreste
Ludwig Grabmeier
basse
Fünf Mägde
Cinq servantes
Isabelle Henriquez, mezzo-soprano
Olga Privalova, soprano
Carine Séchaye, mezzo-soprano
Sophie Graf, soprano
Bénédicte Tauran, soprano
Diener und Dienerinnen
Choeur de serviteurs
Orchestre de la Suisse romande
Direction musicale: Stefan Soltesz
Chœur du Grand Théâtre
Direction du chœur: Ching-lien Wu
Mise en scène: Christof Nel
Décor et scénographie: Roland Aeschlimann
Costumes: Bettina Walter
Lumières: Susanne Reinhardt
Répétition générale: lundi 8 novembre 2010, 19h30
Durée du spectacle: environ 1h45 sans entracte
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Ce qui s'est passé avant le début de l'opéra
Agamemnon, roi de Mycènes, fils d'Atrée, eut avec Clytemnestre trois filles,
Iphigénie, Chrysothémis et Électre, et un fils, Oreste.
À la veille de partir pour la Guerre de Troie, Agamemnon offense la déesse
Artémis en tuant une biche avec une adresse que la déesse n'aurait pu égaler.
Celle-ci fait souffler un vent contraire afin d'empêcher le départ de la flotte
d'Agamemnon. Le devin Calchas annonce que pour calmer la fureur d'Artémis,
Agamemnon devra sacrifier sa fille Iphigénie. Il consent à réaliser ce terrible
sacrifice.
Dix ans plus tard, lorsqu'Agamemnon rentre de la guerre de Troie, il est
assassiné par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci, Égisthe. Ainsi,
Clytemnestre venge, entre autres, le sacrifice d'Iphigénie.
La fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, Électre, emporte alors son jeune frère
Oreste à l'étranger pour le mettre en sûreté. Oreste grandira en exil, où on lui
apprendra qu'il est destiné à venger son père. À la cour de Mycènes, seule Électre
conserve le souvenir de son père assassiné et attend le jour de la vengeance.
Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra ?
Dans la cour du palais royal de Mycènes, les servantes puisent de l'eau, sous
l'œil d'une surveillante, et parlent d'Électre (Elektra) avec mépris. Elle ne cesse
de se plaindre et d'insulter sa mère, la reine Clytemnestre (Klytämnestra), qui
ne la chasse pas pour autant du palais. Une jeune servante prend la défense d'
Électre ( Piste 7 FÜNFTE MAGD Ich will vor ihr mich niederwerfen). Elle rappelle
aux autres servantes qu'on traite la princesse comme une pestiférée parce qu'elle
est la seule dans le palais à provoquer la mauvaise conscience des assassins du
roi Agamemnon et leurs complices. La surveillante et les autres servantes,
irritées, poussent la jeune fille à l'intérieur du palais et la font fouetter.
Électre entre en scène et invoque l'esprit d'Agamemnon ( Piste 1 ELEKTRA I
Allein! Weh, ganz allein!) comme elle le fait tous les jours, à la même heure –
l'heure du meurtre de son père. Comme une possédée, elle évoque le corps
ensanglanté de son père, assassiné dans son bain, et se met à délirer en
imaginant le festin somptueux et les danses triomphales qui auront lieu
lorsqu'arrivera le jour de la vengeance.
Sa soeur Chrysothémis (Chrysothemis) l'arrache de son extase pour la prévenir
que Clytemnestre et son amant Égisthe (Aegisth), fatigués de ses incessantes
provocations, ont décidé de l'enfermer dans une tour aveugle pour le restant de
ses jours. Électre ne fait qu'en rire, et invite plutôt sa sœur à se joindre à elle
pour venger leur père. Mais Chrysothémis n'est pas de la même trempe
qu'Électre: elle n'en peut plus d'attendre le retour de leur frère et rêve plutôt de
fuir ce palais, guère mieux qu'une prison, de se marier, d'avoir des enfants et
5
d'accomplir son « destin de femme » ( Piste 3 CHRYSOTHEMIS Du bist es, die
mit Eisenklammern.)
Un bruit survient, de l'intérieur du palais, et le cortège de la reine se masse sur
la scène. Clytemnestre vient d'avoir un terrible cauchemar – encore un! - et veut
sacrifier aux dieux afin d'apaiser leur colère. Chrysothémis, effrayée de
confronter leur mère, s'enfuit mais Électre reste, prête à lui faire face.
Clytemnestre sort du palais, l'aspect effrayant, couverte de bijoux et de
talismans, suivie par ses serviteurs. Sa porteuse de traîne et sa confidente la
mettent en garde: Électre a beau paraître conciliante aujourd'hui mais il faut
s'en méfier. La reine a cependant besoin de sa fille pour trouver un remède
contre les songes qui la tourmentent, et elle renvoie sa suite.
Seule avec Électre, Clytemnestre lui parle de son mal étrange, contre lequel tous
ses rituels et sacrifices ont été vains ( Piste 4 KLYTAEMNESTRA & ELEKTRA
Ich habe keine guten Nächte). Électre révèle qu'elle connaît la victime qu'il faut
sacrifier pour mettre fin à ses tourments: c'est une femme, mais elle refuse
d'abord de la nommer. Dans un long récit, elle explique à sa mère que c'est ellemême la victime et qu'elle sera sacrifiée, après une longue et cruelle poursuite,
par le vengeur d'Agamemnon. Clytemnestre reste bouche bée, paralysée
d'horreur. À ce moment, sa confidente sort du palais et lui chuchote quelque
chose à l'oreille. La reine se ressaisit, appelle sa suite et des flambeaux, et rentre
dans le palais avec un sinistre éclat de rire.
Chrysothémis apparaît à nouveau, hurlant comme un animal blessé. Elle
explique à sa soeur la raison de la joie sadique de Clytemnestre: deux étrangers
sont arrivés à Mycènes avec la nouvelle qu'Oreste (Orest) est mort. Un jeune
serviteur fait seller un cheval à toute vitesse pour porter la nouvelle à Égisthe,
qui se trouve à l'extérieur de la ville.
Électre tente à nouveau de persuader Chrysothémis de l'assister dans son projet
de vengeance: elle lui révèle qu'elle a conservé et enterré en lieu sûr la hache
avec laquelle Agamemnon a été mis à mort. Elle flatte sa sœur en louant sa
jeunesse, sa force et sa beauté, elle lui promet sa liberté, un splendide mariage,
une nuit de noces inoubliable, la joie de l'enfantement, si seulement elle
accepte de l'aider à tuer leur mère et son amant. Mais Chrysothémis, horrifiée
par l'idée, s'enfuit.
Électre décide donc d'œuvrer seule. Pendant qu'elle creuse le sol pour retrouver
la hache, un étranger s'approche d'elle et lui fait le récit de la mort d'Oreste
( Piste 5 OREST & ELEKTRA Ich muss hier warten). Électre refuse de le croire et
l'étranger, fasciné par son obstination, lui demande son nom. C'est à peine s'il
arrive à reconnaître sa sœur en la créature effrayée et amaigrie qui se tient
devant lui. Oreste révèle enfin son identité à Électre: il a dû se faire passer pour
un étranger afin d'avoir plus facilement accès au palais et venger leur père.
Bouleversée par le bonheur de retrouver son frère vivant ( Piste 2 ELEKTRA II
Orest!), Électre lui confesse qu'elle n'est plus que le corps exsangue de la sœur
qu'il a connue autrefois, ayant sacrifié sa jeunesse, sa beauté et sa dignité à son
obsession de vengeance. Oreste tremble de peur devant l'énormité de la tâche
6
qui l'attend, mais Électre insiste qu'il sera béni pour ce geste. Le deuxième
étranger, le vieux précepteur d'Oreste, les interrompt: le temps presse, Oreste
doit entrer dans le palais accomplir son devoir sans tarder. Électre n'a même pas
eu le temps de déterrer la hache et de la lui donner.
On entend les cris perçants de l'agonie de Clytemnestre dans le palais.
Chrysothémis et les servantes, alertées par le tumulte, veulent voir ce qui s'est
passé mais Électre les empêche de passer et elles s'enfuient à l'arrivée d'Égisthe.
Égisthe cherche les étrangers qui sont venu annoncer la mort d'Oreste ( Piste
6 AEGISTH & ELEKTRA He! Lichter!). Électre l'accueille avec une joie bizarre, et
malgré sa méfiance, il suit le chemin qu'elle éclaire pour lui avec son flambeau
jusque dans le palais où il est tué par Oreste. Chrysothémis accourt pour
informer sa sœur de ce qui se passe dans le palais, qui résonne des acclamations
du nom d'Oreste. Les fidèles d'Agamemnon massacrent les partisans de
Clytemnestre et Égisthe, dans des flots de sang. Électre, consciente d'avoir
accompli l'œuvre exigée par les dieux, reste figée dans une extase triomphante
et semble à peine se rendre compte du tumulte qui l'entoure. Elle se lève et
commence à danser la danse de son triomphe tant attendu. Elle a à peine fait
quelques pas qu'elle tombe, sans vie, à terre. Chrysothémis accourt à ses côtés,
puis se lève et martèle la porte en appelant en vain Oreste à l'aide.
7
Qui sont les principaux personnages?
Quels sont leurs types de voix?
Elektra est un excellent exemple d'une histoire que l'on prend
« en cours de route ». Comme vous l'avez lu dans l'argument qui
précède, il est important de savoir ce qui s'est passé avant le
début de l'opéra. Et il faut surtout savoir qui est Agamemnon...
Agamemnon
Masque dit « d'Agamemnon », masque funéraire en or retrouvé par
Heinrich Schliemann dans les fouilles de Mycènes en 1876. Conservé au
Musée archéologique d'Athènes.
Il fut roi de Mycènes, dans le
Péloponèse, région de la Grèce
qui porte le nom de son grandpère Pélops. Le père de Pélops,
Tantale, le fit tuer et cuire pour le
servir à manger aux dieux et leur
jouer un tour horrible. À cause de
cela, sa descendance fut frappée
d'une malédiction:
viols, meurtres, incestes et son
propre assassinat par sa femme
et l'amant de celle-ci, son frère
adoptif. Le dernier acte de cette
malédiction se joue dans Elektra.
Une présence musicale
Une présence scénique
Agamemnon ne figure pas dans le
livret de Hugo von Hofmannsthal.
Mais Richard Strauss a composé un
motif musical puissant de quatre
notes, Ré-La-Fa-Ré, qui scande son
nom ( Piste 1, à 01:13) et évoque sa
présence spectrale.
Dans la mise en scène de Christof Nel
au Grand Théâtre, l'ombre
d'Agamemnon, vénérée par Elektra,
qui hante les cauchemars de
Klytämnestra et qui obsède le méchant
Aegisth, sera représentée par un
figurant.
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Elektra/Électre
(du grec Êlektra, « ambre »)
Électre auprès du tombeau d'Agamemnon,
Frederic Leighton (1869)
La figure mythologique
Princesse de Mycènes, elle est la fille du roi
Agamemnon et de la reine Clytemnestre.
Elle est devenue l'aînée de sa fratrie à la
disparition de sa sœur Iphigénie. Quand
Agamemnon est parti à la guerre, elle a dû
emmener son petit frère Oreste à l'étranger,
pour le protéger de Clytemnestre et de son
amant Égisthe.
À son retour de Troie, la reine et son amant
vont assassiner Agamemnon. Électre
honore le souvenir de son père et nourrit le
projet de le venger.
Le personnage dans l'opéra
Dans l'opéra de Richard Strauss, Elektra est aux limites de la folie. Son projet de
vengeance ( Piste 1 ELEKTRA I Allein! Weh, ganz allein!), son attente sans espoir du
retour du frère qui sera l'instrument de cette vengeance, les brimades qu'elle endure
de la part des serviteurs d'Égisthe et de Clytemnestre, l'ont transformée en une sorte
d'obsédée, aux paroles parfois confuses, à la démarche titubante. Lorsque son frère se
révèle à elle, elle redevient soudainement lucide et sa voix se fait tendre et lyrique
( Piste 2 ELEKTRA II Orest!).
La mise en scène du Grand Théâtre
Dans la mise en scène de Christof Nel, Elektra sera habillée avec un costume moderne
de jeune femme de la bonne société (jupe en tweed, cardigan, bijoux et talons
aiguille) mais au moment où sa « folie de vengeance » se précise, elle s'habillera avec
un costume d'homme (celui de son père) trop grand pour elle, comme symbole de son
délire.
La chanteuse et sa voix
Elektra sera chantée par la soprano étasunienne Jeanne-Michèle Charbonnet (qui
porte un nom français parce qu'elle est une Cadienne originaire de la NouvelleOrléans).
Jeanne-Michèle Charbonnet est une soprano dramatique.
La voix de soprano est la plus haute des voix de femmes. Une soprano dramatique se
distingue par la puissance et le volume de sa voix (qui doit souvent rivaliser avec un
orchestre très important) et un timbre assez sombre et émouvant.
On trouve typiquement des sopranos dramatiques dans les opéras romantiques du XIXe
siècle et du début du XXe siècle (Beethoven, Wagner, R.Strauss, Verdi, entre autres) où
figurent des héroïnes au destin souvent tragique: Isolde, Leonore/Fidelio, Turandot,
Salome, Brünnhilde, etc.
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Chrysothemis/Chrysothémis
(du grec chrysos « or » et themis « loi, coutume, justice »)
La figure mythologique
Princesse de Mycènes, elle est la fille du roi
Agamemnon et de la reine Clytemnestre.
Chrysothémis est la plus jeune de la fratrie.
Elle vit aussi au palais de Mycènes.
Lorsqu'Électre apprend la fausse nouvelle de
la mort de leur frère Oreste, elle demande à
Chrysothémis de l'aider à accomplir la
vengeance du meutre de leur père.
Chrysothémis refuse parce qu'elle n'a pas
suffisamment confiance en elle-même.
D'après les légendes grecques, elle ne s'est
jamais mariée.
La chanteuse suédoise Berit Lindholm
en Chrysothemis, en 1965.
(photo: Peter Giljum)
Le personnage dans l'opéra
Dans l'opéra de Richard Strauss, Chrysothemis est l'antithèse d'Elektra. Autant sa
sœur aliénée brise les conventions, autant Chrysothemis cherche à concilier la maison
royale de Mycènes et à convaincre sa sœur de la futilité de son projet. Elle est
consciente du crime et de l'injustice, mais elle ne veut pas provoquer, se soumet à
l'autorité afin de vivre le plus tranquillement possible une vie de femme « normale »
( Piste 3 CHRYSOTHEMIS Du bist es, die mit Eisenklammern).
La mise en scène du Grand Théâtre
Dans la mise en scène de Christof Nel, le costume que portera Chrysothemis cherchera
à mettre en avant sa jeunesse (robe de jeune fille sage, baskets blanches) mais aussi
son désir d'accomplir son « destin de femme » (robe de tulle à manches exagérément
longues, coiffe et voile de mariée ).
La chanteuse et sa voix
Chrysothemis sera chantée par une Suédoise qui vit à New York depuis l'âge de 20 ans,
Erika Sunnegårdh.
Aussi soprano dramatique, Erika Sunnegårdh a débuté dans le monde de l'opéra
relativement tard. Elle a « percé » en 2004 avec son premier rôle en Suède et en 2006,
elle est choisie pour un premier rôle au Metropolitan Opera de New York, à l'âge de 40
ans.
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Klytämnestra/Clytemnestre
(signifie probablement « célèbre pour ses intrigues »)
After the Murder
(Clytemnestre, après le meurtre d'Agamemnon)
John Collier (1882)
La figure mythologique
Clytemnestre est la fille de Tyndare, le roi de
Sparte, et de Leda. Elle est la sœur d'Hélène,
la femme dont la grande beauté fut la cause
de la Guerre de Troie. En exil à la cour de
Sparte, Agamemnon et son frère Ménélas
épousent les deux filles de Tyndare.
Pour procéder au sacrifice d'Iphigénie,
Agamemnon fait croire à Clytemnestre que
sa fille est destinée à épouser le héros grec
Achille.
Pendant l'absence d'Agamemnon,
Clytemestre prend le cousin de celui-ci,
Égisthe, comme amant. Égisthe et
Clytemnestre tueront Agamemnon à son
retour de Troie.
Clytemnestre sera elle-même mise à mort
plus tard par son propre fils Oreste, pour
venger Agamemnon.
Le personnage dans l'opéra
Dans Elektra, Klytämnestra est une femme âgée, insomniaque et tourmentée par les
cauchemars de son passé, comme le meurtre de sa fille Iphigénie, l'humiliation
d'avoir été délaissée par son mari pour une prisonnière troyenne qu'il a ramené
comme butin de guerre, et les ambitions personnelles de son amant Aegisth ( Piste
4 KLYTAEMNESTRA & ELEKTRA Ich habe keine guten Nächte). Mais elle reste
autoritaire et manipulatrice, allant même jusqu'à éclater d'un rire sadique et
triomphant quand on lui annonce que son fils Orest est mort.
La mise en scène du Grand Théâtre
Dans les indications scéniques du livret, il est précisé que Klytämnestra apparaît « en
robe écarlate... couverte et recouverte de pierreries et de talismans, les doigts couverts
de bagues éclatantes ». Dans la mise en scène de Christof Nel, elle portera une longue
robe noire et des bijoux d'allure archaïque et sauvage, évoquant des parures tribales
africaines et des gris-gris.
La chanteuse et sa voix
Le rôle de Klytämnestra est prévu pour une mezzo-soprano, le registre moyen des voix
de femme. Comme le timbre de la voix baisse avec l'âge, on voit souvent les sopranos
dramatiques chanter Chrysothemis quand elles sont jeunes, Elektra par la suite, et
vers la fin de leur carrière, elles prennent le rôle de Klytämnestra. C'est le cas de la
soprano hongroise Éva Marton (née en 1943) qui, après avoir fait des adieux officiels à
la scène en chantant ce rôle en 2008 à Barcelone, revient pour un baroud d'honneur à
Genève!
11
Orest/Oreste
(du grec oros « montagne », probablement « celui qui conquiert les
montagnes »)
Oreste rencontre Électre auprès du tombeau d'Agamemnon
Illustration d'Alfred Church, extrait de Stories from the Greek
Tragedians (1897), sur la base d'une scène souvent
représentée sur les vases de l'Antiquité grecque.
La figure mythologique
Dernier descendant mâle des Atrides, Oreste
est absent de Mycènes quand Agamemnon
rentre de la Guerre de Troie. Il apprend, dans
son exil, que son père a été assassiné, et
environ huit ans plus tard, revient à
Mycènes pour aider sa soeur Électre à le
venger, en mettant à mort Clyemnestre et
son amant Égisthe.
Oreste est poursuivi par les Furies, pour
punir son matricide, mais il est acquitté
grâce à la protection d'Athéna et d'Apollon.
Dans une autre version de la légende, Oreste
et son compagnon Pylade sont envoyés par
Apollon en Tauride. Rendus dans cette
contrée lointaine, ils retrouvent la sœur
d'Oreste, Iphigénie, qui a été transportée
miraculeusement par Artémis au moment de
son sacrifice, pour devenir sa prêtresse. Ils
reviendront avec elle en Grèce.
Le personnage dans l'opéra
Le livret de Hugo von Hofmannsthal suit d'assez près la trame de la tragédie antique
de Sophocle, mais fait abstraction de Pylade, le compagnon fidèle d'Oreste. Chez
Sophocle, Oreste arrive porteur d'une urne funéraire, sensée contenir ses propres
cendres, un stratagème que Von Hofmannsthal remplace par un simple témoignage
verbal. Mais la scène de la reconnaissance d'Orest par Elektra est conforme à Sophocle:
d'abord cachant sa véritable identité à celle en qui il ne reconnaît pas sa soeur et en lui
faisant croire qu'Oreste est vraiment mort ( Piste 5 OREST & ELEKTRA Ich muss hier
warten), ensuite en se révélant à elle quand il la reconnaît.
La mise en scène du Grand Théâtre
Orest, personnage itinérant, en exil depuis son enfance, et surtout, ne devant pas
faire trop remarquer sa présence dans le palais de Mycènes, apparaîtra dans la mise en
scène de Christof Nel, habillé de vêtements étriqués, mal coupés, en grosses
chaussures, presque comme un clochard.
Le chanteur et sa voix
Orest est un rôle de baryton, la voix d'homme naturelle entre le grave (basse) et l'aigu
(ténor), avec différentes nuances plus ou moins graves ou élevées. C'est la voix des
rôles d'homme adulte ou marié, guerriers, soldats. C'est un baryton-basse originaire
de Lettonie, Egils Silins qui incarnera Orest dans la production du Grand Théâtre.
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Aegisth/ Égisthe
(du grec aïx, aïgos « chèvre », parce qu'il avait été nourri au lait de
chèvre par les bergers qui l'avaient recueilli)
Égisthe et Clytemnestre se préparant à assassiner
Agamemnon
Tableau de Pierre-Narcisse Guérin (1744-1813), Musée du
Louvre
La figure mythologique
Deux frères, les fils de Pélops, Thyeste et Atrée se
sont voués une haine mortelle: l'un a couché
avec la femme de l'autre, l'autre fait manger à
l'un, sans rien lui dire, la chair rôtie de ses
propres enfants. Un oracle prédit qu'Atrée sera
tué par l'enfant que Thyeste fera à sa propre fille,
Pélopie. Horrifiée par son inceste, la fille de
Thyeste abandonne son bébé qui est allaité par
une chèvre et élevé par les chevriers. Atrée
recueille le petit Égisthe et l'adopte comme fils.
Plus tard, Thyeste découvrira qu'Égisthe est son
fils. Égisthe tue Atrée, comme l'avait prédit
l'oracle, et envoie ses fils Agamemnon et
Ménélas en exil à Sparte. Par la suite
Agamemnon reconquiert son royaume et Égisthe
prend la fuite. Il reviendra quand Agamemnon
sera parti guerroyer sous les murs de Troie,
prendra Clytemnestre comme amante et la
convaincra d'assassiner Agamemnon à son
retour de Troie.
Le personnage dans l'opéra
Le criminel et tyrannique Aegisth est paranoïaque au sujet de sa propre sécurité, il
interdit aux étrangers de s'approcher de lui, se méfie de tout. Il ne vivra pas tranquille
tant qu'il sait que le fils d'Agamemnon est de ce monde. Égisthe n'est pas dans la
maison quand les étrangers arrivent pour annoncer la mort d'Oreste. Il se méfie de la
figure étrange et échevelée d'Elektra ( Piste 6 AEGISTH & ELEKTRA He! Lichter!).
Avec raison, car elle va le guider avec son flambeau dans le palais où il paiera de sa vie
pour ses crimes sous l'épée d'Orest.
La mise en scène du Grand Théâtre
Aegisth figurera en costume trois-pièces sobre, avec des épaules tombantes (pour
mettre en avant son côté « lâche et fuyant »?) et des chaussures épaisses.
Le chanteur et sa voix
Le rôle d'Aegisth est écrit pour un ténor, la plus aiguë des voix naturelles de l'homme,
en général cette voix est celle des héros romantiques, souvent jeunes et amoureux.
Mais parfois ce type de voix est aussi utilisé chez un personnage d'âge mûr pour
souligner un aspect vaguement ridicule ou hystérique. Strauss a aussi utilisé un ténor
dans Salome pour incarner le roi Hérode, le beau-père veule et sexuellement obsédé de
la princesse Salomé. C'est le ténor tchèque Jan Vacík qui chantera le rôle d'Aegisth.
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Les personnages secondaires
De tous les personnages secondaires d'Elektra, seul le vieux précepteur d'Orest figure
dans la tradition grecque: dans la tragédie de Sophocle, il tient presque les mêmes
propos que dans le drame de Hugo von Hofmannsthal.
Sophocle, Électre (trad. Leconte de Lisle)
LE PAIDAGÔGUE.
Ô très insensés et très imprévoyants, ne vous
souciez-vous donc point de votre vie, ou avezvous perdu l'esprit ; que vous ne vous aperceviez
pas que le malheur est proche, ou que, plutôt,
vous y êtes plongés le plus dangereusement ? (...)
À vous deux, qui êtes là, je dis que le temps d'agir
est venu. Klytaimnestra est maintenant seule et
il n'y a aucun homme dans la demeure ; mais, si
vous tardez, songez que vous devrez combattre,
avec ceux-ci, bien d'autres ennemis plus habiles.
Hugo von Hofmannsthal, Elektra
Le Précepteur
Avez-vous perdu l'esprit de rester là à bavarder là ou
un souffle, un bruit, un rien du tout pourrait être
notre perte et la ruine de notre projet?
Klytämnestra attend à l'intérieur, ses servantes sont à
ta recherche, il n'y plus un seul homme dans la
maison.
Un personnage dans l'opéra: la Cinquième Servante
Dans la suite des servantes de Klytämnestra, un rôle se détache, autant par ses
caractéristiques dramatiques que par sa teneur musicale. C'est la cinquième servante
qui refuse de faire écho aux ragots de ses collègues à propos d'Elektra, et qui prend
plutôt sa défense, rappelant qu'elle seule est restée fidèle au souvenir d'Agamemnon
( Piste 7 FÜNFTE MAGD Ich will vor ihr mich niederwerfen). Pour sa témérité, la jeune
femme sera emmenée dans le palais et battue.
La voix de ce rôle est celle d'une soprano lyrique, c'est à dire plus légère et chantante
qu'une soprano dramatique. La différence de timbre est importante pour souligner la
jeunesse et l'intégrité du personnage. C'est Bénédicte Tauran, soprano, membre de la
troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre, qui chantera le rôle de la
Cinquième Servante.
Les servantes du palais de Mycènes dans la première scène d'Elektra
Production du Grand Théâtre de Genève (1999) Photo: GTG
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Qui est Richard Strauss?
Richard Georg Strauss (1864-1949)
Compositeur allemand dont la musique appartient autant à l'époque
romantique tardive qu'à la modernité. Il s'est distingué par le style
profondément lyrique de ses compositions, autant celles pour la voix et la
scène, que ses œuvres strictement instrumentales.
Son orchestration riche et subtile s'appuie sur un style harmonique audacieux,
inspiré par Wagner. Chez Richard Strauss, le désir d'expérimentation sonore
(dont Elektra est un exemple parfait) s'unit à une profonde admiration pour les
traditions musicales qui l'ont précédé.
À cause de cela, Strauss n'est pas considéré comme un musicien d'avant-garde,
mais plutôt comme le "dernier Romantique", même si son œuvre a eu une
profonde influence sur le développement de la musique au XXe siècle.
À noter qu'il n'y a aucune lien de parenté entre Richard Strauss et les deux Johann Strauss père et fils,
compositeurs d'opérettes et de musique légère viennois.
Une enfance à l'opéra
Franz Strauss tenait le pupitre de corniste au Théâtre de la Cour de Munich et
c'est de lui que son fils Richard reçut la plus grande partie de son éducation
musicale (ainsi qu'un amour fidèle pour le son chaud et vibrant du cor, qui
jouera toujours un rôle important dans ses orchestrations). Le jeune garçon
grandit dans le Hoftheater, l'un des plus beaux théâtres d'opéra d'Europe, et c'est
là qu'il entend, à l'âge de 10 ans, une musique qui le marquera pour la vie: les
opéras Lohengrin et Tannhäuser de Richard Wagner. En 1882, il entre à l'Université
de Munich, mais interrompt rapidement ses études de lettres pour partir à
Berlin, apprendre le métier de chef d'orchestre auprès de Hans von Bülow, le
premier des grands chefs wagnériens.
En 1894, lors d'une répétition, Strauss se querelle avec une soprano, qui quitte la
salle pour repartir dans sa loge en claquant la porte. Le jeune chef court après
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elle, entre dans la loge. Un quart d'heure après, ils en sortent tous deux,
fiancés. Pauline de Ahna est une jeune femme de bonne famille, caractérielle,
excentrique et elle ne mâche pas ses mots. Mais leur mariage sera long et
heureux, et elle sera l'inspiratrice, et souvent l'interprète, de certaines de ses
plus belles pages pour la voix de soprano, une voix que Richard Strauss fit régner
en maîtresse dans ses opéras et ses mélodies vocales.
L'époque des poèmes symphoniques
Les premières compositions de Richard Strauss sont de format assez classique,
des concertos (comme son Concerto pour cor) où l'on entend assez bien l'influence
de la première tradition romantique allemande (Schumann et Mendelssohn,
notamment). Vers 1880, le jeune chef d'orchestre décide d'expérimenter avec un
genre moins conventionnel, le poème symphonique, qui est une grande
partition où l'orchestre se fait le narrateur d'un récit bien connu (Don Juan, Till
l'Espiègle, Don Quichotte), voire d'un essai philosophique, comme Ainsi parlait
Zarathoustra (1896), inspiré par le poème philosophique de Friedrich Nietzsche,
dont l'ouverture en fanfare solennelle est désormais indissociable des premières
minutes du film 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick. Les poèmes
symphoniques de Richard Strauss sont des vitrines de prestige pour les grands
orchestres philharmoniques et symphoniques, à leur heure de gloire.
Les opéras
Les premières tentatives de Richard Strauss pour la scène lyrique n'ont pas
connu un grand succès. Guntram (1894) fut le premier grand échec de sa carrière,
tout comme Feuersnot (1901) que la critique jugea obscène. En 1905, inspiré par la
pièce de théâtre d'Oscar Wilde, il signe Salome et c'est un triomphe: trente-huit
rappels à la création de l'œuvre à Dresde. Le sujet scandaleux joue un grand rôle
dans la popularité de l'opéra: tout le monde veut voir la soprano planter ses
lèvres sur la tête décapitée de Jean-Baptiste après avoir effectué un strip-tease
délirant de 20 minutes dans la "Danse des sept voiles". Mais la musique va audelà du sensationnel: Gustav Mahler parlait de Salome comme d'un "volcan en
activité, un feu souterrain". Pour Richard Strauss, c'est la consécration. Avec les
revenus de Salome, il se paiera une luxueuse villa dans les Alpes bavaroises, à
Garmisch-Partenkirchen.
Strauss avait utilisé des accords dissonants dans Salome, pour souligner les
aspects inquiétants et effrayants du récit. Dans son opéra suivant, Elektra (1909),
il ira encore plus loin dans cette pratique, mais le public bourgeois allemand
n'est pas encore prêt pour de telles audaces. Après Elektra, Richard Strauss va
modérer son langage harmonique quelque peu, et toutes ses compositions
lyriques tardives connaîtront ainsi un grand succès auprès du public: depuis Der
Rosenkavalier ("Le Chevalier à la rose"), en 1910; Ariadne auf Naxos ("Ariane à Naxos")
en 1912 jusqu'à Capriccio, son dernier opéra (1941).
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À l'ombre de la croix gammée
En 1933, le parti nazi d'Adolf Hitler prend le pouvoir en Allemagne. Strauss a 68
ans et se laisse convaincre qu'il faut collaborer avec Hitler, grand admirateur de
Wagner et de sa propre musique (il a adoré Salome), dans l'intérêt de la
promotion de l'art et de la culture allemands. Mais Strauss se méfie également
de la nouvelle idéologie: son fils a épousé une Juive, et ses petits-enfants ne sont
donc pas Aryens. Les Nazis partagent les sentiments d'ambivalence que Strauss
maintient à leur égard. Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Hitler,
écrivait dans son journal:
Malheureusement, nous avons encore besoin de lui, mais un jour nous aurons notre
propre musique et nous n'aurons plus besoin de ce névrosé décadent.
C'est donc à cause de sa célébrité internationale et par opportunité que Strauss
est nommé président de la Reichsmusikkammer, le Bureau de musique du Reich.
Strauss essaye de ne pas s'engager politiquement mais sa position devient vite
intenable: les Nazis interdisent la musique de Debussy, Mahler et
Mendelssohn. Hitler et Goebbels boudent la création de son opéra Die schweigsame
Frau ("La Femme silencieuse") parce que son librettiste, Stefan Zweig, est juif.
Strauss écrit à Zweig:
Pensez-vous que, dans n'importe quelle de mes actions, je me laisse guider par l'idée que
je suis "Allemand"? Pensez-vous que Mozart avait la conscience d'être "Aryen" quand il
composait? Pour ma part, je ne reconnais que deux genres de personne: ceux qui ont du
talent, et ceux qui n'en ont pas.
La Gestapo intercepta cette lettre et Strauss perdit son poste d'intendant de la
musique allemande. Strauss dut continuer à flatter différents officiels nazis à
Vienne, Munich et Berlin pour assurer la protection de son fils, de sa belle-fille
juive et de leurs deux enfants, qu'il réussit à faire libérer après deux jours de
détention par la Gestapo et qui durent rester en résidence surveillée à GarmischPartenkirchen jusqu'à la fin de la guerre.
« Je suis Richard Strauss »
En 1945, Richard Strauss signe Metamorphosen ("Métamorphoses"), pour 23
instruments à cordes. C'est une élégie introspective, un état des lieux rempli
d'émotion tragique de l'état de son pays au sortir de la guerre. Tout ce qu'il a
connu et aimé, comme le cher Hoftheater de son enfance à Munich, a été rasé par
les bombes. Il écrit dans son journal intime:
La période la plus terrible de l'histoire humaine vient de s'achever. Douze années de
règne de la bestialité, de l'ignorance et de l'inculture par les plus infâmes criminels ont
suffi pour anéantir deux mille ans d'évolution de la culture allemande.
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En avril 1945, les Américains arrivent à Garmisch. Au lieutenant Milton Weiss
de l'armée étasunienne, venu chez lui pour l'arrêter, il annonce avec dignité, en
descendant le grand escalier de sa villa: « Je suis Richard Strauss, le compositeur
de Rosenkavalier et de Salome ». Il sera finalement protégé par les forces alliées, et
finira sa vie dans une tranquillité relative. Son chant du cygne, ultime
hommage à la voix de soprano qu'il avait tant aimée, furent les Vier letzte Lieder
("Quatre derniers Lieder"), composés un an avant sa mort en 1949. Son épouse
Pauline lui survécut à peine six mois.
Le monde de Richard Strauss
De la tendresse en dentelles, exquise,
féminine (même en culottes...) et
délicieusement démodée de Der
Rosenkavalier...
... à des photo-ops de propagande nazie, où
deux personnages qui se détestaient avec passion,
échangent des sourires cordiaux devant les caméras
de la presse.
Ici, Richard Strauss avec Joseph Goebbels, le
ministre de la propagande d'Hitler
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À l'écoute d'Elektra
Accords dissonants et tonalités fluides
Dans Elektra, crée quatre ans après Salome en 1909, Richard Strauss continue son
exploration des techniques de composition qui marquent la transition de la
musique romantique vers la musique moderne.
La dissonance: l'utilisation consciente d'accords ou de mélodies qui ne sont pas "agréables à
l'oreille" ou qui "sonnent faux". Plus justement, ce sont des combinaisons de notes qui ne
progressent pas vers une résolution harmonique.
Le chromatisme: la progression classique des notes est celle de la gamme, où presque toutes les
notes sont séparées par un ton. En créant une gamme où toutes les notes sont séparées par un
demi-ton, on enrichit la couleur de la gamme, en la rendant chromatique. Les compositions
chromatiques se distinguent par leurs évocations exotiques, voire inquiétantes.
La fluidité tonale: dans la technique de composition classique, le passage d'une tonalité à une
autre est régie par des règles très strictes (p. ex. de tonique à dominante). La musique classique
moderne se libère de ces règles et passe d'une tonalité à une autre, en créant des modulations et
des sensations d'écoute inattendues.
Le meilleur exemple de dissonance dans Elektra est l'accord joué en arpège qui
précède la première intervention d'Elektra ( Piste 1 ELEKTRA I Allein! Weh,
ganz allein!). Cet accord que les musicologues appelent "L'accord Elektra" est la
"signature" de l'œuvre. Strauss va décomposer cet accord à plusieurs reprises
dans l'opéra pour en faire une mélodie qui identifie Elektra et sa mission
fatidique.
Strauss fait contraster cet accord dissonant avec les trois notes diatoniques (donc
harmoniquement classiques) du motif d'Agamemnon.
On peut comprendre, à l'écoute, qu'Elektra est issue d'Agamemnon, mais que
des « faux sons » (les crimes de sa mère, le rejet après le meurtre de son père,
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son obsession de vengeance qui l'a rendue folle) ont « compliqué » son
personnage complexe.
L'orchestre d'Elektra
Pour soutenir une partition remplie d'émotion et d'horreur, Strauss a créé une
palette orchestrale vaste et variée. Les instruments à vent sont richement
représentés: un piccolo, trois flûtes, trois hautbois, un heckelphone, cinq
clarinettes, 2 cors de basset, une clarinette basse, trois bassons et un contrebasson, huit cors, six trompettes, une trompette basse, deux trombones ténor,
un trombone basse, un trombone contrebasse et un tuba. Les percussions sont
tout aussi diverses: six timbales, une caisse claire, un tambour de basse,
cymbales, tam-tam, triangle, tambourin, castagnettes, glockenspiel et célesta.
La fosse du Grand Théâtre, même approfondie à sa « norme Wagner », est à
peine assez grande pour contenir tous les instrumentistes que Richard Strauss a
exigé pour sa partition. Et certains instruments, comme le heckelphone (une
sorte de hautbois au timbre très grave) ne sont presque plus joués de nos jours.
On va donc devoir éditer quelque peu l'orchestration originale pour les besoins
de cette production, mais le public est toujours assuré d'une interprétation
décoiffante par son volume et sa richesse sonore. Quant aux solistes dont les
voix devront se faire entendre par-dessus cette déferlante musicale, elles sont
assurées de notre plus profond respect...
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Une histoire interminable de vengeance
Électre, Oreste et la malédiction des Atrides
Dans la mythologie grecque, on a souvent affaire à des familles qui souffrent
pendant des générations des conséquences du comportement méchant, impie
ou tout simplement irréfléchi de l'un de leurs ancêtres envers les très
susceptibles divinités de l'Olympe. La descendance de Persée, les Perséides,
perdit le trône d'Argos parce que Persée avait accidentellement tué son grandpère Acrisios. Quant aux filles de Danaos, les Danaïdes, qui avaient tué leurs
maris sur le conseil de leur père, la malédiction n'alla pas bien loin puisqu'elles
furent toutes condamnées au supplice du remplissage éternel d'un tonneau
percé dans les Enfers. Mais nulle famille de l'Antiquité eut autant la poisse que
la race maudite de Pélops: les Atrides. Elle a inspiré une grande quantité de
poètes et d'écrivains, de la Grèce antique à nos jours, de Homère à Jean-Paul
Sartre, en passant par Marvel Comics et les manga.
La malédiction des Atrides se décline en de nombreuses versions, avec des
dénouements divers et compliqués, sur une trame de base bien gore, commune à
toutes. Pour essayer de faire simple, nous allons nous tenir à la version que
Hugo von Hofmannsthal tira de la tragédie Êlektra de Sophocle, écrite en 401 av.
J.-C., et de ses antécédents chez Homère. Avec une conclusion un peu tirée par
les chevaux... pardon, par les cheveux!
Tantale
Tout commence avec l'ancêtre Tantale, roi en Phrygie (actuellement l'Asie
mineure) qui était un habitué des banquets des Olympiens, où il se croyait
visiblement comme chez lui, allant jusqu'à chiper aux Immortels des portions
du nectar et de l'ambroisie, leur unique nourriture. Cette hubris, un très vilain
défaut pour les Grecs anciens (orgueil aggravé de témérité), lui fit aller jusqu'à
faire un ragoût avec la chair de son propre fils, et le servir à Zeus et Cie., sans les
prévenir de ce qui était vraiment au menu. Comme ils étaient des Dieux et
forcément au courant, ils n'ont pas touché au plat, sauf Démeter, que la
disparition récente de sa fille Perséphone avait rendu distraite et qui goûta à un
morceau de son épaule. Le mal était fait. Exceptionnellement, les Parques
épargnèrent le pauvre Pélops et le reconstituèrent à partir de son ragoût.
Démeter demanda même à Héphaïstos de lui fabriquer une nouvelle épaule en
ivoire. Beau début pour Tantale, coupable de cannibalisme, de sacrifices
humains et d'infanticide, que les Grecs cultivés de l'époque de Sophocle avaient
tous en horreur. Tantale finit dans le Tartare, la section dure des Enfers, attaché
avec de l'eau jusqu'au cou, dont le niveau se baissait chaque fois qu'il penchait la
tête pour en boire. D'où l'expression, supplice de Tantale.
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Pélops et Hippodamie
Tombé amoureux de la belle Hippodamie, Pélops dut la disputer à son père, le
roi Oenomalos, dans une course de chars. Bien qu'équipé par Poséidon, dont il
était le favori, d'un char tiré par des chevaux ailés, Pélops ne voulait pas prendre
de chances. Il se fit ami avec le conducteur d'Oenomalos, Myrtilos (à qui il
promit la virginité d'Hippodamie et un tas de pognon) et remplaça les boulons
en bronze des essieux du char d'Oenomalos par des copies en cire peinte. Au
plus chaud de la course, Oenomalos allait rattraper Pélops et lui trancher la tête
(comme ils avait fait à tous les prétendants d'Hippodamie par le passé), les
roues du char se détachèrent et le chariot éclata en morceaux. Myrtilos avait
prévu la chute, mais pas Oenomalos qui fut traîné à mort par ses propres
chevaux.
Pélops non seulement refusa de donner à Myrtilos ce qu'il lui avait promis, mais
le poussa dans la mer du haut d'une falaise. La malédiction des Atrides
commence avec les imprécations de Myrtilos sur la descendance de Pélops, alors
qu'il tombe dans le vide.
Atrée et Thyeste
Les fils de Pélops et d'Hippodamie furent les premiers à connaître les rivalités
meurtrières d'une scoumoune olympienne. Ils tuèrent leur demi-frère, avec
l'aide de leur mère jalouse, et Pélops les chassa de Phrygie. Ils vinrent s'établir à
Mycènes, où Hippodamie se pendit. La femme d'Atrée, Érope, devint la
maîtresse de Thyeste. Quand Atrée apprit cela, il sortit le livre de recettes du
grand-père et servit un ragoût pour Thyeste, préparé avec la chair de ses propres
fils. Dont il exhiba les mains et les pieds coupés au moment du dessert. Ayant
goûté, même involontairement, à de la chair humaine, Thyeste dut prendre
l'exil.
Un oracle prédit à Thyeste que le fils qu'il engendrerait avec sa propre fille
Pélopie, serait l'assassin d'Atrée. Thyeste viola donc sa fille, et ainsi naquit un
enfant que Pélopie abandonne honteusement sur le flanc d'une montagne.
Recueilli par des chévriers, qui le nommèrent Égisthe, le petit garçon fut –
ironie du sort! – adopté par Atrée qui l'éleva avec ses propres fils Agamemnon et
Ménélas. Une fois adulte, Égisthe apprendra de Thyeste qu'il est à la fois son
père et son grand-père. Adultère, inceste, et cannibalisme rituel refont leur
apparition dans la famille maudite. Égisthe tuera Atrée, et ensuite
Agamemnon, non sans avoir avant cela pris sa femme Clytemnestre comme
maîtresse. Cette histoire-là, c'est l'intrigue d'Elektra qu'il est inutile de répéter
ici.
Le happy end des Atrides?
Ce que Sophocle et Von Hoffmanstahl ne nous racontent pas (ici c'est Éschyle
qui prend la relève) dans l'Orestie, c'est que Clytemnestre a maudit Oreste, en
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tombant sous ses coups. Oreste avait appris le meurtre de son père par l'oracle
d'Apollon à Delphes, qui lui rappela son devoir de vengeance. Comme le
matricide était aussi très mal vu chez les Grecs anciens, Oreste fut poursuivi par
les Furies, qui châtient tout manquement aux devoirs de la famille. Ayant
cherché le refuge et l'absolution de sa faute dans le temple d'Apollon à Delphes,
Oreste est purifié grâce un rituel impliquant une copieuse quantité de sang de
cochon. La déesse Athéna organise même un tribunal civil, celui des douze
juges attiques sur l'Acropole, pour délibérer de l'absolution. Les furies
demandèrent leur victime, Oreste plaida les ordres d'Apollon. Six des juges
votèrent pour, et six contre: Athéna eut le vote déterminant en faveur d'Oreste.
À noter ici que la seule solution véritable à la poisse engendrée par tant de
divines sensibilités offusquées est celle de l'autorité civile, humaine et mortelle.
Euripide, dans Iphigénie en Tauride, propose un autre dénouement heureux à
l'histoire des Atrides. Poussés par les Furies, jusqu'aux rivages orientaux de la
Mer Noire et ayant fait naufrage sur les côtes du royaume sauvage de Tauride,
Oreste et Pylade sont appréhendés par les autochtones, qui sont des adeptes de
sacrifices humains. Ils sont traînés devant la grande prêtresse d'Artémis, qui
s'avère être... la soeur d'Oreste, Iphigénie, remplacée par Artémis elle-même
alors qu'elle allait lui être immolée sur ses autels et transportée
miraculeusement en Tauride! Les trois Grecs réussiront à s'échapper de Tauride
et revenir sains et saufs à Mycènes, où Iphigénie épouse Pylade et Oreste devient
roi. Mais ça c'est le sujet d'un autre opéra...
Oreste poursuivi par les Furies
Tableau de William-Adolphe Bouguereau (1862)
Chester Collection, Norfolk (Virginie), États-Unis
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CD d'accompagnement
Enregistrement original en direct du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse Romande
Direction: Sir Jeffrey Tate
Elektra: Dame Gwyneth Jones; Klytämnestra: Leonie Rysanek
Chrysothemis: Dame Anne Evans; Aegisth: Ronald Hamilton
Orest: Wolfgang Schöne; 5 Magd: Antoinette Faes
Chœur du Grand Théâtre de Genève
1990, 2005 Claves Records/Thun
1. ELEKTRA 1 Agamemnon & Elektra-Akkord
Allein! Weh, ganz allein
2. ELEKTRA 2 La reconnaissance du frère
Orest!
3. CHRYSOTHEMIS Le destin d'une femme
Du bist es, die mit Eisenklammern
4. KLYTAEMNESTRA (& ELEKTRA) Les cauchemars de la mère
Ich habe keine gute Nächte
5. OREST (& ELEKTRA) Le retour du frère
Ich muss hier warten
6. AEGISTH (& ELEKTRA) La folie d'Électre
He! Lichter!
7. FÜNFTE MAGD (& DIE AUFSEHERIN) Qui est Électre?
Ich will vor ihr mich niederwerfen
8. CHOEUR (& CHRYSOTHEMIS) Extrait destiné à l'Atelier Formation Voix
Elektra! Schwester!/Orest!
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ELEKTRA
Textes allemands et traductions françaises des extraits musicaux
Traductions: Christopher Park
1. ELEKTRA I
1. ELEKTRA I
Agamemnon & l'accord d'Elektra
Allein! Weh,ganz allein!
Der Vater fort, hinab gescheucht
in seine kalten Klüfte...
Agamemnon! Agamemnon!
Wo bist du, Vater?
Hast du nicht die Kraft dein
Angesicht herauf zu mir zu
schleppen?
Es ist die Stunde, uns're Stunde
ist's, die Stunde wo sie dich
geschlacht haben, dein Weib und
der mit ihr in einem Bette, in
deinem königlichen Bette schläft.
Sie schlugen dich im Bade tot,
dein Blut rann über deine Augen,
und das Bad dampfte von deinem
Blut. Da nahm er dich der Feige,
bei den Schultern, zerrte dich
hinaus aus dem Gemach, den
Kopf voraus, die Beine schleifend
hinterher: dein Auge, das starre,
off'ne, sah herein in's Haus.
So kommst du wieder, setzest Fuss
vor Fuss und stehst auf einmal da,
die beiden Augen weit offen und
ein königlicher Reif von Purpur ist
um deine Stirn, der speist sich aus
des Hauptes off'ner Wunde.
Seule! Hélas, vraiment seule!
Mon père a disparu,
enseveli dans le froid tombeau...
Agamemnon! Agamemnon!
Père, où es-tu?
N'as-tu pas la force de lever à
nouveau vers moi ton visage?
2. ELEKTRA II
2. ELEKTRA II
La reconnaissance du frère
Orest! Orest! Orest! Orest!
Es rührt sich niemand.
O, lass deine Augen mich seh'n,
Oreste! Oreste! Oreste! Oreste!
Personne ne bouge.
Oh, laisse tes yeux me contempler,
Voici l'heure, notre heure, l'heure où
ils t'ont assassiné, ta femme et celui
qui dort avec elle dans le même lit,
dans ton lit royal.
Ils t'ont frappé à mort dans ton bain,
tu avais du sang jusque par-dessus
les yeux, ton bain fumait avec ton
sang. Et le lâche t'a pris par les
épaules, il t'a tiré hors de la pièce, la
tête la première et les jambes
traînant derrière toi: ton oeil grand
ouvert, le regard figé sur la maison
que tu laissais derrière toi.
C'est ainsi que tu reviendras, un pas
après l'autre, et soudain tu seras là,
debout, les deux yeux grands
ouverts, et une couronne de pourpre
royal sur ton front, nourrie par la
plaie ouverte de ta tête.
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Traumbild, mir geschenktes
Traumbild, schöner als alle
Träume. Hehres, unbegreifliches,
erhabenes Gesicht, o bleib bei mir!
Lös' nicht in Luft dich auf, vergeh
mir nicht, vergeh mir nicht, es sei
denn, dass ich jetzt gleich sterben
muss und du dich anzeig'st und
mich holen kommst: dann sterb'
ich seliger als ich gelebt.
Orest! Orest! Orest!
vision de rêve, vision de rêve qui m'a
été accordée, plus belle que tout autre
rêve. Noble, ineffable, sublime
visage, oh, ne me quitte pas!
Ne te dissous pas dans l'air, ne
disparais pas, ne disparais pas de ma
vue, car même si je dois maintenant
mourir, en ce moment où tu te
montres à moi et où tu es venu me
chercher, alors je mourrais plus
heureuse que j'ai vécu.
Oreste! Oreste! Oreste!
3. CHRYSOTHEMIS (& ELEKTRA) 3. CHRYSOTHEMIS (& ELEKTRA)
Le destin d'une femme
CHRYSOTHEMIS
(…) Hab erbarmen!
CHRYSOTHÉMIS
(...) Aie pitié!
ELEKTRA
Mit wem?
ÉLECTRE
De qui?
CHRYSOTHEMIS
Du bist es, die mit
Eisenklammern mich an den
Boden schmiedet.
Wärst nicht du, sie liessen uns
hinaus. Wär nicht dein Hass, dein
schlafloses, unbändiges Gemüt,
vor dem sie zittern, ah, so liessen
sie uns ja heraus, aus deisem
Kerker, Schwester! Ich will
heraus! Ich will nicht jede Nacht
bis an den Tod hier schlafen! Eh'
ich sterbe, will ich auch leben!
Kinder will ich haben, bevor mein
Leib verwelkt, und wärs ein
Bauer, dem sie mich geben;
Kinder will ich ihm gebären und
mit meinem Leib sie wärmen in
kalten Nächten wenn der Sturm
die Hütte zusammenschüttelt!
Hörst du mich an? Sprich zu mir,
Schwester!
CHRYSOTHÉMIS
C'est toi qui me fixe au sol avec des
pinces de fer.
Si ce n'était pour toi, ils nous
laisseraient partir. Si ce n'était pour
ta haine et ton esprit toujours sur le
qui-vive, incontrôlable, qui les fait
trembler, ah! ils nous auraient déjà
laissé partir de ce cachot, ma sœur! Je
veux partir! Je ne veux pas dormir
toutes mes nuits ici jusqu'à ma mort!
Je veux vivre avant de mourir!
Je veux avoir des enfants, avant que
mon corps ne se flétrisse, et même si
on me donnait à un paysan, je lui
porterais volontiers ses enfants, et je
les réchaufferai avec mon corps dans
les froides nuits où la tempête secoue
notre cabane.
Tu m'écoutes?
Parle-moi, ô ma sœur!
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ELEKTRA
Armes Geschöpf!
ÉLECTRE
Pauvre créature!
CHRYSOTHEMIS
Hab Mitleid mit dir selber und
mit mir! Wem frommt den solche
Qual? Der Vater, der ist tot. Der
Bruder kommt nicht heim. Immer
sitzen wir auf der Stange wie
angehängte Vögel, wenden links
und rechts den Kopf und niemand
kommt, kein Bruder, kein Bote
von dem Bruder, nicht der Bote
von einem Boten. Nichts!
Mit Messern gräbt Tag um Tag in
dein und mein Gesicht sein Mal
und draussen geht die Sonne auf
und ab, und Frauen, die ich
schlank gekannt hab', sind
schwer von Segen, müh'n sich
zum Brunnen, heben kaum die
Eimer, und auf einmal sind sie
entbunden ihrer Last, kommen
zum Brunnen wieder, und aus
ihnen selber quillt süsser Trank
und säugend hängt ein Leben an
ihnen, und die Kinder werden
gross. Nein, ich bin ein Weib und
will ein Weiberschicksal!
CHRYSOTHÉMIS
Aie pitié de toi-même et de moi! À qui
profite un tel tourment? Notre père
est mort. Notre frère ne reviendra
plus.
Nous sommes comme deux oiseaux
en cage, sur leur perchoir, tournant
la tête à gauche puis à droite, mais
personne ne vient. Pas de frère, pas
de messager de notre frère, pas de
messager du messager. Rien! Chaque
jour qui passe grave sa trace avec ses
couteaux dans nos visages et dehors,
le soleil se lève et se couche et les
femmes que j'ai connues minces sont
lourdes de leur bonheur, elles se
traînent avec peine au puits, arrivent
à peine à soulever leurs seaux, et
voilà qu'elles sont soudain délivrées
de leur fardeau, elles reviennent au
puits et leur corps distille une douce
boisson, et une créature vivante tête
leur mamelle, et leurs enfants
deviennent grands. Non! Je suis une
femme, et je veux un destin de
femme!
4. KLYTAEMNESTRA (&
ELEKTRA)
4. KLYTAEMNESTRA (& ELEKTRA)
KLYTAEMNESTRA
Ich habe keine gute Nächte.
Weisst du kein Mittel gegen
Träume?
CLYTEMNESTRE
Je ne dors plus la nuit. Ne connais-tu
pas un remède contre les rêves?
ELEKTRA
Träumst du, Mutter?
ÉLECTRE
Tu rêves, Mère?
KLYTAEMNESTRA
Wer älter wird, der träumt.
Allein, es lässt sich vertreiben, Es
gibt Bräuche. Es muss für alles
CLYTEMNESTRE
Quand on vieillit, on rêve. Mais on
peut aussi disperser les songes. Il y a
des rituels. Il y a un rituel approprié
Les cauchemars de la mère
27
richt'ge Bräuche geben,
Darum bin ich so behängt mit
Steinen, denn es wohnt in jedem
ganz sicher eine Kraft. Man muss
nur wissen, wie man sie nützen
kann, Wenn du nur wolltest, du
könntest etwas sagen, was mir
nützt.
pour tout.
Voilà pourquoi je suis parée de
pierreries, car il y a pour sûr en
chacune d'elles une force. Il faut
seulement savoir comment s'en
servir. Si tu le voulais seulement, tu
pourrais me dire quelque chose pour
m'aider.
ELEKTRA
Ich, Mutter, ich?
ÉLECTRE
Moi, Mère? Moi?
KLYTAEMNESTRA
Ja, du! Denn du bist klug.
In deinen Kopf ist alles stark.
Du könntest vieles sagen, was mir
nützt.
Wenn auch ein Wort nichts weiter
ist! Was ist denn ein Hauch? Und
doch kriecht zwischen Tag und
Nacht, wenn ich mit off'nen
Augen lieg', ein Etwas hin über
mich. Es ist kein Wort, es ist kein
Schmerz, es drückt mich nicht, es
würgt mich nicht. Nichts ist es,
nicht einmal ein Alp, und
dennoch, es ist so fürchterlich,
dass meine Seele sich wünscht,
erhängt zu sein, und jedes Glied
in mir schreit nach dem Tod, und
dabei leb' ich und bin nicht
einmal krank: du siehst mich
doch: seh' ich wie eine Kranke?
CLYTEMNESTRE
Oui, toi! Car tu es sage. Dans ta tête,
tout est vigoureux.
Tu pourrais me dire beaucoup de
choses utiles.
Même un simple mot! Ou un simple
souffle! Et pourtant, entre le jour et
la nuit, pendant que je suis couchée,
les yeux grand ouverts, il y a quelque
chose qui rampe sur moi. Ce n'est pas
un mot, ce n'est pas une douleur, elle
ne m'oppresse pas, elle ne m'étouffe
pas, ce n'est rien, pas même un
cauchemar, et pourtant cette chose
est si effrayante que mon âme
voudrait mourir pendue et chaque
membre de mon corps désire la mort,
et c'est ainsi que je reste vivante,
sans même être malade: regarde-moi
donc! Ai-je l'air de quelqu'un de
malade?
Kann man denn vergeh'n, lebend,
wie ein faules Aas?
Kann man zerfallen, wenn man
gar nicht krank ist? Zerfallen
wachen Sinnes, wie ein Kleid,
zerfressen von den Motten?
Und dann schlaf ich und träume,
träume, dass sich mir das Mark in
den Knochen löst, und täumle
wieder auf, und nicht der zehnte
Teil der Wasseruhr ist abgelaufen,
und was unterm Vorhang herein
Peut-on périr tout en restant vivante
et pourrir comme une charogne?
Peut-on se délabrer ainsi, si l'on n'est
pas malade? Se délabrer, en pleine
conscience, comme un vêtement
dévoré par les mites?
Et ensuite, je dors et je rêve, je rêve
que la moelle de mes os se liquéfie, et
je me réveille en sursaut, mais la
clepsydre ne s'est pas même écoulée
d'un dixième, et quelque chose brille
sous les rideaux comme un rictus
28
grinst, ist noch nicht der fahle
Morgen, nein, immer noch die
Fackel vor der Tür, die gräslich
zuckt wie ein Lebendiges und
meinen Schlaf belauert.
inquiétant, ce n'est pas la lumière
blafarde de l'aube, non, c'est encore
le flambeau à ma porte qui grésille
affreusement, comme un être vivant
qui espionne mon sommeil.
Ces rêves doivent bien finir un jour!
Diese Träume müssen ein Ende
Quelle que soit leur provenance,
haben. Wer sie immer schickt, ein leurs démons nous abandonnent, dès
jeder Dämon lässt von uns, sobald que le sang d'un juste sacrifice a
das rechte Blut geflossen ist.
coulé.
5. OREST (& ELEKTRA)
5. OREST(& ELEKTRA)
Le retour du frère
OREST
Ich muss hier warten
ORESTE
Je dois attendre ici
ELEKTRA
Warten?
ÉLECTRE
Attendre?
OREST
Doch bist du hier aus dem Haus?
Bist eine von den Mägden dieses
Hauses?
ORESTE
Et toi, n'appartiens-tu pas à cette
maison? Es-tu une servante du
palais?
ELEKTRA
Ja, ich diene hier im Haus.
Du aber hast hier nichts zu
schaffen, freu dich und geh!
ÉLECTRE
Oui, je suis au service de cette
maison. Mais toi tu n'as rien à faire
ici, sois heureux et va-t-en!
OREST
Ich sagte dir: ich muss hier
warten, bis sie mich rufen.
ORESTE
Je t'ai dit: je dois attendre ici jusqu'à
ce qu'ils m'appellent.
ELEKTRA
Die da drinnen? Du lügst. Weiss
ich doch gut, der Herr ist nicht zu
Haus. Und sie, was sollte sie mit
dir?
ÉLECTRE
Ceux qui sont là-dedans? Tu mens. Je
sais bien que le Roi n'est pas dans le
palais. Et elle, que peut elle bien
vouloir de toi.
OREST
Ich und noch einer, der mit mir
ist, wir haben einen Auftrag an
die Frau. Wir sind an sie
ORESTE
Je suis venu, avec un compagnon,
parce que nous sommes chargés
d'une mission auprès de la Reine. On
29
geschickt, weil wir bezeugen
können, dass ihr Sohn Orest
gestorben ist vor unsern Augen,
denn ihn erschlugen seine eignen
Pferde. Ich war so alt wie er und
sein Gefährte bei Tag und Nacht.
nous a envoyés auprès d'elle, parce
que nous pouvons témoigner que son
fils Oreste est mort devant nos yeux,
piétiné par ses propres chevaux.
J'avais le même âge que lui et j'étais
le compagnon de ses jours et de ses
nuits.
6. AEGISTH (& ELEKTRA)
6. AEGIST (& ELEKTRA)
La folie d'Électre
AEGISTH
He! Lichter! Lichter! Ist niemand
da zu leuchten? Rührt sich keiner
von allen diesen Schuften?
Kann das Volk keine Zucht
annehmen?
Was ist das für ein unheimliches
Weib? Ich hab' verboten, dass ein
unbekanntes Gesicht mir in die
Nähe kommt!
Was, du? Wer heisst dich, mir
entgegentreten?
ÉGISTHE
Hé! Qu'on amène des flambeaux!
N'y a-t-il personne ici pour
m'éclairer? Est-ce qu'un seul de ces
gredins va se bouger un peu? Ce
peuple finira-t-il par apprendre des
manières?
Et quelle est cette femme
inquiétante? J'ai pourtant interdit
que tout visage inconnu apparaisse
en ma présence!
Hé, toi! Qui t'a demandé de venir à
ma rencontre?
ELEKTRA
Darf ich nicht leuchten?
ÉLECTRE
Ne m'est-il pas permis de t'éclairer?
AEGISTH
Nun, dich geht die Neuigkeit ja
doch vor Allen an. Wo find ich die
fremden Männer, die das von
Orest uns melden?
ÉGISTHE
Eh bien, puisque la nouvelle te
concerne plus que quiconque... Où
sont les étrangers qui sont venus
nous donner la nouvelle d'Oreste?
ELEKTRA
Drinnen. Eine liebe Wirtin fanden
sie vor und sie ergetzen sich mit
ihr.
ÉLECTRE
À l'intérieur. Ils ont trouvé une
hôtesse accueillante et ils prennent
du bon temps en sa compagnie.
AEGISTH
Und melden also wirklich dass er
gestorben ist? Und melden so,
dass nicht zu zweifeln ist?
ÉGISTHE
Et ils disent vraiment qu'il est mort?
Ce qu'ils disent, est-il permis de ne
pas en douter?
30
ELEKTRA
O Herr! Sie melden's nicht mit
Worten blos, nein, mit
leibhaftigen Zeichen, an denen
auch kein Zweifel möglich ist.
ÉLECTRE
Monseigneur! Ils ne le disent pas
seulement avec des mots mais leur
présence même est le signe qu'il n'est
pas permis de douter.
AEGISTH
Was hast du in der Stimme? Und
was ist in dich gefahren, dass du
nach dem Mund mir redest? Was
taumelst du so hin und her mit
deinem Licht?
ÉGISTHE
Qu'as-tu donc dans la voix? Et que
t'est-il arrivé, pour que tu répètes
mes paroles sans arrêt? Pourquoi
titubes-tu comme cela d'un côté et de
l'autre avec ton flambeau?
ELEKTRA
Es ist nicht anderes, als dass ich
endlich klug ward und zu denen
mich halte, die die Stärkeren
sind. Erlaubst du dass ich voran
dich leuchte?
ÉLECTRE
Il se trouve qu'enfin je suis devenue
sage et je me tiens désormais du côté
de ceux qui sont les plus forts. Me
permets-tu d'aller au-devant de toi
pour t'éclairer?
AEGISTH
Bis zur Tür. Was tanzest du? Gib
Obacht!
ÉGISTHE
Jusqu'à la porte. Pourquoi danses-tu
comme cela? Fais attention!
ELEKTRA
(indem sie ihn, wie in einem
unheimlichem Tanz, umkreist, sich
plötzlich tief bückend)
Hier! die Stufen, dass du nicht
fällst.
ÉLECTRE
(pendant ce temps elle tourne autour de lui,
comme en une danse inquiétante, et
soudainement s'incline profondément)
Ici! Les marches, prends garde de ne
pas tomber.
AEGISTH
(an der Haustür)
Warum ist hier kein Licht? Wer
sind die dort?
ÉGISTHE
(à la porte du palais)
Pourquoi n'y a-t-il plus de lumière
ici? Qui sont ces gens là-dedans?
ELEKTRA
Die sind's, die in Person dir
aufzuwarten wünschen, Herr.
Und ich, die so oft durch freche,
unbescheid'ne Näh' dich störte,
will nun endlich lernen, mich im
rechten Augenblick
zurückzuziehn.
(Aegisth geht ins Haus. Stille. Lärm
drinnen. Aegisth erscheint an einem
ÉLECTRE
Ce sont ceux qui ont voulu venir en
personne à ta rencontre,
Monseigneur. Et moi, qui t'ai si
souvent dérangé par ma présence
insolente et importune, je vais enfin
apprendre à me retirer au bon
moment.
(Égisthe entre dans le palais. Silence. Un bruit
depuis l'intérieur. On voit Égisthe apparaître à
31
kleinen Fenster, reisst den Vorhang weg.)
une petite fenêtre, en déchirant le rideau. )
AEGISTH
Helft! Mörder! Helft dem Herren!
Mörder, Mörder! Sie morden
mich!
ÉGISTHE
Au secours! Au meurtre! Aidez votre
maître! Assassins, assassins! Ils
m'ont tué!
7. FÜNFTE MAGD
(& DIE AUFSEHERIN)
7. FÜNFTE MAGD
(& DIE AUFSEHERIN)
Qui est Électre?
FÜNFTE MAGD
Ich will vor ihr mich niederwerfen
und die Füsse ihr küssen. Ist sie
nicht ein Königskind und duldet
solche Schmach? Ich will die Füsse
ihr salben und mit meinem Haar
sie trocknen.
LA CINQUIÈME SERVANTE
Je veux me jeter à terre devant elle et
lui baiser les pieds, N'est-elle pas la
fille d'un roi et pourtant, on lui fait
endurer de pareilles humiliations? Je
veux lui oindre les pieds et les sécher
avec mes cheveux.
DIE AUFSEHERIN (stosst sie)
Hinein mit dir!
LA SURVEILLANTE (la pousse
brutalement)
Toi, rentre dans le palais!
FÜNFTE MAGD
Es gibt nichts auf der Welt, das
königlicher ist als sie. Sie liegt in
Lumpen auf der Schwelle aber
niemand, niemand ist hier im
Haus, der ihren Blick aushält.
LA CINQUIÈME SERVANTE
Il n'y a personne au monde qui ne soit
plus digne du sang royal qu'elle. Elle
traîne sur le seuil du palais en
haillons, mais il n'y a personne,
personne dans cette maison qui
puisse soutenir son regard.
DIE AUFSEHERIN
Hinein!
LA SURVEILLANTE
Rentre!
FÜNFTE MAGD
Ihr alle seid nicht wert, die Luft zu
atmen, die sie atmet. O könnt ich
euch alle, euch, erhängt am
Halse, in einer Scheuer dunkel
hängen seh'n um dessenwillen,
was ihr an Elektra getan.
LA CINQUIÈME SERVANTE
Personne d'entre vous n'est digne de
respirer l'air même qu'elle respire.
Oh si je pouvais seulement vous voir
toutes, oui toutes, pendues par le cou
dans un sombre réduit pour ce que
vous avez fait à Électre!
32
8. CHOR & CHRYSOTHEMIS
8. LE CHŒUR & CHRYSOTHÉMIS
CHRYSOTHEMIS
Elektra! Schwester! Komm mit
uns! O komm mit uns! Es ist der
Bruder drin im Haus! Es ist Orest
der es getan hat!
CHRYSOTHÉMIS
Électre! Ma sœur! Viens avec nous,
oh, viens avec nous! C'est notre frère,
il est dans le palais! C'est Oreste qui a
fait tout cela!
CHOR (hinter der Scene)
Orest!
CHŒUR (en coulisse)
Oreste!
CHRYSOTHEMIS
Komm! Er steht im Vorsaal, alle
sind um ihn und küssen seine
Füsse! Alle, die Aegisth von
Herzen hassten, haben sich
geworfen auf die andern, überall
in allen Höfen, liegten Tote, alle
die leben, sind mit Blut bespritzt
und haben selbst Wunden und
doch strahlen Alle! Alle umarmen
sich und jauchzen. Tausend
Fakkeln sind angezündet. Hörst
du nicht? So hörst du denn nicht?
CHRYSOTHEMIS
Viens! Il est là, dans la grande salle,
entouré par tous, et tous lui baisent
les pieds! Tous ceux qui détestaient
Égisthe du fond du cœur se sont jetés
sur les autres, et partout, dans toutes
les cours, il y a des morts. Tous ceux
qui vivent encore sont éclaboussés de
sang car ils sont eux-mêmes blessés
et pourtant ils rayonnent tous de
bonheur! Tous s'embrassent et
jubilent. Mille flambeaux sont
allumés. N'entends-tu pas?
N'entends-tu donc pas?
CHOR
Orest!
CHŒUR (sur scène)
Oreste!
33
Les jeunes au cœur du Grand Théâtre
Programme pédagogique réalisé avec le soutien de la
Fondation de bienfaisance de la Banque Pictet
et de la République et Canton de Genève
Genève, octobre 2010
Madame, Monsieur,
Nous avons le plaisir de vous transmettre en annexe deux questionnaires
élaborés à votre intention et à celles de vos élèves.
Nous vous remercions de bien vouloir remettre ce document à chacun de vos
élèves et de nous les renvoyer remplis accompagnés du vôtre, à l’issue du
parcours pédagogique que vous aurez suivi.
Ceci nous permettra d’évaluer l’intérêt et la pertinence de nos propositions et de
savoir si, grâce à ce programme, les jeunes ont éprouvé du plaisir à entrer dans
le monde de l’opéra.
Nous vous remercions pour cette ultime participation et espérons avoir le plaisir
de vous revoir lors d’une prochaine saison.
Kathereen Abhervé
022.418.31.72
e.mail : [email protected]
Christopher Park
022.418.31.88
e.mail : [email protected]
34
Questionnaire pour l’enseignant(e)
·
Quelle matière enseignez-vous ?
·
Quel est le degré de votre classe ?
·
Est-ce la première fois que vous participez à un programme pédagogique du Grand
Théâtre ?
Oui
Non (2ème, 3ème, …)
·
De manière générale, êtes-vous satisfait(e) de votre expérience au Grand Théâtre ?
(veuillez indiquer votre degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait)

1
·

3
2

5
4
Le programme pédagogique comporte plusieurs étapes:

1
2

3
4

5
Ateliers
Visites
(théâtre,
ateliers)
Répétition
générale
·
Que proposeriez-vous comme autres activités? Remarques, suggestions
·
Souhaiteriez-vous soumettre un projet pédagogique en rapport avec le Grand
Théâtre, choisi avec votre classe ou votre école, qui serait développé avec la
collaboration du Grand Théâtre ?
35
Dossier pédagogique
·
Le dossier pédagogique qui vous a été remis correspondait-il à vos attentes ?

1
2

3
4

5
·
Pensez-vous que le dossier pédagogique soit un outil pertinent et complet pour
préparer votre enseignement?

1
2

3
4

5
Comment avez-vous utilisé le dossier pédagogique en classe ?
Oui
Non
Oui
Non
Écoute du CD
Lecture du livret ou des passages du dossier
Utilisation des pistes d’enseignement ou activités proposées
Pour préparer votre propre enseignement sur l’œuvre
Autre (préciser)
Était-il en adéquation avec le niveau et l’âge de vos élèves ?
Quels ont été les activités ou travaux réalisés en classe avant et après le parcours
pédagogique ?
36
Questionnaire pour les élèves
Oui
Non
Savais-tu ce qu’était l’opéra ou le ballet avant de venir au Grand Théâtre ?
Quelle a été ta première réaction lorsque ton enseignant t’a proposé d’aller voir un
opéra ?
(indique ton degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait)

1
·
2

3
4

5
Comment as-tu trouvé :

1

3
2
4

5
le spectacle en général
les voix/la danse
la musique
les décors
les costumes
la durée du spectacle
·
As-tu aimé les visites :

1

3
2
4

5
du Grand Théâtre/BFM
des Ateliers
·
Quelle activité as-tu préférée ?
·
Est-ce que la préparation en classe t’a aidé(e) à comprendre le spectacle ?

1

2

3
4
5
Oui
Non
Est-ce que tu aimerais revenir au Grand Théâtre?
Si oui, merci de nous renvoyer la petite carte blanche GRAND THEATRE DE GENEVE:
BIENVENUE que ton enseignant t'a remise.
37