Elektra
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Elektra
Elektra Opéra en un acte Musique de Richard Strauss (1864-1949) Livret de Hugo von Hofmannsthal, sur la base de sa pièce de théâtre du même nom (1903), inspirée par la tragédie antique Ἠλέκτρα de Sophocle Créé au Hofoper (actuel Sächsische Staatsoper) de Dresde, le 25 janvier 1909 Chanté en allemand Elektra rêve de révolte et de venger le meurtre de son père. Elle attend le retour de son frère pour l'aider dans ce projet. Obsédée par l'ombre de son père, accablée par les brimades de sa mère et de l'amant de celle-ci, Elektra sombrera dans l'extase sanglante de son hystérie autodestructrice. Les Jeunes au cœur du Grand Théâtre Programme pédagogique, Grand Théâtre de Genève avec le soutien de la Fondation de bienfaisance de la Banque Pictet et de la République et canton de Genève Dossier pédagogique réalisé par Christopher Park septembre-octobre 2010 NB: Ce dossier pédagogique vient soutenir le travail des enseignants et des élèves pendant les six semaines de parcours pédagogique au Grand Théâtre. Il est compilé à partir d'éléments qui sont soit du ressort des connaissances générales, soit fournis par les artistes impliqués dans la production, soit du domaine public, soit dérivés de différents documents en copyleft ou du type GNU Free Documentation Licence. Il est libre de droits d'auteur. Sa diffusion et sa lecture à des fins didactiques ou de formation personnelle non lucratives sont encouragées, mais il n'est pas destiné à servir d'ouvrage de référence pour des travaux de nature académique. 1 Table des matières Introduction p. 3 Les rôles et la distribution de la production du Grand Théâtre p. 4 Ce qui s'est passé avant le début de l'opéra/ Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra ? p. 5 Qui sont les principaux personnages? Quels sont leurs types de voix? p. 8 Qui est Richard Strauss? p. 15 À l'écoute d'Elektra p. 19 Une histoire interminable de vengeance Électre, Oreste et la malédiction des Atrides p. 21 ANNEXES CD d’accompagnement : liste du contenu Textes allemands des extraits du CD d'accompagnement et traduction française Questionnaires d’évaluation pour les élèves et l’enseignant p. 24 p. 25 p. 35 Hors pagination Extraits de la partition d'Elektra pour l'Atelier voix du parcours pédagogique 2 Introduction Ce dossier pédagogique est destiné aux enseignants qui participent au parcours pédagogique proposé autour du programme de l’opéra Elektra, dans le cadre du programme « Les jeunes au cœur du Grand Théâtre ». Ce dossier préparé à l’attention des enseignants du cycle d’orientation et du postobligatoire, contient suffisamment d’informations pour leur permettre d’assurer une bonne préparation des élèves au spectacle. En amont du parcours pédagogique et du spectacle, nous demandons aux enseignants d'utiliser ce dossier pour familiariser leur classe avec: l’argument les personnages et les voix les moments-clé musicaux et dramatiques en lien avec ces voix () Une bonne connaissance de ces trois aspects garantira un maximum de profit et de plaisir pour les élèves prenant part aux ateliers du programme et venant au Grand Théâtre pour assister à la répétition générale d'Elektra . En fonction du niveau des élèves ou du temps à disposition pour aborder la matière, on pourra choisir un ou plusieurs des éléments restants du dossier pour approfondir l'approche de la production du Grand Théâtre par les élèves. En annexe de ce dossier vous trouverez des questionnaires d’évaluation à votre intention ainsi qu’à celle de vos élèves. Merci de bien vouloir les photocopier et en remettre un exemplaire à chaque jeune ayant participé au parcours pédagogique, et de nous les renvoyer remplis accompagnés du vôtre. Cela nous permettra d’évaluer l’intérêt et la pertinence de nos propositions. Il sera également possible de nous déplacer dans les classes afin de renforcer le travail préparatoire, ou de répondre aux questions des élèves dans leur établissement, à l’issue du spectacle si l’enseignant le souhaite. Nous vous remercions pour votre collaboration et vous souhaitons, à vos classes et à vous-mêmes, un parcours pédagogique inoubliable au cœur du Grand Théâtre. Les animateurs du programme pédagogique Kathereen Abhervé Christopher Park [email protected] [email protected] 022 418 31 72 022 418 31 88 3 Les rôles et la distribution de la production au Grand Théâtre L’action se passe dans la Grèce antique à Mycènes, plusieurs années après le retour de la guerre de Troie. Elektra Électre, fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, princesse de Mycènes Jeanne-Michèle Charbonnet soprano Chrysothemis Chrysothémis, soeur d'Électre Erika Sunnegårdh soprano Klytämnestra Clytemnestre, veuve d'Agamemnon et reine de Mycènes Éva Marton soprano Orest Oreste, fils d'Agamemnon Egils Silins baryton Aegisth Égisthe, frère d'Agamemnon et amant de Clytemnestre Jan Vacík ténor Die Vertraute La confidente de Clytemnestre Magali Duceau soprano Die Schleppträgerin Sa porteuse de traîne Cristiana Presutti soprano Ein junger Diener Un jeune serviteur Manfred Fink ténor Ein alter Diener Un vieux serviteur Slobodan Stankovic basse Die Aufseherin La surveillante Margaret Chalker soprano Der Pfleger des Orest Le précepteur d'Oreste Ludwig Grabmeier basse Fünf Mägde Cinq servantes Isabelle Henriquez, mezzo-soprano Olga Privalova, soprano Carine Séchaye, mezzo-soprano Sophie Graf, soprano Bénédicte Tauran, soprano Diener und Dienerinnen Choeur de serviteurs Orchestre de la Suisse romande Direction musicale: Stefan Soltesz Chœur du Grand Théâtre Direction du chœur: Ching-lien Wu Mise en scène: Christof Nel Décor et scénographie: Roland Aeschlimann Costumes: Bettina Walter Lumières: Susanne Reinhardt Répétition générale: lundi 8 novembre 2010, 19h30 Durée du spectacle: environ 1h45 sans entracte 4 Ce qui s'est passé avant le début de l'opéra Agamemnon, roi de Mycènes, fils d'Atrée, eut avec Clytemnestre trois filles, Iphigénie, Chrysothémis et Électre, et un fils, Oreste. À la veille de partir pour la Guerre de Troie, Agamemnon offense la déesse Artémis en tuant une biche avec une adresse que la déesse n'aurait pu égaler. Celle-ci fait souffler un vent contraire afin d'empêcher le départ de la flotte d'Agamemnon. Le devin Calchas annonce que pour calmer la fureur d'Artémis, Agamemnon devra sacrifier sa fille Iphigénie. Il consent à réaliser ce terrible sacrifice. Dix ans plus tard, lorsqu'Agamemnon rentre de la guerre de Troie, il est assassiné par sa femme Clytemnestre et l'amant de celle-ci, Égisthe. Ainsi, Clytemnestre venge, entre autres, le sacrifice d'Iphigénie. La fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, Électre, emporte alors son jeune frère Oreste à l'étranger pour le mettre en sûreté. Oreste grandira en exil, où on lui apprendra qu'il est destiné à venger son père. À la cour de Mycènes, seule Électre conserve le souvenir de son père assassiné et attend le jour de la vengeance. Qu'est-ce qui se passe dans l'opéra ? Dans la cour du palais royal de Mycènes, les servantes puisent de l'eau, sous l'œil d'une surveillante, et parlent d'Électre (Elektra) avec mépris. Elle ne cesse de se plaindre et d'insulter sa mère, la reine Clytemnestre (Klytämnestra), qui ne la chasse pas pour autant du palais. Une jeune servante prend la défense d' Électre ( Piste 7 FÜNFTE MAGD Ich will vor ihr mich niederwerfen). Elle rappelle aux autres servantes qu'on traite la princesse comme une pestiférée parce qu'elle est la seule dans le palais à provoquer la mauvaise conscience des assassins du roi Agamemnon et leurs complices. La surveillante et les autres servantes, irritées, poussent la jeune fille à l'intérieur du palais et la font fouetter. Électre entre en scène et invoque l'esprit d'Agamemnon ( Piste 1 ELEKTRA I Allein! Weh, ganz allein!) comme elle le fait tous les jours, à la même heure – l'heure du meurtre de son père. Comme une possédée, elle évoque le corps ensanglanté de son père, assassiné dans son bain, et se met à délirer en imaginant le festin somptueux et les danses triomphales qui auront lieu lorsqu'arrivera le jour de la vengeance. Sa soeur Chrysothémis (Chrysothemis) l'arrache de son extase pour la prévenir que Clytemnestre et son amant Égisthe (Aegisth), fatigués de ses incessantes provocations, ont décidé de l'enfermer dans une tour aveugle pour le restant de ses jours. Électre ne fait qu'en rire, et invite plutôt sa sœur à se joindre à elle pour venger leur père. Mais Chrysothémis n'est pas de la même trempe qu'Électre: elle n'en peut plus d'attendre le retour de leur frère et rêve plutôt de fuir ce palais, guère mieux qu'une prison, de se marier, d'avoir des enfants et 5 d'accomplir son « destin de femme » ( Piste 3 CHRYSOTHEMIS Du bist es, die mit Eisenklammern.) Un bruit survient, de l'intérieur du palais, et le cortège de la reine se masse sur la scène. Clytemnestre vient d'avoir un terrible cauchemar – encore un! - et veut sacrifier aux dieux afin d'apaiser leur colère. Chrysothémis, effrayée de confronter leur mère, s'enfuit mais Électre reste, prête à lui faire face. Clytemnestre sort du palais, l'aspect effrayant, couverte de bijoux et de talismans, suivie par ses serviteurs. Sa porteuse de traîne et sa confidente la mettent en garde: Électre a beau paraître conciliante aujourd'hui mais il faut s'en méfier. La reine a cependant besoin de sa fille pour trouver un remède contre les songes qui la tourmentent, et elle renvoie sa suite. Seule avec Électre, Clytemnestre lui parle de son mal étrange, contre lequel tous ses rituels et sacrifices ont été vains ( Piste 4 KLYTAEMNESTRA & ELEKTRA Ich habe keine guten Nächte). Électre révèle qu'elle connaît la victime qu'il faut sacrifier pour mettre fin à ses tourments: c'est une femme, mais elle refuse d'abord de la nommer. Dans un long récit, elle explique à sa mère que c'est ellemême la victime et qu'elle sera sacrifiée, après une longue et cruelle poursuite, par le vengeur d'Agamemnon. Clytemnestre reste bouche bée, paralysée d'horreur. À ce moment, sa confidente sort du palais et lui chuchote quelque chose à l'oreille. La reine se ressaisit, appelle sa suite et des flambeaux, et rentre dans le palais avec un sinistre éclat de rire. Chrysothémis apparaît à nouveau, hurlant comme un animal blessé. Elle explique à sa soeur la raison de la joie sadique de Clytemnestre: deux étrangers sont arrivés à Mycènes avec la nouvelle qu'Oreste (Orest) est mort. Un jeune serviteur fait seller un cheval à toute vitesse pour porter la nouvelle à Égisthe, qui se trouve à l'extérieur de la ville. Électre tente à nouveau de persuader Chrysothémis de l'assister dans son projet de vengeance: elle lui révèle qu'elle a conservé et enterré en lieu sûr la hache avec laquelle Agamemnon a été mis à mort. Elle flatte sa sœur en louant sa jeunesse, sa force et sa beauté, elle lui promet sa liberté, un splendide mariage, une nuit de noces inoubliable, la joie de l'enfantement, si seulement elle accepte de l'aider à tuer leur mère et son amant. Mais Chrysothémis, horrifiée par l'idée, s'enfuit. Électre décide donc d'œuvrer seule. Pendant qu'elle creuse le sol pour retrouver la hache, un étranger s'approche d'elle et lui fait le récit de la mort d'Oreste ( Piste 5 OREST & ELEKTRA Ich muss hier warten). Électre refuse de le croire et l'étranger, fasciné par son obstination, lui demande son nom. C'est à peine s'il arrive à reconnaître sa sœur en la créature effrayée et amaigrie qui se tient devant lui. Oreste révèle enfin son identité à Électre: il a dû se faire passer pour un étranger afin d'avoir plus facilement accès au palais et venger leur père. Bouleversée par le bonheur de retrouver son frère vivant ( Piste 2 ELEKTRA II Orest!), Électre lui confesse qu'elle n'est plus que le corps exsangue de la sœur qu'il a connue autrefois, ayant sacrifié sa jeunesse, sa beauté et sa dignité à son obsession de vengeance. Oreste tremble de peur devant l'énormité de la tâche 6 qui l'attend, mais Électre insiste qu'il sera béni pour ce geste. Le deuxième étranger, le vieux précepteur d'Oreste, les interrompt: le temps presse, Oreste doit entrer dans le palais accomplir son devoir sans tarder. Électre n'a même pas eu le temps de déterrer la hache et de la lui donner. On entend les cris perçants de l'agonie de Clytemnestre dans le palais. Chrysothémis et les servantes, alertées par le tumulte, veulent voir ce qui s'est passé mais Électre les empêche de passer et elles s'enfuient à l'arrivée d'Égisthe. Égisthe cherche les étrangers qui sont venu annoncer la mort d'Oreste ( Piste 6 AEGISTH & ELEKTRA He! Lichter!). Électre l'accueille avec une joie bizarre, et malgré sa méfiance, il suit le chemin qu'elle éclaire pour lui avec son flambeau jusque dans le palais où il est tué par Oreste. Chrysothémis accourt pour informer sa sœur de ce qui se passe dans le palais, qui résonne des acclamations du nom d'Oreste. Les fidèles d'Agamemnon massacrent les partisans de Clytemnestre et Égisthe, dans des flots de sang. Électre, consciente d'avoir accompli l'œuvre exigée par les dieux, reste figée dans une extase triomphante et semble à peine se rendre compte du tumulte qui l'entoure. Elle se lève et commence à danser la danse de son triomphe tant attendu. Elle a à peine fait quelques pas qu'elle tombe, sans vie, à terre. Chrysothémis accourt à ses côtés, puis se lève et martèle la porte en appelant en vain Oreste à l'aide. 7 Qui sont les principaux personnages? Quels sont leurs types de voix? Elektra est un excellent exemple d'une histoire que l'on prend « en cours de route ». Comme vous l'avez lu dans l'argument qui précède, il est important de savoir ce qui s'est passé avant le début de l'opéra. Et il faut surtout savoir qui est Agamemnon... Agamemnon Masque dit « d'Agamemnon », masque funéraire en or retrouvé par Heinrich Schliemann dans les fouilles de Mycènes en 1876. Conservé au Musée archéologique d'Athènes. Il fut roi de Mycènes, dans le Péloponèse, région de la Grèce qui porte le nom de son grandpère Pélops. Le père de Pélops, Tantale, le fit tuer et cuire pour le servir à manger aux dieux et leur jouer un tour horrible. À cause de cela, sa descendance fut frappée d'une malédiction: viols, meurtres, incestes et son propre assassinat par sa femme et l'amant de celle-ci, son frère adoptif. Le dernier acte de cette malédiction se joue dans Elektra. Une présence musicale Une présence scénique Agamemnon ne figure pas dans le livret de Hugo von Hofmannsthal. Mais Richard Strauss a composé un motif musical puissant de quatre notes, Ré-La-Fa-Ré, qui scande son nom ( Piste 1, à 01:13) et évoque sa présence spectrale. Dans la mise en scène de Christof Nel au Grand Théâtre, l'ombre d'Agamemnon, vénérée par Elektra, qui hante les cauchemars de Klytämnestra et qui obsède le méchant Aegisth, sera représentée par un figurant. 8 Elektra/Électre (du grec Êlektra, « ambre ») Électre auprès du tombeau d'Agamemnon, Frederic Leighton (1869) La figure mythologique Princesse de Mycènes, elle est la fille du roi Agamemnon et de la reine Clytemnestre. Elle est devenue l'aînée de sa fratrie à la disparition de sa sœur Iphigénie. Quand Agamemnon est parti à la guerre, elle a dû emmener son petit frère Oreste à l'étranger, pour le protéger de Clytemnestre et de son amant Égisthe. À son retour de Troie, la reine et son amant vont assassiner Agamemnon. Électre honore le souvenir de son père et nourrit le projet de le venger. Le personnage dans l'opéra Dans l'opéra de Richard Strauss, Elektra est aux limites de la folie. Son projet de vengeance ( Piste 1 ELEKTRA I Allein! Weh, ganz allein!), son attente sans espoir du retour du frère qui sera l'instrument de cette vengeance, les brimades qu'elle endure de la part des serviteurs d'Égisthe et de Clytemnestre, l'ont transformée en une sorte d'obsédée, aux paroles parfois confuses, à la démarche titubante. Lorsque son frère se révèle à elle, elle redevient soudainement lucide et sa voix se fait tendre et lyrique ( Piste 2 ELEKTRA II Orest!). La mise en scène du Grand Théâtre Dans la mise en scène de Christof Nel, Elektra sera habillée avec un costume moderne de jeune femme de la bonne société (jupe en tweed, cardigan, bijoux et talons aiguille) mais au moment où sa « folie de vengeance » se précise, elle s'habillera avec un costume d'homme (celui de son père) trop grand pour elle, comme symbole de son délire. La chanteuse et sa voix Elektra sera chantée par la soprano étasunienne Jeanne-Michèle Charbonnet (qui porte un nom français parce qu'elle est une Cadienne originaire de la NouvelleOrléans). Jeanne-Michèle Charbonnet est une soprano dramatique. La voix de soprano est la plus haute des voix de femmes. Une soprano dramatique se distingue par la puissance et le volume de sa voix (qui doit souvent rivaliser avec un orchestre très important) et un timbre assez sombre et émouvant. On trouve typiquement des sopranos dramatiques dans les opéras romantiques du XIXe siècle et du début du XXe siècle (Beethoven, Wagner, R.Strauss, Verdi, entre autres) où figurent des héroïnes au destin souvent tragique: Isolde, Leonore/Fidelio, Turandot, Salome, Brünnhilde, etc. 9 Chrysothemis/Chrysothémis (du grec chrysos « or » et themis « loi, coutume, justice ») La figure mythologique Princesse de Mycènes, elle est la fille du roi Agamemnon et de la reine Clytemnestre. Chrysothémis est la plus jeune de la fratrie. Elle vit aussi au palais de Mycènes. Lorsqu'Électre apprend la fausse nouvelle de la mort de leur frère Oreste, elle demande à Chrysothémis de l'aider à accomplir la vengeance du meutre de leur père. Chrysothémis refuse parce qu'elle n'a pas suffisamment confiance en elle-même. D'après les légendes grecques, elle ne s'est jamais mariée. La chanteuse suédoise Berit Lindholm en Chrysothemis, en 1965. (photo: Peter Giljum) Le personnage dans l'opéra Dans l'opéra de Richard Strauss, Chrysothemis est l'antithèse d'Elektra. Autant sa sœur aliénée brise les conventions, autant Chrysothemis cherche à concilier la maison royale de Mycènes et à convaincre sa sœur de la futilité de son projet. Elle est consciente du crime et de l'injustice, mais elle ne veut pas provoquer, se soumet à l'autorité afin de vivre le plus tranquillement possible une vie de femme « normale » ( Piste 3 CHRYSOTHEMIS Du bist es, die mit Eisenklammern). La mise en scène du Grand Théâtre Dans la mise en scène de Christof Nel, le costume que portera Chrysothemis cherchera à mettre en avant sa jeunesse (robe de jeune fille sage, baskets blanches) mais aussi son désir d'accomplir son « destin de femme » (robe de tulle à manches exagérément longues, coiffe et voile de mariée ). La chanteuse et sa voix Chrysothemis sera chantée par une Suédoise qui vit à New York depuis l'âge de 20 ans, Erika Sunnegårdh. Aussi soprano dramatique, Erika Sunnegårdh a débuté dans le monde de l'opéra relativement tard. Elle a « percé » en 2004 avec son premier rôle en Suède et en 2006, elle est choisie pour un premier rôle au Metropolitan Opera de New York, à l'âge de 40 ans. 10 Klytämnestra/Clytemnestre (signifie probablement « célèbre pour ses intrigues ») After the Murder (Clytemnestre, après le meurtre d'Agamemnon) John Collier (1882) La figure mythologique Clytemnestre est la fille de Tyndare, le roi de Sparte, et de Leda. Elle est la sœur d'Hélène, la femme dont la grande beauté fut la cause de la Guerre de Troie. En exil à la cour de Sparte, Agamemnon et son frère Ménélas épousent les deux filles de Tyndare. Pour procéder au sacrifice d'Iphigénie, Agamemnon fait croire à Clytemnestre que sa fille est destinée à épouser le héros grec Achille. Pendant l'absence d'Agamemnon, Clytemestre prend le cousin de celui-ci, Égisthe, comme amant. Égisthe et Clytemnestre tueront Agamemnon à son retour de Troie. Clytemnestre sera elle-même mise à mort plus tard par son propre fils Oreste, pour venger Agamemnon. Le personnage dans l'opéra Dans Elektra, Klytämnestra est une femme âgée, insomniaque et tourmentée par les cauchemars de son passé, comme le meurtre de sa fille Iphigénie, l'humiliation d'avoir été délaissée par son mari pour une prisonnière troyenne qu'il a ramené comme butin de guerre, et les ambitions personnelles de son amant Aegisth ( Piste 4 KLYTAEMNESTRA & ELEKTRA Ich habe keine guten Nächte). Mais elle reste autoritaire et manipulatrice, allant même jusqu'à éclater d'un rire sadique et triomphant quand on lui annonce que son fils Orest est mort. La mise en scène du Grand Théâtre Dans les indications scéniques du livret, il est précisé que Klytämnestra apparaît « en robe écarlate... couverte et recouverte de pierreries et de talismans, les doigts couverts de bagues éclatantes ». Dans la mise en scène de Christof Nel, elle portera une longue robe noire et des bijoux d'allure archaïque et sauvage, évoquant des parures tribales africaines et des gris-gris. La chanteuse et sa voix Le rôle de Klytämnestra est prévu pour une mezzo-soprano, le registre moyen des voix de femme. Comme le timbre de la voix baisse avec l'âge, on voit souvent les sopranos dramatiques chanter Chrysothemis quand elles sont jeunes, Elektra par la suite, et vers la fin de leur carrière, elles prennent le rôle de Klytämnestra. C'est le cas de la soprano hongroise Éva Marton (née en 1943) qui, après avoir fait des adieux officiels à la scène en chantant ce rôle en 2008 à Barcelone, revient pour un baroud d'honneur à Genève! 11 Orest/Oreste (du grec oros « montagne », probablement « celui qui conquiert les montagnes ») Oreste rencontre Électre auprès du tombeau d'Agamemnon Illustration d'Alfred Church, extrait de Stories from the Greek Tragedians (1897), sur la base d'une scène souvent représentée sur les vases de l'Antiquité grecque. La figure mythologique Dernier descendant mâle des Atrides, Oreste est absent de Mycènes quand Agamemnon rentre de la Guerre de Troie. Il apprend, dans son exil, que son père a été assassiné, et environ huit ans plus tard, revient à Mycènes pour aider sa soeur Électre à le venger, en mettant à mort Clyemnestre et son amant Égisthe. Oreste est poursuivi par les Furies, pour punir son matricide, mais il est acquitté grâce à la protection d'Athéna et d'Apollon. Dans une autre version de la légende, Oreste et son compagnon Pylade sont envoyés par Apollon en Tauride. Rendus dans cette contrée lointaine, ils retrouvent la sœur d'Oreste, Iphigénie, qui a été transportée miraculeusement par Artémis au moment de son sacrifice, pour devenir sa prêtresse. Ils reviendront avec elle en Grèce. Le personnage dans l'opéra Le livret de Hugo von Hofmannsthal suit d'assez près la trame de la tragédie antique de Sophocle, mais fait abstraction de Pylade, le compagnon fidèle d'Oreste. Chez Sophocle, Oreste arrive porteur d'une urne funéraire, sensée contenir ses propres cendres, un stratagème que Von Hofmannsthal remplace par un simple témoignage verbal. Mais la scène de la reconnaissance d'Orest par Elektra est conforme à Sophocle: d'abord cachant sa véritable identité à celle en qui il ne reconnaît pas sa soeur et en lui faisant croire qu'Oreste est vraiment mort ( Piste 5 OREST & ELEKTRA Ich muss hier warten), ensuite en se révélant à elle quand il la reconnaît. La mise en scène du Grand Théâtre Orest, personnage itinérant, en exil depuis son enfance, et surtout, ne devant pas faire trop remarquer sa présence dans le palais de Mycènes, apparaîtra dans la mise en scène de Christof Nel, habillé de vêtements étriqués, mal coupés, en grosses chaussures, presque comme un clochard. Le chanteur et sa voix Orest est un rôle de baryton, la voix d'homme naturelle entre le grave (basse) et l'aigu (ténor), avec différentes nuances plus ou moins graves ou élevées. C'est la voix des rôles d'homme adulte ou marié, guerriers, soldats. C'est un baryton-basse originaire de Lettonie, Egils Silins qui incarnera Orest dans la production du Grand Théâtre. 12 Aegisth/ Égisthe (du grec aïx, aïgos « chèvre », parce qu'il avait été nourri au lait de chèvre par les bergers qui l'avaient recueilli) Égisthe et Clytemnestre se préparant à assassiner Agamemnon Tableau de Pierre-Narcisse Guérin (1744-1813), Musée du Louvre La figure mythologique Deux frères, les fils de Pélops, Thyeste et Atrée se sont voués une haine mortelle: l'un a couché avec la femme de l'autre, l'autre fait manger à l'un, sans rien lui dire, la chair rôtie de ses propres enfants. Un oracle prédit qu'Atrée sera tué par l'enfant que Thyeste fera à sa propre fille, Pélopie. Horrifiée par son inceste, la fille de Thyeste abandonne son bébé qui est allaité par une chèvre et élevé par les chevriers. Atrée recueille le petit Égisthe et l'adopte comme fils. Plus tard, Thyeste découvrira qu'Égisthe est son fils. Égisthe tue Atrée, comme l'avait prédit l'oracle, et envoie ses fils Agamemnon et Ménélas en exil à Sparte. Par la suite Agamemnon reconquiert son royaume et Égisthe prend la fuite. Il reviendra quand Agamemnon sera parti guerroyer sous les murs de Troie, prendra Clytemnestre comme amante et la convaincra d'assassiner Agamemnon à son retour de Troie. Le personnage dans l'opéra Le criminel et tyrannique Aegisth est paranoïaque au sujet de sa propre sécurité, il interdit aux étrangers de s'approcher de lui, se méfie de tout. Il ne vivra pas tranquille tant qu'il sait que le fils d'Agamemnon est de ce monde. Égisthe n'est pas dans la maison quand les étrangers arrivent pour annoncer la mort d'Oreste. Il se méfie de la figure étrange et échevelée d'Elektra ( Piste 6 AEGISTH & ELEKTRA He! Lichter!). Avec raison, car elle va le guider avec son flambeau dans le palais où il paiera de sa vie pour ses crimes sous l'épée d'Orest. La mise en scène du Grand Théâtre Aegisth figurera en costume trois-pièces sobre, avec des épaules tombantes (pour mettre en avant son côté « lâche et fuyant »?) et des chaussures épaisses. Le chanteur et sa voix Le rôle d'Aegisth est écrit pour un ténor, la plus aiguë des voix naturelles de l'homme, en général cette voix est celle des héros romantiques, souvent jeunes et amoureux. Mais parfois ce type de voix est aussi utilisé chez un personnage d'âge mûr pour souligner un aspect vaguement ridicule ou hystérique. Strauss a aussi utilisé un ténor dans Salome pour incarner le roi Hérode, le beau-père veule et sexuellement obsédé de la princesse Salomé. C'est le ténor tchèque Jan Vacík qui chantera le rôle d'Aegisth. 13 Les personnages secondaires De tous les personnages secondaires d'Elektra, seul le vieux précepteur d'Orest figure dans la tradition grecque: dans la tragédie de Sophocle, il tient presque les mêmes propos que dans le drame de Hugo von Hofmannsthal. Sophocle, Électre (trad. Leconte de Lisle) LE PAIDAGÔGUE. Ô très insensés et très imprévoyants, ne vous souciez-vous donc point de votre vie, ou avezvous perdu l'esprit ; que vous ne vous aperceviez pas que le malheur est proche, ou que, plutôt, vous y êtes plongés le plus dangereusement ? (...) À vous deux, qui êtes là, je dis que le temps d'agir est venu. Klytaimnestra est maintenant seule et il n'y a aucun homme dans la demeure ; mais, si vous tardez, songez que vous devrez combattre, avec ceux-ci, bien d'autres ennemis plus habiles. Hugo von Hofmannsthal, Elektra Le Précepteur Avez-vous perdu l'esprit de rester là à bavarder là ou un souffle, un bruit, un rien du tout pourrait être notre perte et la ruine de notre projet? Klytämnestra attend à l'intérieur, ses servantes sont à ta recherche, il n'y plus un seul homme dans la maison. Un personnage dans l'opéra: la Cinquième Servante Dans la suite des servantes de Klytämnestra, un rôle se détache, autant par ses caractéristiques dramatiques que par sa teneur musicale. C'est la cinquième servante qui refuse de faire écho aux ragots de ses collègues à propos d'Elektra, et qui prend plutôt sa défense, rappelant qu'elle seule est restée fidèle au souvenir d'Agamemnon ( Piste 7 FÜNFTE MAGD Ich will vor ihr mich niederwerfen). Pour sa témérité, la jeune femme sera emmenée dans le palais et battue. La voix de ce rôle est celle d'une soprano lyrique, c'est à dire plus légère et chantante qu'une soprano dramatique. La différence de timbre est importante pour souligner la jeunesse et l'intégrité du personnage. C'est Bénédicte Tauran, soprano, membre de la troupe des jeunes solistes en résidence au Grand Théâtre, qui chantera le rôle de la Cinquième Servante. Les servantes du palais de Mycènes dans la première scène d'Elektra Production du Grand Théâtre de Genève (1999) Photo: GTG 14 Qui est Richard Strauss? Richard Georg Strauss (1864-1949) Compositeur allemand dont la musique appartient autant à l'époque romantique tardive qu'à la modernité. Il s'est distingué par le style profondément lyrique de ses compositions, autant celles pour la voix et la scène, que ses œuvres strictement instrumentales. Son orchestration riche et subtile s'appuie sur un style harmonique audacieux, inspiré par Wagner. Chez Richard Strauss, le désir d'expérimentation sonore (dont Elektra est un exemple parfait) s'unit à une profonde admiration pour les traditions musicales qui l'ont précédé. À cause de cela, Strauss n'est pas considéré comme un musicien d'avant-garde, mais plutôt comme le "dernier Romantique", même si son œuvre a eu une profonde influence sur le développement de la musique au XXe siècle. À noter qu'il n'y a aucune lien de parenté entre Richard Strauss et les deux Johann Strauss père et fils, compositeurs d'opérettes et de musique légère viennois. Une enfance à l'opéra Franz Strauss tenait le pupitre de corniste au Théâtre de la Cour de Munich et c'est de lui que son fils Richard reçut la plus grande partie de son éducation musicale (ainsi qu'un amour fidèle pour le son chaud et vibrant du cor, qui jouera toujours un rôle important dans ses orchestrations). Le jeune garçon grandit dans le Hoftheater, l'un des plus beaux théâtres d'opéra d'Europe, et c'est là qu'il entend, à l'âge de 10 ans, une musique qui le marquera pour la vie: les opéras Lohengrin et Tannhäuser de Richard Wagner. En 1882, il entre à l'Université de Munich, mais interrompt rapidement ses études de lettres pour partir à Berlin, apprendre le métier de chef d'orchestre auprès de Hans von Bülow, le premier des grands chefs wagnériens. En 1894, lors d'une répétition, Strauss se querelle avec une soprano, qui quitte la salle pour repartir dans sa loge en claquant la porte. Le jeune chef court après 15 elle, entre dans la loge. Un quart d'heure après, ils en sortent tous deux, fiancés. Pauline de Ahna est une jeune femme de bonne famille, caractérielle, excentrique et elle ne mâche pas ses mots. Mais leur mariage sera long et heureux, et elle sera l'inspiratrice, et souvent l'interprète, de certaines de ses plus belles pages pour la voix de soprano, une voix que Richard Strauss fit régner en maîtresse dans ses opéras et ses mélodies vocales. L'époque des poèmes symphoniques Les premières compositions de Richard Strauss sont de format assez classique, des concertos (comme son Concerto pour cor) où l'on entend assez bien l'influence de la première tradition romantique allemande (Schumann et Mendelssohn, notamment). Vers 1880, le jeune chef d'orchestre décide d'expérimenter avec un genre moins conventionnel, le poème symphonique, qui est une grande partition où l'orchestre se fait le narrateur d'un récit bien connu (Don Juan, Till l'Espiègle, Don Quichotte), voire d'un essai philosophique, comme Ainsi parlait Zarathoustra (1896), inspiré par le poème philosophique de Friedrich Nietzsche, dont l'ouverture en fanfare solennelle est désormais indissociable des premières minutes du film 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick. Les poèmes symphoniques de Richard Strauss sont des vitrines de prestige pour les grands orchestres philharmoniques et symphoniques, à leur heure de gloire. Les opéras Les premières tentatives de Richard Strauss pour la scène lyrique n'ont pas connu un grand succès. Guntram (1894) fut le premier grand échec de sa carrière, tout comme Feuersnot (1901) que la critique jugea obscène. En 1905, inspiré par la pièce de théâtre d'Oscar Wilde, il signe Salome et c'est un triomphe: trente-huit rappels à la création de l'œuvre à Dresde. Le sujet scandaleux joue un grand rôle dans la popularité de l'opéra: tout le monde veut voir la soprano planter ses lèvres sur la tête décapitée de Jean-Baptiste après avoir effectué un strip-tease délirant de 20 minutes dans la "Danse des sept voiles". Mais la musique va audelà du sensationnel: Gustav Mahler parlait de Salome comme d'un "volcan en activité, un feu souterrain". Pour Richard Strauss, c'est la consécration. Avec les revenus de Salome, il se paiera une luxueuse villa dans les Alpes bavaroises, à Garmisch-Partenkirchen. Strauss avait utilisé des accords dissonants dans Salome, pour souligner les aspects inquiétants et effrayants du récit. Dans son opéra suivant, Elektra (1909), il ira encore plus loin dans cette pratique, mais le public bourgeois allemand n'est pas encore prêt pour de telles audaces. Après Elektra, Richard Strauss va modérer son langage harmonique quelque peu, et toutes ses compositions lyriques tardives connaîtront ainsi un grand succès auprès du public: depuis Der Rosenkavalier ("Le Chevalier à la rose"), en 1910; Ariadne auf Naxos ("Ariane à Naxos") en 1912 jusqu'à Capriccio, son dernier opéra (1941). 16 À l'ombre de la croix gammée En 1933, le parti nazi d'Adolf Hitler prend le pouvoir en Allemagne. Strauss a 68 ans et se laisse convaincre qu'il faut collaborer avec Hitler, grand admirateur de Wagner et de sa propre musique (il a adoré Salome), dans l'intérêt de la promotion de l'art et de la culture allemands. Mais Strauss se méfie également de la nouvelle idéologie: son fils a épousé une Juive, et ses petits-enfants ne sont donc pas Aryens. Les Nazis partagent les sentiments d'ambivalence que Strauss maintient à leur égard. Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Hitler, écrivait dans son journal: Malheureusement, nous avons encore besoin de lui, mais un jour nous aurons notre propre musique et nous n'aurons plus besoin de ce névrosé décadent. C'est donc à cause de sa célébrité internationale et par opportunité que Strauss est nommé président de la Reichsmusikkammer, le Bureau de musique du Reich. Strauss essaye de ne pas s'engager politiquement mais sa position devient vite intenable: les Nazis interdisent la musique de Debussy, Mahler et Mendelssohn. Hitler et Goebbels boudent la création de son opéra Die schweigsame Frau ("La Femme silencieuse") parce que son librettiste, Stefan Zweig, est juif. Strauss écrit à Zweig: Pensez-vous que, dans n'importe quelle de mes actions, je me laisse guider par l'idée que je suis "Allemand"? Pensez-vous que Mozart avait la conscience d'être "Aryen" quand il composait? Pour ma part, je ne reconnais que deux genres de personne: ceux qui ont du talent, et ceux qui n'en ont pas. La Gestapo intercepta cette lettre et Strauss perdit son poste d'intendant de la musique allemande. Strauss dut continuer à flatter différents officiels nazis à Vienne, Munich et Berlin pour assurer la protection de son fils, de sa belle-fille juive et de leurs deux enfants, qu'il réussit à faire libérer après deux jours de détention par la Gestapo et qui durent rester en résidence surveillée à GarmischPartenkirchen jusqu'à la fin de la guerre. « Je suis Richard Strauss » En 1945, Richard Strauss signe Metamorphosen ("Métamorphoses"), pour 23 instruments à cordes. C'est une élégie introspective, un état des lieux rempli d'émotion tragique de l'état de son pays au sortir de la guerre. Tout ce qu'il a connu et aimé, comme le cher Hoftheater de son enfance à Munich, a été rasé par les bombes. Il écrit dans son journal intime: La période la plus terrible de l'histoire humaine vient de s'achever. Douze années de règne de la bestialité, de l'ignorance et de l'inculture par les plus infâmes criminels ont suffi pour anéantir deux mille ans d'évolution de la culture allemande. 17 En avril 1945, les Américains arrivent à Garmisch. Au lieutenant Milton Weiss de l'armée étasunienne, venu chez lui pour l'arrêter, il annonce avec dignité, en descendant le grand escalier de sa villa: « Je suis Richard Strauss, le compositeur de Rosenkavalier et de Salome ». Il sera finalement protégé par les forces alliées, et finira sa vie dans une tranquillité relative. Son chant du cygne, ultime hommage à la voix de soprano qu'il avait tant aimée, furent les Vier letzte Lieder ("Quatre derniers Lieder"), composés un an avant sa mort en 1949. Son épouse Pauline lui survécut à peine six mois. Le monde de Richard Strauss De la tendresse en dentelles, exquise, féminine (même en culottes...) et délicieusement démodée de Der Rosenkavalier... ... à des photo-ops de propagande nazie, où deux personnages qui se détestaient avec passion, échangent des sourires cordiaux devant les caméras de la presse. Ici, Richard Strauss avec Joseph Goebbels, le ministre de la propagande d'Hitler 18 À l'écoute d'Elektra Accords dissonants et tonalités fluides Dans Elektra, crée quatre ans après Salome en 1909, Richard Strauss continue son exploration des techniques de composition qui marquent la transition de la musique romantique vers la musique moderne. La dissonance: l'utilisation consciente d'accords ou de mélodies qui ne sont pas "agréables à l'oreille" ou qui "sonnent faux". Plus justement, ce sont des combinaisons de notes qui ne progressent pas vers une résolution harmonique. Le chromatisme: la progression classique des notes est celle de la gamme, où presque toutes les notes sont séparées par un ton. En créant une gamme où toutes les notes sont séparées par un demi-ton, on enrichit la couleur de la gamme, en la rendant chromatique. Les compositions chromatiques se distinguent par leurs évocations exotiques, voire inquiétantes. La fluidité tonale: dans la technique de composition classique, le passage d'une tonalité à une autre est régie par des règles très strictes (p. ex. de tonique à dominante). La musique classique moderne se libère de ces règles et passe d'une tonalité à une autre, en créant des modulations et des sensations d'écoute inattendues. Le meilleur exemple de dissonance dans Elektra est l'accord joué en arpège qui précède la première intervention d'Elektra ( Piste 1 ELEKTRA I Allein! Weh, ganz allein!). Cet accord que les musicologues appelent "L'accord Elektra" est la "signature" de l'œuvre. Strauss va décomposer cet accord à plusieurs reprises dans l'opéra pour en faire une mélodie qui identifie Elektra et sa mission fatidique. Strauss fait contraster cet accord dissonant avec les trois notes diatoniques (donc harmoniquement classiques) du motif d'Agamemnon. On peut comprendre, à l'écoute, qu'Elektra est issue d'Agamemnon, mais que des « faux sons » (les crimes de sa mère, le rejet après le meurtre de son père, 19 son obsession de vengeance qui l'a rendue folle) ont « compliqué » son personnage complexe. L'orchestre d'Elektra Pour soutenir une partition remplie d'émotion et d'horreur, Strauss a créé une palette orchestrale vaste et variée. Les instruments à vent sont richement représentés: un piccolo, trois flûtes, trois hautbois, un heckelphone, cinq clarinettes, 2 cors de basset, une clarinette basse, trois bassons et un contrebasson, huit cors, six trompettes, une trompette basse, deux trombones ténor, un trombone basse, un trombone contrebasse et un tuba. Les percussions sont tout aussi diverses: six timbales, une caisse claire, un tambour de basse, cymbales, tam-tam, triangle, tambourin, castagnettes, glockenspiel et célesta. La fosse du Grand Théâtre, même approfondie à sa « norme Wagner », est à peine assez grande pour contenir tous les instrumentistes que Richard Strauss a exigé pour sa partition. Et certains instruments, comme le heckelphone (une sorte de hautbois au timbre très grave) ne sont presque plus joués de nos jours. On va donc devoir éditer quelque peu l'orchestration originale pour les besoins de cette production, mais le public est toujours assuré d'une interprétation décoiffante par son volume et sa richesse sonore. Quant aux solistes dont les voix devront se faire entendre par-dessus cette déferlante musicale, elles sont assurées de notre plus profond respect... 20 Une histoire interminable de vengeance Électre, Oreste et la malédiction des Atrides Dans la mythologie grecque, on a souvent affaire à des familles qui souffrent pendant des générations des conséquences du comportement méchant, impie ou tout simplement irréfléchi de l'un de leurs ancêtres envers les très susceptibles divinités de l'Olympe. La descendance de Persée, les Perséides, perdit le trône d'Argos parce que Persée avait accidentellement tué son grandpère Acrisios. Quant aux filles de Danaos, les Danaïdes, qui avaient tué leurs maris sur le conseil de leur père, la malédiction n'alla pas bien loin puisqu'elles furent toutes condamnées au supplice du remplissage éternel d'un tonneau percé dans les Enfers. Mais nulle famille de l'Antiquité eut autant la poisse que la race maudite de Pélops: les Atrides. Elle a inspiré une grande quantité de poètes et d'écrivains, de la Grèce antique à nos jours, de Homère à Jean-Paul Sartre, en passant par Marvel Comics et les manga. La malédiction des Atrides se décline en de nombreuses versions, avec des dénouements divers et compliqués, sur une trame de base bien gore, commune à toutes. Pour essayer de faire simple, nous allons nous tenir à la version que Hugo von Hofmannsthal tira de la tragédie Êlektra de Sophocle, écrite en 401 av. J.-C., et de ses antécédents chez Homère. Avec une conclusion un peu tirée par les chevaux... pardon, par les cheveux! Tantale Tout commence avec l'ancêtre Tantale, roi en Phrygie (actuellement l'Asie mineure) qui était un habitué des banquets des Olympiens, où il se croyait visiblement comme chez lui, allant jusqu'à chiper aux Immortels des portions du nectar et de l'ambroisie, leur unique nourriture. Cette hubris, un très vilain défaut pour les Grecs anciens (orgueil aggravé de témérité), lui fit aller jusqu'à faire un ragoût avec la chair de son propre fils, et le servir à Zeus et Cie., sans les prévenir de ce qui était vraiment au menu. Comme ils étaient des Dieux et forcément au courant, ils n'ont pas touché au plat, sauf Démeter, que la disparition récente de sa fille Perséphone avait rendu distraite et qui goûta à un morceau de son épaule. Le mal était fait. Exceptionnellement, les Parques épargnèrent le pauvre Pélops et le reconstituèrent à partir de son ragoût. Démeter demanda même à Héphaïstos de lui fabriquer une nouvelle épaule en ivoire. Beau début pour Tantale, coupable de cannibalisme, de sacrifices humains et d'infanticide, que les Grecs cultivés de l'époque de Sophocle avaient tous en horreur. Tantale finit dans le Tartare, la section dure des Enfers, attaché avec de l'eau jusqu'au cou, dont le niveau se baissait chaque fois qu'il penchait la tête pour en boire. D'où l'expression, supplice de Tantale. 21 Pélops et Hippodamie Tombé amoureux de la belle Hippodamie, Pélops dut la disputer à son père, le roi Oenomalos, dans une course de chars. Bien qu'équipé par Poséidon, dont il était le favori, d'un char tiré par des chevaux ailés, Pélops ne voulait pas prendre de chances. Il se fit ami avec le conducteur d'Oenomalos, Myrtilos (à qui il promit la virginité d'Hippodamie et un tas de pognon) et remplaça les boulons en bronze des essieux du char d'Oenomalos par des copies en cire peinte. Au plus chaud de la course, Oenomalos allait rattraper Pélops et lui trancher la tête (comme ils avait fait à tous les prétendants d'Hippodamie par le passé), les roues du char se détachèrent et le chariot éclata en morceaux. Myrtilos avait prévu la chute, mais pas Oenomalos qui fut traîné à mort par ses propres chevaux. Pélops non seulement refusa de donner à Myrtilos ce qu'il lui avait promis, mais le poussa dans la mer du haut d'une falaise. La malédiction des Atrides commence avec les imprécations de Myrtilos sur la descendance de Pélops, alors qu'il tombe dans le vide. Atrée et Thyeste Les fils de Pélops et d'Hippodamie furent les premiers à connaître les rivalités meurtrières d'une scoumoune olympienne. Ils tuèrent leur demi-frère, avec l'aide de leur mère jalouse, et Pélops les chassa de Phrygie. Ils vinrent s'établir à Mycènes, où Hippodamie se pendit. La femme d'Atrée, Érope, devint la maîtresse de Thyeste. Quand Atrée apprit cela, il sortit le livre de recettes du grand-père et servit un ragoût pour Thyeste, préparé avec la chair de ses propres fils. Dont il exhiba les mains et les pieds coupés au moment du dessert. Ayant goûté, même involontairement, à de la chair humaine, Thyeste dut prendre l'exil. Un oracle prédit à Thyeste que le fils qu'il engendrerait avec sa propre fille Pélopie, serait l'assassin d'Atrée. Thyeste viola donc sa fille, et ainsi naquit un enfant que Pélopie abandonne honteusement sur le flanc d'une montagne. Recueilli par des chévriers, qui le nommèrent Égisthe, le petit garçon fut – ironie du sort! – adopté par Atrée qui l'éleva avec ses propres fils Agamemnon et Ménélas. Une fois adulte, Égisthe apprendra de Thyeste qu'il est à la fois son père et son grand-père. Adultère, inceste, et cannibalisme rituel refont leur apparition dans la famille maudite. Égisthe tuera Atrée, et ensuite Agamemnon, non sans avoir avant cela pris sa femme Clytemnestre comme maîtresse. Cette histoire-là, c'est l'intrigue d'Elektra qu'il est inutile de répéter ici. Le happy end des Atrides? Ce que Sophocle et Von Hoffmanstahl ne nous racontent pas (ici c'est Éschyle qui prend la relève) dans l'Orestie, c'est que Clytemnestre a maudit Oreste, en 22 tombant sous ses coups. Oreste avait appris le meurtre de son père par l'oracle d'Apollon à Delphes, qui lui rappela son devoir de vengeance. Comme le matricide était aussi très mal vu chez les Grecs anciens, Oreste fut poursuivi par les Furies, qui châtient tout manquement aux devoirs de la famille. Ayant cherché le refuge et l'absolution de sa faute dans le temple d'Apollon à Delphes, Oreste est purifié grâce un rituel impliquant une copieuse quantité de sang de cochon. La déesse Athéna organise même un tribunal civil, celui des douze juges attiques sur l'Acropole, pour délibérer de l'absolution. Les furies demandèrent leur victime, Oreste plaida les ordres d'Apollon. Six des juges votèrent pour, et six contre: Athéna eut le vote déterminant en faveur d'Oreste. À noter ici que la seule solution véritable à la poisse engendrée par tant de divines sensibilités offusquées est celle de l'autorité civile, humaine et mortelle. Euripide, dans Iphigénie en Tauride, propose un autre dénouement heureux à l'histoire des Atrides. Poussés par les Furies, jusqu'aux rivages orientaux de la Mer Noire et ayant fait naufrage sur les côtes du royaume sauvage de Tauride, Oreste et Pylade sont appréhendés par les autochtones, qui sont des adeptes de sacrifices humains. Ils sont traînés devant la grande prêtresse d'Artémis, qui s'avère être... la soeur d'Oreste, Iphigénie, remplacée par Artémis elle-même alors qu'elle allait lui être immolée sur ses autels et transportée miraculeusement en Tauride! Les trois Grecs réussiront à s'échapper de Tauride et revenir sains et saufs à Mycènes, où Iphigénie épouse Pylade et Oreste devient roi. Mais ça c'est le sujet d'un autre opéra... Oreste poursuivi par les Furies Tableau de William-Adolphe Bouguereau (1862) Chester Collection, Norfolk (Virginie), États-Unis 23 CD d'accompagnement Enregistrement original en direct du Grand Théâtre de Genève Orchestre de la Suisse Romande Direction: Sir Jeffrey Tate Elektra: Dame Gwyneth Jones; Klytämnestra: Leonie Rysanek Chrysothemis: Dame Anne Evans; Aegisth: Ronald Hamilton Orest: Wolfgang Schöne; 5 Magd: Antoinette Faes Chœur du Grand Théâtre de Genève 1990, 2005 Claves Records/Thun 1. ELEKTRA 1 Agamemnon & Elektra-Akkord Allein! Weh, ganz allein 2. ELEKTRA 2 La reconnaissance du frère Orest! 3. CHRYSOTHEMIS Le destin d'une femme Du bist es, die mit Eisenklammern 4. KLYTAEMNESTRA (& ELEKTRA) Les cauchemars de la mère Ich habe keine gute Nächte 5. OREST (& ELEKTRA) Le retour du frère Ich muss hier warten 6. AEGISTH (& ELEKTRA) La folie d'Électre He! Lichter! 7. FÜNFTE MAGD (& DIE AUFSEHERIN) Qui est Électre? Ich will vor ihr mich niederwerfen 8. CHOEUR (& CHRYSOTHEMIS) Extrait destiné à l'Atelier Formation Voix Elektra! Schwester!/Orest! 24 ELEKTRA Textes allemands et traductions françaises des extraits musicaux Traductions: Christopher Park 1. ELEKTRA I 1. ELEKTRA I Agamemnon & l'accord d'Elektra Allein! Weh,ganz allein! Der Vater fort, hinab gescheucht in seine kalten Klüfte... Agamemnon! Agamemnon! Wo bist du, Vater? Hast du nicht die Kraft dein Angesicht herauf zu mir zu schleppen? Es ist die Stunde, uns're Stunde ist's, die Stunde wo sie dich geschlacht haben, dein Weib und der mit ihr in einem Bette, in deinem königlichen Bette schläft. Sie schlugen dich im Bade tot, dein Blut rann über deine Augen, und das Bad dampfte von deinem Blut. Da nahm er dich der Feige, bei den Schultern, zerrte dich hinaus aus dem Gemach, den Kopf voraus, die Beine schleifend hinterher: dein Auge, das starre, off'ne, sah herein in's Haus. So kommst du wieder, setzest Fuss vor Fuss und stehst auf einmal da, die beiden Augen weit offen und ein königlicher Reif von Purpur ist um deine Stirn, der speist sich aus des Hauptes off'ner Wunde. Seule! Hélas, vraiment seule! Mon père a disparu, enseveli dans le froid tombeau... Agamemnon! Agamemnon! Père, où es-tu? N'as-tu pas la force de lever à nouveau vers moi ton visage? 2. ELEKTRA II 2. ELEKTRA II La reconnaissance du frère Orest! Orest! Orest! Orest! Es rührt sich niemand. O, lass deine Augen mich seh'n, Oreste! Oreste! Oreste! Oreste! Personne ne bouge. Oh, laisse tes yeux me contempler, Voici l'heure, notre heure, l'heure où ils t'ont assassiné, ta femme et celui qui dort avec elle dans le même lit, dans ton lit royal. Ils t'ont frappé à mort dans ton bain, tu avais du sang jusque par-dessus les yeux, ton bain fumait avec ton sang. Et le lâche t'a pris par les épaules, il t'a tiré hors de la pièce, la tête la première et les jambes traînant derrière toi: ton oeil grand ouvert, le regard figé sur la maison que tu laissais derrière toi. C'est ainsi que tu reviendras, un pas après l'autre, et soudain tu seras là, debout, les deux yeux grands ouverts, et une couronne de pourpre royal sur ton front, nourrie par la plaie ouverte de ta tête. 25 Traumbild, mir geschenktes Traumbild, schöner als alle Träume. Hehres, unbegreifliches, erhabenes Gesicht, o bleib bei mir! Lös' nicht in Luft dich auf, vergeh mir nicht, vergeh mir nicht, es sei denn, dass ich jetzt gleich sterben muss und du dich anzeig'st und mich holen kommst: dann sterb' ich seliger als ich gelebt. Orest! Orest! Orest! vision de rêve, vision de rêve qui m'a été accordée, plus belle que tout autre rêve. Noble, ineffable, sublime visage, oh, ne me quitte pas! Ne te dissous pas dans l'air, ne disparais pas, ne disparais pas de ma vue, car même si je dois maintenant mourir, en ce moment où tu te montres à moi et où tu es venu me chercher, alors je mourrais plus heureuse que j'ai vécu. Oreste! Oreste! Oreste! 3. CHRYSOTHEMIS (& ELEKTRA) 3. CHRYSOTHEMIS (& ELEKTRA) Le destin d'une femme CHRYSOTHEMIS (…) Hab erbarmen! CHRYSOTHÉMIS (...) Aie pitié! ELEKTRA Mit wem? ÉLECTRE De qui? CHRYSOTHEMIS Du bist es, die mit Eisenklammern mich an den Boden schmiedet. Wärst nicht du, sie liessen uns hinaus. Wär nicht dein Hass, dein schlafloses, unbändiges Gemüt, vor dem sie zittern, ah, so liessen sie uns ja heraus, aus deisem Kerker, Schwester! Ich will heraus! Ich will nicht jede Nacht bis an den Tod hier schlafen! Eh' ich sterbe, will ich auch leben! Kinder will ich haben, bevor mein Leib verwelkt, und wärs ein Bauer, dem sie mich geben; Kinder will ich ihm gebären und mit meinem Leib sie wärmen in kalten Nächten wenn der Sturm die Hütte zusammenschüttelt! Hörst du mich an? Sprich zu mir, Schwester! CHRYSOTHÉMIS C'est toi qui me fixe au sol avec des pinces de fer. Si ce n'était pour toi, ils nous laisseraient partir. Si ce n'était pour ta haine et ton esprit toujours sur le qui-vive, incontrôlable, qui les fait trembler, ah! ils nous auraient déjà laissé partir de ce cachot, ma sœur! Je veux partir! Je ne veux pas dormir toutes mes nuits ici jusqu'à ma mort! Je veux vivre avant de mourir! Je veux avoir des enfants, avant que mon corps ne se flétrisse, et même si on me donnait à un paysan, je lui porterais volontiers ses enfants, et je les réchaufferai avec mon corps dans les froides nuits où la tempête secoue notre cabane. Tu m'écoutes? Parle-moi, ô ma sœur! 26 ELEKTRA Armes Geschöpf! ÉLECTRE Pauvre créature! CHRYSOTHEMIS Hab Mitleid mit dir selber und mit mir! Wem frommt den solche Qual? Der Vater, der ist tot. Der Bruder kommt nicht heim. Immer sitzen wir auf der Stange wie angehängte Vögel, wenden links und rechts den Kopf und niemand kommt, kein Bruder, kein Bote von dem Bruder, nicht der Bote von einem Boten. Nichts! Mit Messern gräbt Tag um Tag in dein und mein Gesicht sein Mal und draussen geht die Sonne auf und ab, und Frauen, die ich schlank gekannt hab', sind schwer von Segen, müh'n sich zum Brunnen, heben kaum die Eimer, und auf einmal sind sie entbunden ihrer Last, kommen zum Brunnen wieder, und aus ihnen selber quillt süsser Trank und säugend hängt ein Leben an ihnen, und die Kinder werden gross. Nein, ich bin ein Weib und will ein Weiberschicksal! CHRYSOTHÉMIS Aie pitié de toi-même et de moi! À qui profite un tel tourment? Notre père est mort. Notre frère ne reviendra plus. Nous sommes comme deux oiseaux en cage, sur leur perchoir, tournant la tête à gauche puis à droite, mais personne ne vient. Pas de frère, pas de messager de notre frère, pas de messager du messager. Rien! Chaque jour qui passe grave sa trace avec ses couteaux dans nos visages et dehors, le soleil se lève et se couche et les femmes que j'ai connues minces sont lourdes de leur bonheur, elles se traînent avec peine au puits, arrivent à peine à soulever leurs seaux, et voilà qu'elles sont soudain délivrées de leur fardeau, elles reviennent au puits et leur corps distille une douce boisson, et une créature vivante tête leur mamelle, et leurs enfants deviennent grands. Non! Je suis une femme, et je veux un destin de femme! 4. KLYTAEMNESTRA (& ELEKTRA) 4. KLYTAEMNESTRA (& ELEKTRA) KLYTAEMNESTRA Ich habe keine gute Nächte. Weisst du kein Mittel gegen Träume? CLYTEMNESTRE Je ne dors plus la nuit. Ne connais-tu pas un remède contre les rêves? ELEKTRA Träumst du, Mutter? ÉLECTRE Tu rêves, Mère? KLYTAEMNESTRA Wer älter wird, der träumt. Allein, es lässt sich vertreiben, Es gibt Bräuche. Es muss für alles CLYTEMNESTRE Quand on vieillit, on rêve. Mais on peut aussi disperser les songes. Il y a des rituels. Il y a un rituel approprié Les cauchemars de la mère 27 richt'ge Bräuche geben, Darum bin ich so behängt mit Steinen, denn es wohnt in jedem ganz sicher eine Kraft. Man muss nur wissen, wie man sie nützen kann, Wenn du nur wolltest, du könntest etwas sagen, was mir nützt. pour tout. Voilà pourquoi je suis parée de pierreries, car il y a pour sûr en chacune d'elles une force. Il faut seulement savoir comment s'en servir. Si tu le voulais seulement, tu pourrais me dire quelque chose pour m'aider. ELEKTRA Ich, Mutter, ich? ÉLECTRE Moi, Mère? Moi? KLYTAEMNESTRA Ja, du! Denn du bist klug. In deinen Kopf ist alles stark. Du könntest vieles sagen, was mir nützt. Wenn auch ein Wort nichts weiter ist! Was ist denn ein Hauch? Und doch kriecht zwischen Tag und Nacht, wenn ich mit off'nen Augen lieg', ein Etwas hin über mich. Es ist kein Wort, es ist kein Schmerz, es drückt mich nicht, es würgt mich nicht. Nichts ist es, nicht einmal ein Alp, und dennoch, es ist so fürchterlich, dass meine Seele sich wünscht, erhängt zu sein, und jedes Glied in mir schreit nach dem Tod, und dabei leb' ich und bin nicht einmal krank: du siehst mich doch: seh' ich wie eine Kranke? CLYTEMNESTRE Oui, toi! Car tu es sage. Dans ta tête, tout est vigoureux. Tu pourrais me dire beaucoup de choses utiles. Même un simple mot! Ou un simple souffle! Et pourtant, entre le jour et la nuit, pendant que je suis couchée, les yeux grand ouverts, il y a quelque chose qui rampe sur moi. Ce n'est pas un mot, ce n'est pas une douleur, elle ne m'oppresse pas, elle ne m'étouffe pas, ce n'est rien, pas même un cauchemar, et pourtant cette chose est si effrayante que mon âme voudrait mourir pendue et chaque membre de mon corps désire la mort, et c'est ainsi que je reste vivante, sans même être malade: regarde-moi donc! Ai-je l'air de quelqu'un de malade? Kann man denn vergeh'n, lebend, wie ein faules Aas? Kann man zerfallen, wenn man gar nicht krank ist? Zerfallen wachen Sinnes, wie ein Kleid, zerfressen von den Motten? Und dann schlaf ich und träume, träume, dass sich mir das Mark in den Knochen löst, und täumle wieder auf, und nicht der zehnte Teil der Wasseruhr ist abgelaufen, und was unterm Vorhang herein Peut-on périr tout en restant vivante et pourrir comme une charogne? Peut-on se délabrer ainsi, si l'on n'est pas malade? Se délabrer, en pleine conscience, comme un vêtement dévoré par les mites? Et ensuite, je dors et je rêve, je rêve que la moelle de mes os se liquéfie, et je me réveille en sursaut, mais la clepsydre ne s'est pas même écoulée d'un dixième, et quelque chose brille sous les rideaux comme un rictus 28 grinst, ist noch nicht der fahle Morgen, nein, immer noch die Fackel vor der Tür, die gräslich zuckt wie ein Lebendiges und meinen Schlaf belauert. inquiétant, ce n'est pas la lumière blafarde de l'aube, non, c'est encore le flambeau à ma porte qui grésille affreusement, comme un être vivant qui espionne mon sommeil. Ces rêves doivent bien finir un jour! Diese Träume müssen ein Ende Quelle que soit leur provenance, haben. Wer sie immer schickt, ein leurs démons nous abandonnent, dès jeder Dämon lässt von uns, sobald que le sang d'un juste sacrifice a das rechte Blut geflossen ist. coulé. 5. OREST (& ELEKTRA) 5. OREST(& ELEKTRA) Le retour du frère OREST Ich muss hier warten ORESTE Je dois attendre ici ELEKTRA Warten? ÉLECTRE Attendre? OREST Doch bist du hier aus dem Haus? Bist eine von den Mägden dieses Hauses? ORESTE Et toi, n'appartiens-tu pas à cette maison? Es-tu une servante du palais? ELEKTRA Ja, ich diene hier im Haus. Du aber hast hier nichts zu schaffen, freu dich und geh! ÉLECTRE Oui, je suis au service de cette maison. Mais toi tu n'as rien à faire ici, sois heureux et va-t-en! OREST Ich sagte dir: ich muss hier warten, bis sie mich rufen. ORESTE Je t'ai dit: je dois attendre ici jusqu'à ce qu'ils m'appellent. ELEKTRA Die da drinnen? Du lügst. Weiss ich doch gut, der Herr ist nicht zu Haus. Und sie, was sollte sie mit dir? ÉLECTRE Ceux qui sont là-dedans? Tu mens. Je sais bien que le Roi n'est pas dans le palais. Et elle, que peut elle bien vouloir de toi. OREST Ich und noch einer, der mit mir ist, wir haben einen Auftrag an die Frau. Wir sind an sie ORESTE Je suis venu, avec un compagnon, parce que nous sommes chargés d'une mission auprès de la Reine. On 29 geschickt, weil wir bezeugen können, dass ihr Sohn Orest gestorben ist vor unsern Augen, denn ihn erschlugen seine eignen Pferde. Ich war so alt wie er und sein Gefährte bei Tag und Nacht. nous a envoyés auprès d'elle, parce que nous pouvons témoigner que son fils Oreste est mort devant nos yeux, piétiné par ses propres chevaux. J'avais le même âge que lui et j'étais le compagnon de ses jours et de ses nuits. 6. AEGISTH (& ELEKTRA) 6. AEGIST (& ELEKTRA) La folie d'Électre AEGISTH He! Lichter! Lichter! Ist niemand da zu leuchten? Rührt sich keiner von allen diesen Schuften? Kann das Volk keine Zucht annehmen? Was ist das für ein unheimliches Weib? Ich hab' verboten, dass ein unbekanntes Gesicht mir in die Nähe kommt! Was, du? Wer heisst dich, mir entgegentreten? ÉGISTHE Hé! Qu'on amène des flambeaux! N'y a-t-il personne ici pour m'éclairer? Est-ce qu'un seul de ces gredins va se bouger un peu? Ce peuple finira-t-il par apprendre des manières? Et quelle est cette femme inquiétante? J'ai pourtant interdit que tout visage inconnu apparaisse en ma présence! Hé, toi! Qui t'a demandé de venir à ma rencontre? ELEKTRA Darf ich nicht leuchten? ÉLECTRE Ne m'est-il pas permis de t'éclairer? AEGISTH Nun, dich geht die Neuigkeit ja doch vor Allen an. Wo find ich die fremden Männer, die das von Orest uns melden? ÉGISTHE Eh bien, puisque la nouvelle te concerne plus que quiconque... Où sont les étrangers qui sont venus nous donner la nouvelle d'Oreste? ELEKTRA Drinnen. Eine liebe Wirtin fanden sie vor und sie ergetzen sich mit ihr. ÉLECTRE À l'intérieur. Ils ont trouvé une hôtesse accueillante et ils prennent du bon temps en sa compagnie. AEGISTH Und melden also wirklich dass er gestorben ist? Und melden so, dass nicht zu zweifeln ist? ÉGISTHE Et ils disent vraiment qu'il est mort? Ce qu'ils disent, est-il permis de ne pas en douter? 30 ELEKTRA O Herr! Sie melden's nicht mit Worten blos, nein, mit leibhaftigen Zeichen, an denen auch kein Zweifel möglich ist. ÉLECTRE Monseigneur! Ils ne le disent pas seulement avec des mots mais leur présence même est le signe qu'il n'est pas permis de douter. AEGISTH Was hast du in der Stimme? Und was ist in dich gefahren, dass du nach dem Mund mir redest? Was taumelst du so hin und her mit deinem Licht? ÉGISTHE Qu'as-tu donc dans la voix? Et que t'est-il arrivé, pour que tu répètes mes paroles sans arrêt? Pourquoi titubes-tu comme cela d'un côté et de l'autre avec ton flambeau? ELEKTRA Es ist nicht anderes, als dass ich endlich klug ward und zu denen mich halte, die die Stärkeren sind. Erlaubst du dass ich voran dich leuchte? ÉLECTRE Il se trouve qu'enfin je suis devenue sage et je me tiens désormais du côté de ceux qui sont les plus forts. Me permets-tu d'aller au-devant de toi pour t'éclairer? AEGISTH Bis zur Tür. Was tanzest du? Gib Obacht! ÉGISTHE Jusqu'à la porte. Pourquoi danses-tu comme cela? Fais attention! ELEKTRA (indem sie ihn, wie in einem unheimlichem Tanz, umkreist, sich plötzlich tief bückend) Hier! die Stufen, dass du nicht fällst. ÉLECTRE (pendant ce temps elle tourne autour de lui, comme en une danse inquiétante, et soudainement s'incline profondément) Ici! Les marches, prends garde de ne pas tomber. AEGISTH (an der Haustür) Warum ist hier kein Licht? Wer sind die dort? ÉGISTHE (à la porte du palais) Pourquoi n'y a-t-il plus de lumière ici? Qui sont ces gens là-dedans? ELEKTRA Die sind's, die in Person dir aufzuwarten wünschen, Herr. Und ich, die so oft durch freche, unbescheid'ne Näh' dich störte, will nun endlich lernen, mich im rechten Augenblick zurückzuziehn. (Aegisth geht ins Haus. Stille. Lärm drinnen. Aegisth erscheint an einem ÉLECTRE Ce sont ceux qui ont voulu venir en personne à ta rencontre, Monseigneur. Et moi, qui t'ai si souvent dérangé par ma présence insolente et importune, je vais enfin apprendre à me retirer au bon moment. (Égisthe entre dans le palais. Silence. Un bruit depuis l'intérieur. On voit Égisthe apparaître à 31 kleinen Fenster, reisst den Vorhang weg.) une petite fenêtre, en déchirant le rideau. ) AEGISTH Helft! Mörder! Helft dem Herren! Mörder, Mörder! Sie morden mich! ÉGISTHE Au secours! Au meurtre! Aidez votre maître! Assassins, assassins! Ils m'ont tué! 7. FÜNFTE MAGD (& DIE AUFSEHERIN) 7. FÜNFTE MAGD (& DIE AUFSEHERIN) Qui est Électre? FÜNFTE MAGD Ich will vor ihr mich niederwerfen und die Füsse ihr küssen. Ist sie nicht ein Königskind und duldet solche Schmach? Ich will die Füsse ihr salben und mit meinem Haar sie trocknen. LA CINQUIÈME SERVANTE Je veux me jeter à terre devant elle et lui baiser les pieds, N'est-elle pas la fille d'un roi et pourtant, on lui fait endurer de pareilles humiliations? Je veux lui oindre les pieds et les sécher avec mes cheveux. DIE AUFSEHERIN (stosst sie) Hinein mit dir! LA SURVEILLANTE (la pousse brutalement) Toi, rentre dans le palais! FÜNFTE MAGD Es gibt nichts auf der Welt, das königlicher ist als sie. Sie liegt in Lumpen auf der Schwelle aber niemand, niemand ist hier im Haus, der ihren Blick aushält. LA CINQUIÈME SERVANTE Il n'y a personne au monde qui ne soit plus digne du sang royal qu'elle. Elle traîne sur le seuil du palais en haillons, mais il n'y a personne, personne dans cette maison qui puisse soutenir son regard. DIE AUFSEHERIN Hinein! LA SURVEILLANTE Rentre! FÜNFTE MAGD Ihr alle seid nicht wert, die Luft zu atmen, die sie atmet. O könnt ich euch alle, euch, erhängt am Halse, in einer Scheuer dunkel hängen seh'n um dessenwillen, was ihr an Elektra getan. LA CINQUIÈME SERVANTE Personne d'entre vous n'est digne de respirer l'air même qu'elle respire. Oh si je pouvais seulement vous voir toutes, oui toutes, pendues par le cou dans un sombre réduit pour ce que vous avez fait à Électre! 32 8. CHOR & CHRYSOTHEMIS 8. LE CHŒUR & CHRYSOTHÉMIS CHRYSOTHEMIS Elektra! Schwester! Komm mit uns! O komm mit uns! Es ist der Bruder drin im Haus! Es ist Orest der es getan hat! CHRYSOTHÉMIS Électre! Ma sœur! Viens avec nous, oh, viens avec nous! C'est notre frère, il est dans le palais! C'est Oreste qui a fait tout cela! CHOR (hinter der Scene) Orest! CHŒUR (en coulisse) Oreste! CHRYSOTHEMIS Komm! Er steht im Vorsaal, alle sind um ihn und küssen seine Füsse! Alle, die Aegisth von Herzen hassten, haben sich geworfen auf die andern, überall in allen Höfen, liegten Tote, alle die leben, sind mit Blut bespritzt und haben selbst Wunden und doch strahlen Alle! Alle umarmen sich und jauchzen. Tausend Fakkeln sind angezündet. Hörst du nicht? So hörst du denn nicht? CHRYSOTHEMIS Viens! Il est là, dans la grande salle, entouré par tous, et tous lui baisent les pieds! Tous ceux qui détestaient Égisthe du fond du cœur se sont jetés sur les autres, et partout, dans toutes les cours, il y a des morts. Tous ceux qui vivent encore sont éclaboussés de sang car ils sont eux-mêmes blessés et pourtant ils rayonnent tous de bonheur! Tous s'embrassent et jubilent. Mille flambeaux sont allumés. N'entends-tu pas? N'entends-tu donc pas? CHOR Orest! CHŒUR (sur scène) Oreste! 33 Les jeunes au cœur du Grand Théâtre Programme pédagogique réalisé avec le soutien de la Fondation de bienfaisance de la Banque Pictet et de la République et Canton de Genève Genève, octobre 2010 Madame, Monsieur, Nous avons le plaisir de vous transmettre en annexe deux questionnaires élaborés à votre intention et à celles de vos élèves. Nous vous remercions de bien vouloir remettre ce document à chacun de vos élèves et de nous les renvoyer remplis accompagnés du vôtre, à l’issue du parcours pédagogique que vous aurez suivi. Ceci nous permettra d’évaluer l’intérêt et la pertinence de nos propositions et de savoir si, grâce à ce programme, les jeunes ont éprouvé du plaisir à entrer dans le monde de l’opéra. Nous vous remercions pour cette ultime participation et espérons avoir le plaisir de vous revoir lors d’une prochaine saison. Kathereen Abhervé 022.418.31.72 e.mail : [email protected] Christopher Park 022.418.31.88 e.mail : [email protected] 34 Questionnaire pour l’enseignant(e) · Quelle matière enseignez-vous ? · Quel est le degré de votre classe ? · Est-ce la première fois que vous participez à un programme pédagogique du Grand Théâtre ? Oui Non (2ème, 3ème, …) · De manière générale, êtes-vous satisfait(e) de votre expérience au Grand Théâtre ? (veuillez indiquer votre degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait) 1 · 3 2 5 4 Le programme pédagogique comporte plusieurs étapes: 1 2 3 4 5 Ateliers Visites (théâtre, ateliers) Répétition générale · Que proposeriez-vous comme autres activités? Remarques, suggestions · Souhaiteriez-vous soumettre un projet pédagogique en rapport avec le Grand Théâtre, choisi avec votre classe ou votre école, qui serait développé avec la collaboration du Grand Théâtre ? 35 Dossier pédagogique · Le dossier pédagogique qui vous a été remis correspondait-il à vos attentes ? 1 2 3 4 5 · Pensez-vous que le dossier pédagogique soit un outil pertinent et complet pour préparer votre enseignement? 1 2 3 4 5 Comment avez-vous utilisé le dossier pédagogique en classe ? Oui Non Oui Non Écoute du CD Lecture du livret ou des passages du dossier Utilisation des pistes d’enseignement ou activités proposées Pour préparer votre propre enseignement sur l’œuvre Autre (préciser) Était-il en adéquation avec le niveau et l’âge de vos élèves ? Quels ont été les activités ou travaux réalisés en classe avant et après le parcours pédagogique ? 36 Questionnaire pour les élèves Oui Non Savais-tu ce qu’était l’opéra ou le ballet avant de venir au Grand Théâtre ? Quelle a été ta première réaction lorsque ton enseignant t’a proposé d’aller voir un opéra ? (indique ton degré de satisfaction sur une échelle de 1 à 5, 1 : insatisfait – 5 : très satisfait) 1 · 2 3 4 5 Comment as-tu trouvé : 1 3 2 4 5 le spectacle en général les voix/la danse la musique les décors les costumes la durée du spectacle · As-tu aimé les visites : 1 3 2 4 5 du Grand Théâtre/BFM des Ateliers · Quelle activité as-tu préférée ? · Est-ce que la préparation en classe t’a aidé(e) à comprendre le spectacle ? 1 2 3 4 5 Oui Non Est-ce que tu aimerais revenir au Grand Théâtre? Si oui, merci de nous renvoyer la petite carte blanche GRAND THEATRE DE GENEVE: BIENVENUE que ton enseignant t'a remise. 37