Cirrus_Douala_Troyes..

Transcription

Cirrus_Douala_Troyes..
Cirrus SR 22, le retour.
Convoyage de Douala à Troyes
Du 16 juin au 19 juin 2011.
Sur la piste 27, à Niamey,
mur de vent de sable au décollage,
nous n’avons que quelques secondes pour partir !
Photos : Bruno et Michel
[email protected]
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Préambule :
Le Cirrrus basé à Douala depuis novembre doit remonter en France pour des opérations de
maintenance, Bruno m’a proposé de l’accompagner pour cette nouvelle aventure. Il souhaite réaliser ce convoyage à la mi-juin avant la saison des pluies.
Nous retenons le trajet par l’Algérie comme en l’an dernier, c’est beaucoup plus court et
nous n’aurons pas à traverser le Mali pour lequel il devient de plus en plus difficile d’avoir des autorisations.
Je me charge des demandes d’autorisations auprès de Mireille et négocie avec Naftal à Alger
la possibilité d’avoir du carburant à Tamanrasset : impossible ! Par contre les responsables à Alger
me garantissent la disponibilité d’une grande quantité de 100 LL à In Aménas.
Alors, Bruno commande et fait installer sur le siège arrière un réservoir souple supplémentaire de 240 litres ce qui augmente considérablement l’autonomie de l’appareil, pratiquement 10
heures de vol.
Je suis rentré de Thaïlande le 7 juin au matin dans les Ardennes pour, entre autres, tondre
mon gazon et mettre à jour mes documents administratifs. Je vais aussi chercher mon nouveau passeport, l’actuel est plein; c’est le troisième en cinq ans.
Je pars d’Orly le 11 pour Ouagadougou (avec une heure de retard), à l’arrivée je croise mon
ami Jean Michel B qui, lui, part à Paris. Il me donne mon billet d’avion pour Douala et je lui remets des disques durs amovibles que je lui ai achetés à Bangkok; déjà il doit aller à l’enregistrement (son avion partira avec trois heures de retard, mais il ne le sait pas encore, l’appareil a
beaucoup souffert dans le mauvais temps en venant de Paris, il doit être vérifié).
Ce dimanche de Pentecôte à Ouaga, c’est le jour des baptêmes et
communions, l’activité économique est fortement réduite.
Mireille me rend une visite de courtoisie et me donne des informations positives concernant nos demandes de survol et atterrissage, elle
nous les fera parvenir par mail avant le départ prévu le 17.
Il me faudra attendre lundi pour échanger mon billet d’avion pour Douala car, avec la compagnie Asky, je partais de Ouaga à 7h30 pour arriver à Douala à 17h 30. Le trajet (10 heures)
comportait une escale à Abidjan, une à Lomé et encore une à Cotonou.
Le responsable de l’agence de voyage comprend la situation et me fait un « avoir », j’achète
donc un nouveau billet chez Air Burkina, on s’arrêtera seulement à Cotonou.
Le mercredi 14 je pars de Ouagadougou à 12h30, après une escale rapide au Bénin nous redécollons aussitôt, j’arrive avec 40 minutes d’avance au Cameroun.
L’homme de confiance de Bruno que je remercie vivement m’attend au guichet de la police
et j’obtiens un visa de 4 jours (50 000 CFA), les formalités sont vite expédiées, je dépose mes bagages et change de chemise pour accompagner Bruno au consulat de France où il préside la remise
des prix pour le VNE. Notre diner ce sera champagne et petits fours.
Dans la soirée nous poursuivons la préparation du vol en consultant la météo sur internet, il y
a beaucoup d’orages, nous envisageons de partir le 16 car il semble y avoir un « trou » entre deux
grosses perturbations.
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Mercredi 15 : à Douala.
Il pleut, muni d’un parapluie, je vais au marché artisanal pour faire des provisions de cadeaux : des figurines en terre cuite.
Je ne profiterai
pas de la jolie
piscine.
Douala, c’est
360 jours de
pluie sur 365 !
Nous sommes invités à déjeuner, Bruno et moi-même, par un Rocroyen : Frédéric Desprez
qui rêve de faire un saut en parachute au-dessus de sa ville (Rocroi dans les Ardennes est une jolie
ville fortifiée par Vauban où, en 1643, le grand Condé a repoussé les Espagnols).
Je lui ai organisé son rêve car je suis pilote largueur à Charleville Mézières et nous convenons de la première semaine de septembre pour cette opération. Il est ravi.
Nous faisons le plein
de l’avion, ici, il y a un
gros stock d’AVGAS.
Pilotes
vous pouvez venir vous
approvisionner à Douala.
Le carburant est notre
obsession car sans essence
100 LL pas de vol possible.
Pour consulter la météo il faut gravir 5 étages à pieds, les cartes satellites qui s’affichent
nous confortent dans notre choix de partir demain; la grosse perturbation actuelle sera passée et la
prochaine moins violente ne devrait pas encore être active dans 12 heures.
Nous descendons pour déposer le plan de vol (comme à l’habitude les responsables ne sont
pas là) il faudra revenir demain.
Bruno retourne à son bureau directorial pour terminer le travail en cours, le soir venu nous
préparons les bagages. Nous nous endormons en espérant un peu de soleil pour notre départ.
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Trajet et escales.
E
D
C
B
A
A=
B=
C=
D=
E=
660 Nm soit 4h30 et 68 gallons
Douala /Niamey.
1100 Nm soit 6h45 et 83 gallons
Niamey / In Aménas.
400 Nm soit 2h40 et 40 gallons
In Aménas / Ghardaïa.
640 Nm soit 4h10 et 66 gallons
Ghardaïa / Reus / Igualada.
440 Nm soit 2h50 et 45 gallons
Reus / Troyes.
TOTAL = 3240 Nm soit 21h et 302 gallons
4
Jeudi 16 juin : de Douala à Niamey.
Réveil à cinq heures, départ de la maison à 6h, à l’aéroport on tente de déposer le plan de vol
mais les responsables ne sont pas encore là ! Nous allons chercher le dossier météo toujours au
cinquième étage, un couloir existe entre les masses orageuses, il ne faut pas tarder. Nous obtenons
enfin le feu vert de l’administration pour partir, puis dépôt du plan de vol et paiement d’une taxe
d’atterrissage pour pouvoir décoller, ça : je ne l’avais jamais vu !
Le plan de vol est laissé à la jeune fille qui doit le transmettre à la tour et nous rejoignons
l’avion pour charger les bagages.
Le contact avec la tour établi, nous avons une grosse surprise le plan de vol n’a pas été transmis. Avec la voiture Bruno retourne au bureau de contrôle, à 3 km de notre parking, la jeune fille a
oublié d’envoyer l’information. Retour à l’avion, il est temps de partir le temps se dégrade, décollage à 8h30, en montée nous devons zigzaguer pour éviter des nuages heureusement peu actifs.
Niamey
Axe du vent
Douala
Image du 16
juin au matin, Douala
est pratiquement dégagé, une perturbation venant de l’est
sera là demain, il est
urgent de partir.
Niamey est encore dans la crasse
mais dans quatre heures, pour notre arrivée, ce sera propre.
Le créneau est
étroit il ne faut pas le
rater car Bruno reprend l’avion de ligne pour Douala lundi 20 juin.
Au niveau 055 le ciel devient clair, nous poursuivons la montée jusqu’au niveau 125. Bruno
effectue tous les réglages, cap, niveau de vol, paramètres moteur et enclenche le pilote automatique. Un vent traversier mais avec une forte composante arrière nous assure une vitesse confortable
oscillant entre 170 et 180 Nœuds.
Le vol est calme seulement troublé par les contacts radio que nous établissons difficilement
avec le contrôle du Nigéria que nous survolons au cap nord ouest.
A l’arrivée, il y a encore du sable en suspension dans l’air. Mise en descente pour rejoindre
une longue finale en 27, nous allons au parking N° 5 à coté des avions des Nations Unies.
Il fait chaud : 45 °c, les pétroliers sont prévenus, Bruno les attend pendant que je vais remplir
les formalités dans les bureaux tout proche.
Nous imaginons même de repartir vers Tamanrasset dans une heure. Nous n’avons pas touché au réservoir supplémentaire, ça devrait aller vite.
Les prévisionnistes sont formels il fait beau aujourd’hui sur notre route vers l’Algérie, demain matin aussi les conditions y seront correctes, alors nous décidons de dormir comme prévu à
Niamey. Je dépose le plan de vol, je paye les taxes et je demande le dossier météo pour demain à
6h.
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Jeudi 16 juin : de Douala à Niamey (suite).
Et les choses se compliquent : impossible d’avoir du carburant aujourd’hui ! Le moteur de la
pompe est en panne, les pompistes nous proposent de faire le plein demain. C’est le genre de choses à ne pas faire en Afrique, le problème sera le même demain, il faut régler l’affaire illico.
Bruno, je le rappelle, est Directeur de Total au Cameroun, il avait averti de notre passage et
de nos besoins son ami et collègue Xavier P car nous ne voulions pas subir les mêmes contretemps
qu’à l’aller.
Malgré l’intervention musclée de Bruno qui mobilise tous les niveaux hiérarchiques du dépôt de carburant, en fait ce sera pire, nous attendrons 3h30 que ces messieurs acceptent de préparer
une pompe Japy, qu’ils amènent les fûts avec une camionnette et en pompant à force de bras remplissent nos réservoirs. Nous avons consommé 250 litres, la facture est de 514 000 Francs CFA.
Il a fallu tout ce monde pour faire le
plein de l’avion, heureusement qu’il n’y
avait pas de gros porteur car il aurait été
prioritaire.
Au centre, le nouveau chef des dépôts Total, Monsieur Houmou HOUDOU
que nous remercions pour son amabilité.
Monsieur Houdou nous conduit à l’hôtel
Gaweye où Xavier nous a réservé deux chambres.
Dans cet établissement quatre étoiles de
luxe, la chambre qui m’est attribuée n’a pas été
« faite », il faut attendre un quart d’heure avant
d’en trouver une autre, alors, je déménage avec
mes bagages au fond de l’autre aile et là surprise : même chose la chambre n’est pas prête.
Difficile de rester calme : je râle un bon
coup et réintègre la chambre précédente en demandant qu’elle soit nettoyée.
Encore une demi–heure perdue.
A l’entrée une boite
aux lettres
française.
Moi, ça
m’émeut !
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Jeudi 16 juin : de Douala à Niamey (suite).
Difficile de croire que la pompe est subitement tombée en panne, les informations remontent
difficilement à la direction. Xavier est désolé.
En fait on a bien plus de soucis au sol qu’en vol.
Ayant l’assurance d’avoir
enfin un lit pour cette nuit nous
allons à la piscine, l’eau est à
une température agréable.
Nous nous rafraichissons
en attendant Xavier qui doit passer nous saluer avant de partir à
Paris rejoindre sa famille, elle a
été rapatriée à cause de l’insécurité qui règne dans Niamey et ses
environs.
Un perroquet pas farouche.
Michel, Bruno, Xavier.
Xavier heureux de retrouver sa famille dès demain.
Bruno va se mouiller.
Nous allons au restaurant qui propose un buffet assez copieux, Bruno se contente d’une salade, mais moi je reprends des desserts.
A 21h30 nous sommes au lit, assez confiants pour la météo de demain.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa
La nuit fût bonne, lever 5h, le petit déjeuner n’est servi qu’à 6h30, on s’en passera.
Départ de l’hôtel à 6h, le jour ne va pas tarder, le ciel est légèrement couvert ce qui explique
une température clémente de 32°c.
Bruno prépare l’avion, pendant ce temps je vais chercher et prends connaissance du dossier
météo : une perturbation arrive, il faut partir rapidement, je rejoins l’avion.
Et tout ce calme bascule, surprise de taille, je vois au loin arriver venant de l’est un mur de
sable, la tornade est déjà là !
J’interpelle Bruno qui tourne le dos à la piste et qui n’a rien vu venir, je lui crie : « - il faut
partir tout de suite ou nous resterons là aujourd’hui voire demain et l’avion va souffrir, c’est une
tempête de sable ».
Nous montons dans l’avion et sans même faire chauffer le moteur nous allons au point d’arrêt, le nuage est déjà sur le seuil de la 27, il faut réagir vite, nous devons remonter un peu la piste
09 face à cette terrifiante nuée et décollons en urgence sur l’axe 27, « scramble » dit Bruno. L’avion bien chargé décolle normalement malgré une composante vent arrière.
Pendant la prise de vitesse, le nuage se rapproche, il est à moins de 200m de nous, c’est impressionnant, alors que devant, vers la ville, le ciel est clair, derrière et sur le côté droit nous avons
l’impression de voir une falaise s’avancer sur nous à toute allure.
Il s’en est fallu d’une poignée de secondes et nous étions pris dans le nuage de sable.
EXPERIENCE UNIQUE
Certes nous avons décollé dans des conditions presque normales devant nous et dans l’urgence nous avons dû balancer tout notre matériel en vrac dans le fond de l’avion. Nous avons mis
moins d’un quart d’heure entre notre arrivée sur le terrain et le décollage.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa (suite).
Pendant que Bruno règle les instruments et rentre le plan de vol dans le GPS, tout en montant doucement pour trouver un trou dans la mince couche à 3000 pieds, je navigue à vue en longeant le front de cette masse de poussière qui progresse vite.
Pendant le décollage, le mur s’avance, il est à moins de
200 mètres.
Il serait impossible de revenir sur ce
terrain mais nous
avons 10 heures de
carburant : de quoi
voir venir.
En montée, nous passons devant le front qui fait 80 km de large.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa (suite).
Tamanrasset
Le Mali
Axe du vent
Bamako
Niamey
Ouagadougou
Douala
Carte météo du 17 juin au matin au départ de Niamey,
En pointillé le trajet Douala Niamey que nous n’aurions pas pu faire ce jour, le 17.
En trait fort le trajet effectué.
La tache rouge fait environ 200 x 300 km.
Sur l’ouest, vers la ville, c’est très
clair, le contraste est surprenant.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa (suite).
Toujours en montée nous devons prendre un cap plus à l’ouest vers le Mali que nous voulions éviter, nous stabilisons au niveau 125 mais de grosses formations nuageuses nous barrent la
route, ce ne sont pas encore des cumulonimbus mais ils montent au moins au niveau 180, il faudra
les contourner. D’ailleurs le contrôleur qui s’inquiète visiblement de notre sort nous demande d’aller vers l’ouest.
Le stormscope indique des dizaines de décharges électriques devant, à droite et à gauche, il y
a de la pluie et des orages là-dedans, nous montons au 135 et nous ne passerons qu’une fois dans la
partie supérieure d’une vallée entre deux monstres.
Les instruments électroniques fonctionnent normalement et facilitent la navigation malgré
les nombreux changements de caps. Nous avons un petit vent de face comme prévu par la météo,
le ciel se dégage petit à petit et les croix jaunes indiquant les éclairs se trouvent maintenant derrière nous.
Nous utilisons l’oxygène car la route est encore longue.
Nous quittons le contrôle de Niamey pour communiquer avec l’Algérie. Nous passons la
frontière au bon endroit « Zawat » et continuons droit sur Tamanrasset où je le rappelle malgré
tous mes efforts il n’y a pas de carburant 100 LL.
Le vent devient favorable au travers de In Guézam, (la base militaire algérienne se trouve à
notre droite), la vitesse remonte à 170 Nœuds.
Bruno jongle avec les réservoirs pour avoir toujours le droit plein tout en vidant la réserve.
La consommation est normale environ 14 galons par heure.
Nous reconnaissons les paysages de sable et de roches, c’est magnifique mais il est difficile
de faire de bonnes photos car il y a beaucoup de particules en suspension dans l’air surchauffé.
Nous apprécions le calme retrouvé et nous nous félicitons d’une part, d’avoir choisi de partir
le 16 de Niamey et d’autre part, d’être partis avant la tempête de sable qui nous aurait retenus un
ou deux jours et qui aurait dégradé l’avion.
Voici 6h45 que nous volons, In Aménas (Zarzaitine) apparait, il y a seulement un ATR d’Air
Algérie et nous. Les pétroliers arrivent aussitôt avec le camion et déclarent tout de go « - nous n’avons plus d’Avgas depuis 20 jours », le stock est reparti à Alger. Je crois rêver, cela fait des mois
que j’échange des mails aves les responsables de Naftal à Alger, j’avais la garantie de trouver au
moins 400 litres de100 LL pour cet avion à cette date.
Je m’étonne, trop surpris pour être fâché, je demande à ce Monsieur, fort aimable au demeurant, de prendre contact avec ses patrons à Alger. Il revient en souriant il a deux fûts disponibles
pour nous avec le certificat de contrôle. Ouf, Bruno le spécialiste essence vérifie visuellement et
olfactivement le produit, c’est bon.
Il y a bien des fuites au pistolet, le transfert s’effectue à la pompe à main, mais les réservoirs
seront remplis à ras bord avec 340 litres pour 560 Euros.
Nous venons de faire près de 1100 Nautiques, la pause pipi était également indispensable.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa (suite).
J’avais déposé ce matin un plan de vol Niamey direct Ghardaïa avec une escale technique à
In Aménas, mais à Niamey ils se sont trompés, je dois en faire un nouveau.
Il faut aussi payer des taxes pour l’utilisation de l’espace aérien : environ 50 Euros à chaque
escale en Algérie.
Tout le monde ici a envie de bavarder car ils n’ont pas beaucoup de visites, mais nous sommes trop pressés, il nous faut reprendre l’air pour arriver à Ghardaïa avant la nuit.
Nous partons à 14h25 et montons au niveau 105 avec un léger vent dans le dos, l’avion est
lourd, il faut conserver une vitesse de 110 Knots pour le stabiliser avec le pilote automatique. Le
vent tourne et nous prenons 20 nœuds dans le nez.
Cette quantité de carburant est suffisante pour aller jusqu’en Espagne sans problème alors
nous espérons pouvoir déposer un plan de vol direct pour Reus sans avoir à s’arrêter à Alger.
Au fur et à mesure nous allégeons l’arrière de l’appareil en transférant du carburant vers les
réservoirs des ailes.
Toutes de tailles différentes,
les dunes en forme de pieuvre, occupent le désert à perte de vue.
Constructions neuves et routes en parfait état, voici
l’arrivée sur Ghardaïa, la ville est visiblement en pleine
expansion.
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Vendredi 17 juin : de Niamey à In Aménas puis Ghardaïa (suite).
A Ghardaïa, nous nous posons sur une jolie piste, je vais faire les formalités, payer la taxe,
demander un dossier météo et déposer le plan de vol pour demain. Bruno enfile le pyjama au Cirrus pour la nuit. Il n’y a pas d’autre avion sur le Tarmac.
Un policier veille sur nous en permanence et nous suit pas à pas, c’est beaucoup de sollicitude. Pour sortir il faut passer les bagages au scanner et munis du permis d’escale nous quittons cet
aérogare propre et en en parfait état. Pour 10 Euros, un taxi nous emmène dans la ville qui se trouve à 25 km, la route est neuve, la circulation fluide, le chauffeur habile, le site est joli.
Les maisons sont construites sur les contreforts montagneux et aussi dans la vallée qui a subi
une crue de 18m il y a quelques années.
Cette ville touristique semble agréable, il faudra revenir visiter l’endroit.
L’hôtel El Djanoub est vaste (250 chambres),
l’ambiance un peu triste, les piscines sont vides, le bar
est largement occupé par des fumeurs !
Nous consultons nos messages et la météo sur
internet, le wifi fonctionne seulement dans le hall.
Le menu est restreint, ce soir nous choisissons
des omelettes, il n’y a pas de coca light, pas d’eau gazeuse.
Après le repas le marchand de sable passe rapidement, nous avons volé 9h25 ce jour et fait 1500 Nm
soit 2780 km de plus nous avons eu notre lot d’émotions au départ.
Tout fonctionne normalement dans la chambre.
La nuitée est à 40 Euros avec le petit déjeuner,
c’est une bonne adresse.
Nous décidons de passer une journée en Espagne, dans la région de Barcelone, où Bruno est
né, il y rencontrera sa famille en particulier son grand frère Rémy qui l’a appris à piloter.
L’étape sera courte, nous pourrons prendre le temps de manger demain matin.
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Samedi 18 juin : de Ghardaïa à Reus.
A l’heure convenue, le taxi nous attend, sans encombre nous atteignons l’aéroport, les mêmes contraintes mais en sens inverse nous sont imposées, accompagné par un sbire, je récupère
nos passeports et les valises sont scannées deux fois.
Des passagers attendent dans le hall, tous sont fouillés dés l’entrée de l’aérogare.
Notre avion est toujours seul sur son parking, à l’autre bout, sous surveillance policière, un
ATR d’Air Algérie se remplit.
Toutes les formalités étant accomplies, je passe prendre le bulletin météo fort simple : CAVOK partout. CAVOK voulant dire : ciel est visibilité OK
Bruno range avec soin le pyjama de son « bébé », dispose les gilets et attache le canot de façon à pouvoir les utiliser facilement en cas de problème pendant la traversée. Aujourd’hui nous
prenons notre temps.
Prêts à décoller, nous n’avons pas le contact avec la tour qui se trouve juste en face nous, les
deux fréquences ne répondent pas. Je descends de l’avion et vais au contrôle pour avoir des explications, il semblerait que tous ces braves gens soient en train de papoter au rez-de-chaussée. Quelques instants plus tard nous avons un interlocuteur, nous validons le plan de vol.
Entre-temps l’ATR prend son essor en piste 12, nous le suivons de près et décollons en 18
face au vent. Ma porte est mal fermée, après un tour de piste basse altitude et un atterrissage court,
la porte est bien verrouillée, redécollage immédiat, il reste suffisamment de piste devant nous, départ 7h35.
Nous établissons le contact avec « Alger contrôle » et volons plein nord au niveau 125.
A cette latitude il n’y a que sable et rochers sauf dans les rares oasis. Dans ce désert
ce qui pourrait ressembler à une autoroute
sont en fait des pipe-lines parallèles acheminant les produits pétroliers vers le nord, vers
les ports de la Méditerranée.
En arrivant sur le relief vers le VOR de
Bou Saada, nous retrouvons de la verdure, des
villages et même quelques lacs. Le vent de travers est fort 23 nœuds, nous redescendons au
niveau 85, la vitesse est tombée à 147 Knots.
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Samedi 18 juin : de Ghardaïa à Reus (suite).
A 9h20 nous voyons la mer, Alger est à gauche, on devine les pistes, c’est parti pour deux
heures de traversée maritime, nous mettons le cap vers les Baléares plus exactement vers le VOR
« POS » au nord est de l’île de Majorque.
A gauche au loin Alger.
Nous abandonnons l’Afrique et
ses soucis, nous espérons de meilleures conditions en Europe.
Ce qui est sûr c’est que le carburant n’y fera pas défaut.
Nous quittons la FIR d’Alger au point MOGIL en mer et maintenant c’est en Espagnol que
Bruno communique avec la FIR de Barcelone. Le vent redevient favorable, le Badin affiche 168
Knots.
Nous passons au-dessus des bancs de cumulus, d’abord nous voyons Isla de Cabrera puis
Palma de Mallorca. Le contrôle nous impose un contournement de l’île par l’est puis nous demande de descendre au niveau 65 puis plus bas au 35 dans l’axe d’approche des deux pistes du terrain
international. Un seul trafic s’affiche sur le TCAS.
Le contournement terminé nous poursuivons au niveau 35, les nuages ont disparu, Reus en
Espagne n’est plus qu’à 45 minutes, nous n’avons perdu seulement que 8 minutes pendant ce détour touristique.
La zone industrielle de Reus.
En finale piste 25 à Reus.
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Samedi 18 juin : de Ghardaïa à Reus (suite).
Après l’atterrissage à 13h30, nous suivons la voiture « Follow me » et nous sommes parqués
loin de l’aérogare. Bruno, maitrisant parfaitement la langue locale, s’occupe les formalités. Et je
m’occupe du carburant : le camion arrive sans tarder, l’approvisionnement est rapide, je paye avec
la carte bleue, quel confort ! Avec 159 litres le plein est fait (81 Gallons), de quoi rejoindre notre
destination finale en France.
Le temps passe et Bruno ne revient pas, est-il parti manger ? Inquiet je l’appelle au téléphone, d’une voix d’outre-tombe il me répond : « j’arrive avec la police », effectivement il est dans la
voiture avec deux gardes civils. Pas aimables, qu’ont-ils à nous reprocher ?
Une fouille sévère commence, tout y passe, y compris les trousses de toilette, l’un deux plus
que méfiant manipule sans précaution mes cadeaux en terre cuite, il réussit à me casser une statuette sans s’excuser. Je n’interviens pas, dans leur état d’esprit, ils seraient capables de démonter
l’avion et nous retarder de façon définitive.
Nous sommes un peu excédés non pas par la fouille qui est légitime mais par l’attitude de
ces deux policiers.
Enfin ils nous quittent, on a pris une heure de retard.
NON, ce n’est pas fini ils reviennent cette fois-ci pour vérifier tous les papiers de l’avion,
nous restons impassibles, ils notent et notent encore puis repartent. Nous pouvons enfin décoller à
15h15. Il a fallu près de 2h pour cette escale technique : comme en Afrique.
Il faut dire aussi qu’un avion immatriculé aux USA, piloté par des Français qui reviennent du Cameroun ça peut
intriguer.
D’autant plus que Bruno est né en
Espagne, qu’il vit au Cameroun et que
son passeport a été fait au Mozambique.
Son passeport est plein de cachets
du monde entier, suspect non !
En ce qui me concerne : mon passeport est neuf, il ne comporte seulement qu’un visa pour le Cameroun.
Heureusement qu’ils n’ont pas vu
l’ancien avec des voyages en Thaïlande,
Laos, Cambodge : « le triangle d’or » et
bien d’autres destinations exotiques encore.
Mais ce qui a attiré la foudre sur
nous, c’est que Bruno est sorti de l’aérogare sans rencontrer un seul policier, ils
étaient absents de leurs postes.
Quand il a voulu rentrer après le
dépôt du plan de vol, il a déclenché une
panique : d’où vient cet énergumène ?
La suite vous connaissez.
Nous allons à 40 Nautiques au nord est , au pied de la montagne, rejoindre le petit terrain de
Igualada où stationnent de nombreux ULM dont l’avion de Rémy le frère aîné de Bruno
Personne ne répond sur la fréquence 122,6, c’est l’heure du déjeuner en Espagne, on se pose
sur la piste 35 dans le sens ascendant (1,5%) avec un fort vent de travers à 15h35.
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Samedi 18 juin : à Igualada(suite)
La famille de Bruno est là, impatiente de nous accueillir. Sans tarder nous allons manger,
c’est l’occasion de raconter nos misères. Nous apprenons alors, qu’hier, pas loin d’ici, la douane a
intercepté le même type d’appareil avec de la drogue à l’intérieur, alors nous comprenons mieux
l’attitude et l’acharnement de ces fonctionnaires, pas de chance pour eux nous n’avons même pas
une cigarette, ni une goutte d’alcool, même pas un morceau de chocolat.
Revenus au terrain nous déchargeons
l’avion et Bruno emmène sa sœur et son
frère découvrir les
performances de cet
appareil.
Rémy qui possède un ULM dit : « c’est trois fois plus
vite, trois plus de carburant, trois fois plus
lourd que mon appareil».
Allégé et tiré pas ses 310 chevaux, le Cirrus accélère rapidement
au décollage en 35 à Igualada.
La piste en dur de 900 m est suffisante pour
le Cirrus.
On y pratique beaucoup d’activités:
Ecoles de pilotage avion.
ULM trois axes et pendulaires,
Autogires.
Vol a voile.
Il y a aussi les pompiers avec leurs avions.
Et sur la plate forme s’est installé un des
plus grand fabriquant de ballon d’Europe :
“Ultramagic”.
Dans les nouveaux hangar du sud il y a 25
appareils et dans les anciens il ya 40 appareils en
comptant les planeurs.
Cela fait beaucoup de monde, le trafic y est
important.
17
Samedi 18 juin : à Igualada (suite).
En voiture, nous allons à Barcelone chez Rémy, 40 minutes de route.
Je vais acheter des spécialités locales :du jambon et du saucisson pour mon dîner de demain.
Nous mangeons sur la terrasse, bien que nous soyons au centre ville, l’endroit est calme et
silencieux. Merci à la maîtresse de maison pour cet excellent repas pris dans la bonne humeur.
Il faut penser à se reposer, nous retournons à Igualada sur le terrain d’aviation.
Nous allons dormir avec l’avion de Rémy. Quatre copains ont chacun un hangar net comme
une salle d’opération, fort bien aménagé avec bureau, couchage, toilettes pour abriter leur ULM.
Bruno dort dans le bureau et moi sous l’aile du « Tecnam P92 Echo ».
Les hangars abritent des merveilles : des ULM plus neufs que des neufs, des répliques fabuleuses, un autogyre carrossé comme une Ferrari. Tous leurs propriétaires, fanas du pilotage, y passent beaucoup de temps pour assouvir leur passion. Plus de 60 appareils et des montgolfières stationnent sur cette plate-forme.
Quel accueil ! Je,
nous, remercions non
seulement Rémy et sa
famille mais aussi tous
ses amis qui ont offert
l’un le matelas, l’autre
l’hébergement pour le
Cirrus, l’autre le café et
bien d’autres marques
d’amitié.
18
Dimanche 19 juin : de Igualada à Troyes.
Décollage à 9h15, le réservoir supplémentaire est vide, les valises sont posées sur les sièges
arrière, l’avion décolle facilement et se comporte mieux. La météo est bonne, à peine quelques
nuages dans le fond des vallées de ce coté des Pyrénées.
C’est au niveau 125 que nous
passons la frontière verticale le point
« PUMAL », sur les Pyrénées.
Avec une visibilité exceptionnelle nous profitons d’ un joli spectacle !
La ligne directe entre Igualada
et Troyes passe au-dessus de Carcassonne que nous ne verrons pas car les
cumulus ont fait leur apparition.
le vent est fort : 40 Nœuds plein
travers, nous montons au niveau 135
idem, nous redescendons et restons au
95 car c’est, hélas, la même chose.
En France, les différents services SIV nous prennent en charge en nous affectant un code
transpondeur, nous passons vertical Clermont Ferrand et poursuivons la route toujours tout droit,
puis Seine info nous informe de la présence d’un trafic devant nous, nous ne le verrons pas.
Nous allons quitter le soleil car à l’approche de Troyes, il nous faut descendre entre les nuages, leur base est à 3000 pieds.
La visibilité est bonne, pas de poussière ici, et pour cause la pluie n’est pas
loin.
Descente à 500 pieds/minute avec le
pilote automatique entre les nuages.
A Troyes, le plafond est à 3000
pieds.
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Dimanche 19 juin :(suite)
A Troyes un avion est
dans le circuit, (le dimanche
le terrain est en autoinformation), il est en « vent
arrière » pour la 17.
Bruno demande au
jeune pilote : quel est le sens
du tour de piste ? Il répond
du tac au tac : « -consultez
les cartes VAC ! ».
Merci pour le conseil
cher collègue.
C’est ce que nous faisons en utilisant le logiciel
IVAC sur mon « Ipad2 ».
Atterrissage à 12h 05
et nous rejoignons le parking
de l’atelier « Troyes Aviation » qui est chargé de l’entretien de l’appareil.
L’avion n’a pas souffert pendant ce voyage, à
peine un peu de poussière.
Ce fût plus mouvementé pour les pilotes.
Mon amie Sophie, venant de Charleville-Mézières en voiture, est arrivée en même temps que
nous. Nous déchargeons l’avion pour mettre les bagages dans l’auto, le coffre est plein, c’est incroyable ce que l’on peut mettre dans cet appareil alors que nous n’avons pris que le minimum.
Direction Paris par l’autoroute, nous pique-niquons sur une aire de stationnement, nous devons enfiler les blousons car il ne fait pas chaud, la transition est brutale à Niamey il faisait 45°c,
ici 13°c.
Avec un petit pincement au cœur, je dépose Bruno chez lui à Jouy en Josas.
Sophie fait la navigatrice pour contourner Paris par le sud puis cap vers l’est. L’autoroute
A4, devant nous est dégagée mais dans le sens des retours la circulation est déjà bloquée. C’est un
problème que nous ne connaissons pas en avion.
Arrivé dans les Ardennes vers 19h je passe à l’aéroclub de Charleville-Mézières, le meeting
fût réussi malgré une météo médiocre. J’avais prévu d’y faire une séance de voltige mais je suis un
peu fatigué, je m’abstiens.
Je retrouve ma maison qui est glacée 17°c, ici pas besoin de climatisation.
Merci à Sophie d’être venue nous chercher dans ce coin perdu et pour le repas improvisé.
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L’avion
Ce Cirrus SR22 a une histoire, il fait partie d’une série limitée du Millenium fabriqué à
l’occasion du centenaire du premier vol des frères Wright. John Glenn a volé avec cet appareil
(juste après son retour avec la navette spatiale, voir la vidéo sur internet). C’est un avion 4 places.
Bruno l’a acheté en juin 2010 en Virginie (USA) puis l’a convoyé en France avec le vendeur
en 4 jours et 6 étapes en passant par le Groenland.
Il est doté d’un moteur de 310 chevaux à injection, il fonctionne avec de l’Avgas 100LL.
Les deux places avant sont équipées d’un mini manche latéral et bien sûr de palonniers.
Le parachute de secours est activable manuellement par une commande située au plafond.
Je n’oublie pas les instruments traditionnels à affichage analogique: compas, badin, altimètre, horizon artificiel, transpondeur, jauges, débitmètre, ampèremètre, pression et température
d’huile, voltmètre etc.
Il est équipé «full IFR», sur le tableau de bord,
on trouve 2 écrans de 12 pouces :
- L’un, le PFD, à gauche, avec les paramètres de
vol : altitude, vitesse ascensionnelle, vitesse propre,
vitesse sol, direction et vitesse du vent, cap, horizon
artificiel, conservateur de cap, HDI.
- Le deuxième écran, MFD, au centre, affiche
outre la position de l’avion sur la carte, les alertes de
trafic et les orages, il permet de régler par une assistance électronique très finement les paramètres moteur
et bien d’autres choses encore, les check-lists etc.
On dispose de deux GPS Garmin GNS 430 avec
radio et VOR intégrés couplés avec l’écran central et
le pilote automatique trois axes.
Un troisième GPS Garmin
«Aera 500» autonome permet d’afficher les points de reports sans toucher
aux autres programmes de vol.
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Les pilotes :
Michel VILIERE :
Le copilote est professeur retraité, il
possède une licence française depuis trente
ans, une licence américaine depuis vingt ans
et une licence ULM.
Il a volé sur les cinq continents, son
carnet de vol atteint les deux milles heures.
C’est son sixième convoyage entre la
France et l’Afrique de l’ouest.
Chaque voyage est une aventure, les
problèmes sont nombreux et variés. Il s’est
chargé des demandes d’autorisations de survols et escales dans les différents pays traversés et de l’approvisionnement en carburant.
Ces deux missions l’ont fort occupé
pendant les mois précédant le voyage et ce
n’est jamais fini car au fur et à mesure de la
progression de l’avion les problèmes évoluent mais persistent.
Bruno VINCENT :
L’heureux propriétaire de l’avion est
Directeur de la branche raffinage et marketing de Total au Cameroun depuis plus d’un
an, auparavant il exerçait ses talents au Sénégal et il est, entre autres, le moteur de l’organisation des tours aériens du Sénégal, en avril
2009 et en février 2010, c’est là que je l’ai
rencontré.
Il possède une licence française depuis
1985 et une licence américaine IFR. Son carnet de vol est bien rempli : plus de 1 300
heures.
Il a convoyé cet avion depuis la Virginie (USA) en passant par le Groenland et l’Ecosse jusqu’à Toussus le Noble en juin
2010 : 25 heures de vol.
Puis en novembre, il a prolongé son
périple en l’amenant au Cameroun, encore 24
h de vol.
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