novembre 2007 - Guts Of Darkness

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novembre 2007 - Guts Of Darkness
Guts Of Darkness
Les archives du sombre et de l'expérimental
novembre 2007
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© 2000 - 2008
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Les interviews
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MISERY LOVES CO. - (interview réalisée par Nicko, pokemonslaughter)
1/ Hello Patrick ! Avant tout, merci de prendre un peu de ton temps pour répondre à ces questions. Maintenant
que Misery Loves Co n'existe plus, peux-tu brièvement nous dire pourquoi le groupe a splitté et ce qu'il s'est
passé après ce split ?
Patrick : Hello ! Aucun soucis, c'était très sympa de recevoir ta requête. Je pense que la principale raison du
split était qu'il n'y avait plus de plaisir. On pensait qu'on était allé aussi loin qu'on le pouvait musicalement et
qu'on avait besoin d'un break après huit années de tournées et d'enregistrements. La vie va très vite et je
ressentais que j'avais besoin de bouger et de ne jamais rester bloqué à un endroit.
2/ Et maintenant, as-tu des projets musicaux ou non ? Et concernant les autres membres du groupe si tu es
toujours en contact avec eux ?
Patrick : Je n'ai pas de projets musicaux en ce moment et je travaille en tant qu'écrivain indépendant à
Stockholm. Je travaille principalement sur la musique ainsi que pour le journal Metro. Donc il est probable que
tu ais lu une ou deux interviews que j'ai réalisées ! Après le split, j'ai fait un album ainsi qu'une vingtaine de
concerts en Scandinavie avec un groupe appelé Alpha Safari que j'avais formé avec Uffe (ex-Entombed,
Disfear). J'ai aussi enregistré quelques chansons en suédois avec Olle. Vous pouvez voir les avancées du
projet à cette adresse : http://www.myspace.com/patrikwiren. Je suis toujours en contact avec Olle qui joue de
la batterie au sein d'Entombed en ce moment. Örjan a travaillé en tant que producteur pendant quelques années
après notre séparation et a enregistré pas mal de groupe de metal. In Flames doit être un nom dont tu devrais te
souvenir ! Aujourd'hui, il travaille en tant que professeur de musique. Je sais que Michael, le guitariste,
possède son propre studio et a enregistré quelques albums récemment mais nous ne nous sommes pas parlés
depuis quelques années.
3/ J'ai vu sur le dernier Entombed que le batteur n'est autre que Olle Dahlstedt (NDLR : interview réalisé par
mail...) ! Comment étaient les relations entre les différentes formations de la scène suédoise, sachant que
Misery Loves Co était une sorte d'hybride, chose peu commune à cette période (dans les années 90...).
Patrick : Nous sommes devenus bons amis avec Entombed quand nous avons fait une tournée européenne
ensemble avec Machine Head. C'est vrai qu'on se sentait un peu différent de la plupart des autres groupes à ce
moment-là. Peace Love & Pitbulls était un des rares autres groupes avec lesquels nous nous trouvions des
points communs, mais nous nous sommes tout de même fait beaucoup d'amis dans la scène metal à cette
époque.
4/ Certainement une question à laquelle tu as répondu un millier de fois, mais... pourquoi un tel nom, Misery
Loves Co ? Pareil pour Midas Touch (je viens juste d'acheter l'album, assez surprenant d'entendre cette voix de
ta part hé hé). Est-ce que cela signifie queqlue chose de particulier pour toi ?
Patrick : J'en suis venu au nom Misery Loves Co après avoir entendu JR dire cette expression à Sue Ellen dans
un épisode de Dallas... J'ai juste trouvé que ça sonnait bien et que ça irait bien avec ce que nous jouions. Nous
étions assez lamentable tu sais... Midas Touch ? J'avais 16 ans quand j'ai commencé à enregistré cet album,
donc... c'est une histoire différente !
5/ Par rapport au groupe, comment expliques-tu l'évolution très importante tout au long de vos trois albums ?
Spécialement pour "Your vision..."
Patrick : Pour moi, il s'agissait de laisser les guitares lourdes et se focaliser sur le chant, les mélodies et les
atmosphères. Le premier album était principalement basé sur l'énergie alors que les autres avaient une autre
dimension. Je pense...
6/ Maintenant, avec le recul, y'a-t-il queqlue chose que tu aimerais refaire avec le groupe ? queqlue chose dont
tu n'es pas très fier, une déception...
Patrick : Non, pas vraiment. La vie est trop courte tu sais.
7/ As-tu le sentiment que Misery Loves Co n'a pas obtenu le succès qu'il méritait ? Quand tu compares par
exemple avec des groupes comme Fear Factory ou Godflesh (ou peut-être ai-je tort, hé hé !) ? Principalement
pour "Your vision..." qui est plus orienté mainstream.
Patrick : Beaucoup de monde n'arrêtaient pas de nous dire que nous allions avoir du succès commercialement
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parlant, spécialement avec le dernier album. Mais que veux-tu, qu'est-ce qu'on peut y faire ? J'ai été assez
étonné par la manière dont nous avons été traité par les gens à travers l'Europe et je ne peux pas ressentir
d'amertume après tout cela. Nous avons reçu un Grammy, nous avons ouvert pour Slayer à la Brixton Academy
de Londres et nous avons pu faire de nombreuses tournées. Je ne peux pas vraiment en demander beaucoup
plus.
8/ Quand je regarde la discographie de Misery Loves Co, j'entends du Godflesh, du Fear Factory, du Nine Inch
Nails, du Joy Division... Ai-je raison ? Quel était l'impact de vos influences lors du processus de création ? Je
veux dire, c'est comme un groupe en train de grandir et de devenir de moins en moins violent, comme s'il avait
compris comment on pouvait sonner dark sans pour autant en faire des tonnes niveau boucan, quelque chose
qu'on ne pourrait comprendre qu'avec les années et l'expérience, rien qu'en écoutant l'évolution sur vos
différents albums.
Patrick : Oui, tous les groupes que tu as mentionnés étaient des trucs qu'on écoutait, parmi d'autres. Mais je
pense que le plus important était que nous écoutions beaucoup de choses différentes et pas seulement de
l'indus/goth. Oui, je pense que tu as raison. Nous avions besoin de temps entre nos débuts et "Your vision..."
pour être capable de faire ce que nous avons réalisé sur notre dernier album. C'était clairement quelque chose
qui représente le fruit de 8 années d'expérience.
9/ Naturellement, quelques mots au sujet des reprises. Etaient-elles importantes pour vous et le groupe ?
("Complicated game", l'énorme "Drowning man")
Patrick : Non, ce n'était pas si important. Mais c'était marrant. Nous adorions les chansons et nous pensions
pouvoir les adapter pour en faire des titres à la Misery Loves Co. Spécialement "Complicated game" (XTC) était
un réel challenge. Concernant le titre des Cure, nous sommes restés assez fidèles à l'originale.
10/ Pour ceux qui ne connaissent pas Misery Loves Co, comment pourrais-tu leur décrire le groupe ? Son but,
ses influences, son inspiration textuelle...
Patrick : Nous étions un groupe de rock mélancolique avec une touche industrielle. Nous avions plus d'énergie
à la punk que la majorité des autres groupes étiquetés "goth", ainsi que des paroles assez personnelles.
11/ Sur Guts Of Darkness, nous sommes focalisés sur les archives. Peux-tu nous dire les albums qui étaient
importants pour toi ?
Patrick : Ministry "Psalm 69" a eu un énorme impact sur nous. La manière dont le groupe mélangeait les
guitares heavy avec le côté indus programmé était totalement incroyable. C'était ce que nous voulions faire au
début. D'autres albums/artistes importants : God Machine "Scenes from the second storey", Nine Inch Nails
"The downward spiral", Depeche Mode et Radiohead "OK computer".
12/ Maintenant une question piège hé hé ! Connais-tu des groupes français ?
Patrick : Oui. Voyons voir... Téléphone était un groupe français, n'est-ce pas ? Et Vanessa Paradis et Brigitte
Bardot n'ont peut-être pas été un groupe mais... Merde... Je suis désolé... Il est tôt le matin... Scarve ? Aide-moi
! Quels groupes devrais-je te donner ??
13/ Et qu'écoutes-tu actuellement, un album particulier dont tu aimerais parler ?
Patrick : Anthony & The Johnsons "I am bird now" est l'album le plus incroyable que j'ai écouté ces deux
dernières années.
14/ Revenons au split. Comment te sentais-tu au moment de tuer le groupe qui t'as coûté tant de temps et
d'investissement ?
Patrick : C'était un réel soulagement en fait. Chanter et tourner me manquent bien sûr et je pense que je
pourrais reprendre le micro à un moment. Mais à cette époque, ça faisait vraiment du bien d'arrêter le groupe. Il
y avait trop de travail et pas assez de plaisir pour continuer. C'est comme s'il y avait trop d'obligations je pense.
15/ Quelles seront les plus forts souvenirs de ta carrière ?
Patrick : Les concerts. Je me souviendrai toujours de certains concerts que nous ayons fait, les gens que nous
avons rencontrés et les soirées que nous avons eues. Etre isolé dans un studio peut apporter des
récompenses, mais faire des concerts était toujours quelque chose que je préférais.
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16/ Un dernier mot ?
Patrick : Non, pas vraiment. Je vais le garder !
17/ Merci pour tout ce que tu as réalisé. J'espère vraiment avoir de tes nouvelles, merci.
Patrick : Thank you ! Like I said, it was nice to hear from you. Hopefully you’ll hear from me again.
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Les chroniques de concerts
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Asobi Seksu, le 31 octobre 2007, au Korova, Liverpool : bi Seksu, le 31 octobre 2007, au
Korova, Liverpool - (concert chroniqué par dariev stands)
Premières parties
Col on Col + The Sound Movement + Scanners
chronique
Non, là, je veux vous parler d’Asobi Seksu, merveilleux petit groupe shoegazing (rien à voir avec le petit revival
qu’on voit poindre en ce moment, on parlerait plutôt de Dreampop, en fait) new-yorkais, dont je devrais vous
chanter les louanges en chronique un des quatre. Les 3 gars (+ une fille), jouaient donc ce soir-là au Korova, et
je trépignais d’impatience depuis un moment à l’idée de voir ça. Pensez donc, 5£ pour 4 groupes, il y avait de
quoi se ruer sur les tickets, vu le prix moyens des concerts au pays des poissons-frites. Ce que je tentai de
faire, en vain. En effet, le Korova avait décidé de ne vendre ses tickets que sur Internet ! Politique assez étrange
s’il en est, surtout que décrocher autre chose qu’une carte de retrait ici relève de la gageure (en gros, être riche
ou bien résidant depuis 3 ans sur le sol anglais). Impossible, donc, de payer sur internet pour moi. Par chance,
la minuscule salle du Korova (la fosse et la scène réunies font un peu plus que mon salon… qui n’est pas très
grand) n’était pas pleine.L’ambiance n’en était que plus chaleureuse : Tout le monde se parle, peut assister au
soundcheck des musiciens sans problème...
Le concert démarre avec Col and Col (pour Colin et Colette), sympathique couple à la dégaine tim burtonienne,
auteur d’un folk éthéré assez charmant… Rien à voir avec les Dresden Dolls ici, malgré le bagout du
chanteur-guitariste, un brin hystérique sur les bords. Les deux cols s’échangent leurs instruments (piano et
guitare) au court d’un set trop court mais néanmoins brillant, quoique ponctué de cafouillis techniques bien
cocasses, comme le laptop qui se met en veille avec l’écomiseur d’écran XP… On apprendra de la bouche de
Col qu’ils n’avaient pas répétés pour le concert ! Sans leur indéniable talent, gageons que les Cols auraient pu
passer pour des bleus.Le groupe suivant, les trois australiens – de Melbourne - de The Sound Movement, ne
déçoit pas. Outre la bassiste déguisée comme une japonaise d’Akihabara, dans un genre de costume Sailor
Moon blanc immaculé, ils se caractérisent par un genre de Shoegazing rêveur et bien trippant comme il faut.
Les premiers morceaux, instrumentaux, en imposent direct et forment un tourbillon rapidement hypnotique qui
captivera durant toute la durée du set. A cela vient se greffer la voix du chanteur/guitariste, qui s’avèrera
insignifiante, mais juste assez discrète pour ne pas interrompre le trip. Un groupe qui gagnerait à devenir
complètement instrumental, encore qu’ils le soient pratiquement déjà.Puis vient Scanners, déjà arrivé un cran
au dessus en termes de notoriété, en atteste le stand de merchandising, présent à coté de celui d’Asobi Seksu.
Deux gars, deux filles, et une sérieuse envie d’en découdre. La chanteuse, aux airs de Patti Smith et de Joey
Ramone (On pourrait aussi dire Feist ou Jonathan Richman), assure vraiment, et procure une présence
scénique incroyable à l’ensemble. Quand l’intensité, elle était présente aussi au rendez-vous, toujours grâce la
frontwoman. Manque peut-être un soupçon d’originalité, dans ces synthés excités et ces bouffées d’adrénaline
à la fin des morceaux ? En tout cas, ils n’ont pas l’air de vouloir s’arrêter avant de se faire entendre, ce qui
devrait logiquement leur arriver, vu la motivation montrée ce soir et le style pratiqué.
J’en viens au clou de cette soirée : Asobi Seksu ! Dont la musique gagne sérieusement en décibels et en
intensité en live, mais bizarrement, perd en accessibilité. Il faut dire que leur musique nécessite une
concentration totale, histoire de capter les mélodies angéliques de la chanteuse en sous-couche derrière
l’amas de grattes, effets, synthés, maracas, tambourins et autres… Concentration rendue difficile par un public
quelque fois un peu « bonjour j’ai 15 ans, je connais pas ce groupe, mais je reste au premier rang pour me
mettre du faux sang sur la gueule en cassant les couilles parce que c’est Halloween ». Qu’a cela ne tienne, le
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concert fut épique. Comme dit plus haut, les Asobi Seksu deviennent vraiment méchants sur scène, provocants
tremblements de terre et avalanches a force d’énergie libérée à l’infini. Loin de regarder leurs pompes, ils s’en
donnent à cœur joie. Le batteur se déchaîne ina dave grohl style, le gratteux, en parfait petit kevin shields,
chante comme le maître et semble exulter à chaque instant… C’est ça, après tout, le shoegazing : carte blanche
au bruit dans un cadre pop. Car la frêle chanteuse (sacré petit bout de femme, loin de la vamp lascive suggérée
par les géniales pochettes), est là pour tirer tout cet ouragan vers la mélodie, à sa façon très personnelle… Si
au début, on a du mal à reconnaître les morceaux, on se retrouve très vite complètement parti, flottant avec eux
dans une bulle de son pur (la voix étant ici plutôt un instrument à part entière.) Difficile de s’y retrouver parfois,
mais la désorientation fait aussi le charme de cette musique. Après avoir joué les meilleurs moments de «
Citrus », les new-yorkais clôturent cette soirée à un peu plus d’une heure du matin en reprenant
magnifiquement « Then He Kissed Me » des Crystals, avec plus de fureur noisy que jamais.Merci, Asobi Seksu,
merci Kevin Shields, merci le Korova, merci la Reine d’Angleterre, à vous les studios.
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KINDERTOTENLIEDER : DERTOTENLIEDER - (concert chroniqué par Wotzenknecht)
Une chronique de spectacle sur Guts ? Oui, simplement parce qu’il est étroitement lié à la musique, par la
collaboration conjointe de Stephen O’Malley (Sunn0))), Khanate & autres joyeusetés sismiques) & Peter
Rehberg (du projet ‘Pita’ & directeur du label Mego) qui unissent leur force sur ‘KTL’, duo formé pour
l’occasion, avec déjà quelques sorties à leur actif, et qui jouent certains titres en accompagnement de la pièce,
réalisée par Gisèle Vienne en collaboration avec Dennis Cooper (écrivain dont les thématiques rappellent les
sphères de Burroughs ou Sotos). Outre le grand plaisir de voir des bourgeoises intello puant le snobisme et le
Chanel se faire démonter les oreilles par O’Malley, Kindertotenlieder parle d’inconscient collectif, de
fantasmagorie, d’univers irréel où les corps de jeunes adultes en vêtements de métalleux partagent la scène
avec de troublantes poupées taille réelle, aussi immobiles que les comédiens au début de la pièce. L’œuvre se
veut totale, depuis les drones monocordes de SOMA à la neige artificielle et aux effets de lumière, tout favorise
l’immersion et exagère la dimension ‘artificielle’ (au premier sens du terme) des fêtes païennes, de la
représentation de la mort et du sexe. Ils sont une quinzaine, au début, à se partager une scène embrumée qui
empêche le spectateur de savoir où et combien il y a d’acteurs parmi les faux personnages. Puis certains vont
bouger, très lentement, souvent de façon distractive afin de nous empêcher de voir les mouvements des autres.
On se retrouve souvent surpris de voir tel personnage debout alors qu’il était au sol ; bref, la coordination est
bluffante et l’intérêt toujours ravivé, notamment par certaines scènes violentes et spontanées, sorte d’élan
sexuel dans le vide, comme le tabassage d’un garçon par deux autres, le coup de pied à la face d’un mannequin
ou l’humiliant déshabillage d’un des acteurs, obligé de se rouler dans la neige au pied de son agresseur. Les
adolescents vivent au rythme du ‘concert’, ne veulent pas grandir ni sortir de leur irréalité : ''« I’m boring.
You’re boring. Sex is boring. Being tortured is boring. Being killed is boring.»'' Le réel a perdu tout intérêt, seul
subsiste cette fascination du fantasme devenu spectacle : la mort est une danse, le sexe est une violence. KTL
remplit l’espace pour un très beau final où la comédienne principale qui avait alors le jeu le plus désarticulé et
inhumain se met à vouloir ressentir quelque chose de l’ordre du vivant, se dénude, s’ouvre les veines, pour
finalement vainement tenter d’atteindre l’angle où se situent les musiciens ; à chaque fois violemment retenue
par le dernier personnage ‘humain’ encore debout. ''« KILLER BOY DOLL : So are you cool with being dead ?
SUICIDAL BOY DOLL : Not really.»'' Immersif, contemplatif et beau.
''Extraits © Dennis Cooper, Photo © Les subsistances & Gisèle Vienne''
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Les chroniques
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REDSHIFT : Last
Chronique réalisée par Phaedream
Dans cet univers artistique où les technologies modifient constamment l’essence de la MÉ, il y a des éléments
qui restent immuables, comme la sonorité méphistophélique du mythique Redshift. Même avec une structure
modifiée, suite au départ de James Goddard et l’ajout de Ian Boddy, Redshift demeure un groupe sombre,
éclectique qui crée une musique meurtrie d’une empreinte mélancolique.
Enregistré lors du Hampshire Jam d’octobre 2006, le nouveau trio explore les méandres des lourds sentiers
analogues de Mark Shreeve. Sauf que cette fois-ci les structures filtrent des intrants plus mélodieux, un étrange
contraste d’une musique obscure.
Dès l’intro caverneuse de Tormentor, l’atmosphère s’emplit des lourdes réverbérations du monstre analogique
qu’est l’énorme synthé Mark Shreeve. Les stigmates sonores s’y échappent épurant une atmosphère atonique
aux soubresauts imprévisibles. Un peu comme à l’agonie, Tormentor progresse de multiples ascensions
tourmentées de pulsations composites qui forment des bulles aux explosions restreintes. Le mouvement est
lent et sinueux, englobant une violence retenue qui regorge de mélodies spiralées, se formant et disparaissant
comme des serpents apeurés. Du Redshift spectral, aux effusions sonores spontanées, comme on a toujours
aimé.
Vaporeux sur synthés aux bourdonnements intrigants, Nightshift forme une courbe ascendante au stupéfiant
Last. L’intro est à l’image d’une comptine sortie des films d’horreur, avec ses arpèges multipliés d’un écho
minimalisme. L’atmosphère est lugubre et drainé de synthés soucieux de faire l’effet diabolique. La tension est
superbe et l’arche sonore se contracte avec plasticité pour offrir une mélodie ténébreuse qui se respire avec
une aisance ensorcelante. Le jeu des séquenceurs est superbe et les frères Shreeve étendent une série
d’accords qui dansent avec une souplesse échotique qui amène aux rêves. Un beau moment, doux mais
empreint d’une sombre beauté, à cause de l’effet de ressac des ondes Redshiftiennes.
Long Way Out sillonne avec hésitation jusqu’à Damage, de loin le titre le plus intéressant de ce 9ième Redshift.
Une nébuleuse intro, à progression séquencée, échappe des lamentations spectrales qui s’enroulent en
striures menaçantes. Les séquences se rebellent pour former une fusion des rythmes contractée et
indisciplinée. Subitement, le lourd monstre de Mark Shreeve bouffe cette intro pour rediriger la cadence sur des
nébulosités croissantes dans une mer stagnante de sonorités composites. L’effet Redshift est totale et
s’imprègne d’un silence inquiétant, dont seuls quelques éléments flottent dans une noirceur poétique. Les
bourdonnements reviennent pour surdimensionner cette constellation silencieuse. Les rythmes s’affolent
autour de séquences plus vicieuses qui virevoltent comme une névrose peut alimenter le cerveau. Les
passages du trio Anglais sont impétueux. Même si on peut en prévoir les mouvements, les impulsions étonnent
toujours par la force de l’impact sonore et de ses évolutions. Torn, qui suit une frénétique ovation des
auditeurs en place, offre un même concept sonore. Sauf que les séquences sont plus agiles, frivoles et mordent
l’ouïe d’une férocité Redshiftienne dont l’on ne se rassasie jamais.
Ce dernier Redshift est cinglant et mordant, plus que Toll si ça trouve. L’arrivée de Ian Boddy semble coïncider
avec une ouverture plus mélodieuse des séquences. Un paradoxe qui flotte constamment dans un cercle
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funeste complexe et nuancé. Il reste juste à souhaiter que le titre ne soit précurseur de la fin de ce superbe
groupe.
Note : 5/6
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ARC : Fracture
Chronique réalisée par Phaedream
Après un Arcturus plus près des vieilles sonorités, Arc reprend son essence avec un titre flamboyant qui soude
à merveille la musique électronique analogue et digitale. Plus que jamais la distinction est incisive et nette.
L’approche imprécise des mouvements électroniques se maille admirablement bien avec la contemporanéité
sonore des ordinateurs. Dès sa lourde intro vaporeuse, Fracture nous plonge dans cet étrange univers au
paradoxe sonore tranchant. Le séquenceur hoquette de lourdes réverbérations qui se moulent à des
lamentations syncrétiques, issues de synthés très métalliques. La cadence est lente et complexe, épousant une
sonorité caverneuse aux pulsations chaotiques qui traînent une lourdeur sonore lancinante, laissant juste un
peu d’arôme pour initier des mouvements plus contemporains, un peu comme un jazz lounge acide. Departed
offre une candeur Redshiftienne sur un tempo aux mouvances nuancées. L’atmosphère est intense et épouse
une errance d’épouvante qui nous amène à des sommets musicaux magiques, comme ce passage où le piano
de Boddy érafle la sonorité d’un clavecin très Glass, alors que le mouvement est pris d’assaut par des synthés
fantomatiques aux effluves de TD et Redshift. Un titre envoûtant, à la terreur légère, qui justifie le maillage
Boddy/Shreeve. Slipstream est plus léger et oscille sur un rythme en cascade avec de belles nappes
synthétisées. Le mouvement est fluide et s’arrime à une basse au galop léger qui éperonne une superbe
séquence rotative en milieu de parcours, pour reprendre son rythme initial.
Friction est plus mordant, avec un tempo croissant qui sautille sur une séquence aux battements asymétriques.
La ligne de basse est coulante sur des synthés assez discrets, laissant toute l’impulsion à une dynamique
séquentielle assez névrosée. Comme quoi qu’une courte pièce ne manque pas nécessairement de profondeur.
D’étranges chants de sirènes perfides et railleuses animent l’intro de Raptured. Un long titre où les
convergences musicales chevauchent les paradoxes techniques. Les synthés offrent une mer tranquille aux
remous incertains qui hurlent sous des striures synthétiques malveillantes. L’atmosphère est très sombre et
pesante, offrant des hurlements des vents qui se confondent en chants de licornes. Une séquence émerge de
cette noirceur pour offrir un superbe mouvement harmonieux qui s’arque sur un synthé aux cercles sonores
croissants et hypnotiques. Raptured est à l’image des vieilles féeries musicales que sont les Phaedra,
Stratosfear, Nightdust et toute ses panoplies d’odes électroniques qui ont meublés des heures d’écoutes dans
les années 70. Un long titre aux confusions épiques qui glanent entre l’atonie et des séquences aux tourbillons
fragiles, mais persistants. Du Berlin School qui étouffe ses dernières hérésies dans les abysses d’un monde
musical aux souffles atoniques, mais mielleux, dans les confins d’un univers musical complexe et pas encore
totalement déchiffré.
Ce nouvel album de Arc est intense et étale tout le rayonnement musical qui anime Ian Boddy et Mark Shreeve.
Fracture dégage une étrange complicité entre deux artistes aux techniques opposées, mais à la créativité tout
autant amplifiée. Un solide album sans faille, qui s’écoute avec tout l’étonnement qu’il procure.
Note : 5/6
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AUTECHRE : Basscad EP
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Oh que c’est mignon ! Le tout premier EP d’Autechre ! Soyons honnêtes : il accuse bien son âge, et n’étant
composé que de remixes (et non de reconstructions, comme sur la plupart des Eps suivants), il tient facilement
la place de l’objet le plus dispensable du duo (suivi de près par le ‘Peel Session 2’). ‘Basscad EP’, comme son
nom l’indique, part de l’excellent ‘Basscadet’ présent sur ‘Incunabula’, pour en proposer trois variations et deux
travaux de copains de la scène électronique anglaise, alors en plein envol ‘cérébral’ : Seefeel (groupe
post-rock-downtempo-minimal-electronica-planant-warpien) est de la partie, pour un mix répétitif bien peu
alléchant du titre original, et Beaumont Hannant à l’inverse qui propose le titre le plus réussi du disque
puisqu’il se sert des sonorités de bases pour en construire une longue variante ‘ambient break’, rythmée au
beat syncopé sur une mélodie typique des débuts de l’’intelligent dance music’, dont le terme (fort contestable)
provient des premières compilations... Warp. Le reste est attribué au talent du duo qui en est encore à ses
balbutiements, donc si les pièces (dont la première est utilisée pour le clip présent sur l’EP Gantz Graf),
oscillant entre dub et downtempo, sont fort agréables en complément à Incunabula, il n’empêche qu’elles ont
toutes les même couleurs et textures (normal, me direz-vous), donc rien de bien alléchant au final.
Note : 3/6
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AUTECHRE : Cichlisuite
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Celui-ci aura été le plus dur à chroniquer, non seulement parce qu’il n’est pas évident à trouver, mais aussi
parce que toutes ses compositions sont très ‘miniatures’, dans le sens où les sons sont si rapides et discrets subliminaux parfois - qu’il faudrait pouvoir ralentir ou arrêter le temps afin d’apprécier pleinement les
scintillements de chaque éclat qui tient lieu de fragment mélodique ou rythmique. En même temps, mes
récentes incursions dans le logiciel max/MSP (programme de développement d’environnements sonores,
notamment à l’aide de mathématiques aléatoires) m’ont permis de mieux saisir l’essence, du moins la
provenance de ces mystérieux hachages et décompositions rythmiques qui ont commencé à envahir Autechre
depuis Chiastic Slide. Parlons-en, de Chiastic Slide, d’où est justement tiré le sympathique ‘Cichli’ qui sert de
base de travail pour cet EP. Vous vous rappelez de son affable mélodie, étrangement mélancolique et enfantine
? Le son est ici beaucoup plus fin et précis, tranchant même, typique de la finesse requise pour ces pistes à la
frontière de l’IDM et du glitch (sous-genre de l’IDM, forme dépouillée où les clics de bugs ou de grésillements
électroniques sont utilisés comme unique source), donc les mélodies ne se font plus entendre que par à-coups
que le cerveau reconstituera de lui-même. Le très barré ‘Pencha’ plaira à ceux qui aiment le son d’Autechre live,
c’est à dire paradoxalement dansant et toujours de plus en plus chargé en parasites qui s’accrochent autour
des pulsations, comme pour tenter d’arrêter un mécanisme qui ne stoppera que de lui-même en une seconde.
Les autres titres oscillent entre vitesse moyenne et lente, plus axée sur l’évolution (multiple, et donc très
difficile à cerner sur moins d’une vingtaine d’écoutes) des organismes qui imitent des gonflements (‘Characi’),
ou encore des objets qui chutent sur une table en marbre (‘Krib’) sur fond downtempo, donc un ensemble plus
à observer (j’oserai même dire : à regarder) pousser comme une plante ou s’agiter comme une fourmilière.
C’est un peu la quintessence d’Autechre : à l’image de la vie qui naît des réactions du carbone (et non de la
main de Dieu, sic), ils s’amusent à bidouiller les chiffres comme des molécules pour recréer le vivant.
‘Cichlisuite’ est une réserve naturelle pour les oreilles.
Note : 4/6
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THE ADICTS : Fifth overture
Chronique réalisée par Twilight
Milieu des 80's, les temps sont durs pour le punk rock; la plupart des formations pionnières ont splitté, les kids
s'en désintérèssent pour se tourner vers d'autres styles. Face à cette situation, les Adicts décident de suivre la
mouvance pour voir ce qui en résultera. Il leur est déjà arrivé d'expérimenter avec des touches new wave de par
le passé, pourquoi ne pas pousser l'idée jusqu'au bout ? Monkey et sa bande s'adjoignent donc les services
d'un clavier et se lancent dans ce qui s'annoncera comme leur plus cuisant échec. Caractérisé par une
production très 80's, 'Fifth overture' semble en effet cumuler tous les poncifs d'un rock FM pompier très en
vogue à l'époque, notamment aux USA: guitares heavy, synthés cheap, structures de morceaux bâteau au
possible et même les textes se mettent à ruisseler de bons sentiments...C'est une horreur, 'I'm yours' évoque
'Walking on sunshine' de Katrina and the Waves, 'Beauty sleep' des groupes tels qu'on en entendait dans tous
les films américains pour ados dans les années 80. L'apport du synthé est une catastrophe vu ses sonorités
commerciales, dont le summum doit se trouver sur l'atroce 'Change' qui pourrait évoquer une version soft des
pires combos catalogués 'Hard FM'. Seule lumière dans ce bourbier artistique, l'étrange 'Put yourself in my
hands' qui débute par de mélancoliques guitares sèches (vaguement Scorpion dans l'inspiration) avant de
s'emballer sur une musique plus rythmée, nettement plus amère, désenchantée dans les paroles. On
retrouve-là le meilleur aspect du côté pop des Adicts. 'She's a rocker', bien qu'assez banal, reste sympa au
niveau de la mélodie malgré ses riffs heavy; sur certains passages, l'adéquation synthé-guitare est même
bonne. Je signalerais encore 'Don't let go'. Pour le reste, c'est une horreur et d'ailleurs, il sera totalement boudé
par les critiques, deviendra même une sorte de collector tant il sera mal distribué. Il sera finalement réédité ce
qui ne lui apportera pas le succès pour autant. Rien d'étonnant, cet album est mauvais. Heureusement les
Adicts n'avaient pas dit leur dernier mot...
Note : 2/6
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THE ADICTS : 27
Chronique réalisée par Twilight
In-cro-yable ! Près de cinq ans après leur infect 'Fifth overture', les Adicts reviennent avec un nouvel opus
totalement boosté au punk. Oublié l'essai commercial, les tentatives mainstream, le groupe s'est séparé de son
clavier pour recentrer la composition sur la combinaison rythmique-guitare. '27' n'est certes pas un album
original, loin de là mais niveau pêche et efficacité, il est bien dans la place. Pas de temps mort, les tempi sont
rapides, on note même quelques attaques assez violentes des riffs; le chant s'est durci un brin et même si les
Adicts restent les Adicts, le ton est plus désenchanté ('Love sucks', 'Breakdown', 'Fuck it up'). Il reste encore
des traces d'humour mordant ('That's hapiness', le bon 'Football fairy story', 'Learn guitar with Monkey and
Kid') mais on est loin de la touche batcave de 'Song of praise'. Il n'empêche, quel joie de retrouver les Adicts en
pleine forme; '27' coule tout seul comme un bon disque de punk rock, pas forcément original mais efficace
niveau mélodie.
Note : 4/6
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ALCHEMIST : Tripsis
Chronique réalisée par Powaviolenza
Si je me souviens bien, mon premier et seul contact avec Alchemist avant la réception de ce promo fut dans un
sampler, acheté à l'époque pour le titre de "Grand Declaration of War" de Mayhem - mes chastes oreilles, alors,
n'étaient pas préparées à la musique assez étrange de ce groupe, et je n'avais donc pas été chercher plus loin.
Voici donc mon avis de néophyte total sur "Tripsis", leur dernier album. Ne connaissant pas le reste de la
discographie visiblement assez fournie de ces australiens, aucune idée si cet album est objectivement bon
comparé à leurs précédents méfaits, mais ce que je peux vous dire, c'est que ça m'a foutrement donné envie de
creuser ! En effet, le skeud ici présent est une bonne grosse claque, purement et simplement. Et inattendue par
dessus le marché. Bien loin des sorties Relapse habituelles depuis quelques années - le thrashcore
psychédélico-progressif d'Alchemist y fait figure d'OVNI. Dur d'étiqueter ou de comparer ce disque, mais j'ai
pensé principalement à Godflesh dernière période (pour le côté rythmiques cycliques / cyber burné vocalement
mais éthéré harmoniquement) et au Voivod avec Eric Forrest (pour les dissonances et le delay guitaristique) ;
pourquoi pas aussi à Spaceboy en 1000 fois moins barré et 1000 fois plus écoutable (tout en développant le
même genre de feeling). Mixez le tout, ajoutez un gros groove de camionneur Texan (on dirait presque du
Hatebreed sous champis par moments) et des tonnes d'effets psychédéliques, vous obtenez ce "Tripsis",
bourré d'énergie et à l'ambiance prenante, presque relaxante (effet du à la prod synthétique mais ample, très
agréable), franchement bandant, tout en finesse. Quarante minutes plus que bonnasses donc. Peut-être un poil
répétitives et manquant de passages vraiment géniaux (tous les morceaux sont bons mais rien ne se détache
réellement au final), mais je chipote là. Tuerie ; à découvrir !
Note : 5/6
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THE GUESTS : ...In silence
Chronique réalisée par Twilight
Rebaptisés The Guest, les Russes de Unholy Guests nous délivrent leur premier et unique cd. On y retrouve
donc les titres de leur premier mini 'Black clouds, red skies' dans des versions un brin modifiées, surtout en
terme de production et d'effets. Le style n'a pas foncièrement changé, on pourrait parler de gothic rock avec
des influences cold wave dans certaines sonorités de guitare (d'ailleurs les Cure sont une influence
revendiquée) et une touche indie. Le chant, plutôt bon, m'évoque un peu celui de Mary O des Last Days of
Jesus mais utilisé de manière moins folle. Visiblement, le groupe a mis le paquet pour cet album, la production
est très travaillée ainsi que l'artwork (ce qui n'était pas évident vu le manque de moyens) et on sent l'effort au
niveau mélodies. Si dans l'ensemble, c'est efficace, les Guests se plantent néanmoins à quelques reprises: les
horribles synthés de 'Goodbye, good luck', les effets 'wowow' du début du pourtant beau 'Dream II' chanté en
Russe...Nos jeunes gens ont séparé les morceaux en deux parties, la seconde étant en effet un brin plus
sombre et agressive dans le feeling général, la première plus représentative du côté indie de la musique.
Curieusement malgré le bien que je pense de ce disque, je ne suis pas surpris qu'il constitue l'unique essai du
groupe; en effet, on y décèle l'album jeune, composé par des musiciens passionnés mais sans doute encore en
pleine exploration artistique, cohérence, oui, efficacité, encore oui, pleine maturité ? C'est encore un peu tôt. Il
n'empêche, '...In silence' leur a valu une reconnaissance méritée ainsi que quelques dates en Russie et en
Pologne aux côtés de Clan of Xymox, l'Ame Immortelle, Deine Lakaien, etc. A noter que le guitariste travaille
déjà dans un nouveau projet.
Note : 4/6
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MEMBRANE : A story of blood and violence
Chronique réalisée par dariev stands
Derrière cette pochette classique à en bailler quoique classe, se cache un courageux groupe de noise rock
français, Membrane, en activité depuis pas mal d’années déjà, et dont voici la 3eme sortie. On aimerait ne dire
que du bien de ce petit groupe, rattachable à un certain renouveau indé français récent, tout aussi bien qu’à
une certaine scène 90’s autrefois prolifique et foisonnante… Les noms de Sleeppers, Condense ou Dirge
reviennent. Certains sont encore debout ceci dit, comme les Basement, qui ont d’ailleurs enregistré leur dernier
album à Marseille chez Nicolas Dick de Kill The Thrill, d’ailleurs. Tout comme Membrane. Une scène qui se
serre les coudes, à n’en point douter, et qui partage plus que des influences (Neurosis, Breach, et Unsane
période Occupational Hazard évidemment, repris en fin d’album) : une noirceur, une colère commune. Virulent,
ce « Story of blood and violence » (rien à voir avec le film de Crone155erg) l’est d’emblée. Lourd, puissant,
écrasant, aussi. Et finalement, chiant et convenu, dans la foulée. Si la production est remarquable, mettant en
valeur les qualités techniques du power trio, toujours carré et in your face, le chant est franchement buté et
indigne du reste. Les guitares, quand elles ne sont pas des gourdins plombés, n’oublient pas d’être mordantes
sur un « Burn Inside » réussi… Ce qui n’entrave en rien la monotonie fadasse de l’ensemble. Un disque qui se
veut brutal, sombre également ; et qui l’est, mais sans trouver l’équilibre entre influences et inspirations, dans
ses compos. Et quoi qu’on en dise, c’est ça qui reste déterminant.
Note : 3/6
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BLOOD BROTHERS : Young machetes
Chronique réalisée par dariev stands
La ville de Seattle n’est plus ce qu’elle était. Alors que lors des glorieuses années « grounge » chères à Antoine
De Caunes, elle était peuplée de chevelus hirsutes aux influences sabbathiennes et aux guitares ronflantes, la
voilà désormais repaire d’une bande d’ados efféminés comme des héros de mangas, geignant tous ensemble
dans un micro qui ne grésille même pas sous leurs postillons. D’ailleurs, point de guitares distordues ici. Il
semble que la violence passe entièrement par ces voix omniprésentes, suraigues, déchaînées. Et par la
rythmique indécise. Ou va-t-on alors si même les réjouissants freluquets Blood Brothers refusent l’académisme
et infusent leur musique dans un bain de nouveauté qui ouvre des perspectives inconnues (voir la fin de
l’album, du milieu de « Street Wars » à la fin) ? Nulle part, et c’est souvent le cas avec cet album. Oh, certes, il y
a encore des grosses mandales distribuées avec un altruisme indécent, les jeunes machetes font péter les
artères à grand coups de blasts en papier et de lyrics absurdes, projetés comme des glaviots avec ces voix de
crécelles hystériques. Comme des indiens qui hululent pour emmerder les cow-boys, les Blood Brothers s’en
prennent à la guerre en Irak et se prennent pour RATM sur « Huge Gold AK-47 ». Mais le Blietzkrieg annoncé
par les deux premiers brûlots, furieux, épiques et convulsifs, n’est que de courte durée. Il ne reviendra que sur
le chaotique ‘You’re the dream unicorn’. Ce qui est sûr, c’est que les Frères de Sang on saupoudré leur
violence de mélodies et d’arrangements bien plus aventureux qu’avant. Oserons nous dire que la plupart des
structures des morceaux sont progressives ? Dans le cadre du hardcore en tout cas - encore que pour
beaucoup, cela ne s’en approche même pas – ça ne fait aucun doute. Intégrer des claviers cheap à tout va fait
de « Young Machetes » un disque archi-frais,remuant, pop sans être accessible. Et aide aussi pour rendre
chaque intro irrésistiblement sautillante. « Every single piano I've ever met in my life/never sounded as good as
melted casio keys » qu’ils disent. En conséquence de ce tic d’écriture, le groovant ‘Spit shine yr black clouds’
et ‘Camouflage’ sont les morceaux les plus pop du lot, abritant chacun des breaks mélodiques surprenants qui
attestent définitivement de la maîtrise du groupe : une mélodie quasiment emo est posée à la voix, quasi nue,
sur quelques nappes de claviers mélancoliques, avant que le morceau ne reprenne sa furie ou ne se termine. Et
c’est là que le bat blesse : les fins de morceaux ne tiennent pas les promesses annoncées par les débuts.
Difficile d’amorcer une cohérence sur un format aussi long, et les Blood Brothers, malgré leur personnalité qui
dérange et leur goût de l’expérimentation, n’y parviennent pas sur la durée. En feraient-ils trop ?
Note : 4/6
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IANVA : l' Occidente
Chronique réalisée par Twilight
La principale qualité de la musique de Ianva selon moi est qu'elle parvient à exprimer quelque chose à la fois de
très intime, de simple et humble et à revêtir une dimension plus universelle; leurs morceaux sont taillés dans le
bois dont on extrait les hymnes. Chaque titre semble en effet s'adresser à chacun personnellement pour lui
révéler une lumière commune et fédératrice. Après leur brillant album 'Disobbedisco', le groupe nous revient
avec quatre nouvelles compositions qui se penchent sur les valeurs et le sens du mot sacré dans la société
occidentale telle qu'elle est devenue ou a été rêvée. Le premier titre mené de voix de maître par le timbre grave
et profond de Mercy puise ses inspirations dans une dimension épique, très cinématographique, telle qu'on
peut la trouver chez Ennio Morricone, ainsi que dans un folklore traditionnel, enfant des tavernes et des rues:
accordéon, cuivres, roulements de batterie, guitare et violons nous emmènent dans les volûtes d'une mélodie
envoûtante et puissante. 'Santa Luce dei Macelli' interprété par Stefania T. D'Altiero se situe dans une veine
plus cabaret funèbre mêlée d'une tension dramatique que l'on retrouve dans le tango, voir dans le fado. Une
fois encore, le talent et la dextérité des musiciens font mouche; les mélodies dégagent à la fois force et
mélancolie. La pièce suivante est instrumentale, plus apaisée mais également plus triste. Tissée autour de
magnifiques partitions de guitare sèche et d'un air émouvant au hautbois, elle permet à l'auditeur de prendre du
recul, de méditer sur les deux morceaux précédents. 'In Battaglia' reprend quelque peu l'atmosphère de
'L'Occidente' mais avec une touche de gravité en plus et une dimension épique en moins, quelque chose de
plus dépouillé. J'avoue que cette musique me touche comme rarement musique m'a touché...Nous sommes
bien loin du dark folk et des barrières qu'il se tisse. Les musiciens de Ianva jouent une musique qui met en
lumière des valeurs universelles, un lien entre le passé et l'avenir, non comme un regret mais comme une leçon
pour aller vers l'avant. Je concluerai par la citation de Pasolini choisie pour illustrer le livret: 'Grâce à Dieu, il
est possible de retourner en arrière, ou plutôt, il faut retourner en arrière même si il faut un courage que celui
qui va en avant ne connaît pas'. Un autre album, vite !
Note : 6/6
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COLLOQUIO : Si muove e ride
Chronique réalisée par Twilight
Si muove e ride...mà è tanto noioso ! Pas évident de se farcir cette galette des Italiens de Colloquio...Oeuvrant
dans une dark wave à forte tendance dark ambient, ils tissent des climats étouffés, sombres et dépouillés,
lents, terriblement lents...Le problème est que les atmosphères peinent à séduire, probablement de par cette
lenteur. Les voix, parlées ou chuchotées, au lieu de développer des climats tristes ne font que renforcer une
impression d'ennui pour une musique qui progresse peu; pareil pour les quelques tentatives de beat
parsemées de-ci de-là qui en plus semblent en total décalage par rapport aux quelques notes de piano. Les
'mélodies', toutes en nappes et sonorités basses, ont quelque chose d'approximatif mais restent trop présentes
pour qu'on se laisse happer par les atmosphères comme ce peut être le cas dans le dark ambient. Des qualités
? Le jeu de piano, extrêmement économe mais dont chaque note semble apporter quelque chose, quelques
tentatives d'effets ('il pozzo') mais ça ne suffit pas à booster un album décidément creux et ennuyeux.
Note : 2/6
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DJ RUSH : Childs play
Chronique réalisée par dariev stands
Un des premiers trucs qu’on m’ait demandé de chroniquer après mon arrivée en ces sombres et expérimentales
colonnes fut – et à ma très grande surprise – DJ Rush. C’était, je dois l’avouer, la dernière chose à laquelle je
m’attendais. Alors pour le coup je vais prendre les choses chronologiquement et remonter à cette première
requête en parlant du tout premier maxi de DJ Rush. Isaiah Major, de son vrai nom, a toujours été vu comme un
trouble-fête de la techno. Un mec bizarre, pas fini, auquel il vaut mieux ne pas faire attention. En 1991, en effet,
époque de l’Acid et des débuts de la « dance music » (l’intelligente, et aussi la crétine, celle qu’on dévorait sur
les compils dont je tairai les titres), qui aurait prêté attention à cette techno pure mais pas si dure, minimale à
faire passer l’école de Cologne pour les tenants de l’italo-disco, et surtout archi-discrète avec son petit clapotis
sec et frétillant, seulement orné de synthés en pain azyme sur « The Reactor » ? Mais les breaks de la fin du
morceau attestent que quelque chose ne va pas. C’est aussi ce que l’intro digne de l’éponyme de Mr Bungle
suggère. « Cruising », dont la ligne de basse n’est pas si loin d’annoncer « Around the world » de vous savez
qui, ferait aujourd’hui une parfaite instru pour un morceau de ragga. Un objet bizzarre donc, fait avec pas plus
de 10 ou 12 sons différents, qu’on rangera soigneusement dans un coin obscur.
Note : 3/6
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PHANTOM ROCKERS : 20 years and still kicking
Chronique réalisée par Twilight
Quand j'ai chroniqué 'On the loose' des Phantom Rockers, j'étais loin d'imaginer qu'ils avaient une si longue
carrière derrière eux. Comme pour me tirer les oreilles sortait cette compilation regroupant tout de même 20
ans au service de la musique. D'après mes renseignements, exception faite d'un album (questions de droit ?),
tous les autres sont représentés et c'est donc en quasi néophyte que j'ai remonté le temps de ce disque plutôt
fourni (double cd). Comme pas mal de formations oeuvrant depuis longtemps dans le genre, les Phantom
Rockers ont exploré pas mal de facette du psychobilly. Si le style de prédilection reste rapide et bien balancé
(on frise parfois le horror punk), les musiciens s'offrent de temps à autre quelques incursions garage,
rockabilly, notamment à leurs débuts encore fortement marqués par des rythmiques bluesy rapides
(mélodiquement, cette période est assez remarquable comme en témoignent 'Rottin in my coffin', 'Escape'), voir
heavy psycho vers la fin ('Go psycho go'). Les différentes atmosphères se traduisent par des variations de
mixage, le poids de la contrebasse étant plus ou moins accentué, le son enregistré de manière plus ou moins
compacte; quant au chant s'il reste reste rocailleux et puissant, il a pour qualité de ne pas se perdre en
rugissements mais de conserver une touche mélodique efficace (on pense parfois à Paul Fenech, dans les
débuts du moins); de temps à autre, les Phantoms proposent même quelques surprises, ainsi les cuivres de
'Gunfight of El Paso' ou un bonus track version Elvis du pauvre pour des textes assez crus. Seul petit bémol, la
qualité variable du son selon les titres qui empêche parfois d'aprécier pleinement le travail de chaque
instrument. Pour le reste, j'avoue que je suis ravi de ma découverte. 4,5/6
Note : 4/6
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COMPILATION DIVERS : Void
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Une compilation qui s’appelle ‘Void’ avec du Francisco Lopez dedans, tout de suite, ça en jette. Il s’agit de la
jumelle de ‘Full’ mais qui fait l’objet d’une autre chronique, puisque les deux parties ont été sorties sur deux
digisleeves distincts. Beaucoup d’Onkyo (noise minimaliste à base de sons dispersés & cliquetis épars, dont
les dignes représentants sont Otomo Yoshihide et Sachiko M) pour ‘Void’ qui nécessitera donc une attention
particulière pour un voyage réservé aux initiés. Ca commence très bien, avec Ami Yoshida qui recrée une
atmosphère nocturne (grillons, criquets & rainettes) purement numérique, en possible métaphore de la
digitalisation du monde ; Ilios qui se la joue Dépeupleur avec des ondes hors champ d’audibilité mais
largement perçues par le cerveau, deux pièces très exigeantes mais fort angoissantes de Ronnie Sundin et
Roel Meelkop, l’un à base d’infrabasses, l’autre avec des voix hachées et dispersées dans l’air ; qui
fonctionnent parfaitement dans le noir pour une longue séquence-émotion. Rien d’extraordinaire du côté de
Marc Behrens dans le genre typique ‘cliquetis & drones contemporains’ ; deux titres plus organiques avec les
drones gazeux de Coti et les subtiles ondulations glaciales de Jason Kahn. Francisco Lopez qui nous offre un
titre immersif, nous faisant visiter les strates sous-marines avant de nous perdre dans les grains crépitants qui
forment la neige d’une télévision sans antenne, pour nous amener en douceur devant un vague concert au
volume sonore inexistant. Mention spéciale à Xabier Erkizia qui cette fois remporte le prix de la branlette inutile
avec quelques bruits abscons entourés de silence. Cremaster semble envoyer un message aux extraterrestres
en utilisant un langage aux fréquences les plus diverses (mon chat est devenu fou sur ce titre). Dieb13 nous fait
plaisir avec un petit bidouillage inutile digne des pionniers du genre et Bern Shurer nous offre le luxe d’une
mélodie (!) perdue dans ce monde digital congelé. Pour amateurs uniquement ; du reste, pas de quoi fouetter
un chat, en tout cas pas le mien.
Note : 3/6
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COMPILATION DIVERS : Full
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Vous vous rappelez de ma chronique de la compilation du même label, intitulée ‘Suffer/Enjoy’, dans laquelle je
reprochais à Antifrost de n’avoir donné que la moitié des règles du jeu (en l’occurrence, 200Hz de largeur de
bande, mais sans préciser laquelle) ? Eh bien là c’est pareil, le jeu était de réaliser une œuvre sur la thématique
du plein et du vide, mais au final c’est l’artiste qui a choisi sa place, donc la cohérence en prend un coup. Cela
s’entend dès le premier titre puisque l’on a le droit à Toshimaru Nakamura qui n’aurait franchement pas dépeint
du côté ‘Void’. Nakamura est à l’origine du ‘no-input mixing board’ à savoir qu’il ne joue qu’avec rien d’autre
que les interférences et les résonances inhérentes aux machines elle-même. Amusant sur papier,
insupportablement chiant à écouter ; bref, on poursuit avec Nikos Veliotis, un violoncelliste qui joue sur un
long drone que n’aurait pas renié Andrew McKenzie, et surtout l’excellent titre de Joe Colley (Crawl Unit) avec
quelque chose qui s’apparente à un galop, quelque chose qui approche inlassablement, prend possession des
ondes, oblige l’auditeur à se défendre en baissant progressivement le volume, mais rien n’y fait, la masse
avance comme une onde sismique, puis s’arrête, s’accapare l’air, se fait suraiguë, et disparaît en un bip. C’est
Daniel Menche qui poursuit les hostilités avec un beat accéléré comme les percussions bidouillées de
‘Animality’, sur lesquelles se déroule une mélodie quasi monotone très puissante et chaleureuse, et qui me
rappelle la difficulté de décrire le son de Menche tant celui-ci est une expérience unique. Evol nous explose le
cerveau avec une espèce de pâte informe semblable à de la patafix imbibée de mercure que l’on nous servirait
en chewing-gum, bref, c’est digne de Hecker et autres malades que l’on croise sur le label Mego. Les choses
deviennent plus soft avec les vagues crépitantes et ondulantes de Edwin van der Heide qui nous berce jusqu’à
la bizarrerie de As11 qui lui joue bel et bien avec l’auditeur, puisqu’il bredouille quelques boucles
incompréhensibles, lentement, de plus en plus fort, puis d’un coup s’arrête et reprend beaucoup trop fort, et
ainsi de suite. Si vous cherchiez quelque chose pour ne pas vous endormir au volant… On continue avec Maja
Ratkje, compositrice norvégienne dans la continuité des pionniers de l’électroacoustique, avec quelque chose
qui tient plus de Fluxus que de l’onkyo ; Matt Shoemaker qui nous offre un titre extrêmement réverbéré, et ce
afin de recréer un espace confus autour de l’auditeur, Eric la Casa et une manipulation imperceptible
d’enregistrement d’eau qui rappelle fortement les bidouillages aquatique de ‘Sud’ de Jean-Luc Risset,
l’inénarrable Sachiko M qui nous offre avec générosité une onde, légèrement accompagnée de grésillements
puis laissée telle quelle pour l’auditeur étourdi qui aurait oublié son onduleur chez mémé. Fini les méchancetés,
Lasse Marhaug nous en met plein les esgourdes avec quelque chose qui commence sous le sol et qui monte
comme un avion au décollage et on finit sur un truc dégueulasse signé Alejandra + Aeron (couple explorant la
place du son dans le quotidien et son déplacement dans la sphère artistique) qui ressemble à un field recording
à l’intérieur de la bouche d’un type au petit déjeuner. Varié une fois de plus, exigeant une fois de plus, inégal
une fois de plus…
Note : 4/6
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THE CHERRY POINT : Black Witchery
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Phil Blankenship est à la tête du label Troniks (et sa prolongation PACrec) qui est un des fers de lance de la
scène noise/power-electronics US avec environ quatre sorties par mois (!) ce qui donne une vague idée de la
vitesse de développement de cette scène en Amérique du nord, évidemment surchargée de projets plus ou
moins utiles. ‘Black Witchery’ est une réédition de trois mini-CDr sortis respectivement sur Chondritic Sound
(le label de Greh Holger - Hive Mind, la boucle est bouclée -), Audiobot et Fargone Records. Trois labels aux
visions différentes, donc trois titres assez distincts ; ‘Virgin Witch’ commence de façon très ‘wall’ avec un
barrage sonore ininterrompu mais toujours en mouvement, qui prend fin vers la treizième minute pour
s’achever sur un quelques minutes fort décousues. Les deux autres titres sont moins directement agressifs,
plus modulés, ‘Devil’s witch’ s’articule sur un drone lancinant autour duquel se greffent une multitude de bruits
lointains, très industriels, parfois carrément électroacoustiques. On est proche du son de Megaptera, en plus
abstrait et moins répétitif toutefois. Le dernier titre est divisable en une partie très harsh et la seconde à
nouveau dans ces ambiances Megapteriennes (oh le beau mot !) qui nous font regretter d’avoir mis son nez
trop loin dans ces dédales rouillés. Un ensemble entre deux eaux (croupies)…
Note : 4/6
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LHD : Curtains
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Quand un des piliers de la harsh noise américaine (John Wiese) rencontre le directeur du très prolifique label
Troniks (Phil Blankenship, dont les projets solos sortent sous le patronyme ‘The Cherry Point’), on se dit qu’ils
n’ont pas intérêt à se louper, que ça a intérêt à être gros, histoire de donner l’exemple. Brisons vite le suspense
: c’est une réussite. Déjà, histoire de dire ‘c’est moi qui ai la plus grosse’ (inévitable dans ce style très axé sur
une ‘force pure’) la production est monstrueuse, depuis le niveau de volume jusqu’au moindre détail que vos
enceintes n’oublieront pas de retranscrire avec sérénité (et célérité). Mais surtout, cette force dont je parle,
paraît ici tellement puissante et libre qu’elle semble indépendante des deux compères, qui s’apparentent alors à
des toréadors tentant vainement de maîtriser un monstre incontrôlable. Le résultat est bluffant, on se croirait
pris dans le combat, parfois au sol, parfois dans des couloirs étroits où les griffes rayent les parois métalliques
(le titre 4 notamment), avant de relâcher la bête sur la dernière piste lorgnant vers le fameux ‘harsh noise wall’
qui ne manquera pas d’emporter avec lui les derniers débris de cerveau. ‘La corticectomie pour les nuls’, en 20
minutes, bandages & Doliprane non inclus.
Note : 5/6
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BLACKGOAT : Sabbatic 5 Goat
Chronique réalisée par Wotzenknecht
En voyant la pochette, vous vous êtes dit « tiens, l’autre Wotzentruc chronique du black metal maintenant ? »
Mais non, Blackgoat est un groupe de quelques japonais qui aiment la noise mais qui ont oublié que ce n’était
pas si facile à produire, en dépit des apparences, et qui finissent donc sur le bien nommé ‘Smell the Stench’
(stench signifiant à la fois puanteur et ‘de très basse qualité’). Les défenseurs ultra hardcore de la scène
underground me diront que plus c’est lo-fi mieux c’est (et je le conçois pour des styles plus axés sur
l’ambiance, comme le death industriel) mais là le problème n’est même pas la qualité mais la puissance : on
entend bien les japonais qui s’escriment (peut-être littéralement) avec leurs machines infernales mais on a
l’impression d’écouter leurs méfaits à travers un téléphone ou une porte fermée, tant le rendu est faiblard.
Manque de profondeur (surtout quand on enchaîne leur disque derrière les ‘grands’, très pointilleux sur
l’appréciation des couches superposées), bref, super pour une soirée harshnoise chez Barbie-indus rencontre
Ken-le-japonais-UG-qui-s’ignore ; rien de plus à dire, une came médiocre pour les junkies. Je viens d’apprendre
que l’un des membres de Blackgoat est décédé très récemment, j’en suis désolé, d’autant que ça n’ajoutera pas
plus d’aura à cette formation…
Note : 2/6
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THE IVY PROJECT : From the past pain
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Une bien bonne démo qui me tombe sur le coin de l’oeil (d’où mon boîtier cassé) ; The Ivy Project est un
one-man band d’un mec du sud qui a plein d’idées et de riffs en tête et qui cherche encore une identité pour
magnifier le tout. Sonnant indus-metal militariste la plupart du temps, la différence étant que l’album est
entièrement instrumental, uniquement rehaussé de samples disséminé pas toujours adroitement (les sirènes
sur ‘Monster Scream’, on se croirait dans ‘Alerte rouge’) mais pas non plus au hasard. Les guitares ont souvent
un son tranchant, parfois désagréable, parfois vraiment bon (‘Blood, tears’) et les breaks sont ma foi toujours
pertinent ; donc attendus. En soi, le manque d’originalité n’est pas un souci, surtout que certains titres sont
très bons, rappelant Proton Burst (‘Hypnotic Religion’). Avec autant d’efficacité, j’aime quand le propos se
durcit comme sur le presque death ‘War’ et pour la suite, un brin plus d’énergie & de variations dans les
compositions (‘The End’ est pour moi un bon final puisqu’il ouvre déjà d’autres perspectives, en ralentissant le
jeu et en aérant les riffs) seraient les bienvenues. Pour l’utilisation des samples aussi, se conférer aux
connaisseurs (Skinny Puppy dans un autre registe, Ministry…) A suivre de près, d’autant qu’il y a déjà une très
bonne base de départ !
Note : 4/6
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SZCZEPANIK (Nicholas) : Astilbe Rubra
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Alors lui, il a un nom encore plus tordu que moi, et sa musique est à la hauteur. Il se réclame d’une scène
expérimentale où tout est possible (John Duncan, Alvin Lucier…) pourvu que le son (et son processus de
création) se distingue. Aucune limite donc, depuis l’amoncellement de nappes qui forment un drone compact
très tendu (‘Tire’), tension que l’on retrouvera sur ‘Bringer’ et ses boucles pâteuses abstraites qui entourent
une longue corde. ‘Convivencia’ renoue avec la musique concrète avec un mélange de radios, rembobinages
divers et bruits d’animaux. A l’ancienne, Nicolas Szczepanik frotte ses vinyles pour enregistrer les
crépitements, s’amuse des sons concrets dans une sphère musicale majoritairement dominée par des artistes
ayant abandonné leurs débris fait maison pour des laptops. Belle plongée dans les drones fragiles de ‘Merci
Manu & Sophie’ (en référence à Manu Holterbach & Sophie Durand) ; perte de repère sur certains titres un peu
bancals, qui cherchent leur raison d’être. ‘Astilbe rubra’ est présenté comme une collection d’idées ; et s’il est
vrai que l’ensemble manque de cohérence interne, on ne peut que saluer ce genre de démarche libre –
étrangement liée aux premies balbutiements de la musique électronique et électroacoustique - tout en espérant
la voir s’accomplir sur une œuvre totale. (Prenez Skin Area par exemple… oui, je radote…bon disons Daniel
Menche, ou Pita…)
Note : 4/6
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REVEREND BIZARRE : So long suckers
Chronique réalisée par Chris
Il est un fait que depuis "Harbinger of metal" Reverend Bizarre nous avait plus déçus qu'autre chose,
s'enfermant dans des compos que lui seul semblait au final comprendre. Mais visiblement les finlandais ont
trouvé le temps et les ressources pour se requinquer, car leur troisième album "III: So long suckers", double cd
marathon d'une durée totale de plus de deux heures repose indéniablement sur de très solides bases. D'entrée
de jeu on constate que l'album s'avère bien plus énergique et inspiré que le soporifique "II: Crush the insects",
dont le très faible niveau général m'avait fait craindre le pire pour la suite. Mais ici, on sent de suite que le
groupe a de nouveau envie d'en découdre avec les riffs simples et percutants qui ont fait sa gloire en des
temps pas si lointains. Et il y parvient avec une remarquable réussite, et ce dès le premier morceau. Le tempo
est soutenu, les guitares toujours aussi grasses, le chant délivré avec parcimonie comme à l'accoutumée mais
toujours sobre et touchant. Le groupe se plaît à faire trainer ses morceaux en longueur, usant de riffs répétés
inlassablement comme sur "They used dark forces / Teutonic witch", morceau d'une demi-heure qui annonce
clairement la couleur : Reverend Bizarre is back ! Alors oui, tout l'album n'est pas du même tonneau que ce
premier titre, mais bon d'un autre côté sur plus de deux heures de matériel, il aurait été difficile d'en être
autrement. Mais comme on le constate très vite ce "So long suckers" regorge de très très bonnes choses avec
moultes passages vraiment très lourds et efficaces. Que se soit sur "Sorrow" ou "Caesar forever", Reverend
Bizarre joue juste et vrai : du vrai doom subtil et juteux comme on l'aime, mais l'album trouve à mon avis son
paroxisme dans l'énormissime "Anywhere out of this world", dont les 12 dernières minutes, purement
jouissives et émotionnellement très puissantes, s'inscrivent directement au panthéon de ce que le doom à pû
produire de meilleur. Bref un régal absolu. Reverend Bizarre ayant a priori décidé d'arrêter ses activités, "III: So
long suckers" devrait donc en toute logique être le dernier témoignage studio d'un groupe qui aura sû en
quelques années seulement devenir un des acteurs majeurs de la scène doom et qui sort par la grande porte.
Adieu donc, ou peut-etre simplement "à bientôt", qui sait...
Note : 5/6
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ASTROVAMPS : Gods and monsters
Chronique réalisée par Twilight
'This...is...the macabre life !'. Paf, roulement, riiiffs de guitare, orgue, ce nouvel opus des Astrovamps démarre
très fort. A lui seul, le premier morceau résume les qualités du groupe, à savoir une musique jamais statique,
toujours en mouvement, riche en breaks et en alternances, qui conserve pourtant une forme d'immédiateté
mélodique; elle emprunte des éléments au horror punk dans la rythmique, des riffs empruntés au gothic rock,
au metal, le tout survolé d'un orgue complètement possédé. Quand on écoute l'excellent 'Monsters in Tinsel
town', on pourrait songer à Marylin Manson, sauf que les Astrovamps vont un brin plus loin, en assumant leur
goût de l'horreur kitsch. 'Die baby die' s'axe davantage sur les racines horror punk, tandis qu'on décèle presque
des touches gothabilly/garage dans les ryhtmiques de 'Walkin' after midnight' ou 'Let's go out and scare
people'. Selon moi, le talent des Astrovamps réside dans le mélange des genres, totalement maîtrisé, cohérent
d'un bout à l'autre, le genre de recette dont on connaît tous les ingrédients sans les avoir jamais goûtés de
cette manière. En effet, si le groupe est proche du horror punk (peut-être l'influence la plus marquante sur cet
album), il lui confère une touche nettement plus mélodique, de par le chant mais également le jeu très fourni de
l'orgue qui ajoute une touche spectrale. Mais s'arrêter là serait encore réducteur car certaines lignes viennent
clairement du metal ainsi que du deathrock ou du moins du post punk goth, sans parler d'un certain attrait pour
le glam (le bon 'Somebody forgot to tell me I was dead'); Daniel Ian Essex en joue d'ailleurs dans ses vocaux,
adoptant tour à tour un timbre rocailleux ou parfois plus plaintif sur certains refrains. J'avais déjà parlé dans
une précédente chronique d'une version gothique de Marilyn Manson, j'y songe parfois à nouveau sur ce
disque. J'ai pourtant l'impression que l'univers des Astrovamps leur est nettement plus personnel, d'où une
sincérité et une cohérence évidentes. Résultat: des mélodies béton, des arrangements variés et un climat
spectral et hanté à souhait. 'Gods and monsters', leur meilleur album ? J'en viens à me le demander.
Note : 5/6
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COMPILATION DIVERS : An anthology of noise & electronic music : second a-chronology
1936 - 2003 (volume #2)
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Une fois de plus, Sub Rosa n’y est pas allé par le dos de la cuillère pour rassembler des projets oubliés,
anciens, récents, connus ou non ; mais toujours dans une optique d’ouverture, de redécouverte d’artistes les
plus souvent considérés comme ‘dans l’ombre’ des plus grands. La disposition sur les CDs sont plus que
discutables, sinon parfaitement arbitraires et c’est donc dans un cadre d’exploration ‘piste par piste’ que cette
anthologie devient passionnante. Le premier titre est une incantation/manipulation sonore préfigurant les voix
hachées que l’indus se réappropriera sans peine, entourée de modulations psychédéliques qui amènent à
l’auditeur des visions étranges, rétro et onirique, à la façon du ‘Fantasia’ de Disney. Luc Ferrari, qui cherche
encore son propos dans une pièce abstraite et abscons, fait un peu pâle figure ici (pourquoi ne pas avoir mis
une des remarquables ‘Chansons pour le corps’ ?). On apprend l’étrange histoire de Tod Dockstader, qui
bidouillait déjà dans les années 50 mais faute de n’avoir pas pu accéder aux labos de musique à des fins
expérimentales, s’est fait oublier de longues années avant d’avoir été à nouveau repéré par Sub Rosa, qui livre
une pièce ici qui ravira les fans de l’ambiant très brumeuse d’un Richard James période ‘Selected ambient
works vol.II’). Une pièce très cosmique et envoûtante de Johanna Meyer datant de 1938, qui sera rejouée par
John Cage en 1940, qui ressemble aux musiques de films de science-fiction (grand amateur de Theremin). Une
indescriptible pièce de Morton Subotnik (à qui l’on doit la première sortie sur vinyle de musique acousmatique,
‘Silver Apples of the Moon’) précède une partition pour tonalités pures par Daphne Oram. Les deux pièces
maîtresses sont sans contexte celles de Scanner et Hugh Davies : Le premier proposant une plongée glaciale
dans un non-lieu (représentation de la diffusion des ondes) où les conversations téléphoniques
s’entrechoquent avec une distance qui rend l’écoute d’une conversation anodine d’autant plus angoissante
qu’elle n’a plus de repère réels : quant à Davies, il propose une performance scénique de 1969 où cinq
réverbérations s’entremêlent avec quatre onduleurs, potentiomètres et multicanaux, le tout relié à six
hauts-parleurs orchestré par un ‘chef’ gérant les imbrications. Le résultat est bluffant de modernité (et rappelle
au peuple que le mouvement industriel n’a fait que s’approprier ces sons à d’autres visées, sans les avoir
inventés), et n’a rien à envier aux bizarreries d’Evol ou de Florian Hecker, qui n’étaient même pas nés. Pas
besoin de présenter Alan R. Splet qui a collaboré avec David Lynch sur tous ses films, depuis ‘The Alphabet’
alors qu’ils étaient encore étudiants. Sa pièce (comme beaucoup d’autres) est essentiellement étouffée,
composée de couches de voix ralenties et de chants mélangés à des ronronnements de machines, pour un
ensemble compact et obscur. On termine en beauté avec Kim Cascone, grande figure de la noise expérimentale
actuelle, avec un titre entièrement réalisé sous max/MSP, sorte de descendance de la manipulation de bande et
des musiques stochastiques, que Stockhausen aurait sûrement adoré. Un disque très riche donc, qui ne laisse
en rien présager ce qui s’annonce sur le second : De l’IDM, de la gabber, de l’indus, du jazz ? On commence
avec un magnifique premier essai (1991) d’Autechre, obscur et souterrain, ultra rythmé, situé juste entre Cavity
Job et les apparitions sur les légendaires compilations ‘Artificial Intelligence’. S’ensuit le Multiphonic Ensemble
de Yoshihiro Hanno pour une déconstruction de piano ; ou la rencontre de l’avant-garde avec la musique du
future. La beauté dans la violence avec une pièce industrialo-poétique de Meira Asher & Gui Harries, mêlant
violence retenue et spoken word. Noir et addictif. Tuerie speedcore haut de gamme avec Choose (qu’en
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pensent les bien-pensants en peignoir qui ont acheté cette compilation pour la ranger entre Cage et Xenakis ?)
qui rappelle fortement un certain SPK ou Haus Arafna dans cette implacable combinaion noise/beats hargneux.
Seconde agression avec DJ ESP qui nous livre une espèce d’acid techno cradingue qui se fout pas mal de son
genre, tant qu’il est agressif. Arcane Device ralentit la donne avec un truc qu’on jurerait repompé sur
‘Hamburger Lady’ de Throbbing Gristle, sur lequel on aurait rajouté des larsens supplémentaires. Une des
toutes premières pièces de Laibach, dont le nom résume tout : ‘Industrial ambients’. Arrive SPK et son
légendaire Slogun, dégueulasse et génial, dont Marco vous a déjà vanté les mérites. Retour en arrière avec une
interlude ‘théréminique’ de 1938, puis beau hors sujet avec Sun Ra qui ne comporte rien d’électronique, mais
dont seul le chaos musical semble faire le lien avec la vocation bruitiste de la compilation, ce qui n’est pas le
cas avec le titre final de Cpt. Beefheart qui lui vient un peu se poser dans la soupe (déjà terminée de toute
façon). Alors en tant qu’objet, on a envie de critiquer l’agencement des pistes, mais une fois que l’on a ouvert le
livret (riche en historiques et anecdotes) et commencé notre exploration, rien ne peut nous arrêter. Et en plus
d’appâter le chaland, Sub Rosa remet au goût du jour des artistes que très peu de monde, même dans les
‘milieux autorisés’, ont pu écouter, et ça, ça n’est pas négligeable, surtout sur quatre compilations. La machine
à explorer le temps et l’espace, mais qui n’indique pas où et quand vous allez atterrir.
Note : 5/6
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EARTHLING : Humandust
Chronique réalisée par Raven
Beaucoup d’entre nous ont usé leurs neurones et leur moral sur les terrains obscurs du Mezzanine de Massive
Attack. D’autres, plus pervers encore, ont choisi en la personne de Tricky le prophète idéal pour leurs nuits
d’insomnie paranoïaque, les yeux entrouverts et la fatigue en bandoulière, à chercher un sens à leur existence,
au pourquoi, au comment, autant de questions sans réponses inhérentes à cet état de torpeur dans lequel tout
bon disque de trip hop doit nous plonger… mais bien peu d’entre nous ont eu la chance de s’envoyer un seul
disque de Earthling dans les esgourdes. On leur a préféré la mélancolie bien plus confortable d’un Portishead,
les errances comateuses d’un Kid de Bristol qui n’allait pas tarder à se plonger lui-même dans un sommeil
artistique déplorable, ou les artefacts lounge et graciles de la sympathique Alyson Goldfrapp … Mais Earthling
avait pourtant tout pour être le groupe phare de ce mouvement musical éphémère, l’un des sinon le seul a
réellement synthétiser la noirceur, la lumière et l’aspect cotonneux, lancinant, répétitif et nauséeux qui
caractérisait tous ces groupes réunis. Avec, en plus, ce petit quelque chose qui le rend unique : de la fougue,
un brin d’arrogance, beaucoup de tchatche, et un côté revigorant qui peut sembler paradoxal compte tenu de
l’austérité du propos. Earthling, un duo trop vite oublié. Essentiel, efficace, et profondément torturé, il n’a pas
survécu à cette courte mode, et n’a, dans un sens, pas vraiment vécu… Il y’eut bien Radar, leur premier essai,
disque appartenant corps et âme à son époque aujourd’hui révolue, qui avait de façon convaincante et
quasiment avant-gardiste préparé le terrain à ce Humandust, et, par extension, à Mezzanine. Mais Radar n’était
pas un disque entièrement noir, bien que relativement malade ; il s’agissait en quelque sorte d’une mise en
garde sciemment posée, un avant-goût de ce à quoi les deux personnages aspiraient vraiment : l’introspection,
l’obscurité, l’ambiance urbaine, les dérives suicidaires et sans issue. Un charmant programme qui leur coûtera
cher… En 1997, Mau et Tim se virent contraints de proposer rapidement un nouvel album à leur maison de
disques. A l’écoute de Humandust, celle-ci refusa immédiatement la publication. Pourquoi ? La raison donnée
était simple : disque trop sombre, trop glauque, trop malsain. Trois adjectifs qui se marient pourtant à merveille
au trip hop me direz-vous, mais pas avec l’appât du gain il faut croire… Perdu à jamais dans l’esprit de ses
créateurs, le travail fût laissé à l’abandon avant de ressurgir sept ans plus tard grâce à l’insistance d’un fan de
la première heure, qui avait flairé l’injustice et réclamait à corps et à cri la mise en vente du dit objet – 7 ans
après donc… c'est-à-dire beaucoup, beaucoup trop tard. Car dès que l’on s’est suffisamment familiarisé avec le
second opus des Earthling, on se dit que Massive Attack aurait été battu d’avance si l’album maudit était sorti
en 1997. Humandust distille une mélancolie caressante, une noirceur brute comme le goudron, une amertume à
fleur de peau. Beats lourds, groove poisseux, flow maladif, ambiances au cutter, samples élégants, vapeurs
d’ether, microtraumatismes en background, sons industriels flippés discrètement injectés dans ce fascinant
cambouis, craquements de vinyl de rigueur mais utilisés au compte-goutte, sans abus. Notons également la
présence étonnante de Ray Manzarek, l’ancien claviériste des Doors en personne (présence bien trop
anecdotique si vous voulez mon avis, l’organiste n’apparaissant que sur deux titres). Et puis bien sûr, Mau, la
voix de Earthling, soit l’un des Mc les plus singuliers que je connaisse malgré les reproches bien souvent faits
à son égard, certains trouvant son flow peu convaincant, voire même banal. Avis que je ne partage pas comme
vous vous en doutez. Pétri de références diverses – de Burroughs à William Blake, du Procès de Kafka à Lou
Reed en passant par les poèmes de Nick Cave – le garçon, sorte de gangsta rappeur intellectuel et cramé du
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bulbe, déploie son flow désabusé de façon frontale, directe, vindicative, s’inspirant du hip hop old school
d’outre atlantique : il ne mâche pas ses mots : il articule. Avec une rare conviction. Il scande même, un peu à la
manière des vieux lions de la east coast, mais avec du venin dans les amygdales, et une voix un brin perverse.
Pour émettre une comparaison avec ses confrères de Bristol, il ne susurre pas contrairement au Kid par
exemple, en tout cas pas tout le temps : sa voix se fait lourde, insistante, abrutissante, très accentuée au point
de la rendre caricaturale voire irritante, mais sciemment, lui conférant ce charme vénéneux et insidieusement
malsain au fur et à mesure des écoutes ; pleine de morgue, la voix nage, surnage, danse avec les samples
reptiliens. Elle égrène son poison digeste « tranquillement » mais sûrement au fil d’histoires toutes plus
sordides les unes que les autres. Nous voilà conviés à suivre le bonhomme dans divers endroits : une rue
poisseuse, un terrain vague, un squat crasseux dans lequel subsistent des fantômes urbains, planqués dans
leurs sweats à capuche à marmonner de vilaines choses, à chercher le nom de la dernière prostituée tabassée
dans le quartier d’en bas, étalés de tout leur long dans les cadavres de verre et martyrisés par leurs
cauchemars homicides. La peur du lendemain se fait sourde : pour ne pas sombrer, il ne reste plus qu’à
raconter. Froidement. Cyniquement. Lâcher les mots, avec l’esbroufe de celui qui a tout vu mais n’a jamais rien
fait pour s’en sortir. La rue donc, et ses multiples facettes : ici ce sont les plus noires qui sont mises en valeur
comme vous vous en doutez. Ce qui est aussi appréciable chez Earthling, et plus spécifiquement sur ce
Humandust, c’est que contrairement à la plupart de leurs cousins, ils n’abusent pas de la voix féminine. Celle-ci
(en l’occurrence celle de Claudia Fontaine), ne prends jamais le pas sur le chant masculin (à part sur le dernier
titre), et fait plutôt office de composante du fond musical, mettant la touche de sensibilité là où il faut, sachant
se faire discrète, ne prenant jamais les devants, tant et si bien qu’aucun titre ne lui est « dédié »… autre
caractéristique appréciable de Humandust, contribuant à cette variété de ton fort appréciable qui en fait tout
simplement l’un des sinon le disque trip hop à posséder en lieu et place. Le plus drôle, c’est qu’il ne s’agit pas
vraiment de trip hop au sens où beaucoup l’entendraient. La grammaire de Earthling se réclame aussi et à forte
dose du hip hop pur et dur, tant le flow de Mau est vindicatif et appuyé en comparaison aux douces mélopées
des autres membres de la communauté bristolienne. Mais le fond musical ne trompe pas : « Me And My Sister
», l’introduction, est un véritable brûlot dark hop rongé de toutes parts. Boucles folles, mélodie hachée,
tranchée, hésitante, souffle haletant. Le flux et reflux du couplet « she’s insisting that I’m her sister, she’s
insisting that I fix her up », est soutenu par le pas lent et pesant d’un junkie en manque qui cherche
désespérément sa dose. Les accents à la fois étouffants et profondément tragiques de cette mise en bouche
laissent tout simplement KO ! Alors, certes, je vous parle de noirceur, et c’est bien légitime… mais ne vous
attendez pas non plus à être immédiatement confrontés à un album extrêmement glauque et opaque. Non.
Humandust n’est pas réductible à sa seule face sombre, il s’agit aussi d’un album qui puise abondamment dans
les registres r’n’b et hip hop old school pour injecter ses émotions, et sonne aussi à mes oreilles comme un
album au feeling soul et funky bien prononcé. Ainsi, un titre comme « Saturated », ballade soul portée par
l’orgue de Manzarek et son leitmotiv gracieux, évoque la mélancolie, le vague à l’âme, plus qu’un réel malaise
morbide… En fait, chaque titre pourrait être cité en exemple pour vous mettre en appétit, mais je m’éviterai ce
genre d’exhaustivité mal placée, en vous laissant le soin de les découvrir vous-même… je ne résiste pourtant
pas à vous parler de « Love », sans doute le titre le plus noir et étouffant du disque, stigmatisé par un violon
austère et angoissant, qui n’est pour moi rien d’autre que ce que le trip hop peut offrir de plus… trippant,
justement ! Une véritable suée de frissons qui laissera à n’en point douter des traces indélébiles dans vos
cerveaux. Même topo pour toutes les autres pistes, disons juste que les ambiances varient mais que le fond
reste identique, c’est flippé, c’est racé et c’est profond, certains passages (« Coburn », « Black Thunderbird »)
allant jusqu’à nous plonger dans l’atmosphère fictive de ce que pourrait être un classique blaxploitation revisité
par David Fincher… En fait, à la lumière de cette chronique, je me rends seulement compte aujourd’hui que
chaque titre de Humandust raconte sa propre histoire, et que chaque titre ne se révèle qu’aux écoutes répétées
de l’album dans son entier. Et je pense qu’il s’agit là aussi d’une qualité qui le place en avant des autres
productions affiliées, souvent trop hétérogènes, trop écartelées. Chaque titre de Humandust, qu’il soit salve hip
hop, slow r’n’b ou dark hop sous peyotl, ne révèle sa saveur qu’à force d’écoutes répétées, rituelles, et ce qui
au début aurait pu vous apparaître mièvre ou grossier ou tout simplement soporifique et redondant n’aura plus
aucune importance : les titres vous obséderont et vous y reviendrez sans arrêt. L’ambiance urbaine, sourde,
triste et mélancolique, les beats inlassables auront pris possession de votre éveil. Humandust deviendra un
grand matelas sale dans lequel vous vous avachirez, dans lequel vous vous enfoncerez sans résister, jusqu’à
en sentir pleinement les ressorts, formes, la matière, les odeurs. Vous serez tombés dans les marécages du
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sombre spleen de Earthling, dont la meilleure porte d’entrée reste cet album posthume. Et vous n’en reviendrez
pas de sitôt, croyez-moi.
Note : 5/6
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PRESSURE DROP : Elusive
Chronique réalisée par Raven
"Elusive", le premier disque de Pressure Drop, un projet musical des Blood Brothers (pas le groupe punk de
Seattle mais les animateurs d’un célèbre show radio anglais), jouit d’une excellente réputation dans les sites et
forums internet consacrés au trip hop et musiques affiliées, et même au-delà. Il s’agit d’un disque pour ainsi
dire culte qu’on nous présente depuis dix ans comme une pépite méconnue et mésestimée du trip hop, un
joyau que tout le monde devrait posséder. Vous vous en doutez, ces nombreux éloges ont piqué ma curiosité,
et m’ont poussé à me procurer le disque, manifestement riche et magnifique, dont un journaliste anglais à
même dit qu’il s’agissait de « la musique soul du XXIème siècle », rien que ça. Partout, on y allait fort avec les
qualificatifs : « un album essentiel, sublime », « un indispensable du trip hop ». Eh bien à l’écoute de l’album, il
est évident que… non. En réalité, si Pressure Drop se réclame du trip hop, c’est surtout dans une optique très
radiophonique et jazzy, plutôt inoffensive en général, assez guillerette même, bien que leur approche du trip
hop soit indéniablement originale et singulière, avec des zébrures sombres et expérimentales de-ci de-là, mais
rien de bien méchant en réalité. La musique, inspirée du Massive Attack des débuts (surtout Blue Lines), mais
moins raffinée et, surtout, bien moins cohérente, se réclame d’un melting-pot de genres black music dont les
Blood Brothers sont amateurs : nous avons donc droit à une majorité de titres d’inspiration soul (« Writing On
The Wall »), voire reggae (« Silently Bad Minded »), des gimmicks hip hop sur quelques titres, un feeling blues
relatif, et un bon paquet de cuivres festifs slalomant entre des sonorités electro et un collage de samples plus
ou moins maîtrisés. Ajoutez à cela une approche world évidente sur les moments instrumentaux. La
particularité de Pressure Drop est aussi le saxophone, instrument très présent sur ce disque, pour le meilleur («
Writing On The Wall »), comme pour le pire (« Uh Oh », particulièrement irritante et vaine). Les aspects
ethniques et afro sont chers à Pressure Drop, ce qui est tout à leur honneur, mais ils ne suffisent pas à sauver
cet album de la case ‘poussière’ en ce qui me concerne, sans doute parce que je recherche avant tout la
noirceur et l’introspection dans un disque de ce genre. L’album n’est en lui-même pas foncièrement mauvais
entendons-nous bien, il a d’indéniables qualités (dont je vous parlerai après) mais il est assez mal fagoté et
ampoulé par des instrumentaux trop longs et agaçants à force, des flows masculins bien souvent sans
conviction ni réel feeling (ceux de Constantine et des autres, qui font rarement mouche), et des textes d’une
mièvrerie et d’une banalité assez surprenantes (« Let Me Be Me », « Don’t Run Away »). Les atouts de Elusive ?
Tout d’abord, la voix de leur « femme à eux », soit Anita Jarrett, qui est capable de passer d’un registre soul au
gospel, et joue avec une grande souplesse à descendre dans les graves sur « Darkness ». Ensuite, leur
capacité à générer des atmosphères dans lesquelles s'entrecroisent beaucoup de genres d'horizons différents,
avec, toujours, cette touche afro plus ou moins appréciable selon l'humeur. "Elusive" est malgré tout ankylosé
par une mauvaise gestion des beats, dispatchés de façon non linéaire ce qui – paradoxalement – m’agace, et
aussi par ses instrumentaux, inutilement longs bien qu’intéressants par moments, ils sonnent plus comme du
remplissage à mes oreilles, se targuant quelques moments obscurs mais flirtant la plupart du temps avec une
musique cinématographique éthérée quand elle ne nous renvoie pas des échos de Enya dans les oreilles. Pour
ce qui est des titres purement sombres de l’album, ils se comptent au nombre de… trois. « Darkness », dont je
vous ai déjà parlé, avec la voix d’Anita en cantatrice un peu dérangée, grave et grondante, « Obsessed », dans
l’optique de ce que Massive Attack a pu accomplir sur Mezzanine (toutes proportions gardées), et, pour finir, le
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titre qui tire le mieux son épingle du jeu, et, pour le coup, la seule et unique piste « gutsienne » du lot : « My
Friend », qui a le mérite d’être à la fois obsédante, sombre et imprévisible, avec une mélodie de guitare bien
prenante et une ascension rituelle d’anthologie (les deux dernières minutes bien tribales n’ont rien à voir avec
les premières plus intimiste, et le titre est l’un des seuls de l’album à être prenant du début à la fin). Pour ce qui
est du reste mes amis, vous nagerez en eaux claires, le malaise n’étant pas maître en ces lieux comme chez
Earthling ou Tricky. dans un mélange de trip-hop, de soul, de funk et de longues plages instrumentales assez
riches, sympathiques mais bancales. « Elusive » pourra donc vous servir de disque à passer pendant un repas
entre amis, au mieux comme curiosité du genre que vous vous écouterez d’une oreille distante, mais je me vois
mal vous le conseiller pour une écoute attentive, à l’exception des trois titres cités plus haut.
Note : 3/6
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JACQUY BITCH : Stories from the old years
Chronique réalisée par Twilight
Le titre pourrait tromper...Non, 'Stories from the old years' n'est pas une compilation mais un bien un album
tout neuf. Si regard vers le passé il y a, c'est surtout que pour cet opus Jacquy Bitch s'est totalement replongé
dans ses racines gothiques, laissant de côté les tentations vaguement métalliques de 'Haine'. Ce sont donc des
guitares furieusement deathrock que l'on trouve ici, efficacement épaulées par un clavier. Si je devais en effet
dégager la ligne maîtresse de l'album, je dirais 'la mélodie'. Cet aspect a été, me semble-t-il, particulièrement
travaillé, notamment dans le chant et comme signalé précédemment dans les lignes de synthé qui dynamisent
les compositions. Parmi les exemples les plus réussis selon moi, les excellents 'Les Enfants damnés' et son
orgue entêtant, 'l'Adieu', 'Détresse' ou encore 'Mymy' et un 'My friend' particulièrement déchaîné (on n'est pas si
éloigné d'influences Shadow Project sur le refrain). En réalité, pas de réelle faiblesse sur ce disque, si ce n'est
la reprise de 'Cimetière' qui si elle est correcte, n'était pas vraiment nécessaire. 'Louchald' apparaît également
dans une nouvelle version, pas aussi bonne que celle de l'époque Neva mais intéréssante néanmoins. Bref, à
tous ceux qui avaient pu douter de Jacquy suite à 'Haine', n'ayez crainte, notre homme est de retour et en force
! 'Stories from the old years' est un album sombre, pêchu, inspiré et bougrement jouissif à l'écoute; à mon avis,
l'opus le plus réussi depuis le mini éponyme.
Note : 6/6
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AGNEW (Rikk) : All by myself
Chronique réalisée par Twilight
Rikk Agnew ? Oui, oui, c'est bien ça, le guitariste de la première formation de Christian Death, celle de 'Only
theatre of pain'. J'ignorais jusqu'à il y a peu que l'homme avait enregistré en solo jusqu'à ce que je tombe sur
ce disque sorti à l'origine en 1982. 'All by myself' mérite bien son titre puisqu'on y découvre que Rikk est
multi-instrumentiste, il y chante et joue de tout: guitare, basse, clavier, batterie, sans parler des textes presque
tous de sa plume. Musicalement, sa musique se profile dans une veine punk rock bien plus que
deathrock...encore que; je dirais qu'à l'écoute de certains riffs ou lignes de basse, on saisit mieux les racines
punkoides du Christian Death du début (et ce que ce groupe avait de radicalement différent en même temps). Si
les bons 'It's doing something' peuvent tout à fait être classés dans la rubrique gothique, le rapide 'Fast' louche
plutôt du côté des Dead Kennedys. Niveau sonorités et structures, rien de révolutionnaire mais c'est efficace;
pareil pour le chant, Rikk n'a pas une voix particulièrement charismatique mais dans ce registre punkoïde
torturé, il se débrouille très honorablement. 'All by myself' est donc un self-made album tout à fait correct à
défaut d'être génial que pour ma part, je suis heureux d'avoir déniché.
Note : 4/6
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HISAISHI (Joe) : Joe Hisaishi meets Kitano films
Chronique réalisée par Raven
Tous ceux qui connaissent un tant soit peu les films de Takeshi Kitano se sont sans le savoir ou non
familiarisés avec la musique de Joe Hisaishi, partenaire essentiel du cinéaste depuis 1991 (ainsi que d’un autre
cinéaste nippon très célèbre en occident, Hayao Miyazaki). La musique de ce compositeur, absolument unique
et magnifique, est empreinte d’une mélancolie, d’une préciosité et d’une fragilité toute japonaises.
Profondément oniriques, les thèmes minimalistes de Hisaishi évoquent avec simplicité toutes les émotions qui
traversent une vie : la peur, la sérénité, la colère, la tristesse, la nostalgie… Dans cette compilation destinée aux
néophytes sont regroupés des extraits de toutes les B.O. composées par Hisaishi pour Kitano. Des morceaux
de choix, principalement réalisés au piano, au synthé et au violon, autant de petites pièces enfantines et d’une
rare sensibilité. On y retrouve pour ainsi dire la plupart des meilleures partitions du compositeur, dont ses
sublimes travaux pour piano et violon présents dans la bande originale de Hana-Bi, et le fameux thème au
piano si obsédant de Sonatine, qui est un peu à Hisaishi ce que le thème de la Nuit des Masques est à John
Carpenter. Pour ceux qui ne connaissent ni Kitano ni Hisaishi, le modus operandi du compositeur est simple :
pour chaque film, Hisaishi s’adonne au même rituel : créer un thème triste et un thème gai, comme deux
masques, l’un pleurant, l’autre souriant, que Kitano pourra ensuite réutiliser pour ponctuer les séquences
adéquates de ces films. Autour de ces deux thèmes, le compositeur brode alors le reste de la B.O., qui, à la
façon d’une aquarelle, sera graduelle et toute en nuances : de la tristesse profonde à la joie totale, un subtil
dégradé de pièces musicales très sobres et mélodiquement imparables, en accord avec les émotions que doit
ressentir le spectateur. Composer une B.O. pour un cinéaste est un travail extrêmement difficile malgré les
apparences, surtout quand le réalisateur en question est aussi exigeant que son univers est autiste. Pour ces
partitions, Hisaishi a réussi un double pari : parvenir à coller au plus près à l’ambiance onirique, sombre et
enfantine dégagée par les films de Kitano, jusqu’à en faire partie intégrante, tout en créant un contraste
poétique avec la violence et la noirceur des films de Kitano, et, dans le même temps, faire en sorte que les
thèmes composés aient une vie propre, puissent être écoutés indépendamment du métrage. Ainsi, à l’écoute de
chacune de ses pièces, vous n’aurez pas besoin des images pour apprécier la saveur de la musique. Il vous
suffit de vous laisser porter… Vous découvrirez ou redécouvrirez les trois thèmes pour Brother (Aniki Mon
Frère), très jazzy et posés (délicieux « Drifter… In Lax », et son remix du générique de fin « Brother ») ainsi
qu’un thème d’action de percussions à couper le souffle, « Raging Men » (seul pic de violence dans le disque),
les compositions très eighties de A Scene At The Sea, pleines de mélancolie, celles de Kikujiro, dont le
malicieux « Summer » qui apparaît aux moments les plus cocasses du film, portés par ce violon unique, et
l’inoubliable thème éponyme de Kids Return, qui vous soulève et vous chavire. Hisaishi n’a pas son pareil pour
évoquer des moments profonds avec légèreté. Pour l’anecdote, l’introduction n’est autre que la petite mélodie
que l’on retrouve au début de chaque film de Kitano lorsque le logo ‘Office Kitano’ apparaît. En définitive, je ne
peux que vous encourager à mettre la main sur cette compilation si vous ne connaissez ni les films ni les B.O.,
la seule chose à regretter à mon sens étant l’absence du thème au piano bouleversant de Hana-Bi, qui manque
à ce recueil. Les pièces de Joe Hisaishi sont simples et belles comme des ukiyo-e. Délicates. Eternelles.
Subtiles et colorées. Elles peuvent se déguster sans l’appui des images, ne perdant rien de leur force. Cette
compilation vous donnera un fidèle aperçu des travaux effectués par ce merveilleux compositeur sous la
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houlette de son ami Takeshi. Autant de petites estampes gorgées d’émotion. Autant de petits dessins bigarrés,
réunis ensemble sur un même format. Un cahier de coloriages à chérir. Un regard essentiel sur deux univers
intimement liés.
Note : 6/6
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ZAUBER : Deep inside myself
Chronique réalisée par Twilight
C'est sur Myspace que j'ai découvert Zauber, un projet français fortement influencé par Terminal Choice. J'étais
donc curieux de voir comment notre homme pouvait se mesurer à un genre fortement plébiscité en Allemagne
et me suis en toute logique proccuré son premier opus. J'en attendais beaucoup mais sans doute pas à me
trouver face à une copie quasi parfaite du Terminal Choice des débuts. On retrouve les mêmes sons
synthétiques et froids, le goût des arrangements dépouillés et des mélodies minimales sur quatre notes, pareil
pour le chant qui utilise des effets semblables. Où ça devient dérangeant, c'est que même les tics de
composition de Chris Pohl sont ici imités; 'Vampire of the night' ou 'Noise house' rappellent furieusement des
échos de 'Totes Fleisch', l'intensité en moins. Voilà tout le problème de Zauber, copier est une chose mais le
faire très bien une autre. Le chant manque de force et de mélodie, noyé qu'il est dans ses effets, d'où un
sentiment de linéarité vite ennuyeux, d'autant que les chansons tournent facilement autour des cinq minutes et
plus. Les sonorités évoluent peu, de même que les rythmes, souvent binaires, qui manquent en plus de pêche.
Certes, les lignes sont dansantes (un peu trop sautillantes même sur 'Girl of the rats') et quelques morceaux se
distinguent ('Temple of temptation', 'Paradise', éventuellement 'To wait' ou 'Euphoria' pour ses
expérimentations vocales) mais l'ensemble sonne trop uniforme et manque de personnalité, de diversité. Les
titres se ressemblent beaucoup, durent trop et peinent à développer une émotion spécifique, l'intérêt décroit et
l'ennui gagne vite. Les nostalgiques des deux premiers Terminal Choice se régaleront peut-être, si le plagiat ne
leur fait pas peur. Pour ma part, j'espère fortement que le projet gagnera en maturité et en personnalité; le
nouvel album est annoncé, wait and see. 2,5/6
Note : 2/6
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JARMAN (1942 - 1994) (Derek) : Blue
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Il serait inutile de faire une biographie exhaustive de Derek Jarman pour parler de Blue ; d’une part parce que la
plupart d’entre vous connaissent l’homme et ses œuvres, et d’autre part parce que cette œuvre, si personnelle
soit-elle, touche à l’universalité. Sachez simplement qu’il figure parmi les cinéastes anglais les plus influents,
notamment par son utilisation de ‘tableaux en mouvement’ (c’est-à-dire s’affranchir de la narration pour ne
profiter que du visuel) ou par sa longue lutte pour l’acceptation de l’homosexualité et son soutien à la scène
musicale underground, et ce dès la période punk (Jubilee, 1977). Revenons en 1993, Derek Jarman est alors
très malade (il mourra l’année suivante), touché par le sida et perdant progressivement la vue. ‘Blue’ constitue
son dernier film (si l’on exclut le film-compilation Glitterbug), et a cela de particulier qu’il n’a qu’une seule
image : un bleu profond, non loin de l’International Klein Blue, qui s’affiche durant soixante-dix huit minutes,
donnant à la bande-son toute sa force. Car la bande-son, voilà bien où se situe le film. Un texte limpide,
interprété par John Quentin, vient se déposer comme une narration sur un assemblage de musiques et
d’enregistrements recomposés par Simon Fisher Turner, parmi lesquels on retrouve Coil, Brian Eno, Momus,
Siouxsies & The Banshees, Erik Satie… L’expérience sur CD est quelque peu différente ; demandant
implicitement à l’auditeur de se plonger dans le noir (casque plus que recommandé). Bien vite, la magie prend
forme : de cette absence d’image, de ce bleu – symbole de l’esprit, de la mort, de l’éternité par excellence – qui
nous engouffre naît toutes formes d’illusions cognitives, évidemment propres à l’expérience de chacun ; on est
happé par l’histoire qui sereinement raconte les déboires de Jarman, depuis les salles d’attentes
d’ophtalmologues (souvent décrites avec humour), les rencontres avec d’autres malades, les visions qui
ressurgissent… On redécouvre comme savent le faire les acousmaticiens le pouvoir du son (l'expérience
rappelle par moments les dernières oeuvres de Luc Ferrari) mais aussi la synesthésie dont plus personne ne
fait l’expérience dans ce monde ou nous avons placé la vue au dessus de tous les sens (cf. ‘La race blanche’ de
Magritte). Perdre la vue, c’est réapprendre à entendre ; et peu à peu, les images de plus en plus sereines
remplacent les anecdotes, l’imminence de la mort se sublime de façon poétique grâce aux textes qui,
d’hommage en hommage à ses amis décédés, invitent le spectateur à se lover dans l’absence et la disparition.
Les derniers mots, bercés par un bruit de vagues, relient le bleu et la mort en balayant nos angoisses par une
exaltante tendresse. « Our life will pass like the traces of a cloud / And be scatter like / Mist that is chased by
the / Rays of the sun / For our time is the passing of a shadow / And our lives will run like / Sparks through the
stubble. / I place a Delphinium, Blue, upon your grave. »
Note : 6/6
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CHRISTIAN DEATH : Born again anti christian
Chronique réalisée par Twilight
Si vous avez lu mes chroniques de Christian Death, vous aurez peut-être noté quelques pointes de temps à
autre contre 'Born again anti christian' que j'estime être le plus mauvais album enregistré par le groupe toute
période confondue. L'esprit collectionneur étant ce qu'il est, je tenais cependant à l'inclure un jour dans ma
collection de cds, histoire de pouvoir dire que je possède toute la discographie de Christian Death (ben oui, on
se refait pas). Le ciel m'a entendu qui me l'a fait trouver superbement soldé dans un marché aux puces; j'ai
donc décidé de jouer le jeu et de le réécouter avec une oreille neuve pour le chroniquer. Première constatation,
je ne l'ai pas autant détesté que lors de sa sortie, la seconde, je trouve toujours qu'il s'agit de la pire erreur
made in Christian Death. Valor pourtant sait taquiner le goujon avec des intros plutôt captivantes. J'aime pour
ma part 'Betrayal', pièce calme qui démarre par quelques touches de clavier, une guitare sèche et un violon
plaintif sur lesquels se greffe un beat lent; Valor y parle de trahison dans une atmosphère sombre et
mélancolique plutôt efficace. C'est Maitri qui s'y colle sur 'The Zodiac', un bon titre lui-aussi débutant sur des
samples de chant grégorien, des guitares bien glauques oscillant entre miettes de deathrock et une lourdeur
plus metal; le pire est que la dame se débrouille plutôt bien au chant, la comparaison avec Gitane Demone
s'impose presque si ce n'était cette pointe de colère qui lui ôte toute la sensualité qu'on décelait chez sa
précédente collègue. Les choses se gâtent nettement sur un 'In your eyes' construit sur une basse lourdissime,
des harmonies deathrock jouée façon metal et des effets de voix qui donnent l'impression que Valor joue les
Sepulutra du pauvre accompagné d'une Maitri redevenue elle-même qui hurle de manière insupportable. 'The
Knife' débutait pourtant bien avec des lignes mélancoliques qui évoquaient même des échos de Christian Death
belle époque mais vite, les guitares bourrines bien que correctement utilisées gâchent l'atmosphère du
morceau. 'Peek a boo' se décline de la même manière, un couplet plutôt dépouillé et efficace avec une basse
bien noire, des climats pas si éloignés de 'Sex, drugs and Jesus Christ' mais le refrain avec ses attaques
lourdingues est une horreur. L'avantage de 'Superstition and fear' est qu'il est affreux du début à la fin avec une
Maitri insupportable qui hurle de manière épuisante, pareil avec 'Dead sorry' sauf que c'est Valor derrière le
micro...du metal bourrin sans intérêt. Même chose mais en pire sur 'Malevolent shrew'; Valor à l'évidence
maîtrise mal ses tentations metal, les riffs de guitare sont purement deathrock mais moulinés par des effets
sales pour leur donner un côté agressif. De ce point de vue, 'Blood dance' est assez caricatural avec ses
climats oscillant entre vocaux éthérés (plutôt réussis) et de fausses amourettes black metal soft ratées. A ce
stade de l'album, ça devient éprouvant et ce n'est pas 'Fucking in slow motion' et ses alternances de calme
malsain et des insupportables cris de Maitri (faites-la taire, bon sang !) qui dissipe ce sentiment. Hey ! 'The
painted aura' flirte avec un doom metal bouffant du Manson sans dégager un quelconque sentiment...Tristesse
? Que nenni. Ennui ? Sans doute. 'Kill me' est une pièce ambient malsaine assez dépourvue d'intérêt mais
reposante avant le coup fatal, une version de 'Peek a boo' version Cradle of Filth totalement atroce ! Les vocaux
de goret de Dani sont caricaturaux à souhait, les double kicks de la batterie hors de propos, surtout que la
production est des plus molles; seul le petit orgue fait plaisir dans cette catastrophe absolue. Valor a voulu
flirter avec le metal, terrain qu'il ne maîtrise pas du tout; il pense qu'il lui suffit d'utiliser des tonnes d'effets
pour sonner puissant mais sa technique de composition reste trop marquée par ses anciennes années. ' Born
again anti christian' a-t-il séduit la frange metal ? Pas sûr. Par contre, les goths n'ont pas pardonné ce ratage et
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malgré la tentative de 'American inquisition', il est à craindre que nul ne puisse ramener Christian Death de la
vallée des ombres de la mort. R.I.P.
Note : 2/6
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COSMIC HOFFMANN : Space Gems
Chronique réalisée par Phaedream
Klaus Hoffmann Hook est un personnage aussi important que Klaus Schulze, Tangerine Dream et Edgar Froese
dans la sphère de la MÉ. Précurseur du mellotron, clavier qui lit des sons à partir de bandes magnétiques, le
fondateur de Mind Over Matter a créé une banque de musique impressionnante qui est le fruit de ses
expériences et recherches sonores. Répondant à une demande accrue de ses fans et collaborateurs, KKH a
dépoussiéré ses archives des années 70, pour présenter un premier volume d’une fiesta mellotronnée, Space
Gems.
Cette première collection ouvre avec un titre lourd. Rooftop High est une fusion de boucles statiques dont les
réverbérations s’entrecouplent, formant une séquence au tempo hachuré. Le rythme est linéaire, voire
atonique, trouvant sa forme sur l’écho des coups d’arches symétriques de violons chimériques, enveloppés de
soyeux synthé mellotronnés vaporeux. Un titre étrangement envoûtant qui replonge son atmosphère de
boucles rotatives sur Sequencer.
Le mellotron peut aussi être synonyme de douceur et influer des moments flottants comme sur Mystic Winds
qui flotte autour d’un synthé lent et enveloppant, tout comme le très calme Passing Jupiter By et le
catatoniquement spatial Die Kosmische Abfahrt. Far Away gravite sur une belle séquence errante, comme un
western spatial. Le mouvement est linéaire et trouve sa forme sur de beaux synthés qui insufflent des mélodies
lentes, accompagnant l’aride marche d’un solitaire.
Wüstenschiff casse le tempo vaporeux avec une cadence électrique où les coups de masses métalliques
martèlent un lancinant voyage mellotronné à saveur arabe. Un titre qui a sûrement inspiré Kraftwerk, New Order
et Depeche Mode, tant par son tempo incisif que son rythme pilonneur. J’y entends des effluences sonores de
Bowie sur Heroes. Opera Mellotronique est un lent mouvement où les mellotrons forment une section à cordes
larmoyantes, appuyée par une belle section d’instrument à vent. Les fans de King Crimson retrouveront cette
sonorité si limpide qui a façonnée la structure musicale du groupe à son tout début. L’illusion d’un petit
orchestre si parfaite. Sous des synthés furieux, Spaceneighbours reprend la route des rythmes avec une
séquence qui ourle sous une pluie de striures analogues qui déchirent un mouvement aux courbes
cascadeuses. Fly West est un autre bijou de l’ère analogue sur synthés acérés. Son rythme est lourd et vrille en
boucles échotiques qui harponnent le son avec puissance. Un superbe titre, plein de mordant, qui balance à
merveille les atmosphères bivalentes de Space Gems qui clôture sur le rêveur Windvogel. Un titre qui ferait
fondre un iceberg avec sa flûte aux rayonnements si intenses et touchants.
Amateurs de mellotrons, courez vous procurez cet indispensable. Pour les néophytes, dites vous que Space
Gems est une superbe collection qui présente les 2 principaux côtés de la MÉ des années analogues; d’une
part les lourds mouvements aux boucles successives qui créent des atmosphères aux cadences inimaginables
et, d’autre part, les somptueux mouvements aux errances spatiales qui soufflent comme des caresse
atoniques. Quoi qu’il en soit, le résultat est étonnant et démontre toute la profondeur possible entre deux
champs aux magnétismes discordants. Quand à Klaus Hoffmann Hook, il étend la grandeur de son talent sur
une musique et une sonorité qui lui sont propres et qui, pour des raisons inexplicables, restent encore trop
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méconnus.
Note : 5/6
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BANDE ORIGINALE DE FILM : The Crow
Chronique réalisée par Raven
Les bandes originales de films compilant des morceaux issus de groupes rock indé, neo metal ou gothique
sont innombrables. C’est devenu une mode bien ridicule depuis la seconde moitié des années 90, à tel point
qu’on a fini par oublier que le but réel de ces B.O. est bien souvent de promouvoir le film en question plutôt que
de proposer quelque chose d’intérêt musical, et quand bien même le réalisateur ait choisi lui-même la
composition de sa bande originale, cela sert souvent d’excuse pour nous refourguer de faux inédits l’air de
rien. La plupart des séries B mainstream sorties depuis les dix dernières années ont donc vu leur propre
compile sortir en guise de teaser. Autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas du genre à éplucher les
dernières B.O. compiles de ce genre, surtout si c’est pour tomber sur le dernier inédit de Slipknot ou autres
attrape-couillons, et puis il faut reconnaître que ce genre de publications à but uniquement mercantile à de quoi
saouler à la longue. Mais j’ai quelques pêchés mignons, des petites exceptions. La bande originale du premier
The Crow en fait partie. Cette compilation a l’avantage d’offrir une assez grande variété de styles rock/pop/indé
tout en mettant à portée du spectateur-auditeur des titres pas nécessairement représentatifs des artistes en
question, des petites curiosités qui auraient échappé au moins fouineurs d’entre nous. Dans cet ordre d’idée,
Vous pourrez y trouver par exemple l’excellent « Burn » par The Cure, épique et majestueux, ou une reprise
étonnante et bluesly du « Ghost Rider » de Suicide par le Rollins Band (certes facilement trouvable en bonus
track sur certaines rééditions du groupe, mais peu importe). Pour le reste c’est tout aussi agréable : « Dead
Souls », la sympathique cover du classique de Joy Division par NIN, le trépidant « Darkness » de RATM, dans la
case bonnes surprises: Machines Of Loving Grace ; un titre bien couillu de Helmet par-ci, un hit des Jesus And
The Mary Chain par-là, et quelques petites gâteries pas dégoûtantes comme la jolie ritournelle atmosphérique
de Jane Siberry, un For Love Not Lisa de série, le débile « The Badge » de Pantera, avec ses sirènes de flics, le
tube « After The Flesh » de My Life With The Thrill Kill Kult, le groove des gentils Stone Temple Pilots ou encore
un « Color Me Once » bien possédé des Violent Femmes, emballé c’est pesé. On fermera juste les yeux sur le «
Time Baby III » de Medicine, je n’invoquerai aucune raison si ce n’est que ce titre sonne à mes oreilles bien trop
guilleret pour faire bonne figure ici. La relative cohérence de cette compilation reste son atout majeur, les titres
collent bien à l’ambiance à la fois sombre et débridée du film, mi rock barbu mi subtil et posé. Une bonne petite
B.O. en somme, rien de plus rien de moins. (Important : ne confondez pas cette bande originale en chansons
avec l’autre O.S.T. du film, l’instrumentale, composée entièrement par Graeme Revell, dans une optique
gothique ambient, et dont la pochette reprends l’affiche du film.)
Note : 4/6
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VENETIAN SNARES : The chocolate wheelchair album
Chronique réalisée par dariev stands
D’aucuns diront que cet album est facile. Facile en effet, de bouger son boule dessus. Difficile, en revanche, de
ne pas décrocher un sourire toutes les 3 secondes, tant les plans vont vite, se bousculent, se courent les uns
sur les autres. Les gimmicks, salement défigurés au napalm, passent en un éclair, « flash ! », comme des
radars sur l’autoroute. On les reconnaît, on les reconnaît pas, mais en tout cas, le plaisir est total et intense du
début jusqu’à la fin. Mais comme toujours avec Venetian Snares, il est aussi sadique. Car si le relativement
paisible premier morceau, avec ses samples du génial et non moins hystérique « Oh Bondage Up Yours » de
X-Ray Spex, s’appelle « Abomination Street », ce n’est pas non plus anodin. Outre une possible réponse au
Fascination Street d’Aphex Twin, ainsi qu’une relecture du générique d’un vieux soap-opera, c’est une
indication sur ce qu’on va entendre dans l’album. En effet, tel un Devo des années Zéro, Aaron Funk (le bien
nommé) a tenté d’organiser une soirée ragga/r155 dans la turbine d’une centrale nucléaire, et le résultat ne se
fait pas attendre. « Too Young » est un tube interplanétaire, pas moins. Du moins, il le sera sûrement en 2895,
quand les soirées disco ne se feront plus sans platform-boots à thermoréacteurs. Dansable ? Eminemment.
Jumpant, même ! Windowlicker est détrôné, personne n’avait encore perverti le R’n’B (qu’on appelera Herbie
pour plus de commodité) comme ça, dégoupillé, remonté à l’envers, sur ressorts, le pauvre Herbie se cogne
désormais aux murs de la boîte, tente d’introduire son sexe dans la serrure de sa porshe et sa clef de bagnole
dans le popotin des bitches. Et le pire, c’est que c’est une reprise de Mötley Crüe ! Rien ne va plus ! Et ça ne va
pas s’arranger avec « Einstein-Rosen Bridge », autre jouet cassé tubesque qui fonctionne mieux qu’avant son
petit accident. Avec « Hand Throw », c’est Lord Kossity qui a eu un petit ennui. Mais, mais, il a des tubes
partout, regardez-le, il toaste frénétiquement, les yeux révulsés, tandis qu’un robot en string vert lui lance « run
dat mothafuckin riddim cause we ready ». « Epidermis » est une virée sur le bouchon de radiateur de la
Mercedes de Ladi Di sous le pont de l’Alma. « Ghetto Boddy Buddy » en dit déjà trop rien qu’à son titre, et les
deux tracks suivantes vont carrément chercher les pires travers de l’IDM pour les pousser à bout dans un
bauge dub suffoquant et bondé de monde. Pour finir, on croit comprendre que le pauvre Herbie, à force de
heurter de pleins fouets les enceintes, est devenu une boule de flipper folle, impossible à arrêter, et rebondit
partout sur le dancefloor en tuant force thugs et moult bi-atches. Ou comment greffer la voix de Choupette, la
coccinelle de walt disney, sur des breakbeats à faire passer Liam Hewlett pour Vladimir Cosma. En définitive,
ce « Chocolate Wheelchair Album », qui d’ailleurs n’avait pas de nom avant que les fans ne lui décernent ce
sobriquet, se situe quelque part entre « Rock It » d’un autre Herbie (qui a du produire un choc au moins aussi
rude à son époque) et l’interprétation de la musique black américaine récente par des cyborgs bloqués sur le
breakcore aux mesures à 5 ou 7 temps.
Et pendant ce temps, Kayne West, ce ringard, veut se faire passer pour un androïde en reprenant note pour
note Daft Punk.
Note : 6/6
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THE SMITHS : Louder than bombs
Chronique réalisée par Twilight
A la base, 'Louder than bombs' fut produit comme une contrepartie américaine à la compilation 'The world
won't listen' sortie sur le marché anglais. Vendu sous forme d'un double album, il incluait tous les singles et
pratiquement toutes les faces B qui n'étaient à l'époque (1987) pas disponibles sur le territoire américain. Etant
donné que le disque incluait le single 'Sheila take a bow' ainsi qu'une poignée d'inédits en album, 'Louder than
the bombs' fut réclamé par le public européen et finalement édité pour lui aussi. C'est bien compréhensible car
cette compilation regorge de bonnes choses, véritable démonstration du talent et des capacités des Smiths, de
la pointe mélancolique du superbe 'Rubber ring' aux tentations punky de 'London', sans oublier la désinvolture
désenchantée de 'William, it was really nothing', l'humour grinçant dissimulant un cri d'amour ('Ask') ou le
suicidaire 'Shakespeare's sister'. Pas évident de se renouveler dans mes chroniques des albums de Morrissey
et sa bande, leur musique appelle encore et encore les mêmes qualificatifs tant il est difficile de résister à cette
pop fluide aux guitares cristallines enrichies de temps à autre de piano, d'harmonica, qui s'insinue dans les
oreilles comme une brise mélancolique. La voix et les textes de Morrissey font des merveilles, les morceaux
charment, serrent l'estomac de par leur tristesse, nouent la gorge de par leur profondeur et leur simplicité
désabusée mais si classieuse. Qui plus est, 'Louder than bombs' permet de découvrir un certain nombre de
chansons vraiment bonnes pas forcément présentes sur les best of; parmi elles, je retiendrais particulièrement
'Sweet and tender hooligan', 'Girl afraid', 'Rubber ring' ou même l'instrumental vaguement cabaret 'Oscillate
wildly'...Les Smiths, c'est une drogue dont on ne se désintoxique pas.
Note : 5/6
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AUBE & ZBIGNIEW KARKOWSKI : Mutation
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Un mec chiant qui s’associe avec un autre mec chiant, ça aurait pu donner un truc chiant. Mais eux n’en sont
pas restés là ; ils ont préféré faire un truc méga chiant. Alors Mutation, c’est un live de Karkowski et Nakajima
enregistré le 11 juin 1998 à Steim, puis remasterisé l’année suivante pour donner cet objet. Fort sympathique,
ce boîtier cartonné en deux parties qui s’ouvrent sur le CD, et qui nous donne plein d’informations inutiles,
comme la dimension du corridor d’un temple japonais, ou encore la taille du fichier .wav du contenu.
Parlons-en, du contenu. Fidèle à ses habitudes, Aube se choisit une source sonore, en l’occurrence les bols et
pierres du temple Chio-in de Kyoto (magnifique au demeurant). Et puis commence à moduler comme il sait le
faire, en vagues… lentes… répétitives… répétit… pff… Tout cela évolue lentement, le son est ma foi bien beau
et bien ennuyeux, les pierres sifflent, encore et encore pendant 30 minutes, une seconde phase un peu plus
abstraite se met en place, puis les sifflements reprennent… Alors oui, c’est japonais, donc forcément, il faut
savoir prendre son temps, tout cela… mais que vient alors faire Karkowski ? Déjà que je ne recommande ce
truc qu’aux plus téméraires/japonais/zen d’entre vous, alors je me demande vraiment à qui il pense lorsqu’il
s’agit de diffuser cette galette…
Note : 2/6
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KAWAI (Kenji) : Avalon
Chronique réalisée par Raven
Peu importe l’époque, peu importe le lieu. C’est un autre monde, organique et mécanique, glacial et mystique.
Tragique. Inquiétant. Beau. Il ressemble au ghetto de Varsovie, celui de la seconde guerre, décrépi, noyé dans
le gris, l’ocre et ces smogs étranges qui me rappellent ma ville… mais je ne suis pas dans ma ville. Je suis
ailleurs. Ce monde m’apaise et m’effraie en même temps. Ses reliefs sont capricieux. Il est si vaste, si
gigantesque, que j’en ai le vertige… les tours qui y sont bâties me renvoient les échos d’anges froids, faits de
métal et de chair. De glace. Il y’a tellement de choses dans cette dimension, tellement de paroles qu’y s’y
élèvent. Beaucoup de choeurs. Des machines. Et un orchestre, grand, entier… Des cantatrices soufflant leurs
voix sur les champs de violons et de cuivres, qui eux-mêmes poussent sur un monde de béton, de verre et de
fer. C’est un orchestre que j’entends, oui, il est majestueux, et martial. Renversant. Un orchestre, et, à ses
côtés, cette fameuse machine qui lui est liée. Quelque chose de synthétique et d’antique en même temps…
deux univers qui se rencontrent, fusionnant face à moi pour me faire voyager dans ce monde. Je sais que je
risque de ne pas en revenir. De végéter. Mais je veux y aller. Je m’enfonce dans cette ville… je la découvre. Il
y’a ce court moment de solitude, là, au milieu, dans le parc. Et puis… cette mélodie, haletante, soudaine. Il faut
courir, fuir, ne pas regarder derrière soi ! Fuir la machine, s’attacher aux cordes. Et puis à ces voix, ces chœurs.
L’Est, c’est l’Est, oui, c’est ça. Et la mélodie haletante, saccadée, les porte, toutes ces voix, à moins que ce ne
soient elles-mêmes qui la soulèvent, de leurs forces unies, belles, amples, oh oui, autant de chœurs qui
soulèvent à l’unisson la machine. Varsovie. Je traverse les souterrains. Il y’a ces échos, ici-bas, tous ces échos
qui s’abattent sur moi. Un long corridor, un gouffre… le calme… un souffle… Et tout à coup, la mélopée
haletante qui revient, mais cette fois-ci, elle ne me lâche pas. Elle est toute seule, puis l’armée de voix la rejoint,
et puis elle grandit, et puis d’autres se joignent à elle. Neuf Sœurs. Celles qui me conduisent là-bas. Des voix
véloces qui m’entraînent plus loin, toujours plus loin… Dieu que c’est beau ! Mais quand tout s’arrête, que
toutes ces voix disparaissent, me voilà à nouveau seul dans la pénombre, seul dans les brouillards jaunes, aux
milieu des ruines de cette immense Varsovie combustible, dont je ne distingue toujours pas clairement les
formes, mais qui m’envoie toujours ces signaux… ces voix, ces cris… J’entends la triste complainte des
cordes… j’entends… je ressens… l’abysse, la mélancolie, l’abandon, l’Au-Delà. Le Ciel. Et puis, dès que je me
sens prêt à m’échapper de cette ville grise par la voix des cieux, une lente et pesante litanie de percussions me
saisi à la gorge, une litanie de cloches, de containers frappés par des tiges métalliques, qui en un rien de temps
se mue en quelque chose de menaçant. Les machines se mettent en marche au-dessus de moi. Ce sont eux…
Eux !... C’est comme s’ils sortaient des murs, de la terre même, comme s’ils s’étaient cachés, jusque là, pour
me surprendre au moment opportun. Mais je n’ai plus peur. Je sais qu’ils reviendront, le temps que cette
chasse au fantôme silencieuse ne se termine. Car après elle, c’est à un opéra miniature que j’assiste, une pièce
bouleversante que les angelots de glace interprètent pour leur Varsovie, leur Mère. C’est d’une beauté à en
crever, c’est si… si pur. Quand les moments épiques et puissants font leur apparition, je me cache derrière les
containers comme un agneau apeuré… et quand les voix unies reviennent, je sors de mon antre de fortune, me
place face à elles, et reçoit toute leur force… elles peuvent hurler, maugréer, cracher, puis se soulever en une
seule et même voix comme elles savent si bien le faire… et quand la cantatrice se détache, elle semble toutes
les effacer. Elles finissent par disparaître, inévitablement. Tout cela était-il réel ? Peu importe après tout… Je
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suis heureux… j’ai assisté à l’une des plus belles choses qui soient : une fusion unique et magique de
l’organique et du mécanique. Un requiem sans époque. Je ne suis pas revenu… de ce monde. Ce quelque
chose qui me rappelle à la fois le passé et le futur, sans que je puisse lui donner un nom… Varsovie… ou
Avalon.
Note : 5/6
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HYPNOSPHERE : Within The Whirl
Chronique réalisée par Phaedream
Dès la première écoute de Within The Whirl, on peine à croire que cet opus est le fruit de sessions individuelles
d’improvisations. Le duo Allemand démontre une cohésion hors du commun, tant au niveau des structures que
des idées, pour fusionner un opus animé des sombres arômes de Alien Nature, aux fluides mouvements
séquencés de Lambert Ringlage. Le résultat est étonnant, voire renversant, car Within The Whirl offre 5 titres
aux dimensions étranges dans une structure pourtant fort cohérente.
À la fois complexe et harmonieux, Isolation Process navigue entre les sombres atmosphères de TD, période
Phaedra, et les premières moutures de Neuronium de par son côté létal planant. Pas totalement flottant, ce long
mouvement baigne dans une ambiance mortelle qu’une légère séquence éveille en mi parcours. Le rythme
devient alors volubile, oscillant sur une séquence rotative et nerveuse qui est drapée d’un synthé aux notes
fluides. Les atmosphères sont riches, alors que les solos abondent dans une flore synthétisée aux méandres
envoûtants, pour ne pas dire hypnotiques. Le rythme devient plus lourd et d’énormes riffs accaparent cette
séquence en cascade qui vrille sur des effets sonores disparates. Une très bonne ouverture où les arômes
tribaux cogitent avec anarchie, qui dépeint l’étrange univers sonore qui règne tout autour de Within The Whirl.
Sleepwalk retrouve cette douceur morphinisme avec un superbe mouvement où le rêve se forge sur un tendre
carrousel séquencé. Vous voyez le genre? Le style de pièce qui ne finit plus d’étonner avec de superbes
guitares et de lentes plaques synthétisées qui gravitent sur un séquenceur spiralé. Tout simplement sublime.
Suivant la structure introductive de chacun des titres de Within The Whirl, Hypnotic Fields progresse dans une
brume cosmique dense. Lourde, l’atmosphère est truffée de clameurs sourdes qui étendent leurs
réverbérations sur les nappes opaques de synthé ténébreux. De superbes et lentes percussions éveillent cette
atonie, pour créer une lente impulsion sensuelle qui gronde sous des tonnerres aux artifices stigmatés, comme
dans une caverne aux dimensions linéaires.
L’effet caverneux persiste sur l’intro d’Anguish qui surprend avec une courte séquence à la Jarre vers la 5ième
minute. Fidèle à la structure en place, Anguish, tout comme Trancelunar Drive évoluent sur des séquences et
cadences alternatives, nappées de lourds synthés aux arômes sombres et lourdes.
Within The Whirl est une expérience sonore qui vaut le détour. Un riche amalgame de séquences, sur un fond
atmosphérique encore plus riche en effets sonores et en cadences progressives qui redéfini un Berlin School
plus audacieux.
Note : 5/6
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HYPNOSPHERE : Magnetism
Chronique réalisée par Phaedream
Une lente valse cosmique berce des impulsions de nappes flottantes. Animée d’une vie croissante, l’intro de de
Magnetism I nous transporte dans un monde de MÉ en fusion, comme à la belle époque d’Oxygene de Jean
Michel Jarre. Une séquence rotative, à pulsion vrillée, initie un mouvement bourré de synthé moulant aux
émanations ténébreuses, navigant entre les nappes enivrantes de Schulze, époque Body Love et les gaz
cosmiques de Jarre sur Oxygene. Une longue première partie qui progresse sur des rythmes, et non rythmes,
où des impulsions dramatiques emplissent une atmosphère riche en mellotrons et en percussions au
martèlement discret.
Ce 2ième opus de Hypnosphere poursuit là où Within the Whirl laissait, un album issu de séances
d’improvisations paru en 2003.
Pas entièrement improvisé, Magnetism survole un monde cosmique où des séquences croissantes se moulent
à un univers musical dense et coulant. Les séquences sont variées et épousent des formes musicales à la
croisée des antipodes cadencées, comme en témoigne les parties 2, 4, 5 et 7 qui servent de rampes de
lancement à des parties plus structurées où les séquences sont audacieuses et cadencées. Si la 3ième partie
définie bien cette tangente, la 6ième partie possède une force de frappe peu commune. L’ambiance introductive
est très spatiale et se développe sur une superbe séquence à carrousel stellaire. Ce mouvement hypnotique
croit sur une mélodie qui baigne dans une mer de gaz cosmique pour finalement communier en une belle
impulsion à hésitation harmonieuse qui creuse sa niche jusqu’à l’accoutumance. Ce superbe mouvement, qui
plaira aux amateurs de Software (Mergener /Weisser) et Jarre, traîne ses émanations sur une brillante et très
atmosphérique 7ième partie pour nous introduire au survolté Magnetism 8.
Séquenceurs nerveux et bidirectionnels sur une ligne de basse ronde et juteuse. Le rythme s’infiltre sur une
impulsion en cascade où les séquences se déchaînent sur une pulsation métallique, réglée comme une
horloge. En parallèle, le synthé flotte sur une cadence névrotique, dessinant un fin paradoxe structurel qui
s’accentue sur des percussions séquencées et une séquence débridée, nappée d’une aura mellotronnée de
chœurs fantomatiques. Un titre bouillant que l’on voudrait sans limite de temps et qui complète à merveille un
superbe album aux nuances très Berlin School qui plaira assurément aux fans de Schulze, Tangerine Dream,
Jarre (période Oxygene à Magnetism Fields), ainsi que Mergener /Weisser. Du grand art électronique.
Note : 5/6
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FAITHFULL (Marianne) : A Secret Life
Chronique réalisée par Raven
“ It is safe to sleep alone in a place no one knows. And to seek life under stones in a place water flows. It is best
to find in sleep the missing pieces that you lost. Best that you refuse to weep… Ash to ash, dust to dust.”
Remettre ces paroles sur le tapis, pour moi, c’est comme déterrer un souvenir douloureux… ça me fait mal, ça
me serre le coeur. Je ne me souviens pas avoir été aussi proche d’un album féminin depuis The End de Nico. Et
encore, ce serait vous mentir, car je n’ai en réalité jamais été aussi bouleversé à l’écoute d’un album « de
femme » qu’avec ce disque de la grande Marianne. Jamais. Il ne faut pas oublier le parcours hors du commun
de cette lady, d’abord chanteuse de bistrot, puis groupie des Stones dans les sixties, puis actrice, puis femme
de Mick Jagger, qui, à sa manière, aura contribué à faire d’elle se qu’elle est aujourd’hui, en lui transmettant
l’art de la seringue et en la détruisant à petit feu. Marianne Faithfull à survécu à tout. Elle a ressuscité mille fois.
L’espace de trois décennies, elle s’est transformée en une véritable déesse meurtrie, adulée par tous,
demandée par tous, de Oxbow à Etienne Daho, de Jean-Pierre Jeunet à PJ Harvey, de Metallica à Nick Cave. Il
faut dire que le simple fait d’évoquer son nom impose le respect. Chaque mot sortant de sa bouche est un
nectar amer, vibrant, vivant, c’est le genre de voix qui ne peut à mon avis laisser personne de marbre, une voix
qui, quoiqu’elle dise, quoiqu’elle chante, fait résonner dans nos oreilles toutes ces années vécues. Chaque fix
injecté, chaque bouteille vidée, chaque clope grillée, c’est ce que l'on entend dans cette voix… toute une vie de
joies et de douleurs, rien d’autre. On ne peut pas l’entendre sans détacher son attention du moment présent, ni
l’écouter sans avoir un pincement au cœur. L’évolution vocale de Marianne Faithfull m’évoque celle de Leonard
Cohen : ils ont tous deux commencé leur carrière en chantant avec fragilité et un manque d'expérience flagrant,
et puis, au fil des décennies, leurs voix ont mué, se sont cassées, et en même temps renforcées, elles ont pris
de l'ampleur, jusqu’à en devenir de véritables créatures dont chaque mouvement évoque la grâce la plus totale,
la pureté absolue, une sorte d’incarnation du Divin dans les cordes vocales d’un homme ou d’une femme. On
écoute pas Marianne Faithfull ou Leonard Cohen avec détachement : on les écoute à genoux, avec respect et
soumission, comme si le simple fait de se passer une de leurs chansons avec légèreté ressemblait à une
insulte… C’est exactement pour cette raison que je ne peux pas vraiment dire du mal de l’un ou de l’autre, que
j’exagère en quelque sorte, que j’abuse de métaphores, de longs monologues admiratifs, que j’en fais tout
simplement trop. Mais comme je suis en plus un gentleman, je garde mes plus grosses réserves de superlatifs
pour les yeux de la belle Marianne… je m’excuse par avance pour cette débauche de sensibilité exacerbée, qui
me pousse à trop en dire, et remercie ceux qui auront le courage de me suivre jusque à la fin. Maintenant,
passons à la chronique en elle-même. Pour ce disque, c’est à quelque chose d’unique que nous sommes
conviés, mesdames et messieurs : la rencontre d’un maître de la bande originale des années 80 - Angelo
Badalamenti, fidèle compositeur de David Lynch – et d’une ex-diva des années new wave qui semblait faite
pour le rencontrer. Nous sommes en 1995 : arrêt sur image. Les mégots sont froids, la voix est presque cassée,
sur le fil, proche de la rupture, vibrante et poignante comme toujours, comme à l’époque des Ballad of Lucy
Jordan et autre Broken English. En plus écorché encore. En plus grave, plus profond. En plus tremblant et
fragile. C’est la voix d’une brebis blessée répandue sur ces instrumentaux d'orfèvre comme du cyanure sur un
drap de velours. Badalamenti créé le tapis sonore idéal pour que Marianne entonne ses textes possédés :
derrière des arrangements d'un raffinement extrême, des partitions de base volontiers minimalistes, faites de
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pulsations glaciales, gonflées par des lits de violons d’une intensité dramatique à vous serrer la gorge et figés
par des cordes aux échos assassins. Quelques vents magiques viennent s’allier à elles, jouant de la mélodie de
romance déchue à tour de rôle… il y’a évidemment une ambiance très cinématographique dans ce disque,
Badalamenti oblige. Et, surtout, il y’a ce grand feeling poétique, à la fois mélancolique et morbide qui s’en
dégage. La musique que Badalamenti a composée pour Marianne est tout simplement somptueuse. Elle évoque
une sérénité macabre, un sentiment de profond désespoir qu’on essaierait de masquer par un sourire. C’est
aussi, dans un sens, ce qui rend ce disque terrifiant…
La chanteuse entame les hostilités par un extrait phrasé de la Divine Comédie. Le ton est donné… ce à quoi
nous allons assister, c’est une succession de scènes, une pièce, une tragédie, avec autant de bleus à l’âme et
de larmes qu’il doit y en avoir… autant de titres pour la composer. "Love In The Afternoon", complainte lugubre
soutenue par une pulsation obsédante dans une atmosphère de gare désaffectée, entre dans le panthéon des
chansons les plus glauques interprétées par Faithfull. Paroles désabusées évoquant la possession mutuelle,
l’abandon sexuel et le caractère malsain qu’une relation sans issue peut avoir. Violons pesants, charnels, et
puis l’image d’une femme publique à bout de nerfs s’ouvrant les veines sous un réverbère qui me hante… Et
"Sleep"… aaah, "Sleep"… la chanson la plus triste des années 90 ? Celle qui vous retourne le cœur et vous
compresse les nerfs à tous les coups… ça vous fait trembler, ça vous chavire ! Un véritable requiem tragique et
sans retour que je n’ai pas été étonné d’entendre à plusieurs reprises dans les moments clés du Roberto Succo
de Cédric Khan, tant ce titre peut façonner la tension dramatique d’une scène par sa seule présence. Beau
comme un cadavre nu. Morbide, tétanisant. "Flaming September", possédée et larmoyante, m’évoque le
générique d’un film que je n’ai jamais vu, un remake de Fuller par Polanski. De légers accents orientaux (à
moins qu’ils ne soient latins) lui confèrent cette ambiance envoûtante et singulière, entre ombre et lumière.
Pour "She", Badalamenti convoque les esprits des vieux films noirs, et les fantômes de mélodies italiennes
presque irréelles, dans une atmosphère vénitienne et spectrale. La voix de Marianne reste sur le fil, à tutoyer
les abysses. A nous chavirer. "Bored By Dreams" (avec quelques lignes dans un français délicieusement
accentué) et "The Wedding", beaucoup plus ‘dansantes’ que le reste, mais somptueuses, sont davantage dans
l’esprit de ce que Marianne faisait dans ses années new wave : une pop enjouée mais pleine de blessures
secrètes. La voix de la belle étant toujours aussi grave, ces passages apparaissent finalement comme de brefs
moments de lumière au milieu d’un océan de désespoir et de mélancolie. Ils savent mettent en valeur le reste
de l’œuvre sans faire déplacés… le vague à l’âme de "Losing", pièce secrète et cajoleuse, ou la beauté épurée
de "The Stars Line Up" ne sont pas en reste, tout est maîtrisé et grand de bout en bout dans cet album.
L’association de Badalamenti et Faithfull est tout simplement grandiose et donne lieu à une fusion entre deux
univers troubles d'un romantisme noir profond, dans le strict cadre de la chanson pop. Un oratorio sublime. Un
disque d’ébène. Nocturne et bouleversant.
Note : 6/6
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KATAR : Paradigma Digitized
Chronique réalisée par Raven
Katar, c’est, comment dire… une espèce de gros bœuf qui essaierait d’avoir la souplesse d’une grenouille.
J’admets que la métaphore est tirée par les cheveux, mais il est évident à l’écoute de ce « Digitalisé Paradigme
» que Katar est un groupe dont la seule motivation semble être de ruer dans les brancards, de bourriner. Mais
bourriner, encore faut-il savoir le faire. Surtout quand l’aspiration semble être de jouer une sorte d’electro metal
parfum Kremlin qui se réclame autant de Laibach que de Samael. Et Katar a bien du mal. Le style de Katar ? Oh,
rien de bien méchant, comme je viens de le préciser, une sorte d’electro/dark-metal computerisé et glacial qui
veut jouer les Rammstein en se payant même le luxe effronté de sonner comme un groupe black-metal de bac à
sable. Mais ne soyons pas trop insultants. Déjà, il convient de souligner que Katar est un obscur combo russe
qui est réduit à un duo. Venus tous droits des sombres et expérimentales contrées de l’Est, le duo nous joue la
carte du D.A.F. qui chercherait à faire du black-metal. D’un côté le chanteur-éructeur/guitariste, de l’autre le
batteur/progr(ammateur). Tout commence de façon assez convaincante avec un « Burn Burn My sweetest
World » qui, avec ses gros riffs graillons, son flûtiau traditionnel et sa voix dark-metal à la Samael s’essaie à un
electro metal cheap mais bien rythmé. La suite, elle, est à peu près du même acabit, en plus ou moins pire,
passant du ridicule pur « Porn 69 », avec orgasmes féminins en chamallow et sons electro en plastique mou, au
ridicule classieux (oui, ça existe !), avec un « New Sermon » bien haineux et brutal mais qui n’arrive
malheureusement pas à décoller plus haut que ses rototos. Pourtant par moments, le côté traditionnel russe de
la mélodie, assez accrocheuse, nous donne presque envie de les suivre, dans cet hymne qui dit « save your
world, stupid bastards ! ». Un message amical à nos copains écologistes ? Peut être bien, mais à la limite on
s’en fout… Le reste de l’album est assez imbuvable, on a parfois l’impression d’entendre de lointains échos de
Godflesh, mais c’est surtout bien tiré par les cheveux et très basique, à peu près au niveau de la pochette en
fait, qui semble vouloir piquer au « Bloody Kisses » de Type O Negative sans avoir la même finesse dans le
lesbo kiss. Katar, pour résumer, c’est une sorte de Rammstein ruskov militariste et vaguement industriel, avec
des mélodies de game-boy, une grosse voix de porc pas convaincante du tout et des petits sons pouet-pouet
un peu partout. Pas de quoi s’exciter en gros…
Note : 2/6
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LFO : Sheath
Chronique réalisée par Wotzenknecht
LFO n’est plus à présenter. En un titre éponyme, Mark Bell (aujourd’hui seul à bord) réinvente la techno, rien
que ça. C’était en 1991, et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, le sieur continue d’habiller la voix de Bjork,
et même Depeche Mode (sur Exciter). ‘Sheath’, c’est un peu l’album qui rappelle que LFO est bien vivant, sans
non plus le crier trop fort. La recette, bien que moins ouvertement technoïde, reste la même : sons grésillants et
cradingues, clochettes aussi faussement innocentes que les enfantillages de Richard James, et surtout
débordement sonique qui inquiète irrémédiablement l’auditeur : « mes enceintes vont-elles tenir le coup ? ».
Parce que oui, LFO (Low Frequency Oscillator) porte bien son nom, les beats enflent comme des ballons
d’hélium, les saturations ne se refusent rien, les sons niais sont grésillants ; rien ne reste en place, rien n’est
innocent ; les titres sentent le brûlé comme une borne d’arcade ‘Puzzle Bobble’ qui serait branchée sur une
trop haute tension. On peut séparer les titres en trois parties : les ‘faussement calmes’, les ‘ouvertement
agressifs’ et ‘Freak’. Le premier groupe réunit ces titres à facette ambient/technofunk qui font vibrer le corps à
grands renforts d’infrabasses (les imbéciles comme moi qui aiment à rajouter des basses fréquences en seront
pour leurs frais) : ‘Blown’, ‘Mokeylips’, ‘Moistly’, ‘Unafraid To Linger’, ‘Sleepy Chicken’ et ‘Nevertheless’ (seul le
dernier titre ‘Premacy’ est réellement ambient, donc pas de crainte pour ses subwoofers). Le second groupe,
plus hard, regroupe le très techno-indus Mum-Man, odeur métal & sueur garantie ; et le génial et débilisant
‘Snot’ qui peut faire penser à une danse des canards tendance crotte-de-nez pour rave trisomique. J’ai mis
aussi ‘Mummy…’ dans le lot parce que son groove est inarrêtable – voilà ce que devrait être la french-touch si
elle avait bon goût, tiens : du breakbeat acid injecté d’héroïne. Et puis il y a ‘Freak’, le hit-de-la-mort qui aurait
dû sortir dix ans avant tant il aurait pu faire fondre le tarmac au milieu de soirées acid. Impossible de rester en
place sur ce titre qui doit comporter une dizaine de sons à tout casser, mais agencé avec une telle efficacité
qu’il ne peut que servir de CV inattaquable pour Mark Bell. Alors on est chez Warp, donc la qualité ‘arty’
demeure, mais on sent déborder l’énergie pure et simple du dance-floor, qui du haut de son statut (involontaire)
d’intelligent techno perd des points sur la pertinence de tels titres, et rage de ne pouvoir simplement remuer les
clubs, qui tournent depuis trop d’années à la house et la hardtek.
Note : 4/6
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KYUSS : Wretch
Chronique réalisée par Raven
Wretch, c’est le début d’une courte histoire californienne, qui se déroula au milieu des vastes plaines brûlantes,
avec pour seuls témoins les serpents, un vieux pneu de tracteur en guise de fauteuil, et le groupe électrogène
obligatoire. Une histoire de désert et de fumette, l’histoire de quatre gonzes qui ont trop écouté Black Sabbath
quand ils étaient petits et qui (manque de bol) sont nés dans un bled bien ensoleillé… Wretch, c’est un son, un
feeling, c’est quelque chose qui vibre et qui groove, qui pèse, des riffs qui fondent comme du caramel entre les
doigts, une façon d’appréhender la lourdeur avec légèreté, un son organique, chaleureux, dégoulinant… un son
qui suinte de partout, oui, comme si les instruments eux-mêmes transpiraient sous le soleil au zénith. Wretch,
c’est tout simplement le premier album de Kyuss, et pas le moindre, bien qu’il soit souvent oublié au profit des
trois autres. Pour ce témoignage de jeunesse, les quatre compères offrent déjà tout ce qu’ils ont dans les tripes
: les riffs grailleux, le chant unique de John Garcia, les plans psychotropes et les grains de sable entre les
frettes, avec en plus la fougue juvénile (n’oublions pas que Josh Homme est à peine âgé de seize ans lorsqu’il
enregistre ce disque, et à cet âge il avait déjà confondu l’ampli basse avec celui de sa guitare). Si leur stoner
n’est pas encore aussi monolithique que dans les opus qui succéderont, il pèse déjà lourd sur nos frêles
tympans. Chaque titre à sa propre cadence, les trois lascars varient les plaisirs, sans jamais faillir, avec un
sens du groove imparable et aucune prise de tête : « Love Has Passed Me By » charge comme un rhinocéros,
sans fioritures, « Black Widow » plane au ras du sol, avec son feeling grunge, lancinant et psychotrope
(évidemment), quelque part entre Blue Cheer, Mudhoney et les Melvins si ce mélange peut encore évoquer
quelque chose aux oreilles des non-initiés. « Son Of A Bitch » (ma préférée), épique et plombée, « Deadly Kiss »
crépitant à mort dans les baffles, « Katzenjammer », avec ses riffs à l’huile de vidange et son refrain de bikers,
et une sélection d’autres titres tout aussi délicieux, toujours dans cet esprit désertique et wock’n’woll chers à
nos jeunes bronzés de la pampa. Wretch est le moins psychédélique mais sans nul doute le plus grailleux et le
plus simple des albums de Kyuss, un disque de jeunesse maîtrisé et bourratif qui nous laisse la délectable
sensation d’avoir du cambouis plein les oreilles.
Note : 4/6
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CRIPPLED BLACK PHOENIX : A love of shared disasters
Chronique réalisée par dariev stands
C’est marrant, au moment ou un certain corbeau rejoins nos rangs, je me retrouve à vous parler de ce
side-project de Justin Greaves (ex-batteur d’Electric Wizard, Iron Monkey et Teeth of Lions Rule the Divine) et
du guitariste de Mogwai, le tout signé sur le label de Geoff Barrow, monsieur Portishead ! « A love of shared
disasters » est un émouvant recueil de chansons dépressives, ritournelles folk granuleuses, embuées dans une
sorte de recueillement post-apocalyptique. La pochette au dit corbeau donc (ne pas s’aviser d’imaginer un lien
avec « Cripple Crow » de Devendra Banhart), aux teintes de crépuscule ocre et rougeâtre, est assez poétique
pour suggérer tout un univers confiné, singulièrement dépeint lors des 3 premières pistes, puis décliné tout au
long du disque : un univers qui dans ma mémoire personnelle fait écho au « World of Ruin » dévasté et
endeuillé de FFVI, plongé dans cette même lumière dorée de soleil éternellement couchant. Ainsi, « The Lament
of the Withered Mercenary », avec sa procession funèbre digne de Sacré Graal, évoquerait les errances
troublées de Shadow, le loup solitaire, et « Really, How’d It Get This Way ?” serait la question que se pose
Celes, seule dans sa cabane sur la plage, avec pour seul compagnie les cris des mouettes entendus sur le
sublime « The Whistler », qui, vers 7 minutes, opère un revirement encore plus étrange. Suivant le même
schéma, la suite continuera d’osciller entre désespoir monacal et dépouillement mélancolique, comme sur le «
Goodnight, Europe », à la guitare d’une nostalgie et d’une justesse saisissante, qu’on retrouve sur « You Take
The Devil Out Of Me », un des quelques morceaux chantés du disque, une pépite digne du Neil Young mal rasé
des tumultueuses années qui, de par ses arrangements parfaits, vient rompre le minimalisme de l’ensemble.
Ces morceaux chantés font sans doute partie des réussites du lot, bien que le tout soit cohérent, car
homogène. Citons enfin « I’m almost home », donnant l’impression de pénétrer dans une ville fantôme,
abandonnée de ses occupants, aux maisons grises et cabossées. De bien belles images pour un album dont,
étonnamment, la déraisonnable longueur n’affecte en rien notre écoute, toujours bercée par le même de vagues
lancinantes, malgré la monotonie absolue de l’ensemble. Sans parler d’émotion violente ou de chef d’oeuvre,
c’est un bon 4/6 bien mérité.
Note : 4/6
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COHEN (Leonard) : The Future
Chronique réalisée par Raven
« Léo le Rigolo »… c’est ainsi que les journalistes des années soixante-dix surnommaient ironiquement le
poète à la voix rauque et aux mots blessés. D’ailleurs, si on devait tracer une courbe représentant l’évolution de
l’artiste au vu de la qualité de ces albums, du premier au dernier, la carrière de Léonard Cohen aurait la forme
d’un sourire. Un début magnifique et bouleversant dans la folk la plus dépouillée et la plus automnale qui soit,
avec ses trois premiers albums… puis, petit à petit, un virage léger vers la pop, au détour d’un « There Is a War
», ensuite vint sa rencontre tendue avec Phil Spector, clairement pas sa meilleure période question moral, puis
quelques albums années 80 avec certes plus d’attraits grand public mais, avouons-le, moins de grandeur… et
enfin, après ce long périple, nous voilà à l’aube des 90’s avec « The Future », album clé dans la discographie du
canadien. Un de ses disques les plus populaires et, ô ironie, l’un des plus amers, derrière son aspect lisse et
aguicheur. Si j’ai choisi de vous parler de cet album en premier lieu, c’est parce qu’il me semble être
symbolique d’un revirement dans la carrière de l’artiste, d’une prise de conscience brutale même, et que je
pense qu’il est parfait pour introduire le Cohen « moderne » aux néophytes, qui n’est plus vraiment celui de
l’époque Avalanche et consort. Je préfère donc alourdir cette chronique avec ma présentation personnelle du
Léo des années post-folk plutôt qu’une autre, simple question de tactique. « The Future, album-clé », vous
disais-je donc, d’abord parce qu’il s’agit du premier dans lequel Leonard Cohen parle frontalement de l’avenir,
de ses doutes, de ses points de vue politiques, de son regard sur la société et ses dérives, de la médiatisation.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si trois titres de cet album figureront dans le Tueurs Nés de Oliver Stone.
Nous sommes en 1990, et Leonard Cohen n’est plus ce chanteur accompagné de sa guitare, ex-poète à la voix
encore fragile et sur le fil. Léo le Rigolo est vieux, fatigué, mais sa voix est plus sombre, plus grave, plus
chargée émotionnellement que jamais, gorgée de suc, d’une nonchalance grondante et obsédante. Léonard
Cohen est déjà devenu la véritable icône qu’on connaît, louée par les Nick Cave et tous les avatars gothiques
ou romantiques qu’elle a engendrés… Tel un empereur sentant sa fin approcher, mais dont la puissance
mystique n’aura jamais été aussi forte, Cohen pose donc sa voix d’ébène sur les huit titres constituant la
majeure partie de cet album, la dernière piste étant un instrumental soyeux réalisé au synthétiseur. Le premier
titre (éponyme) est un hymne entraînant et magnifique, très rythmé, d’inspiration ska et gospel (orgue lyrique à
l'appui) sur lequel Cohen pose un discours plein de désespoir masqué en cynisme, sublimé par des
métaphores meurtrières et lourdes de sens (« Give me back my broken night, my mirrored room, my secret life,
it's lonely here, there's no one left to torture ») sa voix s’élève comme se déploient les ailes d’un corbeau sur le
rythme trépidant et les voix de ses déesses gospel qui l’emmènent au firmament. Divine mise en bouche ! La
seconde chanson du disque, elle, sera définitive : « Waiting For The Miracle », ou pour faire plus simple « la
plus envoûtante des chansons jamais composées » (j’en fais des tonnes ? écoutez-là et vous verrez)… un titre
à la beauté tétanisante et à l’effet romantique et solennel immédiat, qui, semblable à une chanson d’amour
post-nucléaire, nous plonge dans la plus infime noirceur, sans cesse portée par cette mélodie lancinante et
chaude aux claviers, par ces violons qui soufflent sur notre coeur comme le vent balaye le sable, par ces loups,
là, au fond, qu’il me semble par instants entendre, par ces chœurs féminins somptueux servant de linceul au
vieux Leo, qui, lui, s’il ne chante plus depuis belle lurette, parle comme jamais : de sa voix suave et rauque, de
profundis… le Maître compte son histoire à ce qui semble être un amour impossible. Passé ce titre absolu, qui
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balaye d’un revers de la main toutes les chansons les plus bouleversantes de Nick Cave - l’élève - il ne peut
rien y avoir, rien, se dit-on… le silence, seul… et pourtant, non, il y’a quelque chose ! (en même temps deux
titres de 5 minutes sur un album ça ferait léger non ?) Vient donc, à la suite de ce diptyque mi-fougue mi-raison,
une suite de singles potentiels tous fabriqués sur le même modèle : claviers en fond, mélodies pop simplettes,
voix féminines d’inspiration gospel et phrasé désabusé de Cohen. « Be For Real » tient le cap vers des contrées
certes moins noires mais toujours aussi justes de ton, « Closing Time », seul bémol de l’album, dépareille par
sa mélodie agaçante et kitsch qui donne plus envie de zapper que de se laisser bercer, mais, heureusement, «
Anthem » rattrape le coche avec lente prière/contemplation/hymne sur ce monde à la dérive… la messe est dite
? pas encore… « Democracy » poursuit dans cette veine et Cohen se fait de plus en plus douceur et volupté au
fur et à mesure que se serrent ses poings, que se creusent ses rides. « Light As The Breeze », émouvant
chapitre, confirme une nouvelle fois que le brave Léo est à l’aise dans le coton synthétique, mais que sa voix
rouillée (et donc belle) n’a pas tout dit… chœurs féminins, synthétiseurs, sucre, c’est du mielleux oui, mais on
s’en fiche… du miel, du miel, encore, oui, encore du miel ! Car même si le miel reste du miel, il a, chez Léonard
Cohen, des allures de poison exquis… « Always » offre au poète et à sa chorale gospel une formidable
occasion de prouver leur foi en l’amour, foi à laquelle on ne croit guère connaissant le canadien, mais l’illusion
fait mouche, et, après tout, un éclat de lumière et des mains tendues, comme ça, c’est trop beau pour cracher
dessus. Ayons donc le cœur à la célébration mes amis, même si à un moment donné il faudra se résoudre à
broyer du noir… et le noir revient, mais apaisé, drapé, doux comme le souffle de la brise sur nos corps mis à
nus, sous la forme d’un instrumental velouté et désertique : « Tacoma Trailer », qui referme en douceur l’album,
un peu comme une berceuse qui nous aide à quitter Léo sans trop de peine... Alors « The Future », kesako ?
Oh, rien de bien extraordinaire diront certains. Juste un album doux, divin, mystique, qui paraîtra peut être très
lisse pour ceux qui n’aiment pas le gospel et la pop façon vieux Leo, mais peu importe, que tout ça est beau,
vrai et beau ! Un poème, une épreuve à chaud, un velouté de vie, sous les synthétiseurs et les refrains cajoleurs
se cachent des larmes qui ne sont pas en toc, croyez-moi… The Future, c’est l’œuvre d’un homme âgé qui se
regarde et observe autour de lui avec l’intelligence d’un vieux lion et l’acuité visuelle d’un rapace. Car à cette
époque, Cohen est tout de même devenu - plus qu’un poète - un véritable demi-dieu aux allures de crooner
nocturne. Le petit poète juif paumé et meurtri qui tirait tout le temps la gueule et pleurait ses mélopées
pluvieuses avec une voix frêle et déchirée a grandi. Désormais, il est capable de rire, oui… mais s’il rit, se n’est
pas de bon cœur. Que du contraire. Son sourire en coin est comme une dague, une arme, ses petits rires gras
au détour d’un accord sont les témoins de la stupidité et de la médiocrité de notre vie, de notre société, de
notre histoire sans cesse réinterprétée, son regard fatigué a vu Babylone la Grande chuter, son coeur a sans
cesse ressassé le souvenir de cette période noire où l’on voyait partir et ne jamais revenir des wagons remplis
de femmes, d’hommes et d’enfants (qu’il évoque très subtilement dans cet album, à vous de trouver où), ses
mains usées par les cordes ont effleuré la seule terre promise que l’homme ai bafoué : son Passé… ou son
Futur… désormais la voix noire et ample n’est plus un instrument d’exutoire déchiré comme elle l’a été sur «
Avalanche » ou « Sisters Of Mercy », mais un contemplateur cynique et désolé, un être à la fois mystique et
confident, qui dicte à ses contemporains les lignes les plus significatives et les plus justes de son existence…
une existence qui doit réellement se terminer sur des mots si pleins d’amertume, de douleur, de faux espoirs ?
Seul l’avenir nous le dira.
Note : 5/6
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SYNTH.nl : AeroDynamics
Chronique réalisée par Phaedream
Une Ferrari sur Mars! Ça vous intéresse? Des rythmes syncopés qui roulent sur de belles séquences
entraînantes. Ça vous intéresse aussi? Voici AeroDynamics, le 1ier opus du synthésiste Hollandais Michel Van
Ose155ruggen. Autant vous le dire d’emblée, vous ne trouverez pas de séquences complexes, ni de longs
passages atmosphériques. Non, Synth.nl est de l’école de Jean Michel Jarre (nouvelle mouture), Moo155ooter
teinté du zest punché de Kraftwerk. Donc, du rythme, beaucoup de rythme avec de grosses percussions sur
des séquences débridées.
Avec un titre comme Scuderia, on n’est pas surpris d’entendre les pneus mordrent le vide comme intro. Le
tempo s’installe aisément sur de belles séquences stroboscopiques et un synthé aux atmosphères spatiales,
qui encerclent une mise en scène musicale digne des derniers Jean Michel Jarre. Entraînant et percutant,
Scuderia est à l’image des 12 titres qui suivent sur AeroDynamics. De superbes mélodies aux séquences
animées de sensualité comme Downforce, Stall et AirFlow, sont éparpillées parmi de fortes impulsions
névrotiques comme Drag, Turbulence et Falcon.
Certes, il y a des moments aux atmosphères étranges et douteuses, comme sur la pièce titre, Modena et Lift,
mais ils sont vite emballés de tempo frénétique qui percute les murs de par leurs effets saccadés et la
résonance musicale, quoique Lift demeure assez tranquille par rapport au reste.
Simple, mais foutrement efficace, AeroDynamics est un album de MÉ qui gravite entre les zones techno
modérées et les ambiances spatiales qui encerclent des rythmes syncopés, parfois débridés. Si vous aimez une
musique intelligente qui frappe d’audace sur des séquenceurs névrosés, AeroDynamics de Synth.nl vous est
tout désigné. Disponible chez Groove, voir le site http://www.groove.nl/cd/g/gr-146.html
Note : 4/6
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MAKE A CHANGE... KILL YOURSELF : Make A Change... Kill Yourself
Chronique réalisée par Nicko
Rien qu'à lire le nom du groupe, le décor est planté. Derrière ce patronyme jusqu'au-boutiste, deux options
s'offrent à nous, soit on a droit à une imposture totale et un délire complet second degré, soit Make A Change...
Kill Yourself est un groupe/concept entièrement dédié à la cause du black/doom dépressif suicidaire.
Clairement, il faut chercher dans la deuxième catégorie pour trouver l'âme de ce trio danois dérangé au
possible. Cet album de plus d'une heure propose du black ambient lancinant, répétitif, lent avec des riffs à la
Negura Bunget et des ambiances suicidaires à la Shining. Les morceaux sont longs, monotones, rappelant
Hypothermia, avec un chant déchiré et criard à la Burzum. Les atmosphères sont superbement bien maitrisées
avec des claviers discrets mais efficaces, quelques parties de chant féminin tout aussi réussies et de la guitare
sèche qui donne tout son contraste à la musique du groupe. Les enchainements prennent aux tripes avec une
véritable dynamique, une batterie pour une fois bien en place et inspirée. Les parties totalement ambient aux
claviers sont aussi bien présentes. Bref, voilà une très bonne surprise pour tous les amateurs d'atmosphères
suicidaires, les fétichistes des cordes, roulettes russes et autres rasoirs ! Les amis, préparez vos veines ! A vos
lames, prêts ? Coupez !
Note : 5/6
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MONO : Gone - A collection of EP's 2000_2007
Chronique réalisée par Nicko
Comme son nom l'indique, cette nouvelle sortie des 4 japonais de Mono représente une compilation de leurs
divers EP et splits sortis les 7 dernières années. On retrouve ici donc 3 EP, 1 morceau d'une compilation et le
titre issu d'un split avec Pelican. Musicalement, je dirais qu'il n'y a rien de véritablement novateur ou
extraordinaire. Mono joue son post-rock très inspiré par Godspeed You Black Emperor ! et Sigur Ros avec son
côté doux et calme qui monte progressivement avec des guitares triturées et des explosions sonores typiques
du genre. Oui, mais comme Mono est japonais, nos 4 amis ne font pas les choses comme les autres (ce ne sont
pas Saïmone ou Wotzenknecht qui vont me contredire !) ! Les explosions sont vraiment bruitistes, avec des
sons agressifs dans tous les sens, limite free-style, pour revenir, on ne sait trop comment (?), sur le thème
principal, calme et posé ! Alors, ce qui me gêne un peu, c'est la trop grande récurrence des plans, faut dire que
le style veut ça, et même si les japonais apportent leur touche de folie personnelle et que les parties calmes
sont vraiment superbement bien réalisées, on ne peut que trouver certains passages trop téléphonés.
N'empêche, sur 1 heure et quart, on a droit à une collection de morceaux plutôt rares du groupe, le tout étant
proposés sur un support d'une qualité générale irréprochable, avec musicalement de magnifiques
arrangements aux violons notamment, tout pleins d'émotion pure. Alors on n'atteint pas le niveau d'"Under the
pipal tree", mais les fans du groupe et du genre devraient apprécier ! Une belle compil', un bel objet !
Note : 4/6
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BODY COUNT : Body Count
Chronique réalisée par Raven
A grands renforts de « fuck-fuck-fuck » et de refrains provocateurs, le célèbre Ice-T et ses comparses jouent un
rock hardcore mâtiné de vieux thrash qui est plus ou moins un copier-coller sonore de ce que Black Flag et
Anthrax avaient accompli avant eux : riffs puissants, parties rapides, et des refrains en forme d’hymnes. On
ressent encore – évidemment – l’influence obligée du phrasé hip-hop, la voix de Ice-T étant à l’origine modelée
pour ça. Le lascar, quand il ne beugle pas, parle avec conviction. Il fait face à l’auditeur. Musicalement, c’est
basique et vulgaire, sec comme un cou de trique, la production sonne faiblarde mais les types donnent tout ce
qu’ils ont dans le ventre… le message passe donc instantanément : « Tell us what to do ? FUCK YOU ! ». Je
pourrais citer toutes les chansons ou presque, préciser tout de même que la moitié des titres sont des
interludes phrasés qui ont pour principe de raconter moult anecdotes ou simplement d’enfoncer le clou dans le
message subversif. Je pourrais vous parler de « Evil Dick », accrocheuse à mort, qui se termine en une grosse
simulation de coït à vous plier de rire. De « Freedom Of Speech », qui n’est autre que le titre choisi en
remplacement du célèbre « Cop Killer », ici censuré par Warner à la demande de qui vous devinez. De « Moma’s
Gotta Die Tonight », chanson dans laquelle Ice-T raconte cette histoire aux relents matricides (la sienne ?) celle
d’un fils élevé par une mère xénophobe, qui refusait de le voir en compagnie d’une blanche. De cette ballade
surprenante et un peu cramée, « The Winner Loses ». Du débile mais révélateur « KKK Bitch », au titre plus
qu’éloquent... De l’envoûtant « Voodoo », ou du « Body Count Anthem », à chanter poing levé. Dans ce premier
opus de Body Count, Ice-T a déjà déversé tout ce qu’il voulait raconter, scander. Des instantanés de la rue, des
hymnes. Je ne peux que vous encourager à découvrir cet éponyme de Body Count en premier lieu si vous
souhaitez faire connaissance avec le personnage par le versant abrupt. Et si vous résistez encore, n’oubliez
pas qu’il y’a toujours ce flingue pointé sur vous.
Note : 4/6
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THROBBING GRISTLE : Part Two : The Endless Not
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Parler convenablement de ce tout dernier Throbbing Gristle est assez problématique. Il exigerait de souffrir de
schizoïdie bipolaire, ou alors d’avoir beaucoup de recul. N’étant pas encore sujet à de tels troubles
psychiatriques (j’en ai d’autres, rassurez-vous), j’opte pour la seconde option. Throbbing Gristle, pionniers de
la musique industrielle, injecteurs de punk et de bruitisme en une forme explosive, dérangent, puis amusent,
puis fascinent et rassemblent, notamment avec leur descendance directe : Chris & Cosey, Psychic TV et Coil.
D’une forme d’impasse, ils creusent les murs et s’ouvrent à des horizons plus optimistes, respectivement
technoïdes, rock et mystique. Plus de vingt-cinq ans sont passés depuis leur dernier vrai album ‘Heathen Earth’
Genesis se fâche avec Carter, rencontre Ladye Jaye Breyer P-Orridge (RIP), se fait implanter des seins et
devient peu à peu l’icône de l’underground, de tous les sexes et tous les plaisirs (pervers) ; de leur côté, Peter
Christopherson et John Balance (RIP) touchent au divin avec une merveilleuse alchimie ambient,
électroacoustique et poétique qui prendra fin sur ‘The Ape of Naples’, accompagnant de près le tragique décès
de John. Ce résumé bâclé sert surtout à pouvoir légitimement se poser la question : à quoi bon reformer le
groupe initial ? Intérêt commercial ? Artistique ? Le mystère reste entier, les membres du groupes restant
plutôt muets à ce sujet. Simplement, il faut savoir que de Coum Transmissions (premier collectif artistique de
Genesis et Cosey, dans les sphères de Otto Muehl et Schwarzkogler) et des débuts de TG, il ne reste plus grand
chose : on verra aujourd’hui les performances live adopter l’inévitable laptop, on verra le site officiel se remplir
d’objets forts chers (la rubrique ‘TG Store’ clignote comme aucune autre), et avec la sortie de ce ‘Part Two : The
Endless Not’ toute une série de totems glissés dans les tranches de certains boîtiers (mille de chaque, sans
compter le cinquième japonais en acier, et un hypothétique sixième en or 23 carats que l’on peut commander
pour la modique somme de £777, soit plus de mille euro). Autant le dire tout de suite : TG est mort. Mais alors,
qu’est-ce qu’il y a dans ce disque ? du Coil, bien sûr ! De l’ambient bizarro, du blues de bar lynchien qui vous
rappellera ‘Red Queen’ (‘Rabbit Snare’), du bruitisme haut de gamme (‘Greasy Spoon’, ‘Lyre Liar’), parfois très
rythmé voire exotique (‘Vow of Silence’, ‘The Endless Not’). Un petit mot sur ‘Almost a Kiss’, love-song que l’on
pourrait décrire comme un mélange entre ‘Leaving Green Sleeves’ de Leonard Cohen (voix y compris) et ces
petites perles que Coil dissémine çà et là, tel ‘I don’t want to be the one’. Voilà, c’est un très bon album de Coil,
faite par les aînés, sans John. Si la maîtrise des machines est indéniable, celle du sens (de la magie) est plus
discutable. En 2007, la scène post-industrielle est vivante, sans aucune frontière pour l’arrêter ; et force est
d’avouer que TG n’est plus que l’ombre de sa légende ...ou la légende qui court à nouveau derrière son ombre.
Note : 4/6
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BODY COUNT : Born Dead
Chronique réalisée par Raven
« Born yellow... Born brown... Born red... Born black... Born dead… DEAD !!! » Pour ce second jet, Ice-T et ses
keums reprennent grosso modo les mêmes gimmicks et la même construction que sur leur premier album
éponyme: son rêche, riffs d’inspiration hardcore/post-punk/thrash, paroles de gros bourrins. Difficile de
vraiment savoir lequel des deux est à préférer, disons simplement que Born Dead est peu être plus glauque
dans l’inspiration (mattez-moi un peu cette pochette de première fraîcheur), avec une ambiance plus sombre,
palpable sur des titres comme « Shallow Graves » ou le ténébreux et hitchcockien « Last Breath » (mon titre
préféré du groupe). L’album, dans son entier, est peut être plus poisseux que son prédécesseur, mais la provoc
gratuite est toujours de mise, sauf qu’ici on parle plus des cadavres que de la guerre en elle-même. On reprend
Hendrix (« Hey Joe »), on lance toujours nos cris de révolte contre les méchants riches et les vilains flics, on se
défoule contre Papa qui boit trop et frappe Maman (« Who Are You », autre pamphet parricide après « Momma’s
Gotta Die Tonight »), bref c’est pas la joie, c’est pas la finesse non plus, on dit ce qu’on a à dire et basta. Tout
aussi narcissique et vindicatif que son aîné, Born Dead a quelque chose en lui de plus noir donc, mais rien de
suffisamment inspiré pour l’élever au niveau supérieur. C’est du Body Count, on sait à quoi s’en tenir : « Who
are you tryin' to judge me ? Get the fuck out my face ! ».
Note : 4/6
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CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : No More Shall We Part
Chronique réalisée par Raven
Suivant depuis quelques années la voix du divin, adoucissant de plus en plus les traits de son blues tout en le
tirant vers l’épure, Nicholas Edward nous revient en 2001 avec ce qui restera pour ma part son disque le plus
sage. No More Shall We Part n’est effectivement pas un album noir et entièrement possédé, comme l’ont été les
Murder Ballads, Tender Prey et autres First Born Is Dead, presque tous ses albums en fait… non, ici, le blues
n’est plus aussi profond, plus aussi riche et puissant que par le passé, même si la voix de Nick n’a en rien
changé et qu’il est toujours très agréable de l’entendre, toujours aussi ronde et ample. Mais là, c’est un peu
trop lisse, trop poli pour mes oreilles gourmandes en quête de tristesse aveugle et de larmoyances (bouh, le
vilain néologisme)… Malgré ce constat de faiblesse, rassurez-vous, on y trouve tout de même de vrais
moments d’intensité comme sur chacun de ses disques (le solennel « Fifteen Feet Of Pure White Snow » et «
As I Sat Sadly By Her Side » sont de pures merveilles et font figure de moments forts), mais il restent bien trop
rares pour me permettre plus d’indulgence… Pour tout vous dire, il assez regrettable, à mon sens, que Mister
Cave se soit petit à petit transformé en curton pataud et vaguement dépressif façon frère Tuck – alors qu’avant
il tenait davantage de Mitchum dans la Nuit Du Chasseur - au point de ne plus savoir quoi faire sinon se
caricaturer lui-même, dans son rôle de prêcheur mystique bien propre sur lui, la voix qui se repose sur ses
lauriers et le pot de gomina à portée de main. Et je ne parle pas de garde-robe mais de musique, rassurez-vous.
J’aime les évolutions constructives, moins celles qui me font penser à un délavage progressif. Les fans de cet
album sont nombreux, et je suis bien content pour eux, mais ils devront tôt ou tard admettre que plus le père
Cave devient biblique, plus il se ramollit. Sur cet album qui ressemble à la messe d’un bluesmen en
costar-cravate un peu fatigué, les grandes lignes flamboyantes et désespérées ne sont que trop rarement de
mise, et les prises de force possédée absentes si on excepte la montée saisissante de « Fifteen Feet », où Cave
et ses désormais bonnes graines laissent se déchaîner la vraie mystique gospel, renvoyant trois-cent étages
en-dessous les chansons tristounettes de dimanche après midi qu’on peut trouver en effectif conséquent sur
l’album. Mais en même temps, je ne veux pas être trop cruel, car, ô paradoxe ridicule, j’aime bien ce disque
pour les raisons invoquées : solennité, ambiance nonchalante, petites touches délicates de piano, de violon,
chœurs élégants, etc, etc, la formule est connue… Et puis, avouons-le, Nick sait encore y faire lorsqu’il s’agit
d’appuyer sur la corde sensible (« As I Sat Sadly By Her Side », oui encore celle-là, en voilà une chanson
possédée et inspirée, le titre éponyme, « Sweeetheart Come » et « The Sorrowful Wife » se défendent très bien
aussi), mais force est de constater que des chansons comme « Love Letter » ou le gospel bancal « God Is In
The House » ont bien du mal à provoquer autre chose en moi que l’envie de regarder ma montre toutes les cinq
secondes et de sérieux baillements. En fait, je me rends compte que j’ai bien du mal à exprimer ce que je pense
de cet album… c’est peut être parce que je n’en pense rien, justement… mmmfff… No More Shall We Part est
un disque pâle, à la fois soporifique et beau. Voilà, c’est ça. Une relative déception en ce qui me concerne donc,
tout ce que je peux dire d’éminemment constructif sur ce disque c’est qu’à son écoute soit je me sens bercé
par la voix de Frère Nick et les arrangements classieux et subtils, soit je m’enfonce dans un sommeil profond,
fatigué des couplets copier-coller et de la longueur de cette messe morphéenne…
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Note : 3/6
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BANDE ORIGINALE DE FILM : Irréversible
Chronique réalisée par Raven
A la question « Daft Punk ont-ils leur place sur Guts ? » Je répondrai non a priori. « Et Thomas Bangalter alors
? » là je dirai oui, indéniablement. « Et pourquoi donc ? » eh bien tout d’abord parce qu’il a à son actif cette
B.O. de Irréversible, mes chers petits. Avant toute chose, je tiens à préciser que je ne me lancerai pas dans
l’éternel débat de savoir si ce film méritait une telle controverse, si tout cela n’était finalement qu’un grosse
provoc’ pour rassasier le petit voyeur pervers qui se cache derrière chaque spectateur, si Monica Bellucci
n’avait pas l’air de prendre son pied à un moment donné, là, juste à l’instant où son agresseur lui remet un petit
coup de pine gratis dans la turbine à chocolat, si l’utilisation singulière de l’extincteur montrée dans le film
n’allait pas causer une hausse des incendies et une recrudescence des traumatismes crâniens, etc etc… Non.
Sachons rester sobres. Moi, ce qui m’a surtout marqué dans ce long-métrage de Gaspar Noé, c’est de prime
abord la façon dont le bonhomme s’amusait à danser avec sa caméra, et, juste après, la fusion presque
alchimique qui s’était faite entre les bandes électroniques de Bangalter et les images chaotiques filmées en DV.
Une certaine façon de mettre la nausée en exergue. Tous ceux qui ont vu le film en salles sauront de quoi je
parle, car on pourra toujours dire ce qu’on veut sur ce long-métrage, il faut avouer que ça en jetait
méchamment dans l’image comme dans le son, et que depuis Gandrieux, les trips audiovisuels de ce genre
fallait se lever tôt pour en trouver dans les salles obscures. Mais indépendamment des images, justement, que
vaut donc cette B.O. ? Eh bien, elle est ma foi fort trippante, à condition de ne pas être allergique aux sonorités
de Daft Punk (car l’ami Bangalter convoque les esprits de son duo envahisseur d’ondes pour deux-trois pièces
dansantes dont la présence se justifie par le simple fait que dans le film, il y’a cette longue séquence de fête
que Bangalter devait composer, un simple outil musical qui permettrait à Monica de remuer ses fesses en
faisant sa célèbre moue de mérou). Je ne vous parlerai pas de la piste 14, je pense que vous avez des yeux et le
cerveau qui va avec pour vous rendre compte que c’est assez fâcheux, oui, mais en même temps, la chanson
est dans le film. Ce qui est bien avec cette bande originale (respectant la chronologie initiale inversée des
images) c’est qu’on peut en quelque sorte revivre le métrage en l’écoutant, car tout comme lui, elle commence
sous de sombres auspices pour s’achever dans la lumière aveuglante du jour. Un decrescendo. Une descente
en remontée (ou une remontée en descente, blablabla). Tout comme le film, elle est, à sa manière, belle et
putassière en même temps, et, tout comme le film, elle a ses moments de pur trip morbide et ses rares
moments de mièvrerie. Pour faire simple : exception faite des deux thèmes classiques de tonton Wolfgang,
aussi magistraux que célèbres (notez tout de même que l’adagio de la neuvième en D majeur a été retravaillé
façon ambient par Bangalter), la majeure partie de la B.O. est purement sombre et/ou flippée, et le reste est aux
antipodes. 3/4 electro cheap à la Carpenter/Goblin versus house carbonisée de partout, 1/4 house FM (mais
bien plus buvable que du David Guetta, rassurez-vous). C’est aussi simple que ça. Le premier titre n’est autre
que le thème éponyme du film, crade et vil : un vieux beat à reverb tout droit sorti des années 80, une mélodie
malsaine, le tout monté avec un synthé que je qualifierai d’ignoblement visqueux, dans le même esprit que ce
qu’on pu commettre les Goblin en leur temps mais avec les moyens d’aujourd’hui. « Tempus Edax Rerum » est
le générique du film, une suite percussive basique qui se contente de marquer un tempo inquisiteur et pesant,
après une courte intro façon vieux film d’épouvante. Avec « Rectum », on a l’impression de nager dans le
ventre d’un cachalot malade, ou d’être prisonnier d’une centrale nucléaire en état d’explosion imminente : cette
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ambiance grondante, angoissante ; un vortex moite qui tangue, le flux étouffant qui monte et descends sans
cesse, disparaît, réapparaît, lancine et vous file la nausée (si vous avez vu le film, ce titre est celui utilisé
pendant la séquence de descente dans le club homo)… pour ma part cette piste est tout simplement la
meilleure pièce du lot, elle me rappelle à sa façon l’ambiance du « Il y a » de Programme : quelque chose de
létal et d’oppressant. « Night Beats » voit enfin l’apparition des pures sonorités Daft Punk que Bangalter
recycle pour en faire quelque chose de terriblement addictif et lobotomisant, « Paris By Night », fluide et
prenant, « Stress », tout aussi délectable, envoûtant, « Outrage », sorte d’instrumental façon Daft P. speedé à
mort, qui nous entraîne dans un tourbillon infernal… « Outrun » est la piste qui marque le passage vers
l’éclaircie, l’autre côté du miroir, quand à « Désaccords » et « The End », elles sont tout aussi recommandables
pour se vriller les synapses à l’ombre des tunnels… Pour résumer, la B.O. d’Irréversible, c’est ça : 60% de
pistes synthétiques sombres et répétitives, 20% de techno/house pure, 15% de classique et 5% de variété façon
salsifis. Avis aux amateurs… Maintenant, à la question qui vous brûle les lèvres « Etienne Daho a-t-il sa place
sur Guts ? », je répondrai aussi oui, mais juste pour cette fois (faut pas déconner non plus).
Note : 4/6
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EXPOSED : Inside The Cube
Chronique réalisée par Phaedream
Living in the Past, pour un titre aux allures très Jarrienne, qui frise la magie électronique du superbe Univers de
Thierry Fervant, tout en passant par les fluides mélodies de Michale Garrison ainsi que les stridences
gothiques de l’ère analogue. Pour un amateur d’une MÉ aux soubresauts analogues et mordus par les
premières phases du digital, soit à la fin des années 70 et début 80, K.H.Reirs vaut amplement le temps que l’on
se penche sur ses 2 premiers opus, parus sur le nouveau label Allemand MellowJet Records.
Chacun de ses albums est une compilation de 14 pièces écrites au cours des dernières années et qui reflètent
le goût du synthésiste Allemand pour une musique libertine aux séquences fluides sur des rythmes soutenus,
quoique l’on y trouve quelques moments atmosphériques.
Living in the Past ouvre sur une série d’accords ondulants, qui flottent sur une harmonie brumée de faibles
choeurs cosmiques. La mélodie se contracte sur un séquenceur nerveux, aux lignes basses et mi lourdes. Un
titre accrocheur qui oscille sur de belles séquences et des espaces atmosphériques au tempo soutenu. Le jeu
du clavier, et des arpèges à la fois rêveuses et mélancoliques qui en découlent, ressemblent à du pur Vangelis.
Dreamzone offre un rythme à la Magnetic Fields de Jean Michel Jarre. Les nuances sont sobres sur un synthé
sifflotant. Une belle mélodie cadencée, au piano Vangelisien sur une structure à la Jarre. Après un Stargazer au
tempo hypno dynamique, nous pénétrons dans l’antre mélodique de K.H.Reirs avec le très suave The Dark
Zone qui présente un univers de grisaille. Orbital Running se situe entre le rythme et la douce mélodie, tout
comme The Cube, qui dévie sur un tempo plus mordant.
Avec ses accords virevoltant d’intensité et son synthé sifflotant, Nexos démontre l’influence du regretté
Michael Garrison sur la musique d’Exposed. Un beau titre aux éclats sonores dispersés dans un univers
synthétisé souple. Exposed n’offre rien de bien nouveau sur cette première oeuvre. Ses structures de
compositions se ressemblent à peu près toutes et démontrent ses influences très analogues, comme sur
Altair-Gamma, Deep Space et le très beau Nightflyer. Mothership et Circle se démarquent avec des
présentations plus complexes qui allient atmosphères ambiantes à des séquences chevauchantes, témoignant
d’une recherche plus approfondie.
Inside The Cube d’Exposed est un bon opus de MÉ. Loin d’une originalité décapante, K.H.Reirs semble vouloir
nous présenter ses influences, tout en se restreignant dans un moule plagiaire qui a le mnérite d’intéresser.
Donc un album sans prétention, qui s’écoute fort bien et qui se veut une belle introduction au très bon Outside
The Cube.
Note : 4/6
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EXPOSED : Outside The Cube
Chronique réalisée par Phaedream
Intro mélodieuse aux accords névrotiques, Outside ouvre cette 2ième collection des œuvres d’Exposed sur une
note plus légère, une ballade qui scintille sur de fines lignes de basse. Raindance est plutôt contrastant avec sa
sonorité plus contemporaine. Le rythme est léger et reste dans les limites d’une MÉ sobre. C’est en spirale
suspendue que s’ouvre Maare Imbrium. La sonorité est limpide et son mouvement hypnotique oscille dans les
limbes harmonieux de Software. Un beau titre flottant qui est suivi du lourd The Eagles Flight où la basse
séquencée est mordante sur une structure synthétisée hyper vaporeuse. L’ambiance est délicieuse, car on
flotte sur une lourdeur métallisée qui refuse de décoller.
Outside The Cube se démarque avec une musique plus avant-gardiste. Plus audacieuse et fougueuse, comme
l’étonnant Stardust qui gravite dans un univers d’une pesanteur électronique, enivrée d’éléments sonores
éclectiques, comme à la belle époque du duo Mergener-Weisser. D’ailleurs l’empreinte de Software se dégage
encore plus sur des morceaux comme Between the Lights et Mothertrack 2, le premier étant lourdement
délicieux. Alors que des titres comme Behind the Other Side, Silent Imagination et Simple Track démontrent
une légèreté affichée sur Inside The Cube, structure de basse lourde et galopante en sus.
Après un Native au tempo hypno Kraftwerk, Dead of Star clôture avec le plus long titre des 2 premières œuvres
de K.H.Reirs. Du vent, dans un désert interstellaire, traversé d’une ligne douce et scintillante qui ondule avec
charme. Très atmosphérique, un doux clavier vient aromatiser cette atonie d’une berceuse pour rêveur, pour
ceux qui dorment dans les étoiles.
En ce qui me concerne, Outside The Cube découvre plus le talent créateur d’Exposed qu’Inside The Cube.
K.H.Reirs réussi un audacieux pari en offrant 14 titres qui se recoupent, sans nécessairement trop se
ressembler. Une nuance importante qui donne l’impression d’aborder de nouvelles structures musicales sur
une basse assez mordante par moments. Donc un bon cd, avec plus d’originalité, qui plaira assurément aux
amateurs de Software, Mergener-Weisser et Jean Michel Jarre.
Note : 5/6
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THE ADOLESCENTS : The complete demos 1980-86
Chronique réalisée par Twilight
Rikk Agnew, vous vous souvenez ? Il a sorti un album solo chroniqué en ces pages...Ok, ensuite, il a été le
premier guitariste de Christian Death. Bien, l'homme a un autre frère, Frank Agnew. Et alors ? Savez-vous ce
que ce jeune type a trouvé pour occuper son temps ? Faire partie d'un combo punk baptisé The Adolescents.
Ce cd regroupe leurs démos de la période allant de 1980 à 1986 (en réalité 1980-81), soit des bandes souvent
enregistrées dans des conditions bien chaotiques. Les quatre premiers titres par exemple ont été saisis sur un
magnétophone alors que le groupe jouait dans le garage de la mère du chanteur; pareil pour les chansons 9 à
13 remasterisées à partir de copies de cassettes, les originaux ayant été égarés. Seules cinq compostions
sortent d'un studio et proposent une qualité sonore valable. Musicalement, les jeunes Adolescents (18 ans de
moyenne d'âge à leurs débuts) nous proposent un punk rock basique pêchu et torturé écrit sur des séquelles
des Stooges, des Ramones et des Sex Pistols, avec une optique louchant légèrement du côté du hardcore. Les
arrangements requièrent rarement plus de trois accords mais ça reste mélodique et efficace, à défaut d'être
original. Le plus amusant est de noter que les guitares de certains titres composés par Rikk Agnew ('Creatures'
notamment) ont un je ne sais quoi de deathrock dans le feeling, en plus rapide. Certes, cette compilation a
surtout valeur d'archive mais j'apprécie assez pour ma part ce côté old school du groupe qui enregistre dans
son garage. D'ailleurs, malgré la qualité approximative du son, le plaisir reste certain et on se trouve donc avec
un témoignage intéréssant et spontané des débuts de ce groupe toujours en activité malgré son nom...
Note : 4/6
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WHITE ROSE MOVEMENT : Kick
Chronique réalisée par Twilight
Baptisé d'après le mouvement d'étudiants allemands anti-nazis durant la Seconde Guerre mondiale, les White
Rose Movement proposent une musique qui puise fortement son inspirtation dans la new wave des 80's, un
peu dans la brit pop des 90's, le tout réinterprété avec une production plus contemporaine, ce qui m'évoque
une version plus torturée de The Faint ou Maxïmo Park (dont ils partagent le producteur). Les compositions
s'appuient sur une basse omniprésente qui valse adroitement entre le punk et des tentations funk froides telles
que pouvaient en produire les Gang of Four ('Testcard girl'). Autre point fort, les synthés très calibrés new
wave; adroitement utilisés, ils ajoutent souvent une orientation mélodique discrète mais néanmoins
détérminente ('Kick', 'London's mine', 'Alsatian' ou encore 'Speed'). Le chant me plaît beaucoup également, à la
fois écorché, passionné, faussement dégagé un peu à la manière de Jarvis Cocker des Pulp. On songe en effet
aux Simple Minds des débuts mais aussi au côté le plus glauque de Blur ('Girls in the back'). Mélodiquement,
c'est très fort, les White Rose Movement se montrent capables d'écrire des morceaux ambitieux, glaciaux, avec
ce qu'il faut de notes sombres mais également une accroche pop plutôt efficace. Il leur fallait bien ça car la
concurrence est rude vu la pléthore de formations baignées de nostalgie eighties. Ce premier album des White
Rose Movement me semble pourtant d'une autre trempe, il ne se contente pas d'être dansant ou d'établir des
ponts entre electroclash et rock, il dégage de véritables émotions au travers de chansons à la fois froides et
écrochées mais dont les mélodies s'incrustent rapidement dans la tête. On parie que vous les chanterez bientôt
sous la douche ?
Note : 5/6
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GUS GUS : This Is Normal
Chronique réalisée par Raven
Je sens que cette chronique sera fastidieuse et honteusement longue pour rien… et un brin machiste et
grossière aussi, autant prévenir tout de suite les moins téméraires d’entre vous, si vous avez un plat au
micro-ondes pas la peine de le laisser refroidir. Bon… allons-y. A l’origine, Gus Gus était un collectif d’acteurs
islandais. Devenu au fil du temps rassemblement d’artistes musicaux à part entière, malgré les changements de
membres incessants, ils ont sortis 2 albums, que je n’ai jamais écoutés, et puis vint le This Is Normal en
question. Que dire sur ce disque ? Me voilà bien embêté, car j’ai un peu de mal à trouver quoi dire justement,
quoi dire de constructif et d’intéressant, quoi dire sur ce que je ressens… Disons simplement que Gus Gus
officie dans plusieurs styles différents, en variant les plaisirs (et les inconforts) : trip-hop, techno, dance,
electro, ambient, pop éthérée. Voilà, j’y arrive… le tout avec un parfum « soirée Bridjet Jones entre nanas », le
repas chinois sur les genoux et les discussions SMS en fond sonore. Bref le genre de disque où tu te dis « ça
va passer à l’aise pour emballer ». Rien n’est moins sûr… et pourtant… C’est moite, c’est sensuel, sexy même
(dans le sens le plus ordinaire du terme entendons-nous bien, sexy genre Monica Bellucci quoi, référence
facile, imaginez-vous dans le classement de TF1), c’est dansant, c’est branché, c'est spatial, c'est câlin, c'est
varié, c’est lounge, ça sonne un peu heavenly en même temps, un peu nocturne, et pis y’a un très léger quelque
chose de sombre et expérimental qui fait que ça passe à peu près. Le plus simple c’est que je vous parle des
titres incriminés et des (rares) autres. Pour ce faire, Je vais me la jouer contextuel, décontracté du gland et bien
lourd, façon humour FHM versus Frank Dubosc… Imaginez un peu le tableau : me v’là en pleine soirée
mondaine chez des amis que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam. L’envie qui me tenaille ? Baiser, ce soir. Et
sinon, boire à m’en claquer la panse. Je me mets en mode vision panoramique. Et je vois qu’il y’a cette jolie
brune au fond, derrière la plante verte, contre le pot de sangria. Un petit air de salope échaudée, à la fois douce
et pute, Angélique Marquise des Anges meets Asia Argento, avec juste ce qu’il faut d’élégance et de retenue
pour me toucher au cœur, et pis cette petite frange qui lui cache les sourcils… Je craque. On passe ce disque
au même moment… Je calque illico mon plan de séduction sur la musique, je me mets en mode ‘move your
body’, mes hanches sont en bubblegum, je sens bon, je lisse mes tifs avec un peu de bave, je me prépare à
apprivoiser la biche solitaire en manque d’amour. « Ladyshave », une petite mélodie d’orgue sixties, un rythme
cool, le chant de la meuf tout ce qu’il y’a de plus bateau, là tout de suite je me dis « mouais, voilà un titre qui
irait bien dans la BO d’Ocean’s Eleven ». Mais, soudain, me vient ce délicat « Teenage Sensation ». Du trip-hop
façon Massive Attack meets Depeche Mode période Ultra… là ça me parle un peu plus : y’a moyen de la
chopper la chaudasse de la plante verte ! En avant, prépare tes meilleures vannes mon gars, respire, suis le
rythme, be sexy, écoute cette voix suave qui susurre ses mots doux… ça groove ouais, ce soir ça va baiser je le
sens. Mais soudain, patatras : « Starlovers ». J’entends ces pouet-pouet minables et cette voix branchouille
façon défilé de mode chez Galliano, et je me braque. En fait c’est p’tetre pas le moment d’y aller, à tout les
coups je vais lui gerber dessus (et pis d’ailleurs, je me souviens pas ce que j’ai bu, où suis-je ? qui suis-je ?
burps). Mais… oh… mmmmh… Soudain reviens à moi ce trip-hop éthéré parfum Cocteau Twins, avec «
Superhuman », et là je fonds comme de la paraffine sur le capot d’une twingo garée en plein zénith, putain, ça
c’est bon, la voix suave et ronde, un peu sèche, l’atmosphère plus vaginale que machinale, la basse discrète en
sous-couche, finalement, y’a moyen ouais, encore faudrait-il que le gland qui a organisé cette soirée gala
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daigne appuyer sur la touche repeat. ”How glad I am to be… superhuman…” aaah… mais… NAN ! C’est quoi ce
bordel ? Qui a mis le dernier Jamiroquai, que je lui tronçonne la face ??? Ce « Very Important People » manque
de me faire dégobiller mes gougères sur le gros baraqué en marcel qui me bloque le passage… c’est dangereux
ça, trèèès dangereux. « Bambi »… mouais, tout de suite je sais pas. C’est mignon, mais c’est bateau. Les
violons sont dans le genre mille fois entendu, la voix le fait quand même, j’sais pas, un titre qui plairait peut être
aux fabricants d’interludes publicitaires chez France 2, mais pas à un séducteur dans l’exercice de ses
fonctions comme moi… « Snoozer » me laisse froid, mon plan séduction éthylique se casse la gueule c’est sûr,
peut être que « Blue Mug » pourra me sauver, encore du female trip-hop, mais peut être qu’il manque de tripes
et qu’il y a encore un peu trop de houla-hop pour que… attends, c’est quoi ça ? « Acid Milk »… encore ce côté
Jamiroquai, mais cette fois-ci avec une touche dancefloor de palace très appuyée, genre "beau discours
monsieur de Maire, vous reprendrez bien quelques toasts au guacamol ? Votre costume est charmant
dites-moi"... arf, là je dis stop monsieur le DJ !!! Tout cela est bien trop putassier pour mes oreilles sensibles
voyons… C’est soudain le moment de remuer son cul sur le dancefloor apparemment, j’entends « Love Vs Hate
», house/techno/dance minimaliste façon mid-nineties, ça me rappelle mes années collège, ma collection
secrète de singles Faithless, ma première cuite… On a mis un classique inconnu de mon idole Gala, on veux
me détourner de mon objectif principal, me v’là à gigoter comme un con, mais, mais, je suis en train de me
trémousser devant l’assemblée moi, perdant de vue ma cible à frange !… aaargh… et voilà, j’ai loupé le coup
avec mes conneries de danse improvisée : en relevant la tête je m’aperçois que ma cible est en train de rouler
une pelle au gros baraqué en marcel. Et merde ! Il ne me reste plus qu’à aller me rasseoir, la queue entre les
jambes… et là, au moment ou je m’effondre sur le banc réservé aux losers, découragé, dégoûté, cette chanson
retentit : « Dominique ». La meilleure du lot, indéniablement. C‘était bien le moment mes salauds… je me laisse
bercer par l’ambiance triste et caressante, la voix fatiguée, androgyne… « It’s too late », me chuchote-t-elle…
ouais... et c’est frustrant.
Note : 3/6
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LAIBACH : Opus Dei
Chronique réalisée par Raven
LEBEN. LEBEN-HEIßT-LEBEN. LEBEN. LEBEN-HEIßT-LEBEN. Opus Dei est à mes yeux l’album le plus
symbolique de Laibach. Le message transmis avec ce disque culte est toujours vrai aujourd’hui, et ce plus que
jamais. Alors que certains prenaient leurs reprises de Queen, des Beatles ou des Stones comme des blagues
cocasses ou simplement grossières et de mauvais goût, pour ma part j’ai toujours trouvé qu’il y avait une
grande noblesse d’esprit derrière ce modus operandi brutal et sans compromis. Quelque chose de fort, de
puissant, de beau, de grand, d’universel (envoyez les violons). Transformer des tubes populaires en marches
militaires et industrielles aussi glaciales que grandiloquentes, quelle provocation magnifique n’est-ce pas ?
Mais limiter Laibach à cet aspect provocateur est à mon avis une grave erreur. Avec Opus Dei, Laibach créé
une grammaire nouvelle, une alchimie subtile sous ses airs 'brut de pomme'. Laibach réinvente l’industriel
d’avant-garde britannique, pose un son d’une modernité inédite (l’album a plus de vingt ans et semble toujours
avoir été enregistré hier), créé un langage sonore inspiré par l’indus des prémices et la culture de son pays,
l’Ex-Yougoslavie (aujourd’hui Slovénie). Sur Opus Dei, Laibach pose une pierre fondamentale, tout comme
Throbbing Gristle et Test Dep avant eux, celle sur laquelle un édifice d’intérêt historique sera fondé (n’ayons
pas peur des mots). Des rythmiques carrées, lourdes et martiales, une voix germanique rocailleuse dont la
diction brute ne tombera pas dans l’oreille de sourds (Rammstein bien sûr), et une approche schizophrène et
géniale, qui reprend les codes du communisme et du national-socialisme pour les mettre sur le même plans
que ceux du rock occidental… le système Laibach est lancé (je vous invite d’ailleurs à décortiquer le graphique
sur planisphère un peu tordu à l’intérieur du livret, c’est assez édifiant). Face à ce rock industriel ultra-carré,
d’une rigidité et d’une froideur à vous amidonner la colonne vertébrale, difficile de la ramener. Dégrossi, dévidé
de tout superflu, « décommercialisé » en somme, le « Life Is Life » de Opus subit un relifting façon marche
militaire : basique et glacé, il est repris à deux moments par le groupe, la première fois en allemand (« Leben
Heißt Leben ») et la seconde en reprenant les paroles d’origine (« Opus Dei »). A la fois tétanisantes et
pompières, ces deux reprises laissent tout simplement sur le cul. Que dire de la cover du « One Vision » de
Queen ? Refroidissant et dansant en même temps, un (re)tube immédiat, façon D.A.F., avec une boîte à rythme
tuméfiante… Le mode opératoire de Laibach pour reprendre un titre pop/rock FM est fascinant... le quatuor
effectue un travail de boucher et de chirurgien en même temps : des morceaux originels, il ne conserve que
l’ossature, se débarrassant de la graisse et des abats, et réinterprète les hits de façon glaciale, mécanique,
linéaire, nous renvoyant à la tronche l’aspect formaté et déshumanisé de tubes que l’on croit – à tort – pleins de
vie, de sentiments. Pour Laibach, le tube est synonyme de totalitarisme. Et ils le prouvent magistralement… en
créant eux-même des hits nouveaux, pris, d'une certaine façon, au piège de leur propre jeu pervers. Ils partent à
la conquête de l’Ouest et ne manquent pas d’humour pour évoquer leur succès naissant outre-atlantique («
How The West Was Won »), tout en prenant soin de rester froids et rigides, comme toujours. Au regard de la
première moitié de l’album, c’est un peu l’impression d’assister à une suite d’hymnes militaires que l’on a. Les
synthés imitation cuivres omniprésents, à la fois héroïques et grandiloquents, n’y sont sans doute pas
étrangers… l’album, quand il ne sonne pas comme une fanfare congelée, a par instants des relents fortement
Wagnériens (« F.I.A.T. », qui, en plus de cela, débute comme une valse un peu tragique et se transforme en
martelage robotisé), ou nous présente sa face rock indus carnassière et proto-Ministry (« Leben – Tod ») avec
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des rythmiques à tuer un buffle. Et que dire de « Trans-National », haletant et surpuissant, une locomotive
lancée à pleine vitesse dans nos tympans, comme si le Kraftwerk de Trans-Europe Express était passé en mode
TGV. Passées ces pistes de plomb, entraînantes et jouissives, on assiste à quelque chose d’autre… A l’origine
conçues pour une pièce de théâtre si mes souvenirs sont bons (et ils le sont, j’ai la pochette sous les yeux), les
quatre derniers titres nous dévoilent l’aspect le plus noir et introspectif du groupe… quelque chose de glauque
et de lobotomisant. Excepté la dernière piste, plus lyrique, nous avons affaire à trois instrumentaux à base de
samples de voix passés en boucle et de mélodies hachées menu… des collages répétitifs superbes et torturés,
rongés par un mal étrange venu de l’Est. Trois titres qui vous hanteront à coup sûr pendant longtemps… Pour
résumer, et achever cette chronique qui tire en longueur, Opus Dei est un album essentiel et obligatoire, tout
comme le seront les Krst Pod Triglavom, Let It Be et Sympathy For The Devil à venir. Cette oeuvre porte en elle
les stigmates d’une époque, d’un contexte politique fort, d’une mentalité provocatrice et avant-gardiste, faisant
passer un message puissant derrière son aspect sulfureux. Et si vous n’en avez rien à foutre, il pourra toujours
vous faire danser à en suer votre âme et vos tripes. Un monument de subversion et d’intelligence, tout
simplement.
Note : 6/6
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MEMORY GEIST : Funeral Cavern
Chronique réalisée par Phaedream
Peut-on faire de l’ambiant lourd? Une musique ambiante qui sort des entrailles d’une grotte aux stigmatiques
géantes, dont les réverbérations étouffent sous une nuée de chauve-souris aux mouvances flottantes, voire
gracieuse comme les ailes d’une oie? C’est la structure sonore que nous présente le nouveau duo de
synthésistes Memory Geist.
C’est depuis 2006 que Bakis Sirros (Parallel Worlds) et Steve Law (Zen Paradox et Solitary Sound) forment
Memory Geist, un duo qui se spécialise dans une musique d’atmosphère aux couches sombres et onctueuses,
qui flotte dans une interstellaire oxydée.
Chaque pièce est un séminaire de recueillements où d’énormes rayonnements sonores percutent une structure
atonique, créant de multiples faisceaux ronflants qui bourdonnent comme les envolées nocturnes d’un essaim
de prédateurs ailés. Les mouvances sont atrophiées par des mouvements lourds qui dégagent de puissantes
réverbérations, notamment sur la pièce titre, qui envahissent une pièce d’écoute d’une présence sombre, voire
occulte.
Du Steve Roach, sans les rythmes tribaux et du Brian Eno, sans sa légèreté, sont à l’apanage de cette réussite
ambiante étonnement puissante. Certes, les amateurs de séquences seront pris au dépourvu par cette ode
placide, car le rythme y est totalement absent. En revanche, la richesse des pulsations circulaires et le
crescendo des synthés enveloppants réussissent à créer une atmosphère d’une froideur surréaliste qui
parvient à apaiser les tourments quotidiens. Un superbe album d’une rare intensité atmosphérique. Pour
amateurs d’ambiant, de planant et d’espace intersidéral.
Note : 4/6
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T.S.O.L. : Dance with me
Chronique réalisée par Twilight
Je ne connaissais pas T.S.O.L. il y a encore deux semaines et c'était une belle erreur. Bénéficiant visiblement
d'une réputation assez culte, voilà le genre de groupe apte à réconcilier sans problème punks et goths tant sa
musique surfe sans cesse à la limite des deux genres. On pourrait songer aux Dead Kennedys mais virant dans
une optique légèrement deathrock ou du moins post punk goth par moments; la rythmique alterne entre des
roulements tribaux ('Dance with me', 'I'm tired of life') et des attaques plus directes, quant aux guitares, si elles
sonnent plutôt punk, leurs lignes n'en demeurent pas moins empreinte d'une certaine noirceur. D'ailleurs,
l'excellent 'Silent scream', plus tranquille, évoque tant dans ses textes que ses climats légèrement froids et
spectraux des éléments gothiques, pareil pour l'intro de 'The triangles'. Le groupe ne dédaigne pas non plus
une forme d'humour noire et grinçante (le bon 'Code blue', véritable apologie de la nécrophilie). Le chant
contribue lui-aussi à cette touche sombre par un timbre possédé qui n'est pas sans évoquer celui de Jello
Biaffra dans ses modulations. 'Dance with me' développe une touche folle, fortement addictive au fur et à
mesure des écoutes, de par la qualité des mélodies tout d'abord mais également par le soin apporté aux
atmosphères; j'en viens à me demander comment j'ai pu ignorer l'existence d'un tel groupe si longtemps.
Note : 5/6
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LACK OF KNOWLEDGE : Americanized
Chronique réalisée par Twilight
Lack of Knowledge ? J'ai eu envie d'en savoir plus sur eux dès que j'ai lu la bio disponible sur leur site,
également reproduite dans le livret du cd, laquelle débute en ces termes: 'Il n'y a certainement jamais eu de
groupe plus stupide que Lack of Knowledge. Ce qu'ils considéraient comme une absence de compromis,
n'importe qui d'autre le voyait comme quelque chose de complètement crétin. S'il y avait eu d'autre moyens de
saboter davantage leur carrière, ils y auraient eu recours'. Et le texte de citer quelques exemples: 'Des refrains
? Pourquoi faire ?', 'Sortir votre titre le plus accrocheur ? Nous ne sommes pas des marionnettes'...Au lieu de
ça, le groupe demande au guitariste qui ne sait pas chanter d'interpréter le morceau en question sur scène, tout
en modifiant ensuite le titre. Voilà qui devrait vous permettre de situer les oiseaux et on ne sera point étonné
d'apprendre qu'ils ont enregistré sur le label de CRASS. Cette compilation propose un paquet de titres tous
composés entre 1978 et 1985 mais dont certains ont été enregistrés en 2000 (!). Enfants du punk, les Lack of
Knowledge le sont clairement eux qui prônent des titres rapides, économes en accords, pourtant leurs thèmes,
la noirceur intrinsèque des morceaux les placent plutôt dans la lignée des formations post punk goth telles que
UK Decay, Warsaw, Crisis, puis 1919, Under two flags... Contrairement à ce que pourrait le laisser supposer le
début de ma chronique, du talent, ces Anglais en avaient. Leurs morceaux ont cette efficacité qui éclate dès les
premiers accords, ainsi l'excellent 'Creatures of God' (narrant les exploits d'un serial killer'), le non moins bon
'The Fog' (inspiré par le film de Carpenter) ou encore 'Buried alive' et 'The men'; basse marquée, guitares sales,
vocaux à la fois froids et passionnés (la touche sombre s'accentue d'ailleurs au fil des ans)...A celà s'ajoutent
quelques extraits d'introductions de concerts au son plus que pourri, visiblement nos lascars ont souhaité
rester fidèles à leur réputation de trublions. Si la qualité sonore est variable selon les compositions, le plaisir
reste intact à l'écoute et je ne puis que conseiller cet étrange groupe à l'attitude décidément bien excentrique.
4,5/6
Note : 4/6
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THERAPY? : Infernal Love
Chronique réalisée par Raven
Visez-moi un peu la tronche d’Andy Cairns sur la pochette. La première fois que j’ai vu l’album en rayon, j’ai cru
qu’il s’agissait de Mike Patton, tout jeune couillon que j’étais. Nous étions en l’an de grâce 2000. D’eux, je ne
connaissais que Troublegum, et j’avais encore un long chemin à accomplir. Ce qui me fait chaud au cœur, c’est
qu’au cours de ces sept années passées, rien n’a changé. A part « Loose » que je n’ai jamais pu saquer, j’aime
toujours ce disque, je me sens toujours en phase avec lui, il me fait toujours un bien fou, me réconforte, un peu
comme le meilleur pote que je n’ai jamais eu. Mais d’abord, avant toute décharge de sentiments exacerbés,
impudiques et vomitifs, je tiens à préciser une chose avant d’entamer cette chronique : si vous faites partie des
gens dis « de goût », c'est-à-dire ceux qui ont considéré Troublegum comme une trahison ou un plantage
complet de la part du groupe, passez votre chemin car ce disque vous déplaira, à forte probabilité (disons 99,98
% de chances - oui j’aime les chiffres, je trouve ça sexy). Pour ma part, je suis fan de Therapy?, quel que soit
leur disque, bon ou mauvais, que ce soit Nurse ou le dernier en date, et je vous emmerde. J’ai un profond
respect mêlé à un sentiment d’amitié virile pour ce trio. Therapy?, c’est un vieux pote. Pas touche. J’aime leur
simplicité, leur fougue, leur fraîcheur, la façon si juste qu’ils ont d’exprimer le désespoir de tous les jours teinté
de mélancolie et d’égoïsme qui se terre en chacun de nous. Ils sont pour moi l’un des rares groupes rock indé
des années 90 à avoir viré pop/rock à tendance FM sans perdre une once d’inspiration, et qu’importe le côté
emo exacerbé qu’ils ont développé depuis Bubbleflou, chez eux ça passe comme du petit lait, alors que chez
d’autres ça me ferait sans doute gerber. Therapy? est toujours resté Therapy? C'est-à-dire un groupe de lascars
vrais et sincères, qui aiment peaufiner la recette tout en jouant simple, cartes sur table. Qu’importe cette horde
de vieux rabat-joie puristes improvisés et tueurs de nostalgie qui voudrait sans l’avouer me gâcher le plaisir
d’apprécier leur groove émotionnel. Infernal Love est un sacré putain de disque – en v’là de l’argument qui tue,
hein mon Jeannot ? – un disque plein de sueur et de larmes sous son déodorant Hugo Boss dernier cri, un
disque de trentenaires qui sont restés adolescents, naïfs, mais qui penchent du côté de l’adulte blasé et
résigné, tiraillés entre le slow du teenager sensible implorant l’amour de toutes les femmes et la bastonnade
machiste en réaction au désespoir. En façade, trois grands nigauds qui jouent les cakes avec leurs lunettes
noires et leurs fausses moustaches. A l’intérieur, deux points d’interrogation qui forment un cœur. Des riffs et
des ambiances tour à tour inspirés du post-punk, de la new wave, du grunge un peu, ou du rock FM, sans
honte, mais toujours avec cette touche si personnelle, incomparable. Et la voix du père Cairns qui n’a jamais
été aussi profonde et riche que sur cet album, jamais. Cet Amour Infernal suit en quelque sorte la voie tracée
par Troublegum, en adoucissant le ton, mais en appuyant sur le sarcasme et la noirceur l’air de rien… et en
ajoutant une bonne dose de spleen et de larmes, de pessimisme et de fausse mièvrerie, paumés quelque part
entre la maturité émotionnelle du Père et les pleurs juvéniles du Fils. Une suite de ballades, de slows, de petites
salves fougueuses et fraîches... mmmmh… miam. En reprenant « Diane » de Hüsker Dü (ballade bouleversante
qui raconte explicitement l’histoire d’un viol suivi de meurtre, à moins que ce ne soit l’inverse) avec pour seul
accompagnement à la voix possédée d’Andy le délicat violoncelle de la recrue Martin McCarrick, Therapy? lui
donne un sens nouveau, une seconde jeunesse, une fraîcheur presque insolente. Douce et torturée en même
temps, cette ballade sublime était vouée à ne jamais sortir de ma tête dès l’instant où je l’ai écoutée pour la
première fois. Je pourrais remettre sur le tapis « Me vs You », d’abord lente et pesante, puis débridée, belle
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comme un lundi pluvieux… je pourrais remettre sur le billard « Stories », ou pour faire plus simple, la version
émotionnelle de « Nowhere »… je pourrais remettre sur le tas « A Moment Of Clarity » et vous dire qu’il s’agit
d’un slow poignant et unique, la plus belle et la plus incroyable ballade jamais composée par Therapy?: sous
une nuit étoilée et secrètement incestueuse, c’est une femme et un homme se serrant l’un contre l’autre à en
crever, s’embrassant langoureusement, un corps à corps en phase terminale sous une pluie de larmes
chaudes… Je pourrais remettre sur la table « Bowels Of Love », la valse écorchée, « Misery », possédée, «
Epilepsy » la déglinguée, « Jude The Obsene », prenante et juste, voire même « 30 Seconds », effrénée et
secrète… mais ce ne serait finalement qu’une façon de trop en dire. Je me tais sur elles, laissant le soin aux
désillusionistes professionnels de leur niquer une par une la tronche. Ce disque me met du baume au cœur à
chaque fois que je le passe, ça en devient gênant : je me sens faible… Qu’importe. J’écoute « Diane » et je
mime l’apprentie violoniste imaginaire qui jouait perchée au-dessus de mon balcon, dont je reluquais les
dessous de jupons en cachette, avant qu’un jour, sans savoir pourquoi, l’envie de la faire tomber de son
perchoir, de lui taillader les joues en sourire d’ange et de la violer sauvagement me pris. J’écoute « A Moment
Of Clarity » et je chiale comme un con, en mimant la danse d’un nécrophile romantique et de son de cadavre
maquillé. Faut s’avouer sentimental et mièvre, de temps en temps, sans chercher à jouer les durs à cuire… on a
toute notre putain de vie pour ça non ? J’suis pas pressé de commencer. A l’écoute de ce disque je retrouve le
parfum de mes années collège, mes années ‘t’es encore puceau toi ?’, mes années d’insouciance, perdues au
fond de cette fosse à purin qu’on nomme maturité. Peu importe la nostalgie qui me ronge les intestins,
aujourd’hui me v’la adulte et Infernal Love n’a rien perdu de sa saveur, pas comme les VHS de Wes Craven ou
mes premières compiles rock seventies qui sont devenus bien fades depuis… lui mettre 6/6 serait faire preuve
de trop de faiblesse cependant. Je lui laisse donc un 5/6 qui me fend le cœur, admirez un peu le courage…
Ouais, je l’aime cet album. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise de plus ?
Note : 5/6
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THE AMENTA : Occasus
Chronique réalisée par Powaviolenza
En ces temps troublés où pondre une chro touche à l'exploit, c'était cool ce soir, je me réécoutais ce "Occasus"
de The Amenta et l'inspi m'est venue soudainement telle une envie de pisser. Après avoir écrit une demi page
descriptive as fuck (sans sauver), véritable chef-d'oeuvre journalistique, mon coquin de PC reboote, détruit ma
prose et me fout d'humeur massacrante pour toute la soirée. Bon. C'était y'a une heure, je m'ai un peu calmé,
alors je vais recommencer en allant tout de suite à l'essentiel : vous l'aurez tout de suite deviné en regardant la
note bande de malins, ce disque bute sa maman. Imagine du brutal death / black surviolent des années 2000 à
la norvégienne (Zyklon de "World Ov Worms", Myrksog de "Deathmachine", Cadaver INC) avec un côté indus /
froid beaucoup plus exacerbé que la moyenne et une surproduction grandiloquente genre "Sumerian
Daemons" de Septic Flesh, beh t'es pas loin du résultat bobby. Une ambiance de fou jamais monotone, un mix
superbe spatial / vaporeux tout en étant abrasif / froid (voir plastique, la batterie étant surtriggée, mais nous
permettant ainsi d'apprécier dans les moindres détails la performance rythmique du batteur de Psycroptic absolument hallucinante à la double), une voix death ultra burnée et martiale (entre Gorefest et Hate Forest)
tout en restant pleine de modulations, des riffs intenses, beaux et épiques, sublimés par des arrangements
électroniques nappeux et oppressants... Beh oui, ce disque bute sec. Ils ont beau faire pitié dans leurs
combinaisons de gothopouffes, ces mecs ne rigolent pas. Et si quelques erreurs de jeunesse subsistent (riffs
parfois inutiles, sauce qui redescend un peu sur certains morceaux tels que "Geilt" et "Sekem"), je ne peux que
te conseiller ce bon gros morceau de violence, largement au-dessus de la moyenne, et plus que prometteur
pour le prochain (pour bientôt normalement). Mate le clip du tube "Erebus" sur Youbute pour te faire une idée :
l'album est du même acabit. Enjoy !
Note : 5/6
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BANDE ORIGINALE DE FILM : Songs In The Key Of X: Music From And Inspired By The
X-Files
Chronique réalisée par Raven
En voilà une B.O. qu’elle est bonne. La bande originale de X-Files est pour moi ce qu’on a fait de mieux en
matière de compiles rock/pop avant que la mégamode des B.O. de ce genre n’envahissent les bacs. Peu
importe en fait que le concept soit foireux (à la base les gars veulent nous refourguer une série de titres
d’artistes illustres en nous faisant manifestement croire qu’ils ont été inspirés par le film, ben voyons), le fait
est que les titres proposés vont super bien ensemble, à la limite on croirait qu’ils ont été composés pour être
sur cette rondelle, ouaip. C’est sympa, c’est frais, c’est fait pour coller plus ou moins à l’ambiance X-Files et ça
s’écoute avec plaisir même si c’est pas ça qui va nous aider à savoir si Gillian Anderson sent mauvais et a du
mal à bronzer ou si David Duchovny a vraiment été créé à partir d’une quenelle déshydratée… Voilà… y’a pas
grand-chose à dire d’autre… à moins que vous ne vouliez que j’en touche deux-trois mots, de cette zique. Oui ?
OK. A part le thème du film composé par Mark Snow, archi-mythique et siffleur, y’a du bon là-dedans. Je vous
laisse le soin de découvrir les deux morceaux cachés (si y’en a pas vous vous êtes faits avoir). Parlons du reste
si vous le voulez bien : un « Star Me Kitten » bien mélodique et cradoque du vieux Burroughs qui pour le plus
grand plaisir de nos oreilles gourmandes injecte son venin poisseux dans la choupinette bien propre de R.E.M..
Le superbe « Unmarked Helicopters » de Soul Goughing, tant que j’y pense. « Deep », le tube fouette-cul de
Danzig, est pile poil à sa place, entre le génial « Unexplained » des Meat Puppets (tiens, ça me rappelle qu’il me
faut les chroniquer ceux-là) et le terrible « Frenzy » du père Screamin’Jay Hawkins, le plus grand beugleur de
tous les temps s’il fallait le rappeler mesdames, qui ici nous joue son groove façon bain de bouche
(rablablablablabouaaaah). Sinon ? Du port-salut. Je citerai pas tout, ce serait une perte de temps et d’énergie
inutile (finalement c’est qu’une compile, je vais pas en faire des tonnes). Disons juste que la reprise de Gary
Numan par Dave Grohl et ses Fighters est aussi culte que délicieuse (un excellent amalgame de post-grunge et
de new wave pour ceux qui connaissent pas). Le « Man Of Steel » mélancolique du gros Francis est le meilleur
titre de la compilation en ce qui me concerne. La ballade de Filter est gentille comme tout mais j’en garde un
super souvenir (mattez-moi un peu cette vieille mélodie toute pouacre, mmmh c’est bon ça). Le duo
Cooper-Zombie « Hands Of Death » est très bateau et prévisible pour l’initié (c’est grosso-merdo calqué sur
n’importe quel bon titre de White Zombie) mais j’aime tellement ces deux zigotos, ce doit être une sorte
d’indulgence inconsciente crasse qui me pousse à la kiffer autant. Y’a même un titre de Sheryl Crow pas trop
dégueu, waouh ! « On The Outside » est une ballade toute mignonne, douce comme un cul de bébé, par contre
si sa voix vous gonfle en temps normal pas la peine d’insister bien sûr. Et j’allais oublier : le « Red Right Hand »
de Nick Cave (pas encore pasteur à l’époque) en plus d’être l’un des meilleurs titres du lascar, est une des
ballades blues les plus cultes dans le cinéma nineties, j’crois qu’on peut la trouver dans au moins six ou sept
films mainstream, mais les plus connus sont la trilogie Scream et… Dumb et Dumber. On en apprend tous les
jours pas vrai ? Allez, j’arrête. Choppez-moi ce disque à l’occasion, bien qu’à mon avis la plupart d’entre vous
connaissent déjà les meilleurs titres dans leur environnement naturel.
Note : 4/6
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KYUSS : Blues for the red sun
Chronique réalisée par dariev stands
« You don’t seem to understaaaannd the deeeaaa-oh » !! Si de l’aveu même de Josh Homme, « Wretch » était un
brouillon de jeunesse (à 16 ans, c’était encore Josh Garçon), qui n’aurait jamais du sortir tel quel (à relativiser
quand même, au vu du talent du groupe), « Blues for the Red Sun », de l’avis général, est l’un de ces chef
d’œuvres sortis de nulle-part qui nécessitent l’invention de nouveaux genres pour les classer. Un de ces coups
de semonce qui résultent soudain d’une alchimie entre plusieurs personnes, ici en l’occurrence le faramineux
batteur Brant Björk, le désormais bankable guitariste Josh Homme, l’hystérique bassiste empoudré Nick Oliveri
et, last but not least, le mirifique vocaliste John Garcia, frisant le génie sur un « 50 Million Year Trip », sous
perfusion Dickie Peterson. Voilà le line-up classique de Kyuss, a savoir l’un des groupes les plus cools des
années 90. Ces 4 mecs, comme les Mothers of Invention ou Captain Beefheart en leur temps, vont tourner à leur
avantage le fait de vivre dans le désert californien, éloignés de toute influence de la côte. Sous la houlette de
Chris Goss, mentor, gourou, tout ce qu’on veut, et unique membre fixe des nons moins importants Masters Of
Reality, ils vont inventer une musique hybride, ni metal, ni punk, ni purement hard rock 70’s, mais un peu des
trois à la fois, le tout en laissant une grande part aux parties instrumentales. Rien d’original à priori, et c’est
sans doute ce que pas mal de gens ont pensé à l’époque, trop absorbés par le grunge alors à son apogée,
auquel on a pu rattacher Kyuss assez facilement : outre la manie de tout accorder plus bas que la normale,
dans la droite lignée Flipper/Black Flag/Melvins, on a pu entendre ça et là que Nirvana aurait été « inspiré » par
Apotecaries Weight pour son « All Apologies » ! N’en déplaise à Chris Goss, si le groupe de Cobain écoutait a
priori bel et bien ce disque durant l’enregistrement de In Utero, la coincidence reste probable. Car il s’agit
vraiment d’une autre came. Si plusieurs écoutes peuvent être nécessaires pour saisir toute l’originalité du
groupe, « Blues for the red sun », apparaît, après s’être immergé dedans assez longtemps, comme un
monument sans compromis, un album-monstre qui ne doit rien à personne. Dès « Thumb », on est assailli par
des riffs qui passent d’un coté à l’autre de la stéreo, des effets de voix kitschs 70’s, mais toujours avec cette
rythmique indéfectiblement punk. Le Kyuss, à ce moment-là, pourrait bien être le nom de cet énorme ampli de
basse, posé comme un totem indien a même le sable brûlant dans la photo du livret. Mais « Green Machine »
nous évoquerait plutot une de ces bagnoles cabossées, genre Chevrolet, tel qu’on voit dans le clip justement.
Ignorant les nids de poules, la vieille décapotable Kyuss 1993 file entre les squelettes de buffles et les cactus
dessechés à une vitesse surnaturelle, annonçant dans un vroom vroom assourdissant la charge furieuse du
taureau de « songs for the deaf », presque 10 ans plus tard. Puis, lors des multiples passages psychédéliques
de l’album, comme la fin de 50 Million Year Trip relèvant complètement du space-rock enfumé de Hawkwind, ou
les (trop ?) nombreux interludes maladifs tels « Writhe » et « Capsized», ou enfin le susnommé « Apotecaries
Weight », incroyablement barré, on se dit que la Kyuss, ça pourrait aussi bien être une variété de Marijuana que
les stoners font pousser dans le désert. « Stoner » ? Ca y’est, le mot est laché. Eh oui, que voulez-vous, passer
à travers tant d’états sur un album aussi homogène, au son de guitare aussi monocorde (la confusion avec la
basse est bien entendu voulue), seulement égayé par un chanteur qui pour le coup joue vraiment le rôle du
chaman dans cette nébuleuse de basses fréquences, il fallait bien que ça porte un nom. Ce fut donc stoner,
appelation inventée à postériori, comme pour le Grunge, et dont les inventeurs ne se sont jamais revendiqués.
Peu importe, si vous aimez le Rock au sens large, celui qui va de Hendrix à Nirvana en passant par
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Steppenwolf, ce disque est fait pour vous. Je garde pour la fin les deux morceaux tubes imparables de ce « Red
Sun », bien cachés au cœur de ce labyrinthe : un Allen’s Wrench (it’s all thatyougeeeeeeeyyyyyyyeahh) qui
donne la banane a chaque écoute, et bien sur l'orgasmique Thong Song, ultime profession de foi du chanteur («
Mes cheveux sont… vraiment loooooooooongs !! »), qui semble revendiquer le droit de rocker sans
chaussures, rien que des tongues, et sans amplis guitares, que des ampils basses. Dans ces conditions,
pourquoi pas un 6/6 ? Hé bien parce qu’ils auraient pu faire mieux. En effet, l’absence de ce chant décidément
cool as fuck se fait vraiment ressentir sur les longueurs d’un Freedom Run pourtant épique et bien envoyé, ou
sur l’inutile Mondo Generator, délire « spaced-out » d’un Nick Oliveri alors chevelu jusqu’aux omoplates qui est
plus inspiré quand il casse tout.
Note : 5/6
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COIL : The Ape of Naples
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Voilà une vingtaine d’années que Coil, à force de jouer aux alchimistes, ont fini par trouver la formule qui
change toute leur musique en or. Ils auront joué avec la lune, l’espace, les ténèbres, les matières fécales, la
magie et la technologie pour arriver à leurs fins. Passé un moment, ils n’avaient plus qu’à frôler les éléments
pour en tirer leur essence et émerveiller au possible l’auditeur alors redevenu enfant. Alors, quand la mort vient
s’ajouter au mélange, les saveurs prennent une autre dimension, l’émotion retourne lentement sur terre et se
mue en recueillement. John Balance, le 13 novembre 2004, alcoolique notoire, perdra l’équilibre dans un
escalier et y laissera sa vie. Peter ‘Sleazy’ Christopherson, ex-TG et partenaire de vie de John, décide alors de
laisser quelques temps avant de retoucher aux derniers enregistrements et ‘The Ape of Naples’ ne verra le jour
que fin 2005. Il s’agit de reprises d’anciens matériaux, de live, de remixes, de bootleg même, reconvertis en un
chant du cygne qui signera la fin de l’aventure pour un des groupes les plus inclassables des rescapés de
l’indus. On y retrouve un John Balance qui semble déjà au ciel, posant sa voix de façon lointaine, vaporeuse,
sur des titres absolument somptueux, qui mélangent tous les instruments possibles (‘Tattoed Man’ et son
accordéon). Certains titres font pleurer , d’autres rêver (‘Teenage Lightning 2005’, ‘Amber Rain’), certains font
encore peur (le duo ‘It’s In My Blood’ & ‘I don’t get it’). Certains rappellent ce que leur doivent les formations
plus jeunes, tels ‘Heaven’s Blade’ qui fait penser à du Tweaker. Mais jamais Coil n’agresse, il affiche un dernier
regard humain et serein sur une œuvre à jamais portée vers la Lune et l’irréel, l’impalpable – car John est mort,
lui qui le voyait déjà au loin - Pay your respect to the vultures, for they are your future – et laisse sa place à la
voix si particulière de François Testory pour le dernier chant, qui emporte avec lui les derniers remords
terrestres vers les plus hautes sphères (‘Going Up’). Chaque pas est feutré, chaque son résonne comme une
évidence, tous les instruments se sont réunis pour entourer le corps d’un homme qui leur a donné une nouvelle
existence. Coil, groupe magique au sens le plus littéral du terme, prend fin ici. ‘The Ape of Naples’ ne cherche
pas de respect ou de reconnaissance ; juste de l’empathie et un retour de chaleur. Une lumière s’éteint, un
sanctuaire se crée. Redevenons enfant, une dernière fois, et laissons tous un peu de notre bonté a celui qui en
a tant donné.
Note : 6/6
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FANGER & SCHONWALDER : Analog Overdose 4
Chronique réalisée par Phaedream
Un lent mouvement, ourlé de synthés vaporeux et onctueux, forme les premières mesures de Berlin Breakfast.
Déjà, les souffles d’un Berlin School aux radiances contemporaines se font sentir. Subtilement, une douce
séquence se terre derrière un mellotron aux souffles d’Arabie, grossissant sa cadence au rythme de l’hypnose
mellotronné. Et, comme Fanger Schonwalder nous y ont habitué, le tempo prend une sonorité plus lourde, sur
une pulsation plus intense et hypnotique.
Analog Overdose 4 est un pur festin de Berlin School. Mais une Berlin School que le duo fusionne avec une
contemporanéité tout à fait unique. Fractionner par de courtes séquences, le duo Berlinois modifie
sensiblement la structure du rythme avec de brèves fluctuations aléatoires, plongeant Berlin Breakfast dans
une atmosphère céleste. Les solos de synthés, certains avec des apparences de guitares, enivrent cette douce
rêverie électronique.
De lourdes notes, entrecoupées de claquettes électroniques, imprègnent d’obscures réverbérations à l’intro de
Frankfurt Lunch. Nous sommes en pleine jungle hallucinatoire où les sonorités d’animaux éclectiques
vagabondent dans de lourdes nappes atmosphériques. Une fine séquence émerge de cette noirceur tropicale,
pour former une cadence zigzagante qui éveille un mouvement éclatant de vivacité, où solos de synthés se
chamaillent sur des arpèges limpides qui se noient dans des synthés symphoniques. L’atmosphère est lourde
et les nappes synthétisées opaques, créant une enveloppe sonore riche et moulante, comme à la belle époque
de Phaedra et Rubycon.
De lourdes et denses nappes mellotronnées ouvrent les portes de Berlin Dessert. Une intro atonique à
mouvance flottante parfume l’atmosphère d’une odeur fantomatique, alors que de gros accords d’orgues
ténébreux percutent un silence aphasique. D’étranges pulsions secouent cette léthargie, stimulant une
séquence névrotique qui palpite comme d’étranges pouls arythmies. Berlin Dessert s’inscrit dans une lignée de
titres expérimentaux que tente Fanger Schonwalder. Derrière les nappes synthétisées amorphes se trame une
structure musicale en ébullition qui n’a ni rythme particulier, mais une masse grouillante aux épandages
mellotronnées onctueusement intense. Imaginez Phaedra, mais avec une effervescence musicale plus limpide,
et vous avez la structure de Berlin Dessert. Un titre lourd, créatif qui demande plus d’une écoute, mais qui jouit
d’une superbe finale.
Analog Overdose 4 est un peu différent des premières moutures de Fanger Schonwalder. Le duo exploite de
plus en plus le côté contemporain et progressif d’une MÉ rongée par ses assises de Berlin School. Mais n’ayez
crainte, car aux travers ses méandres créatifs, Fanger Schonwalder réussi toujours a créer une MÉ de grand
cru qui fascine, tant par sa beauté nébuleuse que ses rythmes hypnotiques, et qui étonnent toujours de part
leurs directions aléatoires.
AO4 vient avec un DVD du duo Berlinois, alors qu’il donnait un spectacle au 5ième Festival de Hampshire Jam,
le 21 Octobre 2006. Le DVD inclut une courte et belle pièce d’introduction, qui sert de décor musical au voyage
du duo vers la ville de Liphook, tout en servant d’index pour la sélection des pistes. En tout 75 minutes,
réparties sur 3 titres. La qualité de l’image est superbe et on assiste à un concert intime où la magie Fanger
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Schonwalder se déploie, avec une musique Berlin School de haut niveau. Liphook Breakfast démarre très
lentement. Une longue intro lunaire où les mellotrons respirent la quiétude, alors que des soubresauts
électroniques éveillent un séquenceur bouillant qui démarre un rythme ondulant, sur d’énormes strates
mellotronnées. Le cocktail Analog Overdose est tout à fait respecté; musique vaporeuse aux rythmes
aléatoires, synthés onctueux et enveloppants, incartades musclées qui dévient sur des, passages semi techno
(notamment la finale). Le tout encadré de solos stridents et de séquences houleuses qui nous rappelle que la
MÉ peut aussi faire l’objet de spectacles endiablés. À ce niveau, Liphook Lunch est tout simplement irrésistible.
Un superbe titre névrotique qui chevauchent des séquences papillonnantes, comme des ailes d’un colibri. Au
travers ce DVD nous suivons aussi les déplacements du duo dans la ville Anglaise. Un mélange de noir et
blanc, ainsi que des prises en négatifs, rehaussent l’intérêt pour un spectacle où 2 artistes sont les seules
figures de proue, cassant aussi la fragilité d’un possible ennui lors des moments musicaux plus
stratosphériques.
Cet Analog Overdose 4 est un festin de MÉ Berlin School. Le duo Berlinois nous offre 2:20hres d’une MÉ
explosive qui se repose sur de courts moments atmosphériques, notamment sur le concert du Hampshire Jam
(DVD). Quand au cd, Fanger Schonwalder refaçonne discrètement les sentiers de la Berlin School pour lui
redonner une image plus avant-gardiste. Développant ainsi une structure qui demande quelques écoutes,
notamment Berlin Dessert, mais qui inclut toujours cette saveur unique qu’est l’ambiance de Fanger
Schonwalder.
Note : 5/6
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FANGER & SCHONWALDER : Analog Overdose 4+
Chronique réalisée par Phaedream
Prolifique comme jamais, Fanger Schonwalder réalise une courte suite au Analog Overdose 4, en ajoutant
laconiquement le signe + à ce ‘’court’’ cd de 45 minutes. Encore là, le duo offre de la pure magie Berlin School.
Une lourde séquence, digne de Body Love, perce une intro fortement tétanisée de Frankfurt Breakfast. Le
rythme est moulant et serpente une cascade sonore truffée de belles nappes mellotronnés et des solos flûtés.
Nous sommes en plein territoire Fanger Schonwalder. La texture sonore est superbe et baigne dans une
atmosphère cadencée où flûtes, solos de synthés et séquences hypnotiques façonnent une structure musicale
qui graduellement s’essouffle pour pénétrer une zone atmosphérique vers la 12ième minute. Une zone
emphatique exquise où les séquences permutent vers un néant sonore troué de spasmes musicaux aussi
éclectiques qu’étonnant, livrant une finale soporifique, comme à la belle époque des années 70. Du Schulze et
du Tangerine Dream de grand cru.
Ce voyage revival se poursuit avec Berlin Lunch. Une longue pièce où le duo par excellence de la Berlin School
offre un titre ronflant. Intro pondérée par des arpèges lents et résonnants qui baignent dans une atmosphère
nébuleuse. Lentement, le rythme prend forme sur une douce séquence sautillante, qui arpente une douce route
empreinte d’une flûte mélodieuse. Berlin Lunch progresse lentement, noyé de striures synthétisées qui se
mêlent langoureusement à des violons mellotronnés, sur une cadence hypno tempérée. Les vieilles odes
mellotronnées des années 70 viennent hantées les derniers parcours avec de superbes arrangements et une
profondeur inouïe, faisant de Berlin Lunch l’un des meilleurs titres d’une Berlin School contemporaine cette
année.
Analog Overdose 4 + poursuit la tradition Berlin School que l’on retrouve sur le DVD. De la grande musique aux
aisances hypnotiques, quoique fluides par instants, sur des longs mouvements aux perturbations douces et
savoureuses comme à la belle époque de Klaus Schulze et Tangerine Dream. Un percutant voyage musical.
Note : 5/6
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POP (Iggy) : Avenue B
Chronique réalisée par Raven
Je vous présente James Newel Osterberg Junior. James, c’est le type qui se cache sous la peau du vieux lézard
que vous connaissez sous le nom d’Iggy Pop… Iggy Pop, c’est une invention, un concept si vous préférez. La
génération punk a beau lui avoir léché le cul, on a beau en faire des tonnes sur les Stooges « Ouaaais,
Funhouse c’est mortel et pis c’est du blues métallique à fond tu sais, c’est sauvage ça tue blablabla », mais y’a
une chose qu’est sûre mes louloutes : l’Iguane, ça n’est pas un homme en vrai. C’est une légende, une création,
une espèce de concept sauvage et débridé né dans la tête d’un gamin un peu fou qui rêvait de faire pareil que
Morrison : secouer sa bitte devant un parterre ahuri. Un reptile qui gueule et qui crache, qui bave et qui pisse,
un reptile qui s’est camé jusqu’à en crever, et puis qui a été pris sous l’aile protectrice de Bowie (et re-motivé
par lui), pour chanter La Luxure à Vie et consort… Un type qui a tout fait et pas toujours ce qu’il voulait donc,
en bien ou en mal, peu importe… Iggy Pop, il est marrant, il fait un peu peur, il gueule fort, il aime montrer son
corps tout en nervures, mais c’est un objet, purement charnel, qui gémit et qui hurle… Ouaip… Parce que
derrière ce concept d’Iggy Pop, pleinement sensitif, y’a un homme, une âme, un esprit, un cœur qui respire et
qui vit. Et moi cette âme, elle m’intéresse bien plus que ce bout de barbaque gesticulant sur scène comme un
damné… J’sais pas si c’est un mec bien, le James, mais c’qui est sûr c’est qu’il ressemble pas vraiment à
l’image qu’il se donne depuis quarante ans maintenant. Il ressemble à Iggy sur quelques points seulement, et
pour le reste, il est aux antipodes. Iggy aime Keith Richards, Jim Morrisson et la sauvagerie rock’n’roll. Iggy est
entouré de monde qui crie autour de lui, et l’adule. James, lui, aime Sinatra. James est tout seul à la maison,
tout seul avec sa bitte, tout seul avec ses souvenirs. James chante pour calmer la douleur qui alourdit son
cœur, pour tourner sa carrière en dérision, pour se regarder, en face, il chante pour se créer un miroir… Les
chansons de crooner qu’on use jusqu’à l’os, il aime ça. Il aime pousser la chansonnette quand il se retrouve
tout seul dans la salle de bain, il aime les ambiances intimistes, secrètes, et les petites ballades tristes et
fauchées, au détour d’un vieux speech cradoque… James, il en a marre d’Iggy Pop, ouais, ça lui arrive, et peut
être bien de plus en plus au fur et à mesure que les rides se creusent dans sa chair… quand l’Iguane est tout
seul, quand « le magasin est fermé » dixit lui-même, il ne reste que James : et ça donne Avenue B. Dans ce
disque, c’est à une sorte d’autoportrait auquel James Newel s’adonne, un autoportrait fébrile et appuyé en
même temps, intérieurement nerveux et tendu, doux et serein – contradictoire sans doute, avec toute la
difficulté que comporte cet exercice délicat. Un autoportrait cru, façon Egon Schiele. James parle de James, il
parle d’Iggy, aussi, et il parle de tout et de rien. La clé de ce disque est dans sa pochette : identité. Vérité. Y’a du
lard et du cochon dans cet album, et c’est ça qui est bon. Perso, je pense que c’est pour celui-ci et aucun autre
dans la carrière du bonhomme que j’éprouve la tendresse la plus particulière… Après une intro phrasée violon
à l’appui (l’un des trois interludes de ce type présents sur le disque) dans laquelle James nous donne les
raisons qui l’ont poussé à ce processus douloureux - à moins qu’il ne se les donne à lui-même - quelque chose
de magique intervient : « Nazi Girlfriend », ballade caricaturale et magnifique dont on ne sait trop s’il faut en rire
ou en pleurer. Délicate, conne, vraie, fausse, cul-cul, touchante, déchirante, peu importe… la sérénité macabre
de ce titre et sa profonde mélancolie sont à vous vriller le cœur. Passé ce climax, James se donne, par petites
pincées, sans exagérer, sans trop surprendre non plus. Avec sobriété et élégance, et une grande fragilité. Des
airs de vieille bossa nova décharnée nous parviennent (« Avenue B »), quelques lignes vraiment malades au
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parfum de calme post-éthylique et de vieux mégots (« Long Distance », faussement serein, ou ce « Miss
Argentina » au refrain maladroit et touchant, qui me rappelle un peu les ballades poussiéreuses du père Waits),
avec, toujours, ces percussions métissées, jazzy ou rock, carrément afro par instants, et puis cet
accompagnement discret, voire lointain (une guitare sèche, un violon, un orgue sixties qui pose ses petites
notes l’air de rien), qui laisse s’exprimer la voix adoucie de l’Iguane, ronde et chaude. Ambiance feutrée pour
récit intime, avec ses maladresses délicieuses, ces fébrilités, ces fausses notes vocales, comme si l’homme se
découvrait enfin sous sa peau ridée, creusant les sillons imprimés dans son visage pour mettre à jour ce qu’il a
à l’intérieur : tendresse, mal être, faiblesses, humour tordu aussi (« Español », un délire un brin chtarbé, avec
refrain culte à la clé), et puis il n’a pas peur de rappeler les vieux souvenirs stoogiens (« Corruption »,
accrocheuse à mort, ou « Shakin’ All Over » la bien nommée), s’atteler à une folk dépouillée (« Motorcycle ») ou
de se plonger tout entier dans une tourbe étrange sur le crapuleux « I Felt The Luxury », dans lequel les
instruments semblent mimer les mouvements d’un ivrogne, à tanguer sans arrêt… Ce disque est celui de
James Newel, voilà… Il ne sait pas sur quel pied danser, mais il danse quand même, il chante aussi, beaucoup,
en crooner un peu vicelard, tendre mais un peu amer quand même… il a ses moments de monotonie, ses
moments de beauté nonchalante. C’est juste un album maladroit mais touchant, rien de plus rien de moins ; le
seul disque d’Iggy Pop qui cherche vraiment à fuir le personnage – plus encore que « Zombie Birdhouse » qui
tient davantage de l’exercice de style… ici on est ailleurs, dans la piaule du lézard, sur ses genoux, et il nous
raconte des histoires… Je me sens proche de l’état d’esprit de ce disque mal aimé, qui ressemble à la plus
belle chose qui soit : un regard intime. La confession d’un mec qui ne voulait pas s’enfermer dans sa
schizophrénie théâtrale. Un aveu, aussi, et pis des confidences à l’oreille avertie… une mise à nu quoi. Iggy Pop
a toujours eu l’habitude de se désaper physiquement parlant, n’est-ce pas ? Mais même à poil, il restait habillé.
Voici ce à quoi ressemble l’Iguane quand il est vraiment tout nu. Je sais pas vous, mais moi, je trouve ça beau.
Note : 5/6
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WOLFSHEIM : Spectators
Chronique réalisée par Raven
L’electro pop allemande et consort, il fût un temps (récent quand même) où j’adorais ça. Dès le moment où
j’avais entendu le Violator de Depeche Mode il fallait que je me trouve des disques étiquetés synth pop, quels
qu’ils soient. C’était aussi à l’époque (récente quand même – je me répète oui) où j’avais la sale manie de
penser que tout ce qui vient de l’Est est de qualité. Je suis tombé sur Wolfsheim après avoir entendu un titre du
chanteur avec Schiller, un side-project. Sa voix m’avait laissé un souvenir agréable. A l’écoute de leur sixième
disque Spectators, passée l’intro avec cette simili-cantatrice, je me suis retrouvé avec une pléiade de petits
tubes dark-wave doucereux et aussi franchement niais malgré leur sensibilité, une synth-pop toute de velours
et de miel vêtue, pleine de délicatesse, qui m’a mis dans un état d’apaisement assez agréable je dois l’avouer,
mais ce ne fut peut être que pour cette fois, ma tolérance n’est plus la même aujourd’hui, je deviens difficile
avec le miel et les bo155ons manufacturés. N’empêche, de temps en temps ça fait pas de mal un ch’tit bo155on…
Wolfsheim est typiquement le genre de sucrerie bien coiffée qui se grignote en cachette, de peur que les potes
ne vous surprennent et vous collent l’étiquette « DAVID HASSELHOFF » sur le front. Eh bah ça tombe bien, j’en
ai pas ! (de potes, j’ai un front rassurez-vous). Pour la présentation, disons juste que le duo joue sur un peu le
même terrain que Covenant, mais avec des structures encore plus basiques et des sonorités un poil plus
old-school, façon new wave aérienne… Un peu moins naze que Melotron, beaucoup moins grossier que Mesh,
Wolfsheim est aussi plus personnel. Une electro pop pleine de préciosité et de naïveté, lisse mais racée, qui
emprunte autant aux premiers DM qu’à Deine Lakaien, à la fois glacée et chaude, minimaliste et plus ou moins
sombre (pas des masses en fait) et qui, avec le recul, est relativement inoffensive mais ne manque pas de
charisme. La voix de Peter Heppner joue énormément sur cette appréciation : sensuelle et envoûtante, élégante
même si très limitée, suave et ronde, elle confère à chaque titre son petit charme de pacotille, distillant ses
lignes délicates et chaleureuses aux fil de gimmicks radiophoniques… De cet album mignon tout plein, je
retiendrai surtout « Touch », superbe, « Sleep Somehow », nocturne, mélancolique et absolument sublime, ou
la groovy « Heroin, She Said », avec son feeling blues en gélatine. Des confiseries comme « Blind », « Once In
A Lifetime » ou « I Don’t Love You Anymore » font sourire, oui, « ah, que tout cela est mièvre et téléphoné » se
dit-on… à en oublier que c’est aussi fait pour ça, la synth pop… à moins que je n’aie été trop naïf ?
Note : 3/6
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MERZBOW / PAN SONIC : V
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Avez-vous déjà eu envie de vous transformer en électron ? Parcourir un microcosme à une vitesse
faramineuse, jongler d’un proton à l’autre dans des autoroutes de cuivre, glisser le long des parois résistantes
avec des milliers de semblables ? Alors bienvenue dans ‘V’, le croisement mutant entre Merzbow qui fournit les
flux et les réseaux et Pan Sonic qui fournit l’électricité et les charges qui s’enfilent dans les vagues saturées
avec une fulgurante aisance. Un voyage de plus d’une heure, vaguement sectionnée au centre par un instant de
silence, où l’électron libre – l’auditeur – se déplace tous les matériaux conducteurs. Des paysages extrêmement
bruyants laissent place à des glaciers où le mouvement se fait plus laborieux. Parfois, des pulsations viennent
à relancer la machinerie – sommes-nous au cœur d’une usine ? – pour mieux nous replonger dans les circuits
imprimés (jamais la découverte du monde électrique aura été aussi paradoxalement visuelle). Les arcs
électriques fusent, les émissions de plasma nous entourent parfois, quand ce ne sont pas simplement les effets
de l’électricité statique qui nous font hérisser les cheveux. Un final rythmé nous rappelle qu’il s’agissait de
musique, avant de muter dans une décharge électronique surpuissante ; ou comment découvrir une bobine de
Tesla se mettant la langue sur l’électrode terminale. Silence, et applaudissements – il s’agit d’un live « à la
Merzbow », c’est-à-dire laptops + immobilité et concentration de mise ; mais à ce moment, sommes-nous
encore humains pour applaudir avec la foule, où ne sommes-nous pas simplement désintégrés, à la recherche
d’un ion à harceler ?
Note : 5/6
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CODE 314 & MATHIAS B : The soft (remixed) machine project 2
Chronique réalisée par dariev stands
« SRMP2 » est une compilation de remixes mise en ligne sur Myspace, à l’initiative de deux artistes belges, qui
proposent ici un exercice de style assez intéressant sur le papier : faire remixer un de leur morceaux 14 fois par
différents artistes d’horizons différents (Belgique, Italie, Angleterre, USA, Japon…). Le morceau d’origine, « The
Soft Machine » par Code 314 & Mathias B., accompagné d’un spoken word de Melissa K. appelé « Why I Still
Love July »
, rappelle le culte « Everybody’s free to wear sunscreen » de Baz Luhrmann, autre ovni lounge/bobo cool
portant à bout de bras un spoken word qui constituait, en l’occurrence, le seul intérêt de la chose. Ici, on a droit
à quelques banalités, plus une voix japonaise qui fait surtout office d’élément pour ce tapis sonore. Il n’y a pas
de secret : pour qu’un tel concept marche, il faut que le morceau remixé soit intéressant. Or ici, il n’y a rien. «
The Soft Machine », en plus de déjà sonner comme un remix à la base, est si plat et insignifiant qu’il est même
utilisé comme instru pour un rap sur le remix de Depakote. On préfèrera les réécritures plus franchement
trip-hop, vers lesquelles glisse doucement cette compile par la suite avec les travaux de Kid Headphones ou
Subtitle (on aurait néanmoins préféré Subtle), ou encore le cinématographique remix de REDA, une des rares
pièces à éveiller l’attention lors de la première moitié. On reste dans le chaloupé avec la plus agressif Bunzero,
pour basculer dans une relecture enfin alléchante avec le Japonais Oqto, qui égaye comme il peut ce morne
tableau sonore en trafiquant à l’envi les éléments qui lui sont donnés, à la manière d’un Cornelius. Et même s’il
est trop tard pour briser l’ennui incommensurable provoqué par l’écoute cette heure de remixes fadasses, les
deux derniers Belges furibards, Baby Krueger et un certain Domenico Solazzo, creusent joyeusement le même
créneau expérimental pour finalement mieux dynamiter la non structure agaçante et mollassonne de ce
morceau chiantissime à coups de beats indus et de guitares Menomenesques (vous avez qu’à écouter
Menomena pour savoir de quoi je veux parler !).
Note : 2/6
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PANOPTICON : Bootleg 1.0 : PaNoPTiCoN live @ DNA
Chronique réalisée par dariev stands
La première fois que j’ai écouté ce « disque » (bon c’est uniquement disponible en mp3 via le net, mais
qu’importe), je fus estomaqué. Déjà habitué à me heurter à certaines parties plus indéchiffrables que d’autres
de l’idiome Jazz, je me voyais déjà peiner pour suivre les tribulations de Domenico Solazzo dans un language
inconnu, au gré de l’improvisation permanente qu’impose le projet Panopticon. Quel homme de peu de foi je
fais. Alors certes, Panopticon est une chose nébuleuse par définition, pensez donc ; un collectif de jazz
expérimental à géométrie variable réuni autour de la batterie de Solazzo, basé exclusivement sur
l’improvisation, et s’enregistrant régulièrement en live, lors de concerts à priori libres de toutes contraintes
temporelles. Moi qui adore le jazz, mais admets mes limites, j’en frissonait un peu d’avance, autant l’avouer. Et
puis je décidai un beau jour de mettre ce très inexistant disque sur ma encore moins existante platine (bref, j’ai
lançé la playlist préparée par les soins de Solazzo dans Winamp) : surprise ! C’est accessible. Presque
immédiatement, autre surprise : ça tue ! Ma copine, qui tout comme Caroline Wampole, est « allewgique, au
jazze », a même avoué adorer. Où va le monde. Seule explication : il semble qu’avec Panopticon, le dénommé
Solazzo ait réuni une sacrée tripotée de talents (seul Constantin Papageorgiadis me sonne familier, bassiste de
Khamsin au nom difficilement oubliable, ici merveilleux à la basse fretless), et dégoté une alchimie très
particulière qui rend le tout hautement comestible, même pour les néophytes absolus. Vous êtes donc
prévenus. Ecoutez ce disque, familiers ou pas avec l’improvisation. Car je peux vous le dire, après m’être enfilé
sans les voir passer les 80 minutes de cette première livraison, j’avais complètement, mais alors complètement
oublié que c’en était, de l’improvisation. C’était juste de la musique, et avec une ambiance du feu de dieu.
Erzebeth’s Last Flight met du temps à ce mettre en place, avant que des bulles apparaissent soudain à la
surface de l’eau, les musiciens ayant tous longuement soufflé sur le feu pour la porter à ébullition… Regroupés
autour du chaudron, ils attaquent ensuite African shadows, morceau le moins évident, placé en deuxième
position, étrangement. A la manière de Teo Macero, Domenico déploie ses talents d’arrangeur, surtout lors des
deux morceaux édités, « Magus » (tiens, tiens, magus… ça sent le Miles Davis période electrique, ça), et le
funky au possible « Stop Start Stop », qui commence au cœur même d’un passage groovant as fuck, bien
remuant. Les arrangements sont aussi à saluer, surtout sur un titre comme « Dust Tango », ou Solazzo ménage
soigneusement ses effets sur les cuivres, intelligemment relayés à l’arrière, tandis qu’une guitare orientalisante
serpente à n’en plus finir jusqu’au pic d’intensité fatidique, avec spasmes et ondulations vaudous à la clef.
Venimeux comme un crotale tapi sous le sable, dont la sonnette serait ces cymbales qui bruissent lors des
accalmies. On pourrait également citer le très mystérieux (déjà que le reste l’est pas mal) Pukwana’s Funeral,
qui achève de prouver qu’il est bel et bien possible de tisser des ambiances épaisses et impénétrables en
improvisant, sans décider d’un thème au préalable. Une belle démonstration de force, qui appelle une suite.
Stay tuned.
Note : 5/6
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LIGHT COLLAPSE : Opus #1022005
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Avant de venir me cracher dessus parce que je chronique des trucs dont tout le monde se branle éperdument,
sachez que les chroniqueurs ne reçoivent pas que des promos mais aussi parfois des lots d’un label ou autre,
avec des tas de CDr de groupes inconnus rajoutés à défaut d’enveloppe à bulles. Parfois, ces supports
survivent au transport, et l’on est bien obligé de les écouter et surtout de donner son avis. Alors on va faire vite
(« car il y a encore beaucoup d’autres minus derrière toi qui attendent » - Régis Laspalès) Opus#1022005 c’est
de la noise russe faite avec des accumulations de radio, ça fonctionne plutôt bien, mais ça ne sert à rien ; ça
me conforme juste dans mon mauvais préjugé qui me fait dire que beaucoup ont choisi le chemin du bruitisme
parce qu’ils ne savent rien jouer. Faire du boucan dans la cave de la résidence secondaire des parents, ou jouer
‘L’aventurier’ dans les fêtes de lycée, au fond, qu’est-ce qui est pire ?
Note : 2/6
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UNSANE : Total Destruction
Chronique réalisée par Raven
Bienvenue dans ma caisse gamin… assied-toi. Oh je sais, elle est toute crade… fais de la place, enlève les
vieux cadavres de vinasse, et les petits trucs blanc et rouge collés au siège – hein ? ouais c’est des dents,
t’inquiète va, et pis t’en as vu d’autres non ? Fais gaffe à pas trop salir ton futal quand même, y’a du vomi sur
les accoudoirs – bon… t’as posé ton cul ? T’es bien ? – hein ? Non, pas de ceinture de sécurité, ah ah ah, mais
qu’il est con ce p’tit jeune, ça sert à quoi ces machins ? - Bon, t’es prêt ? Je vais t’emmener faire un p’tit tour
dans le coin… tu vas voir, c’est sympa. Hein ? Oui, le moteur fait un putain de bruit assourdissant je sais, ça
c’est normal mec, c’est pour qu’on me reconnaisse dans le quartier, quand je déboule, c’est pour qu’on fasse
de la place, qu’on sache que j’arrive… Allez, c’est parti. Pendant qu’on va rouler t’entendras pas beaucoup
quand j’te causerai, alors j’vais être obligé de te gueuler dans les oreilles. Et n’hésite pas à poser tes questions
hein, moi la rue j’connais, les mecs y savent que ma caisse elle en a écrabouillé de la barbaque. Ouais, j’suis
une terreur moi, qu’es’tu crois ? J’ai écrabouillé à peut prêt toutes les putes et tous les gamins de ce putain de
quartier, et tous leurs cadavres ont été mangés par ma bagnole, comme ça. C’est le sang qui fait carburer ma
caisse, le sang et rien d’autre… d’ailleurs j’pense que t’auras remarqué mon volant hein, c’est pas de la sauce
worcestershire dessus, j’te l’dis tout de suite. Moi, le premier qui m’emmerde dans cette putain de rue, j’lui
écrase la tronche. Quoi, tu m’crois pas ? Attends, ta gueule… T’aimes le blues mec ? Est-ce que t’aimes ça ?
Ah l’abruti, y m’entends pas à cause de c’putain de moteur ! J’TE D’MANDE SI T’AIMES LE BLUES CONNARD
!!! Ouais ? Tu t’en fous ? Nan parce que moi j’adore ça. Tiens, on va se mettre des vieux standards de John Lee
Hooker… bon, c’est sûr, on va pas bien l’entendre le blues, vu que le moteur fait un boucan pas possible…
mais moi j’trouve que l’blues il est encore plus joli comme ça, quand il est r’couvert pas le bruit d’mes
soupapes, les grincements de ma carrosserie, avec tous les vu-mètres dans le rouge, le blues c’est comme ça
que j’le vois moi, bien sale et poisseux comme le chibre du père Buk, et assourdissant. Hein ??? Tu trouves
que j’roule trop vite ? J’peux ralentir tu sais, mais ouais t’inquiètes donc pas gamin, faut bien profiter du
paysage… tiens, regarde, tu vois ce quartier là bas ? Tu vois le mec chelou à poil là bas, devant la bicoque ?
Ouais, celui qu’a la main dans le falzar et qui bibine… C’est le vieux David Yow, un vrai taré celui là, c’est plus
où moins l’boss du quartier, si tu veux savoir c’est plus ou moins son gang qui nous a appris comment manier
la basse, ouais. Respect à ce mec, il est cool. Tiens, prends une bière larbin, fais comme chez toi. La marque ?
Mouah ah ah, j’en sais rien moi, j’m’en fous, si tu veux savoir eh ben t’as juste à gratter le cambouis…
Mattes-moi les crânes alignés sur mon capot, la classe hein ? J’ai vu ça dans un Carpenter, ça en impose,
parce que moi chuis un tueur, et faut qu’on m’respecte dans l’coin. Bon… dans cette partie du quartier c’est
dangereux, y’a pas mal de bandes rivales qu’ont déjà essayé de m’dégommer la tronche, mais personne y est
encore arrivé. Les mecs y z’écoutent Mötorhead tu comprends, alors y s’croient capables de m’apprendre mon
métier… tiens d’ailleurs j’en vois un là, vers la poubelle… attends, on va s’arrêter pour lui apprendre la vie, hin
hin… n’aie pas peur, sort de la caisse petiot, prends la barre à mine sur la banquette arrière. Et ramène ton cul,
ça va bastonner, on va s’en latter un pour l’honneur du quartier, rien de plus… Attention il essaye de s’tirer ! Ah
ah, à c’t’âge là y sont véloces les p’tits salauds ! Choppe-le, mais choppe-le bordel ! Yah ! Dans ta gueule petit
merdeux ! Ouais, hésite pas à lui crever les yeux si t’en as envie, ça peut être marrant, juste pour le voir en train
de tituber comme un con ah ah, j’vois le tableau, j’ai déjà fais ça avec une vieille et c’était cool… Eh, mais
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qu’ess’tu fous ??? Pas comme ça, nan, lui fous pas de coups sur le crâne comme ça ducon, tu vas… et
meeerde. Bon, y reste plus qu’une chose à faire : faut l’achever. Tiens lui les pattes, moi je m’occupe de lui
écraser la gueule, en plus j’ai mis mes nouvelles godasses avec coques en titane…. Yah ! Yah ! Yah ! Voilà, là
j’pense qu’il est bon. Mets-moi c’bout d’viande froide dans le coffre, et oublie pas de lui faire les poches, ça m’a
tout l’air d’être un de ces dealers de merde qui polluent not’ bon quartier de junkies, rien que pour ça ch’suis
content, j’peux plus les voir ces camés, y ‘m’sortent par le cul… Moi j’carbure au whisky et à l’hémoglobine tu
comprends, c’est une autre mentalité, y’en a pas beaucoup qui peuvent piger le trip dans lequel ça te met un
homme, le sang et l’alcool mélangés, c’est pour ça que j’vis mec, c’est ma philosophie. Bon, j’pense qui faut
qu’on s’arrache avant que l’reste de la bande déboule. C’est bon là ? Ben alors, tu montes ou quoi ? Qu’est-ce
que tu baragouine encore, gamin ? Ah putain, tu m’fais marrer toi… Critique pas ma bagnole, elle est moche
oui, elle fait du bruit, mais je l’aime cette salope… et pis on écoute du blues dedans, non ? Si tu préfères du
rock’n’roll j’en ai aussi tu sais… J’aime ma caisse moi, j’aime la tôle, et je la lâcherai pas, jamais. On en a
pulvérisé de la viande humaine avec elle, crois-moi… et on va en tuer encore un sacré paquet j’pense… ce s’ra
à chaque fois plus violent, à chaque fois plus fun… alors gamin, tu montes, ou tu restes sur le trottoir ?
Note : 5/6
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UNSANE : Scattered, Smothered & Covered
Chronique réalisée par Raven
D’abord il y avait la rue, cette putain de rue, et ma caisse bariolée de chair humaine et de crânes éclatés… y’a
fallu que j’fasse une virée pour t’apprendre, et t’as compris. La destruction totale ouais, avec des étincelles et
de la viande froide collée sur le pare-choc. C’était pour ça qu’on m’avait appelé Unsane. Les mecs, y pouvaient
pas se mettre dans le ciboulot que j’étais juste motivé par le blues et le sang, y me trouvaient malsain, alors
qu’il y a rien de plus sain qu’une bonne exécution urbaine. Y m’trouvaient has been aussi, dans ma façon de
travailler, dans ma façon de tuer. Trop prévisible qu’y disaient, trop linéaire… c’était un peu toujours la même
chose, c’est vrai. Alors y’a fallu arrondir les angles, et appuyer là où ça fait mal. J’étais trop basique qu’y
disaient, pas assez inventif, trop bourrin. Laisse moi rire gamin… c’qui avaient pas compris ces branleurs, c’est
qu’j’étais capable de faire mieux. Que j’allais leur prouver que j’pouvais tuer avec classe. Mon vieux, y m’a
donné un harmonica quand j’étais tout petit. J’vais en jouer, perché sur le cadavre de cette pute comme un
vautour sur la charogne d’un buffle, rien que pour me foutre de leur gueule… parce que les ballades, moi, ça
me connaît, même si j’suis pas un tendre. C’est mon côté sensible ça, eh eh. Pour le reste, ce sera plus ou
moins la même chose, mais je ferai en sorte de varier les plaisirs, pour qu’ils comprennent que si ma mère m’a
chié dans ce monde, c’est pas pour monter une association caritative. Mes potes et moi, on est prêts. On sera
sans pitié, et on va dégainer au moindre signal. Moi j’demande que ça. « Blame me » que j’leur dis… et pour
bien me foutre de leur gueule, je vais essayer de la jouer Guns’n’Roses en version barbelés. Et je ferai dans
l’ultime groove bluesly pour qu’ils comprennent, je foncerai tête baissée… « Scrape »… Ouais… et pis je serai
égal à moi-même, au sommet de mon art. Et pis je leur montrerai qu’on sourit pas en prononçant mon nom…
Jamais. Personne. Figure-toi qu’un jour des gros mafieux de Californie sont venus nous tataner la gueule, à
nous, les New Yorkais. Mouah ah ah. Neurosis qu’y s’appelaient les gars. Bien sapés, bien coiffés, surpuissants
et gainés de cuir... vexant pour ainsi dire. Mais nous aussi on peut la jouer lourd et on peut se donner le style
Apocalypse Now, malgré nos faibles moyens... nous on vient de la rue, pas des studios bourgeois de chez
Steve Albini. Et on est que trois... mais on va la jouer plus lourd, plus pesant, plus sale que jamais. Qu’ils
comprennent que c’est pas pour rien si on a un ancien des Swans dans la bande. On va la jouer crade. On va la
jouer à la Dahmer. Lent et fractal. Et ils fermeront leur gueule en écoutant ce que ça donnera: « Get Off My Back
». Moi, faut pas m’chercher, j’suis mauvais tu sais, j’ai l’écume aux lèvres quand on me provoque, et le canif
dans la poche prêt à trucider le premier qui osera dire un mot de travers. J’suis pas l’genre à m’adoucir tu sais.
Bien sûr que tu sais… mais des fois y m’arrive de vouloir chanter pour le style. Des fois, je repense au vieux
Rollins, avant qu’il devienne ce gros blaireau, il nous avait inculqué un certain mode d’expression. Alors je fais
« Blew », et j’te demanderai d’apprécier ma façon de la jouer punk, et de la fermer. Et pis je fais « Swim », et là
t’auras même pas besoin d’apprendre à apprécier ma mise à mort fractale, tu seras mis au tapis sans avoir eu
le temps de sortir une vanne. La gueule dans l’huile de vidange et le futal sur les genoux. Ouais… tu vas la
sentir notre puissance virile. Qu’ess’tu crois larbin ? Nous, on tue avec les moyens du bord, mais ça empêche
pas d’avoir de l’imagination et du doigté… Là, on fait quelque chose qu’on fera plus jamais à un tel niveau : on
exécute avec maestria, de toutes les façons possibles. Lentement, rapidement. En biais, de face. J’suis
toujours obligé de gueuler pour qu’on m’entende dans le boucan du moteur, mais j’essaye de chanter aussi,
c’est mieux… On a peaufiné notre style, on est restés carnassiers, gras et voraces, plus matures, plus groovy
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que jamais, plus pesant que jamais, plus réfléchis, mais pas moins straight, les lames sont aussi rouillées
qu’avant, les chaînes de vélo restent bien en évidence, au cas où. J’pense que tous ces enculés auront compris
cette fois. J’pense qu’y z'auront pigé qu’on est pas là pour rigoler.
Note : 6/6
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POP (Iggy) : American Caesar
Chronique réalisée par Raven
Après une introduction pouacre et vicelarde, c’est parti pour le fun, la classe, l’envergure Iggy Pop, dans toute
sa sauvagerie débridée et son charisme imparable, dans toute sa nuance sans nuance, dans toute sa gouaille,
dans toute sa rage intérieure/extérieure, sa bonne humeur pessimiste, ses contradictions, ses longs moments
d’« apaisement », ses courts moments de fureur, et, surtout, sa classe naturelle. Y’a une flopée de titres
éternels sur ce American Caesar, disque enregistré dans une urgence bienfaitrice et aussi cru et vibrant que
l'artiste. Si vous voulez savoir, cet album est pour moi l’un des tous meilleurs de son maître, juste derrière The
Idiot et Avenue B. Ce disque respire, vit, pleinement, et me fout la pêche à chaque fois que je l'écoute. C'est
aussi simple que ça. « Wild America » est irrésistible, j’ai rien d’autre à dire sur cette chanson, tout est dans ce
riff jongleur, dans ce refrain appuyé, dans cette ambiance jouissive, perverse et cool en même temps. Du p’tit
lait. « Mixin’ The Colors » est sensationnelle, sans doute la chanson la plus groovy du lot, que du bonheur
comme dirait l'autre, ça t’accroche et ça te lâche jamais… Le reste de l’album est selon le goût et l’humeur,
mais je serai bien en peine de vous trouver un seul mauvais titre dans ce pur concentré de joie et d’allégresse
zébrées de noir. « Jealousy » ressemble à du R.E.M. avec des couilles. Sublime ballade vicieuse et prenante, à
s’envoyer dans son rocking chair en pensant à la dernière fille de mauvaise vie qui t’as brisé le cœur, saoûl de
préférence, pour en ressentir pleinement les vibrations positives. Positif, voilà le mot que je cherchais ! Cet
album est positif, terriblement addictif et bienfaiteur, il embellit ta journée sans pour autant te la rendre plus
ensoleillée, voilà le secret de ce disque. C’est du rock comme seul Iggy Pop sait le faire en vieillissant dans ces
années 90 qui ne sont pas les siennes : un rock teinté de blues et de folk, amer et ridé, volontiers pervers, mais
avec le sourire s’il vous plaît. Il te dit où aller, te réconforte, te raconte sa vie qui ressemble à la tienne. Sur «
Hate », Iggy prend son chant « complètement à la ramasse », quand il se force un peu et que sa voix claire
ressemble à celle d’un type qui va lâcher la rampe d’un moment à l’autre. Sur « It’s our Love » il joue à la
ballade aérienne et intense, façon Echo & The Bunnymen versus Midnight Oil en version éthylique, et c’est un
morceau de la Nouvelle-Orléans qui nous parvient aux oreilles… la petite mélodie tristouille se tortille derrière,
on se laisse bercer. Ah, qu’est-ce que c’est beau ! Sur « Plastic & Concrete » et « Boogie Boy », Iggy ressuscite
le cadavre des Stooges le temps de slows débridés, et s’amuse avec comme un pantin. Sur « Fuckin’ Alone »,
ballade cramée et nonchalante, pantelante, belle tout simplement, Iggy se laisse traîner comme une loque par la
mélodie, par moments il accélère pour suivre le rythme, mais il va toujours trop vite, ou trop lentement («
iiiiiiiii’m so fuuuuuckin’ alone »). Titre touchant, desséché, aux antipodes de la ballade (oui, encore une, y’en a
pas mal sur ce disque) « Beside You », un concentré de pop parfum années 80 versus façon Iguane : chœurs
féminins à la Primitives (j’adore les Primitives), un bon gros poil de FM, un refrain téléphoné, mais les couplets
ne trompent pas… ce titre-là est bien le seul moment sage de l’album, et même là, Iggy ne se plante pas, alors
qu’on sait qu’il a donné dans la daube radiophonique par le passé (se rappeler de la période ‘Real Wild Child’).
« Social Life » est une ballade anémique qui annonce, à sa façon, Avenue B. Dépouillée et chantée façon
crooner, elle te touche directement au cœur, où te laisse froid, pas de demi-mesure. L’Iguane se marre quand
même, et carbure toujours au viandox. Le meilleur exemple est peut être sa reprise de « Louie Louie », le
classique rock garage repris par tous les groupes, sur laquelle il s’amuse à mettre du piquant dans les paroles,
sans finesse mais avec classe, et à inverser les toniques du refrain (soit « Louaïe Louie » au lieu de « Louie
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Louaïe »)… délicieux. La sublime « Highway Song » ressemble aux Smiths et à Lou Reed. Enjouée, et un peu
arrogante, aussi. Quand à « Caesar », il s’agit tout simplement du titre le plus ambitieux pondu par Iggy dans
les années 90 : long de 7 minutes (une éternité pour l’Iguane), c’est une espèce de litanie de guitare obsédante,
lobotomisante et répétitive (abrutissante pour faire plus simple) sur laquelle Iggy, dans le rôle d’un ‘César
américain’ ou de ses fidèles sujets, pose un phrasé plein de morgue, se fend la gueule par moments,
marmonne des trucs, prends plusieurs rôles (on l’entend faire une voix efféminée) balance des « throw them to
the lions » à tout va, fait son petit théâtre de subversion délirante quoi… Dans ce disque, Iggy donne tout ce
qu’il sait donner. A l’époque où le grunge, à son apogée commerciale, s’apprête à exploser, à l'époque où le
monde n'est plus vraiment focalisé sur lui alors qu'il n'a paradoxalement jamais été autant reconnu, Iggy, lui,
fait tout ce qu’il sait faire, rien de plus. Du proto-punk cru, de la ballade crasse, de la ballade propre, de la
ballade qui part pas au lavage, de la chanson de crooner, du vieux rock faisandé, du blues parfum
Nouvelle-Orléans... Et c’est terriblement bon.
Note : 5/6
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WHITEHOUSE : New Britain
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Petit changement de cap avec des assauts moins aigus et plus percutants (‘Movement 1982’ n’est qu’une
longue plage statique ultra saturée). On remplace les onduleurs par des larsens au micro, plus imprévisibles
donc, mais tout aussi douloureux. Les hurlements sont plus répétés, déchirent parfois un faux silence lourd en
non-dits (le génial ‘Ravensbruck’ et ses infrabasses qui prennent à la gorge). On monte encore plus haut avec
les larsens ultra stridents que l’on retrouvera notamment chez Prurient sur ‘Viking Section’ ou de façon
parfaitement perverse, comme sur ‘Active force’, où les agressions se mêlent à des bruits d’eaux et d’oiseaux.
Whitehouse justifie ses sorties rapides par une volonté délibérée de torturer son auditeur masochiste. On est
bien là dans de la pure anti-musique ; et on se réjouira – ou pas, selon les puristes - de savoir que peu à peu
Whitehouse saura proposer quelque chose de plus ‘abordable’ et varié, en y laissant forcément quelques
plumes. Ces premiers albums attesteront de leur intention initiale (on peut facilement lier celui-ci à ‘Dedicated
To Peter Kurten…’), et il y en a suffisamment pour tous les goûts.
Note : 4/6
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WHITEHOUSE : Psychopathia Sexualis
Chronique réalisée par Wotzenknecht
L’album manifeste du power electronics (le terme apparaît pour la première fois sur la pochette pour décrire ce
qui se trouve sur la face B). La même recette, en mieux : les six premiers titres commencent par des petites
biographies en espagnol (une en catalan) des psychopathes sexuels auxquels le disque rend hommage (sic),
puis à chacun une plage bruitiste particulièrement puissante (et variée, avec des beats ultra rapides pour Peter
Kurten, des manipulations de bandes & des halètements pour Edward Paisnel… « Medium is message »).
Changement de programme pour la face B avec un ‘Vulcan Air Attack Mission’ qui porte très bien son nom
(deux minutes de bombardements intensifs) et surtout le ‘Live action 4’, quatrième performance live qui nous
est ici rendue dans son intégralité, qui a été enregistrée dans une école abandonnée qui servait de repaire
anarchiste (et qui accueillait Throbbing Gristle peu de temps avant). Le son de cette improvisation rappelle
beaucoup le Merzbow récent – en 1982, Masami commençait juste à faire des sonorités type Fluxus – et augure
du meilleur pour la suite. A noter que les masters ayant été perdues, aucune réédition de Psychopathia
Sexualis n’est prévue à cause des extrêmes fréquences qui ne pourraient être à nouveau rendues en utilisant
une copie commerciale. Objet historique, musicalement jouissif et rare, qui fait déjà partie de la légende du
merveilleux monde de la noise.
Note : 6/6
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CONVERTER : Blast Furnace
Chronique réalisée par Saïmone
La chair ne sert plus à rien. Un bout de viande dégeulasse qui pue si on le laisse trop longtemps au soleil. D'la
chair qui pense, en voilà une belle connerie. Comme si un corps ça pouvait servir à autre chose qu'à jouir
mollement de sa propre image – ridicule et grotesque. « Je suis une erreur qui attend son heure pour se répéter
plus loin » disait un gars. Il paraît qu'on a injecté des nanomachines dans le cerveau de cobayes afin de
remplacer leurs cellules neuronales pour un meilleur fonctionnement de leurs capacités mnémoniques ainsi
protégées de la dégénérescence. C'est beau. Viendra le jour où nous serons tous branchés sur un même
réseau – le 4 juillet du geek que nous sommes – et notre corps obselète deviendra. On pourra peut être
commander des machines de guerres type mecha juste en étant connecté sur ce reseau afin de détruire des
nids de résistance où siègeront le corps mental d'autres individus. Il ne s'agira pas de hacker le réseau mais
bien de transformer des corps humains en androïdes contrôlable à distance. Imaginez une armée de milliers
d'androïdes avancant l'arme au poing. Imagniez un territoire vierge post-nucléaire où fumerait encore les
cendres des cadavres homme-machines. Imaginez un bruit sourd provenant du silence, un acouphène battant
en rythme d'un coeur artificiel. The future is now. Et Converter aurait vite fait d'exterminer le misérable humain
qui sommeille en toi. Ce n'est pas la guerre, c'est la fin d'un monde fait de chair et de sang. Rythmique broyée,
industrialisation robotique dans un maelström de chocs bruitiste, alerte d'urgence en boucle sur fond
d'explosion, BO d'un film cyberpunk – Tetsuo n'est pas loin, il n'est jamais loin d'ailleurs – ce Blast Furnace
c'est ça tout à la fois. Disque jumeau du Merzbird de Merzbow (sorti bien après) dans son versant atomique
lobotomisant, voilà qui devrait anéantir les derniers sursauts d'humanité d'un très mauvais goût qui vous tenait
encore eveillé. I may be an android, but not paranoid.
Note : 6/6
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MERZBOW : Merzbird
Chronique réalisée par Saïmone
Je vous le disais à l'instant, Merzbird est le disque jumeau du « Blast Furnace » de Converter. Ils partagent ce
même goût pour la rythmique inhumaine (à quoi ça servirait ?), cette aptitude à façonner le bruit pour le rendre
plus froid que la mort. A la différence près que si le disque de Converter se situe dans une guerre
post-atomique à but annihilatoire, le Merzbird s'inscrirait plutôt dans la contemplation d'une bombe
thermo-nucléaire: Converter en est la déflagration, Merzbird la beauté esthétique. Toujours cet acouphène dans
l'oreille, comme après une grenade, sourd et désorienté, et ce coeur artificiel qui bat – on serait arrivé à l'hopital
et l'on regarde par la fenêtre le paysage désolé d'une terre en décomposition. C'est l'apaisement de la fin qui
approche, les nuages encore blanc et ce dernier sursaut d'humanité de mauvais goût qui ne veut décidément
pas nous quitter. Comme si, malgré la tonne de métal qui imbrique notre corps à l'heure qu'il est, nous arrivions
à garder notre âme, notre névrose qui nous bouffe et qui par la même nous fais exsister en tant qu'individu, en
tant que sujet. Merzbird vise l'euthanasie. Comme lorsque Masami n'arrive pas à choisir entre l'analogique et le
numérique, il utilise les deux. La force de la machine couplée à l'intelligence de l'homme. Un groove robotique
avec la souplesse d'une danseuse. D'une danseuse à la peau décharnée et brûlée comme après une salve de
napalm. En essayant de conserver le peu d'espoir qu'il te reste à retrouver un corps qui ne te fasse pas souffrir.
Note : 6/6
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IMPIETY : Formidonis nex cultus
Chronique réalisée par Nicko
Impiety est de retour et ça fait du bien, putain !! Ah, quel bonheur de retrouver la bande à Shyaithan avec un
line-up 100% asiatique et un style thrash brutal ultra-inspiré ! Voilà enfin l'album que l'on attendait depuis le
masterpiece "Skullfucking armageddon". Finies les expérimentations ultra-techniques de "Kaos kommand
696", ici, tout est fait pour en foutre plein la gueule directement. "Paramount evil" avait déjà entamé un retour à
l'efficacité brutale et directe, mais possédait quelques faiblesses. Ici, on ne fait que se bouffer des droites tout
au long de ces 35 minutes pour finir totalement K.O. Les assauts du quatuor tapent vite et fort avec un
Shyaithan super-vindicatif et extrême, des rythmiques toujours dans le rouge, des breaks qui ont fait la réussite
et LE style d'Impiety, le tout servi par des riffs de tueurs headbangants et intenses à souhait. Une réussite de A
à Z, aucune morceau de remplissage, que de l'extermination pure et simple. Un album de black/thrash hyper
agressif dans la droite lignée de "Skullfucking armageddon". Que demander de plus ? Voici en tout cas un des
meilleurs albums de cette année ! Une renaissance !
Note : 6/6
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BINAIRE : Filth abhors filth
Chronique réalisée par Saïmone
Ca y est. On t'a vendu ça comme du punk, t'as cru que c'était du punk au début, le nom du groupe, la boite à
rythme mongoloïde, la voix criée mais qui arrache pas, qui te donne envie de gueuler des slogans de
gauchistes pour un peu.... mais t'es trop occupé à te faire prendre en otage pour dire quoi que ce soit. Et
surtout ne pas oser parler des riffs tabassant qui s'égrènnent à matraquer ta tronche comme un CRS. J'avoue
qu'au début j'ai pensé à du Hint sans les cuivres, soufflé par l'audace mélodique d'un Big Black aux nervures
geekisiantes. Puis finalement j'ai plus pensé à rien tellement j'étais saoul, saoul d'alcool et ivre d'une gestuelle
corporelle qui m'étais étrangère. Ya des vulgos qui disent que Binaire c'est du punk de dancefloor. C'est con
mais l'illusion est parfaite. Et puis là, en plein milieu, l'air de rien, t'as un gros titre de 10 min, blindé de samples,
lourd et lent, qui fais penser à du post hardcore au début... parce que le riff est rustre, mais tellement fourbe
qu'il en devient cajoleur et calme... avouons que ce n'est pas une totale réussite, un peu laborieux il faut
l'avouer. C'est con parce que ça bousille l'ambiance révolte et subversion en ordniateur portable. Et c'qui nous
faisait bander, nous les geeks (n'y allons pas par quatre chemins), c'est que tu peux tatanner une foule de punk
avec un PC, un logiciel de merde piraté, et suffisament de hargne pour enlever tes lunettes et te frotter aux
moulinets des imbibés de l'assistance. La gueule en sang et le sourire jusqu'aux oreilles.
Note : 4/6
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DEATHSPELL OMEGA : Fas - Ite, maledicti, in ignem aeternum
Chronique réalisée par Nicko
Bon aller, j'me lance... le nouveau Deathspell Omega... Depuis quelques années, Deathspell Omega fait partie
de ces groupes de black metal qui, à l'instar d'un Blut Aus Nord par exemple, vont chercher plus loin leur
identité, leur son, leur style, leur manière de créer leur musique maléfique. Ils dépassent largement le cadre
traditionnel du black metal pour atteindre leur monde à eux. Avec ce nouvel album (au nom à coucher dehors inutile de dire que la référence est religieuse...), les français réalisent complètement cet objectif, dépasser les
bornes ! Comment définir en quelques mots ces 4 morceaux + intro et outro ? Difficile... L'ambiance est
toujours aussi méditative, religieuse jusqu'au bout des ongles, ces déferlements de blasts et de riffs avec cette
voix, profonde, maitrisée, pas forcée mais prenante. Le son est propre, clair, presque voluptueux pour du black
metal. Là où ça se complique, c'est au niveau des rythmes ultra-syncopés, ça en devient usant et difficile à
suivre/comprendre. La batterie épileptique est franchement chiadée, mais j'ai parfois du mal à rentrer dans les
morceaux tellement on a cette impression d'être submergé de notes dans tous les sens, ce côté ultra-chaotique
un peu dur à bien appréhender. Alors OK, au bout d'une quinzaine d'écoutes, on aperçoit un bout de tunnel, un
bon rythme entêtant et c'est là qu'on se dit qu'on est en terrain plus ou moins connu, qu'on retrouve le génie de
leurs dernières productions. Mais sur 45 minutes, c'est dur... L'écoute est carrément éprouvante et c'est
certainement le but recherché, une musique épileptique, difficilement cernable. Là dessus, avec ce style à la
fois moderne, aérien, spatial, répétitif et chaotique, Deathspell Omega a entièrement rempli son contrat. On a
droit à de bonnes montées d'adrénaline, mais je n'arrive pas à y retrouver toute l'intensité et l'inspiration de
leurs précédentes réalisations comme sur "Kénôse" par exemple. Difficile d'accès, mais intéressant...
Note : 4/6
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BINAIRE : Bete noire
Chronique réalisée par Saïmone
Ça y est t'as rigolé parce que t'as entendu le son de l'ouverture de windows, mais t'as pas rigolé longtemps
parce que tu t'es pris un claquo dans ta tronche de merde. T'as tapé dans tes mains parce que t'avais peur de
t'prendre une branlée par la foule en délire.... hahaha tu crois qu'elle va être en délire la foule? T'as déjà
commencé à danser que t'as même pas grillé que t'avais les neurones à plat. T'as pas compris c'qui s'est
passé, dis le. Tu croyais que Binaire c'était du punk, ahah, y'en a deux ou trois qui font la tronche au fond. Bin
non mon gars Binaire c'est pas du punk. Ca pourrait faire penser à 30 groupes différent si seulement ça nous
interessait de les connaitre. Et tu connais la réponse. Alors on va faire vite, ouais, la boite à rythme, les riffs
tordus à 3 notes qui tournicotent - comme si t'avais besoin de ça, de la répétition à t'en faire gerber ta gnôle à
bas prix, et puis d'la puissance qui groove comme t'as rarement entendu ça – et le groove ça m'connait, tu sais.
J'ai même pas envie de me lancer dans une descrpition clinique de la musique tellement on s'en bat les
couilles. Binaire parle à ton crâne qui sommeille en toi; le crâne qui veut de l'anesthesie, celui qui marche en
mode auto sans savoir c'qui s'passe, à la militaire. Mais là où c'est plutôt la classe par rapport au premier jet du
duo, c'est qu'il prend le temps de développer son venin (4 min en moyenne, t'as du 7 min aussi pour le
bourgeois en mal de révolte qui sommeille en toi). Parce que frapper entre les deux yeux c'est facile, mais faut
faire tenir le corps de lui même. Alors on fait varier le tempo, genre on va construire un truc hyper chiadé pour
accrocher l'auditeur. Mais finalement, et toujours, et encore, on s'en bat les couilles de l'attrait, de l'accroche.
Binaire accroche PAR NATURE. Tout est dans le nom, ton cerveau il sert à rien et il a jamais servi. Suffit de
danser, se laisser, c'est pas compliqué. T'as toujours deux ou trois coincé dans le fond – les mêmes que tout à
l'heure – qui vont grogner, genre danser c'est pêché. Putain, une raclée générale aux culs de jatte. Faut bien
qu'il serve à quelque chose ton cul de jatte. Binaire parle au geek en toi, celui chez lui qui reste virtuel, il force
ta chair à exister par le mouvement; c'est pas la musique qui nous interesse, faut-il le préciser encore une fois.
Binaire parle à ta moelle épinière, et t'en connais beaucoup des groupes qui te ponctionne la gueule sans
demander son reste ? Gratos en téléchargement sur le site même du groupe. Car subversif avec ça. Tu sais
pourquoi je mets pas 6 ? Parce qu'ils vont faire encore mieux, là.
Note : 5/6
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TROUBLE : Trouble
Chronique réalisée par Raven
Je me souviens, en dessous de l’unes de mes chroniques, avoir entr’aperçu le commentaire d’un membre qui
semblait tenir à ce que Trouble soit chroniqué sur Guts. Je pense qu’il regrettera un peu sa requête le bougre,
en voyant cette chronique, n’étant peut être pas le mieux placé pour parler de Trouble. Je pense quand même
pouvoir donner mon avis sans rougir, et dire haut et fort que la réputation du groupe me passe un peu
au-dessus de la tête, aucun de leurs albums ne me semblant offrir autre chose que ce que j’ai déjà entendu en
mieux dans d’autres formations plus anciennes ayant défriché le terrain. Pour faire simple : la recette proposée
ici ainsi que sur l’intégralité de leur discographie – et c’est une évidence à laquelle vous vous attendez tous - a
déjà été donnée par Black Sabbath sur leurs six premiers albums. Voilà, comme ça c’est dit. Vous aurez beau
gueuler sous tous les toits que Trouble a innové, qu’ils ont poursuivit le chemin tracé par leurs Aînés, c’est un
fait : ces braves garçons sont arrivés avec quinze ans de retard. Mais le dire ne résout pas le problème dans
son entier, car ce qui m’ennuie, c’est que ces types, ils savent quand même y faire, eh oui. Trouble, c’est la
mentalité des seventies avec le son des eighties, un aspect chevelu très prononcé, et des références on ne peut
plus faciles et redondantes… le groupe se situe au carrefour de Black Sabbath, Steppenwolf et du Judas Priest
de Sin After Sin. Le point fort de la petite tribu sonne immédiatement aux oreilles : la voix d’Eric Wagner,
puissante et pleine de vie, suffisamment aiguë pour rappeler le bon souvenir du vieux Ozzy, suffisamment
couillue pour s’en démarquer. Pour le reste, faux pas s’attendre à un miracle. Ayant bâti l’essentiel de leur
carrière sur les riffs de la bande à Iommi et les parties solistiques toutes en accélérations et décélérations du
heavy metal, ainsi qu’une nostalgie tenace pour Cream, les quatre lascars ont injecté une dose non négligeable
de ringardise dans leur doom, au point d’apparaître, fatalement, comme un de ces groupes ancrés dans leur
petites recettes prévisibles, dans leurs gimmicks, mettant l’imagination au placard au profit d’une recherche du
riff groovy et de la mélodie accrocheuse. Psalm 9 et Run To The Light furent sans doute les disques les plus
marqués par cette approche nostalgique et sans recul, métissant tout ce que les lascars apprécient à tour de
bras et non sans un certain charme, avec une pointe de psychédélisme. A partir de 1990, il est de coutume de
dire que Trouble, passant aux mains de Rick Rubin, modifia un peu sa recette. Mouais. Malgré ce prétendu «
virage artistique », leur album éponyme ne change pas grand chose à la donne, et si j’ai choisi celui-ci c’est
aussi parce qu’il porte leur nom, c’est symbolique en quelque sorte (cherchez pas, en fait ça m’arrange surtout
parce que ce disque est considéré comme l’un de leurs meilleurs et que je tiens à ce que ce que mon opinion
soit claire). Sur ce disque, je serai bien en peine de dégoter un titre qui m’ait réellement tapé dans l’oreille. De
but en blanc, je citerai bien « The Wolf » et son orgue, « E.N.D. », urgente et marquée par ce petit jeu percussif
délectable, « R.I.P. » donc l’intro restera dans les mémoires (ou pas) : un riff dense et possédé, juste avant que
la machine ne s’emballe pour une succession de parties mélodiques, de breaks… et « The Misery Shows »,
ballade légèrement protéiforme qui passe par quelques stades progressifs pour parvenir à ses fins : blues rock,
parties de guitare sèche à la Lynyrd Skynyrd, petits refrains mélodieux aériens. En dehors de ces trois-quatre
titres, rien qui ne me laissera de souvenir impérissable. Riffs saccadés. Riffs plombés. Riffs saccadés. Riffs
plombés. Solo heavy. Riffs saccadés. Riffs plombés. Solo heavy. Riffs saccadés… En gros, Trouble nous
ressort à travers son faux prisme déformant ce qu’on a entendu mille fois dans mille formations du genre. La
noirceur, c’est aussi ce qui manque ici, et c’est flagrant… Les cinq chevelus effectuent quelque chose de
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simple et d’enjoué, groovy et sabbathien à mort donc (je dois avouer qu’en fumant son clope avec la gueule de
bois ça peut le faire) volontiers pétri de références bibliques (ça je m’en fout complètement par exemple) mais
rien qui ne soit suffisamment sombre ou possédé pour me faire décoller. Trouble de Trouble est un disque
sage, le disque d’un groupe à gimmicks éculés, un groupe touchant, mais décidemment trop sympathique pour
que je lui accorde un intérêt plus que superficiel. Rien à foutre de la légende les gars. Malgré un feeling évident
et cette nostalgie qui vit dans les mains et dans la voix, Trouble ne convainc pas outre-mesure, et cette recette
se répètera inlassablement, avec quelques rares curiosités (sur Manic Frustration, par exemple). Pas
d’inquiétude, fans et autres doomsters revêches, je vous éviterai la torture de chroniquer les autres disques de
la bande (quoique je toucherai volontiers un mot sur le dernier). Il y’aura bien une âme charitable pour vous
rassurer, « rendre justice au culte », vous dire que Trouble est « un des meilleurs du traditionnal doom sinon le
meilleur » que c’est la formation du style à connaître absolument, « à côté de Saint Vitus et Pentagram » etc etc,
je vois déjà le tableau. Et puis, entre nous, c’est un peu ce que la plupart souhaitent lire, non ? Le problème
c'est qu'il y'a une différence fondamentale entre passer de la pommade et donner son avis.
Note : 3/6
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DISCIPLES OF ANNIHILATION : New York City Speedcore
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Oh bordel, la légende du speedcore (gabber ultra rapide) qui vient mettre son nez sur le non moins célèbre
Earache. Disciples of Annihilation ou D.O.A. jouent donc du beat destructeur avec pratiquement rien d’autre
(quelques samples, un break par-ci et par-là). Formule ultra dépouillée qui fait figure de bel exemple de techno
nihiliste. A quoi bon mettre des mélodies crétines comme sur la gabber néérlandaise ? A quoi bon ralentir le
rythme ? On se fait juste insulter tout au long (soi ou sa mère), entre quelques extraits de films et abattage de
beats au kilomètre. Chaque titre est interchangeable, seul le degré de saturation change (et vaguement la
vitesse). Quelques sons de guitare (‘NYC Speedcore’) ramènent vite en tête le digital-hardcore d’Ambassador
21 ou encore Atari Teenage Riot qui se serait électrocuté par sa propre boite à rythme. Quelques interludes
inutiles téléphoniques comme chez Agoraphobic Nosebleed (‘Uncle Bill’s Message’ Pt1 et 2). Deux bonnes
rigolades sur les ultra rapides ‘Minute Madness’ et ‘Ya Mutha (ptIII)’. Bon j’ai menti, il y a bien une petite
mélodie sur ‘Extreme Gangsta’ qui joue en plus sur ses vitesses tout du long (merci pour les cardiaques). Le
disque qu’on met pour faire rire ses potes, mais tellement efficace pour nos plaisirs égocentriques inavouables.
Bouge ou crève, connard d’humain ! T’avais qu’à pas nous programmer.
Note : 3/6
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NADJA : Touched
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Aidan Baker, sorte d’épigone torontois de Stephen O’Malley, infatigable aventurier solo, s’associe parfois pour
poser ses drones pachydermiques sur quelques autres instruments, notamment dans les groupes Arc et Nadja
(avec la bassiste Leah Buckareff). Amis de Boris, Sunn0))) et consorts, réjouissez-vous ; car à l'instar du
post-Neurosis-Isis-Cult of Luna le drone doom est un genre ultra tendance et partout l’on voit des formations
qui reprennent la sauce pour y ajouter un truc qui fait qu’on est mieux que le voisin. Nadja, c’est donc celui qui
en fait un objet classieux et réfléchi, ultra lourd et délicat à la fois. Pas la peine de vous faire un dessin, ce sont
bien des riffs doom qui vont à deux à l’heure tout au long du disque. Ce qui m’intéresse, c’est : en quoi Nadja
se différencie ? Déjà le son est très clair (la batterie est étonnamment limpide sous son amas, comme une
fumée transparente laissant visible ses structures ; ensuite force est d’admettre la richesse des nappes
granuleuses, qui cachent bien souvent de lointaines mélodies (ou même du chant) qui n’apparaissent qu’à
partir de plusieurs écoutes. Le titre qui s’en sort le mieux reste ‘Towers of Flesh’ qui me semble plus construit –
plus réfléchi – que les autres qui font plus figure d’essai ou de rôdage des machines. Ca tombe bien, c’est leur
premier album (sorti chez Deserted Factory puis réédité par Alien8). On a le son, il manque juste le contenu…
Note : 3/6
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MUSE : Absolution
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Par tous les Saints, je viens d’avoir une vision en relisant la chronique de Trimalcion sur ‘Origin of Symmetry’
qui dénonce très explicitement sa dégoulinante grandiloquence. Je me suis laissé penser : ‘mais Absolution est
bien plus grandiloquent ! Il faudrait en parler !’ enfin voilà, alors que j’ai du taf qui m’attend et des trucs plus
intéressants à chroniquer, voilà que je remets ce chef-d’œuvre pour le dépoussiérer un peu. Parce que quand
on parle de grandiloquence pour ‘New Born’, alors comment définir ‘Apocalypse Please’ ? Avec des paroles
telles que “Come on it's tiiiiiiime for something biblical [...] And this iiiiiiiiis the end, the eeeeeeeend, of the
woooooorld” (qui passent très bien sur d’autres styles, d’ailleurs) posé sur des accords déjà entendus dans
‘Showbiz’ ; bref, on brasse toujours les mêmes poncifs qu’on croirait piqué à Queen ayant enflé suite à une
crise allergique, jusqu’à un beau final où l’on cogne sur le piano avec les poings. Alors je n’ai rien contre la
voix de Bellamy que je trouve juste particulière, même s’il est vrai qu’il faut s’accrocher pour supporter ‘Micro
Cuts’ dans l’album précédent. Du gros tube FM sur ‘Time is running out’, qu’on réentendra ad vitam aeternam
dans toute soirée djeun’s qui se respecte. Alors je fais une pause ici, parce que c’est vrai qu’il est de bon ton
d’aduler Muse sur les revues mainstream et de cracher dessus sur les revues élitistes. Je signale juste que je
juge ce que j’entends. Et ce que j’entends la plupart du temps c’est un groupe qui a une certaine personnalité –
on reconnaît tous les morceaux de Muse en quelques secondes – mais qui se noie dans du mièvre de
supermarché (‘Blackout’, j’ai l’impression d’y voir les avions Air France avec des nanas en jupes blanches au
ralenti) et des envolées franchement vulgaires (‘Sing for Absolution’, insupportable dès qu’il tente de monter).
Joker pour l’ignoble ‘Stockholm Syndrome’, aussi beau que son clip, et ‘Hysteria’ (pub de parfum dont je ne me
rappelle plus le nom) incroyablement plagiée (en pire !) par Dream Theater avec ‘Never Enough’ sur
Octavarium. Dans cette avalanche de mauvais goût, on retient quelques plans : la fin de ‘Falling away with you’,
le sympathique ’Endlessly’ (bah voilà les mecs, pas besoin de s’époumoner toutes les deux secondes) un titre
qui pour le coup fonctionne très bien : ‘Butterflies and Hurricanes’ qui réussit à être tellement grotesque que
cela fonctionne, avec sa partie centrale au piano plutôt chiadée. Dans l’ensemble une seconde partie plus
romantique qui s’en sort mieux que les horreurs du début. Et quoi qu’on pense du dernier album, on ne peut
nier qu’ils ont à peu près balayé leurs beugleries d’adolescent pour retourner là où ils ont leur place : à la radio,
aux côtés de U2.
Note : 2/6
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DAEMONIA NYMPHE : Krataia Asterope
Chronique réalisée par Twilight
Daemonia Nymphe est décidément un groupe à part; bien sûr, ils oeuvrent dans un registre rituel heavenly
païen, bien sûr leurs compositions dégagent une atmosphère mystique propre au genre mais quelque chose
dans les sonorités, les agencements des morceaux font qu'ils dégagent une forte identité. On pourrait hasarder
quelques comparaisons avec des rythmes venus de l'Orient, des touches de cordes que l'on retrouve dans les
musiques du Moyen-Age mais là n'est pas le propos; les titres de 'Krataia Asterope' s'ils accentuent moins
l'aspect rituel présent sur 'Baccic dance of the Nymphs' évoquent des images fortes. Les complémentarités
entre vocaux féminins et masculins sont fouillés avec des résultats qui oscillent entre l'ombre et une certaine
idée de la lumière ('Krataia asterope', 'Nocturnal hekate'), le tout soutenu par un excellent jeu de percussions. Il
faut dire que le chant en grec a quelque chose de particulier, presque incantatoire, de manière apaisante le plus
souvent avec quelques pointes un brin plus inquiétantes ('Dios Astrapaiou', 'Daemonos'); on s'étonne d'ailleurs
que ce genre de musique ne soit pas davantage utiisé pour des films. Le disque est court (presque trop) et sans
temps mort, la magie opère du début à la fin, que ce soit sur les arrangements délicats de 'Sirens of Ulysses' ou
'Ecstatic orchesis' qui ne serait pas sans évoquer des fêtes de village au Moyen-Age. Une nouvelle sortie de
qualité made in Prikosnovénie qui ravira les fans d'atmosphères mystiques et poétiques et de musique
authentique (les instruments traditionnels ayant été réalisé avec soin).
Note : 5/6
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UNTIL DEATH OVERTAKES ME : Prelude to monolith
Chronique réalisée par Yog Sothoth
A force d’essayer, il aura quand même fini par y arriver. Until death overtakes me, et plus précisément ce
Prelude to monolith, c’est la principale réussite de Stijn Von Cauter : en effet, c’est sur ce disque que le belge
est pour l’instant le mieux parvenu à équilibrer tous les éléments qui forgent son style. (Je fais l’impasse sur
l’intro, quand même… de l’orgue, tout ça tout ça). Si on retrouve ici le coté spatial et dépouillé d’un Beyond
black void, UDOM s’avère tout de même un chouia plus travaillé que les autres projets du musicien, grâce
notamment à l’adjonction de percussions plus recherchée (des cymbales !) et d’un effort sur les mélodies de
claviers, certes répétitives, mais qui évoluent au cours des morceaux. Et surtout, l’homme a fourni un effort de
« composition » (un peu) plus poussé, avec des morceaux (un peu) plus structurés et contrastés qu’à
l’accoutumée. De fait, les 3 longs pavés constituant le cœur de l’album révèlent une personnalité (un peu) plus
prononcée avec des mélodies clairement identifiables, ce qui rend l’ensemble (un peu) moins hermétique, par
rapport au reste de la discographie du musicien belge. Ainsi, si Missing développe sur toute sa longueur une
facette assez planante, Absence of life et Slip away présentent un aspect plus typiquement Funeral / Drone,
presque menaçant, avec de longues plages dépourvues de claviers et laissant une part beaucoup plus large
aux guitares et aux growls particulièrement profonds… ça marche assurément beaucoup mieux. Cerise sur le
gâteau, le bonhomme place en fin de disque une réinterprétation crépusculaire de la célèbre « Marche funèbre
», version flûte de pan de l’espace, grésillements et piano (le genre de truc que ni JM Jarre ni Era n’auraient
imaginé, c’est fou quand même), toute aussi horriblement kitsch que… funéraire…
Note : 4/6
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ALICE IN CHAINS : Sap
Chronique réalisée par Raven
Vous voyez cette pochette ? Vous voyez ce titre ? Un seau recueillant la sève d’un arbre… « Sap ». Capturer la
sève d’Alice In Chains, voilà ce que vous propose ce mini trop souvent relégué aux oubliettes au profit du
Unplugged ou de Jar Of Flies. Cet EP – principalement acoustique - est tout simplement essentiel mes amis,
autant que l’éponyme ou Dirt, et ce en dépit de sa courte durée. Il synthétise en 4 ballades uniques l’essence
même de ce que fût Alice In Chains dans ses moments d’errance : un grunge fantomatique et spirituel, possédé
et ample, comme un drap noir qui vous recouvre et épouse les formes de vos craintes, de vos angoisses, sans
faux pli. Quatre titres pour caresser l’âme d’Alice. Quatre façons d’appréhender son esprit, tout en contrastes,
comme une vie : la première vous bouleverse, la seconde vous apaise, la troisième vous donne envie de vous
battre, et la dernière vous conforte dans le sentiment que ça ne servira à rien. Les quatre éléments d’Alice In
Chains : mélancolie, lucidité, camaraderie et désespoir. "Brother" est un de ces moments d’émotion
insaisissable qui vous met dans un état second… il s’agit ni plus ni moins de la plus belle ballade du combo, et
c’est peu dire. Musicalement très proche des ballades qu’on pouvait trouver sur le Led Zeppelin troisième du
nom, elle offre toute la magie qu’on est en droit d’attendre d’un tel groupe : une guitare dessinant ses lignes
arabisantes, une langueur presque imperceptible qui évolue derrière, et la voix de Layne qui semble passer
dans un tube métallique, lancinante et détachée… le refrain, embelli par une voix féminine, est à vous mettre le
cœur en miettes. Cette mélancolie spectrale qui vous tenaille et vous enlace, elle ne vient pas des entrailles de
la terre mes boutchous, ni même d’un cœur trop souvent meurtri - comme sur "Love Hate Love" - non… elle
vient de l’au-delà, et à cet instant précis, une image puissante – presque christique - me vient en tête : celle de
Layne, qui semble déjà de l’autre côté, son fantôme me souriant un peu tristement à travers la fenêtre de ma
chambre… à vous en donner des frissons. You were always so faaar away - I know that pain and I won't run
away… S’ensuit "Got Me Wrong", une ballade à la Guns’n’Roses, pleine de groove et de candeur. Le troisième
morceau, "Right Turn" est interprété par une certaine Alice Mudgarden. A peine trois secondes pour mettre à
jour la bonne blague de nos lascars : la voix de Chris Cornell vient prêter main forte à Layne, pour un duo
d’anthologie - et puis déboule l'esprit jongleur des géniaux Mudhoney, qui achève le titre en chœur avec les
potes. Magique. Le « dernier » morceau, "I Am Inside", rappelle les moments de calme introspectif des
classiques Black Sabbath (autrement dit les ballades Solitude, Planet Caravan, Changes). Une petite ritournelle
éthérée, et la voix presque angélique de Layne tout droit sortie des Limbes, qui plane sur cette contemplation
de l’abysse… quelque fines gouttelettes de piano, une sérénité à laquelle on ne croit pas… voilà… Maintenant,
la mise en garde : ce fragment de pureté en quatre chansons s’achève de façon impossible, inattendue : le titre
caché (et bien caché le salaud) que j’ai sciemment omis de mentionner plus tôt est un gros délire façon
Butthole Surfers qui nous sort violemment de notre léthargie : Sean Kinney qui hurle dans un mégaphone, et
une ambiance de fête asilaire : des bruits de pet avec la bouche, des reniflements, une cantatrice qui n’a rien à
foutre là, et un piano de cabaret déglingué. Ce foutage de gueule insensé, proprement tuant de vulgarité et de
débilité, souille complètement le souvenir des quatre ballades magnifiques survenues avant. Un peu comme le
réveil brutal de la réalité (cette vieille charogne) après un rêve étrange… un rêve dans lequel on se replongera
inlassablement, pour en saisir l’étincelle, les murmures, pour en saisir la grâce et les ondulations. Pour essayer
de serrer la main au spectre de Layne, une dernière fois. Pour comprendre, tout simplement, pourquoi il nous
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sourit avec cette sérénité à glacer le sang, derrière la fenêtre de la chambre.
Note : 5/6
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THE KOVENANT : Animatronic
Chronique réalisée par Raven
Attention les gars, Kovenant débarque, ça va chier ! Ah ah, nan je déconne… Vous voulez du kitsch ? Vous
voulez des chœurs de femelles gogoth à faire pâlir de honte cette tarlouze déjà pâle de honte de Dani Filth ?
Qu’il remballe son attirail scénique fauché au cirque Pinder ? Vous voulez du sympho dark metal cyber-mes
couilles bien cucul et exagérément naze-tech, à faire passer Dimmu Borgir pour les BHL du sympho ? Hein ?
Comment ça ? Ah, on me signale dans l’oreillette que le gugusse à l’origine de ce projet serait un ancien
Dimmu Borgir… eh beh… Nagash qu’il s’appellerait le gars. C’est ma foi fort sympa de me prévenir, merci
bien… mais attends… on s’en fout pas un peu, non ? NON ? Nan parce que moi, sans vouloir être lourd ou quoi
hein (entendons-nous bien) les Dimmu, les Cradle, les parangons du black-metal symphoprout je m’en
tamponne le ciboulot. Y z’en font pas assez. Y s’prennent trop au sérieux ces rigolos. Moi, le kitsch scandinave,
si tu veux savoir, je le veux gainé de diodes zener, de simili-missiles en techtonite synchrozoïde lacrimocéphale
(ouais ça veut rien dire, mais c’est pour le style). Moi, le sympho black dark, j’veux qu’on en fasse un truc
über-kitsch parce que même s’il l’est par essence, pour moi ça suffit pas, moi le black metal j’veux qu’on en
fasse du fluo-metal, t’piges mieux comme ça, Obiwan ? L’black sympho j’veux qu’on l’habille en travelo
galactique, en princesse Leïla hystérique qui s’enfonce des tiges de plutonium dans le minou pour faire sa
maligne devant ce gros porc de Jaba le Hutt (tiens, comme les pizzas), le black-sympho j’veux qu’on l’rende
cybernétique, qu’il sente la sueur de replicant (ouais, comme dans Blade Runner – j’ai des références
culturelles moi qu’est-ce tu crois), qu’on le gave de kryptonite en gélatine, de mélodies à géométrie variable, et
bien pompeuses s'il vous plaît, qu’on le rende plus gaga et débile que jamais, qu’on me le bourre de petits sons
technoïdes, qu'on lui injecte du LSD coupé avec des dragibus, qu’on me rajoute des violons en plastique dans
tout ça, et qu’on demande aux aliens d’Independence Day de pisser dessus, histoire de rendre la chose un poil
authentique. EH !!! Mais on dirait que trois lascars ont exaucé mes vœux. Bravo les gars, fallait y arriver, parce
que j’demandais pas un truc commun… Kovenant qu’ils s’appellent les gars. Animatronic qu’il s’appelle le
disque. Du riff bien acéré, des parties de chants d’opéra en polystyrène, des accélérations supersoniques, le
parfum de Devin Townsend qui plane par instants ici et là, une reprise bien kitschouille de mon méga tube de
jeunesse Spaceman (Babylon Zoo represents), ce gros zébu de Hellhammer aux fûts, un chant
hystérico-gay-electronisé et crusty, moi, y’en faut pas plus pour me faire jouir du tipp-ex. Avant d’arriver à ce
stade de majesté, les lascars avaient fait dans le traditionnel. Les v’là qui pètent un câble. Rien de bien
méchant, mais quel pied ! L’infiltration des armées de Dark Vador au moyen-orient pour un tube speedé («
Jihad »), un autre tube plus speedé encore (« Human Abstract »), un gros pâté tout mou tout lent recouvert de
kevlar humain qui fulmine et baragouine tous synthés dehors (« Mannequin »), du méga-hit de droïdes fachistes
qui aiment fistfucker …and Oceans avec des mitaines (« New World Oder »), du groove, la batterie bien en
avant et les petits sons electro-cybernétiques qui couinent en dessous (« Sindrom »), ça m’fait mon bonheur, je
me sens fier de danser, de bouger mon cul radioactif sur les pistes martiennes baroques et futuristico-nazbrok
de Kovenant. Animatronic, c’est atrocement niais et jouissif, plus grossier que n’importe quelle crotte rose
bo155on de Marilyn Hanson, mais t’en as rien à battre parce que c’est trop, trop naze, trop fulminant de débilité
androïde, parce que c’est débridé, que ça va dans tous les sens sur le dancefloor. C’est comme jouer au
Micro-Machines en écoutant les vocalises de Marianne James et Samael passé en accéléré. C’est futuriste mais
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t’y crois pas, tu peux pas y croire tellement c’est con –tellement c’est bon, tellement les solos fusent façon
Stratovarius en orbite autour d’une planète Saturne en pâte à modeler, tellement le space-opera sent le Gloss,
tellement la voix fait n’importe quoi, braille, couine des trucs apocalyptico-neuneu dans son déformeur
electronaze, tellement c’est cyberculcul et tellement ça arrache quand tu daignes te prendre au délire
fluorescent de ces trois disco-kings. Voilà… rien à ajouter. Ah si : Animatronic est à Dimmu Borgir ce que
Phantom of the Paradise est à West Side Story… du fun, du vrai, pas celui qui se prend au sérieux… j'lui met
une note exagérative ouais, rien à secouer Ginette, enfile tes bas en titane compensé, ça va jumper, ça va crier,
crier pour le fun, hurler qu'on est dans l'futur et qu'c'est FLUOOO POWER !... wiiiiiizzzz.
Note : 5/6
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ROLAND (Paul) : Re-animator
Chronique réalisée par Twilight
Un disque de Paul Roland est comme un bon cru; on l'achète les yeux fermés car on sait ne jamais être déçu;
on le dégustera encore et encore avec le même plaisir avec de temps à autre de petites pointes particulièrement
délicieuses sur le palais. Ce nouvel opus sorti chez les Italiens de Black Widow est fortement marqué par
l'oeuvre de Lovecraft mais également par des harmonies rock qui ne sont pas sans évoquer les débuts de notre
Anglais. Rien n'est pourtant joué d'avance avec lui, c'est pourquoi je vous convie à une visite des lieux. Le
délicat et réussi 'Charles Dexter Ward' est assez typique du style du bonhomme: rock mélancolique et doux
agrémenté de flûte. Si 'Re-animator' développe une touche plus dure, son thème mélodique particulièrement
envoûtant lui confère une touche magique en parfait complément des effets vocodeur de la voix sur le refrain.
Paul Roland a toujours apprécié le rock des 60's et même des 70's, cette influence se ressent dans l'écriture
des deux chansons suivantes, de même que le hautbois et l'orgue qui confirment cette pointe légèrement
psychédélique. Rien d'étonnant à ce que deux membres des Caravan soient remerciés pour leur contribution au
disque. 'Taliesin' colore les attaques éléctriques de touches celtiques de par l'apport du violon puis c'est une
pause folk avec 'Arkham'. Paul est bon dans cet exercice et insuffle à cette pièce une atmosphère nocturne
triste et apaisante. 'Valdemar' est plus sombre, plus mystérieux aussi, combinant rock progressif ambient,
percussions traditionnels et des envolées légèrment gothiques (le jeu de clavier notamment). Cette voie
mystique et profonde est pourtant nettement plus réussi sur 'Abdul Alhazred', magnifique instrumental baigné
de senteurs et de sonorités arabisantes (le violon, les percussions...). 'Assassins' s'il poursuit dans cette lignée
d'ambiance se montre pourtant plus gothique de par un jeu d'orgue séduisant et des orchestrations rock plus
lentes et lourdes. 'Cthulu' clôt l'album par ses climats à la fois grandiloquents et vénéneux: percussions
vaguement rituelles, vocaux légèrement lointains, attaques rock, le tout baigné d'un halo mystique et
mélancolique. J'ai oublié 'Swamp girl' ? Non, c'est juste que ce morceau blues rock et ses orgues maladifs m'a
un peu décontenancé et j'ai mis plus de temps à l'apprécier. Après tant d'années de carrière, Paul Roland reste
fidèle à lui-même quant au style et aux thèmes traités mais une chose est certaine, il toujours de l'inspiration à
revendre.
Note : 4/6
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COCTEAU TWINS : Heaven Or Las Vegas
Chronique réalisée par Raven
Dernier opus sous la bannière du label 4AD, le sixième Cocteau Twins a la réputation d’être en deçà des
premiers albums du groupe. Avis que je partage un peu je dois l’avouer, tant il est évident que l’aspect le plus
onirique de la formation tend à s’effacer tout doucement au profit d’une pop de plus en plus innocente et
formatée, les vapeurs d’éther se raréfiant au profit d’une fragilité pop beaucoup plus simpliste que ce qu’on a
pu entendre sur Garlands ou Treasure. Plus innocente aussi, les influences gothiques se délayant petit à petit.
Sur ce disque sage et doucereux, qui rappelle à la fois le New Order des débuts et les Cure d’avant Seventeen
Seconds, vous pourrez quand même dégotter quelques perles pas piquées des hannetons. « Iceblink Luck », la
valse parfum cerise « Road River and Rail » ou encore « Frou-Frou Foxes » (ma préférée), absolument
sublimes, se détachent du lot et nous plongent dans des ambiances à la fois vaporeuses, sibyllines et
enchanteresses, et laissent un goût étrange dans la bouche, le goût du sirop de rose, le goût des amours
printaniers et la saveur étrange des désillusions automnales, j’en sais fichtre rien en fait, un petit goût de
cyprine juvénile, ça c’est sûr, et puis ce quelque chose de profondément sensuel et coquin dont on préférera ne
pas abuser au risque de se transformer en jonquille (ça y’est je commence à raconter n’importe quoi). La voix
de Liz Frazer, toujours aussi cristalline et douce, donne le tournis, ou agace, au choix. Par instants on croira
entendre notre Siouxsie, par d’autres on jurera que c’est notre Kate Bush qui vient poser sa voix. Mais l’ombre
légère au tableau c’est que Liz dévoile aussi un côté plus salope que par le passé, se plongeant par instants
dans les relents de pop féministissimement niaise, sur « Cherry-Coloured Funk » par exemple, et là, j’ai plutôt
envie de lui dire stop… maaaais… en même temps c’est si mignon, c’est si suave, si romantique. C’est moins
onirique qu’avant sans doute, mais ça laisse rêveur, c’est toujours aussi fragile et éphémère, et trouble, un peu
comme la buée sur le miroir de la salle de bain... Heaven Or Las Vegas, c’est l’épure post-new wave et la
sensibilité à fleur de peau qui s’étiole peu à peu, le côté heavenly qui se teinte de gimmicks popisants, la parure
dorée qui s’effrite petit à petit, laissant l’âme s’en aller… soft comme une pluie de coton et de pétales,
mélancolique et un peu agaçant aussi, comme ces petites boîte à musique qui jouent le thème de la lettre à
Elise et que l’on hésite à fracasser sur le champ, c’est aussi la main douce d’une jeune femme qui caresse ton
dos et te murmure des poèmes féeriques… Un album à l’innocence évidente, à la beauté en demi-teinte,
insaisissable, floue, et un des derniers témoins lumineux de cette grâce qui hantait Head Over Heels et
Garlands, à l’aube de ces années 90 où commence à poindre l’ombre du trip-hop qui verra naître quelques
bébés illégitimes de la bande à Liz Frazer, Portishead en tête.
Note : 4/6
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NOVEMBER NÖVELET : Magic
Chronique réalisée par Raven
Il y’a certains jours où on se sent ni mal ni bien, où les aliments n’ont pas de goût, où on à rien envie de faire.
Après avoir dédaigné de finir l’assiette de pâtes, laissé la télé allumée, on se décide à aller prendre une
douche… on comate devant le miroir, on se trouve laid. Notre visage est… si pâle. Et ces veines, là, si bleues, si
longues, qui sillonnent nos poignets comme des couleuvres. Elles sont si… tentantes. On voudrait presque les
ouvrir pour voir ce qu’il y’a dedans. Savoir si… si quelque chose cloche vraiment… savoir si… si quelque
chose… cloche… vrai… vraiment… et on… et je… je… la froideur des néons me pousse à ne plus savoir si je…
si je… bande… et cette voix. La voix d’une perverse, à coup sûr. Mais c’est comme si une partie d’elle n’avait
pas conscience de la souffrance qu’elle inflige… de la sensualité indécente qu’elle distille. Du lithium dans sa
voix j’entends. Des bips-bips électroniques qui dansent avec elle j’entends. C’est comme si Visage était revenu
d’entre les morts pour signer un pacte avec… je n’ose dire son nom… peut être qu’Il ressemble à un médecin
légiste… Lui… Dans ce presque calme, dans cette atmosphère lugubre, dans cette délicatesse et cette morosité
glacée, la new wave prend des allures de trithérapie. Je ne veux pas y aller. Je ne veux pas voir. Savoir que…
c’est mon corps si froid posé là… pourquoi murmure-t-elle ces… choses ? Qui est-elle, en dedans ? Pourquoi
veut-elle chanter des mélopées et soupirer ces choses… Et le rythme qui l’accompagne… le rythme, je
l’entends. Il est discret, mais sûr de lui, il rampe - Cette voix qui continue… qui est cette femme ? J’ai envie
d’elle, et elle m’effraie… les slows sont lents… peut-être qu’il y’a quelque chose de sexy dans le fait d’être
soumis à une autopsie… vivant… mais je ne peux me soustraire à cette idée… contempler les flacons d’eau
oxygénée, me demander si… c’est… si je peux… profiter de ces mélopées nocturnes… confort/inconfort… eau
de javel et papillons de nuit… seringues… le miroir… il y’a… un signe et ce signe je le vois, derrière les
mélodies nocturnes, derrière le grésillement des réverbères, derrière les échos des scalpels qui forment la
petite danse autour de cette délicate torture mentale, derrière tout ça c’est ce signe que je vois… oui… ce
signe… méphistophélique… quelque chose d’atroce et de reposant en même temps… un cadavre auquel on
ferme les yeux en chantant une berceuse… Magic… je me sens lâche… lâche me sens je… je suis lâche comme
l’est cette voix, qui se sert des machines pour masquer sa vraie nature, pour se parer d’échos, faisant mine de
jouer aux midinettes mais étant en réalité d’une nature mauvaise… Au détour d’une larme, d’un long couloir
blanc interminable, façon Shining de Kubrick, contemplant un ballet de vers luisants, j’ai vu et entendu ces
choses… à présent… Je me retrouve là, étalé sur le carrelage, si blanc, si froid, à trembler, à grincer des dents,
à pleurer sans y parvenir. Le visage contre le carrelage, glaçant ma joue gauche au fur et à mesure que mes
spasmes s’accélèrent. Nous sommes lundi… et la semaine est déjà finie. So far, no further.
Note : 6/6
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FRONT 242 : Tyranny (For You)
Chronique réalisée par Raven
De tous les Front 242 je n’ai en ma possession que celui-ci, les autres étant depuis fort longtemps retournés à
la médiathèque. Est-ce que cela veut dire que Tyranny For You est mon préféré ? Peut être, peut être pas... en
fait, j’ai surtout une terrible envie vous de parler de celui-ci, qui me semble si non pas le plus important dans
leur carrière, en tout cas le plus significatif. Après avoir été le représentant le plus reconnu et cité du genre
EBM avec Nitzer Ebb, fait dansé les foules avec le mythique « Headhunter », et lâché des rafales de rythmes
carrés dans le monde entier à travers leurs prestations scéniques impressionnantes, les Front 242 ont injecté
une bonne dose de nuance dans leur EBM pure et dure, au moment même ou d’autres formations dangereuses
commençaient à leur voler la vedette en réinterprétant la recette (qui a dit Skinny Puppy ?). Sur Tyranny (For
You), le groupe marque une évolution facilement perceptible au niveau des textures : plus complexes que par le
passé, plus denses, les nappes de sonorités indus et electro ne fixent plus simplement le but de faire danser,
mais aussi celui de plonger l’auditeur dans un trip angoissant. Cette ambiance froide et menaçante est palpable
sur des pièces comme « Neurobashing » ou « Moldavia » (qui du reste sont quasiment identiques), dans
lesquelles on se retrouve au milieu du rythme et de voix distantes qui semblent nous ordonner de remuer les
fesses sous peine de se voir exécuté d’une balle dans la nuque. Le côté martial cher au groupe n’a donc pas
complètement viré sa cuti, et les beats façon pistolet d’abattage sont encore là... mais cet album est sans
conteste plus ambigu que les précédents, plus nuancé peut être, plus inquiétant surtout. Et les textures sont
beaucoup plus riches qu'elle n'en n'ont l'air aux premières écoutes, cachant foultitude d'effets, de sons
obscurs. L’EBM proposée ici est introspective et quelque chose de malade se loge en dedans, la puissance
directe et les déflagrations de beats salvateurs d’autrefois laissant place à une succession d’ambiances
industrielles plus tellement dansantes mais contrastées et pour tout dire assez noires, le genre d’electronic
body music qui vous met davantage dans une ambiance Half-Life et chasse à l’homme plutôt que dans un trip
purement dancefloor… suspense maintenu tout du long, séquences linéaires, voix insidieuses, sonorités
glaciales en sous-couche, et une poignée de titres extrêmement proches les uns des autres, formant un tout
cohérent et indivisible : la mélodie obsédante de « Tragedy For You » ou le trip létal de « Sacrifice », le
minimalisme glaçant d’un « Gripped By Fear » ou la nausée intérieure proposée par un « Rythm Of Time »,
difficile de choisir. Les ambiances offertes ici flirtent donc avec l’angoisse, la terreur larvée, sans jamais s’y
plonger réellement… Tyranny (For You) est un album borderline, marqué par une atmosphère entre-deux :
dancefloor déserté ou baraquement militaire isolé dans la toundra, aux prises avec une armée inconnue venu
du grand froid. Une évolution qui dans la bouche de certains ressemble à une régression… pas moi.
Note : 4/6
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POP (Iggy) : Beat Em Up
Chronique réalisée par Raven
Beat Em Up est l’album le plus mauvais jamais enregistré par Iggy Pop. C’est pas plus compliqué que ça… un
enregistrement sans intérêt aucun dont je ne vous parlerai pas bien longtemps compte tenu de sa médiocrité.
Passé l’âge du blues et du regard sur soi, Iggy décide de redevenir Pop et de refaire ce qu’il faisait à ces années
Stooges, avec la mentalité des p’tits jeunes d’aujourd’hui et aucun feeling. Sortir cet album sans couilles, c’est
la dernière chose que pouvait nous faire l’Iguane deux ans après un incroyable Avenue B. C’est comme s’il
reniait complètement le souvenir de cet album. C’est comme s’il essayait de nous chier dessus, mais, malgré sa
bonne volonté (et l'incontinence qu'on est pourtant en droit d'attendre de tout vieillard qui se respecte), ne
parvenait qu’à lâcher un pauvre petit pet insignifiant et fluet, sans odeur ni âpreté. Pfiiiiiuuut. Pauvre vieux va…
que dire sur cette rondelle de vide ? C’est enregistré comme une merde, avec un son qui se veut raw mais qui
fait juste fadasse et à côté de la plaque, bourré de titres aussi peu inspirés les uns que les autres, avec un côté
foutage de gueule complètement raté, et une espèce de feeling vaguement heavy metal mélangé à du
noise-rock d’amateur (on va mettre un grincement par-ci, un gros riff crasseux par-là et ça va en jeter, tu vas
voir). Ajoutez à cela l’insulte suprême : Iggy qui chante comme Danny Brillant et n’arrive même plus à hurler, et
encore moins à couiner ("Go For The Throat", mouah ah ah). Le vieux reptile trouve même le moyen de merder
les deux pauvres ballades de l’album ("Talking Snake", et "Football", proprement pitoyables). Ajoutez à cela les
parties de batterie plan-plan, les solos foireux, et une influence de Suicidal Tendencies mal digérée ("Beat Em
Up"), voire quelques relents de vieux hardcore en version bourré et sans feeling ("L.O.S.T."), et vous obtenez
un truc tout simplement à chier. A l’exception de très courts passages (sur "The Jerk" par exemple, mais le seul
titre à peu prêt acceptable est selon moi "Drink New Blood"), ce disque est donc un plantage complet. Un
album complètement insipide, une véritable sous-bouse dont je vous déconseille fortement l’écoute comme
vous vous en serez doutés (et puis cette pochette quoi, merde !). Je donne donc, dans toute ma bonté naturelle,
une boule bien méritée pour cet album qui n’en a pas.
Note : 1/6
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RADIO MASSACRE INTERNATIONAL : Rain Falls In Grey
Chronique réalisée par Phaedream
On sentait venir cette transformation de RMI. Depuis quelques années, le trio Anglais modifiait subtilement son
approche musicale pour épouser une forme autant électronique que progressive, donnant des résultats aussi
décevants qu’intéressants. Je m’explique…
Les fans de MÉ privilégient une approche atmosphérique aux développements séquencés. Ambiante ou animée
la structure musicale peu s’étendre sur des ondes mélodieuses ou atoniques en autant que le mouvement soit
d’une souplesse progressive. Hors ces territoires, nous embarquons dans une musique contemporaine aux
souffles syncrétiques, alliant une cacophonie démesurée sur des structures aux mouvements ambivalentes. Un
peu comme Ozric Tentacles, Heldon ou Djam Karet. Une musique intéressante, mais loin des sphères
électroniques, faut l’avouer. Rain Falls in Grey est tout, sauf un album de MÉ. C’est un opus d’une musique
actuelle aux limites infranchissables qui est plus qu’intéressante. Une folie artistique d’une grande témérité qui
confirme la maturité d’un groupe qui ne s’assoit pas sur ses lauriers.
La pièce titre ouvre avec une timidité structurale. Comme un orchestre qui ajuste son temps, les instruments
hachurent l’espace de sonorités éclectiques qui agrémentent une explosion latente. Et, comme les bons vieux
‘’space rock’’, les instruments s’accordent et explosent sur des riffs lourds et traînants, créant une ambiance
jazzé et cacophonique d’une étonnante illumination. Le trio Anglais exploite toutes les facettes de ses
équipements afin de créer un univers surréaliste, un peu à l’image d’Art Zoyd et de Univers Zéro, instruments
conventionnels en moins. Le résultat est stupéfiant, tant d’audace que d’acclimatation. On se surprend à taper
du pied et à hocher de la tête, sur des mouvements multidirectionnels aux cadences atrophiés par des virages
insoupçonnés. Tantôt l’illusion de jazz progressif est parfaite, alors que l’impression d’être à l’époque d’un
King Crimson fougueux apparaît. Un paradoxe astreignant, mais combien édifiant.
Moins acide et plus près d’une structure conventionnelle, Bettr'r day-s présente une coordination harmonieuse
qui s’étend sur un blues progressif. L’ambiance est feutrée et les boucles d’une guitare fluide entrelacent à
merveille une section rythmique étonnante de sobriété. Témoin d’une discipline que l’on ne connaissait guère à
ce trio qui a souvent privilégié les longues improvisations.
Shut Up est un prélude atmosphérique au furieux Syd, qui est définitivement en hommage au membre
fondateur de Pink Floyd. On sent l’aisance de RMI sur des structures audacieuses et totalement défoncées. À
faire jouer à haut volume pour décaper les murs du salon. Le trio Anglais clôture Falls in Grey avec 3 titres aux
atmosphères nébuleuses, arrimées aux cordes de Houghton sur des approches d’un jazz cosmique aux fusions
contemporaines. Non, Falls in Grey n’est pas un opus de MÉ, mais ça reste un opus de bonne qualité.
Note : 4/6
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RADIO MASSACRE INTERNATIONAL : Blacker
Chronique réalisée par Phaedream
En marge du très progressif Falls in Grey, RMI lance un album en concert qui permettra aux fans de renouer
avec le style classique du trio Anglais. Il est à souhaiter, après écoute, qu’il ne s’agira pas d’un dernier RMI
version électronique. Même si le trio n’invente rien, il est toujours savoureux d’entendre ces longues impros
aux séquences cahoteuses.
Dubly débute cette nouvelle mouture de RMI avec des lamentations électriques évasives. Gary Houghton triture
ses cordes avec une malice symétrique, créant un monde hindou surréaliste qui oscille sur une basse lente et
traînante. L’atmosphère est très éclectique, la structure très atonique comme un lent tourbillon aux sonorités
tonitruantes animé par des effets sonores galopants. Sans âme, ni vie Dubly circule comme un fantôme à la
recherche d’une harmonie tout en laissant d’indélébiles traces sonores qui occultent les sens. Bienvenue dans
Blacker. Bienvenue au summum des explorations sonores de RMI. Le trio Anglais aime décontenancer son
auditoire en progressant vers des réalisations de plus en plus biscornues. Là où l’art transcende vers une
personnalité hétéroclite, sans aucunes frontières. Issu des préparatifs du groupe lors de sa performance au
concert ‘’Anti-social’’ tenu à Leeds en Juin 2005, Blacker continue la poussée de RMI dans sa culture
improvisée.
This is Scenery? continue cette errance sonore aux élucubrations latentes. Linéaire et envoûtante, l’intro gémit
sous des synthés spectraux aux odes fantomatiques. Cet étrange univers est teinté de sonorités sous jacentes
aux rapports incongrus. RMI charme ou épouvante? C’est selon. Mais, graduellement, une superbe structure à
la séquence oscillante prend place, étalant tout le charme harmonieux de RMI. Une architecture sonore aux
cascades douces et vibrantes, sur des percussions bien dosées et des synthés mellotronnés d’une exquise
texture. Voilà la magie RMI. Et lorsque la guitare de Gary Houghton traverse cette charpente, on comprend le
culte RMI. Un RMI qui déstabilise un peu plus en présentant un No Bones aussi syncrétique que Dubly, mais qui
se reprend avec Enormodome. Un titre à la structure ambiante, mais évolutive dans cette bulle séquencée si
fidèle aux sonorités progressives au trio Anglais. La guitare de Houghton déchire la marche minimalisme, qui
accentue sa cadence sur des percussions homogènes. L’air ambiant s’emplit des souffles acides et plaintifs
dans une finale qui sent l’improvisation structurée de Radio Massacre International, un groupe qui ne cesse
d’étonner, même en exploitant la même recette…
Note : 4/6
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VOLT : Nucleosynthesis
Chronique réalisée par Phaedream
Une détonation sèche étale une lumineuse réverbération qui crée un malstrom musical limpide, comme des
vaguelettes se mélangeant aux ombres de chaque. Un mouvement intense et colorié qui crée une statique
musicale attirante, tout en modulant les premières séquences d’Explosion. Le mouvement est limpide et
nerveux. Il gravite autour de lourd synthés légèrement symphoniques, qui fusent des mélodies aux étranges
chants de sirènes. Lentement, la structure d’Explosion se forme, pour rehausser sa cadence sur des rythmes
lourds qui s’enroulent à des séquences nerveuses. Séquences enrobées de superbes synthés aussi mélodieux
que dérangeant, de par une sonorité teintée d’une essence apocalyptique.
Ce premier contact avec Volt est tout à fait charmant. Une superbe fusion de la Berlin School, par des
introductions très nébuleuses et spatiales (Evolution et Implosion), à une England School avec ses cadences
soutenues et ses courbes musicales lourdes.
Evolution présente une intro éclectique qui baigne dans une enveloppe sonore atonique, où diverses sonorités
électroniques parfument une aura nébuleuse qui graduellement étend ses ondes tentaculaires avec des
synthés larmoyants. Cette ambiance se fractionne à des pulsations séquentielles aux harmonies hypnotiques
qui cascadent sur des synthés aux cercles lumineux. Graduellement le maillage se forme, laissant filtrer une
douce mélodie électronique au tempérament métallisé. Un titre caustique qui séduira par la richesse de ses
synthés qui oscillent entre des souffles brumeux et des voix à peine audibles, tout en ralentissant un
mouvement qui s’éteint de ses lourdes pulsations, sans avoir pourtant livrer un dernier combat séquencé. L’art
d’étonner avec des structures aux mouvements imprévus.
Implosion est la pièce phare de ce 4ième opus de Volt. Intro dans le vent qui valse sur des pas aux valses
incertaines, qui étirent la température des astres. Les pulsations séquentielles arrivent avec lourdeur, brisant
cette étrange chimie électronique où les ions s’évaporent devant les implosions sonores. Elles sont sèches,
sans être violentes, mais déterminées à imposer un rythme impur, qui explose sur des accords lourds,
incohérents. D’une atonie explosive, le duo Shipway Martin dessine une structure musicale qui devient
subtilement harmonieuse, supportée par une spirale aux boucles qui se démarquent des premières violences
implosives. Le synthé coule à flot, injectant une floraison sonore capiteuse où les harmonies conjuguent vers
une structure équilibrée, entre une MÉ lourde et éprise d’arpèges au collage mélodieux. Mais toujours dans une
perspective de virages aléatoires et de structures indomptables, comme en témoigne ses lourdes séquences
pulsatrices qui arriment une finale lourde, à l’image de Nucleosynthesis; un superbe cd aux sonorités très TD
années 80, période Logos et Hyperborea. Nucleosynthesis de Volt, une agréable découverte, lourde de sens et
de sons.
Disponible chez Groove
Note : 5/6
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JESUS JONES : Perverse
Chronique réalisée par Raven
Tiens donc… je retombe sur le souvenir de ce disque emprunté en médiathèque il y’a quelques temps - avec
cette pochette qui avait illico piqué ma curiosité et ce nom qui ne me disait rien - et me rappelle la grande
déception que fût cette découverte. Je le choppe une nouvelle fois pour voir si j’ai changé d’avis. Eh bah non.
Je me souviens même de la première description que j’ai lue de cet opus, qui était surtout connu pour être le
premier album a être entièrement enregistré avec un ordinateur. On parlait de quelque chose « de nouveau »,
de « frais », d’ « avant-gardiste » mais à aucun moment on ne parlait de la qualité même de ce qui était proposé.
J’aurais dû me méfier… Pour tout vous dire, Perverse, c’est typiquement le genre de disque dont j’aurais envie
de faire l’éloge (méconnu de part chez nous, réputé avant-gardiste, et fort prometteur à bien des égards) mais
qui est gâché par tout un tas d’aspects exécrables, outre la mièvrerie exacerbée qui caractérise 90% des
compos présentées ici, des structures de chansons pop radiophoniques avec une approche foncièrement
techno quand ce n’est pas dance, et une pléiade de refrains sirupeux, dans le mauvais sens du terme (car le
sirop, chez moi, ça peut être une qualité). Pourtant, on sent par moments que le groupe en a dans le ventre,
malgré tous ses apparats superficiels/superflus. Jesus Jones synthétise en fait tout ce qu’on peut faire de plus
insipide avec une banque de sonorités excellentes. La première fois que j’ai entendu ce disque, j’ai illico pensé
(et allez savoir pourquoi) à une sorte de Jesus And The Mary Chain qu’on aurait délesté de son aspect crasse et
remixé façon techno/dance… A part "Spiral", seul titre réellement sombre et expérimental qui se détache du
reste grâce à une ambiance obscure et tendue maintenue en boucle tout du long, et dans une moindre mesure
"Idiot Stare" (les deux derniers titres en fait) je ne vois ici que de la dance rockisée aux teintes new wave,
inoffensive et sans intérêt à l’exception des deux titres cités plus haut et des courtes introductions souvent
excellentes, voire carrément bandantes ("Your Crusade", "Magazine", "Zeroes And Ones"), mais ruinées par
toute une succession de gimmicks irritants et de refrains de boys band. A sa façon, et au regard de cet album
qui succède au célèbre (enfin, pas chez nous) Doubt, Jesus Jones aura sans doute préfiguré le revirement de
certaines formations postérieures, mais par-delà cet aspect purement « culte » et cette façon de mixer electro
pop, rock, techno et dance, je ne vois rien de fondateur là-dedans. Avec les cartes qu’ils avaient en main - à
savoir un réel talent dans la mise en place mélodies accrocheuses et une banque de sonorités electro
excellente - les Jesus Jones avaient de quoi sortir un skeud d’electro rock à péter la baraque, mais ils ont
préféré la jouer soft et se fixer le but ultime de faire mouiller les petites culottes. C’est rageant.
Note : 2/6
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TIETCHENS (Asmus) : Notturno
Chronique réalisée par Wotzenknecht
Asmus Tietchens est à la frontière entre les musiques dites ‘savantes’ et les expérimentations
post-industrielles. Très marqué par les ‘Klavierstücke’ de Stockhausen, Tietchens va développer un langage
autodidacte en mélangeant les dissonances et fonctionnement aléatoires du maître avec ses propres
manipulations électroniques, dans l’optique d’un rendu sonore plus que d’une expérience en tant que telle.
Engagement à saluer donc, compte tenu de la sécheresse souvent rebutante de certaines œuvres
contemporaines. Et saluons au passage l’excellent label Die Stadt qui a eu la bonne idée d’enrichir son
catalogue en entamant les rééditions des premiers vinyles devenus rares. Le ressenti donc, voilà ce qui est
travaillé au cœur de ces pièces pour piano et manipulations diverses. Le premier titre, fort angoissant, joue sur
une petite suite de notes affables répétée tout du long et de plus en plus anéantie par des vagues successives
de nappes et de mouvements abstraits. La première chose qui me vient à l’esprit, c’est ‘Confield’ d’Autechre,
quinze ans avant l’heure, et interprété au piano préparé. C’est encore plus flagrant sur le ‘Vierte Studie’ à
rapprocher de ‘Cfern’. Certaines accumulations de vagues sont réellement effrayantes telles ‘Studie für Henry’
où les grincements métalliques prennent partie, au milieu d’un ouragan bruitiste. Certaines pièces sont plus
orienté ambient tandis que d’autres semblent prédire les cauchemars d’Akira Yamaoka (‘Die Krämer Im
Tempel’). Les agencements de notes se font de façon musculaires, flexibles si bon qu’on se demande si ce
n’est pas le piano qui respire à notre place dans ces lieux confinés et poussiéreux. Le rendu vieillot de
l’enregistrement (et ce malgré l’amélioration du son sur la réédition) sert tout à fait le propos, pour une musique
dérangeante et habitée, en nuances de gris et noir. A redécouvrir absolument.
Note : 5/6
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SIGILLUM DEI : s/t
Chronique réalisée par Wotzenknecht
La première chose qu’impose Sigillum Dei, c’est le silence. Il ne le réclame pas : il le déploie lui-même.
D’immenses vagues qui semblent venir d’un reflux abyssal parviennent jusqu’aux oreilles et souffle toutes les
basses fréquences jusqu’à en faire trembler les vitres. Dans une austérité quasi-monacale, les titres s’étendent,
creusent l’espace auditif pour lui faire atteindre des proportions insoupçonnées. C’est bien là la grande force
du projet : la qualité et la profondeur sonore des résonances. On navigue, on flotte dans un vide que l’on ne
peut que s’inventer. Imaginez Lustmord qui tenterait de chercher un nouveau cauchemar à habiter, mais qui ne
ferai que sonder le vide qui les séparent. Sonde que l’on retrouvera sur ‘Risen from forgotten pits’ où les
pulsations trouvent un écho dans un gouffre vertigineux. Parfois, très loin, résonne quelque chose d’autre –
une vieille radio, un chant étouffé – et nous ramène aux formations ayant déjà œuvré dans ces limbes irréelles
(The Caretaker en écoutant ‘Moonlight Falls on Sightless Eyes’, mais aussi Aphex Twin sur ‘Selected Ambient
Works vol.II’). Je regrette juste un aspect linéaire – on plane sans oser plonger – qui fait que le voyage est
glaçant mais rarement effrayant, mais qui ne tombe jamais dans l’ennui, grâce à une judicieuse séparation des
titres sur deux disques et une constante mutation du son. La mise en musique des fluctuations quantiques du
vide ? Abyssal et vertigineux, au risque de me répéter.
Note : 4/6
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KLINGWALL (Fredrik) : Chronicles in decay
Chronique réalisée par Wotzenknecht
(Muzak : antonomase désignant la musique d’ascenseur, de remplissage, sans autre nécessité que de combler
les trous dans l’espace sonore). Alors pour vos soirées d’Halloween à l’américaine, si vous avez envie de
mettre autre chose que la BO de Batman mais que vous n’êtes pas assez riche pour vous payer les services de
Midnight Syndicate, pensez à Frederik ! Il compose pour vous des thèmes dark au kilomètre. Pas un défaut, ni
une once d’originalité, rassurez-vous : dès les premières secondes, ambiance gothico-lugubre garantie. A
mi-chemin entre un Danny Elfman en toc et les BO de Warcraft (premier du nom), sympathique portfolio pour
bosser en freelance mais inutile en tant que musique.
Note : 3/6
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BETA CLOUD : Nephology
Chronique réalisée par Wotzenknecht
La néphologie, c’est l’étude des types de nuages et de leurs comportements. Le nuage… de par sa versatilité,
sa discrétion et son omniprésence, voilà un objet qui convient parfaitement pour illustrer l’ambient. On en voit
même quelques traces sur la couverture de ‘Music for Airports’. Beta Cloud s’efforce de pousser un peu plus
loin la ressemblance avec un premier album qui ravira les fans de Zoviet France et du Hafler Trio. Deux petits
titres grinçants entourent trois nuages massifs ‘Stratus’, ‘Cumulus’ et ‘Nimbus’ qui se déploient sous forme de
drones extensibles rempli de mouvements internes illustrant les phénomènes météorologiques naturels. Les
trois mouvements s’imbriquent fort bien (les silences entre chaque piste paraissent de trop) et dans cet espace
aéré et venteux, quelques notes surgissent, des clochettes résonnent, puis leur écho se noie dans l’opacité
brumeuse du son, qui revient peu à peu à son état initial (‘Nimbus’ termine sur le même son qui ouvre
‘Stratus’). Quelques notes éparses nous ramènent les pieds sur terre. On ne s’étonnera pas de savoir que Beta
Cloud a tourné avec Aidan Baker, Sleep Research Facility… Si vous êtes familiers avec cette scène, nul doute
que Beta Cloud est à suivre ! Bel effort pour un premier essai.
Note : 4/6
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THE THE : Dusk
Chronique réalisée par Raven
The The… Pour m’occuper du cas de cette entité fabuleuse créée par Matt Johnson, j’aurais dû, ‘logiquement’,
commencer par Infected ou tout autre album antérieur… mais non. Je ne ferais que me défiler… comme
toujours. Me défiler devant ces rares albums faisant partie de ma chair, du Panthéon des Panthéons… me
défiler devant les albums de ma vie tout simplement. Dusk est le second de ces disques dont je vous parle,
après A Secret Life de Marianne Faithfull. Il y’en aura peu d’autres, et à chaque fois que je devrais en livrer un
en pâture, ce sera douloureux. C’est donc dans un effort presque surhumain (j’hésite pas à en rajouter une
bonne dose sur le pathos, on sait jamais) que je m’attelle à cette chronique qui sera fastidieuse pour vous
comme pour moi. Indépendamment de toute ces appréciations exacerbées et impudiques qui me sont chères,
le fait est que Dusk représente à mes yeux l’œuvre la plus personnelle et la plus touchante de son maître.
Premier point capital. Un disque de pop/folk d’une rare beauté dont la grâce n’a d’égal que la simplicité. Les
sonorités electro un brin flippées font partie du passé désormais, pour laisser place à des ambiances légères
mais profondes, teintées blues et conçues comme des chansons de crooner… Depuis Mind Bomb, Matt
Johnson a trouvé en Johnny Marr - l’ex-guitariste des Smiths – une main précieuse, prompte à mettre en forme
les mélodies simples et touchantes sur lesquelles le chanteur parviendra à laisser voguer sa fausse candeur
mêlée de cynisme. Dès le premier titre on est plongé dans cette ambiance intimiste : une foule qui applaudit et
se marre en fond, la guitare de Marr tissant ses mélodies fragiles, et, devant, collée contre nos oreilles, la voix
étrange de Matt, seul, qui se livre lui-même, et fera de même tout au long du disque : une voix gorgée d’émotion
et si proche, une âme tout simplement. C’est dans un titre comme "Love Is Stronger Than Death" que tout le
lyrisme bouleversant et la fausse naïveté du disque trouvent leur climax. Love love, love… love love, looove…
aaah, quelle grâce. Un titre enjoué comme "Slow Emotion Replay", dominé par un harmonica lumineux et les
notes plus cristallines et smithiennes que jamais, poursuit dans cette voix faussement naïve et joyeuse,
presque aveuglante d’émotion brute, et laisse s’envoler l’incompréhension de soi-même avec une rare
justesse… “Everybody knows what’s going wrong in the world, but I don’t know what’s going on in myself”.
Matt Johnson livre avec Dusk non seulement son album le plus abouti, mais aussi ses paroles les plus justes,
slalomant entre les illusions et les désillusions, scrutant le vide de chaque vie, son absurdité, autant de
chansons à s’envoyer en pleine solitude, en plein isolement, autant d’aquarelles douces-amères… on retrouve
cette saveur même dans les titres a priori insignifiants, comme "Dogs Of Lust", limite Elvis, "Sodium Light
Baby", bluesly, ou "This Is The Night", tout ce qu’un piano et une voix peuvent livrer de plus poignant.
”Helpline Operator”, envoûtant et nocturne, irrésistible… « Lung Shadows », d’un calme et d’une sérénité qui
ressemble à celle de l’homme attendant la mort, perché au sommet d’un immeuble, contemplant la vie qui
commence à s’activer en bas, les voitures, les gens, les fourmis. C’est ce court instant d’apaisement intérieur
avant le plongeon dans le vide. Et pourtant, ce n’est qu’une ambiance jazzy, un piano léger, un saxo lointain qui
gémit tout doucement… "Bluer Than Midnight" laisse une impression similaire, mais moins envoûtante.
L’album s’achève sur un "Lonely Planet" presque trop léger mais magnifique, et la phrase qu’il laisse, qui
ressemble à un slogan publicitaire : « If you can’t change the world, change yourself ». Le lyrisme de toutes ces
chansons est absolu. Il prend à la gorge, sans artefacts, sans manigances ni traquenards. La mélancolie
dégagée par cet album touche au cœur. Fragilité et courage de faire face… Les disques comme celui-ci sont
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rarissimes et précieux. C’est la solitude qui est thème central, la noirceur qui motive chaque note, mais ça, on
ne le voit pas au premier regard. Du reste rien ne m’étonne dans le fait que cet album aie rencontré un grand
succès, c’est presque un pied de nez. Pour moi, Dusk est l’antithèse d’albums comme Pornography par
exemple : plutôt que de se livrer à des flots de pleurs et des torsions de douleur, on cache les larmes, on cache
les blessures, derrière un optimisme impossible, derrière un grand sourire un peu niais, pour faire comme si de
rien n’était auprès de la famille, des amis. Mais à l’intérieur… ah, à l’intérieur… on saigne. Il faut tenir le coup,
en se mentant – en sachant qu’on se ment. En se disant qu’l’amour est plus fort que la Mort, et autres banalités,
chantées à tue-tête, répétées à corps et à cri, pour exorciser ce mal être qui brûle en dedans, pour faire en sorte
qu’il ne contamine pas les autres. Pour sourire face à l’inéluctable fin qui nous attend…
Note : 6/6
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ELECTRIC WIZARD : Witchcult today
Chronique réalisée par Chris
Electric Wizard est de retour, abandonnant le décidément très éphémère "The" qui s'était collé à son nom sur
leur précédent (et excellent) album "We live", qui avait montré un groupe, certes lourdement recomposé, mais
parfaitement maître de lui même et de sa musique. Pour preuve "We live" tourne encore relativement
fréquemment sur ma platine plus de 2 ans après sa sortie c'est dire... Mais aujourd'hui quid de son successeur
? Tout d'abord, pas de véritable changement de cap à mentionner. Electric Wizard reste Electric Wizard. Le
groupe continue donc à distiller un doom sale au son noir et étouffé, Un son bien poisseux et vintage comme il
en a le secret, et sur lequel les instruments forment un magma pesant et saturé. La voix trainante et lointaine de
Justin Oborn accentue un peu plus l'atmosphère étrange et morbide de l'ensemble. Sur "Witchcult today",
Electric Wizard a conçu des compositions assez glauques, un peu à la manière d'une bande son de film de
vampires. Le paroxysme est atteint sur "Black magic rituals and perversions" dont les ambiances de messes
noires et autres manifestations sataniques souterraines font sensation. Comme d'habitude, le groupe confirme
qu'il n'est jamais aussi jouissif que lorsqu'il s'abandonne et laisse sa musique suivre son propre court, libérant
ainsi ses guitares dans des exercices souvent très inspirés et malheureusement trop rares à mon goût sur cet
album. En effet, cette nouvelle livraison manque indéniablement d'un morceau bien long et bien débridé à la
"Saturn's children". C'est surtout en cela que je trouve "Witchcult today" un poil moins bon que son
prédécesseur, même si je dois reconnaître la classe de l'ensemble. Je sais, je fais mon difficile, mais bon...
Note : 4/6
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TEDSTONE (Peter) : Timestorm
Chronique réalisée par Phaedream
Peter Tedstone est loin d’être un nouveau venu sur la scène de la MÉ. Timestorm est son 15ième opus et il
passe silencieusement dans les bacs. Pourtant c’est sans doute l’une des plus agréables surprises en 2007.
Timestorm est un habile mélange de Mé de style Berlin School, arrimé aux forces motrices d’une England
School agressive et percutante. Actif depuis 1981, avec Demo, le synthésiste Anglais nous présente son 2ième
opus de la série Time dédié à la Berlin School.
Si Twilight est un vent flûté aux arômes spatiaux, Monoceros est un titre plus nerveux qui s’amarre à un
séquenceur bouclé d’une lourdeur spiralée. Les synthés stagnent dans cet univers pesant, avant de décoller
sur des frappes de percussions aux martèlements hypnotiques. Le tempo est lourd et cadencé, comme une
marche romaine électronique. Le mouvement se dissocie pour éventer une superbe séquence bouclée qui
circule dans une sphère échotique avant de retrouver sa forme initiale, sous des déchirements synthétisés. Un
beau morceau qui nous initiera au monde enivrant de Timestorm.
Tedstone aime les atmosphères nébuleuses, un peu comme Jarre aimait entourer les rythmes sur Oxygene et
Equinoxe. Sur Timestorm, ces nébulosités imprègnent l’œuvre d’un caractère cosmique d’une étrange opacité.
Ainsi les intros sont soyeuses et abondamment atmosphériques où flûtes mellotronnées, synthés vaporeux,
oracles gothiques et atmosphères stellaires initient des ouvertures à la dérive. Mais chaque titre débouche sur
des rythmes hypnotiques où les séquenceurs et percussions électroniques animent des cadences soutenues,
tous aromatisées de synthés fluides aux brefs solos, mais aux arpèges consistantes. Ainsi, la mélodie est au
rendez-vous sur des rythmes vivants et entraînants où séquenceurs et percussions s’unissent sur des
cadences à la dérive, mais en constante évolution. Des rythmes aux développements particuliers et aux
modulations aléatoires qui nourrissent une passion renouvelée à chaque écoute. À ce niveau, Oscillator et
Emulating sont de pures merveilles, de même que la finale de la pièce Timestorm.
La pièce titre est plus atmosphérique, démontrant la maîtrise des ambiances de Peter Tedstone. L’intro est
lente, mais étapiste. Les couches atmosphériques se multiplient, filtrant une richesse électronique dense au
travers des alvéoles synthétisées. Tranquillement, les synthés ouvrent une boucle intemporelle qui débouche
sur un fabuleux séquenceur hoquetant, qui roule sur des percussions au pilonnage compulsif. Le rythme casse
à plusieurs moments, donnant l’impression d’une constante hésitation qui sert de prétexte à un beau synthé
aux solos sinueux et aux arpèges mélodieux.
Furie des synthés, atmosphères nébuleuses, séquences et percussions martelantes sur des rythmes
captivants, tel est l’univers sonore de Timestorm. Un superbe mélange des 2 écoles de pensées en MÉ avec
des les solos de synthé fortement élaborés, ldes nébulosités astrales sur un modèle hypnotique et des
séquenceurs en boucle qui bouillonnent constamment. Le rythme étrangement retiré des mouvements
statiques confère à Timestorm une sonorité unique, qui dépasse ce que la traditionnelle Berlin School nous
avait habituée. C’est dommage qu’il y ait peu d’informations sur Peter Tedstone, car sa musique est
intéressante et empreinte d’une étrange beauté.
Par contre, en effectuant des recherches sur Internet, on peut se procurer des EP tout à fait gratuits. Allez au
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site suivant; http://www.archive.org/details/PeterTedstoneZeon. Ça va vous donnez une petite idée, quoique ce
ne soit pas très représentatif de Timestorm.
Note : 5/6
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RICH Robert & REUTER Markus : Eleven Questions
Chronique réalisée par Phaedream
Une union Robert Rich et Markus Reuter ne peut donner qu’un étonnant résultat. 11 Questions pour 13 pièces
de musique, tous commençant par la lettre R! On pourrait croire que nous nageons en plein délire tétanisé où la
fusion de deux alchimistes des sons bouillonne à la croisée de leurs imaginations. Composé en une seule
semaine, 11 Questions est un album qu’il faut écouter avec une ouverture sur un monde culturel tribal, où les
flûtes se mêlent subtilement aux guitares dans une atmosphère aride.
Des titres étranges et sombres, comme Reductive, le ténébreux Remote qui gronde sur des percussions
ogresses, Reluctant, Refuse et le lourd Remainder aux titres plus charmeurs, mais toujours aussi ténébreux,
comme Reminder, Recall, Relative et son style jazzé vaporeux, Refuge avec une nostalgie noire, Rebirth et sa
douceur qui flotte sur une six cordes aux notes acérées suscitent un étrange envoûtement. On peut même
entendre des titres aux rythmes lourds et lents, versant dans une sensualité inexplorée, comme Retention et sa
lourde basse, Redemption et son égarement atmosphérique. Bref, les territoires musicaux y sont tous visités
avec une lourdeur atonique qui parvient à attirer une curiosité auditive. Les voix, ainsi que les flûtes, y sont
superbes et se marient bien aux étranges élucubrations musicales qui émanent de partout, comme
d’inquiétantes réverbérations qui se moulent à d’intenses mouvements des rituels désertiques.
Détruisant les mythes d’une musique atonique en perdition, Rich et Reuters réussissent à produire 13 titres,
tous autant étranges les uns des autres, dans un contexte d’une étanchéité artistique indéfinissable. Fermés
comme des huîtres, le duo éclectique produit un univers sonore totalement dépourvu de sous entendu, pour
offrir une originalité qui ne se fredonne pas, mais qui contient des onces de mélodie qui accroche autant l’ouïe
que les sens.
Note : 4/6
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Informations
Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com.
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Table des matières
Les interviews............................................................................................................................................................................. 3
MISERY LOVES CO. - (interview réalisée par Nicko, pokemonslaughter)..................................................................... 4
Les chroniques de concerts ....................................................................................................................................................... 7
Asobi Seksu, le 31 octobre 2007, au Korova, Liverpool : bi Seksu, le 31 octobre 2007, au Korova, Liverpool - (concert 8chroniqu
KINDERTOTENLIEDER : DERTOTENLIEDER - (concert chroniqué par Wotzenknecht) ........................................ 10
Les chroniques ......................................................................................................................................................................... 11
REDSHIFT : Last............................................................................................................................................................. 12
ARC : Fracture ................................................................................................................................................................. 14
AUTECHRE : Basscad EP............................................................................................................................................... 15
AUTECHRE : Cichlisuite ................................................................................................................................................ 16
THE ADICTS : Fifth overture.......................................................................................................................................... 17
THE ADICTS : 27............................................................................................................................................................ 18
ALCHEMIST : Tripsis..................................................................................................................................................... 19
THE GUESTS : ...In silence............................................................................................................................................. 20
MEMBRANE : A story of blood and violence ................................................................................................................ 21
BLOOD BROTHERS : Young machetes ........................................................................................................................ 22
IANVA : l' Occidente ....................................................................................................................................................... 23
COLLOQUIO : Si muove e ride ...................................................................................................................................... 24
DJ RUSH : Childs play .................................................................................................................................................... 25
PHANTOM ROCKERS : 20 years and still kicking ....................................................................................................... 26
COMPILATION DIVERS : Void.................................................................................................................................... 27
COMPILATION DIVERS : Full ..................................................................................................................................... 28
THE CHERRY POINT : Black Witchery........................................................................................................................ 29
LHD : Curtains ................................................................................................................................................................. 30
BLACKGOAT : Sabbatic 5 Goat..................................................................................................................................... 31
THE IVY PROJECT : From the past pain ....................................................................................................................... 32
SZCZEPANIK (Nicholas) : Astilbe Rubra ...................................................................................................................... 33
REVEREND BIZARRE : So long suckers ...................................................................................................................... 34
ASTROVAMPS : Gods and monsters ............................................................................................................................. 35
COMPILATION DIVERS : An anthology of noise & electronic music : second a-chronology 1936 - 2003 (volume #2)
36
EARTHLING : Humandust.............................................................................................................................................. 38
PRESSURE DROP : Elusive ........................................................................................................................................... 41
JACQUY BITCH : Stories from the old years................................................................................................................. 43
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AGNEW (Rikk) : All by myself....................................................................................................................................... 44
HISAISHI (Joe) : Joe Hisaishi meets Kitano films.......................................................................................................... 45
ZAUBER : Deep inside myself ........................................................................................................................................ 47
JARMAN (1942 - 1994) (Derek) : Blue .......................................................................................................................... 48
CHRISTIAN DEATH : Born again anti christian............................................................................................................ 49
COSMIC HOFFMANN : Space Gems ............................................................................................................................ 51
BANDE ORIGINALE DE FILM : The Crow ................................................................................................................. 53
VENETIAN SNARES : The chocolate wheelchair album .............................................................................................. 54
THE SMITHS : Louder than bombs ................................................................................................................................ 55
AUBE & ZBIGNIEW KARKOWSKI : Mutation .......................................................................................................... 56
KAWAI (Kenji) : Avalon................................................................................................................................................. 57
HYPNOSPHERE : Within The Whirl.............................................................................................................................. 59
HYPNOSPHERE : Magnetism ........................................................................................................................................ 60
FAITHFULL (Marianne) : A Secret Life......................................................................................................................... 61
KATAR : Paradigma Digitized ........................................................................................................................................ 63
LFO : Sheath .................................................................................................................................................................... 64
KYUSS : Wretch .............................................................................................................................................................. 65
CRIPPLED BLACK PHOENIX : A love of shared disasters.......................................................................................... 66
COHEN (Leonard) : The Future ...................................................................................................................................... 67
SYNTH.nl : AeroDynamics ............................................................................................................................................. 69
MAKE A CHANGE... KILL YOURSELF : Make A Change... Kill Yourself ............................................................... 70
MONO : Gone - A collection of EP's 2000_2007............................................................................................................ 71
BODY COUNT : Body Count ......................................................................................................................................... 72
THROBBING GRISTLE : Part Two : The Endless Not.................................................................................................. 73
BODY COUNT : Born Dead ........................................................................................................................................... 74
CAVE AND THE BAD SEEDS (Nick) : No More Shall We Part.................................................................................. 75
BANDE ORIGINALE DE FILM : Irréversible ............................................................................................................... 77
EXPOSED : Inside The Cube .......................................................................................................................................... 79
EXPOSED : Outside The Cube........................................................................................................................................ 80
THE ADOLESCENTS : The complete demos 1980-86 .................................................................................................. 81
WHITE ROSE MOVEMENT : Kick............................................................................................................................... 82
GUS GUS : This Is Normal.............................................................................................................................................. 83
LAIBACH : Opus Dei...................................................................................................................................................... 85
MEMORY GEIST : Funeral Cavern................................................................................................................................ 87
T.S.O.L. : Dance with me................................................................................................................................................. 88
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LACK OF KNOWLEDGE : Americanized..................................................................................................................... 89
THERAPY? : Infernal Love............................................................................................................................................. 90
THE AMENTA : Occasus................................................................................................................................................ 92
BANDE ORIGINALE DE FILM : Songs In The Key Of X: Music From And Inspired By The X-Files...................... 93
KYUSS : Blues for the red sun ........................................................................................................................................ 94
COIL : The Ape of Naples ............................................................................................................................................... 96
FANGER & SCHONWALDER : Analog Overdose 4 .................................................................................................... 97
FANGER & SCHONWALDER : Analog Overdose 4+.................................................................................................. 99
POP (Iggy) : Avenue B .................................................................................................................................................. 100
WOLFSHEIM : Spectators ............................................................................................................................................ 102
MERZBOW / PAN SONIC : V ..................................................................................................................................... 103
CODE 314 & MATHIAS B : The soft (remixed) machine project 2 ............................................................................ 104
PANOPTICON : Bootleg 1.0 : PaNoPTiCoN live @ DNA .......................................................................................... 105
LIGHT COLLAPSE : Opus #1022005 .......................................................................................................................... 106
UNSANE : Total Destruction......................................................................................................................................... 107
UNSANE : Scattered, Smothered & Covered................................................................................................................ 109
POP (Iggy) : American Caesar....................................................................................................................................... 111
WHITEHOUSE : New Britain ....................................................................................................................................... 113
WHITEHOUSE : Psychopathia Sexualis....................................................................................................................... 114
CONVERTER : Blast Furnace....................................................................................................................................... 115
MERZBOW : Merzbird.................................................................................................................................................. 116
IMPIETY : Formidonis nex cultus................................................................................................................................. 117
BINAIRE : Filth abhors filth.......................................................................................................................................... 118
DEATHSPELL OMEGA : Fas - Ite, maledicti, in ignem aeternum.............................................................................. 119
BINAIRE : Bete noire .................................................................................................................................................... 120
TROUBLE : Trouble...................................................................................................................................................... 121
DISCIPLES OF ANNIHILATION : New York City Speedcore................................................................................... 123
NADJA : Touched.......................................................................................................................................................... 124
MUSE : Absolution ........................................................................................................................................................ 125
DAEMONIA NYMPHE : Krataia Asterope .................................................................................................................. 126
UNTIL DEATH OVERTAKES ME : Prelude to monolith........................................................................................... 127
ALICE IN CHAINS : Sap .............................................................................................................................................. 128
THE KOVENANT : Animatronic.................................................................................................................................. 130
ROLAND (Paul) : Re-animator ..................................................................................................................................... 132
COCTEAU TWINS : Heaven Or Las Vegas ................................................................................................................. 133
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NOVEMBER NÖVELET : Magic................................................................................................................................. 134
FRONT 242 : Tyranny (For You) .................................................................................................................................. 135
POP (Iggy) : Beat Em Up............................................................................................................................................... 136
RADIO MASSACRE INTERNATIONAL : Rain Falls In Grey................................................................................... 137
RADIO MASSACRE INTERNATIONAL : Blacker.................................................................................................... 138
VOLT : Nucleosynthesis ................................................................................................................................................ 139
JESUS JONES : Perverse............................................................................................................................................... 140
TIETCHENS (Asmus) : Notturno.................................................................................................................................. 141
SIGILLUM DEI : s/t ...................................................................................................................................................... 142
KLINGWALL (Fredrik) : Chronicles in decay.............................................................................................................. 143
BETA CLOUD : Nephology.......................................................................................................................................... 144
THE THE : Dusk............................................................................................................................................................ 145
ELECTRIC WIZARD : Witchcult today ....................................................................................................................... 147
TEDSTONE (Peter) : Timestorm................................................................................................................................... 148
RICH Robert & REUTER Markus : Eleven Questions ................................................................................................. 150
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