Mobilité 21 - Questionnaire Projet A51

Transcription

Mobilité 21 - Questionnaire Projet A51
Commission Mobilité 21
Questionnaire projet
Le présent questionnaire est destiné à fournir à la commission « Mobilité 21 » les éléments
nécessaires à son travail d'évaluation et de hiérarchisation des projets. Pour cette raison, le
plus grand soin doit être apporté à son remplissage en étant toutefois synthétique et factuel
dans les appréciations qualitatives. Dans le cas où certaines informations ne seraient pas
disponibles, faire figurer dans les cases correspondantes la mention « non disponible » en
précisant les raisons de cette indisponibilité.
Nom du projet :
Février 2013
A51 Col du Fau – La Saulce
1
Descriptif du projet
En quoi consiste le projet (nature, linéaire concerné, territoires desservis, etc.).
Le projet consiste officiellement à réaliser une portion de l’autoroute A51 entre le « Col du Fau »
(Isère) et « La Saulce » (Hautes-Alpes).
Dans le cadre de ce projet autoroutier, deux tracés différents ont été étudiés : le tracé à l’Est de Gap
(Hautes-Alpes) et le tracé par l'Ouest de Gap, passant par Lus la Croix-Haute (Drôme) - voir le détail
des tracés en Annexe 1.
Suite aux conclusions du débat public de 20051, l’État a marqué sa préférence pour le tracé à l'Est de
Gap et rien ne permet d'affirmer aujourd'hui que le tracé par l'Ouest de Gap pourrait être étudié par la
Commission Mobilité 21. C'est pourquoi nous avons concentré notre étude sur ce tracé par l'Est de
Gap. Toutefois, nous sommes opposés à une solution autoroutière quel que soit son tracé et faute de
temps, nous ne vous communiquons qu'une synthèse des inconvénients de l'A51 par l'Ouest de Gap.
(voir en pièce jointe).
Bien qu’il soit question d’« achever » l’autoroute A51 Grenoble – Sisteron, en réalisant ce « chaînon
manquant » Col du Fau – La Saulce, le terme « achever » n'est en vérité pas recevable car le conseil
d'Etat a déclaré la section Grenoble – Col du Fau « autonome » en 19952.
À quoi sert le projet ? Que permet-il ? Préciser les conséquences de sa non-réalisation
Le projet d'autoroute est censé répondre aux besoins de transports entre Grenoble et Sisteron et
désenclaver la ville de Gap.
Nous allons démontrer que ce projet ne permet pas d'atteindre ces objectifs. Au contraire, sa nonréalisation serait bénéfique aux territoires concernés à la condition que les solutions alternatives,
aménagement de la RN85 et de la RD1075 et de modernisation de la voie ferrée Grenoble-VeynesGap, soient mises en place.
Cet argumentaire se concentre principalement sur le territoire du Trièves, lieu de vie du collectif
d'habitants auteur de ce dossier.
Trafic ou fréquentation attendus à la mise en service (par exemple : VL et PL/J,
nombre de voyageurs/jour, tonnes/jour, EVP). Préciser la date de l'estimation.
Trafic sur-évalué
Les estimations de trafic du débat public de 2005 étaient largement surévaluées, se basant sur une
augmentation régulière du trafic.
Il était annoncé3 pour 2020 entre Lus-La-Croix-Haute et Clelles (Isère - sur la RD 1075) 8 400 à 8 700
v/j, contre 4 800 v/j constatés en 2000 ; entre Gap et Chauffayer (Hautes-Alpes, sur la RN 85) 8 300 à
8 600 v/j, contre 6 400 v/j en 2000.
1
Débat public « Liaison Grenoble-Sisteron » http://www.debatpublic.fr/docs/compte-rendu/compterendu+cpdp+lgs.pdf
2
Décision N°: 156788-156789-156790-156791-156804-156805 du 10 novembre 1995
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2
L’estimation au niveau du col de la Croix Haute (entre Lus-La-Croix-Haute et Clelles) sur la RD 1075
cerne au mieux le trafic de transit, alors que, pour le col Bayard sur la RN 85, un trafic pendulaire de
Chauffayer vers Gap constitue une bonne partie du trafic.
Dans le même dossier, le trafic pour l’A51 par Gap était estimé à 14 000 v/j à l’horizon 2020.
Or, depuis quelques années, les modèles de croissance du trafic, qu’ils soient routier ou autoroutier, ne
sont plus conformes à la réalité. En effet, ils sont basés sur une hypothèse de croissance du PIB
entre 1,9 et 2,3%, hypothèse qui n’est plus vérifiée depuis 2008 : - 0,1% en 2008, - 3,1% en 2009, +
1,7% en 2010, et +1,7% en 2011. Pour 2012, la croissance est nulle selon l'INSEE4.
A titre indicatif, en Espagne, la crise économique actuelle a fait chuter le trafic autoroutier au niveau
de celui de 1998, de nombreuses sociétés autoroutières connaissent une situation financière
catastrophique, trois sont en cessation de paiement5.
Par ailleurs, les prévisions du débat public de 2005 s’appuyaient sur des prix du pétrole situés entre
30$ et 60$ le baril, alors qu’il est voisin de 100$ depuis 5 ans6 et a connu des pics à 150$. En 2030, le
pétrole coûtera probablement beaucoup plus cher qu’aujourd’hui car il sera plus rare ou difficile à
extraire.
Enfin, le comportement des automobilistes change : le covoiturage se développe fortement depuis
quelques années (nombre de sites de covoiturage, publics ou privés, nombre de salariés, parkings
spécifiques), les TGV, TER et autocars captent une partie croissante du trafic automobile dès lors que
l’offre est attractive. A titre d’exemple, suite à la réalisation de la ligne TGV jusqu’à Marseille, "(...) le
trafic sur l'A7 diminue de 1950 véhicules légers par jour entre 2002 et 2004.(...). Le trafic détourné de
la route sur le TGV est estimé à 1,2 million de voyageurs en 2004, comme dans le dossier d'enquête
publique." 7
Dans ce contexte, qui peut affirmer qu’une autoroute sera adaptée aux moyens de transports de 2030 ?
Rentabilité et trafic
Une autoroute de plaine est rentable à partir de 20 000 v/j. Or l'A51 est une autoroute de montagne,
beaucoup plus chère, à la construction comme à l'entretien. Même en prenant en compte les
évaluations du Débat public – largement sur-évaluées – de 14 000 véhicules par jour, elle ne sera
jamais rentable.
La seule marge de manœuvre est le prix du péage, mais plus il est cher moins l’autoroute est
fréquentée, surtout en période de crise économique. Dans un article récent du Dauphiné Libéré8
(article disponible en Annexe 2), un responsable de l’AREA justifie le coût du péage très élevé pour le
secteur Grenoble – Col du Fau (3,30 € pour 30 km) par la technicité des ouvrages, les conditions
hivernales en montagne et la faiblesse du trafic (moins de 6000 v/j).
La technicité de la section à construire Col du Fau – La Saulce, avec 22 viaducs d’une longueur totale
de plus de 7 km, 2 tunnels, dont les deux ouvrages qui constituent des défis technologiques
mondiaux (viaduc de l’Ebron et tunnel du Farault, voir la section « niveau d’avancement des
études »), les conditions hivernales encore plus difficiles qu’au nord du col du Fau, ainsi que les
3
4
Dossier du Débat public « Liaison Grenoble-Sisteron » (2005)
http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=26
5
http://www.rfi.fr/emission/20121031-espagne-trois-societes-exploitation-autoroutes-sont-cessation-paiment
http://prixdubaril.com/
7
Bilan LOTI de la LGV Méditerranée, étude RFF et SNCF, juin 2007
8
Le Dauphiné Libéré (31/01/2013) : http://www.ledauphine.com/economie-et-finance/2013/01/31/autoroute-dutrieves-pourquoi-elle-est-si-chere
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faibles prévisions de trafic, font que le prix du péage de cette nouvelle section serait lui aussi très
élevé.
Les frais d’exploitation comprendront le salage, le déneigement, ainsi que la lutte spécifique contre les
congères. Le col du Fau, le col de Cornillon, le plateau de Cordéac – Pellafol, le col de Manse (1268m,
record d’altitude pour une autoroute en France) et ses deux versants sont des zones qui cumulent un
fort enneigement, des vents puissants et des congères fréquentes.
Les trafics constatés aujourd’hui permettent d’affirmer que les voies existantes (la RD1075 et la RN
85) ont largement la capacité de les absorber, à condition d’être aménagées. Le prix probablement très
élevé du péage du secteur à construire de l’A51 serait très dissuasif (et ferait donc baisser la
fréquentation envisagées) et laisse à supposer que l’A51 serait extrêmement déficitaire.
Le projet peut-il être réalisé par tranches fonctionnelles successives ? Si oui, indiquez les
phases, la manière dont elles s’enchaînent, leur durée respective de réalisation, ce
qu’elles permettent, leurs coûts respectifs, la durée de réalisation de l’ensemble du
projet phasé.
Seule la tranche « La Saulce – La Bâtie (Hautes-Alpes) », déjà inscrite dans le projet de SNIT de
manière autonome, pourrait être réalisée avant les autres, car techniquement plus facile à construire.
Cependant, elle serait extrêmement pénalisante pour l’environnement de l’étroite vallée de l’Avance,
et des zones Natura 2000 et zone d'intérêt pour la conservation des oiseaux de la Durance, alors que le
contournement de Gap, prévu depuis de nombreuses années, et une amélioration de la RN 85 entre la
Sauce et Gap et de la RN 94 entre Gap et La Bâtie, répondraient davantage aux besoins des Gapençais.
A noter que dans le projet A51, les échangeurs prévus à La Saulce (existant), à Jarjayes, à La Bâtie et à
St Bonnet (projets) sont fort éloignés de Gap !
Il n’est pas envisageable de séparer d’autres tranches de la réalisation d’ensemble, à cause des
ouvrages techniques extrêmement compliqués.
Durée des travaux de réalisation du projet à partir de leur engagement
D'après les données du débat public, les travaux de réalisation du projet sont estimés à 9 ans.
Il reste à prouver, compte tenu de la haute technicité de la réalisation du tunnel sous le Faraut et du
viaduc de l’Ebron, ainsi que le défi extrême qui consiste à pérenniser ces ouvrages, que cette durée
serait respectée.
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État d’avancement du projet
Année de mise à l'étude du projet
En 1987, l’autoroute Sisteron-Grenoble est inscrite au Schéma directeur routier national.
Le projet a-t-il fait l’objet d’un débat public ? Si oui, quand ?
Le projet était une des trois propositions (tracé par l’Est de Gap, tracé par l’Ouest de Gap et
aménagement des routes et voies ferrées existantes) étudiées lors du débat public de 20059, sur la
liaison entre Grenoble et Sisteron.
A noter que seul le tracé par l’Est de Gap a fait l’objet d’études approfondies avant le débat public. Le
débat public a été partagé entre partisans de l’A51, eux-mêmes divisés entre les deux tracés, et
partisans des aménagements de l’existant.
Après le débat le ministre des transports a choisi l’A51 par Gap, solution la plus coûteuse, la plus
destructrice de l’environnement et qui rallonge considérablement la distance entre Grenoble et
Sisteron (+ 42km).
Le projet est-il déclaré d’utilité publique, ou, le cas échéant, a-t-il fait l’objet d’une
déclaration de projet ? Si oui, quand ?
Non.
Quand le projet pourrait raisonnablement être mis en œuvre au regard de l’état
d’avancement des procédures et des études ?
Fin des travaux au plus tôt en 2030, en se référant aux données du débat public de 2005 : 8 années de
procédures et d’études et 9 années de travaux.
A cette date pèsent les plus grandes incertitudes sur les réserves de pétrole et son prix. En outre les
évolutions climatiques et le réchauffement de la planète pourraient amener les États à réduire
considérablement les pollutions, notamment les gaz à effet de serre, ce qui impacterait en profondeur
le trafic routier.
La réalisation de l’A51 serait totalement contraire avec les engagements pris par l’État Français lors du
Grenelle de l’environnement10 au sujet des transports (cf encadré ci-après).
9
Débat public « Liaison Grenoble-Sisteron » http://www.debatpublic.fr/docs/compte-rendu/compterendu+cpdp+lgs.pdf
10
Le grenelle de l’environnement : memento à l’usage des maires - Synthèse des mesures version actualisée
(Novembre 2010)
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« Diminuer de 20% des gaz à effet de serre d'ici 2020 de manière à les ramener à cette date au niveau
qu'elles avaient en 1990 » avec quatre grands axes établis :
« 1. Accorder la priorité en matière d'infrastructure à l’optimisation des réseaux existants et de leur
utilisation avant d'envisager leur développement
2. Limiter le développement des réseaux de transport à des objectifs spécifiques en organisant le
rééquilibrage de la demande de transport au profit des modes alternatifs à la route et à l’aérien (…) et
en redéfinissant le rôle de la route en conséquence et en cohérence avec l'ambition de ne plus
augmenter la capacité routière globale sauf pour éliminer des points de congestion, et des problèmes
de sécurité ou d'intérêt local
3. Conforter la prise en compte des exigences environnementales et de réduction des consommations
des espaces agricoles et naturels dans la mise en œuvre des politiques d'entretien, de modernisation et
de développement des réseaux d'infrastructures
4. Introduire des mesures destinées à améliorer les performances environnementales du trafic poids
lourds (...) »
A ce jour rien ne nous autorise à penser qu’une alternative au pétrole existe pour maintenir le trafic
automobile de transit au même niveau qu’aujourd’hui, les voitures électriques étant adaptées aux
trajets urbains mais pas au trafic de transit.
Niveau d’avancement des études (études d'opportunité, études préalables à la DUP,
études de niveau projet)
Les études connues sont celles fournies pour le débat public de 2005 (voir dossier du débat
public).Nous ne savons pas si, depuis 2005, la faisabilité technologique et la pérennité du viaduc de
l’Ebron et du tunnel sous le Faraut ont fait l'objet d'études approfondies.
Toujours-est-il qu’en février 2012, concernant le viaduc de l’Ebron et compte tenu de l’instabilité des
couches d’argile, l’ancienne ministre de l’environnement Mme Kosciusko-Morizet confirme
l’utilisation d’une partie « fusible » du viaduc pour faire face aux risques sismiques (voir le document
en Annexe 3).
Pour le tunnel du Faraut, il serait nécessaire de geler des couches de roches mouvantes à l’intérieur
du massif.
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Financement du projet
Coût du projet HT en euros 2012
2,5 milliards d’euros : coût estimatif communiqué durant le débat public – et réactualisé en tenant
compte de l’inflation.
A titre d’information, le seul tunnel sous le Faraut coûte 723 millions d’€ (somme réactualisée) pour
3,8 km !
Selon une étude SETRA, les prévisions sont sous-estimées de 30% 11. Par exemple, sur le tronçon
« Sisteron - La Saulce », « Le dépassement du coût des travaux est très important : +72% par rapport à
l'estimation de l'APS » 12.
Quelles sont les modalités de financement prévues?
75% d’argent public ?
Il est prévu un financement à 75 % d’argent public 13.
Les régions Rhône-Alpes et PACA ainsi que le département de l’Isère, ont délibéré en 2005 pour
annoncer qu'es ne financeraient pas le projet. Les deux seules collectivités territoriales prêtes à
financer une partie de l’A51, les départements des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence, ont
des moyens financiers faibles.
Les caisses de l'Etat peuvent-elles réellement financer un tel projet ?
Pas un euro d’argent public ?Le président du Conseil Général de l’Isère, à titre personnel, veut
relancer l’A51, mais « sans argent public »14.
Aujourd’hui, et malgré les sollicitations du président du Conseil Général de l'Isère et de la députée des
Hautes-Alpes, aucun concessionnaire d'autoroute ne s'est engagé à prendre en charge la totalité du
financement de l'A51.
Un partenariat public-privé ?
Un partenariat public-privé pourrait être envisagé, mais il risquerait de faire payer les collectivités si
l’A51 n’était pas rentable, ce qui risque d'être le cas... C’est ce qui se produit par exemple pour l’A65
Langon-Pau : trafic prévisionnel largement surévalué, déficit équivalent au chiffre d’affaire, clause
faisant prendre en charge le déficit par les collectivités territoriales … 15
11
SETRA, Analyse transversale de bilans LOTI de projets routiers, 2006.
Bilan LOTI A51 Sisteron - La Saulce (2009)
13
Dossier du Débat public « Liaison Grenoble-Sisteron » (2005)
14
Dauphiné Libéré : « A 51 : "enfin une bonne nouvelle”» (16 octobre 2012).
15
http://www.fne.asso.fr/fr/autoroute-a65-langon-pau-aeroport-notre-dame-des-landes-memes-causes-memeseffets.html?cmp_id=33&news_id=12933
12
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Existe-t-il une convention /un plan de financement ? Si oui, quels sont les signataires et
la date de signature ?
Non.
Quels seraient les montants pris en charge par les différents partenaires ?
Voir plus haut. Nous ne pouvons répondre à cette question car pour l'instant, il n'y a pas financement
connu et possible.
Comment les dépenses sont-elles étalées dans le temps, pour chaque partenaire ?
Il n’y a pas de plan de financement.
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Effets du projet (description synthétique)
Le projet contribue à la compétitivité économique, dans un cadre national et
international ? Si oui, préciser en quoi.
Beaucoup justifient l’achèvement de l’A51 par la politique de relance de l’emploi et de l’activité
économique dans le cadre de grands travaux. Mais, en réalité, la construction et l’exploitation d’une
autoroute est très peu créatrice d’emplois par rapport à la somme d’argent investie.
A titre d’exemple, les travaux de la section Grenoble-Coynelle ont créé l’équivalent de 300 emplois
temps plein pendant 4 ans et demi 16, pour 1,7 milliards de francs, soit 327 millions d’€, soit 243 200
€ par emploi à l’année (sommes en euros réactualisées)… On voit bien par ce simple calcul que le coût
de la main d’œuvre ne représente qu’une toute petite partie de l’argent injecté dans l’autoroute. Les
aménagements des routes existantes, que nous réclamons, sont beaucoup moins coûteux, et
permettraient d’utiliser principalement les entreprises locales du BTP, alors que pour l’A51 jusqu’au
col du Fau (section existante), elles ne se sont guère occupées que du terrassement. Ce sont des
entreprises spécialisées et non locales, pour la plupart très mécanisées et donc peu utilisatrices de main
d’œuvre, qui obtiennent les marchés des ouvrages de l’A51.
2,5 milliards d’€ sont-ils justifiés pour gagner 11 mn entre Grenoble et Marseille, 6 mn entre Marseille
et Gap, 34 mn entre Gap et Grenoble (chiffres du débat public de 2005) ?
Avec le prix d’un km d’autoroute Col du Fau - La Bâtie, 27 millions d’€, on peut financer, au choix, 2
collèges, 1 lycée, 2,5 EHPAD ou encore isoler des centaines de logements et en créer de nouveaux.
Grenoble, qui dispose dans son agglomération et dans le Grésivaudan voisin d’un pôle mondial
industriel, aurait besoin, selon certains, d’une autoroute vers le sud pour être désenclavée et se
développer ! Pourtant elle est déjà desservie par un aéroport, une autoroute la reliant à Valence et
Marseille, une autre à Lyon, une troisième à Chambéry, Annecy et Genève, de nombreux TGV vers
Paris, des TER… L’appel d’air autoroutier vers le sud ne serait absolument pas décisif pour le
développement économique de Grenoble mais il asphyxierait encore plus l’agglomération… (voir la
section « amélioration du cadre de vie/réduction des nuisances »).
Gap, ville commerciale, ne serait plus qu’à 1h10 de la concurrence des grandes surfaces et des galeries
grenobloises, ce qui ne devrait pas contribuer au maintien des commerces de proximité (sujet portant à
controverse lors du débat public de 2005). Il n’est pas certain non plus que Gap attirerait de
nombreuses entreprises nouvelles grâce à une autoroute déjà présente à une quinzaine de kilomètres au
sud : le contournement de Gap, déjà prévu, suffirait. Les transports de marchandises vers le nord par
une autoroute de montagne aux fortes pentes et aux contraintes hivernales six mois par an seraient-ils
un atout décisif pour attirer de nouvelles entreprises ?
Les stations touristiques des Hautes-Alpes vivent pour une bonne partie grâce à une clientèle du Midi.
Gagner 6mn de Marseille à Embrun ou Briançon en prolongeant l’A51 jusqu’à La Bâtie n’est pas
décisif.
Par contre, si l’A51 reliait Gap à Grenoble les stations iséroises et savoyardes attireraient davantage
les Méditerranéens … Certes, en sens inverse, l’A51 favoriserait aussi la fréquentation touristique des
16
Travaux n° 757 d’octobre 1999, revue du BTP
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Hautes-Alpes en captant un public nouveau venant du Nord. Mais le col du Lautaret continuerait
d’être bien utilisé depuis Grenoble vers Briançon, sans emprunter l’A51…
Les irrégularités climatiques liées au réchauffement de la planète, fragilisant les sports d’hiver, ainsi
qu’un changement de comportement des touristes, plus souvent qu’autrefois à la recherche d’un
tourisme doux et moins coûteux avec une meilleure répartition tout au long de l’année (effet conjugué
de la RTT et de la crise sociale), amènent à considérer d’autres modèles touristiques que les stations de
sports d’hiver à neige artificielle, ce qui peut remettre en question les déplacements de masse
concentrés qui souvent justifient les autoroutes…
En conclusion, réaliser le contournement de Gap, des aménagements sur les deux axes routiers RN 85
et RD 1075, moderniser la voie ferrée Grenoble-Veynes-Gap-Briançon, ainsi que Valence-Veynes et
Aix en Provence-Veynes, favoriseraient tout aussi bien la compétitivité économique du Dauphiné sans
porter gravement atteinte aux territoires traversés (voir parties suivantes).
Le projet permet-il de lutter contre la fracture territoriale entendue comme une
inégalité d’accès aux services de base (santé, emplois, commerces) et aux nœuds
d'échanges? Si oui, préciser en quoi.
Accès aux services
L’A51 permettrait en théorie d’accéder plus facilement aux services des villes reliées (Grenoble, Gap,
Sisteron), à condition d’habiter le long de son tracé et de pouvoir accéder facilement à un échangeur,
sans perte de temps excessive, et de disposer d’un véhicule puissant pour gravir les rampes à forte
déclivité (nettement plus forte sur l’A51 que sur la RD 1075, naturellement utilisée pour aller de
Grenoble à Sisteron ; à titre indicatif, de l’échangeur de Vif au col du Fau, depuis qu’une voie de
contournement de Vif a été réalisée, on va aussi vite par la RD 1075 que par l’A51 dans le sens de la
montée avec une petite cylindrée).
Aucun progrès d’accès aux services n’aurait lieu le long de la RD 1075 (canton de Clelles et vallée du
Buech) ni entre le nord du Beaumont, La Mure et Grenoble.
Pire, la saturation du trafic à l’entrée de l’agglomération grenobloise due au trafic supplémentaire
apporté par l’achèvement de l’A51, même avec une troisième voie sur l’A480, annulerait les gains de
temps d’approche, voire allongerait les temps de parcours, aux moments forts du trafic pendulaire vers
Grenoble, chaque matin et chaque fin d’après-midi de semaine (sauf en août), et pendant les weekends des vacances d’hiver et d’été, soit une vingtaine de WE par an.
Localisation des emplois et développement territorial
Les autoroutes renforcent la concentration des emplois dans les agglomérations reliées et assèchent les
territoires traversés, sauf si le développement économique (notamment au niveau des industries et des
services de pointe) de ces territoires est déjà fort avancé au moment de la réalisation de l’autoroute. Ce
qui n’est pas le cas du Trièves ni du Champsaur.
L’exemple du Trièves est significatif :
Le sud Trièves, privé d’autoroute, est fort bien placé dans la région grenobloise pour le rapport emploi
/ habitant. L’ensemble du Trièves, avec 0,26 emploi par habitant, est dans la moyenne hors
agglomération grenobloise, mais le canton de Monestier de Clermont, qui dispose de l’A51,
contrairement à ceux de Clelles et de Mens, dépend davantage de l’économie de l’agglomération
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grenobloise, avec 0,24 emploi par habitant. En proportion beaucoup moins d’habitants des cantons de
Clelles et de Mens les quittent quotidiennement pour aller travailler dans l’agglomération grenobloise.
Les solutions sont plus souvent locales, entre agriculture, tourisme doux, activités de services,
artisanat (notamment construction écologique) et petits projets économiques innovants. Ces solutions
ne sont pas négligeables, puisque les taux d’emploi par habitant sont de 0,26 pour le canton de Clelles
et de 0,30 pour celui de Mens. A titre de comparaison, le canton de Vizille et celui de Domène, fiefs
industriels, ont des taux respectifs de 0,22 et 0,21 emploi par habitant.
Entre 1999 et 2009, années de références de l’INSEE 17, l’A51 est arrivée à Monestier de Clermont. Le
nombre d’emplois situés dans le canton de Monestier de Clermont a augmenté, entre ces dix années,
de 11,5 %. Dans les cantons de Clelles et de Mens, sans autoroute, l’augmentation a été
respectivement de 12 et de 11 %. Le rôle de l’A51 n’est donc pas déterminant dans la création
d’emplois.
Les deux cantons du Trièves au sud du col du Fau présentent la particularité d’être parmi les cantons
les plus agricoles de France, en proportion d’emplois agricoles sur le total des actifs (12,5% dans le
canton de Mens), mixant agriculture paysanne et biologique, avec un nombre significatif
d’installations récentes. Il y avait 244 exploitations dans le Trièves en 2010 (source : chambre
d’agriculture de l’Isère). Une part élevée des exploitations est en production biologique (30
exploitations soit 12,3 % des exploitations, contre 2,5 % au niveau national et 3,4 % au niveau
régional). L’emprise agricole de l’A51 et l’effet de coupure seraient très importants : des centaines
d’hectares de bonnes terres perdus, des dizaines d’exploitations coupées en deux, l’image d’une
agriculture de qualité serait dégradée par l’A51. Un km d’autoroute en zone agricole, c’est 10 ha de
terres perdues.
Dans le Trièves, où la question des marges foncières est importante pour favoriser les installations
citées, l’A51 Col du Fau – La Saulce impacterait fortement les meilleures terres agricoles (blé,
polyculture), surtout sur les communes de Roissard, Cornillon en Trièves, Saint-Jean d’Hérans, Saint
Sébastien, Cordéac et Pellafol (dans le Beaumont voisin). En effet, le tracé emprunte les espaces plans,
où se trouvent concentrés les exploitations et les champs cultivés. Dans les « fiches thématiques
complémentaires » du débat public de 2005, un fort effet de coupure est signalé dans le Trièves, « Le
passage le plus délicat se situe au niveau de St Sébastien et de Cordéac, en raison du maillage des
cheminements agricoles et des risques d’enclavement » : ce sont de très bonne terres fertiles, des
terrasses fluviales du Drac (voir carte de l’impact sur zones agricoles en Annexe 4).
Un projet d'autoroute en zone de montagne de polyculture-élevage comme en Trièves, se traduirait par
une réorganisation du foncier (petites parcelles) qui se ferait au détriment d'éléments du paysage liés à
ce type d’agriculture (haies, bords de champs, délaissées diverses), étant donné la contrainte en termes
d'espace disponible. Autre conséquence : la destruction de prairies de fauche anciennes et des cortèges
d'espèces qui vont avec.
L’impact de l’A51 sur le Trièves serait également très sensible sur le commerce et sur l’habitat. Le
petit commerce est exceptionnellement développé dans le sud Trièves.
Les chiffres donnés par le SCOT18 (Schéma de COhérence Territoriale) de la Région Grenobloise
placent le Trièves en tête des 7 secteurs de la Région Grenobloise pour le nombre de m2 de petits
commerces (de moins de 300 m2) pour 1000 habitants, mieux que l’agglomération grenobloise.
Or, le canton de Monestier de Clermont a des caractéristiques plutôt périurbaines, renforcées par
l'arrivée de l'A51 et de fait, dispose de moins de petits commerces par rapport à sa population que les
cantons de Clelles et de Mens, notamment le bourg de Mens (où on trouve une vingtaine de
commerces pour 1400 habitants. A noter qu’il n’y a pas de grande surface dans les deux cantons du
sud Trièves. L’A51 fragiliserait ces petits commerces, par la concurrence des grandes surfaces
grenobloises, et favoriserait le développement de villages dortoirs (comme dans le canton de
17
18
Statistiques INSEE de 2009, http://insee.fr/fr/bases-de-donnees/default.asp?page=statistiques-locales.htm
http://www.alpes-trieves.com/documents/doc_scot/commerce_trieves.pdf
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Monestier de Clermont, depuis l’arrivée de l’A51) voire le mitage de l’habitat, ce qui est contraire aux
objectifs de l’Agenda 21 du Trièves19 et du SCOT de la région grenobloise20.
La spéculation immobilière liée à l’arrivée d’une autoroute rendrait l’accès au logement encore plus
difficile et la vie plus chère.
Quelle grosse ou moyenne entreprise aurait intérêt à venir s’installer dans le Trièves ? Les petites
entreprises qui s’y créent sont souvent liées à un choix de qualité de vie (artisanat, télétravail,
services…) et ne dépendent pas d’une autoroute. Dans le canton de Monestier de Clermont, pourtant
bien plus proche de Grenoble que celui de Mens, l’A51 a attiré quelques entreprises nouvelles, ce qui
ne permet toutefois pas au canton de Monestier de Clermont de corriger de manière significative son
faible rapport emplois/habitants.
L’A51 favoriserait les déplacements pendulaires vers les emplois grenoblois, alors que le SCOT
cherche à rééquilibrer les territoires.
Pour développer le territoire tout en gardant un cadre de vie agréable et accueillant pour les acteurs
locaux, il apparaît évident que d'autres aménagements sont possibles. Parmi eux, l’amélioration des
routes existantes, des trains et des transports collectifs (navettes à la demande, covoiturage) et le
développement de services publics de proximité, eux-mêmes facteur d’attractivité des entreprises. Par
exemple, pour le sud Isère, la réouverture de la maternité de La Mure serait une réponse bien moins
coûteuse que l’A51 à l’éloignement des maternités les plus proches, celles de l’agglomération
grenobloise.
Le projet contribue-t-il à améliorer la mobilité du quotidien ? Si oui, préciser en quoi.
Les gains de temps présentés lors du débat public de 2005 ne sont pas significatifs : 11 mn entre
Grenoble et Marseille, 6 mn entre Marseille et Gap. Sauf entre Gap et Grenoble, où l’on gagnerait 34
mn, mais la proportion d’usagers allant de l'une de ces deux villes à l’autre serait sans doute très faible.
A l’appui de cette affirmation le trafic constaté en 2000 entre Corps (Isère) et La Mure (Isère) sur la
RN85, le secteur où la part du trafic de transit est la plus grande : 4700 v/j. La prévision pour 2020
étant entre 4700 et 4800 v/j, on constate qu’il n’y est pas prévu d’augmentation sensible.
Ces gains de temps seraient même encore inférieurs, voire négatifs, si les aménagements des axes
routiers RD 1075 et RN 85 étaient réalisés et si un report modal vers le train était favorisé par une
politique active de rabattements vers les gares et par une offre aux voyageurs cadencée, après
modernisation de la voie (notamment signalisation).
L’éventuel gain de mobilité ne bénéficierait qu’à ceux qui auraient un accès facile à l’A51, qui
pourraient payer le péage forcément très cher et qui disposeraient d’un véhicule puissant pour gravir
les rampes à forte déclivité (nettement plus forte sur l’A51 que sur la RD 1075, naturellement utilisée
pour aller de Grenoble à Sisteron). Rappelons que la vallée du Buech, le canton de Clelles et la
Matheysine ne profiteraient pas de l’A51 Col du Fau - La Saulce.
Rappelons également la saturation de l’entrée de l’agglomération grenobloise, qui annulerait très
souvent les gains de mobilité.
19
20
http://www.alpes-trieves.com/documents/doc_sat/agenda21_trieves_2006.php
http://www.region-grenoble.org/images/stories/SCoT_Approuve/2_DOO-Approuve_de_cembre2012.pdf
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Le projet contribue-t-il à la transition écologique et énergétique ? Si oui, préciser en
quoi.
Les objectifs de la transition écologique et énergétique sont à la fois de « réduire ses émissions de CO2
et sa consommation d'énergie d'origine fossile », mais également de « retrouver un bon degré de
résilience par la relocalisation de ce qui peut l'être et par l'intensification des liens entre habitants et
acteurs économiques locaux » 21.
Concernant la relocalisation et l'intensification des liens entre habitants et acteurs économiques locaux,
nous avons vu précédemment que la construction de l'A51 ne serait pas bénéfique aux commerces de
proximité et ne favoriserait pas l'installation d'entreprises sur le territoire de manière significative.
"la France ne compte que deux villes labellisées (Trièves en Isère et Saint-Quentin-en-Yvelines) (...)
Chez les pionniers, comme le "Trièves en transition" près de Grenoble, des actions concrètes et
simples commencent à se déployer. Ainsi, le nouveau plan local d'occupation des sols intégrera les
changements à venir : moins de consommation d'énergie, importance de la dimension sociale, espaces
dédiés au jardinage, etc. Pour préparer la transition économique, un premier club d'investisseurs s'est
créé avec comme objectif le soutien financier de l'emploi et l'économie locale."
Le Point.fr - Publié le 26/09/2012
La réduction des émissions de CO2 :
La plus grosse part du trafic de transit effectuerait sans doute le trajet complet entre Grenoble et
Sisteron. Comment parler d’un bénéfice énergétique alors que l’A51 rallonge la distance de 42 km par
rapport à la RD 1075 et qu’elle oblige à pousser les moteurs dans les fortes rampes ?
Au niveau des poids lourds, les entreprises qui choisiraient l’A51 pour du transport de marchandises
au lieu de la RD 1075 aggraveraient la pollution à cause de la forte déclivité. Quant à choisir l’A51
comme alternative à la vallée du Rhône, économiquement c’est tellement plus coûteux (augmentation
exponentielle de la consommation en carburant dans les rampes sévères) que les entreprises y
réfléchiraient à deux fois.
"Les fortes pentes occasionnent une élévation des consommations de l'ordre de 1 à 5, un poids lourd
(PL) circulant en plaine à plat consommant 40 litres de gazole (GO) aux 100 km consommera 200
litres ou plus selon les moteurs dans une montée à 7 %. (...)". 22
Une alternative aux poids lourds dans la vallée du Rhône est le ferroutage destiné à rééquilibrer la
balance entre rail et route. Mais anticiper la transition écologique et énergétique, c’est aussi limiter les
transports de marchandises en privilégiant des modèles de consommation de proximité.
La saturation du trafic dans l’agglomération grenobloise, accentuée par l’achèvement de l’A51, est
quant à elle un gouffre de gaspillage d’énergie, de temps et d’émission de gaz polluants.
21
http://villesentransition.net/transition/introduction/villes_en_transition
4e Journée de l’Environnement et du Développement Durable - DESS Gestion de la Planète / Association
GAÏA - Nice, 28 septembre 2001 / Article "Impact dus aux transports routiers, ferroviaires, aériens dans le
milieu montagnard", M. Alain Durand, Association pour le Respect du Site du Mont-Blanc
22
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Le projet contribue-t-il à améliorer la sécurité des usagers des transports ? Si oui,
préciser en quoi.
La sécurité serait améliorée pour les usagers de l’autoroute, mais moins que pour une autoroute de
plaine : forte déclivité, exposition aux contraintes hivernales et ouvrages en 2 x 1 voie (cf section
existante Grenoble – col du Fau). Sécurité autoroutière, mais à quel prix !
Des retombées existeraient également pour les usagers des deux axes routiers, surtout pour la RN 85,
qui deviendrait moins fréquentée entre Corps et La Saulce, comme c’est le cas pour la RD 1075 entre
Grenoble et le col du Fau depuis l’ouverture de la section de l’A51.
Par contre la RD 1075 au-delà du col du Fau ne serait pas aménagée et garderait une bonne partie du
trafic de transit, peu attirée par les 42 km supplémentaires de l’A51 et son lourd péage. Sur ce secteur
la sécurité ne changerait pas beaucoup. Il faut noter l’absence totale de voie de dépassement sur la RD
1075 entre Varces et Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence - ce village étant situé entre ChâteauArnoux et Manosque), sur environ 150 km. Cette route ayant été une nationale jusqu’en 2006, on peut
s’interroger sur les raisons de cette étrange inertie en matière d’aménagements…
Pire, l’accroissement du trafic dans l’agglomération grenobloise avec l’A51 achevée poserait des
problèmes de sécurité, avec des ralentissements et des bouchons très fréquents, des effets d’accordéon
accidentogènes (voir fracture territoriale).
Le projet contribue-t-il à l’amélioration du cadre de vie/réduction des nuisances ? Si oui,
préciser en quoi.
Le paysage de carte postale vu de l’A51 dans le cadre de rêve des montagnes du Dauphiné, au
patrimoine environnemental et humain jusque là préservé, n’aurait rien à voir avec la saillie que
subiraient les habitants des territoires traversés. L’exemple du Trièves serait le plus manifeste, mais la
haute vallée du Drac et celle étroite et donc très fragile de l’Avance (entre La Saulce et La Bâtie)
seraient également fortement marquées par la présence de l’autoroute.
Le Trièves au sud du col du Fau est une cuvette qui serait traversée en son cœur en diagonale par
l’A51. Ce territoire accueille un tourisme diffus, doux, lié à la qualité exceptionnelle et à l’authenticité
des paysages bocagers très ouverts, ceux de Jean Giono, qui n’ont pratiquement pas changé depuis, et
des villages typés, à l’habitat groupé.
Il existe une forte volonté de la part du Syndicat d’Aménagement du Trièves – SAT - de maîtriser
l’occupation des sols en faveur de la préservation des paysages, de l’activité agricole et de la
densification des bourgs pour empêcher l’étalement de l’habitat : Schéma Directeur de 200023, Agenda
2124 de 2006, SCOT de 2012, (aujourd'hui, la Communauté de Communes du Trièves a repris les
compétences du SAT).
Or, d'après les fiches complémentaires du dossier du débat public de 2005, l’A51 aurait un « fort
impact visuel de proximité» sur les villages de Roissard, Cordéac, Pellafol village voisin du
Beaumont. Nous pouvons citer aussi les villages de Lavars, Cornillon, Mens, St-Jean d'Hérans et St
Sébastien pour des impacts moins directs mais tout de même désastreux pour le paysage, avec des
balafres, des talus, des murs, des saillies forestières, des viaducs disproportionnés.D’importantes
nuisances sonores amplifiées par la présence de falaises calcaires à l’intérieur (gorges de l’Ebron) et
tout autour de la cuvette, créeraient un bruit de fond permanent, alors qu’actuellement le silence du
Trièves est recherché (cette dernière donnée ne figure pas dans les documents du débat public de
2005). Les fiches thématiques complémentaires du débat public de 2005 citent l’impact sur la
ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager) de Mens25. Les fermes
23
http://www.alpes-trieves.com/documents/doc_scot/schema_directeur_trieves.php
http://www.alpes-trieves.com/documents/doc_sat/agenda21_trieves_2006.php
25
http://www.mairie-de-mens.fr/826-zppaup-avap.htm
24
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de l’adret dominant Mens seraient affectées, ce paysage étant un élément majeur de la beauté du site
de Mens. L’écotourisme qui commence à se développer sur des thématiques environnementales et
culturelles (sentier des Huguenots) serait perturbé en profondeur. Les habitants, bénéficiant
jusqu’alors d’une qualité de vie exceptionnelle, subiraient un choc. Les efforts d’intégration
paysagère et la qualité architecturale de certains ouvrages techniques ne changeraient rien au fond du
problème.
D’après le document « fiches thématiques complémentaires » du dossier du débat public de 2005,
l’A51 serait susceptible d’affecter directement des captages d’eaux souterraines sur les communes de
Lavars, Cornillon en Trièves, St Jean d’Hérans, St Sébastien et Cordéac, alors « que, dans ce secteur
du Trièves, la ressource en eau est médiocre et qu’il est difficile de retrouver des eaux de qualité, en
quantité suffisante. »
Dans le même document, on apprend que la zone humide de la source des Rosais serait affectée.
Toujours dans ce même document, en marge du Trièves, la zone Natura 2000 du massif de l’Obiou et
des gorges de la Souloise serait affectée par le viaduc de la Souloise. Le document aurait dû aussi
signaler la traversée de la ZNIEFF26 du massif de l’Obiou par l’A51. Plus loin, l’A51 longerait la zone
périphérique du Parc National des Ecrins, avant de menacer les zones Natura 2000 « Dévoluy,
Durance, Charance, Champsaur » et « Durance ».
L’ensemble du Trièves serait marqué par un fort effet de coupure de l'A51 et à des atteintes aux
espaces « intermédiaires » (friches), néfastes aux corridors biologiques et à la biodiversité. Le corridor
biologique du col du Fau est déjà problématique, l’achèvement de l’A51 aggraverait cet état. Le
corridor biologique majeur du col Bayard serait très affecté également.
Pour l’agglomération grenobloise, l’achèvement de l’A51 serait une catastrophe sanitaire.
Grenoble est une des villes françaises les plus polluées, à cause de la présence de hautes montagnes
tout autour et d’un effet cuvette, qui enferme la pollution atmosphérique. La population est exposée à
des maladies respiratoires. Voici des conclusions d’une étude réalisée par la Cellule interrégionale
d’épidémiologie Rhône-Alpes, en septembre 2006 27 :
"Sur une année, l’impact à court terme de la pollution atmosphérique pour l’agglomération grenobloise
(459 001 habitants), évalué par rapport à une situation théorique sans pollution, a été estimé, en
moyenne, à 67 décès anticipés, 18 hospitalisations pour motif respiratoire, 105 admissions
hospitalières pour motif cardio-vasculaire en hiver et 58 en été."
"Les actions les plus efficaces sont celles qui visent à réduire les émissions à la source, de façon
quotidienne, même si les actions de diminution des « pics » de pollution doivent être maintenues en
parallèle. La pollution atmosphérique sur l’agglomération étant principalement d’origine automobile,
il faudrait réduire les émissions automobiles dans leur ensemble. Il serait illusoire de considérer que
l’abaissement d’un polluant spécifique, qui n’est qu’un indicateur d’un état complexe de l’atmosphère,
conduirait à un bénéfice sanitaire significatif."
Grenoble figure très régulièrement dans les points routes des médias nationaux, avec des bouchons
quasi quotidiens sur l’A 480 et sur la rocade sud. Le trafic pendulaire y est pour beaucoup, l’emploi du
Sud Isère étant très concentré sur l’agglomération grenobloise et le Grésivaudan.
26
27
http://inpn.mnhn.fr/zone/znieff/820003699
http://www.invs.sante.fr/pmb/invs/%28id%29/PMB_4564
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Confrontés à ces difficultés, le Conseil Général de l’Isère et l’agglomération grenobloise mènent
depuis des années une politique volontariste en matière de transports collectifs.
Les bouchons et la pollution ont le mauvais goût de coïncider régulièrement à deux moments forts de
l’année où le trafic de transit s’intensifie : pendant les vacances d’hiver, où la pollution est écrasée
dans la cuvette par l’air froid des montagnes, et l’été, pendant les grosses chaleurs.
Deux projets s’opposent pour limiter la saturation du trafic. Le premier, celui de l’EP SCOT de la
région grenobloise, consiste à aménager sans emprise nouvelle l’A480 en 2x3 voies (au lieu des 2x2
voies actuelles), et de limiter la vitesse à 70 km/h, afin de limiter l’effet d’accordéon, de fluidifier le
trafic et de diminuer la pollution automobile. La seconde, celle du Conseil Général de l’Isère, propose
d’élargir l’emprise actuelle pour créer les 3èmes voies tout en maintenant la vitesse à 90 km/h, l’effet
accordéon … et la pollution. Route apaisée ou fuite en avant …
On trouve dans le DOO28 du SCOT de la région grenobloise cette analyse :
"A moyen et long termes, les collectivités territoriales et maîtres d’ouvrages ou gestionnaires de voirie
veilleront à réaménager sur place les axes routiers et autoroutiers les plus chargés (…) tout retenant
une conception technique de l’infrastructure permettant (…) de maîtriser les distances-temps en
apaisant les vitesses de circulation, d’optimiser l’usage des emprises existantes et de limiter leur
largeur, d’améliorer leur intégration urbaine et de réduire l’exposition des riverains à la pollution de
l’air et aux nuisances sonores. Pour cela, les maîtres d’ouvrages routiers veilleront notamment à ce que
l’aménagement des axes situés dans l’agglomération grenobloise soit conçu de manière à conduire,
entre autre, à des vitesses de l’ordre de 70km/h pour le réaménagement des infrastructures
autoroutières (…).Cette orientation se traduira par une première expérimentation dans le cadre du
réaménagement de l’autoroute A480, qui fera l’objet d’une évaluation avant toute autre décision."
La commission d’enquête publique29 du SCOT a émis une réserve à ce sujet, le Conseil Général
préférant une 2 x 3 voies à emprise élargie et à 90 km/h, incompatible avec cet objectif.
L’achèvement de l’A51 attirerait inévitablement un trafic supplémentaire le long de Grenoble et
rendrait caduques les deux solutions, en saturant complètement le trafic aux heures des déplacements
pendulaires sauf en août, et avec des pics de trafic de transit liés aux vacances d’hiver et d’été. Les
conséquences sanitaires seraient alors dramatiques. L’achèvement de l’A51 est un projet criminel pour
l’agglomération grenobloise.
L’aménagement des voies existantes aurait un impact extrêmement moins fort sur l’environnement et
réduirait les nuisances.
28
29
http://www.region-grenoble.org/images/stories/SCoT_Arrete/DOO%20arrete%20dec2011.pdf
http://www.region-grenoble.org/images/stories/SCoT_Arrete/Rapport-Enquete-SCoT-26-octobre-2012.pdf
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Insertion du projet dans son contexte
Le projet interfère-t-il négativement ou positivement avec d’autres projets ou dessertes
existantes (indiquer les autres projets concernés et caractériser les interférences
positives ou négatives) ? S’insère-t-il dans un réseau ?
Nous l’avons vu, l’A51 est totalement incompatible avec les préconisations du SCOT votées par l’EP
SCOT de la région grenobloise.
Quelles sont les conditions de sa réalisation/succès du projet (notamment dépendance à
la réalisation d’autres projets) ?
Existe-t-il des alternatives au projet ? Ont-elles été étudiées ? Si non, expliquer
pourquoi. Si oui, par qui ? S'il existe des alternatives, dans ce cas, remplir une fiche
spécifique pour chaque alternative et indiquer pourquoi elles n'ont pas été retenues.
Oui, les alternatives d'aménagement des RN 85 et RD 1075 ont été étudiées par le CETE d'Aix en
Provence en novembre 1986.
Des réactualisations, portant sur des améliorations de la RD 1075 et de la RN 85 sous forme
d'itinéraires apaisés, ont été étudiées en 2010 par les conseils généraux concernés.
Les travaux d'aménagement de la RN 85 et de la RD 1075 proposés lors du débat public de 2005
étaient de l’ordre de 700 millions d’euros.
Ils sont sans doute eux-mêmes surdimensionnés par rapport aux besoins (les prévisions de trafic
étaient fausses) et par rapport à la logique de trafic apaisé qui se développe aujourd’hui (SCOT de la
région grenobloise de 2012).
A plusieurs reprises des membres du collectif ont travaillé avec les services de l’équipement de l’Isère
sur les aménagements concernant la RD 1075 : contournements de villages, rectification de virages
dangereux, sécurisation de carrefours, voies de dépassement et voies lentes.
Concernant la ligne SNCF GVG (Grenoble - Veynes – Gap), les actions menées par la région RhôneAlpes depuis 10 ans ont permis de doubler la fréquentation. Elle se partage en 37% de voyageurs
pendulaires et 63% de voyageurs « régionaux ».
Les travaux nécessaires à la voie ferrée sont estimés à 50 millions d'euros. Ils comprennent la
modernisation de la signalisation, ainsi que le renouvellement complet de la voie sur la totalité de la
ligne. Ces actions ainsi que les points de croisement, services longue distance, services touristiques,
rabattement vers les gares, service périurbain, performance du matériel et compatibilité avec les
conditions hivernales, permettront d'augmenter la capacité de la ligne GVG (Grenoble - Veynes Gap), d' améliorer la régularité des services et d’augmenter le trafic.
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Compléments
Le projet a-t-il fait l’objet d’une évaluation socio-économique dans le cadre d’une
procédure normée, incluant un calcul de taux de rentabilité interne ? Si oui, préciser
quand, selon quelle procédure et quel plan de financement
Non
Le projet a-t-il fait l’objet d’une évaluation environnementale dans le cadre d’une
procédure normée ? Si oui préciser quand et selon quelle procédure.
Non
Personne à contacter avec ses coordonnées pour éventuelles demandes de précision
Anne PARLANGE
[email protected]
04 76 34 89 63
06 73 05 29 68
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Pour le collectif d'habitants du Trièves.
Associations co-signataires :
AGV (Association pour la promotion de la ligne SNCF Grenoble-Veynes)
Bièvre Liers Environnement
Drac et Ebron
Drac Nature
FRAPNA 38 (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la NAture)
Gère Vivante
Lo Parvi
Associations locales co-signataires:
Des Rêves et Des Sentes
Fil et Compagnie
La Fabrique du Trièves
La Ptite Marmite
Le Poulpe Pirate
Les Pieds dans l'Ebron
Les Pouces Vertes
Virus36
Elus qui nous soutiennent:
Jean-Charles KOHLHAAS, Président Commission Transports de la Région Rhône-Alpes
Gérard LERAS, Vice Président Région Rhône-Alpes aux questions foncières
Corinne BERNARD, Conseillère Régionale Rhône-Alpes
Olivier BERTRAND, Conseiller Général Isère délégué aux nouvelles mobilités
Elus du Trièves :
Frédéric AUBERT, maire de Tréminis
Robert CUCHET, Conseiller Municipal de Monestier-du-Percy
Christophe DRURE, Maire de Roissard
Benoit GONSOLIN, Conseiller Municipal de Château Bernard
Guillaume GONTARD, Maire de Le Percy
Samuel MARTIN
Jean-Paul MAUBERRET, Adjoint au Maire de Mens
Sophie REICHMUTH, Conseillère Municipale de Mens
Thierry SCHOEBEL, Conseiller Municipal de Monestier-de-Clermont
Pierre SUZZARINI, Adjoint au Maire de Cornillon
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