Arts, ruptures, continuités - Musée des beaux

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Arts, ruptures, continuités - Musée des beaux
Dossier Arts, ruptures, continuités
Dossier pédagogique
Arts, ruptures, continuités
Musée des beaux-arts
20, quai Emile Zola – 35000 Rennes
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Dossier Arts, ruptures, continuités
Extrait du B.O. N° 32 du 28 août 2008 (Organisation de l'enseignement de l'histoire des arts)
Le point de vue de l'enseignant d'arts plastiques
Un mouvement cyclique
L’art et les arts se caractérisent, s’articulent, se construisent autour de la dichotomie
ruptures/continuités qui fonde leurs histoires. L’histoire de l’Art s’est pendant des siècles appuyée sur les écrits
de Vasari, dont Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, 1550-1568 ; qui s’établit autour
d’une périodisation de la production artistique, et qui emprunte lui-même, le modèle de la biographie
historique, aux Douze Césars de Suétone.
A la différence de Vasari, qui place Michel-Ange comme modèle de perfection ; le conservateur des
Antiquités à la Cour Papale sous Clément X, Giovanni Pietro Bellori, dans Les Vies d’artistes en 1672, fait de
Raphaël le parangon de l’expression du Beau. Pour lui, le déclin vient avec la fin de la papauté de Léon X ; il
s’inscrit en rupture avec le paradigme vasarien. Vasari construit un modèle anecdotique fondé sur
l’évènementiel, proche du romanesque.
La notion de rupture vient du latin rumpere qui signifie briser, c’est-à-dire l’action par laquelle une
chose se scinde, se divise. La rupture est toujours liée à la surprise, à l’inattendu, à une tension qui est sousjacente et perceptible mais dont on ignore le moment du dénouement.
A côté de la rupture, la continuité est une réalité. Le terme vient du latin continuitas, et est synonyme de
permanence, de durée, de pérennité, de « sérénité ». Elle permet de créer une cohérence et une unité de
discours.
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La question de la rupture ou de la continuité est inhérente à l’évolution de l’Art, ce qui constitue son
histoire. La rupture peut-elle être qualifiée de manière plus nuancée de « ré-évolution » ? La révolution dont
l’étymologie latine signifie « rouler en arrière » entretient un perpétuel retour à l’origine, matérialisant un
mouvement cyclique, un système.
terme :
L’Histoire de l’Art et des arts se construit autour d’un perpétuel va-et-vient critique aux trois sens du
- au sens où elle conteste la tradition :
Le motif de « Marie-Madeleine » évolue au fur et à mesure des siècles : dans le Repas chez Simon de Frans
II Franken, la Madeleine Repentante de Girolamo Scaglia, la Madeleine Pénitente de Champaigne, celle de
Jordaens dans la Crucifixion ; ou bien celle de Yann Sérandour qui déplace depuis le Domaine de
Chamarande une copie de la Madeleine pénitente du sculpteur néoclassique italien Antonio Canova. Le motif
reste parfaitement identifiable par la vision exacerbée des mains.
- au sens où elle assiste à la propre destruction de l’Art pour l’émergence d’un autre : la représentation
spatiale du Roman au Gothique, puis à la Renaissance :
Avec par exemple, le Saint-Luc peignant la Vierge qui s’érige en paradigme des découvertes de la
Renaissance : Humanisme, perspective, redécouverte de l’Antiquité…
- au sens où l’Art se réfléchit lui-même dans l’atteinte de l’idéal, celui de la fusion, de l’harmonie
parfaite entre le contenu spirituel et la forme sensible :
Le paradigme de la nature morte : jusqu’au XVIIe siècle, le terme hérité de Vasari cose naturali (choses
naturelles) était utilisé pour désigner les représentations d’objets ou d’êtres inanimés : Diderot les nomme
« natures inanimées ». La nature morte évolue au fil des siècles comme témoin des inventions techniques et
spatiales ce que l’on peut observer dans la riche collection du musée : de Gysbrechts à Chardin, en passant
par Baugin, Gauguin, Gris et Magnelli pour atteindre son paroxysme dans l’œuvre Hommage à Chardin de
Geneviève Asse où la nature morte atteint une spiritualité qui devient concept.
La continuité s’établit dans la reprise, la citation de thèmes et d’œuvres (Les Nymphéas de Monet et
de Villeglé) mais qui permet également de rendre visible une œuvre perdue : la Bataille d’Anghiari de Léonard
de Vinci, que nous pouvons connaître par les nombreuses copies et reprises des artistes : Rubens avec La
Chasse au tigre, lui-même repris par Delacroix avec une œuvre portant le même titre.
Ces rapprochements créent des anachronismes qui constituent une valeur heuristique permettant de
traverser les siècles afin de mettre en lumière plus des rapprochements ou des écarts : le Nouveau Né de
Georges de La Tour et le Georges de La Tour défiguré de François Morellet par exemple.
Il s’établit ainsi des « correspondances » au sens de Baudelaire, des « résonances » au sens
d’Adorno qui permettent d’aboutir à un « effrangement », à une porosité, à une fusion des arts.
Marie Rousseau, conseillère-relais au MBAR
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Arts, ruptures et continuités
Une idéologie de la rupture.
À partir des scandales ou des violents rejets suscités par les nombreux mouvements artistiques qui se sont
succédés depuis les Impressionnistes (et plus exactement depuis le Salon des Refusés de 1863), on a pris
l’habitude de considérer que toute innovation de la « famille des isme » (Symbolisme, Cubisme, Futurisme,
Dadaïsme…) devait se faire sur le mode de la rupture. Au point que dans l’esprit de certains, plus le degré de
rupture est élevé et plus le dernier né de la fratrie est chargé de promesses. De là à dire qu’il y aurait un
« académisme de la rupture », on serait tenté de le penser !
Investie de vertus, y compris par la critique récente, la rupture n’est cependant pas nouvelle en art ; on
pourrait même dire qu’elle est inhérente à l’histoire de sa production : n’a-t-on pas en effet frôlé l’émeute lors
du dévoilement du plafond de la Chapelle Sixtine en 1512, à la vue du déluge de nudités qui ourlaient les
scènes de la Genèse ? Et que dire de la réputation sulfureuse de la peinture de Caravage au XVIIe siècle,
lequel récolta en son temps les foudres d’un Poussin, voire même la désapprobation de l’Église, pourtant
commanditaire ? La Grèce antique elle-même produisit des modèles bien différents au cours de son histoire et
le Laocoon pathétique qui se contorsionne au IIe s. av. J.C. n’a pas grand-chose à voir avec l’idéal de beauté
et de sérénité des sculptures du siècle de Périclès. Seule l’Égypte des pharaons (si l’on excepte l’épisode
d’Amarna et quelques autres encore) offre pendant plusieurs siècles une fixité canonique.
La rupture rend caduc ce qui précède
La rupture, pour n’être que symptôme ou maladie d’enfance d’une forme en expansion, est sans doute une
lecture particulière de l’histoire de l’art et le premier à nous y inviter est Giorgio Vasari, premier historien de
l’art, auteur des Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes (1550-1568).
La conception vasarienne de l’histoire de l’art, disqualifie le Moyen Âge au profit de la Renaissance, dont il voit
poindre les premiers feux en 1240 exactement: « le terrible déluge de désastres qui avait submergé et noyé la
malheureuse Italie n’avait pas seulement ruiné les édifices dignes de ce nom mais aussi, ce qui est plus
important, avait exterminé tous les artistes quand, par la grâce de Dieu, naquit en 1240, dans la ville de
Florence, Giovanni Cimabue, destiné à allumer les premières lumières de l’art de la peinture (i primi lumi).
En affirmant la radicalité du changement chez Cimabue (précurseur immédiat de Giotto), dont la plasticité des
figures, s’éloigne du style byzantin, Vasari adopte un modèle d’histoire de l’art qui segmente un peu trop
arbitrairement les époques : certes, un vent nouveau souffle sur la peinture et le naturalisme gagne du terrain
mais n’est-ce pas ignorer toutes les composantes, y compris médiévales qui favorisent à ce moment là
l’éclosion de ce mouvement de renaissance (Rinascita) et dont Michel Ange allait devenir la figure mythique et
emblématique ?
Peut-être vaut-il mieux voir dans l’histoire de l’art des temps forts qui se construisent et s’affirment au
détriment de certains autres ; ainsi à Florence dans la première moitié du Quattrocento, alors que Masaccio, le
représentant des nouvelles tendances, s’emploie à unifier l’espace de ses tableaux par une construction
perspective, Pisanello ou Gentile da Fabriano, derniers représentants d’un Gothique International brillant et
ornemental, sont encore très actifs et reçoivent de nombreuses commandes. Ici comme ailleurs, les choses
s’interpénètrent et quelqu’un comme Pisanello, par son style monumental et ses dessins animaliers aura une
influence directe sur Léonard de Vinci. Mais Vasari écrit l’histoire à postériori et exalte Masaccio, Donatello et
Brunelleschi chez qui il pressent déjà la fureur créatrice d’un Michel-Ange. Dès lors le « fini » et
l’ «exactitude » (diligenza) de Pisanello, sera considérée comme archaïsante (c'est-à-dire gothique).
Rupture ou retour aux sources ?
À coups de manifestes, de salons, de pamphlets, les artistes modernes imposent leurs nouveaux choix : on
peut dire que depuis « l’Olympia » de Manet, les nouveaux courants artistiques triomphent grâce à des
batailles ; l’art se régénère par des ruptures et les institutions, un temps ébranlées (avec les Dadaïstes
particulièrement iconoclastes au XXe s.) survivent et finissent par absorber la modernité. La tradition, attaquée
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de toutes parts est celle, héritée de la Renaissance, relayée un temps par l’Académie au XVIIe siècle. Elle
s’est, depuis, vidé de sa substance créatrice et sclérosée tout au long du XIXe s. Pourtant, alors même que
Manet jette un pavé dans la mare en peignant une femme nue à l’aspect réaliste (et donc indécent) au lieu
d’une nymphette à la chair nacrée, force est de constater que cette « Olympia » ou ce « Déjeuner sur l’herbe »
ont des ancêtres illustres dans la peinture classique des siècles précédents (cf. Titien : « Le Concert
champêtre »)
Le temps des fantômes
Les historiens actuels sont plus prudents et mesurés avec l’idée de rupture. Marcellin Pleynet, invité au musée
de Picardie en 1994 conçut le projet inédit d’un accrochage faisant dialoguer des œuvres passées et
contemporaines ; Françoise Cachin faisait également observer combien les peintres novateurs, tels Cézanne
se sont nourris (de leur propre aveu) de la peinture des maîtres anciens. Quant à Georges Didi-Huberman, il
affirme et démontre que l’image se forme de manière « sédimentée ». Il analyse le concept de « survivance »
déjà élaboré par Aby Warburg, selon lequel les formes migrent d’une époque à une autre, d’un lieu à un autre
et qu’un fil rouge permet d’établir une généalogie des images. Selon G. Didi-Huberman, devant une image il
ne faut pas seulement se demander, quelle histoire celle-ci documente (de quelle histoire elle est
contemporaine) mais aussi quelle mémoire elle sédimente ; de quel refoulé elle est le retour.
En effet, si l’œuvre d’art n’était que production d’une époque ou reflet d’une société donnée elle échouerait à
traverser le temps et à nous toucher aujourd’hui. C’est précisément ce caractère d’universalité qui en
détermine sa valeur artistique.
Cette même idée d’une « mémoire active » des images se retrouve chez l’écrivain et critique d’art, Bernard
Lamarche-Vadel quand il évoque à propos de Michel Ange un « système génétique » à l’œuvre : « cette
œuvre (celle de Michel-Ange) fut l’information initiale en laquelle le Maniérisme, puis Rubens, Delacroix,
William Blake, Rodin, Picasso, Pollock, De Kooning trouvèrent une saisie formelle inaugurale où élever leurs
propres découvertes »
L’art contemporain qui est un évènement présent et inédit, ne pouvant se satisfaire des codes et des
langages en vigueur, s’inscrit forcément dans l’invention. Il convient sans doute, à partir de cette
évidence de mettre au jour une autre : la part de « mémoire enchevêtrée » qui permet à cette absolue
nouveauté de se reconfigurer.
Si on peut dire que l’art est toujours en rupture, si on peut dégager des temps forts, des styles, des
courants, il faut néanmoins se méfier des découpages abrupts ; aucune innovation ne peut se
soustraire à l’héritage.
Le terme « rupture » apparaît surtout lié à la modernité et curieusement cette époque des ruptures est
aussi celle qui tente d’arracher le passé à l’effacement : on n’a jamais autant parlé de « mémoire », de
« patrimoine » et pratiqué autant d’archéologie…
Andrée Chapalain
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Le point de vue de l'enseignant d'histoire
Éléments de réflexion
ARTS, RUPTURES, CONTINUITÉS
La périodisation classique en histoire distingue des époques, précise les limites de ces périodes et procède à
des découpages à l'intérieur de chacune de ces périodes.
On a vu se spécialiser les historiens ce qui légitimait encore ce découpage... Mais on n'a jamais situé la fin du
Moyen Âge !
Si le découpage en périodes conventionnelles (Roman, Gothique, Renaissance...) se révèle très
"pédagogique", il n'en demeure pas moins contestable si on n'envisage pas les continuités, les emprunts, les
porosités... Un découpage trop rigide peut alors générer une perception trop cloisonnée de l'histoire de l'art.
(Voir l'extrait de "Théorie générale de l'histoire de l'art" de Jacques Thuillier joint).
Aussi, la notion de "pesanteur" (Henri Focillon) permet d'étudier le langage qu'utilisent les artistes jusqu'à son
épuisement, son renouvellement et sa "métamorphose" (Henri Focillon) pour permettre l'éclosion de styles
nouveaux. Les ruptures sont peut être plus rares qu'on ne l'envisagerait initialement. (Voir l'extrait de
"Introduction à l'histoire de l'art français" d'André Chastel joint).
Exemple : Envisager la période médiévale
La périodisation classique de l'histoire de l'art médiéval distingue art roman et art gothique et envisage comme
une rupture ce passage entre société romane et gothique.
L'approche conduit naturellement à opposer deux époques aux caractéristiques propres :
o la société romane est marquée par la reprise en main par la papauté de l'Église et de la
société (notamment avec Grégoire VII)
o la société gothique correspond à l'optimisme inscrit dans la pierre
L'opposition entre les deux périodes voudrait ignorer les chevauchements, les contradictions, les
complexités...
En fait, c'est la même dynamique (Jérôme Baschet) qui opère tout au long des époques romane et gothique
et produit des configurations successives diverses et parfois opposées. Cette dynamique comporte trois
aspects :
o dynamique d'articulation non-dualiste du spirituel et du matériel
o augmentation du taux d'iconicité
o renforcement de la puissance et de l'institution ecclésiale.
Le long Moyen Âge legoffien (qui ne nie pas l'ampleur des transformations qui affectent les XV-XVIe siècles
sans voir dans la Renaissance une rupture) s'éteindrait au milieu du XVIIIe siècle.
Au XXe siècle, la succession des avant-gardes qui prétendent rompre en s'appuyant sur des manifestes
pourrait apparaître comme autant de "ruptures" ; or, si les textes (ou les œuvres programmatiques) expriment
"les ambitions d'un art en devenir" (Antje Kramer) et l'ouverture de brèches, bien réelles, les hommages,
citations et emprunts viennent relativiser les "tables rases" annoncées.
Ainsi, si le mot rupture doit être précisé et relativisé, (le vocable renvoie à l'idée de changement brutal, de
révolution et à l'historiographie marxiste), envisager l'histoire de l'art dans la continuité, y déceler les tournants
et les évolutions, semble être l'orientation à privilégier.
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Extrait N°1
L'HISTOIRE DE L'ART ET LE TEMPS
A. LA "DÉDRAMATISATION" DE L'HISTOIRE DE L'ART
"L'histoire de l'art doit tirer des conséquences de cette remise en cause de la notion de temps. Deux d'entre
elles nous paraissent particulièrement importantes, car elles vont à l'inverse de tendances très développées
de nos jours.
À la première nous appliquerions volontiers le terme assez barbare de dédramatisation de l'histoire de l'art.
Petit à petit, et hors de toute réflexion philosophique, on a pris coutume de la diviser en larges périodes
conventionnelles : Roman, Gothique, Renaissance (ou Classicisme), Maniérisme, Baroque (ou Rococo),
Romantisme, Réalisme, Impressionnisme... Chacune de ces périodes a été bientôt douée d'une vie propre,
d'une réalité supérieure aux artistes comme aux styles particuliers. Elles apparaissent comme de grandes
entités ennemies, qui se forment subrepticement, se développent, "triomphent", puis vieillissent, s'affaiblissent
et finissent par mourir. Non sans ressusciter parfois : ce sont les "revivals", sortes de combats d'ombres qui
souvent dissimulent la naissance et la croissance d'autres mouvements promis à un bel avenir... Les images
empruntées au domaine biologique surabondent, et souvent sont prises à la lettre.
Il naît de là une présentation animée et propre à frapper l'imagination. Mais en fait il s'agit d'une
conceptualisation le plus souvent établie a posteriori. Les artistes du onzième siècle n'ont jamais pensé qu'ils
étaient "romans", ni ceux du treizième qu'ils étaient "gothiques". Il apparaît parfois que des architectes ou des
peintres ont eu le sentiment d'innover, de faire triompher une nouvelle manière ; mais en général ces entités
n'ont été instaurées que bien après le décès des acteurs, et d'ordinaire à partir des critiques formulées par
leurs successeurs pour les ridiculiser. "Gothique", "baroque", "rococo" ont été d'abord des "nicknames."
Jacques Thuillier (Extrait de "Théorie générale de l'histoire de l'art" Odile Jacob, Août 2003)
Extrait N°2
"Il a longtemps été d'usage de soumettre l'ensemble de l'activité artistique du XVIIème au couple classiquebaroque, en impliquant que la vocation naturelle de la France était de soutenir la première alternative contre
l'Italie dominée par la seconde. Une meilleure perception des faits et des œuvres a fait reculer ces
simplifications. Il y a une matière commune aux deux formules de style dans la référence à l'antique, présente
à travers toute l'époque. Quant à la relation entre la France et l'Italie, qui fut longtemps fondamentale, elle
consiste en une culture commune dont l'élaboration critique est précisément l'enjeu du siècle. C'est donc en
termes d'échanges, de réactions et de mouvements composés que doit être traitée cette histoire complexe
qui, de la domination européenne de Rome dans la première moitié du XVIIème aboutit à celle de Versailles au
début du XVIIIème, puis de nouveau à celle de l'Italie – antique cette fois – après 1760.
Cet énoncé général qu'on ne peut guère éviter aujourd'hui, suffit à mettre en évidence le trait majeur et
singulier du phénomène français : le rassemblement des énergies culturelles d'un pays sous la direction
effective du pouvoir. La première moitié du siècle, après un temps de récupération et d'achèvement de
l'acquis de la Renaissance, se déploie dans un mélange remarquable d'anarchie frondeuse et d'aspiration à
l'ordre : dans tous les domaines apparaissent de superbes contrastes, mais avec l'articulation maîtresse du
milieu du siècle, une volonté de cohérence accompagnée de doctrines s'exerce avec un succès qui passe
l'imagination."
André Chastel, classique et baroque (Extrait de "Introduction à l'histoire de l'art français", Champs arts, Août
2008)
Yannick Louis, conseiller-relais au MBAR
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L’ŒUVRE D’ART ET LA TRADITION :
Réécriture de thèmes et de motifs :
Buste d'homme au chapeau, Pablo Picasso
Hommage, citations, reprises, parodies :
Descente de croix : de Rubens à Le Brun :
Descente de croix, Charles Le Brun
La chasse au tigre : L. de Vinci, Rubens, Delacroix :
La Chasse au tigre, Pierre-Paul Rubens
L’artiste :
Georges de La Tour défiguré, François Morellet
L’œuvre :
Les Nymphéas, Jacques Mahé de la Villeglé
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L’ŒUVRE D’ART ET SA COMPOSITION :
Construction, structure :
La lumière :
La matière, la touche, la facture :
Le Reniement de Saint-Pierre, Gerrit van Honthorst
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Le Pont de l'Europe, Gustave Caillebotte
Périssoires, Gustave Caillebotte
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Conventions, normes, paradigmes, modèles : La Nature morte :
Coupe de fruits, Lubin Baugin /
Panier de prunes et verre d'eau,
Pêches et raisins avec un rafraîchissoir, Jean-Baptiste Siméon Chardin /
Le Livre ouvert, Juan Gris
Pages 17-18
L’ŒUVRE D’ART ET LE DIALOGUE DES ARTS :
Réécriture d’un épisode biblique :
Le Massacre des Innocents, Robusti Jacopo, dit Le Tintoret /
Scène du massacre des Innocents, Léon Cogniet
Réécriture d’un épisode mythologique :
L'Enlèvement d'Orithye, François-André Vincent
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Réécriture d’un épisode biographique :
Laure et Pétrarque à la Fontaine de Vaucluse, Philippe-Jacques van Brée
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Transpositions : de l’écrit à l’image :
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Velléda, André-Charles Voillemot
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Buste d’homme au chapeau
Pablo Picasso
(Malaga, 1881 - Mougins, 1973)
4-24 novembre 1970
Huile sur toile
130 x 97 cm
Dépôt du musée Picasso, 1990
À la suite de la rétrospective qui lui est consacré en 1966
pour ses 85 ans, Picasso se retire dans un isolement
fécond près de Mougins et questionne son propre visage
afin d’en percer les secrets, conscient de sa mort
prochaine (en 1973). De nouveaux personnages
surgissent suite à sa redécouverte de l’œuvre de
Rembrandt : mousquetaires, hommes à l’épée,
matadors…
1. Décrivez le personnage : costumes, couleurs…
À quel personnage fait-il référence ? Pouvez-vous citer une œuvre du Siècle d’Or espagnol mettant en scène
des gentilshommes vêtus de la même manière ?
2. Décrivez le geste de l’artiste. À votre avis, pourquoi l’artiste a-t-il laissé les repentirs apparents ?
Cette œuvre est-elle finie ?
3. André Malraux compare l’œuvre à une carte d’un jeu de tarot : à votre avis, pourquoi ?
4. « A toi Pablo qu’ici je nomme à jamais jeune homme » : Louis Aragon.
Commentez cette citation en la mettant en rapport avec la question de l’autoportrait.
5. Picasso a réalisé un deuxième tableau simultanément (Télécharger le visuel :
quelles comparaisons, rapprochements ou écarts pouvez-vous noter ?
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) à celui-ci :
http://www.painting-palace.com/fr/paintings/33118
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La Chasse au tigre
Pierre-Paul Rubens
(Siegen, 1577 – Anvers, 1640)
Huile sur toile
256 x 324cm
Envoi de l'État, 1811
Lors de son voyage en Italie entre 1600 et 1608, Rubens
a accès aux dessins de la fameuse Bataille d'Anghiari de
Léonard de Vinci au Palazzo Vecchio de Florence
(fresque détruite vers 1560).
Cette œuvre répond à la commande de l'électeur
Maximilien de Bavière en 1616 et fait partie d’un
ensemble de quatre peintures : La Chasse au sanglier,
La Chasse à l'hippopotame et au crocodile et La Chasse
au lion.
Pierre-Paul Rubens
La lutte pour l'étendard de la Bataille d'Anghiari
Paris, Musée du Louvre
Télécharger le visuel :
http://arts-graphiques.louvre.fr/fo/visite?srv=mipe&idImgPrinc=1&idFicheOeuvre=110446&provenance=mfc&searchInit=
1. Comparer les deux œuvres : couleurs, formes, personnages, scène…
2. Observer La Chasse au tigre de Rubens : quel espace occupe la scène représentée ? Quelle est la
différence avec la copie de la Bataille d’Anghiari ?
3. Pourquoi, dans La Chasse au tigre, le spectateur a-t-il l’impression d’être à l'intérieur de la scène ?
4. Quelle est la composition de chacune des œuvres ? (les dessiner sur les photocopies). Est-elle identique ?
5. Selon-vous, pourquoi le dessin vient-il renforcer cette impression tourbillonnante de la scène ?
6. Trouver le nombre de personnages et d’animaux présents dans la scène de Rubens ?
7. Delacroix a repris le thème de la chasse au tigre en 1854, pourquoi savons-nous ici qui sort vainqueur du
combat ?
Eugène Delacroix
Chasse au tigre
1854
Paris, Musée d'Orsay
Télécharger le visuel :
(http://www.musee-orsay.fr/fr/collections/oeuvres-commentees/recherche.html?no_cache=1&zoom=1&tx_damzoom_pi1%5BshowUid%5D=114280)
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Georges de La Tour défiguré
François Morellet
Né à Cholet en 1926
1988
165 x 195 cm
Achat, 2003
François Morellet, figure majeure du groupe GRAV
(Groupe de Recherche d’Art Visuel), propose des
installations qui découlent de son œuvre de peintre.
Dans le dessein de proposer une relecture des œuvres
des grands maîtres, il va dans ses « Défigurations »,
faire apparaître de nouveaux liens historiques en
accentuant des détails. Ici Le Nouveau Né de Georges
de la Tour, dans la collection du musée. Il questionne la
composition par l’assemblage de ces rectangles blancs
de format 30F.
1. Selon vous, quels rapprochements et écarts constate-t-on en comparant l'eouvre de Morellet et celle de La
Tour ?
2. Vers quel point de l’œuvre le regard se focalise-t-il ? Est-ce le même que dans Le Nouveau-né ?
3. En quoi peut-on dire que ce sont des oeuvres "silencieuses" ?
4. Comment l'artiste procède-t-il pour réaliser ses "défigurations" ?
5. Pouvez-vous citer une autre œuvre de la collection du musée dont la composition est centripète (qui dirige
le regard vers le centre) ?
6. Morellet utilise le châssis sans autres interventions (peinture, matière, gestes…) que l’assemblage : que
produit le blanc sur le spectateur ?
7. Réalisez un croquis d'une autre œuvre du musée
en utilisant le système de François Morellet.
Georges de La Tour
Le Nouveau-ne
Collection MBAR
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Les Nymphéas
Jacques Mahé de la Villeglé
Né à Quimper en 1926
Novembre 1957
Affiches lacérées marouflées sur toile
38,5 x 247 cm
Achat, 1997
À la fin de la seconde guerre mondiale, Villeglé va
commencer à collecter les rebus de la société, les
fragments du réel ordinaire afin de leur conférer une
nouvelle mythologie.
Pendant la période de " La lettre lacérée " (1949 - 1962),
cette œuvre devient l’une des plus importantes car,
rendue illisible par les lacérations, elle tend à
l’abstraction. Cette danse des grandes lettres bleues
s’apparente aux Nymphéas de Monet car elles jouent
avec la perception du spectateur.
1. Décrire les couleurs, formes, matériaux, composition…
2. Quelle est la technique utilisée par l’artiste dans la réalisation de l’œuvre ?
3. À votre avis, pourquoi, l’artiste donne-il la date exacte de réalisation de l’œuvre ? Que peut-on dire de sa
démarche de production ?
4. Comparer l’œuvre de Villeglé avec celle de Monet à laquelle elle fait référence, que peut-on en dire ?
(composition, technique utilisée, format, couleurs,…)
Claude Monet
Les Nymphéas
Paris, Musée de l'Orangerie
Visiter Les Nymphéas du musée de l'Orangerie :
http://www.musee-orangerie.fr/homes/home_id24799_u1l2.htm
5. Dans son format, elle fait référence aux frises ou aux tapisseries, comme celle de Bayeux racontant la
conquête de l’Angleterre par les Normands. L’œuvre de Villeglé raconte-t-elle une histoire ? Laquelle ?
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Le Reniement de saint Pierre
Gerrit van Honthorst
(Utrecht, 1590 - Utrecht, 1656)
Huile sur toile
150 x 197 cm
Dépôt du musée du Louvre, 1876
Honthorst appartient à l'école des caravagesques
d'Utrecht ; dans ce tableau, par les choix de cadrage et
d'éclairage, par la théâtralité et le réalisme de la scène, il
adopte les innovations introduites par Le Caravage qui
bouscule les codes.
L'épisode religieux rejoint la scène de genre et se fond
sans difficulté au décor de la vie de tous les jours.
Il s'agit d'une peinture représentant un épisode biblique
(Nouveau Testament) : Pierre, avant le chant du coq,
renie le Christ comme il avait été prédit. Le moment
choisi est l'interpellation de Pierre par une servante.
1. Situez la scène : la scène représentée vous semble-t-elle se passer :
− au premier siècle (donc au temps de Jésus-Christ)
− au XVIIème siècle (celui du peintre)
− plus tardivement ?
(Donnez des indices).
2. À quel moment de la journée cette scène se passe-t-elle, selon les textes ?
3. Identifiez les sources de lumière ; montrez qu'elles permettent au peintre de distinguer deux espaces.
4. Les figures sont cadrées à mi-corps : quels sont les effets de ce cadrage sur le spectateur ?
5. Dans la partie gauche, les personnages vivent un moment décisif : identifiez la servante, saint Pierre, le
garde : peut-on imaginer des dialogues ?
6. Quel rôle la lumière joue-t-elle dans l'intensité dramatique ?
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Le Pont de l'Europe
Gustave Caillebotte
(Paris, 1848 - Gennevilliers, 1894)
1876
Huile sur toile
33 x 45 cm
Achat, 1962
Ce tableau fait partie d'un ensemble de six esquisses,
études pour le "Pont de l'Europe", peint en 1876
(Genève, musée du Petit Palais).
Les peintres impressionnistes renouvellent le langage pictural en choisissant de nouveaux thèmes, de
nouvelles techniques, et en tournant le dos à la peinture académique (ce qui les écarte des Salons qui leur
sont interdits).
Ce courant veut rompre en peignant en extérieur (pleinairisme que le tube de peinture et le chevalet rendent
possible) des scènes de la vie quotidienne (en s'attachant à ce qui apparaît alors comme expression de la
modernité – paysages nés de la révolution industrielle, ou les nouveaux modes de vie) et en utilisant la
juxtaposition de couleurs qui s'appuie sur les théories de Chevreul ("De la loi du contraste simultané des
couleurs" ; 1839) et de Charles Blanc ("Grammaire des arts du dessin", 1867).
1. Repérez l'espace représenté : "la ville" remodelée par Haussmann...
2. Selon vous, quelle est l'importance de l'élément d'architecture (voyez comment, par la place accordée et les
choix de couleurs, il s'impose au spectateur) ?
3. Comment la construction du tableau insiste-elle sur la perspective ?
4. Cette esquisse met en évidence les lignes de force du tableau : reprenez-les sur un croquis.
5. Caillebotte représente les innovations traduisant la modernité de son époque : recherchez d'autres
exemples de scènes représentées par les impressionnistes qui correspondent également à des aspects
modernes...
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Périssoires
Gustave Caillebotte
(Paris, 1848 - Gennevilliers, 1894)
1878
Huile sur toile
155 x 108 cm
Don de Georges Wildenstein, 1952
Ce tableau fait partie d'un ensemble composé de trois
éléments destinés à la décoration de la propriété que sa
famille possédait à l'Est de Paris. Il s'y rendait pour s'y
reposer et y pratiquer des activités sportives comme ce
tableau le montre.
Les peintres impressionnistes renouvellent le langage pictural en choisissant de nouveaux thèmes, de
nouvelles techniques, et en tournant le dos à la peinture académique (ce qui les écarte des Salons qui leur
sont interdits).
Ce courant veut rompre en peignant en extérieur (pleinairisme que le tube de peinture et le chevalet rendent
possible) des scènes de la vie quotidienne (en s'attachant à ce qui apparaît alors comme expression de la
modernité – paysages nés de la révolution industrielle, ou les nouveaux modes de vie) et en utilisant la
juxtaposition de couleurs qui s'appuie sur les théories de Chevreul ("De la loi du contraste simultané des
couleurs" ; 1839) et de Charles Blanc ("Grammaire des arts du dessin", 1867).
1. Le cadrage (terme photographique) n'est pas celui auquel on pouvait s'attendre : en quoi est-il surprenant ?
2. La touche : observez (de près mais pas trop !) comment le peintre pose la peinture sur la toile.
3. Reculez-vous : les couleurs se mélangent ...
4. Comparez avec le tableau de Toudouze (Éros et Aphrodite) ; quels reproches fait-on aux impressionnistes
selon vous ?
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Coupe de fruits
Lubin Baugin
(Pithiviers, vers 1612 - Paris, 1663)
Huile sur bois
37 x 49 cm
Achat, 1967
Au XVIIe siècle, la nature morte est considérée comme un
genre mineur. Baugin, étant né à Pithiviers, est trop excentré
et ne peut pas entrer dans la confrérie des peintres de Paris. Il
réalise des natures mortes, très estimées par les bourgeois
pour décorer leurs habitations. Cette coupe de fruits, lui offre
d’être reçu dans la corporation des peintres de Saint-Germaindes-Prés.
Panier de prunes et verre d'eau
Pêches et raisins avec un rafraîchissoir
Jean-Baptiste Siméon Chardin
(Paris, 1699 - Paris, 1779)
Vers 1759
Huile sur toile
38 x 46 cm ; 38 x 46 cm
Don de Mme Paul Lemonnier, 1913
En épurant au maximum le nombre d’objets, Chardin s'attache
à la matérialisation de la lumière sur des textures variées :
lisse (cerise et raisin), veloutée (amandes et pêches),
transparente (verre, eau et rafraîchissoir). Il utilise de
l’essence de térébenthine pour diluer ses couleurs ce qui lui
permet de rendre sensible l’impalpable qui traduit cette vie
secrète de la matière dont la lumière active les formes. Des
correspondances s'établissent : les compositions s'équilibrent
car à la pyramide du Panier de prunes, répond la pyramide
inversée du Panier de pêches.
Le Livre ouvert
Juan Gris
((Madrid, 1887 - Boulogne-sur-Seine, 1927)
1925
Huile sur toile
33,3 x 40,8 cm
Dépôt du musée national d'Art moderne, 1994
D’origine espagnole, Juan Gris découvre auprès de Braque et
Picasso le cubisme qu’il va développer dans la nature morte
avec un répertoire de formes sélectif (compotier, livre, pipe)
qui deviennent des motifs infiniment modulable.
Dans Le Livre ouvert, la restriction des objets permet d’unifier
la composition au centre de la toile. Les contours des objets
sont cernés mais paradoxalement donnent le sentiment d’une
composition éclatée.
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1. Qu’est-ce qu’une nature morte ?
2. Expliquer l’évolution du motif de la nature morte au fil des siècles en prenant appui sur les œuvres du
musée sélectionnées. Que pouvez-vous en dire ?
Composition :
couleurs :
lumières : matières :
effets, impressions sur le spectateur :
objets représentés :
…:
3. Sur les reproductions des œuvres (page précédente), faire le schéma de la composition de chacune des
œuvres, en quoi celle de Juan Gris est-elle différente ?
4. Sélectionner dans le musée d’autres œuvres représentant des natures mortes.
5. La vanité est une catégorie particulière de la nature morte,
car elle est un Memento Mori et rappelle à l’homme la fragilité et la brièveté de la vie, le temps qui passe, sa
mortalité.
Quels sont les objets symboles de vanité ?
6. La nature morte est-elle symbolique ?
Vanité
Franciscus Gysbrechts
Collection MBAR
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L'Enlèvement d'Orithye
François-André Vincent
(Paris, 1746 - Paris, 1816)
1783
Huile sur toile
261 x 196,7 cm
Dépôt du musée du Louvre, 2008
Borée (fils d'Astréos –astres- et d'Eos –aurore-) dieu du
vent du Nord, est un vent violent souvent opposé à
Zéphyr qui est le vent de l'Ouest.
Il courtise sans succès Orithye, la fille du roi d'Athènes
(Erechtée) : en effet celle-ci a entendu parler de la
mauvaise réputation des Thraces et ne veut pas aller
vivre là-bas. Borée, fatigué de mettre les formes dans
une cour respectueuse qui n'aboutit pas, s'abandonne à
la violence et enlève Orithye qui dansait avec ses
compagnes dans les prairies au bord de l'Illissos.
Les Métamorphoses d'Ovide (livreVI) v.703 à 707 :
Enlèvement d'Orithye par Borée
(Borée) secoue ses ailes, de leurs battements
se répand un souffle sur toute la terre et la vaste
étendue de la mer frissonne ; traînant sur les
cimes des montagnes son manteau
poussiéreux, il balaie le sol et dans sa passion,
caché par un nuage, il enserre dans ses ailes
fauves Orithye tremblante de peur.
Le thème de l'enlèvement est très présent dans la peinture au XVIIIe siècle. Le désir s'exprime librement,
victorieux de la morale et des interdits transgressés (voir Boucher ou Fragonard). François-André Vincent a
traité à plusieurs reprises cet épisode pour arriver à ce tableau qui exprime l'intensité dramatique de l'épisode.
1. Comment le peintre signifie-t-il les oppositions entre les deux personnages ?
2. Comment s'exprime la brutalité de Borée ?
3. Comment s'exprime la résistance (vaine) d'Orithye ?
4. Comment l''intensité dramatique se lit-elle également dans les expressions des deux autres personnages ?
5. Montrez comment le peintre, en représentant cette scène, offre tout de même au spectateur une peinture
très agréable à contempler.
6. Le peintre vous semble-t-il fidèle au texte ? Quelles libertés s'accorde-t-il ?
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Laure et Pétrarque à la Fontaine de Vaucluse
Philippe-Jacques van Brée
(Anvers, 1786 - Bruxelles, 1871)
1816
Huile sur toile
146,5 x 162,7 cm
Don de M. Ménager, 1927
La peinture désignée par le terme "troubadour" - terme
qui est utilisé vers 1880 pour s'en moquer - apparaît au
début du XIXe siècle en réaction au néoclassicisme ; on
choisit de représenter des scènes bien loin de la réalité,
souvent idéalisées ou doucereuses, plus proches des
contes de fée que de l'histoire. Ce style correspond à un
goût nouveau pour le Moyen Âge, une sensibilité
romantique sans doute un peu mièvre et à la diffusion
d'images qui deviennent des repères pour
l'enseignement de cette période.
Pétrarque, de retour à Avignon en 1336, se retire à la
Fontaine de Vaucluse sur la Sorgue à partir de 1338 ; il y
séjourne régulièrement jusqu'en 1353 : il consacre cette
retraite à l'étude, tout en nourrissant un amour
passionné pour une femme de haut rang, Laure, passion
qui s'exprime dans des écrits célèbres.
1. Identifiez les personnages : Pétrarque, Laure, la muse.
Vers qui les pensées de Pétrarque, dans son isolement, sont-elles tournées ?
Qui semble s'interposer entre Laure et Pétrarque ?
2. La retraite dans ce milieu est source d'inspiration pour le poète : comment interpréter le paysage rocheux ?
Les eaux tumultueuses ?
3. La représentation du Moyen Âge vous semble-t-elle "vraie" ?
4. La scène oscille entre le réalisme et la fable :
o les expressions sont parfaitement lisibles : observez Laure, remarquez l'hésitation exprimée...
o la présence de la muse donne une autre tonalité à la scène : pourquoi ?
5. Comment le peintre mêle-t-il mièvrerie et romantisme ?
6. Pourquoi peut-on penser que la volonté de l'artiste de représenter une scène de manière réaliste est ici
excessive ?
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Velléda
André-Charles Voillemot
(Paris, 1823 - Paris, 1893)
Vers 1869
Huile sur toile
230,5 x 148,5 cm
Dépôt de l'Etat, 1869
"La nuit était descendue. La jeune fille s'arrêta non loin
de la pierre, frappa trois fois des mains, en prononçant à
voix haute ce mot mystérieux : "Au gui l'an neuf !" (...).
On lisait sur le visage de la Druidesse l'émotion que lui
causait cet exemple des vicissitudes de la fortune. Elle
sortit bientôt de ses réflexions et prononça ce
discours..." (Chateaubriand, "Les Martyrs", Livre IX)
Dans le roman, Eudore commande les troupes romaines
en Armorique et fait face à la révolte des habitants ; il
retient en otage Segenax et sa fille Velléda qui tombe
amoureuse de lui ; Eudore cède à la passion de la jeune
fille ; partagée entre un amour impossible et la fidélité à
son peuple, Velléda se suicide. Eudore retourne à Rome
auprès de sa femme et meurt dans le martyre.
Alors que les artistes ont souvent représenté Velléda dans la rêverie amoureuse, Voillemot rend au
personnage tous les tourments contenus dans le livre en choisissant un moment particulier : Velléda se
prépare à haranguer les guerriers contre les Romains alors qu'Eudore l'observe et découvre la force spirituelle
de la druidesse en même temps que sa beauté. Le peintre respecte les règles académiques (rendu et
représentation du corps féminin) et donne aussi une tonalité romantique en respectant le texte de
Chateaubriand. Ce tableau illustre l'interpénétration des courants dans une même œuvre.
1. Décrivez la scène (personnage, lieu, moment de la journée, action…).
2. Observez le personnage dans les détails : le vêtement, les attributs, les gestes, les expressions...
3. Quels sont les éléments du tableau qui signifient le calme, le repos et la méditation ?
4. Quels sont les éléments du tableau qui expriment l'agitation, le désordre, l'inconnu ?
5. Quels sont les éléments qui donnent au tableau une "tonalité romantique" ?
6. Ne peut-on y voir également le respect de codes académiques
(notamment dans la représentation de Velléda) ?
Pour prolonger :
Les choix de Maindron
(jardin du Luxembourg "Velléda contemplant la demeure d'Eudore"),
de Cabanel, de Verlaine ("Après trois ans...").
En musique, Paul Dukas écrit la cantate "Velléda" en 1888
et obtient le second Grand Prix de Rome...
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Etienne Hippolyte Maindron
Velléda contemplant la demeure d'Eudore
Collection MBAR