Penser les mediacultures
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Penser les mediacultures
1 Article publié dans MAIGRET Eric, MACE Eric (dir.) (2006), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin. "Mouvements et contre-mouvements culturels dans la sphère publique et les médiacultures" Eric Macé "Nous nous sommes vite rendu compte que c'était une erreur de nous focaliser sur les objets, comme si le sujet de nos recherches était des tableaux statistiques, des cartes, des récits ethnographiques ou des films. Il a semblé plus fécond de considérer ces artefacts comme les traces figées d'une action collective (as the frozen remains of collective action), réanimées à chaque fois que quelqu'un se les approprie : en rédigeant ou en lisant une carte ou un texte, en produisant ou en regardant un film". Howard Becker, "Telling about society" La tradition critique et dénonciatrice, principalement représentée par l'école de Francfort, a longtemps régné sur l'analyse de la sphère publique et des médiacultures1. Le raisonnement était simple. La conjugaison de l'idéologie des classes dominantes et de l'industrialisation de la production culturelle ne pouvait que conduire à la mystification des masses, à la marchandisation des subjectivités et à la corruption du politique par la société de spectacle. Autant de bonnes raisons pour se focaliser sur une sociologie de la reproduction sociale plutôt que sur une sociologie de la production de la société. Or un changement de regard donne accès à une autre dimension de la réalité sociale qui n'est plus seulement celle de la domination, mais celle des rapports de pouvoir et leur dynamique conflictuelle2. On observe alors que ce qui permet d'articuler la sphère publique, les industries culturelles et les subjectivités, c'est moins l'emprise d'une culture unidimensionnelle que la conflictualité des rapports sociaux jusque dans le champ culturel. Ainsi, qu'on s'intéresse aux controverses publiques, aux représentations médiatiques ou à l'expérience des "publics", c'est au fond la même chose qu'on étudie : la manière dont les mouvements culturels (qu'ils soient conservateurs, réactionnaires ou transgressifs) construisent conflictuellement la réalité à 1 2 Adorno, Horkheimer (1974) ; Marcuse (1964). Touraine (1978). 2 travers cette forme spécifique de médiation qu'est la médiation médiatique. On n'a donc aucune raison d'opposer une sphère publique idéale qui serait "démocratique" à des médiacultures qui seraient "mystificatrices". Bien au contraire, les dynamiques culturelles peuvent s'y saisir à chaque fois. D'un côté, en observant comment les "conflits de définition" qui animent la sphère publique trouvent leurs traductions jusque dans les médiacultures, ces dernières considérées alors comme l'ensemble de ces "traces figées d'actions collectives" dont parle Howard Becker3. D'un autre côté, en montrant comment les médiacultures ainsi configurées sont des ressources culturelles importantes dans les processus d'acculturation qui sont typiques des sociétés transnationalisées de la seconde modernité. On passe ainsi d'une définition étroite de la sociologie de la culture, indexée sur les légitimités culturelles (petites) bourgeoises et nationales, à une définition anthropologique et constructiviste plus large permettant de saisir les dimensions politiques des imaginaires collectifs. La sphère publique peut alors être saisie comme est un espace de conflictualité entre mouvements culturels hégémoniques et mouvements culturels contre-hégémoniques, dont les médiacultures en sont l'expression via la médiation des industries culturelles. Comme on le voit, je déroge ici à l'usage qui veut qu'en français on utilise le terme "d'espace public" depuis la traduction du livre éponyme de Jürgen Habermas4. En effet, le terme "d'espace public" ne permet pas de distinguer deux dimensions articulées mais différentes : d'un côté la sphère publique symbolique et politique immatérielle des débats publics, et d'un autre côté les espaces publics urbains. C'est pourquoi je préfère, tout comme en anglais, le terme de "sphère publique", réservant celui "d'espace public" aux espaces urbains concrets. Cette distinction permet notamment de mieux montrer en quoi les espaces publics sont une scène spécifique d'expression des normes et des tensions d'une sphère publique plus large. On va le voir avec la question des stigmatisations dans les cas français et turc. A propos des corps féminins découverts ou voilés, il y a d'évidentes interactions entre la question de la visibilité des corps sexués dans les espaces publics et l'état des rapports sociaux relatifs aux genres ou aux minorités tels qu'ils s'expriment, via les mouvements culturels, au sein de la sphère publique. De la mystification idéologique à la conflictualité culturelle 3 4 Becker (1999), p. 152. Habermas (1993). 3 Les médias de masse ont pour particularité d'être à la fois la scène et l'un des acteurs de la sphère publique. Ils en sont la scène principale depuis que les débats publics ne se limitent plus aux enceintes parlementaires et à la presse écrite savante, mais passent par la médiation et la diffusion de masse des images et des discours médiatiques. Du fait de cette médiation médiatique quasi obligée qui s'impose à tous les acteurs pour l'accès à la sphère publique, les médias de masse en sont aussi un des principaux acteurs, y développant leurs propres logiques d'actions qui sont celles d'industries culturelles. C'est en raison de ce double statut que la pensée critique a longtemps dénoncé les médias et la culture de masse marchande comme les agents corrupteurs d'une sphère publique originellement "rationnelle" et "critique". Cette approche "classique" me semble tout à fait discutable et une "critique de la critique" permet d'inverser le questionnement : il s'agit moins de montrer en quoi les médias de masse pervertissent la sphère publique que de montrer en quoi les dynamiques de production culturelles propres à la sphère publique trouvent à s'exprimer et à se traduire jusque dans les médiacultures. La sphère publique idéale et sa critique Historiquement, c'est le "principe de publicité" qui motive la création d'une sphère publique politique nationale au 18e siècle, contre l'opacité et l'arbitraire d'un pouvoir monarchique qui avait littéralement privatisé les affaires publiques, et qu'illustre la maxime attribuée à Louis XIV : "l'Etat c'est moi". Les philosophes des Lumières et les dirigeants républicains révolutionnaires, nourris de références à la démocratie athénienne, ont défini la sphère publique comme un "tribunal de la raison" qui devait examiner, au moyen de discours et de débats argumentatifs, les fins et les moyens des affaires publiques, sous le regard attentif et critique du public des citoyens. Passant de la Cité grecque à l'échelle des nations, cette sphère publique moderne ne pouvait plus se limiter au seul espace physique de la place publique qu'était l'agora athénienne où tous les citoyens étaient simultanément orateurs et membres du public. Cet espace concret des débats a été reproduit sous la forme de l'enceinte du Parlement, mais le public ne peut plus se réduire aux membres de l'assemblée puisqu'il est constitué par l'ensemble des citoyens de la nation. Les séances du Parlement sont certes ouvertes au public, mais le véritable public de la sphère publique moderne n'existe dorénavant qu'à travers la médiation de la presse qui "rend public" les débats et les décisions de l'assemblée auprès d'un public de citoyens attentifs. Non seulement ces derniers commentent autour d'eux ces débats (dans la sphère privée ou semi-publique des cercles, clubs, associations, organisations...), 4 mais ils interviennent également par voie de presse, exprimant ainsi une "opinion publique" vigilante quant aux décisions prises au nom du peuple. Ce modèle démocratique idéal de sphère publique, de public et d'opinion publique a cependant été l'objet de nombreuses critiques portant d'une part sur la réalité de la participation de tous aux débats politiques, d'autre part sur les effets de cette médiation obligée par la presse et les médias. Tout d'abord, la sphère publique démocratique de la Révolution française comme celui d'Athène était fondé sur une série d'exclusion : les femmes, les métèques et les esclaves pour les Grecs, les hommes du peuple et toutes les femmes pour les républicains des Lumières. Cette sphère publique de débats seulement accessible aux citoyens mâles "éclairés par les lumières de la Raison" et possédant quelques biens et propriétés apparaît ainsi comme un espace élitiste réservé à un groupe social particulier : les hommes (blancs) de la classe bourgeoise. A partir de là, c'est l'universalité du point de vue développé au sein de cette sphère publique qui est remis en cause dans la mesure où, en droit comme en fait, l'égalité des points de vue n'existe pas dans des sociétés hiérarchisées et inégalitaires5. C'est pourquoi cette définition idéale et normative de la sphère publique a été contestée par les groupes exclus eux-mêmes. Par le mouvement ouvrier, qui a introduit la question des rapports de classes et des droits sociaux pour aller au-delà de l'égalité abstraite des droits civiques. Par les mouvements anti-esclavagistes, anti-ségrégationnistes et anticoloniaux en introduisant la question des discriminations raciales et ethniques. Par les mouvements féministes, en contestant une vision masculiniste de la politique et du partage entre la sphère publique (libre, prestigieuse et masculine) et la sphère privé (contrainte, domestique et féminine). C'est précisément cette irruption au sein de la sphère publique de la masse concrète du "peuple", des "indigènes" et des "femmes", avec la somme de leurs particularismes et de la conflictualité désordonnée de leurs revendications et de leurs intérêts, qui a conduit nombre de théories de la sphère publique à penser la situation contemporaine propre aux démocraties de masse en termes de dégradation de l'idéal républicain6. Ce point de vue est d'ailleurs largement articulé avec une analyse critique des effets des médias de masse sur la sphère publique et dont le livre de Jürgen Habermas, l'Espace public, est la meilleure illustration. Considérés comme des industries culturelles commandées par une logique commerciale sans 5 6 Fraser (2001). Ferry (1989). 5 rapport avec le nécessaire désintéressement du politique, les médias de masse sont l'objet de deux analyses critiques, l'une cynique et l'autre dénonciatrice. Du point de vue cynique de l'élite dirigeante qui se veut dépositaire de l'expertise rationnelle et de "l'intérêt général", les médias doivent être considérés comme des instruments de manipulation des opinions afin d'échapper à l'irrationalité populaire de la "tyrannie de la majorité". Puisque les conditions d'une "opinion publique" informée et raisonnée ne sont plus réunies dans les démocraties de masse, il s'agit de lui substituer une "opinion publique" forgée sur la base de sondages mesurant de façon tout à fait artificielle les opinions privées de personnes le plus souvent peu informés des enjeux (sinon par les médias). De sorte que cette "opinion publique" apparaisse comme l'expression du "peuple" alors qu'elle n'est que la marionnette des ventriloques que sont les commanditaires et les commentateurs de ces sondages - autrement dit les acteurs dirigeants eux-mêmes. Ce tour de passe-passe par lequel la "publicité des débats" est remplacée par les stratégies "publicitaires" de la communication politique, est rendu possible par la dimension spectaculaire des médias de masse, qui font confondre ce qui est visible avec ce qui est important. Tout comme Louis XIV mettait en scène de façon spectaculaire sa vie privée à Versailles tout en privatisant et en occultant l'exercice réel du pouvoir, les médias de masse divertissent le public avec les dimensions privées ("psychologiques") de la politique et de ses dirigeants, tout en occultant la réalité des enjeux et des rapports de pouvoir. C'est d'ailleurs ce qui conduit les approches non plus cyniques mais dénonciatrices, à mettre en garde contre une corruption généralisée du monde par les médias de masse, ces derniers emportant ce qui pouvait rester de pensée "universelle" et "critique" (l'art, la science) dans les logiques irrationnelles de la "société de spectacle" et du divertissement. De l'idéologie à l'hégémonie Dans ce débat sur la sphère publique et les représentations culturelles, le principal apport de la tradition critique (de Marx à Bourdieu en passant par l'école de Francfort) a certes été de montrer en quoi tout rapport social est fondamentalement asymétrique : la construction sociale de la réalité du monde se fait souvent du point de vue des groupes sociaux dominants à travers l'emprise de leur "vision du monde" sur l'orientation des actions, des normes et des identités7. Mais la principale limite de cette tradition est d'avoir considéré que cette asymétrie était nécessairement une domination conduisant à une mystification généralisée quant à la 7 Martuccelli (1999). 6 véritable "réalité" du monde, et en particulier quant à cette asymétrie elle-même. De sorte que dominants et dominés en viendraient à partager une même vision "naturalisée" de l'ordre des choses que seul le "savant" serait à même de révéler, voire de dénoncer - même si, pour ces auteurs, l'exercice leur apparaît vain au fond tant, selon eux, l'emprise idéologique est puissante et liquide par avance toute capacité d'action de ceux-là même à qui on révèle leur mystification. Mieux vaut s'en remettre, si on est historiquement optimiste comme Marx, à l'énergie des forces productives et aux contradictions à venir du capitalisme. Si on est objectiviste comme Bourdieu, au petit cercle des "voyants", moines séculiers de la connaissance scientifique. Ou bien, si on est pessimiste comme Adorno et Horkheimer, savoir inutile de s'en remettre à quiconque, et s'offrir un dernier frisson esthétique en sombrant avec le Titanic de ce que fut l'humanité (celle de la "négativité" de l'art et de la Raison) avant qu'elle ne soit liquidée par le capitalisme avancé et ses industries culturelles. C'est sans doute pour échapper aux apories de ce "pessimisme de l'intelligence" qu'Antonio Gramsci et après lui Stuart Hall et les Cultural studies ont préféré penser l'asymétrie des rapports sociaux moins en termes de domination qu'en termes de pouvoir8. Un pouvoir dont Michel Foucault précisait qu'il ne se possède pas mais qu'il s'exerce, c'est-à-dire qu'il est actualisé et remis en jeu à chaque fois que des acteurs sont en relation9. C'est ce que marque le passage de la notion marxiste d'idéologie à la notion gramscienne d'hégémonie. L'asymétrie des relations de pouvoir dans les rapports sociaux peut bien conduire à des "effets de domination" (lorsque les individus, dominants et subalternes, ne se rendent pas compte que l'asymétrie de leur relation est un "construit" pour y voir un "fait de nature" ou bien quelque chose de "normal"), mais cette emprise tout comme la pérennité de l'exercice de ce pouvoir est "sans garanties" en raison à la fois des contradictions internes aux groupes dominants et aux résistances des groupes subalternes10. On peut dès lors observer que l'exercice du pouvoir au sein des rapports sociaux donne lieu en permanence à des "conflits de définition" entre légitimation et délégitimation, "naturalisation" et "problématisation", transgression et disqualification, justification et contestation, dépolitisation et repolitisation, occultation et publicité, événement et non-événement, force de l'institué et dynamique de l'instituant, performativité et subversion des codes. C'est d'ailleurs bien sur cette base que les Cultural studies ont été fondée, en considérant la culture non plus comme un champ de domination 8 Morley, Chen (1996) ; Ferguson, Golding (1997). Foucault (1976). 10 Hall (1996). 9 7 idéologique mais comme un champ de conflits entre hégémonies et contre-hégémonies. Et ceci est vrai pour toutes les formes d'expression culturelle, indépendamment des hiérarchies culturelles "légitimes". Il ne s'agit plus, à la Francfort, d'opposer "l'art" à la "culture de masse", ni même, à la suite de Hoggart, Bourdieu et Passeron, la "culture populaire" à la "culture de masse"11. Il s'agit plutôt d'observer, au sein de chaque forme d'expression culturelle, y compris la culture de masse (et jusque dans ce qu'on désigne comme la "pornographie"12), l'expression des "conflits de définition" entre mouvements culturels et contre-mouvements culturels, entre points de vue hégémoniques et points de vue contrehégémoniques13. Autrement dit, les Cultural studies n'ont rien d'une bizarrerie exotique anglo-saxonne que les Français "découvriraient" avec 30 ans de retard, elles participent pleinement du projet d'une sociologie des rapports sociaux dans la culture (au sens anthropologique le plus large et le plus politique), en tant qu'elles étudient "les relations entre culture et pouvoir"14 dans la totalité des productions, des objets et des pratiques culturelles. Ce que la sphère publique fait aux médiacultures Ni idéal démocratique abstrait toujours menacé de dégradation, ni spectacle mystificateur, la sphère publique est ainsi moins un tribunal ou un théâtre qu'une arène symbolique constituée par les luttes de légitimation et de disqualification que se livrent, via les mouvements et contre-mouvements culturels, les acteurs inscrits au sein de rapports sociaux asymétriques. Dynamiques des arènes publiques Le principe de publicité reste un trait essentiel de la sphère publique, comme le souligne Habermas dans ses travaux ultérieurs post-Francfortiens15. Non seulement pour les luttes démocratiques au sein des régimes non-démocratiques. Mais aussi dans les régimes démocratiques dès lors que l'exercice du pouvoir ne se limite pas à l'action législative et 11 Pour une discussion des interactions théoriques entre Stuart Hall, Richard Hoggart, Pierre Bourdieu et JeanClaude Passeron, voir Macé (2000). 12 Williams (2004). 13 Paradoxalement, alors que la sociologie de la culture française se veut critique envers les effets de domination produits par les classements sociaux entre objets culturels "légitimes" et "illégitimes", elle s'en est elle-même tenu à l'étude des seuls objets "légitimes", au point qu'en 2004 la prise en compte des objets de la culture de masse comme objets "légitimes" passe pour audacieuse (alors que pour les cultural studies anglo-saxonnes, la question ne se pose plus depuis les années 1970) : Lahire (2004). 14 Couldry (2000), p. 6. 15 Habermas (1997). 8 gouvernementale, mais s'exerce à travers le développement relativement opaque de la technocratie, des techniques, du marché et des rapports sociaux de subordination. De sorte que le principe de publicité ne concerne pas seulement ce qu'il est convenu d'appeler le "politique", mais aussi ce que Ulrich Beck désigne par les "subpolitics", c'est-à-dire l'ensemble de ces domaines qui semblaient réservés aux ingénieurs, aux technocrates, aux scientifiques, aux experts ou à la sphère "privée". Ces domaines sont en effet de plus en plus l'objet de contestations, de controverses, de scandales et d'accidents typiques d'une situation d'incertitude, elle-même propre à une "seconde modernité" qui ne croit plus aux lendemains radieux du "progrès" et de la "civilisation" mais sait qu'elle produit elle-même les problèmes (environnementaux, éthiques, politiques, culturels) qu'elle doit nécessairement résoudre16. On peut ainsi considérer, contre la tradition athénienne de philosophie politique prolongée par Hanna Arendt, qu'il n'existe pas de sphère publique (vs "privée") dont les contours seraient définis a priori (les "fins de la cité"), mais que les contours de la sphère publique sont coextensifs à l'étendue des formes de problématisation de la "réalité" par les acteurs. Cela signifie que le seul principe de publicité ne suffit pas à rendre compte de cette "arène" qu'est la sphère publique. Il faut aussi prendre en compte ses dimensions conflictuelle, asymétrique, plurielle et plastique. Loin d'être un espace rationnel, la sphère publique est le lieu d'un intense conflit de définitions entre acteurs inscrits dans des rapports sociaux et des mouvements culturels divergents. Tout le monde n'a pas les mêmes ressources politiques, économiques et symboliques pour faire valoir son point de vue ou pour disqualifier celui de ses opposants ou adversaires. C'est ce que, pour les rapports et les identités de genre, Judith Butler appelle la dimension "performative" des représentations : nommer, représenter, c'est à la fois faire exister et définir un cadre interprétatif plus ou moins hégémonique ou subversif17. Cela ne signifie pas que la sphère publique soit nécessairement dominée par le point de vue des acteurs dominants, mais que les acteurs sociaux ou les points de vue subalternes dans les rapports sociaux asymétriques sont aussi subalternes dans la sphère publique et qu'ils doivent avant tout construire leur légitimité. C'est parce que la sphère publique n'est pas égalitaire que certains groupes sociaux ou certains points de vue doivent d'abord se constituer en "contrepublics subalternes" et développer au sein d'un réseau propre (ayant souvent leurs propres supports médiatiques) la définition de leurs adversaires, de leur identité et des "problèmes" 16 17 Beck (1994, 2001). Butler (2005). 9 devant être "pris en compte" au niveau plus général18. Cela a d'ailleurs souvent pour effet de reconfigurer ces groupes eux-mêmes et la définition des "problèmes" qu'ils soulèvent. On peut le voir, par exemple, lors des controverses socio-techniques relatives à l'environnement19, ou bien dans la manière dont la minorité musulmane en occident s'auto-transforme du fait même qu'elle se constitue en "contre-public subalterne" pour à la fois résister à la stigmatisation dont elle l'objet et, tout particulièrement en France, pour acculturer réciproquement l'islam à la laïcité et la république aux minorités20. Dès lors qu'ils acceptent le jeu démocratique, ces "contre-publics subalternes" se constituent au sein de la sphère publique en mouvements culturels contre-hégémoniques pour contester et relativiser les points de vue et les représentations dominantes et instituées en "allant de soi". Et ceci sans que cela préjuge pour autant de leur caractère "conservateur", "progressiste" ou "réactionnaire". On peut tout autant considérer comme des mouvements culturels contre-hégémoniques d'un côté la minorité "néoconservatrice" aujourd'hui triomphante au sein de la droite états-unienne, et d'un autre côté le point de vue queer, toujours marginal y compris au sein du féminisme et des mouvements gays et lesbiens21. C'est la raison pour laquelle la sphère publique est plurielle. Elle n'est pas constituée d'une seule scène (qui serait la scène politique et médiatique nationale et transnationale), mais d'une sphère publique globale en lien avec de nombreuses sphères publiques locales que sont ceux des associations, des réseaux scientifiques, artistiques, syndicaux, religieux... etc. , qui font en sorte d'accéder au sein de l'espace public global pour y légitimer leur point de vue. Au cours de ces mobilisations politico-symboliques, les différents acteurs élargissent l'espace politique et celui de la sphère publique en y introduisant de "nouveaux être" ou de nouveaux "problèmes" qu'il s'agit de faire "prendre en compte" afin de reconfigurer la définition même de la "réalité" sur laquelle on veut intervenir22. C'est cette diversité des points de vue et des acteurs en présence qui fait finalement la plasticité de l'arène publique au sens où ses contours ne sont pas prédéterminés mais varient à mesure que de nouveaux problèmes ou de nouveaux acteurs apparaissent et demandent à être pris en compte23. La sphère publique est ainsi reconfigurée à chaque fois qu'une "représentation" ou qu'une "identité" est problématisée conflictuellement (on le voit avec la question des minorités), mais aussi à chaque fois qu'un "fait", jusqu'alors considéré comme "privé", 18 Fraser (2001). Callon, Lascoumes, Barthes (2001). 20 Macé, Guénif-Souilamas (2004). 21 Warner (2002). 22 Muller (2003). 23 Cefaï (1996). 19 10 "scientifique" ou d'une façon générale comme non problématique, est transformé par des acteurs en "problème" puis promu par ces mêmes acteurs comme un "problème public" devant à la fois être "rendu public" et débattu publiquement. L'exemple le plus significatif est sans doute celui des mouvements culturels féministes qui, en affirmant que "le privé est politique", ont transformé en "problème public" des questions le plus souvent reléguées dans la sphère domestique, comme les violences conjugales ou la "double journée" (c'est-à-dire l'assignation préférentielles des femmes aux charges domestiques et parentales bien qu'elles sont dorénavant autant salariées que les hommes). On peut ainsi penser que ce qui définit la vivacité d'un régime démocratique, c'est précisément sa capacité à générer des "contre-publics subalternes" susceptibles de porter des contre-discours au sein de la sphère publique globale et d'ainsi élargir continuellement les objets et les termes du débat public et politique. Porosité des industries culturelles On l'a dit, la sphère publique contemporaine est nécessairement médiatique. Cela signifie que les médias de masse ne se contentent pas de "rendre public" l'actualité de la sphère publique, mais qu'ils en font une traduction particulière, que ce soit dans les programmes d'information, de fiction ou de divertissement. C'est cela que la sphère publique "fait" aux médiacultures : elle constitue le principal matériau de ce que "représentent" et "expriment" les médiacultures, faisant de ces dernières ni le "reflet" d'une improbable réalité "objective" du social, ni le reflet idéologique du point de vue des groupes sociaux dominants, mais le reflet du niveau d'intensité des conflits de définition au sein de la sphère publique. C'est évident pour l'information comme le montre l'ensemble de la sociologie du journalisme. De Greenpeace24 ou Act Up25 mettant en scène de façon spectaculaire des "événements" destinés à agir sur l'opinion publique et les dirigeants économiques et politiques, jusqu'aux stratégies ordinaires de communication et de publicité émanant des centres de pouvoir, les médias sont devenu la cible de stratégies d'instrumentalisation visant à légitimer ou à disqualifier tel point de vue ou tel "problème". Le plus souvent ce n'est pas les journalistes qui vont à l'information, mais "l'information" qui va aux journalistes, via des "faits" construits en "événements" par des acteurs et promus comme "information" auprès des journalistes (que ce soient la publication des "chiffres de la délinquance" par le ministère de l'intérieur ou le 24 25 Derville (1997). Barbot (2002). 11 lancement d'une campagne de boycott d'un produit par une organisation écologiste)26. A charge pour les journalistes de décider ou pas de "traiter" ces informations en fonction des contraintes de format propre à leur support et aux "scripts interprétatifs" dominants du moment27. De sorte qu'en situation de routine, l'agenda journalistique des "problèmes publics" n'est que l'écho de l'agenda politique en la matière (comme on le voit en France pour les questions d'insécurité urbaine ou routière)28, et il faut quelques accidents non-intentionnels ou l'action résolue d'acteurs subalternes pour qu'apparaissent des "scandale" qui voient l'agenda journalistique s'imposer à l'agenda politique (comme ce fut le cas en France pour le sang contaminé29). Par contre, la porosité des médiacultures aux conflits de définition au sein de la sphère publique semble moins évidente en ce qui concerne les fictions, la publicité ou le divertissement. Pour établir de telles interactions, il faut en effet disposer d'une théorie des industries culturelles qui le permette, et il faut bien avouer que sur ce point les recherches françaises sont particulièrement sous-développées par rapport à l'ensemble de la littérature anglo-saxonne. De nouveau, on doit ici s'éloigner de la thèse critique dénonçant la dimension "unidimensionnelle" des industries culturelles et de la culture de masse, une thèse dominante dont on trouve les traces jusque dans la vulgate de la dénonciation de "l'audimat", ce "dieu caché qui règne sur les consciences" selon Pierre Bourdieu30. On peut à l'inverse montrer, ainsi qu'Edgar Morin l'avait fait dès les années 1960, que les industries culturelles, tout comme la sphère publique, ne sont pas un lieu de pure domination idéologique, mais le site de tensions dynamiques qui conduisent à la production de représentations où l'hégémonie conservatrice est nécessairement travaillée par l'ambivalence, l'ambiguïté, voire l'innovation transgressive31. Il faut comprendre pour cela que les industries culturelles sont les premières formes historiques de production non institutionnelle de la culture commune (non pas la culture de tous, mais celle connue de tous). D'abord définies par l'instabilité du marché et la diversité des publics, c'est dans le cadre d'une véritable économie du risque qu'elles doivent se développer32. Cela vient du fait que plus le public est grand, et plus il est hétérogène. Plus l'offre est concurrentielle, et plus les engouements et les modes sont imprévisibles. Plus les 26 Molotch, Lester (1996). Bosk, Hilgartner (1988). 28 Macé (2005). 29 Champagne, Marchetti (1994). 30 Bourdieu (1996), p. 25. 31 Morin (1975). 32 Hesmondhalgh (2002). 27 12 consommations sont mesurées, et plus les usages sont opaques. Plus la standardisation est nécessaire, et plus chaque produit demeure un prototype. Plus le volume d'offre est important, et moins la productivité des "symbolic creators" est planifiable. Plus les rentes des succès passés sont élevées, et plus la répétition risque de lasser. Plus l'innovation culturelle (ou la contre-programmation) est un risque commercial, et plus c'est aussi une opportunité de "jackpot". Cela a pour effet principal un taux d'échec commercial considérable avec, par exemple en 1998 aux Etats-Unis, seulement 2% des albums musicaux, 3% des films et 20% des livres considérés comme "rentables"33. C'est pour cela que les industries culturelles cherchent en permanence à réduire les risques au moyen de stratégies qui, tout comme le gramscisme par rapport au marxisme, sont "sans garanties". Il est en ainsi de la spirale inflationniste de "nouveautés", et on comprend mieux en quoi cette surproduction systématique participe de la nécessaire réduction des risques, à travers la boutade d'un professionnel du disque expliquant que la meilleure stratégie de programmation consiste à "balancer la sauce sur le mur et à attendre de voir ce qui reste collé" ("throwing mug against the wall and seing what stiks")34. Par ailleurs, on engage de grandes manœuvres de concentration verticales et horizontales des groupes de production et de diffusion. On cherche à réduire l'incertitude liée à ce que chaque nouveau produit-prototype a d'inconnu (disque, film, série TV), en multipliant les "marques" rassurantes que sont les noms d'acteurs, de chanteur ou de personnages déjà connus. On créé de nombreux "marchés de niche" au moyen d'autant de "genres" et de "sous-genres" cinématographiques, télévisuels, musicaux, avec chacun leurs amateurs, fans, revues et sites et forums web spécialisés. On élargit le vivier des "symbolic creators" par une concurrence accrue via la disparité de fortune entre la masse de ceux qui gagnent peu et la minorité de ceux qui décrochent le "gros lot". On constitue des "geocultural markets" permettant d'élargir la diffusion au-delà des frontières nationales, et l'étendre à des régions culturelles et linguistiques relativement homogènes, pour ainsi concurrencer localement et influencer globalement ce qui reste de l'hégémonie de médiacultures américaines de plus en plus cosmopolisées par Mexico, Sao Paolo, Hong Kong, Tokyo, Dubaï, Le Caire, et Bollywood. En dépit de ces stratégies de réduction de l'incertitude, les professionnels des industries culturelles doivent en permanence faire des arbitrages entre les rentes du conservatisme et les 33 34 Idem, p. 18. Idem, p. 19. 13 bénéfices de l'innovation, entre l'habituel "less objectionable" destiné au "grand public" et les stratégies "d'invention" de publics ou de points de vue émergents (insistons cependant sur le fait que la sociologie de ces professionnels reste à faire en France35). Ils disposent pour cela de toute une batterie d'aide à la décision que sont les mesures quantitatives (dont "l'audimat") et les études marketing qualitatives. Mais c'est aussi la connaissance qu'ils ont de la culture médiatique antérieure et concurrentielle, et surtout l'idée qu'ils se font de ce qui pourrait "intéresser les gens" qui les conduit à faire en permanence des "paris" quant au succès de tel ou tel produit en y introduisant (ou en occultant) telle ou telle dimension qui leur semble stratégiquement efficace ou, en tout cas, significatif du conformisme du moment qu'ils imaginent être celui d'un "public" lui-même imaginé36. Cette dimension au fond "artisanale" de la créativité sous contrainte qu'est le travail dans les industries culturelles est bien évidemment informée, alimentée, cadrée par ce qui constitue à la fois l'environnement et la matière première de ces professionnels, c'est-à-dire l'état et le niveau d'intensité des "conflits de définition" qui animent la sphère publique. Nous devons donc considérer les industries culturelles comme des usines de production, à flots continus, de représentations du monde qui prennent en compte, d'une manière ou d'une autre, la diversité des publics (c'est-à-dire la somme d'individus complexes qu'il s'agit "d'intéresser") et la diversité des points de vue tels qu'ils apparaissent configurés au sein de la sphère publique, en fonction de la capacité des acteurs à rendre "visible", voire légitimes, leurs définitions des choses et leurs visions du monde. C'est parce qu'il en est ainsi qu'on peut considérer les médiacultures comme une forme particulière d'écho de la manière dont les sociétés se définissent elles-mêmes ou définissent leurs "problèmes". Cela peut s'observer diachroniquement, et on peut par exemple suivre les oscillation de la légitimité de la problématique féministe aux Etats-Unis à partir de l'étude de la manière dont il est "pris en charge" par les fictions télévisuelles. Légitimation de l'autonomie conjugale et professionnelle des héroïnes dans les années 1970, backlash antiféministe dans les années 1980, post-féminisme utopique dans les années 199037, et peut-être un retour des mises à jour d'un sexisme persistant depuis les années 200038. On pourrait 35 On ne connaît que quelques travaux pionniers qui restes isolés : Pasquier (1995), Chalvon-Demersay, Pasquier (1990). 36 Macé (2003). 37 Dow (1996). 38 C'est semble-t-il le thème d'une série américaine récente diffusée avec succès sur ABC, Desperate housewives ("femmes au foyers désespérées") qui sape l'idéal normatif américain du bonheur domestique et familial en 14 également montrer comment, entre les "reality-shows" des années 1980 en France et les succès de la "télé-réalité" du type Loft Story, la mise en scène de l'imaginaire populaire est passée d'une solidarité communautaire face à une même "peur de l'exclusion", aux stratégies individualiste d'un "training" et d'un "coaching" pour y échapper39. On peut également observer cette manière d'écho socio-historique des médiacultures de façon synchronique à travers la juxtaposition ambivalente de propositions contradictoires ou l'ambiguïté du "double speak"40. Ainsi, dans les programmes de la télévision française, on voit de plus en plus d'homme dans les publicités pour produits ménagers - mais ils sont incompétents ; l'homosexualité masculine est de plus en plus prise en compte - mais les lesbiennes sont toujours aussi invisibles ou disqualifiées ; il y a bien quelques téléfilms édifiants sur "l'intégration" des personnes liées à l'immigration - mais les quelques non-blancs des émissions ordinaires restent stéréotypés. De sorte que, au final, cette extrême sensibilité des médiacultures aux balancements hégémoniques et aux problématisations culturelles au sein de la sphère publique, permet de considérer le "double médiatique" de chaque société comme un bon observatoire de la "réalité" de l'état de ses rapports sociaux et de ses conflits culturels41. Ce que les médiacultures font à la sphère publique Si les médiacultures sont aussi poreuses que nous le disons aux hégémonies, contrehégémonies, tensions, torsions et décalages qui animent la sphère publique, on peut alors penser, en retour, qu'elles ne comptent pas pour rien dans les transformations des contextes qui les ont produits. Il est bien évident que la contribution des médiacultures aux changements socio-historiques ne peut se penser dans les problématiques propagandistes qui ont fait les beaux jours des théories de la communication et des "paniques morales"42. Une bonne manière de ne pas réduire ainsi la question est de s'interroger non pas sur ce que les médiacultures font aux individus, mais sur ce qu'elles "font" à la sphère publique dès lors que les individus les constituent en ressource culturelle au sein de leur expérience. montrant des femmes que ce régime met à bout. On mesure par là à la fois les effets du backlash antiféministe qui a conduit à re-idéaliser aux Etats-Unis la femme au foyer, et la sensibilité de la télévision aux tensions que cela produit. D'autant plus que le scénariste Marc Cherry est présenté comme un républicain gay ayant eu l'idée de la série après que sa mère lui ai avoué, à propos du reportage sur un infanticide regardé en commun et à la stupeur de son fils, qu'elle aussi avait eu cette tentation : "je me suis dit que si ma mère avait vécu ce genre de moments, chaque femme doit se sentir régulièrement sur le point de péter un câble", cité dans Libération, samedi 5 février 2005. 39 Ehrenberg (1995), Macé (1993, 2003). 40 Burch (2000). 41 Macé (2006). 42 Maigret (2003). 15 Globalisation et acculturation créative On doit sans doute à Edgar Morin d'avoir développé le premier, dans son livre l'Esprit du temps, une approche anthropologique de la culture de masse, montrant en quoi elle constituait dorénavant une ressource culturelle de première importance dans la formation des imaginaires individuels et collectifs43. Contrairement aux travaux nord-américains qui se focalisaient sur les questions "d'influence" et de "d'effets" (et, plus tard, sur le seul moment de la "réception"44), Edgar Morin a cherché à comprendre en quoi la culture de masse participait des grands changements socioculturels qui marquaient, au milieu du 20e siècle, le passage des sociétés industrielles aux sociétés post-industrielles45. A travers un syncrétisme culturel qui débordait les frontière classique de classe, d'âge et de genre, la culture de masse proposait ainsi à flot continu un nouvel "idéal du moi" à travers le mythe du "bonheur individuel". Une idée alors transgressive de bonheur qui en appelait à l'autonomie individuelle, en particulier celle des femmes et des jeunes, au sein d'une société moderne encore très fortement organisée autour des statuts sociaux de classe et de "race" et des rôles sociaux de genre et d'âge. Et c'est sans doute cette sape infrapolitique du modèle d'autorité patriarcal par ces figures de femmes fictionnelles affranchies et de jeunes musiciens chevelus, qui a constitué le terreau subjectif du radicalisme politique émancipateur des mouvements politiques et contre-culturels des années 196046. Dans le contexte latino-américain, Jésus Martin-Barbero a bien montré comment la culture de masse a constitué la matrice de l'acculturation des milieux populaires à la modernité, et le vecteur de leur participation active à la formation de la "communauté imaginée" des Nations de ce continent47. Et ceci par un double mouvement : d'un côté par la "transformation de l'idée politique de nation en vécu, sentiment et quotidienneté"48 ; d'un autre côté par la prise en charge, par les médias de masse, des préoccupations des groupes sociaux subalternes "qui se trouvaient exclues du discours de la culture, de l'éducation et de la politique"49. Les travaux ne manquent pas qui montrent comment, notamment au Brésil, la sphère publique n'est pas pensable sans prendre en compte la manière dont les telenovelas, qui rythment la vie collective des quartiers les plus huppés aux favelas hérissées d'antennes 43 Morin (1975). Dayan (1992). 45 Pour une présentation détaillée, voir Macé (2001). 46 Morin, Macé (2005). 47 Martin-Barbero (2002). 48 Idem, p. 155. 49 Idem, p. 196. 44 16 paraboliques, configurent les divers "problèmes" historiques, culturels sociaux ou de mœurs qui travaillent la société et les subjectivités brésilienne50. Ce n'est donc pas étonnant si, comme le souligne Arjun Appadurai, la plupart des études anthropologiques portant sur le travail de l'imagination dans un contexte de transnationalisation culturelle avancé ne peuvent que mettre en évidence les processus d'acculturation réciproque et de transformation des contours de la sphère publique, moins "par le haut" (les institutions et le système politique) que "par le bas" (les médiacultures) : "l'imagination est devenue un champ organisé de pratiques sociales, une forme de travail et une forme de négociation entre des sites d'actants (les individus) et des champs globalement définis de possibles"51. Il ne s'agit pas en effet de déplorer une éventuelle homogénéisation culturelle au prétexte de la "globalisation". Bien au contraire, toute culture locale est le produit d'une acculturation entre une culture située ("ethnoscapes") et ses formes propres de traduction des apports culturels et de ce "répertoire complexe" qu'offrent les médiacultures ("mediascapes"). De sorte, comme le souligne Nick Couldry, que le principal effet de la globalisation est moins l'homogénéisation culturelle que "l'homogénéisation des manières d'exprimer ses différences"52. Et cela est vrai jusque pour le terrorisme dit "islamiste", qui sait parfaitement utiliser les techniques et les stratégies de communication les plus modernes pour faire valoir, au sein de la sphère publique transnationale, un point de vue religieux lui-même anti-traditionnel et complètement acculturé à la modernité : le monde entier s'en est aperçu le 11 septembre 2001 avec la performance technique et visuelle des attentats sur New York53. Sur les fronts de l'acculturation transnationalisée Il n'est sans doute pas de meilleur observatoire des interactions des médiacultures avec les contours de la sphère publique que les situations de forte acculturation. Outre les nombreuses études de cas mentionnées par Appadurai dans la littérature anglo-saxonne (sur la nostalgie paradoxale des chansons américaines des années 1950 aux Philippines ou sur la "décolonisation" du cricket britannique via son traitement par la culture de masse en Inde) ou certaines études relatives à la pop culture japonaise (à la fois comme produit de l'acculturation occidentale et comme source d'acculturation de l'Occident)54, on retiendra, à titre 50 Martin-Barbero (2000), Peralva (2001). Appadurai (2001), p. 66. 52 Couldry (2000), p. 98. 53 Göle (2001). 54 Gomarasca (2002). 51 17 d'illustrations significatives, deux études sociologiques françaises : l'hispanisme au Etats-Unis et l'islamisme en Turquie. Aux Etats-Unis, Leïla Ben Amor a montré comment un ensemble d'intérêts administratifs, économiques et politiques ont conduit à l'invention d'une "communauté hispanique" à travers la création de chaînes de télévisions hispanophones55. Le terme "hispanique" n'a pas de sens "ethnique" puisqu'il recouvre des populations (plus ou moins) hispanophones résidents aux Etats-Unis et qui sont extrêmement diversifiées dans leurs origines nationales et ethniques (métis mexicains, blancs argentins, indiens guatémaltèques), comme dans leurs statuts civiques (citoyens comme les Porto-Ricains ou fraîchement immigrés comme les clandestins mexicains). Or cette "communauté hispanique" en est venue à se revendiquer comme "réelle" par les hispanophones à la suite d'une double stratégie "d'institution" de cette communauté. D'un côté, la volonté de l'Etat fédéral de transformer une somme de susceptibilités et de particularismes nationaux d'immigrants en une minorité culturelle et politique ("panethnique") proprement américaine, à travers la catégorie "hispanique" proposée lors des recensements. Si cette catégorie n'est pas spontanément considérée comme pertinente par les personnes concernées, il leur est rapidement apparu qu'elle pouvait être une ressource considérable au sein du jeu politique américain. D'un autre côté, cette "communauté hispanique" constitue l'objet du désir d'industries culturelles (d'abord mexicaines, puis, succès aidant, à capitaux "anglos") qui voient là l'occasion de transformer des "segments" de marché résiduels (les minorités immigrantes) en une "cible" publicitaire d'autant plus intéressante qu'elle est en croissance démographique, jeune, et en mobilité sociale ascendante à mesure qu'elle "s'américanise" et, réciproquement, qu'elle "hispanise" (en un spectaculaire retournement historique) les Etats du sud anciennement mexicains. C'est en effet la nécessité économique de "production des consommateurs" qui conduit à la production d'un "public" hispanique porteur d'une "opinion publique" et d'une "hispanicité" reconfigurant, dans une certaine mesure, la sphère publique médiatique et politique des Etats-Unis dans leur ensemble. Les dirigeants de ces télévisions sont en effet conscients de mettre en œuvre une véritable stratégie d'acculturation, c'est-à-dire de production d'une identité hispano-américaine totalement originale faite à la fois de références culturelles "communautaires" et d'injonction à la "modernisation" individualiste. Car cette "hispanicité" n'est pas seulement identitaire et consumériste, elle est aussi très largement politique en raison de l'expérience toujours très 55 Ben Amor-Mathieu (2000). 18 ancrée qu'ont les "hispaniques" des rapports de domination symboliques, sociaux et géopolitiques dans leur relation aux Etats-Unis et à une société américaine très largement inégalitaire et raciste. De sorte que les journalistes des télévision hispaniques sont en mesure de faire valoir le "besoin d'information" de leurs publics et la dimension "service public" de leurs reportages et de leurs émissions de débat, contribuant ainsi très largement à développer un "point de vue" sur l'actualité beaucoup plus critique, international et problématisant que la plupart des réseaux "anglos", au point que les télévisions hispaniques sont dorénavant un passage obligé des campagnes électorales américaines. Les télévisions hispaniques auront ainsi assuré le "passage d'une vision américaine de l'Amérique hispanique à une vision hispanique de l'Amérique américaine"56. On a ici une belle illustration de la paradoxale reconfiguration critique d'une sphère publique nationale à partir de la réappropriation collective, par des groupes sociaux subalternes, de stratégies institutionnelles et commerciales "d'invention d'une communauté". Sur un autre "front" de l'acculturation, Nilüfer Göle a montré comment c'est par les médiacultures et la consommation que l'islamisme turc participe d'une acculturation réciproque de l'islamisme à la post-modernité individualiste et de la Turquie laïciste à une démocratisation post-kémaliste57. Les espaces publics en Turquie tout comme la sphère publique kémaliste n'étaient pas des espaces définis par les libertés individuelles et la publicité des débats et des identités, mais par l'imposition d'un modèle modernisateur tendant à éradiquer toute manifestation particulariste, et dont la figure de la femme "moderne" (antitraditionnelle et laïque) était le signe le plus marquant. Or la libéralisation du régime politique et des médias au début des années 1980 a vu la formation et l'expression d'une "société civile" diversifiée, et en particulier le développement d'un mouvement islamiste parmi les jeunes des classes moyennes les plus diplômés. Cette société civile islamisque a contribué à la reconfiguration profonde de la sphère publique turque dans ses dimensions à la fois urbaines et médiatiques. D'un côté à travers la multiplication des formes de consommation "islamiques" de biens et de loisirs (littérature, cinéma, musique, journaux, mode, hôtels et restaurants), ainsi qu'à travers la revendication du port du foulard islamique à l'université et dans les lieux publics. Cette affirmation de la "différence" renvoie autant à des catégories esthétiques que religieuses ou politiques. Tandis que, à la manière des noirs américains, il est ainsi affirmé que "islam is beautiful", c'est, au-delà, toute une partie de la Turquie 56 57 Idem, p. 9. Göle (1997). 19 musulmane, orientale et ottomane éradiquée par le kémalisme qui est ainsi réinvestie, jusqu'à ouvrir de nouveau espaces dans l'imaginaire national turc aux minorités arméniennes et kurdes qui avaient été liquidées ou réprimées par le nationalisme républicain. D'un autre côté, la sphère publique turque est également reconfigurée à travers la création de chaînes de télévision islamiques où les femmes journalistes et présentatrices, avec ou sans foulards, redéfinissent de façon spectaculaire la question de la "visibilité" publique des femmes (musulmanes). C'est bien cette question des femmes et de leur "représentation" qui est au cœur de la sphère publique turc post-autoritaire, mais en des termes non "traditionnels" puisque ce sont des femmes islamistes actives et diplômées, c'est-à-dire engagées dans la sphère publique qui animent la controverse. De sorte que chaque augmentation de la visibilité des femmes islamistes conduit à de nouveaux débats publics et médiatiques non seulement entre islamistes et laïcistes, mais au sein des islamistes eux-mêmes, constituant ainsi "un enjeu permanent de débat et de séparation entre les différentes conceptions islamiques de la sphère publique selon les positions idéologiques des divers courants islamistes" et contribuant à l'apparition d'une "conscience de soi hybride à la fois islamique et féministe"58. Plus généralement, on peut penser que le processus d'intégration de la Turquie à l'Union Européenne constitue un des principaux "fronts" contemporains d'observation des frictions politiques et symboliques dans la sphère publique, que ce soit dans les controverses traitées par le journalisme ou dans les représentations fictionnelles, à propos notamment des "crimes d'honneurs" patriarcaux et des identités de genre, de l'identité nationale et des minorités ou des enjeux de l'acculturation "par le bas" liés à l'émigration et aux médiacultures. Des enjeux d'ailleurs vraisemblablement très proches de ceux des sociétés maghrébines (en dépit d'un contexte beaucoup moins démocratique et institutionnellement plus sexiste), qui connaissent une forte acculturation migrante et médiatique post-coloniale, ainsi qu'on a pu l'observer à l'occasion de la réception de l'émission française de "télé-réalité" Loft Story59. Une queerisation réciproque de la sphère publique et des médiacultures ? Les effets d'acculturation ne sont pas réservés aux populations et aux cultures extraeuropéennes, et la question des rapports sociaux et des identités de genre me semble une de celle qui est la plus "travaillée" simultanément dans la sphère publique et par les médiacultures. On sait que les mouvements culturels gays et lesbiens ont bataillé ferme pour 58 59 Idem, p. 113. Voir les articles de Lofti Madani, Riadh Ferjani et Younès Alami dans Lochard, Soulez (2003). 20 lutter contre les discriminations, les injures et les stéréotypes en "dénormalisant" l'homophobie. Et ceci non seulement, à la manière radicale d'Act up, en "forçant" à modifier les regards portés sur le sida et les malades homosexuels, mais aussi en agissant sur le terrain de la loi concernant la conjugalité et la parentalité, ou encore en constituant des espaces (bars et quartiers) et les événements (la "gay pride") urbains d'une "culture gay" étendant son influence dans les domaines de la mode masculine et, plus généralement, sur les représentations publicitaires du corps masculin. En ce sens, les mouvements gays et lesbiens ont agi, tout comme auparavant les mouvements féministes, en "contre-publics subalternes", contribuant de la sorte à animer conflictuellement la sphère publique et à promouvoir de nouvelles figures et de nouvelles thématiques dont les médiacultures puissent, sans trop de risques, se saisir. Certes, l'homophobie semble toujours solidement ancrée dans les représentations (hétéro)sexistes hégémoniques (à la fois dans les pratiques, les discours et les représentations médiatiques ordinaires), et on connaît les effets de "backlash" dont le mouvement gay et lesbien, tout comme le féminisme depuis les années 1980, pourrait être la cible60. Mais on peut tout de même s'interroger sur les formes d'acculturation à la relativité et à la diversité des identités de genre que semble favoriser une certaine tendance à la banalisation (voire au "glamour") de l'homosexualité , de la bisexualité et du transgenre dans les médiacultures61. Qu'ils soient ou pas explicitement "queer", les exemples ne manquent pas de fictions ou de personnages médiaculturels qui banalisent les déplacements et les diversités de genre. C'est vrai, par exemple, pour les fictions télévisuelles anglo-saxonnes récentes diffusées en France comme Princesse Xena, Absolutely Fabulous, Queer as folk, Ally Mc Beal, Friends, Sex in the city62. C'est vrai aussi pour certaines séries policières françaises et pour des émissions comme C'est mon choix ou Loft story. Il faudrait ainsi observer de quelle manière cette (relative) banalisation dans les médiacultures contribue à légitimer, au-delà d'une tolérance libérale indifférente, l'expression, dans la sphère publique, de points de vue queer et de revendications anti-discriminations plus nombreuses. De sorte, en toute hypothèse, que ce serait moins l'homosexualité que l'hétérosexualité qui deviendrait un "douloureux problème"63, et que l'indifférenciation légale à propos des pratiques sexuelles ne produirait plus que de marginales "sex panics" au sein de la sphère publique64. 60 Warner (1999). Gauntlett (2002). 62 Pour une vue d'ensemble anglophone de la question queer dans les séries, voir Miller (2002). 63 Michel Feher cité par Eric Fassin dans sa préface à Butler (2005), p. 18. 64 Bourcier (2005). 61 21 En saisissant ainsi la sphère publique comme une arène symbolique et les médiacultures comme une scène et une ressource culturelle de type anthropologique, on devrait parvenir à rompre définitivement avec la maladie infantile de toute étude sur les médias qu'est le médiacentrisme. Cependant, tout comme le vaste chantier sociologique des industries culturelles et de leurs professionnels reste à investir, le dépassement des études de réception et des publics par celles des mouvements culturels et des "conflits de définition", à l'échelle des subjectivités comme à celle de la sphère publique, reste à faire. 22 Références Adorno, Theodor. Horkheimer, Max. La dialectique de la raison, Gallimard, Paris, 1974. Appadurai, Arjun. Après le colonialisme. 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