compte rendu du colloque entre l`ordre des
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COMPTE RENDU DU COLLOQUE ENTRE L'ORDRE DES AVOCATS DE MILAN ET DE NICE VIII EDITION - NICE 12 et 13 AVRIL 2013 Dans le prolongement de la signature du protocole de coopération passé le 22 juillet 2005 entre l'Ordre des Avocats de Milan et celui de Nice, s'est déroulé les 12 et 13 avril dernier dans la magnifique capitale de la Côte d'Azur de fructueuses réunions de travail auxquelles ont participé les délégations des Avocats de deux pays, professeurs d'université et jeunes étudiants. Le colloque italo-français s'est ouvert dans l'après midi du 12 avril 2013 dans l'historique théâtre Garibaldi au siège du Consulat Général d'Italie sur le thème : "la France et l'Italie devant la Cour Européenne des droits de l'homme" et ce, en présence, du Président du TGI de Nice, Madame Dominique Karsenty, du Président du TGI de Grasse, Monsieur Philippe Ruffier, du Procureur de la République près TGI de Nice, Monsieur Eric Bedos et enfin du Procureur de la République près le TGI de Grasse, Monsieur Jean-Michel CAILLIAU. Après les vœux de bienvenue de Monsieur Luciano Barillaro, Consul Général d'Italie à Nice, Madame le Bâtonnier, Marie-Christine MOUCHAN, Présidente de l'Ordre des Avocats de Nice et Monsieur le Bâtonnier, Paolo Giuggioli, représentant l'Ordre des Avocats de Milan, ont pris la parole, rappelant ainsi à l'auditoire l'importance du protocole d'amitié, de coopération souscrit entre les Ordres respectifs duquel découle une fructueuse collaboration sur diverses thématiques juridiques d'intérêts réciproques ainsi que la réalisation d'activités en faveur des Avocats et de l'exercice de cette profession au niveau à la fois européen et international. Le Bâtonnier Giuggioli a en outre mis en évidence la nécessité d'instaurer un dialogue sur l'harmonisation des règles applicables au secteur judiciaire des différents pays dans l'optique de simplifier et de faciliter toute interaction entre les Ordres et les professionnels concernés proposant à cet égard la mise en place de réunions de travail bilatérales permanentes entre les cabinets de nos pays respectifs. Le point d'orgue de ce premier jour de congrès fut l'intervention de Monsieur Guido Raimondi, Vice-Président de la Cour Européenne des droits de l'homme, qui a porté à l'attention des participants le rôle central acquis par la Cour Européenne et son influence sur les législations nationales. En particulier, Monsieur Raimondi a mis en évidence la capacité de la Cour à définir les procédures à elle présentées. En second lieu, il a été souligné dans le rapport 2012 une augmentation des "affaires réglées" qui sont passées à la fin de l'année précédente de 87 879 cas contre 52 188 cas à la fin 2011, soit une augmentation de 68%. Le bon résultat de la Cour se manifeste également par la diminution des affaires pendantes de 16%, passant de 151 600 affaires enregistrées en 2011 à 128 100 affaires terminées en 2012. La raison principale de cette efficience renforcée de la Cour est à relier au nouveau système du Juge unique qui a permis rien qu'en 2012 de retirer du rôle et de déclarer irrecevables plus de 80 700 requêtes avec pour conséquence l'adoption de 1 100 jugements et 1 800 décisions. En ce qui concerne l'Italie, troisième pays parmi les 47 adhérents du Conseil de l'Europe pour ce qui est du nombre de requêtes présentées (plus que l'Italie, la Russie et la Turquie) la Cour a adopté 63 décisions ordonnant 36 condamnations à l'encontre de l'Etat Italien. La principale violation sanctionnée (16 condamnations) concerne le principe de la durée raisonnable du procès qui représente à peu près la moitié de toutes les requêtes présentées. Suivent les 13 condamnations pour la violation du principe de la propriété privée et 7 condamnations pour violation de la Charte constitutionnelle relative au respect du droit à la vie privée et familiale en cas de garde de mineurs. Puis est intervenu Maître Jean-Jacques NINON, du Barreau de Nice, lequel a souligné l'importance du travail effectué par la Cour pour rehausser, à l'intérieur des législations étatiques, les standards du respect des droits fondamentaux. Enfin, Madame la Professeur Ilaria Viarengo a pris la parole, es qualité de professeur de droit international à l'Université de Milan, et a rappelé que les Juges italiens ont l'obligation de respecter toute la jurisprudence de la Cour européenne et pas seulement celle en rapport avec l'Italie comme cela résulte très clairement des deux sentences jumelles de la Cour Constitutionnelle du 24 octobre 2007. Le rôle de la Cour européenne est fondamental pour coordonner des interprétations nécessaires face au problème nationaux qui sont pour des raisons diverses et variées très difficiles et qui nécessitent une vision supra nationale. Pour ce qui concerne l'Italie, Madame le Professeur Viarenguo a précisé, comme cela a été fortement débattu, quel était le rapport entre la politique et l'information, question particulièrement délicate comme la reconnaissance de statuts familiaux divers sur laquelle la Cour s'est prononcée récemment sans que ces affaires ne concernent en particulier l'Italie comme Etat Membre. Il faut en outre aborder des questions concernant typiquement l'Italie, comme par exemple le temps d'un procès équitable, les conditions de détention en prison, la gestion des réfugiés en Campanie et la protection des droits humains des immigrants. Le problème et la difficulté de l'Italie est de coller à la jurisprudence de la Cour et surtout de corriger ses défaillances structurelles. La jurisprudence italienne a, dans le courant des dernières années, apporté sa pierre à l'édifice des rapports entre le droit interne et la Convention européenne (Cass. 19985/2011; Cour constitutionnelle 113/2011 sur l'illégitimité constitutionnelle de l'article 630 du CPP selon lequel il n'est pas possible de réouvrir un procès en suite d'une sentence de la Cour européenne). Pour autant, il est un objectif bien plus difficile à atteindre qui consiste à actualiser les réformes structurelles de caractère général requises par la Cour européenne, qui nécessitent l'utilisation de l'instrument de la décision pilote utilisée de plus en plus par la Cour dans les dernières années et qui peut produire des effets positifs sur la situation italienne. Toutes ces questions ont bien évidemment suscité un ample débat sur lequel s'est conclue la première partie du colloque. Le congrès s'est poursuivi dans la matinée du 13 avril 2013 avec l'approfondissement de quelques thèmes spécifiques inhérents à la fois au droit civil et au droit pénal. Maître Gianni Roj du Barreau de Milan et l'avocat Bénédicte Vinot du Barreau de Nice ont ainsi exposé aux participants les questions concernant la procédure de recouvrement de créance et les différents régimes fiscaux en vigueur dans les deux pays soulignant les aspects communs et les différences à travers les deux législations. Maître Roj s'est en particulier attardé sur les différents aspects de la procédure pour obtenir un titre exécutif en Italie auprès du Juge de l'exécution et sur les problèmes pratiques soulevés par l'examen de quelques cas concrets. En matière pénale, Maître Renato Papa du Barreau de Côme également en sa qualité de secrétaire du Centre d'Etudes de Droit Pénal Européen, après avoir rappelé que le centre d'études précité fondé en 2002 avait effectué un important travail d'information et de formation des acteurs du droit (avocats, magistrats, professeurs, chercheurs universitaires) sur les nouvelles prospectives du droit pénal et de procédure pénale dans l'union européenne, a présenté un exposé détaillé sur le rôle important du ministère public européen expressément prévu aux dispositions des articles 86 du traité de fonctionnement de l'union européenne modifié par le traité de Lisbonne. La commission européenne et en particulier l'Olaf (office européen pour la lutte anti fraudes ) travaille à cet égard à la préparation d'une règlementation qui verra le jour vers la fin de 2013 dans le cadre de laquelle sera délimité la structure et le fonctionnement de ce nouvel organisme. Maître Papa a mis en évidence l'opportunité de la création d'un Parquet européen principalement afin que, pour faire face à une criminalité de plus en plus transnationale, il ne soit plus possible de continuer à poursuivre des délinquants en utilisant un instrument judiciaire fragmenté et territorialement délimité, composé d'organes travaillant dans une logique uniquement nationale. Le Procureur européen pourrait même couvrir l'entier problème au regard des intérêts financiers de l'Union européenne si elle était transnationale ou nationale et pourrait agir immédiatement et avec autonomie au moyen de ses propres organes périphériques, nationaux et subordonnés. Si cela était possible, cela déboucherait sur des initiatives judiciaires que les seuls organes d'investigation nationale ne pourraient pas effectuer seuls ou promouvoir de façon efficace n'ayant pas une vision globale du phénomène concerné. En réalité, actuellement, l'activité d'investigation pénale des seuls états, sans pouvoir utiliser les instruments européens comme Eurojust, Europol, Filet Judiciaire Européen, Olaf, est véritablement freinée dans le processus qui implique une réalisation nationale. En toute hypothèse, tout ceci représente de délicates questions qui devront être résolues et surtout la structure du Procureur européen qui pourra peut-être trouver un modèle dans la direction nationale anti mafia qui existe en Italie. On ne doit pas pour autant mettre de côté le problème de la recherche de la preuve et des droits de la défense. A cet égard, il faudra réfléchir à la nécessité de créer un organisme juridictionnel de niveau européen qui pourra développer la fonction de contrôle de l'activité du ministère public européen en particulier quand les problèmes survenus ont une incidence sur les droits fondamentaux de la personne visée par des enquêtes (on pense en particulier aux mesures de précaution). La dernière partie de cette réunion de travail fut dédiée au thème du droit immobilier. A cet égard, Maître Valentina Roberto du Barreau de Milan, a exposé la législation italienne en matière de vente et de location de biens immobiliers, la problématique concrète qui peut surgir lors de la signature des contrats préliminaires sans préjudice de la personne de l'intermédiaire et des obligations du vendeur et de l'acquéreur et sans oublier en outre les aspects fiscaux de la question. Enfin, Maître Roberto a examiné la typologie et la durée des contrats de location ainsi que les obligations du locataire et du bailleur. Enfin, Maître Alain Curti du Barreau de Nice, a évoqué les aspects législatifs et les applications de la norme française présentant les similitudes et les différences entre les deux législations. Les conclusions ont été apportées par les organisateurs de cette huitième édition du colloque italo français respectivement Maître Robert Cérésola du Barreau de Nice et Maître Giovanni Bana du Barreau de Milan, lesquels ont souligné l'importance d'un dialogue constant entre leurs deux pays à travers un échange réciproque d'expérience comme cela s'est produit durant les huit dernières années. En réalité, de ces réunions peuvent naître des solutions intéressantes à la lumière des informations qui proviennent de la Cour de Justice pour des problèmes qui concernent les relations entre les différents ordres et les différentes règlementations aux fins d'harmoniser les législations des divers Etats Membres dans un esprit véritablement européen. Maître Lucio Camaldo et Maître Federico Cerqua (Centre d'études de droit pénal européen/UAE) Traduction Maître Robert CERESOLA ( Barreau de Nice)