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Aix Marseille Université (Aix-Marseille I) Institut Universitaire des Systèmes Thermiques Industriels - UMR CNRS 6595 - THESE présentée et soutenue publiquement le 19 Mars 2010 pour obtenir le grade de Docteur d’AIX MARSEILLE UNIVERSITE École Doctorale : Sciences pour l’Ingénieur, Physique, Micro et Nano-électroniques Discipline : Mécanique Energétique par Damien Serret ETUDE EXPERIMENTALE DE L’EBULLITION NUCLEEE SUR UN SITE ISOLE : DYNAMIQUE DE CROISSANCE ET TRANSFERTS DE CHALEUR Directeur de thèse : Pr Lounes TADRIST - IUSTI - Université de Provence JURY Rapporteurs : Pr. Catherine Colin Pr. Peter Stephan (IMFT, Toulouse) (TUD - TTD, Darmstadt, Allemagne) Examinateurs : Pr. Jocelyn Bonjour Ass. Pr. Vladimir Adjaev Pr. Franck Dubois Pr. Lounes Tadrist (CETHIL, Lyon) (DM - SMU, Dallas, Etats Unis) (MRC - ULB, Bruxelles, Belgique) (IUSTI, Marseille) Table des matières 1 Introduction générale - Contexte 3 I 7 Ebullition sur sites multiples 2 Ebullition sur surface polie : effet de la gravité II 9 2.1 Contextes scientifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 2.2 Dispositif expérimental : bâti de Vol BOILI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 2.3 Résultats et discussions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 Ebullition sur site isolé 57 3 Ebullition sur site isolé en cellule de Hele-Shaw 59 3.1 Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3.2 Revue Bibliographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3.3 Dispositif expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 3.4 Principes de mesures optiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 3.5 Etude de la croissance d’une bulle de vapeur unique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 3.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 4 Ebullition convective sur site isolé 121 4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 4.2 Article soumis à Microgravity Science and Technology . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 5 Conclusions et perspectives 133 A Propriétés des liquides utilisés 137 A.1 Liquide FC-72 de la société 3M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 i ii TABLE DES MATIÈRES A.2 Liquide HFE-7100 de la société 3M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Table des figures 1.1 Principe de fonctionnement et exemples de boucles thermocapillaires pour le domaine spatial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2.1 Courbe d’ébullition typique montrant la dépendance du flux de chaleur à la surchauffe pariétale. Les 6 dessins représentent les différents comportements des bulles dans les 5 zones caractéristiques ainsi que la transition du régime d’ébullition à bulles séparées au régime d’ébullition développé - D’après Dhir [20]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 2.2 Densité de flux de chaleur en fonction de la surchauffe pariétale . . . . . . . . . . . . 18 2.3 Comparaison du modèle de Rohsenow et des résultats expérimentaux dans des conditions de gravité normale et de microgravité - D’après Steinbchler [104] . . . . . . . . 19 2.4 Niveau de gravité moyen obtenu sur les différentes plates-formes financées par l’ESA 2.5 Densité de flux de chaleur de changement de phase. D’après Kim [48]. . . . . . . . . 26 2.6 Effet du sous-refroidissement sur la courbe d’ébullition et sur le flux critique du FC-72. D’après Kim [48] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 2.7 Dispositif expérimental BOILI . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 2.8 Double enceinte de confinement du dispositif expérimental BOILI . . . . . . . . . . . 31 2.9 Schéma de la boucle fluide de BOILI où est insérée la cellule expérimentale d’étude. 2.10 Schéma de principe et illustration d’un fluxmètre de type Théry 20 32 . . . . . . . . . . . 34 2.11 Élément développé à l’IUSTI pour l’expérience RUBI . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 2.12 Variation du flux de chaleur en fonction de l’écart de température entre la paroi chauffée et l’air ambiant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.13 Etalonnage de l’élément par mesure IR : recomposition du flux mesuré à l’aide du fluxmètre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.14 Profils de température de surface de l’élément IUSTI pour différentes puissances délivrées par l’élément chauffant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 2.15 Flux et température pariétaux en fonction du temps (Jour 3 - Paraboles 1 à 6) . . . 43 2.16 Détails d’une parabole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 2.17 Comparaison des flux et températures pariétaux moyens et en sortie de parabole . . 44 2.18 Flux de chaleur en fonction de la surchauffe pariétale pour 3 niveaux de gravité . . . 45 iii iv TABLE DES FIGURES 2.19 Rapport des flux pariétaux en microgravité et gravité terrestre en fonction de la surchauffe pariétale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 2.20 Evolution du flux de chaleur et du coefficient d’échange durant la parabole . . . . . 46 2.21 Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P2) . . . . . . . 48 2.22 Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P4) . . . . . . . 48 2.23 Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P6) . . . . . . . 49 2.24 Evolution du flux de chaleur en phase de microgravité pour trois cas différents . . . 50 2.25 Comparaison de nos résultats expérimentaux aux deux modèles de Kannengieser [41, 40] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 2.26 Schéma illustrant la définition de la couche limite pour différentes conditions de microgravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 2.27 Evolution de la couche de liquide sous la bulle en fonction du flux pariétal. D’après Ohta [80] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 2.28 Evolution de la couche de liquide surchauffé pour les trois niveaux de gravité . . . . 54 3.1 Définition des différentes épaisseurs de couche de liquide par Das - D’après Das [17] 62 3.2 Ensemble des capteurs utilisés dans les dispositifs expérimentaux décrits dans le paragraphe suivant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 3.3 Comparaison des modèles de croissances et de résultats expérimentaux (ronds pleins : rayon hémisphérique équivalent ; ronds vides : rayon de sphère équivalente). D’après Ginet [29]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 3.4 Exemples de croissances de bulles obtenues par différents auteurs . . . . . . . . . . . 71 3.5 Evolution de l’angle de contact durant la croissance d’une bulle dans les cas de paroi mouillante et non-mouillante - D’après Phan [86] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 3.6 Zone de transfert de chaleur (a) pour un liquide mouillant, (b) pour un liquide nonmouillant - D’après Phan [86] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73 3.7 Mesure expérimentale de l’angle de contact dynamique à la base de la bulle - D’après Ramanujapu [91] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 3.8 Lois de croissance de bulle pour différentes lois d’évolution de l’angle de contact Daprès Mukherjee [73] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75 3.9 Influence de l’angle de contact sur la croissance d’une bulle - D’après Abarajith [1] . 76 3.10 Influence de la gravité sur la fréquence et le diamètre de détachement de bulle de vapeur - D’après Schweizer [95] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 3.11 Effet de la gravité sur le rapport du coefficient d’échange en fonction du sousrefroidissement du liquide - D’après Straub [108] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 3.12 Plan et coupes de la cellule de Hele-Shaw . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 3.13 Boucle fluide utilisée sur l’ensemble des expériences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 3.14 Montage optique par transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 TABLE DES FIGURES v 3.15 Schéma de principe de filtre détectant les points de l’interface continue de la paroi et de la bulle avec le liquide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 3.16 Superposition de l’image et des résultats du post-traitement . . . . . . . . . . . . . . 88 3.17 Détails du traitement permettant de calculer le champ de température à partir d’un interférogramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 3.18 Détails des étapes donnant l’interface continue paroi-bulle . . . . . . . . . . . . . . . 94 3.19 Montage optique par transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 3.20 Mesure du champ de température par intérférometrie et comparaison avec la température de la paroi mesurée avec un thermocouple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 3.21 Schéma du modèle d’ailette utilisé pour estimer le coefficient de pertes latérales . . . 97 3.22 Mesure de température dans la cellule de Hele-Shaw durant l’expérience de montée en température . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 3.23 Estimation de l’effet mirage dans la cellule de Hele-Shaw . . . . . . . . . . . . . . . . 99 3.24 Visualisation de la croissance d’une bulle (résolution spatiale constante et pas de temps de 0.16 puis 0.48 sec.) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100 3.25 Evolution temporelle des différentes grandeurs mesurées . . . . . . . . . . . . . . . . 102 3.26 Evolution des angles de contact du liquide durant la croissance de la bulle . . . . . . 102 3.27 Evolution du volume de la bulle pour la première série de mesure réalisée avec le deuxième dispositif dédié aux études thermo-morphologiques (Echelle linéaire) . . . 104 3.28 Evolution du volume de la bulle pour la première série de mesure réalisée avec le deuxième dispositif dédié aux études thermo-morphologiques (Echelle logarithmique) 104 3.29 Profils de température expérimentaux dans la cellule (mesures : points ; modèle : ligne)106 3.30 Influence du sous-refroidissement sur la croissance de la bulle . . . . . . . . . . . . . 106 3.31 Influence du sous refroidissement sur les angles de contact droite et gauche limites . 107 3.32 Taux de croissance de la bulle par une analyse linéaire de sa loi de croissance . . . . 108 3.33 Influence de l’inclinaison de la paroi sur laquelle la bulle se crée . . . . . . . . . . . . 109 3.34 Influence de l’inclinaison de la paroi sur la forme de la bulle (cas de la pente 4) . . . 109 3.35 Résultats d’un modèle simplifié tentant d’expliquer l’influence de l’inclinaison de la paroi sur les angles de contact de la bulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110 3.36 Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.2s ; Condition exp. n :˚2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 3.37 Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.4s ; Condition exp. n :˚1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 3.38 Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.28s ; Condition exp. n :˚3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115 3.39 Relation entre le taux de croissance de la bulle et le flux d’évapo-condensation mesuré116 3.40 Variation du flux de chaleur le long de l’interface de la bulle à différents instants pour la condition de référence n :˚2 (0.2 s entre chaque courbe) . . . . . . . . . . . . 116 vi TABLE DES FIGURES 3.41 Champ de température autour de la bulle avant son détachement sur une paroi inclinée de 1.7˚) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 3.42 Puisssance d’évapo-condensation au cours de la croissance d’une bulle sur une paroi inclinée (cas Pente 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 3.43 Comparaison entre flux de chaleur par évapo-condensation sur l’interface de gauche et l’évolution de son angle de contact . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118 Liste des tableaux 2.1 Liste des expériences conduites en microgravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.2 Résultats des différents polissages sur trois surfaces différentes . . . . . . . . . . . . . 35 2.3 Conditions expérimentales des tests préliminaires de l’élément chauffant . . . . . . . 38 2.4 Conditions expérimentales au début de chaque parabole (Tsat = 42.6˚C) . . . . . . . 41 2.5 Conditions expérimentales pour chaque parabole en gravité terrestre (Tsat = 42.6˚C) 47 3.1 Orientation de la paroi et données caractéristiques des angles de contact au point de contact fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 3.2 Conditions thermiques étudiées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 A.1 Propriétés du FC-72 à 0.6 bar et 1 bar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 i ii LISTE DES TABLEAUX Nomenclature Lettres grecques α Diffusivité thermique [m2 /s] λ Conductivité thermique [W/m/K] ou longueur d’onde du laser [nm] µ Viscosité cinématique [m2 /s] φ Phase optique [-] ρ Masse volumique [kg/m3 ] σ Tension superficielle [N.m−1 ] θ Angle de contact [˚] Lettres latines A Constante [-] a Accélération [m/s2 ] C Constante [-] Ca Nombre Capillaire [-] Cp Capacité calorifique massique à pression constante [J/kg/K] D Diamètre [m] e Epaisseur de la cellule de Hele-Shaw e = 10−3 m f Fréquence de détachement de la bulle [Hz] f ps Frame per second Fr Nombre de Froude [-] g Accélération gravitationnelle terrestre [g = 9.81m/s2 ] h Coefficient d’échange [W/m2 /K] iii iv LISTE DES TABLEAUX IU ST I Institut Universitaire des Systèmes Thermiques Industriels (à l’Université de Provence) Ja Nombre de Jacob [-] K constante caractérisant la zone d’influence de la bulle [[−]] L Longueur [m] ou Chaleur latente massique [J/kg] l Longueur [m] M RC Microgravity Research Center (à l’Université Libre de Bruxelles) N Densité de site de nucléation [[−]/m2 ] n Indice de réfraction [-] Nu Nombre de Nusselt [-] P Pression [Pa] Pr Nombre de Prandtl [-] q Densité de flux de chaleur [W/m2 ] R Rayon [m] ou rapport des masses volumiques [-] r Constante [-] Re Nombre de Reynolds [-] s Constante [-] ou abscisse curviligne [m] T Température [K ou ˚C] t Temps [s] U Vitesse [m/s] We Nombre de We [-] Indices ∞ Infini, c’est-à-dire lorsque la grandeur en question ne varie plus a Actif b Bulle cap Capillaire cn Convection naturelle cond Conduction d Détachement LISTE DES TABLEAUX ev Evaporation f lux Fluxmètre gliss Glissement IR Infra-Rouge l Liquide ldc Ligne de contact lv Liquide-vapeur macro Macroscopique micro Microscopique p Paroi s Solide sat Saturation sf Solide-fluide theo Théorique v Vapeur 1 2 LISTE DES TABLEAUX Chapitre 1 Introduction générale - Contexte Bien que très utilisés par l’Homme, la compréhension des mécanismes gouvernant les différents changements de phase comme l’ébullition ou la condensation ne l’ont intéressé que très sporadiquement par le passé. Ce n’est qu’avec la révolution industrielle que se sont développées les études à ce sujet. Les générateurs de vapeur, les condenseurs, ainsi que les applications dans les secteurs de la pétrochimie, de la chimie, de l’industrie automobile sont autant de domaines qui ont motivé les différentes recherches. On estime que deux tiers de l’électricité produite aujourd’hui dans le monde utilise un générateur de vapeur. Actuellement, le refroidissement des composants électroniques par contact direct constitue le nouvel enjeu dans la maı̂trise des échanges, et surtout une application prometteuse de l’ébullition. Ce type d’échange de chaleur permet de transférer de hauts flux de chaleur tout en évitant des températures trop élevées pour le fonctionnement optimale des processeurs par exemple. Un autre moyen de maintenir les microprocesseurs dans leurs conditions optimales de fonctionnement est d’utiliser des boucles thermocapillaires, dispositifs très utilisés dans le domaine spatial (cf figure 1.1) pour le contrôle thermique des composants électroniques des satellites.Le refroidissement des aimants supraconducteurs par ébullition de l’hélium à 4,2 K peut aussi être cité en dernière application servant cette fois-ci uniquement à la recherche scientifique. Toutes ces applications permettent d’assurer le bon fonctionnement des installations utilisant le changement de phase. En revanche, on peut citer d’autres applications étudiées dans le but d’éviter des situation critiques. L’assèchement d’un coeur de centrale nucléaire peut entrainer des accidents graves, celuici pouvant fondre dans le pire des cas. Dans le domaine des lanceurs de satellites, le programme de recherche franco-allemand COMPERE (pour Comportement des Ergols) a pour but d’étudier et ainsi de mieux maı̂triser les comportements de l’oxygène et de l’hydrogène liquides et les transferts thermiques dans les réservoirs et dans les conduits les amenant à la chambre de combustion. Le changement de phase pose un autre problème pour le futur moteur de fusée de la SNECMA. Lors d’un allumage en phase ballistique, les liquides cryogéniques s’écouleront dans des tubes chauds les amenant à la chambre de combustion. Le rapide changement de phase par ébullition du liquide augmentera fortement la pression dans les conduites et le choc thermique pourrait entrainer des dysfonctionnements importants. On comprend donc à travers tous ces exemples l’importance de maı̂triser et de comprendre la physique du changement de phase, domaine scientifique situé au croisement de la thermodynamique, de la mécanique des fluides, de l’études des matériaux et de la chimie. 3 4 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE - CONTEXTE (a) Principe de fonctionnement de la boucle thermocapillaire (b) Exemples de boucles thermocapillaires produites par la société Euro Heat Pipe Figure 1.1 – Principe de fonctionnement et exemples de boucles thermocapillaires pour le domaine spatial Les travaux présentés dans cette thèse s’inscrivent dans deux programmes de recherche européens inclus dans le MAP (Microgravity Application Promotion) financés par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) : BOILING coordonné par le Professeur L. Tadrist (IUSTI, Marseille) et CBC (pour Convective Boiling and Condensation) par le Professeur C. Colin (IMFT, Toulouse). • BOILING est un programme financé par l’ESA ayant pour but de comprendre le phénomène d’ébullition dans le cas de la croissance de bulles de vapeur soumises à différentes forces volumiques (gravité, champ électrique). Cette étude est réalisée de l’échelle microscopique (l’epaisseur du film sous la bulle) à l’échelle macroscopique (la taille de la bulle) tant d’un point de vue expérimentale que théorique et numérique, grâce au concours des 9 laboratoires participant au programme. Les principaux points abordés sont les suivants : – Ebullition dans le cas d’une bulle isolée. – Ebullition dans le cas de plusieurs bulles de vapeur créées sur des sites de nucléation artificiels et contrôlés. – Ebullition en présence d’un champ électrique. – Ebullition en présence d’un écoulement. • CBC est aussi un programme financé par l’ESA. Avec la même approche que BOILING, les différentes investigations entreprises par les 9 laboratoires européens se font de l’échelle globale (taille d’un tube) dans le but d’améliorer les modèles monodimensionnels d’écoulement dans les tubes à la taille d’une bulle unique, se développant sur une paroi chauffée, cisaillée dans un écoulement transverse. Comme le nom du programme l’indique, les 2 types de changement de phase que sont l’ébullition et la condensation sont étudiés pour comprendre les transferts de chaleur et de masse dans les cas : 5 – des écoulements capillaires ; – des écoulements forcés. La finalité de ces deux programmes de recherche est la conception d’une expérience commune automatisée qui sera embarquée à bord de la station spatiale internationale (ISS). Actuellement, RUBI (pour Reference for mUltiscale Boiling Investigation) qui fait partie d’un groupe de 5 expériences de référence financées par l’ESA (avec CIMEX, SAFIR, EMERALD et DYAMOND), est en phase de conception par EADS ASTRIUM, acteur industriel choisi par l’ESA. L’étude développée dans le cadre de la thèse traite de l’ébullition sous deux aspects différents : l’ébullition multibulles et l’ébullition monobulle sur site isolé. Ces deux approches du changement de phase sont complémentaires. La première est l’application typique de l’ébullition industrielle : toute installation utilisant l’ébullition cherche à maximiser la production de vapeur en évitant toute surchauffe de la paroi sur laquelle se créent les bulles. Dans le but d’optimiser l’ensemble des procédés, il est nécessaire de comprendre les mécanismes physiques entrant en jeu à l’échelle d’une bulle. De nombreuses études expérimentales utilisant différents types de diagnostics [108, 33, 101, 30] ont montré l’intérêt d’étudier plusieurs paramètres comme le sous refroidissement du liquide environnant, le niveau de gravité, la surchauffe de la paroi... L’ensemble de ces variables d’environnement modifiant les différents transferts seront examinés. Dans la première partie du mémoire, nous traitons de l’ébullition multibulles sur un élément plan en gravité variable. Après une revue bibliographique traitant particulièrement de l’effet du niveau de gravité sur la dynamique des transferts des chaleur par ébullition, nous présentons l’élément chauffant instrumenté d’un fluxmètre pariétal. Cette expérience a été réalisée en collaboration avec le laboratoire Technische Thermodynamik (TTD) de l’Université de Darmstadt (TUD). Puis nous présentons l’ensemble des résultats obtenus avec une attention particulière portée sur l’analyse couplée des signaux des fluxmètres et des vidéo enregistrées. Cette analyse nous permet de retrouver des résultats importants de la littérature que nous analyserons à travers le rôle de la couche de liquide surchauffé à proximité de la paroi. Tenant compte de l’importance d’étudier la dynamique de croissance d’une bulle unique et les transferts de chaleur associés, nous avons développé un dispositif original en seconde partie du manuscrit : une cellule de Hele-Shaw. Celle-ci est dédiée à l’étude de la croissance d’une bulle de vapeur dans le cas de liquide sous-refroidi. La présentation du dispositif suit donc une revue bibliographique dédiée uniquement aux travaux traitant de la croissance d’une bulle de vapeur et des transferts de chaleur locaux. Un montage optique a été utilisé afin d’accéder à des grandeurs morphologiques traduisant la croissance de la bulle. La cellule de Hele-Shaw est ensuite placée dans un interféromètre de type Mach-Zehnder pour mesurer les échanges de chaleur locaux, autour de la bulle lors de sa croissance. Cette nouvelle cellule de Hele-Shaw a été adaptée à un dispositif d’ébullition convective. Ce dispositif expérimental a fait l’objet de deux campagnes de vols paraboliques. Les principaux résultats sont présentés dans un article soumis à publication dans la revue Microgravity Science and Technology. Enfin la conclusion de ce mémoire synthétise le travail réalisé durant notre étude de l’ébullition. Un certain nombre de conclusions seront apportées sur les résultats expérimentaux des différents 6 CHAPITRE 1. INTRODUCTION GÉNÉRALE - CONTEXTE dispositifs. Sur la base des travaux réalisés, nous donnerons quelques perspectives à ces différents travaux réalisés et résultats obtenus. Première partie Ebullition sur sites multiples 7 Chapitre 2 Ebullition sur surface polie : effet de la gravité sur les transferts de chaleur Sommaire 2.1 Contextes scientifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.1 Motivations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.1.2 Etat de l’art sur l’ébullition : vision globale des transferts de chaleur . . . . 2.2 Dispositif expérimental : bâti de Vol BOILI . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.1 Cellule expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.2 Description de l’élément . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.2.3 Mesures au sol : test de conception . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3 Résultats et discussions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.1 Protocole expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.2 Incertitudes de mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.3 Influence de la gravité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2.3.4 Analyse et comparaison des résultats à la littérature . . . . . . . . . . . . . 2.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 10 10 11 30 30 33 36 39 39 40 40 51 55 10 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ 2.1 2.1.1 Contextes scientifiques Motivations Cette étude fait suite à la thèse du Dr. M. Barthès [8]. Elle a étudié les transferts de chaleur autour d’une bulle de vapeur dans une configuration axisymétrique. Elle a mis en oeuvre un fluxmètre thermique pour quantifier les transferts de chaleur à travers une paroi sur laquelle croı̂t une bulle unique. Cette partie du manuscrit fait suite aux travaux engagés il y a 5 ans dans le cadre de l’expérience RUBI (pour Réference for mUltiscale Boiling Investigation), financée par l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et prochainement installée à bord de la station spatiale internationale. Cette expérience a pour but d’apporter de nouvelles connaissances en abordant 5 points principaux : • La mesure locale des transferts de chaleur et de masse autour de la ligne de contact d’une bulle de vapeur en croissance : une bulle est créée sur un élément chauffant métallique résistif (élément développé par le laboratoire TTD de Darmstadt). Les informations sur le transfert de chaleur à la paroi seront obtenues en mesurant les effets microscopiques dans la micro-couche sous la bulle de vapeur. Ces mesures ont pour but de déterminer le profil de température, l’épaisseur du film et l’angle de contact apparent. De plus, le flux de chaleur critique ainsi que la formation d’une tache sèche dans ce cas seront suivis durant la croissance de la bulle. • L’analyse globale de la croissance d’une bulle de vapeur unique : une bulle de vapeur est créée sur un élément chauffant incluant un fluxmètre qui mesure le flux de chaleur total traversant la paroi. L’objectif est d’étudier les transferts de chaleur et de masse associés aux différentes phases de la vie d’une bulle de vapeur (depuis la nucléation et la croissance de l’embryon de vapeur sur un site unique jusqu’à son détachement et l’apparition de la bulle suivante). Par ailleurs, nous étudierons les effets de la convection Marangoni et des gaz incondensables sur la croissance de la bulle et les transferts de chaleur. • L’ébullition en présence d’un champ électrique : deux électrodes reliées à une source de tension élevée permettra de produire un champ électrique dans la cellule expérimentale. La présence de ce champ exerçant une force volumique variable selon la différence de potentiel imposée sera utilisée comme une force semblable à la pesanteur (variable). La modification de la dynamique d’une ou plusieurs bulles de vapeur sera étudiée lors de l’application de ce champ électrique. • L’ébullition en présence d’un écoulement : un écoulement cisaillant sera appliqué à la surface des éléments chauffants et ses effets sur les bulles de vapeur seront étudiés durant leur croissance. • L’ébullition d’un mélange de liquide : les 4 points précédents réalisés avec un fluide pur seront à nouveau réalisés avec un fluide composé de deux liquides compatibles dans des proportions connues. 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 11 L’utilisation de fluxmètres n’a jamais été faite par le passé dans des conditions de gravité variable 1 . Cette expérience sera la première dans une configuration où le fluxmètre est orienté vers le haut et où il sera possible de comparer les caractéristiques thermiques lors du changement de phase liquide vapeur pour trois niveaux de gravité lors de la campagne de vols paraboliques. Cette campagne de vols permettra de tester et de valider le dimensionnement ainsi que le fonctionnement de l’élément chauffant de la future expérience, en microgravité, avant la conception finale par l’opérateur industriel. 2.1.2 2.1.2.1 Etat de l’art sur l’ébullition : vision globale des transferts de chaleur L’ébullition en vase : la courbe d’ébullition L’ébullition en vase correspond à la création de bulle de vapeur dans son liquide sans qu’il y ait confinement autour de l’élément chauffant, ni écoulement forcé du liquide environnant. Le confinement a lieu lorsque les dimensions des éléments chauffants deviennent inférieurs à la longueur capillaire Lcap définie de la manière suivante : s Lcap = σ g (ρl − ρv ) (2.1) Dans ce chapitre, la taille de l’élément chauffant ainsi que l’espace de liquide l’entourant ont une dimension bien supérieure à celle-ci quel que soit le niveau de gravité rencontré. L’ébullition en vase est le premier cas d’école étudié. Nukiyama [79] établit en 1934 la courbe reliant la densité de puissance dissipée à travers la paroi (ou densité de flux de chaleur pariétal) à la surchauffe de celle-ci par rapport à la température de saturation du liquide étudié. Elle est obtenue pour un support cylindrique (un fil chauffant) ou un élément plan dont la puissance est contrôlée. L’analyse faite par Dhir [20] de cette courbe complexe présentée sur la figure 2.1 met en exergue différents régimes d’ébullition : • La première phase correspond à la période où la surchauffe de la paroi n’est pas suffisante pour activer le premier site de nucléation. Si l’élément est orienté vers le bas, les transferts de chaleur se feront par conduction dans le liquide. Dans les autres cas de configuration, les transferts de chaleur se feront par convection naturelle (zone I). • Lorsque la surchauffe pariétale est suffisante (point A), les premiers sites de nucléation deviennent actifs. Les bulles se forment à partir du gaz (ou de la vapeur) se trouvant dans les sites de nucléation. Dans le cas des liquides mouillants, le phénomène de nucléation est retardé. Il faut une très forte surchauffe de la paroi pour permettre la création des premières bulles de vapeur. Une fois passé ce point particulier de la courbe, la surchauffe pariétale diminue et on se trouve dans la zone d’ébullition nucléée à bulles séparées. Toute augmentation du flux de chaleur se traduit par une augmentation de la température de paroi (zone II). 1. La thèse d’O. KANNENGIESER s’est déroulée à l’Institut de Mécanique des Fluides de Toulouse, sur la même période que la mienne. Elle concernait l’étude de l’ébullition en vase en microgravité dans le but de l’appliquer au cas des réservoirs d’ARIANE 5 (programme franco-Allemand COMPERE). Il a aussi utilisé un fluxmètre pour mesurer le flux de chaleur pariétal lors d’expériences en vol parabolique et en fusée sonde MASER 11 12 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.1 – Courbe d’ébullition typique montrant la dépendance du flux de chaleur à la surchauffe pariétale. Les 6 dessins représentent les différents comportements des bulles dans les 5 zones caractéristiques ainsi que la transition du régime d’ébullition à bulles séparées au régime d’ébullition développé - D’après Dhir [20]. • On atteint ensuite le régime d’ébullition nucléée complètement développée au point B. Passé ce point, la production de vapeur sur chaque site est supérieure à ce qui est évacué grâce à la force de flotabilité. Les bulles coalescent verticalement conduisant à la formation de colonnes de vapeur. Ce changement de régime peut se traduire dans certains cas par un changement de pente de la courbe d’ébullition. 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 13 • La limite supérieure de ce régime est le point de flux critique (point C). Toute augmentation du flux de chaleur se traduit par une brusque augmentation de la température de la paroi (passage du point C au point E) du fait de la création d’un film de vapeur isolant autour de la surface chauffée. Si la température atteinte par la paroi dépasse son point de fusion, il y a alors destruction du matériau (”burn-out”), correspondant à l’extrémité de la courbe dans la zone V. • Dans la zone V, toute diminution du flux de chaleur se traduit par une diminution de la température de paroi. La transition rencontrée dans ce cas conduit à un passage du point D à la courbe d’ébullition nucléée (zone II). • Entre le point C et le point D, se trouve la zone de transition d’ébullition (zone IV). Celleci correspond à une alternance entre le régime d”ébullition nucléée et d’ébullition en film, configuration très instable. Elle ne peut être décrite qu’en travaillant à température de paroi imposée. Nous nous intéresserons dans ce chapitre à l’étude de l’ébullition nucléée partiellement développée du fait de la stabilité de ce régime et la relative simplicité des phénomènes mis en jeu comparées aux autres régimes d’ébullition. Mais le principal point motivant notre étude est le rôle des différents paramètres qui n’est toujours pas correctement compris et maı̂trisé dans ce régime caractéristique. Lorsque l’on délivre des flux de chaleur sur une paroi et que l’on mesure des températures, la manière la plus simple permettant de décrire l’ébullition est de chercher à relier ces deux grandeurs, comme l’a fait Nukiyama [79]. Ce type d’approche permet d’introduire un coefficient d’échange de chaleur global. Plusieurs auteurs ont donc cherché à comprendre l’influence de différents paramètres comme l’angle de mouillage, l’état de surface, l’orientation du support ou encore le niveau de gravité. La revue bibliographique présentée dans ce chapitre reprend les principales contributions dans le domaine de l’ébullition nucléée ayant permis de poser les bases de l’ensemble des publications plus récentes. Et étant donné l’ensemble des paramètres cités précédemment, je rappellerai principalement les grands résultats condensés dans différentes revues bibliographiques publiées ces dernières années, avec une attention particulière pour l’effet de la gravité. 2.1.2.2 Ebullition nucléée : analyse des principaux résultats et travaux 2.1.2.2.1 Principaux modèles et corrélation de transfert de chaleur Le transfert de chaleur par ébullition est un phénomène complexe faisant intervenir plusieurs paramètres. La première approche formulée par Forster et Zuber [26] puis par Rohsenow [94] a été de faire l’analogie entre les échanges de chaleur en convection forcée d’un fluide et ceux associés à l’ébullition nucléée en vase. Dans ce cas, les auteurs ont supposé que les transferts de chaleur suivaient une loi du type : N ub = hLb = ARe1−r P r1−s λl (2.2) q où h est le coefficient d’échange de chaleur défini par la relation Tp −T , Lb est une longueur sat caractéristique de la bulle, Re est le nombre de Reynolds défini suivant cette expression : 14 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Re = ρv Ub Lb µl (2.3) où Ub est la vitesse caractéristique de la bulle. Le modèle de Rohsenow [94] fait plusieurs hypothèses : • La longueur caractéristique est égale au diamètre de détachement de la bulle et suit l’expression 2 : 2σ Lb = Db = Cb θ g (%l − %v ) 1 2 (2.4) • La vitesse de la bulle est la vitesse de la vapeur à la surface de celle-ci : Ub = q %v Llv (2.5) • Le coefficient de transfert de chaleur est défini de la manière suivante : h= q Tp − Tsat (Pl ) (2.6) En combinant les expressions des équations 2.3 à 2.6 dans l’équation de base 2.2, on obtient l’expression du modèle de Rohsenow : σ q µl Llv g (ρl − ρv ) 1 2 = 1 Csf !1 r Pr − rs Cpl (Tp − Tsat (Pl )) Llv 1 r (2.7) où typiquement, r et s prennent respectivement les valeurs 0.33 et 1.7. Dans le cas de l’eau, s vaut 1. Csf est un paramètre empirique dépendant du couple fluide-matériau dont l’expression est la suivante : √ Csf = 2Cb θ A (2.8) Rohsenow a proposé des valeurs pour plusieurs couples fluides-matériau. Elle vaut par exemple 0.006 pour le couple eau-nickel et 0.012 pour le couple eau-cuivre. Durant la même période, Forster développa un modèle de micro-convection avec plusieurs coauteurs. Tout d’abord, Forster et Zuber [26], utilisant la même relation de base que Rohsenow (2.2) ont choisi le diamètre de croissance de la bulle pour la longueur caractéristique. Pour la vitesse, ils proposent la vitesse de croissance de la bulle : 1 Lb= 2R = 2Ja (παl t) 2 2. Cette définition du diamètre de détachement est celle faı̂te par Fritz [27]. (2.9) 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 15 1 dR παl 2 (2.10) Ub = Ṙ = = Ja dt 4t Où Ja est le nombre de Jacob. Il caractérise l’importance relative de la chaleur sensible du liquide par rapport à la chaleur latente : Ja = [[T∞ − Tsat (P∞ )]] Cp ρl ρv hlv (2.11) Avec ce choix, ils trouvent que A, r, s prennent respectivement les valeurs 0.0015, 0.38 et 0.66. Cette relation est établie en utilisant une définition du coefficient de transfert de chaleur basée sur l’écart de température entre la paroi et le fluide sous-saturé. Les résultats expérimentaux ont montré que cette relation est valable dans les cas où le liquide se trouve à la température de saturation (Tl = Tsat ). Pour tenter d’expliquer cela, Forster et Greif [25] ont développé un modèle d’échange liquidevapeur tenant compte de l’effet de la sous-saturation. Ils postulent que les bulles jouent le rôle de pompe microscopique permettant de ramener du liquide sous-saturé jusqu’à la saturation loin de la paroi. Ils supposent que chaque bulle pompe le même volume de liquide que lorsque la bulle se détache de la paroi. Cette élévation de température se traduit par une augmentation des transferts de chaleur à travers la paroi. Ce modèle a ensuite été étendu par Han et Griffith [31, 32] au cas de l’ébullition saturée en supposant que les transferts de chaleur se font par conduction instationnaire après le départ d’une bulle et avant la nucléation de la suivante dans une zone d’influence. En dehors de cette zone, les transferts se font par convection naturelle. En ajoutant la contribution des différents mécanismes (conduction instationnaire autour des sites de nucléation et évaporation à l’interface de la bulle, convection naturelle loin des sites de nucléation, évaporation de la microcouche sous la bulle), on obtient un modèle permettant de prendre en compte différents mécanismes de transferts : ! K2 q K2 π q = 1 π (λρCp )l f Dd2 Na ∆T + 1 − 1 Na πDd2 h̄cn ∆T + h̄ev Na Dd2 ∆T 2 2 4 (2.12) Où les trois termes de l’équation représentent respectivement l’évaporation le long de l’interface de la bulle, la conduction instationnaire dans le liquide et l’évaporation de la microcouche de liquide à la base de la bulle. Ce modèle nécessite de connaı̂tre la taille des bulles lors du détachement (en utilisant par exemple la corrélation de Fritz [27]), la fréquence de détachement des bulles , le facteur K1 caractéristique de l’aire d’influence de chaque bulle et la densité des sites de nucléation. Ce dernier paramètre est le seul nécessitant une mesure in situ sur la surface étudiée. A l’origine, seuls les deux premiers termes de l’équation 2.12 faisaient partie de leur modèle, le troisième ayant été rajouté par Judd et Hwang [38] sur la base de mesures et d’observations expérimentales. Plus récemment, Stephan et Abdelsalam [105] ont développé une corrélation pour l’ébullition nucléée à saturation. Ils ont classé les liquides en quatre catégories : l’eau, les hydrocarbures, les liquides cryogéniques et enfin, les liquides réfrigérants. Cette corrélation est basée sur l’analyse de plus de 5000 points expérimentaux et propose des corrélations adimensionnées du coefficient d’échange convectif pour une rugosité de surface de 1 mm. Les corrélations suivantes ont une erreur absolue de 15% : 16 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ • Eau N u = 2.46 × 106 X10.673 X4−1.58 X31.26 X85.22 (2.13) Pour 10−4 ≤ p/pc ≤ 0.886 et Φ = 45◦ • Hydrocarbures N u = 0.0546 X50.5 X1 0.67 X84.33 X40.248 (2.14) Pour 5.7 × 10−3 ≤ p/pc ≤ 0.9 et Φ = 35◦ • Liquides cryogéniques N u = 4.82X10.624 X70.117 X50.257 X30.374 X4−0.329 (2.15) Pour 4.0 × 10−3 ≤ p/pc ≤ 0.97 et Φ = 1◦ • Liquides réfrigérants N u = 207X10.745 X50.581 X60.533 (2.16) Pour 3.0 × 10−3 ≤ p/pc ≤ 0.78 et Φ = 35◦ Les définitions des différents termes utilisés sont les suivantes : Nu = qDd ∆T λl X1 = qDd λl Tsat X2 = α2l ρl σDd X3 = X5 = ρv ρl X6 = υl αl X7 = Cpl Tsat Dd2 α2l (ρCp λ)s (ρCp λ)l X4 = Llv Dd2 κ2l X8 = ρl −ρv ρl Enfin on peut citer les travaux de Ammerman [4] qui ont pris en compte les échanges de chaleur dus à la convection Marangoni autour des bulles en plus des échanges par chaleur latente, par convection naturelle et par effet de sillage. Nous discuterons de l’importance de ce phénomène dans la revue bibliographique dédiée à l’étude de l’ébullition monobulle sur site isolé. Il est à noter que Cooper [15, 16] a proposé un modèle simplifié pour l’ébullition d’un liquide à saturation en faisant intervenir la géométrie de l’élément chauffant (premier modèle précisant le type de support à utiliser). Ce modèle n’utilise comme paramètre que la pression réduite du liquide, la masse molaire du liquide ainsi que la rugosité. Cette corrélation est de la forme suivante : 1 p (q) 3 =A ∆T pc 0.12−0.21logRp . −log p pc −0.55 .M −0.50 (2.17) où A = 55 dans le cas d’un support plan et A = 95 pour un support cylindrique. Bien que prenant en compte la rugosité de paroi, cette corrélation ne fait pas intervenir la notion de mouillage à la paroi par le liquide qui se traduit par la présence de l’angle de contact dans les corrélations précédentes. 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 17 2.1.2.2.2 Résultats expérimentaux Nous avons effectué dans le paragraphe précédent une revue bibliographique des principaux modèles et corrélations pour de l’ébullition dans le cas de liquide pur et pour des surfaces planes horizontales. Toutes ces relations ont été à chaque fois validées sur des données expérimentales. L’émergence de nouveaux matériaux ainsi que le développement de nouveaux outils permettant d’accroı̂tre la qualité des mesures expérimentales poussent la communauté scientifique à étudier différents paramètres parfaitement contrôlés. L’influence de l’orientation de la paroi fut le premier des paramètres étudiés, suivi de l’état de finition de la surface et de la mouillabilité du liquide (modifié en utilisant des surfactants ou à l’aide de nano-dépôt de surface). Ce paramètre est couplé à la structuration de la surface aux petites échelles (de l’ordre du µm). Récemment, des expériences d’ébullition ont été réalisées en utilisant des nanofluides [47]. Les particules en suspension se déposent au cours du temps sur les surfaces. Cela pose le problème de l’évolution de la structure de la paroi et donc de la validité des courbes d’ébullition. L’étude de l’ensemble de ces paramètres n’a pas permis pour le moment d’améliorer les différents modèles éxistants. Orientation de l’élément chauffant : Quels que soient les liquides utilisés, l’ensemble des auteurs travaillant en diminuant progressivement le flux de chaleur arrive à la même conclusion que le travail de référence de Nishikawa [78] : tant que le régime d’ébullition nucléée pleinement développé n’est pas atteint (c’est-à-dire pour de faibles surchauffes pariétales), le flux de chaleur décroı̂t de manière non linéaire avec l’angle d’inclinaison de la paroi par rapport à l’horizontale (orientée vers le haut) pour une surchauffe pariétale donnée. Cela est valable jusqu’au cas limite de 175˚. Au delà, il y a une chute brutale du flux de chaleur due à la diminution de la dynamique des bulles entraı̂nant du liquide surchauffé dans leur sillage. Une fois que les transferts de chaleur sont dominés par l’évaporation (en ébullition nucléée pleinement développée), l’orientation de l’élément n’a plus qu’une faible influence sur les échanges de chaleur. Le flux de chaleur critique est toutefois inversement proportionnel à l’angle comme l’ont montré Parker et El-Genk [85]. Etat et structure de la surface : Les premières études de structure de paroi ont été faites dans le but de mesurer la densité de site de nucléation, le modèle de Judd et Hwang [38] nécessitant uniquement cette mesure (cf. équation 2.12). La modification de l’état de surface est donc un moyen d’améliorer les transferts de chaleur à travers l’augmentation de la densité de site de nucléation. Pour cela, différentes techniques appliquées sur les surfaces où se créent les bulles ont été identifiées dans la littérature [12, 85, 119, 121, 122] : le polissage grossier, la micro-usinage (cavité, picot, rainure...), le dépôt de poudre nano ou micrométrique créant une surface micro-poreuse, le développement de mousse poreuse grossière (diamètre de pore proche du millimètre). L’amélioration des transferts est variable selon les méthodes de structuration des parois. Les principaux résultats sont uniquement exprimés en terme d’amélioration des échanges. Il n’a pas été établi de lien entre les différentes structures des poreux par exemple et les augmentations de 300 % des coefficients d’échange et de 100% pour le flux critique [12]. Mouillabilité - Nanofluides : 18 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ (a) Effet de l’orientation de la paroi sur l’ébullition nucléée de l’eau sur un élément plan. D’après [78] (b) Comparaison des courbes d’ébullition pour différentes inclinaison d’un élément lisse ou avec une structure poreuse. D’après [85] Figure 2.2 – Densité de flux de chaleur en fonction de la surchauffe pariétale La définition des nanofluides, résultant de l’association de nanoparticules à un fluide (jusqu’à 1% en volume), a été faites par Choi [14]. Leur développement a été fait dans le but d’améliorer les transferts de chaleur. Cependant, il n’existe pas de consensus général sur les résultats expérimentaux [112]. Toutefois, il est possible d’utiliser la corrélation de Rohsenow 2.7 en adaptant la constante Csf , celle-ci caractérisant le couple fluide-materiau. En effet, l’ensemble des auteurs soulignent le fait qu’une certaine quantité de nanoparticules s’est déposée sur la surface, propre à l’origine, modifiant ainsi sa mouillabilité. Cette conclusion sert de référence à quelques travaux [86, 53, 92] basés uniquement sur la modification de la mouillabilité par un traitement de la paroi (auparavant, cette propriété était modifiée par l’ajout de surfactant dans le liquide). Cela a pour conséquence de diminuer le flux critique de fluides purs (de l’ordre de 30%) et le niveau de surchauffe pariétale, ceci en l’augmentant l’angle de contact. La conclusion que l’on peut faire de l’ensemble de ces résultats expérimentaux et des corrélations qui en résultent, est qu’elles sont à utiliser avec précaution du fait de la difficulté à extrapoler leur utilisation. En effet, elles ont toutes été établies pour certaines conditions expérimentales. Pour autant, le changement de niveau de gravité a été très peu étudié. Nous verrons dans la suite de la revue bibliographique que l’ensemble des études menées n’ont pas permis, pour le moment, de valider une corrélation définie à l’origine en gravité terrestre puis également validée en microgravité bien que, comme nous le verrons, de grandes tendances émergent dans l’ensemble des résultats expérimentaux. 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 2.1.2.3 19 Etude de l’ébullition en microgravité 2.1.2.3.1 Motivations expliquant ces études Les différents modèles et corrélations permettant de déduire le flux de chaleur transmis en fonction des conditions expérimentales ont tous été validés sur des expériences de références menées en laboratoire. Or les premières expériences conduites en microgravité par Keshock et Siegel [98] ont montré une contradiction entre les résultats expérimentaux et théoriques. En effet, le modèle de Rohsenow (cf. équation 2.7) prédit que le flux de chaleur transféré pour une surchauffe de paroi donnée, évolue en g 1/2 . Cela signifie que pour une condition de microgravité de 10−4 , il y a un facteur 100 sur le flux de chaleur transféré. Or aucune expérience n’a prouvé ce résultat et Steinbichler [104] a illustré cela, comme le montre la figure 2.3. Les modèles de Cooper (cf. équation 2.17) et la corrélation de Stephan (cf. équation 2.13) qui sont aussi couramment utilisés, ne font pas apparaı̂tre de dépendance du flux de chaleur à la gravité. Ceci est aussi en contradiction avec les résultats de la figure 2.3 où les flux augmentent d’environ 30% en microgravité alors que la corrélation de Rohsenow prévoit 70 ordres de grandeurs de différence. Figure 2.3 – Comparaison du modèle de Rohsenow et des résultats expérimentaux dans des conditions de gravité normale et de microgravité - D’après Steinbchler [104] 20 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.4 – Niveau de gravité moyen obtenu sur les différentes plates-formes financées par l’ESA 2.1.2.3.2 Plates-formes expérimentales permettant des variations de gravité Le développement des systèmes thermiques pour les engins spatiaux ainsi que le contrôle thermique de certaines parties critiques des avions de chasse, comme les brouilleurs, font appel à l’ébullition. Il est donc nécessaire de maı̂triser les transferts de chaleur et de masse dans le cas où la pesanteur serait plus faible ou plus importante que celle obtenue dans des conditions stationnaire sur Terre. De plus, le besoin de nouvelles connaissances est aussi un argument fort poussant une partie de la communauté scientifique à travailler sur l’influence de la gravité sur les transferts de chaleur et de masse dans le cas de l’ébullition, l’évaporation, la conduction. L’hyper-gravité (pour tout niveau de gravité supérieur à la gravité terrestre) est obtenue principalement avec des centrifugeuses en laboratoire. Ces installations permettent de se placer dans des conditions stationnaires de gravité. Le second moyen de travailler en hyper-gravité consiste à utiliser la période précédant et succédant la phase de micro-gravité lors des campagnes de vols paraboliques. Ce moyen a comme défaut de ne pas fournir un niveau de gravité stable et répétitif (le pilote adaptant sa trajectoire pour se placer dans les meilleures conditions possibles pour la phase de microgravité). Il existe plusieurs méthodes pour obtenir les conditions de microgravité. La figure 2.4 présente les principaux dispositifs expérimentaux 3 et les niveaux de gravité accessibles. On compte 7 types d’installations plus ou moins répandues : • La tour de chute : le temps de chute est fonction de la hauteur de la tour. Il peut atteindre 10 s (tour d’Hokkaido, Japon). La mise au point d’une expérience utilisant une tour de chute n’est 3. ceux financés par l’Agence Spatiale Européenne sont présentés dans le document technique consultable à l’adresse internet suivante : www.spaceflight.esa.int/users/index.htm 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 21 pas très long et la gravité résiduelle est de l’ordre de 10−5 g. Mais ses principales contraintes sont la déformation et la contrainte subies par l’expérience lors de la réception en bas de la tour de chute (30 g pour une tour de 25 m). • Les vols paraboliques : les deux principaux avions dédiés à ce type de vol sont le KC-135 de la NASA et l’Airbus A300 de la société NOVESPACE. Les temps de micro-gravité sont respectivement de 25 s (obtenu grâce à une transition très rapide vers l’hyper-gravité) et de 22 s. L’avantage de ce type de dispositif est la possibilité donnée aux scientifiques de pouvoir réaliser leurs expériences sans pour autant tout automatiser (possibilité de piloter les expériences durant le vol et d’en modifier manuellement les paramètres). • Les fusées de types TEXUS, MASER ou MAXUS fournissent des temps de micro-gravité compris entre 3 et 12 min selon le modèle de fusée utilisé. La conception, le design technique et la réalisation des expériences sont confiés aux sociétés exploitant ces installations. Toutes les expériences sont automatisées et l’accès à ces installations est relativement aisé (1 à 2 tir de fusée par an). La gravité résiduelle est de l’ordre de 10−4 g et l’ébullition peut être étudiée à l’état stationnaire. • Les navettes spatiales de type ”Columbia” ont aussi servi de support à la réalisation d’expériences. Elles fournissaient une gravité résiduelle de 10−5 g. Depuis l’accident de Columbia en 2003, la NASA a stoppé ce type de vol dédié uniquement aux expériences. • L’ESA et l’agence spatiale chinoise mettent aussi à disposition des scientifiques des satellites placés en orbite par des lanceurs de type Soyuz. Après une durée variant de quelques jours à plus de 2 semaines, la capsule retombe sur terre. Durant le vol, la gravité résiduelle est comprise entre 10−3 et 10−5 g et une charge utile de 300 kg est disponible. • La station spatiale internationale (ISS) est l’outil le plus stable pour permettre une étude à l’état stationnaire de l’ébullition, en fournissant une gravité résiduelle comprise entre 10−4 g et 10−6 g selon la position dans la structure. La principale contrainte rencontrée lors de l’élaboration d’une expérience est le temps passé entre le design et la réalisation de l’expérience. Le développement d’une expérience pour l’ISS se fait toutefois en utilisant les vols paraboliques et les fusées sondes pour valider les choix technologiques et pour permettre d’obtenir des résultats préliminaires. • Le dernier moyen technique permettant de travailler en micro-gravité est l’utilisation d’un champ magnétique créé à l’aide d’une bobine. La force résultante du champ magnétique peut compenser, en laboratoire, le champ d’accélération gravitationnelle. En modifiant l’intensité du courant circulant dans la bobine, il est possible d’obtenir un niveau de gravité variable dans le temps. Cette technique permet, par exemple, de reproduire les conditions de gravité lunaire. Les principaux inconvénients sont l’obligation d’utiliser des liquides paramagnétiques ou diamagnétiques, et que le champ résultant n’est pas uniforme dans l’espace dédié à l’expérience. On peut toutefois corriger en partie cela à l’aide d’inserts ferromagnétiques permettant de multiplier le volume utile 4 par 4.5. 4. On définit le volume utile comme étant le volume dans lequel l’écart de gravité à sa valeur minimale est inférieur à la valeur que l’on se donne, typiquement 10%. 22 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ 2.1.2.3.3 Revue des principaux travaux réalisés en microgravité Plusieurs expériences ont été développées depuis le temps des premières aventures de l’homme dans l’espace. Les principales expériences ont été regroupées dans le tableau 2.1. Les premières expériences ont été réalisées dans des tours de chutes par Siegel en 1961 [98]. Depuis, on en dénombre plusieurs dizaines utilisant les différents moyens de microgravité. Suivant les auteurs, les expériences diffèrent par leurs conditions opératoires (pression, température de saturation, sousrefroidissement), les fluides (eau, alcool, azote, hydrocarbures), la géométrie et la taille de l’élément chauffant. Il s’agit, pour l’ensemble de ces expériences de l’ébullition mutlibulles. L’effet de la gravité sur la croissance et le détachement d’une bulle de vapeur sera étudié dans le chapitre suivant. Les travaux sur l’ébullition monosite sont plus récents. Ils seront abordés dans la revue bibliographique du chapitre dédié à l’ébullition monobulle en cellule de Hele-Shaw. Influence de la géométrie de l’élément chauffant : Les expériences d’ébullition menées en microgravité sont nombreuses et variées. Il est donc difficile de trouver certains points communs pour effectuer des comparaisons quantitatives. Le type d’élément chauffant est de ceux là : il s’agit soit de fils résistifs (généralement en platine), soit d’éléments plans. Pour ces derniers, il existe différents moyens de contrôler le flux de chaleur fourni au liquide (réseau de résistance, film résistif ou résistance plate). L’influence de la taille de chacune des configurations a aussi été testé. • Fil résistif cylindrique : l’avantage de travailler avec des fils résistifs est la rapide transition nécessaire au développement de la nouvelle couche limite thermique du au changement de gravité dans les cas des tours de chute et des vols paraboliques. Les travaux de Straub [110], Steinbichler [104] et Zhao [128] permettent de conclure que dans le cas de faibles flux de chaleur (ébullition nucléée partielle), les transferts sont augmentés en microgravité pour des fils de diamètres de l’ordre du millimètre (1.4, 0.2, 0.06 et 0.05 mm ont été testés). Lorsque le flux pariétal augmente (Ebullition nucléée pleinement développée), il y a une diminution du coefficient d’échange et on atteint le flux de chaleur critique. Toutefois, Grassi et Di Marco [60] n’observent pas ce résultat (pas de d’augmentation ou de diminution des transferts). En revanche, ils obtiennent un nette diminution du flux de chaleur critique lorsque la gravité diminue. Il est de l’ordre de la moitié de la valeur obtenue en gravité terrestre. Dans le cas d’un fil de très petit diamètre (25 µm), Sitter [99] a montré que les transferts diminuent fortement. Dans le cas de son étude, la seule utilisant un fil de très petit diamètre, la différence de comportement avec les précédentes expériences peut être expliqué par les conditions opératoires. Dans le cas de Sitter, les expériences ont été faites en tour de chute de 0.6 ou 2.1 sec. On peut donc se poser la question de savoir si les mesures ont été faites dans des conditions stationnaires comme cela a été le cas pour les autres expériences de Straub, Steinbichler... De plus, Siegel [97] qui a réalisé ses expériences en tour de chute, a montré qu’il n’obtenait pas les mêmes résultats selon l’orientation du fil. Or en microgravité, le fait de positionner le fil horizontalement ou verticalement ne devrait pas avoir d’influence sur les transferts de chaleur à l’état stationnaire, les faibles fluctuations (le jijiter) variant autour de zéro. Abe (1994) Oka (1996) Abe (1993) Straub (1992) Oka (1992) TC FS TR-1A TC VP VP et FS Texus VP et FS Texus VP et FS Texus VP VP VP TC TC TC TC Support Légendes : TC : Merte (1964-1990) Siegel (1961) (1965) Auteur Table 2.1 – Liste des expériences conduites en microgravité Elément chauffant Fluide Flux de chaleur Remarques kW/m2 fil horizontal Eau, alcool, 95 < q < 290 Différents niveaux de gravité (diam. 500 µm) solution 60% sucre Etude à saturation fil vertical Eau, alcool, 95 < q < 290 Différents niveaux de gravité (diam. 500 µm) solution 60% sucre Etude à saturation Disque cuivre Eau 97 < q < 295 Différents niveaux de gravité Diam. 22 mm Bulle unique à saturation Disque cuivre Azote liquide q < 110 3 orientations Diam. 1 in. (0 -90 - 180˚) Plaque verre n-pentane 5 < q < 40 Etude sous-refroidie 2 Dépôt ITO 40*20 mm (7-10˚) Plaque verre n-pentane 20 < q < 50 Etude sous-refroidie Dépôt ITO 40*20 mm2 (20-30˚) fil horizontal R12 et R113 95 < q < 285 Etude à saturation (diam. 50 µm) Influence de la pression fil horizontal R12 et R113 0 < q < 400 Etude à saturation (diam. 200 µm) Influence de la pression Dépôt d’or R12 et R113 40 < q < 276 Etude à saturation sur 40*20 mm2 Plaque Epoxy n-pentane q < 42 Cristaux liquides Film chauffant Plaque verre n-pentane q < 120 Etude sous-refroidie 2 Dépôt ITO 50*50 mm eau, CFC-113 (de 0 à 21˚) Plaque verre n-pentane q < 50 Etude à saturation Dépôt ITO 30*30 mm2 Rapide assèchement Plaque verre Mélange q < 500 Mélange à 11.3% et 27.3% Dépôt ITO 40*40 mm2 Eau-Ethanol Interféromètre (tache sèche) Plaque Pirex Eau q < 400 Etude à saturation Dépôt ITO 30*30 mm2 CFC-113 q < 45 et sous-refroidie tour de chute ; VP : vols paraboliques ; FS : fusée sonde ; CM : compensation magnétique 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 23 VP Support Elément chauffant Fluide Flux de chaleur kW/m2 20 < q < 270 Remarques Dépôt ITO sur Eau Etude à saturation saphir (diam.50 mm) Mesure locale par thermorésistance Ohta VP Dépôt ITO sur Ethanol 10 < q < 100 Etude sous-refroidie (3-11˚) saphir (diam.50 mm) Mesure locale par thermorésistance (1996) Lee Navette Plaque quartz R113 20 < q < 80 Etude à saturation (1997) Dépôt ITO 19*38 mm2 et sous refroidie (2.7 et 11˚) Ohta Fusée sonde Disque de saphir Ethanol 3.5 < q < 80 Tliq fixe et variation de la pression (1998) TR-1A Dépôt ITO diam. 50 mm Mesure local par thermorésistance Navette Support hémisphérique R123 20 < q < 325 Etude à saturation (diam. 1.4 mm) et sous refroidie (0-60˚ Steinbichler Navette fil horizontal R134a 50 < q < 380 Etude à saturation (diam. 200 µm) et sous refroidie (0-50˚ (1998) Sitter TC fil horizontal FC-72 q < 777 Etude de la pression (1998) (diam. 25 µm) acoustique Ahmed VP Disque cuivre Mélanges eauq < 777 Etude de l’influence (1998) (diam. 12 mm) 2-propanol de la fraction molaire Qiu VP Foil sur plaque silicon Eau 95 < q < 285 Bulle unique (2002) (éléments 6.5*6.5 m2 ) site artificiel (Diam. 10 µm) VP 96 résistances sur FC72 10 < q < 300 Sous-refroidissement et quartz (0.27*0.27 mm2 ) surchauffe variable Kim FS et VP 96 résistances sur FC72 10 < q < 190 Sous-refroidissement fixe 2 (2002) quartz (0.27*0.27 mm ) Influence de la surchauffe Di Marco VP et FS fil horizontal FC-72, R113, q < 300 Champs électrique (2002) MASER 8 200µm < diam. < 500µm) Vertrel XF Sodkte VP Foil résistif FC-72 Etude sur la Cristaux thermosensibles 2 (2006) 28*42 mm ) ligne de contact Mesure locale Légendes : TC : tour de chute ; VP : vols paraboliques ; FS : fusée sonde ; CM : compensation magnétique Auteur 24 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Support Elément chauffant Fluide Flux de chaleur kW/m2 30 < q < 246 Remarques Satellite SJ-8 Satellite SJ-8 Foton M2 Plaque AL2 O3 horizontal FC-72 Résistance sur 15*15 mm2 Zhao fil horizontal R113 70 < q < 300 Aucune influence (2009) (diam. 60 µm) Di Marco Or sur plaque ZnS FC-72 0 < q < 200 Champs électrique 2 (2009) 40 nm sur 20*20 mm Pas de site artificiel Otha VP Résistances en or (3 mm) FC-72 Température fixée Etude sous refroidie (2009) Sondes de Pt (1.3 mm) Ajustement local du flux de 3 à 11˚ Pichavant CM Plaque horizontale Oxygen q < 380 Niveau de gravité < 1 (2009) 0.5 cm2 expériences stationnaires Kannengieser VP et FS plaque horizontal HFE-7000 2 < q < 35 Utilisation d’un (2009) Maser 11 Résistance sur 10*10mm2 fluxmètre Raj VP 96 résistances sur FC72 10 < q < 300 Influence gaz (2009) quartz (0.27*0.27 mm2 ) incondensable Légendes : TC : tour de chute ; VP : vols paraboliques ; FS : fusée sonde ; CM : compensation magnétique Auteur 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 25 26 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.5 – Densité de flux de chaleur de changement de phase. D’après Kim [48]. • Elément plan : ce type de support est plus proche des applications possibles de l’ébullition en microgravité. Par conséquent, il existe un très grand nombre d’étude à ce sujet et les résultats obtenus diffèrent énormément. Les premiers résultats de Lee [51] et Oka [82, 83] sont en complète opposition. Lee mesure une augmentation de 30% du coefficient d’échange en microgravité pour de faibles flux. Il impute cela à l’augmentation du nombre de bulle de vapeur à la surface de l’élément chauffant venant coalescer avec la bulle principale dont la taille ne varie pas, indiquant un équilibre entre l’évaporation à proximité de la paroi avec la condensation à son sommet. Lors de l’augmentation du flux, le flux de chaleur critique est atteint et est de l’ordre de 30% de celui mesuré en gravité terrestre. De leur coté, Abe [2] et Oka [83] ont noté une diminution des transferts de chaleur en microgravité lors de leurs expériences en tour de chute et en vols paraboliques tout comme Zell [123]. Ayant mené leurs études avec 3 fluides différents, ils ont identifié le rôle important du mouillage du liquide sur la surface chauffante, les transferts en ébullition nucléée pour de l’eau étant très affectés par la diminution de gravité alors que ce n’est le cas qu’à haut flux pour des fluides organiques comme le n-pentane ou le R113 (abaissant aussi le CHF de 40% pour ces liquides). Ohta [81] a montré par la suite que les deux configurations étaient plausibles en identifiant le rôle important de l’épaisseur de la microcouche de liquide sous la bulle de vapeur qui serait liée au jijiter selon ses dernières expériences [42]. Lorsque la gravité résiduelle plaque la bulle principale sur l’élément chauffant, il apparaı̂t une tache sèche causant une forte diminution des transferts de chaleur. D’autres expériences ont été menées en parallèles. Kim [48] a, lui 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 27 aussi, identifié le rôle important de la formation de la bulle principale autour de laquelle nucléent de petites bulles qui viennent ensuite coalescer avec la principale. Effectuant des expériences avec différents niveaux de sous-refroidissement, il a montré l’impact de ce dernier sur le flux critique pour trois niveaux différents de gravité. Par une analyse des signaux locaux, il a montré par ailleurs que le flux de chaleur dû au changement de phase ne faisait qu’une seule et unique courbe (voir figure 2.5) quels que soient le sous-refroidissement et le niveau de gravité. Il en conclut que si on arrive à mesurer l’étendue de la tâche sèche sous la bulle en microgravité, il sera alors possible de déterminer le flux de chaleur dans d’autres niveaux de gravité. De récents travaux de Di Marco [61] et de Kannengieser [41] ont tous les deux montré par deux techniques de mesure différentes que les transferts de chaleur sont détériorés en microgravité. Ce dernier porte son étude sur la détermination d’une loi adimensionnée permettant de comparer les résultats obtenus pour différents types de liquide (HFE-7000 et Oxygène liquide). Celle-ci prend la forme suivante : W e1/2 F r1/6 = 0.25Ja10/6 P r2.25 R1/3 (2.18) Où les différents nombres adimensionnels sont définis de la manière suivante : We = µ l qp ρl Llv σ Fr = qp3 ρ2l L3lv µl a Ja = Cpl (Tp −Tsat ) Llv Pr = µl Cpl λl R= ρl ρv Récemment, il a modifié l’interprétation de ses résultats dans sa thèse [40]. Il en résulte une nouvelle corrélation prenant la forme arbitraire Ca = A ∗ Jaα P rβ Rγ . L’utilisation des données expérimentales lui permet d’établir la relation suivante : Ca = 4.5 ∗ 10−3 Ja1.8 P r−1.5 R0.85 (2.19) Où les nombres adimensionnés sont définies de la manière suivante : • Nombre capillaire : Ca = • Nombre de Jacob : Ja = qp .µ ρv .Llv.σ Cp .(Tp −Tsat ) Llv • Nombre de Prandtl : P r = Cp .µ λ • Rapport des masses volumique : R = ρl ρv Influence du sous-refroidissement : Dans le cas de l’ébullition sur fil chauffant à faible écart de température (Tp − Tsat < 28◦ ), Straub [109] a montré que le sous refroidissement ne contribuait pas à faire fortement varier les transferts de chaleur. Il propose de décomposer l’ébullition en 3 phases apparaissant avec l’augmentation du sous-refroidissement : • A température de saturation du liquide ou dans le cas faiblement sous-refroidi (quelques degrés), de nombreuses bulles apparaissent, coalescent, oscillent au dessus de l’élément chauffant, causant des oscillations sur le signal du flux de chaleur, 28 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ • Dans le cas intermédiaire, les bulles principales sont identifiées et se stabilisent à la surface de l’élément chauffant agissant comme une pompe capillaire causant la coalescence des bulles plus petites à celles-ci. Ce régime est caractérisé par une forte convection thermocapillaire, • Dans le cas d’un liquide fortement sous-refroidi, les bulles de tailles réduites croissent rapidement et coalescent agissant à nouveau comme de petites pompes. Dans ce cas, aucune convection thermocapillaire n’a été observée. Dans le cas de l’ébullition sur plaque plane, Kim [48] n’a pas observé d’influence notable du sousrefroidssement sur les transferts de chaleur durant la phase d’ébullition nucléée comme on peut le voir sur la figure 2.6 pour des surchauffes pariétales inférieures à 20˚C . En revanche, le sousrefroidissement influence fortement la taille des bulles dans le cas de fortes surchauffes pariétales. Les bulles asséchant plus ou moins la surface chauffante, le flux de chaleur critique en est fortement modifié. (a) Influence du sous-refroidissement sur la courbe d’ébullition du FC-72 (b) Influence du sous refroidissement et de la gravité sur le flux critique du FC-72 Figure 2.6 – Effet du sous-refroidissement sur la courbe d’ébullition et sur le flux critique du FC-72. D’après Kim [48] Influence de la composition du liquide : Les premières expériences réalisées en microgravité par Siegel [97] ont été faı̂tes avec de l’eau, de l’alcool et une solution d’eau sucrée. Les résultats obtenus pour ces trois liquides ont permis de montrer l’importance accordée à ces derniers. Mais cette étude paramétrique n’a pas conduit à une loi permettant d’identifier clairement l’influence du liquide. Plus récemment, à partir d’une étude de similitude entre des expériences faı̂tes avec du HFE-7000 et de l’oxygène liquide, Kannengieser [41] a proposé une corrélation pour les transferts de chaleur convenant aux deux liquides (cf. équation 2.18). 2.1. CONTEXTES SCIENTIFIQUES 29 Peu de travaux ont été réalisés dans le cas de mélange binaire en microgravité. Dsans ce cas, l’évaporation du liquide le plus volatil peut engendrer une forte convection thermocapillaire. Ahmed [3] a réalisé des expériences avec 3 concentrations différentes de 2-propanol dans de l’eau. Leur principal résultat est la faible influence du niveau de gravité sur les transferts thermiques sur l’ensemble de la courbe d’ébullition. Par ailleurs, à un niveau de gravité donné, la concentration en 2-propanol n’a aucune influence sur les transferts de chaleur durant l’ébullition nucléée. En revanche, elle a un impact sur la valeur du flux critique et le gradient de tension superficielle au pied de la bulle. Ce comportement serait du au développement d’une très forte convection thermocapillaire autour de la bulle. Ahmed et Carey [3] ont montré l’influence de la convection thermocapillaire sur les échanges de chaleur à faible niveau de gravité. Dans le cas d’un liquide pur à saturation, aucune convection thermocapillaire n’a été observée. En revanche, cela a été le cas pour des liquides sous-refroidis avec des gaz dissous [62, 9]. Ces deux auteurs ont conclu que la présence des gaz crée un gradient de tension de surface le long de l’interface de la bulle, à l’origine du mouvement convectif. Henry [35] a aussi étudié l’influence des gaz incondensables en microgravité et obtient des résultats en contradiction avec les précédents : forte convection thermocapillaire avec un liquide dégazé et faible convection avec un liquide non-dégazé. Les transferts thermiques associés sont fortement dégradés dans ce cas. Deux interprétations existent donc à ce sujet. Une étude théorique préliminaire de Raj [90] tente toutefois d’expliquer cela ainsi que les différences de forme des bulles. En utilisant un modèle simplifié des échanges de chaleur et de masse autour d’une bulle en condition stationnaire, l’étude de la vitesse du liquide en sommet de bulle lui permet de montrer que : • la convection thermocapillaire diminue avec la taille de la bulle, • pour un coefficient d’échange thermique constant, un gradient de concentration de gaz linéaire le long de l’interface augmente aussi la convection thermocapillaire, • l’augmentation de l’angle de contact se traduit aussi par une augmentation de la convection. Mais cette étude de sensibilité ayant été menée à paramètre fixe, l’auteur précise la relation entre gradient de tension superficielle et gaz dissous qui détermine aussi la variation du coefficient d’échange et la taille de la bulle (relations mise aussi en avant par Marek [62]). Il conclut sur la nécessité d’utiliser un code de calcul à interface mobile en vue de déterminer précisément la taille de la bulle. 2.1.2.3.4 Orientation de la recherche à venir A travers cette revue bibliographique, on observe que les premières expériences menées avec des fils ont été abandonnées pour progressivement laisser la place à l’étude de l’ébullition sur plaque. De la même manière, les études menées sur ce support où le nombre de bulle n’était pas contrôlé dans les premières expériences ont laissé la place à des expériences comme celle de Kim [48], Ohta [81, 42] ou encore Qiu [89], permettant d’identifier les transferts de chaleur autour d’une bulle de vapeur. Dans ce cas, Stephan s’est consacré à n’étudier que les transferts locaux montrant par différentes techniques [101, 95] l’importance de la zone de contact de la bulle. Dans cette zone, les flux locaux peuvent être jusqu’à 400% supérieurs au flux moyen pariétal en cas de fort sous refroidissement (100% en cas de faible sous-refroidissement). L’analyse des résultats de l’ensemble 30 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ de ces expériences sera effectuée dans le chapitre suivant dédié à l’ébullition monobulle. Le travail présenté dans ce chapitre s’inscrit dans la démarche de l’Agence Spatiale Européenne de développer l’expérience RUBI pour étudier l’ébullition sur un site isolé. Il s’agit donc de présenter ici les premiers résultats du développement de l’élément chauffant équipé d’un fluxmètre dans le but d’identifier les transferts de chaleur lors de la croissance d’une bulle. 2.2 Dispositif expérimental : bâti de Vol BOILI Ce paragraphe présente le dispositif expérimental développé par l’équipe du professeur Stephan et utilisé durant une collaboration lors de la campagne de vols paraboliques ESA numéro 47. Le but de cette expérience est d’étudier l’ébullition en vase en microgravité et de mesurer les flux de chaleur transférés à travers la paroi à l’aide d’un fluxmètre. Les expériences étant réalisées à bord de l’Airbus A300-GZéro passant des conditions d’hypergravité (1,8 g) à des conditions de microgravité (gravité résiduelle de plus ou moins 0.05 g). Nous nous attarderons donc aussi à l’étude de cette transition. Les bulles de vapeur sont créées sur un fluxmètre chauffé. L’élément de mesure est placé dans un liquide sous refroidi à la pression inférieure à la pression atmosphérique. Durant ce travail, nous nous concentrons sur l’étude thermique du problème, sans utiliser d’outils de mesure optique. Les objectifs de ce travail expérimental sont : • maı̂triser la nucléation à travers l’activation des sites, les cycles de croissance des bulles, et leur détachement de la paroi, • mesurer les flux de chaleur associés à chacune de ces phases, • évaluer l’influence de la gravité sur les échanges thermiques. La cellule contenant les deux éléments chauffants de l’IUSTI et de TTD ne constitue qu’une partie d’un dispositif expérimental conçu par le laboratoire Technische Thermodynamik de Darmstadt (TTD) [101, 116, 95]. Ce bâti dénommé BOILI (pour Boiling Observation with IR Laser Ignition) est conçu suivant les normes requises par la société Novespace pour être installé à bord de l’Airbus A300 G-Zéro. Il est composé de deux parties : la première (cf figure 2.7 ) étant dédiée à supporter l’ensemble des systèmes d’acquisition et de régulations, la double enceinte contenant la cellule de liquide, la seconde servant à la pompe à vide. Les dimensions du bâti sont 1400 mm*780 mm*1300 mm pour un poids de 270 kg. Ce bâti est fixé au châssis de l’avion en 6 points. 2.2.1 Cellule expérimentale La cellule expérimentale contenant le liquide et les éléments chauffants servant aux différentes expériences est inclue dans l’enceinte servant de double confinement(cf figure 2.8). La pression requise en son sein est comprise entre 300 et 600 mBar absolu. Cette pression est maintenue constante à l’aide de la pompe à vide. La sortie de la pompe à vide est reliée à la ventline de l’avion. Cette 2.2. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL : BÂTI DE VOL BOILI (a) dessin CAO 31 (b) A bord de l’A300 Figure 2.7 – Dispositif expérimental BOILI conduite sert à l’évacuation en étant reliée à l’atmosphère extérieure à l’avion où la pression varie selon l’altitude entre 400 et 200 mBar. La boucle fluide est détaillée sur la figure 2.9. La température du liquide contenu dans la cellule expérimentale est maintenue constante durant les expériences grâce à la circulation dans les parois de la cellule d’une boucle secondaire d’eau régulée à l’aide de module à effet Peltier. (a) Double-enceinte en CAO (b) Montage de la double-enceinte Figure 2.8 – Double enceinte de confinement du dispositif expérimental BOILI La pression de fonctionnement de l’expérience induit une température de saturation du liquide comprise entre 20˚C et 42˚C. Cette température de 42.6˚, correspondant à une pression de 600 mBar absolue, sera la température de référence durant toute la campagne de mesure à bord de l’A300. Durant la mise en chauffe de l’expérience en début de vol quotidien, cette température sera largement dépassée à l’aide des éléments chauffants placés dans la cellule de mesure pour chauffer 32 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.9 – Schéma de la boucle fluide de BOILI où est insérée la cellule expérimentale d’étude. 2.2. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL : BÂTI DE VOL BOILI 33 le liquide. Les mesures de température dans le liquide sont effectuées à l’aide de thermocouples de type K ayant une plage d’utilisation (-40˚- +1000˚). L’unique mesure de pression est faı̂te avec un convertisseur de pression Jumo dTrans p30 ayant une gamme de mesure 0 - 1 bar absolu. Celui-ci servira à mesurer la pression à l’intérieur de l’enceinte de double confinement, la pression dans la boucle de liquide étant égale à celle de la double enceinte grâce à un système de transmission de pression utilisant une membrane. La visualisation des bulles créées sur le site de nucléation est faı̂te à l’aide d’une caméra Photron Fastcam 1024 permettant l’enregistrement de 2 Mo de données. Cela correspond dans notre cas à 1 seconde d’enregistrement à 1000 images/sec (premier jour de la campagne) ou 10 sec à 100 image/sec (deux jours suivants). L’enregistrement vidéo est synchronisé avec l’enregistrement des mesures des thermocouples et du fluxmètre grâce au logiciel Labview. 2.2.2 Description de l’élément L’élément chauffant équipé d’un capteur de flux thermique a pour but la mesure instantanée du flux de chaleur passant à travers la paroi sur laquelle se créent des bulles de vapeur. Nous nous concentrons dans cette partie à étudier les transferts de chaleur de manière globale, c’est-à-dire que nous ne cherchons pas à avoir une site unique de nucléation sur lequel se créent une seule bulle de vapeur. Nous concevons un élément délivrant un flux de chaleur uniforme sur une surface où la température de celle-ci sera supposée constante durant l’ébullition. 2.2.2.1 Fluxmétrie : Principe de fonctionnement Le fluxmètre utilisé pour cette expérience est un fluxmètre à gradient tangentiel de température. Il est constitué d’un support isolant dans lequel sont intercalés des jonctions de métaux de pouvoirs thermoélectriques différents et des disques conducteurs thermiques recouvrant de part et d’autre le support isolant. Son principe de fonctionnement est le suivant. Une jonction de deux métaux de pouvoirs thermoélectrique différents (cuivre et constantan dans notre cas), soumise à un gradient tangentiel de température fait apparaı̂tre une force électromotrice aux extrémités de l’un d’entre eux. Cette propriété est mise en application dans les fluxmètres de type Théry [36]. Les jonctions tangentielles sont multipliées et mises en série à la surface d’un support isolant (cf. figure 2.10(b)). Par un découpage dissymétrique provoquant une distorsion locale des lignes de flux, une composante tangentielle du gradient de température est induite dans chaque élément, relié en série. La force électromotrice résultante est une fonction linéaire du flux traversant perpendiculairement le fluxmètre, aux corrections près des coefficients thermoélectriques des thermocouples en fonction de la température des éléments. Dans le cas où les lignes de flux ne sont pas perpendiculaires au fluxmètre, il faut tenir compte que de la composante normale du flux ( cos (α) F luxtotal où α est l’angle entre la ligne de flux et la normale au fluxmètre). Dans notre cas, la valeur de l’angle n’est a priori pas connu et mesurable. Toutefois, grâce à l’utilisation d’un disque de cuivre entre 34 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ (a) Principe de fonctionnement des fluxmètres de type Théry (b) Découpe d’un fluxmètre circulaire Figure 2.10 – Schéma de principe et illustration d’un fluxmètre de type Théry la résistance chauffante et le fluxmètre et l’enrobage du tout dans une résine isolante, nous supposerons que l’angle α est nul. Des simulations numériques d’un plan simplifié de l’élément nous a confirmé cela. Dans ce cas, le coefficient de proportionnalité entre la force électromotrice et le flux est de 58.8 µV /(W/m2 ) 2.2.2.2 Mesure de l’état de surface à l’AFM Afin de caractériser l’état de surface de l’élément chauffant (le fluxmètre, la résine, et surtout l’interface fluxmètre-résine), une campagne de mesure de la rugosité des différentes surfaces a été entreprise à l’aide du microscope à force atomique (AFM) du laboratoire (fabricant : Thermo Microscopes). Ce type d’appareil utilise les forces d’interaction à faible distance comme celle de Van der Waals. Elles permettent de maintenir en contact des objets de très petites tailles comme la sonde du microscope (10 microns) et la surface à étudier. Sa précision est de 0,02 nm verticalement et 0,01 latéralement. Toutefois, l’amplitude verticale est limitée à 9,6 µm. Ces mesures ont été effectuées sur des supports en cuivre (surface recouvrant les fluxmètres dont nous disposons), en aluminium (métal pouvant être déposé à la surface des fluxmètre si nous le souhaitons, et métal aussi utilisé pour d’autres expériences). L’AFM a été utilisé en mode ”force” (flexion de la sonde variant selon le profil en opposition au mode hauteur où l’échantillon est maitenu à distance constante durant tout le scann de la surface). Les mesures ont été faı̂tes sur des éléments de référence et non pas sur l’élément chauffant qui est trop épais pour être placé sous la sonde microscopique. Deux types de polissage ont été réalisés sur les surfaces à l’aide d’une polisseuse rotative : • papier abrassif de grain 2400 de la marque LAMPLAN (taille de grain d’environ 9 µm) • solution à base de poudre de diamant en suspension de la marque LAMPLAN (solution Bio DIAMANT serie New Lam) 2.2. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL : BÂTI DE VOL BOILI 35 Table 2.2 – Résultats des différents polissages sur trois surfaces différentes Matière Type de polissage Zmax Ecart type [nm] [nm] Cuivre 2400 957.8 77.0 Cuivre Diamant 180.0 24.4 Aluminium 2400 642.7 155.9 Aluminium Diamant 324.3 37.5 Résine 2400 57.9 881.2 Résine Diamant 69.0 1176.2 Interface Cuivre-Résine Diamant 83.6 1534.2 Différents modes d’acquisitions (vitesse et résolution) ont été testés en vue d’éliminer tout problème d’acquisition avec l’AFM. L’ensemble des résultats présentés dans le tableau 2.2 ont été obtenus dans la cas de l’acquisition la plus lente possible (30 µm/s ) et pour la résolution la plus élevée (1000 lignes sur des échantillons de 100 µm). Le plan moyen d’orientation a été soustrait au préalable (méthode des moindres carrés) avant de pouvoir extraire toute donnée des résultats comme l’amplitude maximale mesurée ou l’écart type de l’écart à la moyenne (nulle). Le principal résultat à noter de ce paragraphe est tout d’abord le parfait état de surface obtenu pour un polissage au diamant. Mais surtout, il faut remarquer que l’aspérité présente à l’interface entre la résine et le cuivre est de plusieurs µm. Son origine est due à une mauvaise mouillabilité de la colle epoxy sur le bord de l’aluminium. La dimension du saut est de l’ordre de grandeur d’un site de nucléation potentiellement actif. Cette estimation a été effectuée à partir des travaux réalisés par Stutz [111]. On aura donc , si les conditions thermiques sont réunies, un ensemble de sites de nucléations sur l’ensemble du pourtour du fluxmètre. 2.2.2.3 Plan, conception et réalisation Le principe de fonctionnement du fluxmètre nous contraignant à éviter d’avoir des lignes de flux non parallèles à la normale au fluxmètre, l’élément chauffant est une superposition de différents composants conducteurs de la chaleur. Le tout est ensuite moulé dans une résine isolante époxy bi-composants de conductivité thermique 0.7 W/m/K pour forcer la puissance produite par la résistance chauffante à être évacuée par la surface d’étude. Un schéma présentant le montage de l’élément instrumenté ainsi que l’élément monté sont détaillés sur la figure 2.11. Les différents éléments superposés ont un rayon de 10 mm, et leurs épaisseurs sont les suivantes : • Le fluxmètre : 0.34 mm ; • Le disque de cuivre : 2 mm ; • La résistance chauffante : 0.4 mm. De la graisse conductrice est placée entre chaque composant dans le but d’améliorer les transferts de chaleur verticalement. La résine époxy complète l’élément lui donnant une épaisseur de 7 mm. Sur tout le pourtour est laissé un bandeau de 5 mm de résine. Du fait de la taille significative de 36 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Fluxmètre Cuivre Résistance chauffante Résine (a) Schéma de montage de RUBI (b) Élément chauffant monté et instrumenté avec un fluxmètre Figure 2.11 – Élément développé à l’IUSTI pour l’expérience RUBI l’aspérité à l’interface entre la résine et le fluxmètre, un bandeau de résine de 1.5 mm d’épaisseur a été ajouté sur la jonction dans le but de limiter la nucléation parasite. Ce rajout visible sur la figure 2.11(b) est de 1.5 mm de hauteur. Un site de nucléation positionné au centre du fluxmètre est crée de manière mécanique en utilisant un foret de 150 µm sur une profondeur de 200 µm. 2.2.3 Mesures au sol : test de conception Une vérification est entreprise dans le but de savoir si la surface de l’élément chauffant est bien uniforme en température, et si celle-ci décroit rapidement sur la partie où la résine est en contact avec le liquide. Pour cela, la surface de l’élément est recouverte de noir de fumée. Cela permet de supposer que la surface du fluxmètre est équivalente à celle d’un corps noir d’émissivité 1. Puis l’élément orienté vers le haut est placé face à une caméra infra-rouge FLIR SC6000. Une alimentation stabilisée délivre le courant nécessaire à la résistance chauffante. Différents niveaux de puissance sont étudiés et les conditions d’études sont rapportées dans le tableau 2.3. La comparaison entre le flux de chaleur passant à travers le fluxmètre et le flux théorique (qui est obtenu si on suppose que toute la puissance produite par la résistance chauffante est évacuée par le fluxmètre) donne une valeur moyenne de 32%. Cette valeur diminue avec l’augmentation de la 2.2. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL : BÂTI DE VOL BOILI 37 Figure 2.12 – Variation du flux de chaleur en fonction de l’écart de température entre la paroi chauffée et l’air ambiant Figure 2.13 – Etalonnage de l’élément par mesure IR : recomposition du flux mesuré à l’aide du fluxmètre 38 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ (a) Profil vertical de figure 2.11(b) (b) Profil horizontal de figure 2.11(b) Figure 2.14 – Profils de température de surface de l’élément IUSTI pour différentes puissances délivrées par l’élément chauffant puissance à évacuer. On tend vers une valeur limite du transfert par convection naturelle que nous n’étudierons pas. Lors des expériences, une fois l’élément plongé dans le liquide, la nucléation des premières bulles de vapeur augmentera le flux de chaleur transféré à travers le fluxmètre. En traçant ensuite la variation du flux de chaleur en fonction de l’écart de température entre la surface du fluxmètre et l’air environnant (cf figure 2.12), on obtient une relation linéaire. Le coefficient de proportionnalité obtenu à l’aide du fluxmètre est de 25 W/m2 /K. Cette valeur est comparable (supérieure) à celle donnée par les différentes corrélations trouvées dans la littérature. En recomposant les différents échanges (représentés sur la figure 2.13) à la surface de l’élément à partir d’échanges radiatifs mesurés à la caméra Infra-Rouge, et des échanges convectifs, on mesure un coefficient d’échange convectif variant entre 0 et 17. Le but de cette partie n’étant pas d’éffectuer des mesures de flux dus à la convection mais dans le cas de l’ébullition, nous ne commenterons pas plus ces résultats. On peut toutefois expliquer cela par la taille de l’élément qui est relativement petit par rapport au cas théorique utilisant des plans de longueur infinie. Pour chaque puissance de chauffage, un profil vertical et horizontal est extrait, chacun passant par le centre de l’élément. Les différents profils de température (cf. 2.14) montrent que la température Table 2.3 – Conditions expérimentales des tests préliminaires de l’élément chauffant Tension Puissance Tsurf.f lux. F luxf lux. F luxtheorique Rapport F luxIR F luxCN 2 2 2 [V ] [W ] [˚C] [W / m ] [W / m ] [%] [W / m ] [W / m2 ] 0.0 0.00 23.9 -9.2 0 0 0 0 1.0 0.09 28.5 100.2 286.5 35.0 27.9 43.1 2.0 0.38 39.6 396.2 1209.9 32.8 98.7 200.2 2.5 0.60 47.5 625.2 1909.9 32.7 155.5 334.4 3.0 0.87 57.9 881.2 2769.3 31.8 238.5 528.4 3.5 1.19 69.0 1176.2 3787.9 31.1 336.2 749.3 4.0 1.56 83.6 1534.2 4965.6 30.9 478 1062.5 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 39 est bien homogène sur toute la surface du fluxmètre. L’écart entre la température du fluxmètre et celle de la résine devient significative à partir de 1,5 mm de l’interface résine-cuivre. Cela signifie (et cela sera confirmé durant les expériences) que cette jonction entre deux matériaux sera une zone propice à la nucléation de bulle. En effet lors du polissage de la surface de l’élément, il se crée des sites artificiels en raison de la grande différence de dureté entre la surface en cuivre du fluxmètre et la résine époxy. Pour tenter de minimiser la probabilité d’avoir de la nucléation à cet endroit, nous avons choisi d’ajouter une couche de résine époxy sur cette jonction dans le but de faire chuter la température de la paroi en contact avec le liquide et de supprimer les sites de nucléation potentiels. 2.3 2.3.1 Résultats et discussions Protocole expérimental L’élément conçu au laboratoire IUSTI est installé dans la cellule expérimentale avec un angle de 11˚par rapport à l’horizontale pour avoir une bonne visualisation du site de nucléation artificiel indenté au centre du fluxmètre. Ce problème de visualisation du site de nucléation vient du rajout de colle sur la jonction fluxmètre-résine. La boucle fluide, dans laquelle se trouve la cellule, est remplie de liquide FC-72 (voir en Annexe A quelques unes de ces propriétés physiques). Le liquide est ensuite dégazé en maintenant les deux éléments chauffants à de fortes surchauffes pariétales, assurant ainsi une forte production de bulle et donc le dégazage du liquide. La vapeur créée est ensuite condensée dans la partie haute de la cellule. Les gaz incondensables résiduels sont piégés dans cette partie. Durant la campagne de vols paraboliques de l’ESA numéro 49, nous disposions des 6 premières paraboles durant les trois jours de la campagne pour effectuer des mesures en régime d’ébullition, les 25 autres étant utilisées par nos collègues allemands de TTD. Durant ces 25 autres paraboles, l’élément est aussi utilisé pour étudier la sensibilité de sa mesure à des variations de flux dus à la convection naturelle, dans le cas d’une gravité variable. Avant le décollage et une fois en vol, l’élément chauffant, la boucle de régulation de la température du liquide ainsi que la pompe à vide sont mis en route. Durant toute le campagne de vol, nous avons décidé de travailler à une perssion absolue de 0.6 bar. Cette phase de préparation de la boucle liquide permet aussi de dégazer le liquide d’éventuels gaz incondensables dissouts dans le liquide entre la phase de préparation au sol et le décollage, le FC-72 laissé à l’air libre et à la pression atmosphérique absorbant 48 mL d’air pour 100 mL de C6 F14 à 25˚. La procédure de vol se décompose comme suit : • Avant le décollage, nous procédons au choix des différentes puissances de chauffe imposées durant les 6 paraboles. La température et la pression sont maintenues constantes pour toute la durée du vol. • A l’approche de la zone où se dérouleront les paraboles, le dispositif est mis sous tension et la cellule est mise en chauffe jusqu’à atteindre les conditions nominales de fonctionnement. • Pour chaque parabole, 2 sec avant la fin de l’hyper gravité , les acquisitions synchronisées de la vidéo (100 ou 1000 images par sec) et des données analogiques (1 kHz) sont enclenchées. 40 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Les données analogiques sont enregistrées en continu durant tout le vol à la fréquence de 10 Hz. Lors des phases de microgravité, l’enregistrement des données à 1 kHz est synchronisé avec l’acquisition vidéo, le logiciel revenant à l’enregistrement à 10 Hz une fois la séquence de 10 sec finie. Comme ce basculement utilise la mémoire vive de l’ordinateur, il y a une perte d’information de 2 sec durant la phase de microgravité. Le signal temporel durant un vol est donc reconstruit à partir des 7 fichiers de données (1 à fréquence lente et 6 à haute fréquence). 2.3.2 Incertitudes de mesure Les incertitudes des mesures effectuées sur cette expérience sont détaillées ci-dessous. Le flux de chaleur est obtenu à partir de la mesure d’une force électro-motrice U et de la sensibilité S du fluxmetre. Cette dernière grandeur est fournie par le fabricant, la société Captec. La précision fournie pour la sensibilité est de 0.1 µV /(W/m2 ) et l’acquisition de la tension aux bornes du fluxmètre est effectué au micro Volt. A l’état stationnaire, l’incertitude sur la mesure des flux est de : Φ=U ∗S ⇒ ∆Φ Φ = ±0.2% (2.20) La précision sur la mesure de température au thermocouple est de 0.1˚C. A cette précision, il faut ajouter les offset correspondant au décalage de la mesure par rapport à la valeur moyenne avant le début de l’expérience car tous les thermocouples ne proviennent pas du même lot de fabrication et ne sont pas tous de même nature. L’incertitude sur le capteur de pression due au bruit électrique est de 20 Pa. A cette précision intrinsèque au capteur, il faut ajouter la fluctuation de pression due à la régulation, 200 Pa durant tout le vol quel que soit le niveau de gravité. 2.3.3 Influence de la gravité Le but de cette partie décrivant la mise au point de l’expérience n’est pas de faire une étude complète de la courbe d’ébullition à l’aide d’un fluxmètre pour différents paramètres (sous-refroidissement, gravité...). Il s’agissait à l’origine de tester un nouveau concept d’expérience étudiant la croissance d’une bulle unique sur un fluxmètre en microgravité. Or ne maı̂trisant pas parfaitement la nucléation sur le site unique artificiel et ne pouvant modifier l’élément durant la campagne de vols paraboliques, nous avons décidé de modifier les objectifs de cette étude. Nous avons tout de même travaillé à puissance de chauffe variable afin d’étudier l’effet de la gravité sur les transferts de chaleur. Cela se traduit par la comparaison des courbes d’ébullition pour trois niveaux de gravité. Dans le cas de la période de microgravité établie (arrêt du mouvement du fluide du à son inertie), j’analyserai la fluctuation des transferts de chaleur en fonction de la gravité résiduelle. Enfin la transition entre l’hyper gravité et la microgravité sera étudiée grâce au couplage entre les mesures thermique et les enregistrements vidéos. Tous ces résultats seront ensuite comparés à ceux trouvés dans la littérature. 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 41 Table 2.4 – Conditions expérimentales au début de chaque parabole (Tsat = 42.6˚C) Jour N˚Parabole Puissance élec. Flux pariétal Tp Tliq. Tsat. − Tliq. 2 [W ] [W / m ] [˚C] [˚C] [˚C] 1 1 4.68 3523 53.6 37.5 5.1 1 2 3.46 2128 48.7 38.1 4.4 1 6 3.82 3322 53.9 38.5 4.0 2 1-2 4.98 4049 55.3 37.6 5.0 2 3-4 6.03 6062 61.7 38.0 4.6 2 5-6 7.08 8624 67.1 38.2 4.4 3 1-3 7.2 9253 68.4 38.0 4.5 3 4-6 7.66 10476 70.5 37.2 5.4 2.3.3.1 Résumé des expériences réalisées Ne bénéficiant que de 6 paraboles par jour sur trois jours, il a été décidé de n’étudier que l’effet de la gravité sur l’ébullition pour différentes puissances de chauffage. Le sous-refroidissement Tsat − Tl a donc été fixé durant les 18 expériences à une valeur comprise entre 4.4 et 5.4˚C. Les différentes conditions thermiques étudiées sont rassemblées dans le tableau 2.4. Après l’analyse des données de la première journée de vol, nous avons décidé de doubler puis tripler les points de mesure, dans le but de vérifier la reproductibilité des mesures et surtout de s’assurer d’être en conditions thermiques établies au début de chaque parabole, car le temps entre deux paraboles n’est que d’une minute. Nous disposons donc de 8 cas de référence en gravité terrestre. Comme nous le verrons par la suite, il n’y a pas forcément une répétabilité des expériences lors du passage de la gravité terrestre à la microgravité en passant par l’hyper gravité. 2.3.3.2 Méthode de traitement des données La procédure de mesure entièrement automatisée est la suivante. Tous les signaux sont recomposés à partir des deux types de fichiers enregistrés. Pour un vol, on obtient les courbes de la figure 2.15 : durant le troisième vol, nous n’avons testé que deux puissances électriques d’alimentation ne donnant que deux niveaux de flux en gravité terrestre. Puis chaque parabole est ensuite isolée donnant la figure 2.16(a). Le signal de la gravité servant de référence, on isole sur cette donnée les 3 niveaux distincts : gravité terrestre pour 0.95g ≤ a ≤ 1.05g, hyper gravité pour 1.45g ≤ a ≤ 1.55g 5 , micro gravité pour −0.05g ≤ a ≤ 0.05g, où g est l’accélération gravitationnelle terrestre. Puis on en déduit les valeurs des trois conditions dont on doit tenir compte pour avoir l’évolution temporelle des différentes données. Sur les figures 2.16(a) et 2.16(b), cela se traduit par les points rouges pour la gravité terrestre, vert pour l’hyper gravité et magenta pour la microgravité. Cette méthode a pour avantage d’éliminer par exemple les sauts dus à un mauvais fonctionnement de l’accéléromètre. En revanche, elle détecte certaines fois quelques points durant la transition entre l’hyper gravité et la micro gravité. 5. On parle couramment d’hypergravité pour un niveau de 1.8 g. Or, ce niveau n’est pas constant durant toute cette phase et est compris entre 1.45 et 1.55 g durant 4 à 5 secondes précédent la transition vers la microgravité. 42 2.3.3.3 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Résultats Conditions stationnaires des mesures thermiques : Dans le cas des expériences menées en tour de chute ou lors de campagne de vol parabolique, il est nécessaire de savoir si les mesures sont effectuées dans des conditions thermiques stationnaires. De plus, nous avons choisi de n’utiliser que la partie de la parabole où les enregistrements ont été effectués à haute fréquence. La raison de ce choix vient du saut où nous n’avons pas de données dans la phase de microgravité. Toutefois, il est possible de comparer nos valeurs moyennes calculées à la valeur des flux et température pariétales à la fin de la période 20 sec. de microgravité. Dans ce cas, nous avons évalué ces grandeurs sur la dernière seconde de cette période. Ces valeurs sont reportées sur la figure 2.17 et comparées aux valeurs moyennes. Les barres d’erreurs autour de ces dernières correspondent aux fluctuations minimale et maximale mesurées durant l’enregistrement à haute fréquence. Dans tous les cas, la valeur du flux en sortie de parabole est bien égale à celle mesurée durant la première partie de la période de microgravité. En revanche, il y a une légère surestimation de la température de paroi, bien que cela soit de l’ordre du dixième de degré, ordre de grandeur similaire à la précision du thermocouple. Nous pouvons donc conclure que les mesures ont bien été effectuées dans des conditions stationnaires. Courbe d’ébullition du FC-72 : Impact de la gravité Plusieurs informations peuvent être extraites des signaux obtenus, la principale étant l’impact de la variation de gravité sur la courbe d’ébullition du FC-72 pour un sous refroidissement donné. Les valeurs rapportées sur la figure 2.18 sont obtenues en effectuant la moyenne temporelle du flux et des températures pour les différents niveaux de gravité. Aucun écart significatif ne peut être mesuré entre l’hyper gravité et la gravité terrestre, quelle que soit la surchauffe pariétale. En revanche, les flux de chaleur transférés en microgravité sont supérieurs à ceux mesurés dans les deux autres conditions. L’écart augmente avec la surchauffe pariétale, comme le montre la figure 2.19 où le rapport des flux mesurés en microgravité et en gravité terrestre est rapporté en fonction de la surchauffe pariétale. Les barres autour de chaque point de mesure ne sont pas les incertitudes correspondantes. Il s’agit des amplitudes de mesure autour des valeurs moyennes afin de montrer que malgré celles-ci, il y a bien une augmentation du flux pariétal en micro gravité. D’autre part, en appliquant une loi de puissance q = C∆T n à la relation entre la surchauffe et le flux pariétaux dans les trois conditions de gravité, on obtient un exposant valant 1,24 en microgravité alors qu’il ne vaut que 1,14 en gravité terrestre et hyper gravité. Ce coefficient est inférieur à ceux proposés dans la littérature [39] où n est généralement compris entre 2 et 4 selon, le régime d’ébullition nucléée, la géométrie de l’élément... En revanche, cette loi ne peut pas être appliquée à la relation entre le coefficient d’échange et le flux de chaleur. Il s’agit dans notre cas d’une relation linéaire de type h = Aq + B. La gravité influence uniquement le coefficient directeur de la droite. Il vaut 13.1 ∗ 10−2 en microgravité, 7.1 ∗ 10−2 en 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 43 Figure 2.15 – Flux et température pariétaux en fonction du temps (Jour 3 - Paraboles 1 à 6) (a) Evolution des grandeurs mesurées durant les 3 phases d’une parabole (Points rouges = 1g) (b) Signaux hautes fréquences J3-P2 (Points verts = 1.5 g ; Points magentas =± 0.05 g) Figure 2.16 – Détails d’une parabole 44 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.17 – Comparaison des flux et températures pariétaux moyens et en sortie de parabole gravité terrestre et 7.3 ∗ 10−2 en hyper gravité. Dans tous les cas, l’ordonnée à l’origine est constant et vaut 290 W/m2 . Ceci ne suit pas l’évolution obtenue par Ohta [81]. Dans son cas, le coefficient de transfert de chaleur en fonction du flux pariétal suit une loi de puissance, l’exposant valant entre 0.9 et 1 en microgravité et 0.8 en gravité terrestre. Cette différence dans nos résultats peut avoir plusieurs explications. Une augmentation du nombre de site de nucléation est observée sur les vidéos enregistrées en parallèle des mesures thermiques. En hyper gravité et gravité terrestre, un ou deux sites seulement sont actifs au centre du fluxmètre, en plus de ceux présents sur le complément de colle à la jointure du fluxmètre. On peut donc supposer que la majeur partie des transferts de chaleur se fait par convection naturelle. Ce n’est plus le cas en microgravité étant donnée l’augmentation du nombre de bulles à la surface du fluxmètre et de l’évolution des flux de chaleur lors de la transition entre l’hyper gravité et la microgravité. Ces résultats sont donc à prendre avec prudence. Nous pourrons toutefois comparer nos résultats d’ébullition en microgravité à l’ensemble des résultats de la littérature. Comportement du fluide à proximité de la paroi et transfert de chaleur Nous nous attachons dans cette partie à expliquer dans le détail le comportement du liquide situé autour des bulles de vapeur à proximité de la paroi et l’impact que cela peut avoir sur les transferts thermiques mesurés. Pour cela, nous nous baserons plus particulièrement sur trois conditions différentes de puissance électrique (4.98, 6.03 et 7.08 Watt) correspondant aux trois conditions expérimentales de J2 (voir les détails dans le tableau 2.4). Comme il est possible de voir l’influence de la puissance électrique d’alimentation sur le rapport des 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 45 Figure 2.18 – Flux de chaleur en fonction de la surchauffe pariétale pour 3 niveaux de gravité Figure 2.19 – Rapport des flux pariétaux en microgravité et gravité terrestre en fonction de la surchauffe pariétale 46 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ (a) Parabole J1-P2 : Pelect = 3.46W ) (b) Parabole J1-P5 : Pelect = 4.47W (c) Parabole J1-P1 : Pelect = 4.68W (d) Parabole J2-P4 : Pelect = 4.98W (e) Parabole J2-P6 : Pelect = 7.08W (f) Parabole J3-P6 : Pelect = 7.66W Figure 2.20 – Evolution du flux de chaleur et du coefficient d’échange durant la parabole flux moyens, on observe aussi cela lors de la transition entre hyper gravité et microgravité. Dans ce cas, pour de faibles puissances d’alimentation, peu de sites de nucléations sont actifs (en plus du site artificiel principal). Donc les transferts de chaleur se font en grande partie par convection naturelle. Lors du passage en microgravité, on observe une chute du flux de chaleur transmis pour les faibles puissances entraı̂nant une diminution du coefficient d’échange. Puis le flux de chaleur augmente du fait de l’augmentation du nombre de bulle à la surface du fluxmètre dont le grossissement assure un transfert de chaleur par chaleur latente de changement de phase. Ceci est nettement visible sur les figures 2.20(a), 2.20(b) et 2.20(c) où sont représentés les flux de chaleur et le coefficient d’échange résultant. Cet effet s’atténue avec l’augmentation de la puissance électrique, comme on peut le voir sur les figures 2.20(d), 2.20(e) et disparaissant sur la figure 2.20(f). A partir de l’analyse couplée entre les données mesurées et les images enregistrées de manière synchronisée, il est possible d’interpréter les trois cas référents (voir figures 2.21, 2.22 et 2.23). Dans tous les cas, le comportement des bulles gouverne l’ensemble des transferts, quelle que soit la puissance échangée. Lors de la fin de l’hyper gravité, les bulles sont de petites tailles, leurs fréquences de détachement sont élevées. La part du transfert par convection naturelle est importante. Durant la transition de gravité, les colonnes verticales de liquide chaud restent observables à l’image. Dans le même temps, la taille des bulles augmente et leur fréquence de détachement diminue (Observation qualitative. Se référer aux travaux de Pichavant [87] concernant la fréquence de détachement des bulles de vapeur pour différents niveaux de gravité réduite (obtenue par compensation magnétique)). On atteint alors un minimum de flux transféré. Ce point caractéristique diminue avec l’augmentation de la puissance électrique d’alimentation, jusqu’à disparaı̂tre complètement dans le cas illustré 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 47 sur la figure 2.23. A partir de ce point, le nombre de sites de nucléations actifs va augmenter impliquant un plus grand nombre de bulles de vapeur sur le fluxmètre. Cette étape se traduit par une augmentation du flux de chaleur transféré jusqu’à atteindre une valeur maximale. Dans le même temps, le mouvement dans le fluide continue par inertie. Il n’existe pas de relation clairement définie entre l’écart de temps entre la fin de l’hyper gravité et l’arrêt du liquide, et la puissance de chauffe comme on peut le voir sur les résultats rassemblés dans le tableau 2.5. Lorsque le flux est maximal, le ré-arangement des bulles par coalescence va conduire à une diminution de leur nombre à la surface du fluxmètre. Cela se traduit par une diminution du flux de chaleur et a pour effet d’augmenter la température de la surface du fluxmètre. Dans ce cas, bien qu’il n’y ait plus de convection naturelle, le nombre de bulle créées assure un échange par changement de phase évitant que la température de l’élément n’augmente. Nous sommes donc passé d’un régime fortement dominé par la convection naturelle, à un régime d’ébullition en vase. Relation entre accélération résiduelle et transfert thermique en microgravité : Une fois la première fluctuation sur le flux dépassée, les bulles seront soumises à l’accélération résiduelle dans un liquide immobile. Nous sommes donc en condition stationnaire entre 2 et 3 sec. après le pic de flux observé selon les conditions expérimentales (il faut noter que le temps mis par l’avion pour effectuer la transition entre l’hyper gravité et la microgravité a un impact sur le temps nécessaire pour l’arrêt du mouvement du liquide environnant et donc l’apparition du pic du flux). Passé ce délai, les transferts dans le liquide s’ajoutant à l’évaporation permettent aux bulles de croı̂tre. Ils se font soit par conduction soit par convection pour le liquide entraı̂né dans le sillage des bulles. On a donc une complète modification de la structure diphasique au voisinage de la paroi entrainant une modification des transferts. Or, dans nos trois cas étudiés, on observe une relation entre les variations de flux de chaleur et l’accélération résiduelle (ou g-gitter). Dans les trois cas, il y a un déphasage entre ces deux grandeurs diminuant avec la puissance électrique de l’élément chauffant (de 0.5 sec à environ 0.1 sec). Lorsque l’accélération augmente, le flux de chaleur diminue, et inversement. La figure 2.24 illustre Table 2.5 – Conditions expérimentales pour chaque parabole en gravité terrestre (Tsat = 42.6˚C) N˚Parabole Puissance élec. Temps tmin(F lux) tf inhyperg tmax(F lux) tmax(F lux) transition −tf inhyperg −tf in.inertieliq −tdebutµg tf in.inertieliq [W ] [sec] [sec] [sec] [sec] [sec] J2P1 4.98 2.33 2.28 4.11 3.28 -1.50 J2P2 4.98 2.01 2.05 3.07 1.76 -0.70 J2P3 6.03 1.95 1.775 2.70 1.2 -0.45 J2P4 6.03 2.20 1.77 3.51 1.08 0.23 J2P5 7.08 2.27 1.40 3.03 0.81 -0.05 J2P6 7.08 2.42 1.41 3.46 0.91 0.13 48 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.21 – Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P2) Figure 2.22 – Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P4) 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 49 Figure 2.23 – Comportement des bulles et impact sur les transferts de chaleur (J2P6) ce comportement. Dans le cas de J2P2, il y a une très faible augmentation de l’accélération se traduisant par une diminution très lente du flux depuis le pic maximal du début de phase de microgravité. Or, en fin d’enregistrement, la courbe du flux augmente de nouveau car des bulles qui avaient ”glissé” sur le fluxmètre et en étaient sorties, reviennent à sa surface, augmentant ainsi le nombre de bulle artificiellement, sans qu’il n’y ait de nouvelle nucléation. Dans le cas de J2P4, il n’y a que deux variations de faible fréquence sur l’accélération et le flux transféré. Le deuxième pic a lieu en même temps qu’un décollement d’une partie des bulles se trouvant sur le fluxmètre. Dans le cas de J2P6, l’enregistrement est court mais le comportement observé pour des puissances moindres est aussi identifiable ici (comportement vérifié aussi sur la deuxième vidéo réalisée à la même puissance). D’autre part, nous n’avons pas constaté d’assèchement du fluxmètre durant l’ensemble des expériences, car dans ce cas, nous aurions mesuré une forte augmentation de la température pariétale, et donc une forte diminution du coefficient de transfert. Dans notre cas, on peut observer un plafonnement des points sur la figure 2.19 et un début de décroissance. De plus, Kim [48] et Di Marco [61], atteignent le flux critique pour une surchauffe comprise entre 25˚C dans le cas d’une bulle unique et 50˚C dans les cas d’ébullition en vase (et pour un sous refroidissement légèrement supérieur : 7˚C pour Kim et 12.6 ˚C pour Di Marco). Donc, dans notre cas, sans avoir atteint le flux de chaleur critique, il semblerait que nous ayons dépassé la transition entre les états d’ébullitions nucléées partiellement et pleinement développées. 50 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.24 – Evolution du flux de chaleur en phase de microgravité pour trois cas différents 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 2.3.4 51 Analyse et comparaison des résultats à la littérature Comparaison des ordres de grandeurs des flux transférés : Le FC-72 n’étant que très récemment utilisé pour l’étude de l’ébullition en microgravité, nous ne disposons que de 4 expériences d’ébullition sur élément plan pour lesquelles nous pouvons comparer nos résultats [48, 61, 95, 126]. Les courbes d’ébullition obtenues par Kim [48] et Di Marco [61] ont été faı̂tes avec des surfaces de tailles différentes mais dont la structure n’était pas contrôlée. Ces deux auteurs obtiennent le même type de courbe avec des ordres de grandeurs semblables : un flux pariétal allant de 10 à 300 kW/m2 pour une surchauffe variant entre 0 et 50 ˚C. Cela correspond à un ordre de grandeur de plus pour les flux transférés par rapport à nos résultats de mesure de flux. Ils notent également tous les deux une diminution des transferts de chaleur en microgravité. Ces deux auteurs n’utilisent pas le même type de dispositif expérimental mais observent les mêmes résultats, en contradiction avec nos mesures. Toutefois, d’autres auteurs comme Schweizer [95] et Sodtke [101] étudient l’ébullition sur site isolé dans une configuration semblable à la notre (surface parfaitement polie et site de nucléation artificiel de forme et de taille contrôlées). Bien que n’étudiant pas la courbe d’ébullition mais uniquement les transferts de chaleur locaux à proximité de la ligne de contact, ils soulignent qu’ils travaillent à des flux moyens compris entre 5000 W/m2 pour l’ébullition nucléée et 37000 W/m2 pour l’ébullition explosive. Et grâce à leur système de mesure local de flux par caméra infra-rouge, ils obtiennent les champs de flux thermique où des pics peuvent atteindre localement 50000 W/m2 . Or de la même manière que Henry [34] a montré l’influence de la taille de l’élément chauffant sur les résultats de mesure de flux de chaleur, les résultats élevés de Kim [48] travaillant sur une surface de silicium pourrait être expliquer ainsi. Dans son cas, la bulle croı̂t sur l’élément chauffant mais ne le recouvre pas totalement pour éviter un assèchement total. Donc, ramené à la surface de son élément, l’évaporation au niveau de la ligne triple contribue fortement à la valeur élevée du flux moyen mesuré. Alors que l’ensemble des auteurs précédemment cités dans ce paragraphe observent une diminution des transferts de chaleur en microgravité, Zhao [126] a obtenu des résultats à flux imposé que l’on peut décomposer en deux phases. Une fois la surchauffe pariétale nécessaire à initier la nucléation à la surface de l’élément chauffant, il observe de meilleurs transferts de chaleur en microgravité. Puis les flux transférés en gravité terrestre augmentent inversant ainsi la première tendance. Ce comportement de courbe pourrait expliquer les résultats de la figure 2.19 où le rapport des flux entre les gravités terrestre et réduite tend à saturer autour de 1,2 . En extrapolant ces poins nous serions peut être dans la configuration de Zhao. Comparaison au modèle de Kannengieser [41] : Comme cela a été dit précédemment, Kannengieser [41] a développé deux modèles pour évaluer les transferts de chaleur en ébullition pour du HFE 7000 dans 2 conditions de pression et deux niveaux de gravité, et pour de l’oxygène liquide en microgravité dans trois conditions de pression. Leur modèle convient relativement bien à leurs conditions expérimentales : écart maximal de 25% des données expérimentales au modèle établi. Dans le cas du premier modèle présenté lors 52 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ (a) Modèle de Kannegieser présenté à la conférence Boiling 2009, appliqué à nos résultats (b) Modèle de Kannengieser présenté dans sa thèse Figure 2.25 – Comparaison de nos résultats expérimentaux aux deux modèles de Kannengieser [41, 40] de la conférence Boiling de Florianopolis et illustré sur la figure 2.25(a), il ne donne pas du tout les mêmes ordres de grandeur entre les deux termes de la relation 2.18 appliqués à nos résultats expérimentaux. En revanche, le deuxième modèle basé sur le raisonnement de Cooper et illustré sur la figure 2.25(b) permet bien de tenir compte de la surchauffe pariétale en linéarisant les deux courbes d’ébullition du FC-72. Mais cela ne permet pas d’adimensionner l’effet de la gravité. Cela doit provenir de la différence dans le nombre de site de nucléation sur notre élément chauffant en gravité terrestre et en hyper gravité, et en microgravité. Comparaison aux expériences de Kannengieser sur des surfaces plus ou moins polies : Kannengieser [40] a également réalisé une comparaison des transferts thermiques pour deux états de surface différents : une surface rugueuse non-travaillée et une surface polie à l’état quasi-miroir sur laquelle un site de nucléation artificiel a été indenté. Menant les expériences dans une configuration identique à la notre, il mesure une augmentation du flux de chaleur en microgravité quel que soit l’état de surface. Toutefois, ayant réalisé la campagne expérimentale pour la surface polie en gravité terrestre 15 jours après les mesures en microgravité, il ne peuvent pas conclure que l’augmentation des flux en gravité terrestre est due à la différence de gravité. En revanche, que ce soit en gravité terrestre ou en microgravité, les flux transférés à travers une surface polie sont bien moindres que dans le cas d’une surface rugueuse sur une grande partie de la courbe d’ébullition. Il y aura ensuite convergence des deux courbes vers le point de flux critique, points atteint lorsque toute la surface est recouverte de bulle de vapeur. Avant cela, les flux de chaleur transférés en microgravité sur une surface polie sont égaux à ceux transférés sur une surface rugueuse avec une facteur 5 sur la température de paroi (10 000 W/m2 transféré pour une surchauffe de 6˚C dans un cas et de 33˚C dans l’autre). Cela pourrait donc expliquer le faible niveau de nos flux par rapport à ceux relevés dans la littérature. Mécanisme et tentative d’interprétation des transferts de chaleur avec changement de phase : 2.3. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 53 Figure 2.26 – Schéma illustrant la définition de la couche limite pour différentes conditions de microgravité Comme nous l’avons vu dans les résultats obtenus durant la phase stationnaire de la microgravité, les transferts de chaleur sont liés à la structure du mélange diphasique au voisinage de la paroi. Cette structure est conditionnée par le niveau de gravité. Dans ce cas, si l’on suppose que les transferts se font de manière préférentielle suivant l’évaporation de la couche de liquide surchauffé, l’accélération va plus ou moins plaquer les bulles sur la paroi chauffante et modifier l’épaisseur de liquide surchauffé formant la couche de liquide située sous et autour des bulles. Cette modification de la structure de la couche de liquide surchauffée modifiera les transferts de chaleur. Lorsque l’accélération augmente, celle-ci va permettre aux bulles de ”s’éloigner” de la paroi augmentant ainsi l’épaisseur de la couche de liquide. On ne peut pas dans notre cas parler de micro ou macro couche de liquide comme le fait Ohta [80] car nous n’avons pas eu de bulle principale atteignant la longueur capillaire en microgravité. La formation de ce type de bulle dépend des conditions thermiques et des conditions dans lesquelles les sites de nucléation sont activés (notamment à quel niveau de gravité ils le deviennent). Ce résultat est généralisable à tous les niveaux de gravité. Si on suppose que le flux de chaleur transmis au liquide s’écrit sous la forme : q∼λ ∆T δ (2.21) pour un même liquide et des conditions thermiques constantes, la variation de l’épaisseur de liquide modifiera le flux de chaleur transféré. Ce modèle est illustré à l’aide de la figure 2.26. Dans le cas de la gravité terrestre, la couche limite de liquide à travers laquelle se fait le transfert de chaleur correspond à la couche limite thermique engendrée par le mélange des bulles de vapeur se détachant de la paroi et le liquide sous-refroidi. En microgravité, les transferts au liquide se faisant soit par conduction, soit par convection dans le sillage des bulles, la couche limite δ est plus réduite. Comme cela a déjà été dit, dans le cas d’une microgravité croissante, la couche limite devra se développer. Cela a pour conséquence de diminuer globalement les flux transférés sur le fluxmètre. Si la variation de microgravité s’inverse, il y aura alors une ”compression” de la couche limite entraı̂nant une 54 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Figure 2.27 – Evolution de la couche de liquide sous la bulle en fonction du flux pariétal. D’après Ohta [80] diminution du flux de chaleur transféré. Cette définition du flux de chaleur transféré à travers la paroi, à un liquide en ébullition suit la même évolution que les résultats de Ohta [80] (voir figure 2.27). Ses résultats ont été depuis vérifiés [42] sur une nouvelle expérience qui devra par la suite Figure 2.28 – Evolution de la couche de liquide surchauffé pour les trois niveaux de gravité 2.4. CONCLUSION 55 être réalisée sur la Station Spatiale Internationale. En utilisant la relation 2.21, il est possible de déduire l’épaisseur de la couche de liquide pour les trois niveaux de gravité distincts (figure 2.28). Elle est comprise entre 140 et 183 µm en gravité terrestre, et entre 120 et 165 µm en microgravité. Si on tient compte de la présence de 10 bulles de 5 mm de diamètre sur le fluxmètre en microgravité, il est possible de pondérer le calcul de cette grandeur par le rapport des surfaces. Dans ce cas, l’épaisseur diminue de 62 à 45 µm lorsque le flux augmente de 2000 à 11000 W/m2 . Ce comportement de la couche de liquide est semblable à celui mesuré par Ohta [80]. Bien qu’étant plus faible que celle de Ohta [80], l’ordre de grandeur de la couche de liquide est comparable aux mesures de couches limites surchauffées réalisées à l’aide de microthermocouple par Kannengieser [40]. 2.4 Conclusion Les objectifs de l’étude étaient de valider ou d’infirmer des choix technologiques dans le but de quantifier les transferts de chaleur à l’aide d’un fluxmètre lors de la croissance d’une bulle de vapeur unique en microgarvité. Le dispositif a été réalisé pour permettre des tests à différents flux de chaleur. N’ayant pas réussi à maı̂triser la nucléation d’une bulle de vapeur unique sur un site de nucléation artificiel, nous avons exploité les expériences pour lesquelles l’ébullition a eu lieu sur une surface ”polie”. Cette campagne nous a permis de montrer l’intérêt d’utiliser un fluxmètre pour étudier le changement de phase pour différents niveaux de gravités dans des conditions stationnaires. Les mesures de flux de chaleur transféré pour trois niveaux différents de gravité ont montré des comportements différents. Ce résultat ne peut être généralisé étant donné le nombre limité d’expérience et la difficulté de répérer le site de nucléation actif suivant le niveau de gravité. Il semblerait que le nombre de site de nucléation actifs en microgravité soit supérieur qu’en gravité normale et hyper gravité. Par ailleurs, en microgravité, la surchauffe de liquide au voisinage de la paroi est plus amplifiée en microgravité qu’en gravité normale et hyper gravité. Les transferts sont dans ce cas augmentés comme cela a été montré par plusieurs auteurs. De plus, la visualisation réalisée de manière simultanée aux enregistrements des données a permis d’identifier le rôle de l’accélération résiduelle sur le comportement des bulles de vapeur et donc, sur les transferts de chaleur. Ce travail est à prolonger grâce au développement d’un nouvel élément chauffant instrumenté d’un fluxmètre. Toutefois, ce type de dispositif a aussi ses défauts. Le principal étant de ne fournir qu’une vision macroscopique des transferts de chaleur et de masse à l’échelle de la bulle. Pour compléter ces mesures, elles doivent être réalisées de manière conjointe avec un outils comme l’interférométrie permettant d’obtenir la répartition des transferts autour de la bulle. Cette analyse locale fait l’objet des travaux présentés dans les chapitres suivants. 56 CHAPITRE 2. EBULLITION SUR SURFACE POLIE : EFFET DE LA GRAVITÉ Deuxième partie Ebullition sur site isolé 57 Chapitre 3 Ebullition sur site isolé en cellule de Hele-Shaw Sommaire 3.1 3.2 3.3 3.4 3.5 3.6 Introduction générale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Revue Bibliographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3.2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 3.2.2 Les modèles théoriques des transferts de chaleur lors de la croissance d’une bulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 3.2.3 Les dispositifs expérimentaux et les principaux résultats sur les transferts de chaleur autour d’une bulle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 3.2.4 Les paramètres modifiant la dynamique d’une bulle de vapeur en croissance 69 3.2.5 Synthèse de la revue bibliographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Dispositif expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 3.3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 3.3.2 La cellule de Hele-Shaw . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 3.3.3 La boucle fluide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 3.3.4 L’acquisition des mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Principes de mesures optiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 3.4.1 Visualisation par transmission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 3.4.2 Mesure par interférométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89 3.4.3 Préambule : résultats préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 Etude de la croissance d’une bulle de vapeur unique . . . . . . . . . . . 99 3.5.1 Etude de la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur . . . . . . . . . 99 3.5.2 Etude des transferts thermiques associés à la croissance d’une bulle . . . . . 111 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 59 60 3.1 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Introduction générale Comme nous l’avons montré dans la revue bibliographique du chapitre précédent, un nombre important de paramètres physiques ainsi que les conditions expérimentales influencent la courbe d’ébullition, et donc le coefficient de transfert de chaleur. Les lois définies de manière empirique comme celles qui ont déjà été présentées dans ce manuscrit, ne permettent pas d’être appliquées à un cas de figure différent de celui pour laquelle elle a été définie (le cas de l’influence de la gravité est illustré en figure 2.3). Ce problème nécessite donc une approche basique des phénomènes de transferts de chaleur et de masse. Pour cela, nous étudions une expérience simple de croissance de bulle unique sur une site de nucléation artificiel. Cela permet une meilleure maı̂trise des conditions opératoires dans le cas d’une configuration simplifiée. L’étude des phénomènes autour d’une bulle est une approche menée au sein du laboratoire depuis plusieurs années. Dans un premier temps, afin d’isoler un phénomène en particulier, l’effet Marangoni, pouvant jouer un rôle sur les transferts de chaleur en ébullition en microgravité [109], Arlabosse [5] puis Reynard [93] ont étudié ce phénomène dans le cas sans changement de phase : une bulle d’air dans une huile silicone. Cette approche a été étendue au cas d’une bulle de vapeur créée au sein de la phase liquide par Barthès [8]. Ce choix d’étudier les transferts de chaleur autour d’une bulle unique permet de restreindre le cadre de l’étude en isolant certains phénomènes (changement de phase, Marangoni) et en s’affranchissant d’autres comme la coalescence par exemple et plus généralement des interactions entre bulles. De nouveaux outils de diagnostic permettent aujourd’hui d’étudier de manière détaillée le cycle complet de la croissance d’une bulle de vapeur. Ces techniques permettent d’explorer l’ensemble des échelles pour lesquels les phénomènes de transferts de chaleur et de masse ont lieu : de 1 µm à une taille d’environ le double de la taille de la bulle lors de son détachement. Ce chapitre regroupe deux parties. Une première où nous présenterons une revue bibliographique des études expérimentales et théoriques réalisées sur la croissance d’une bulle de vapeur. L’approche numérique du problème ainsi que les différentes méthodes de résolution du système d’équation ne seront que brièvement abordées ici. Dans une seconde partie, nous détaillerons le dispositif expérimental, les techniques de mesures et les traitements d’images réalisés avec les deux systèmes optiques mis en oeuvre. L’ensemble des résultats obtenus à l’aide des mesures optiques et thermiques seront analysés et comparés aux résultats disponibles dans la littérature. Nous étudierons la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur suivant la modification des paramètres suivants : le sous-refroidissement du liquide, la surchauffe et l’orientation de la paroi. 3.2 3.2.1 Revue Bibliographique Introduction Comme nous l’avons vu dans la revue bibliographique du précédent chapitre, l’étude théorique des transferts avec changement de phase liquide-vapeur donnant lieu à la formation de bulle de vapeur s’est orientée depuis les premières études vers une dissociation des transferts liés à chacune des bulles puis recombiné en tenant compte de la densité de site de nucléation afin de définir des corrélations générales. Dans ce cas, l’étude de la dynamique de croissance et des transferts autour 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 61 d’une bulle s’est généralisée. Forster [26] a, par exemple, émis l’hypothèse que la bulle agit comme une micro-pompe renouvelant le liquide autour la paroi surchauffée par un liquide froid provenant du bain liquide. De plus, l’ensemble des effets paramétriques modifiant la courbe d’ébullition mis en évidence au chapitre précédent nous incite à explorer d’abord les mécanismes de base controlant la croissance d’une bulle de vapeur dans son liquide. Nous nous intéressons donc dans ce chapitre uniquement aux contributions de la communauté scientifique traitant de la croissance d’une bulle unique tant d’un point de vue théorique qu’expérimental. 3.2.2 3.2.2.1 Les modèles théoriques des transferts de chaleur lors de la croissance d’une bulle Modèles de conduction instationnaire La première approche théorique est la suite des travaux de Han et Griffith [31]. Mikic et Rohsenow [69] ont développé un modèle de transfert de chaleur pour la bulle en supposant que lors du départ de celle-ci, la couche de liquide surchauffé entourant la bulle est détruite, permettant à une partie du liquide du bain, plus froid, de rentrer en contact avec la paroi. Au cours du temps d’attente qui suit le départ de la bulle et précède l’apparition de la nouvelle bulle, une nouvelle couche de liquide surchauffé se crée par conduction. Ainsi, ils émettent l’hypothèse que le mode de transfert prédominant serait de la conduction transitoire dans le bain liquide. Comme le souligne Kim [46], ce modèle supposerait donc que les transferts de chaleur durant la croissance de la bulle et suivant son détachement seraient négligeables. Comme nous le verrons par la suite grâce aux résultats expérimentaux, cela n’est pas le cas. 3.2.2.2 Modèles de transfert dans la macro et la micro-couche de liquide Comme le définit Das [17] sur la figure 3.1, il existe plusieurs couches thermiques de liquide. La macro-couche est la couche de liquide dont la température est supérieure à la température de saturation du liquide, traduisant la continuité de la température entre la température pariétale se trouvant bien au delà de la température de saturation et la température du bain liquide (à saturation ou sous-refroidi). La microcouche est la couche de liquide se trouvant ”sous” la bulle. Son origine fait suite à la nucléation de la bulle sur son site. Au tout premier instant, si on suppose la bulle de vapeur, sphérique, la microcouche correspond à la couche de liquide comprise entre la bulle et la paroi lorsque la bulle est encore attachée au site. Lors du détachement de la ligne de contact, il y a une mise en mouvement du fluide confiné dans cet espace, induit par le mouvement de la ligne de contact. Ce concept de microcouche fut suggéré par Snyder [100] et plusieurs auteurs relevèrent des fluctuations de température dans la paroi sous une bulle durant de l’ébullition nucléée. Celles-ci furent mesurées par Cooper et Lloyd [15] à l’aide de micro-thermocouple de moins de 0.5 µm d’épaisseur. Ces derniers puis Van Stralen [115] ont développé un modèle basé sur l’évaporation de la microcouche. Le flux conductif venant de la paroi surchauffée et passant à travers la microcouche fournit l’énergie nécessaire au changement de phase assurant la croissance de la bulle. Dans le cas d’une 62 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.1 – Définition des différentes épaisseurs de couche de liquide par Das - D’après Das [17] microcouche épaisse, les propriétés du fluide et de la paroi ont une influence sur le flux de chaleur. Dans le cas d’une microcouche fine, correspondant à un état où celle-ci s’est déjà en partie évaporée, le flux de chaleur peut alors être déterminé uniquement à partir des propriétés de la paroi. Comme on peut le voir sur la figure 3.1, il a été défini une macrocouche de liquide autour de la bulle. Celle-ci étant surchauffée, elle apporte aussi de l’énergie favorisant l’évaporation et donc la croissance de la bulle. Dans ce cas, le flux de chaleur est aussi proportionnel à la variation temporelle de l’épaisseur de cette macrocouche. Loin de cette couche, le transfert est supposé conductif comme l’ont fait plusieurs auteurs parmi lesquels on peut citer Zhao [127] qui a introduit les transferts dans la macrocouche, et Das [17] qui a rajouté la composante du flux conductif loin de l’interface liquidevapeur. Ce type de modèle ne prend pas en compte des transferts de chaleur après le départ de la bulle, lors du remouillage de la paroi par un liquide de température plus faible que la température pariétale. 3.2.2.3 Modèles de ligne de contact En diminuant encore la zone d’étude sur laquelle se concentre une grande partie des transferts de chaleur, Stephan et Hammer [106] se sont basés sur les travaux de Potash et Wayner [37] sur l’évaporation d’un film sur une plaque surchauffée pour supposer qu’il existait un film de liquide 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 63 adsorbé de quelques molécules d’épaisseur sous la bulle. Ce modèle tient compte de la courbure locale de l’interface et de la pression de disjonction dans le calcul du saut de pression capillaire (se référer à la publication de Derjaguin [19] introduissant la notion de pression de disjonction). Bien que négligeant le terme convectif dans l’équation de conservation de la quantité de mouvement, ce modèle tient compte de la vitesse de déplacement du liquide dans la microcouche (en régime laminaire). Dans la macrocouche et loin de l’interface liquide vapeur, les transferts sont supposés purement conductifs. Lors de la formation d’une bulle de R114 sur du cuivre surchauffé de 3.5˚C, 38% du flux transféré se concentre dans la microcouche où un pic de 1550 W/cm2 est attendu. Dans le cas d’une surchauffe de 4.5˚C, 60 % des transferts se concentreront dans cette zone. La comparaison de ce modèle aux résultats expérimentaux de Barthau [7] et à la corrélation de Stephan et Abdelsalam [105] est satisfaisante (écart inférieur à 8%). Toutefois, ce modèle ne traite que les transferts durant la croissance de la bulle sur une paroi mais ne tient pas compte du remouillage de celle-ci suivant le départ de la bulle. Et d’après les auteurs, il n’est pas adapté aux forts flux de chaleur. Une étude paramétrique de ce modèle a été faite par la suite par Mann [59] afin de déterminer l’influence de la conductivité du liquide et de la paroi sur les profils de température et de flux de chaleur à l’interface paroi-fluide. Il a comparé ses résultats de courbe d’ébullition pour de faible flux aux résultats de la littérature. Grâce à cela, il montre que l’influence de la conductivité de la paroi est relativement faible sur les transferts dans la microcouche. En revanche, ils dépendent fortement des propriétés du liquide (la chaleur latente de vaporisation, la tension de surface, la conductivité thermique). Durant la même période, Lay et Dhir [50] ont développé indépendamment un modèle faisant aussi état de l’existence d’un film de liquide sous les jonctions de vapeur entre la bulle et la paroi. En effet, dans leur cas, ils supposent qu’à partir d’une certaine production de vapeur sur une surface chauffée, il apparaı̂t une épaisseur de mélange composée de colonnes de liquide et de vapeur. Dans ce cas, ils obtiennent aussi grâce à leur modèle l’existence d’un film de liquide de quelques atomes d’épaisseur. Ce modèle prédit aussi un flux de chaleur localement très important à l’extrémité de la microcouche de liquide. En revanche, il ne prédit pas l’angle de contact macroscopique de la bulle avec la paroi. Les deux modèles cités précédemment se résument à un jeu de 4 équations différentielles sur l’épaisseur de la couche de liquide. Dans chaque cas, les auteurs résolvent un problème monodimensionnel supposant un écoulement laminaire où le gradient de pression est compensé par les effets visqueux dans la couche de liquide. Ces modèles sont remis en cause par Mitrovic [70] pour leurs inconsistances dans l’utilisation de la vitesse radiale de la ligne triple. Cet auteur modifiant la définition de la pression de disjonction pour un liquide polaire, obtient un profil de microcouche de liquide concave puis convexe. Bien que développant leur modèle, il ne présente aucun profil de film de liquide sous une bulle, ni de profil de bulle. Par ailleurs, il ne compare pas son modèle à des résultats expérimentaux comme l’ont fait l’ensemble des auteurs cités depuis le début de cette revue bibliographique. Se basant sur les travaux de Dussan [24] liant l’angle de contact d’une interface liquide-vapeur à la vitesse de déplacement de la ligne triple, Mathieu [64] a couplé cette approche aux travaux de Stephan [106] sur les transferts de chaleur aux très petites échelles dans la microcouche de liquide. D’un point de vue hydrodynamique, l’auteur conserve l’utilisation de l’hypothèse de Navier introduisant une longueur caractéristique de glissement le long de la paroi (cela ne suit pas la condition à la limite usuelle d’adhésion à la paroi traduisant la continuité de la vitesse dans le cas des fluides non-raréfiés). Il a en revanche modifié l’approche de Stephan en vue d’étudier la dynamique de la 64 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW ligne de contact. Il a pour cela introduit une longueur caractéristique de coupure en dessous de laquelle les transferts par changement de phase n’ont plus lieu du fait de la très grande résistance d’interface induite par les forces intermoléculaires. Ce modèle dynamique nécessite, dans le cas des fluides parfaitement mouillants, de l’ordre de grandeur de la constante de Hamaker, ou la longueur de glissement et l’angle de contact à l’échelle microscopique dans le cas des fluides partiellement mouillants. La différence entre le modèle de Stephan et l’adaptation qui en a été faite par Mathieu n’est que de 5 à 10% selon le type de fluide utilisé tout en ne demandant pas le même raffinement de maillage lors de la simulation numérique directe. Durant la même période, Nikolayev [77] a développé un modèle dans le but de décrire les transferts de chaleur lors de la crise d’ébullition et le développement d’une tâche sèche sous la bulle de vapeur. Ce modèle tient compte de la conduction dans la paroi mais ne suppose pas l’existence d’une microcouche de liquide au pied de la bulle (non prise en compte de la pression de disjonction). Il simule la progression de la ligne de contact sur la paroi chauffante avec un angle de contact constant par la méthode des éléments de frontière. Selon le flux de chaleur imposé dans le solide, le rôle de la pression de recul influence plus ou moins la forme de la bulle de vapeur sur la paroi. Dans le cas d’un fort flux de chaleur, celle-ci, s’étalant alors sur la paroi, n’aura plus un angle de contact apparent constant. Depuis, l’auteur a justifié la non-existence d’un film adsorbé [75] et a observé la présence d’une tâche sèche dans le cas de l’ébullition [76]. Ce modèle semblerait plus adapté à l’étude de la croissance d’une bulle de vapeur dans des conditions expérimentales proches de la pression critique où la pression de recul joue un rôle important. 3.2.3 Les dispositifs expérimentaux et les principaux résultats sur les transferts de chaleur autour d’une bulle Comme nous l’avons vu, l’ensemble des études théoriques sur la croissance d’une bulle de vapeur ont conduit les différents auteurs à effectuer des simulations numériques directes de l’écoulement de liquide autour de la bulle, que ce soit à l’échelle de la microcouche ou de la bulle. Cela induit un besoin dans la description aussi fine que possible des interfaces. Cela se traduit par l’utilisation des différentes méthodes de capture d’interface : méthode level set par Son [103], couplage des méthodes Volume of Fluid et Front tracking par Mathieu [64], ou encore méthode à éléments de frontière par Nikolayev [77]. Bien que ces méthodes demandent des moyens de calcul conséquents, le raffinement dans les résultats obtenus est bien au delà de ce qui peut être fourni par les expériences présentées dans la revue bibliographique du chapitre sur l’ébullition en gravité variable. Une nouvelle génération de dispositifs expérimentaux a été développée en parallèle de la recherche sur les schémas numériques permettant de résoudre ces modèles multi-échelles. 3.2.3.1 Micro-capteurs gravés Ce dispositif utilise 96 microrésistances gravées sur un support. Elles sont toutes alimentées et contrôlées nominalement, soit à puissance imposée, soit à température imposée. La taille de chaque élément est variable selon les auteurs qui utilisent ce dispositif. On peut citer les travaux entrepris 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE (a) Réseau de microcapteurs de Kim [33] (c) Cristaux liquides du dispositif expérimental de Sodtke [101] 65 (b) Fluxmètre du expérimental de Barthès [8] dispositif (d) Mesure infra-rouge du dispositif expérimental de Wagner [117] (e) Dispositif expérimental de mesure de température de Moghaddam [71] Figure 3.2 – Ensemble des capteurs utilisés dans les dispositifs expérimentaux décrits dans le paragraphe suivant 66 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW par Kim [120, 18, 90] et Lee [52] pour qui les résistances chauffantes sont de 0.1 ou 0.27 mm de coté, ou par Ohta [42] (éléments de 3 mm de coté développés uniquement dans le but d’expériences en microgravité). Kim a mis en évidence une augmentation des transferts de chaleur à travers la paroi durant la croissance de la bulle jusqu’à son diamètre maximal. Une fois ce stade atteint, la diminution du flux de chaleur observée au centre de la bulle est analysé par l’auteur comme l’assèchement de la microcouche de liquide. Puis le remouillage de cette zone par du liquide implique une augmentation locale des transferts lors du détachement de la bulle. Dans le cas d’un long délai entre le départ d’une bulle et la nucléation de la bulle suivante, un pic de flux est mesuré lors de la nucléation de la bulle suivante. En calculant un diamètre équivalent à partir de la mesure du flux de chaleur pariétal et en le comparant au diamètre réel de la bulle à chaque instant, ils en déduisent que les flux de chaleur dus à l’évaporation de la microcouche et de la ligne de contact ne peuvent contribuer à 12.5% de l’énergie totale nécessaire à la croissance de la bulle. Le flux, favorisant la croissance de la bulle, aurait son origine dans la couche de liquide surchauffé se trouvant autour de la bulle lors de sa nucléation. Dans ce cas, la conduction et la microconvection seraient les mécanismes permettant à cette couche de se redévelopper après le départ de la bulle. En travaillant à flux pariétal identique pour chaque élément, Myers [74] a soustrait la part de puissance délivrée par les éléments qui était dissipée par la paroi puis évacuée vers l’extérieur du dispositif expérimental. Cette analyse permet d’affiner la part des flux de chaleur transférés par la ligne de contact et la microcouche à 23% du flux total transmis par la paroi au mélange liquide-vapeur. Continuant dans cette voie, Kim [49] a effectué différentes expériences en maintenant constante la température de paroi et en ne faisant varier que la température du liquide environnant. Il mesure le rapport entre le flux nécessaire à la croissance de la bulle et celui fourni par la paroi. Dans le cas d’un liquide pleinement surchauffé, ce rapport n’est que de 0.44. Il atteint 3.6 dans le cas d’un liquide avec 15.4˚C de sous-refroidissement, montrant le rôle de la condensation au sommet de la bulle. Le rapport s’équilibre dans le cas d’un sous-refroidissement de 7.6˚C. 3.2.3.2 Cristaux liquides thermo-sensibles Des cristaux liquides non-encapsulés sont appliqués en face arrière d’un film résistif sur lequel la bulle est créée. Ce type de dispositif est utilisé dans le but de mesurer le profil de température à l’interface entre la paroi et le fluide (le liquide ou la bulle). Les principaux utilisateurs de cette technique pour l’étude de l’ébulition sont Watwe [118], Kenning [45, 44] et Sodtke [101]. Passés les problèmes d’utilisation inhérents à cette méthode comme la faible plage de mesure de température ou la dépendance de l’angle de vue, il est possible de mesurer les variations spatio-temporelles de température avec une très haute résolution. Dans le cas d’une surface chauffante faisant face vers le haut, Kenning [45] a mesuré la non-uniformité de la température de la paroi sous un site de nucléation permettant la croissance d’une bulle isolée. Dans ce cas, le flux de chaleur ne doit pas être élevé afin d’avoir une faible fréquence de nucléation sur le site laissant un temps suffisant à la température de la paroi pour redevenir homogène. Le temps de réponse des cristaux liquides est aussi apparu comme un facteur limitant. Du point de vue des transferts thermiques, Kenning [45] a identifié trois phénomènes prépondérants. L’évaporation du liquide de la microcouche sous la bulle a été mesurée à travers la non-uniformité 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 67 du champ de température. Mais sa contribution sur le flux de chaleur total transféré à travers la paroi est faible. En revanche, son comportement est prépondérant pour la fréquence de nucléation des bulles (le site de nucléation étant refroidi localement, cela modifie les propriétés de nucléation de la paroi par rapport aux mesures macroscopiques). Puis le remouillage de la paroi par du liquide froid est assimilé au phénomène de quenching. Mais la conduction instationnaire dans la paroi ne permet selon l’auteur de vérifier ce modèle par les expériences. Enfin, la convection naturelle prend une part importante au transfert. La comparaison avec la convection naturelle sans ébullition montre qu’il n’est pas possible d’utiliser les corrélations de convection naturelle pour la zone de la paroi où la bulle n’a pas une influence directe. Pour éviter les problèmes de temps de latence entre deux bulles et de haute fréquence de nucléation de bulle cités précédemment, Wagner [116] s’est placé en microgravité. Dans cette configuration expérimentale, il a mesuré le profil de température sous la bulle avec une résolution de 1.04 µm et un temps de réponse des cristaux inférieur à 3 ms durant toute la croissance de la bulle. Dans le même temps, Sodtke [101] a utilisé, dans les mêmes conditions expérimentales, le même dispositif orienté vers le bas cette fois-ci (pas de détachement de bulle). L’auteur a mesuré avec précision le profil de température sous une bulle unique, Wagner ayant eu une coalescence de bulle verticalement due à l’accélération résiduelle. Ce type de mesure a permis de quantifier l’impact de la microcouche de liquide sur le profil de température de la paroi. L’écart de température de plus de 5˚en moins de 1 mm montre que ce phénomène est très localisé. Mais on peut aussi se demander si cela a un impact sur les flux de chaleur transférés. Comme ce type de dispositif nécessite une très grande résolution spatiale, les caméras rapides utilisées pour la visualisation des cristaux liquides ne permet pas de mesurer le champ de température sur l’ensemble d’une paroi, sous une bulle. Pour palier à ce problème, l’ensemble des auteurs utilisant des cristaux liquides ont adapté leurs dispositifs pour effectuer des mesures de champ de température à l’aide de caméra infra-rouge. 3.2.3.3 Caméra infra-rouge Ce type de mesure récente est généralement effectué sur le même dispositif que celui utilisé pour des cristaux liquides. Dans ce cas, l’absence de cristaux permet d’améliorer le temps de réponse de la face arrière du film résistif chauffant à la croissance de la bulle en face avant. La caméra infrarouge est, dans d’autres domaines, très souvent associée à l’utilisation des méthodes inverses pour déterminer le profil de température en face avant. Dans le cas de l’étude du profil de température sous une bulle de vapeur créé par un film résisitif, le modèle tient compte de la génération de chaleur due à la résistivité du film, la conduction latérale dans le film, les pertes latérales en faces avant (la bulle) et arrière (condition à la limite donnée par les mesures de la caméra), et la chaleur sensible du film. Golobic [30] a utilisé cette technique (résolution de 40 µm) pour mesurer la température de la paroi dans les cas de l’eau à température de saturation et sous-refroidie. Dans son cas, il obtient un résultat en complète opposition avec l’ensemble de la littérature. Durant la croissance de la bulle, le flux de chaleur transféré dans la microcouche de liquide n’est pas augmenté. De plus, il n’a pas été observé de ”quenching” du liquide sur la paroi lors de son remouillage dans le cas du liquide saturé. Mais cela a été le cas dans des conditions de liquide sous-refroidi. Wagner [117] a effectué des mesures de croissance de bulle de FC-84 avec une résolution de 14.8µm. Cela correspond à un ordre de grandeur supérieur aux cristaux liquides. Cette mesure locale de 68 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW la température de la paroi est associée à une visualisation de la croissance de la bulle. Dans ce cas, les flux échangés dans la microrégion et par microconvection ne contribuent qu’à 60%du flux nécessaire à la croissance de la bulle. De plus, une fois passée la phase de nucléation où la bulle croı̂t rapidement et celle de détachement où la convection dans le liquide est importante, cette contribution locale se limite à 22% des échanges. La couche de liquide surchauffé jouerait donc un rôle prépondérant dans la croissance de la bulle. 3.2.3.4 Fluxmétrie pariétale Un dispositif basé sur l’utilisation d’un fluxmètre dont le principe a été décrit dans le chapitre précédent, a permis d’étudier la croissance d’une bulle de vapeur unique sur une surface chauffante. Barthès [8] a étudié la croissance d’une bulle de vapeur de FC-72 sur une surface chauffante orientée vers le bas. Dans son cas, le mode de transfert prépondérant est la convection induite par l’écoulement de liquide suivant le départ de la bulle du centre du fluxmètre. Toutefois, durant la croissance de la bulle, tant que celle-ci croı̂t sous une forme sphérique, le flux net d’évaporation (mesuré à partir du volume de la bulle) et le flux thermique augmentent. Mais ce dernier décroı̂t dès que la bulle prend une forme hémisphérique, le flux net d’évaporation tend alors vers une constante. 3.2.3.5 Modèle conductif dans la paroi Pour mesurer les variations locales du flux de chaleur pariétal, il est aussi possible d’utiliser deux couches d’un réseau concentrique de capteurs de température. Ce dispositif implique de faire l’hypothèse d’une bulle et d’un champ de température pariétal axisymétrique. A partir d’un dépôt gravé sur un support de 10.2 µm, il est possible d’avoir une résolution comprise entre 22 et 40 µm. Dans le cas du dispositif utilisé par Moghaddam [71], les mesures de température sont implantées dans un logiciel commercial de simulation pour obtenir, à partir d’un modèle de conduction dans la paroi, la répartition du flux de chaleur à la paroi. Dans le cas des expériences menées à saturation et pour différentes surchauffes pariétales, les contributions de la microcouche, de la conduction instationnaire et de la microconvection ont été mesurées. Pour une surchauffe pariétale augmentant de 23.8˚C à 40.5 ˚C, les parts relatives des flux de chaleur transférés par évaporation dans la microcouche et par conduction diminuent de 28.8% à 16.3% et de 45.4% à 32.1%. Ces diminutions se font au profit d’une augmentation de la part de la microconvection dont la part augmente de 25.8% à 51.6%. Ces résultats ont été obtenus sans prendre en compte la convection naturelle. 3.2.3.6 Synthèse des résultats expérimentaux L’ensemble des études de base sur la croissance d’une bulle de vapeur ont montré l’importance relative des transferts de chaleur et de masse au niveau de la ligne triple, variant selon les cas, entre 12% et 29% des transferts globaux. Certains auteurs concluent que cette contribution est négligeable sur l’ensemble des transferts. Toutefois, le comportement de la ligne de contact joue un rôle prépondérant sur le détachement de la bulle de vapeur bien que celui-ci soit principalement 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 69 lié au bilan des forces appliquées sur la bulle, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant. Lorsque celle-ci se détache de la paroi, elle entraı̂ne du liquide dans son sillage. Cela assure ainsi une amélioration des transferts de chaleur. Il est donc autant primordial de connaı̂tre l’origine des flux de chaleur permettant à la bulle de croı̂tre que de comprendre les mécanismes gouvernant les transferts de chaleur autour de la bulle, depuis sa sortie du site de nucléation jusqu’à son détachement. 3.2.4 3.2.4.1 Les paramètres modifiant la dynamique d’une bulle de vapeur en croissance Les modèles de base Les transferts de chaleur autour d’une bulle de vapeur en croissance, dont nous avons fait la revue bibliographique d’un point de vue théorique et expérimental, sont liés à un transfert de masse, induisant un changement de volume de la bulle. La morphologie de celle-ci évolue donc depuis sa nucléation, jusqu’à son détachement de la paroi. Comme nous l’avons vu lors de cette revue, les modèles les plus récents nécessitent l’utilisation d’outils de simulation numérique pour calculer l’évolution de la taille de la bulle par exemple. En effet, ces derniers permettent correctement à présent de reconstituer les bulles durant leur croissance, tant du point de vue morphologique que du point de vue du taux de croissance. Les premiers modèles de croissance dont une revue bibliographique a été réalisée par Ginet [29], supposent tous une bulle de forme hémisphérique durant sa croissance pour la simplicité de la résolution mathématique des équations de transfert et de quantité de mouvement. Malgré la diversité des résultats que l’on peut observer sur la comparai√ son faite par Ginet sur la figure 3.3, tous ces modèles sont de la forme R (t) ∝ Ja αl t pour le cas de l’ébullition à saturation. Or les nouveaux dispositifs expérimentaux alliés à des techniques d’analyses d’images automatisées fournissent de nouvelles données afin de valider les résultats des modèles. Que ce soit avec une sphéroı̈de utilisée par Lee [52] sur la figure 3.4(a) ou par une courbe polynomiale de Bézier comme l’a fait Pakleza [84] sur la croissance de bulle de la figure 3.4(d), ces différents travaux montrent qu’il n’est plus possible de travailler dans une configuration où on supposerait une croissance sous forme hémisphérique. Lee [52] a étudié la croissance de bulle de R11 et R114. Dans le cas de bulles créées sur une surface maintenue à température constante, il obtient une loi de croissance donc l’asymptote est une loi de type t1/5 . La loi détaillée de l’évolution du rayon adimensioné de la bulle est de la forme : 1/5 R+ t+ = At+ 4/5 tanh Bt+ + Ro+ (3.1) Où A et B sont des paramètres obtenus à partir de leurs résultats expérimentaux et prenant les valeurs 11.2 et 0.345. Ro+ est le rayon critique obtenu à partir des relations de Clausius-Clapeyron et de Laplace-Kelvin. Il justifie le choix de cette forme d’équation par le résultat de Rayleigh montrant que pour un état où la différence de pression est constante, le taux de croissance est linéaire avec t+ . Cette loi est aussi obtenue par Siedel [96]. Dans leur étude, l’influence de la surchauffe pariétale sur la croissance d’une bulle dans un liquide à saturation est étudiée. Leurs courbes de 70 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.3 – Comparaison des modèles de croissances et de résultats expérimentaux (ronds pleins : rayon hémisphérique équivalent ; ronds vides : rayon de sphère équivalente). D’après Ginet [29]. croissance du volume de bulle sont adimensionnées par le volume et le temps de détachement pour ne faire qu’un unique faisceau de points. Celui-ci ne suit pas une loi unique. Durant les 20% du début de croissance, il semble suivre une loi linéaire. Puis celle-ci serait de type V 0 (t0 ) ∝ t00.6 . Or si on suppose que la bulle est de la forme d’une sphère, cela induirait que le rayon suivrait pour les temps longs une loi de puissance d’exposant 0.2, valeur identique à celle mesurée par Lee [52]. Ces deux études récentes n’ont pour le moment pas fait l’objet d’une comparaison avec un modèle complet résolu numériquement comme celui de Stephan [106] ou Dhir [50]. Toutefois, Lee a montré que seulement 50% de l’énergie à la croissance de la bulle venait de la paroi, le reste étant puisé dans le liquide environnant. Il existe peu de contribution d’auteurs travaillant à la fois sur le développement de dispositifs en vue d’obtenir des données expérimentales précises, et au développement de code de calcul. Son [102] a résolu numériquement le modèle de Dhir [50] en se basant sur l’angle de contact pour itérer la résolution du modèle où la constante de Hamaker est un paramètre inconnu. Cela permet de simuler de manière complète le cycle d’une bulle pour différentes surchauffes pariétales montrant les effets inertiels sur le diamètre de détachement de la bulle de vapeur. Toutefois, la partie expérimentale de cette étude ne permet pas d’obtenir la répartition des flux de chaleur entre l’évaporation dans la microcouche et le long de l’interface de la bulle, la microconvection... 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE (a) Bulle de R113 en croissance (Tp =61 ˚C). D’après Lee [52] 71 (b) Bulle d’eau en croissance (∆Tp =10˚C). D’après Son [103] à saturation (c) Croissance d’une bulle de n-pentane. D’après Siedel [96] (d) Croissance d’une bulle unique de vapeur d’eau (P=4 kPa, Tl =25.1˚C, ∆Ts =21.7 ˚C), D’après Pakleza [84] Figure 3.4 – Exemples de croissances de bulles obtenues par différents auteurs 72 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW D’un point de vue expérimental, peu de travaux parmi ceux cités dans la revue bibliographique ont fait l’objet à la fois d’une étude des transferts aux échelles les plus petites et de mesures précises de l’évolution de la morphologie de la bulle durant sa croissance. D’un point de vue numérique, il est aisé de dissocier les contributions de chaque terme dans le cas de la croissance de la bulle. Dhir [21] a listé l’ensemble des phénomènes à prendre en considération pour la résolution du problème de transfert thermique durant la croissance de la bulle : • La conduction instationnaire • L’évaporation à la base de la bulle • L’évaporation ou la condensation sur tout le pourtour de la bulle • La convection thermocapillaire • La convection induite par le départ de la bulle Or tous ces phénomènes agissent de manière couplée avec la dynamique de croissance de la bulle et l’écoulement de liquide autour de la bulle. L’omission d’un des termes cités conduit à une réduction de modèle et de cette manière, on obtient le type de figure faite par Ginet [29] où il y a une grande disparité dans les résultats des différents modèles et les points expérimentaux donnés. Dans le but de comprendre le problème couplé des transferts de chaleur et de la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur, il faut tenir compte de l’ensemble des phénomènes énumérés cidessus. 3.2.4.2 Effet de l’angle de contact Dans le cas de l’ébullition nucléée sur un site isolé artificiel, la bulle nuclée dans le site. Cette aspérité est dans la plupart des études de forme connue. Toutefois, du fait des très petits diamètres utilisés, on n’observe pas expérimentalement de variation de l’angle de contact durant la croissance de la bulle. Cependant, les études théoriques montrent différents comportements selon que le liquide est mouillant ou non mouillant. Bien que travaillant sur l’ébullition en vase, Phan [86] a montré l’effet de l’angle de contact de l’eau avec différents supports nanostructurés sur le diamètre de détachement des bulles et sur les transferts de chaleur. Durant sa croissance, les angles de contact suivent l’évolution schématisée sur les figures 3.5(a) dans le cas mouillant et 3.5(b) dans le cas non-mouillant. Dans le cas non-mouillant, l’étape 4 est généralement suivie par une coalescence des bulles latéralement. La diminution de la mouillabilité se traduit par une diminution du diamètre de détachement des bulles et par une augmentation de leur fréquence de détachement. Dans le cas d’un angle de contact élevé, Phan émet l’hypothèse de l’absence de la microcouche de liquide. Mais il n’a pas été noté de différence sur le coefficient de transfert de chaleur. Phan pense donc que l’absence de cette couche où les transferts de chaleur sont importants, est compensée par l’augmentation de la fréquence de détachement des bulles depuis le site de nucléation. Ce problème soulevé montre qu’il existe un manque de données expérimentales sur l’étude de l’évolution de l’angle 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE (a) Croissance mouillante d’une bulle sur une 73 surface (b) Croissance d’une bulle sur une surface nonmouillante Figure 3.5 – Evolution de l’angle de contact durant la croissance d’une bulle dans les cas de paroi mouillante et non-mouillante - D’après Phan [86] de contact durant la croissance d’une bulle unique et les transferts de chaleur associés permettant à la bulle de croı̂tre. Les études comme celles menées par Bar-Cohen [6] ou Van der Geld [114] ne portent que sur l’évolution temporelle de l’angle de contact. Décomposant la croissance de la bulle en 4 étapes comme on peut le voir sur la figure 3.5, Bar-Cohen a montré dans le cas des liquides diélectriques qu’il y avait deux périodes de réajustement de l’angle de contact, une dans le site de nucléation (non observable) et une seconde lors de l’émergence de la bulle sur les contours du site de nucléation. Entre ces deux périodes, la bulle croı̂t dans le site avec un angle de contact dynamique constant. Puis, une fois le bord du site de nucléation atteint, il va évoluer permettant à la bulle de diminuer le rayon de courbure de la bulle, son barycentre sortant à présent du site de nucléation. Dans le même temps, l’angle de contact va évoluer entre l’angle dynamique dans le site de nucléation et l’angle dynamique de recul sur la paroi plane. Une fois cette étape passée, la bulle continue à croı̂tre sur la paroi extérieure jusqu’à ce qu’elle se détache de la paroi. Dans le cas du déplacement de la ligne de contact sur une paroi plane (c’est-à-dire une fois que la bulle est sortie du site), plusieurs études théoriques ont montré l’hystérésis de l’angle de contact, et le lien entre celui-ci et la vitesse de déplacement de la ligne de contact. Mahtieu [64] a par exemple montré dans le cadre de son modèle dynamique de croissance de bulle, que l’angle microscopique ne sera pas modifié par la vitesse de déplacement de la ligne de contact. En revanche, l’expression Figure 3.6 – Zone de transfert de chaleur (a) pour un liquide mouillant, (b) pour un liquide non-mouillant - D’après Phan [86] 74 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW de l’angle de contact macroscopique est la suite : θmacro = g −1 smacro g (θmacro,statique ) + Ca.ln r1 (3.2) Avec : Z g (θi ) = 0 θi θ − sinθcosθ dθ 2sinθ µvgliss. Cav = σ (3.3) Où Cav est le nombre capillaire dynamique basé sur la vitesse de la ligne de contact à la paroi. Mais comme le montre l’auteur, ce modèle simplifié sous-estime légèrement l’angle de contact statique, erreur modifiable à partir d’une comparaison avec la simulation complète du modèle statique. Dans le cas d’un travail de simulation numérique de croissance adiabatique de bulle créée sur un orifice plus ou moins mouillant pour l’eau, Chen [13] a testé deux modèles de déplacement de ligne de contact : • un modèle de ligne de contact où l’angle varie linéairement avec la vitesse de déplacement de la ligne de contact, en étant borné entre les angles de recul et d’avancé, • un modèle de ”stick-slip” où la ligne de contact ne se déplace que lorsque l’angle de contact sort de l’intervalle délimité par l’angle de recul et l’angle d’avancé. Il apparaı̂t que le modèle ”stick-slip” converge mieux que celui basé sur la ligne de contact. De plus, ce dernier nécessite de connaı̂tre la longueur de glissement et la vitesse maximale de la ligne triple lorsque l’angle prend une des deux valeurs extrêmes. Cette comparaison a permis de mettre en évidence la forte influence de l’angle de recul sur le diamètre de détachement dans le cas du modèle stick-slip, la comparaison avec des résultats expérimentaux étant faite sur cette mesure. Le travail de Lee suit ce qui a déjà été fait par Mukherjee et Kandlikar [73]. Se basant sur le travail de Ramanujapu [91] qui a mesuré l’angle de contact d’une bulle de vapeur en fonction de la ligne de contact comme le montre la figure 3.7, ces deux auteurs ont utilisé le modèle Mukherjee [72] pour simuler la croissance d’une bulle de vapeur selon différentes lois d’évolution de l’angle de contact (un modèle stick-slip avec différentes valeurs des angles d’avancée et de reculée, un modèle de ligne de contact où l’angle de contact suit une loi de la forme tangente hyperbolique centrée sur l’angle de contact statique et délimité par l’angle d’avancé et de recul). Comme on peut le voir sur les figures 3.8(a) et 3.8(b), le modèle n’a qu’une très faible influence sur la croissance de la bulle. En revanche, cela a un impact sur l’évolution du diamètre de la bulle. Mais l’ensemble des résultas obtenus n’est malheureusement pas comparé à des mesures expérimentales. 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 75 Figure 3.7 – Mesure expérimentale de l’angle de contact dynamique à la base de la bulle - D’après Ramanujapu [91] (a) Croissance de la bulle : angle de recul constant de 48˚et angle d’avancé constant de 61˚ (b) Croissance de la bulle : angle de contact compris entre 48˚et 61˚suivant une fonction de la vitesse de la ligne de contact définie à partir de la figure 3.7 Figure 3.8 – Lois de croissance de bulle pour différentes lois d’évolution de l’angle de contact Daprès Mukherjee [73] 76 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Influence de l’angle de contact sur le diamètre de détachement d’une bulle de vapeur (b) Influence de l’angle de contact sur la période de croissance d’une bulle de vapeur Figure 3.9 – Influence de l’angle de contact sur la croissance d’une bulle - D’après Abarajith [1] Utilisant le modèle de Son [102], Abarajith [1] a simulé numériquement la croissance d’une bulle de vapeur pour différents angles de contacts. Selon ses résultats, le diamètre de détachement d’une bulle de vapeur augmente l’angle de contact quelle que soit la surchauffe pariétale. La période de croissance augmente également. Le premier résultat est en opposition avec les résultats récents de Phan [86] qui, à l’aide de dépôts, a pu modifier la mouillabilité d’une paroi. Les résultats de ces expériences, bien que réalisées dans le cas de l’ébullition en vase, montrent que le diamètre de détachement diminue avec l’augmentation de l’angle de contact de la bulle. 3.2.4.3 Effet de la gravité Quelques dispositifs présentés précédemment, ont fait l’objet de campagnes de mesures en microgravité. Le principe des expériences en microgravité est de s’affranchir de toute force faisant intervenir le champ de pesanteur. Cela a aussi comme conséquence de modifier l’ensemble des critères basés sur cette grandeur comme la longueur capillaire. Dans le cas des vols paraboliques présentés dans le chapitre précédent, elle évolue de 0.72 mm en 1g pour du FC-72 à 7,2 mm en microgravité (10−2 g). Cela a donc comme conséquence d’augmenter le diamètre de détachement de la bulle de vapeur du site de nucléation. L’équilibre entre la capillarité et la pesanteur est d’ailleurs le principe de la corrélation de Fritz [27] définissant le diamètre de détachement d’une bulle à partir de l’équilibre de ces deux forces : s Dd = 0.0208θ σ g (ρl − ρv ) (3.4) 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 77 (a) Comparaison de la relation de Fritz aux résultats expérimentaux de Schweizer (b) Comparaison de la relation de Malenkov au résultats expérimentaux de Schweizer Figure 3.10 – Influence de la gravité sur la fréquence et le diamètre de détachement de bulle de vapeur - D’après Schweizer [95] Le diamètre de détachement de la bulle obtenu par cette relation est généralement utilisé dans la corrélation de Malenkov [58] : VA fA = ! Dd π 1 − s VA = 1 1+ VA ρv ∆Lv q (3.5) Dd (ρl − ρv ) 2σ + 2 (ρl + ρv ) Dd (ρl + ρv ) Mais comme l’a montré Schweizer [95] sur la figure 3.10, cette relation ne convient que dans une plage d’utilisation de la pesanteur comprise entre 1.2 et 0.2 g. En dessous de cette valeur, l’effet d’accélération résiduelle due aux mouvements de l’avion devient prépondérant. Du fait de son caractère non-prévisible (car dépendant de la turbulence extérieure à l’avion), il n’est plus possible de prédire correctement le diamètre et la fréquence de détachement d’une bulle de vapeur à l’aide de ces deux relations. Cette dépendance du diamètre de détachement à la longueur capillaire, i.e. Dd ∝ g −1/2 , avait déjà été obtenue expérimentalement par Qiu [89] et Pichavant [87]. Ce dernier, qui réalise des expériences en compensation magnétique, n’a pas de problème de turbulence en microgravité. En revanche, Siegel [97] avait obtenu lors d’expériences réalisées en tour de chute, une relation du type Dd ∝ g −1/3 . Cette diminution de la fréquence de détachement des bulles permet d’accéder de manière plus précise à différentes zones où s’effectuent les transferts de chaleur. Sodtke [101] a notamment mesuré un déplacement plus lent de la ligne de contact, la bulle se développant de manière isotrope. Cette modification de la dynamique de la ligne triple s’accompagne d’une augmentation de la largeur de la microrégion sur laquelle les flux de chaleur transférés sont aussi plus importants. De plus, lorsque le flux pariétal d’alimentation augmente de 12 à 15 W, la largeur de la microrégion 78 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW double de largeur passant de 100 à 200 µm. Concernant d’autres phénomènes physiques assurant le transfert de chaleur, Straub [108] a identifié sur la figure 3.11 différents types de transfert en fonction du sous-refroidissment. Bien que n’ayant pas pu conclure grâce à la revue bibliographique du chapitre précédent, sur l’éventuelle augmentation des transferts de chaleur en microgravité, l’augmentation du temps de croissance d’une bulle permet par exemple le développement de la convection thermocapillaire autour de celle-ci. Figure 3.11 – Effet de la gravité sur le rapport du coefficient d’échange en fonction du sousrefroidissement du liquide - D’après Straub [108] 3.2.4.4 Influence du couple liquide-solide Voulant étudier l’influence du type de matériau composant la paroi dans le cadre du modèle de Stephan [106], Mann [59] a aussi effectué des simulations pour différents types de liquide : du R114, du pentane, du n-pentane, et de l’eau. Les trois matériaux composant la paroi sont le cuivre, l’acier, et la céramique. Le principal résultat est que la conductivité thermique de la paroi influence peu les transferts de chaleur. Dans le cas des matériaux faiblement conducteurs, le flux de chaleur à la paroi diminue, mais cela est compensé par la diminution de l’épaisseur de la microcouche de liquide impliquant une augmentation du flux conductif dans la microcouche de liquide, donc une augmentation du flux transféré. En revanche, les transferts dans la microcouche sont gouvernés par plusieurs propriétés des liquides : la chaleur latente de vaporisation la viscosité, la tension de surface et la conductivité du liquide dans la microcouche. Le champ de température dans le liquide dépend principalement du rapport des conductivités de la paroi et du liquide. Chaque simulation 3.2. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE 79 a été validée par une comparaison à des résultats expérimentaux. D’un point de vue expérimental, il existe peu de comparaison où a été étudié l’effet du liquide sur les transferts de chaleur et la dynamique de croissance de la bulle. L’ensemble des liquides utilisés avec les derniers dispositifs mis au point sont des liquides de type fluorinert (FC-72, FC-84, FC-3284) ou R11/R114. Bien qu’il soit aisé de voir l’influence des propriétés du liquide sur les modèles de déplacement de ligne triple, il n’existe pas d’étude expérimentale comparative. Kim [46] a comparé 8 études différentes utilisant ces liquides couvrant une plage du nombre de Jacob compris en 0.017 et 0.62. Ce nombre adimensionnel est défini de la manière suivante : Ja = Cpl (Tp − Tsat ) Llv (3.6) Il compare la chaleur sensible du liquide à sa chaleur latente de changement de phase. Bien que couvrant un large plage d’étude, cela n’a pas permis à Kim d’idendifier le rôle de chacun des effets contribuant au transfert de chaleur autour d’une bulle. Selon cet auteur, le mécanisme dominant est l’évaporation à l’interface liquide-vapeur dans la zone de liquide surchauffé, ce mécanisme étant peu influencé par les propriétés thermiques des fluides utilisés. Or cette conclusion est en opposition avec les travaux de Mann [59] cités précédemment. 3.2.4.5 Effet des gaz dissous Bien qu’il existe quelques contributions sur l’étude des transferts en ébullition avec un mélange de liquide et de gaz dissous, à travers la courbe d’ébullition, peu d’études ont été menées sur l’influence des gaz dissous dans le liquide lors la croissance d’une bulle de vapeur unique. Dès la nucléation de la bulle, ceux-ci vont prendre une part importante à l’abaissement de la température nécessaire à la formation de l’embryon de vapeur. Bar-Cohen [6] a illustré son étude de l’influence de la concentration d’air sur la surchauffe pariétale avec le cas du FC-72. Dans le cas où la pression du FC-72 est supposée constante et celle de l’air, laissé libre entre 0 et 1 atmosphère, la surchauffe nécessaire à la nucléation de la bulle diminue linéairement avec l’augmentation de la fraction molaire de l’air. Dans le cas où la pression totale est fixée à 2 atmosphères (la pression de l’air variant de 0 à 1 atmosphère et celle du liquide diminuant de 2 à 1 atmosphère), les températures de paroi et de saturation diminuent avec l’augmentation de la concentration de gaz. Mais la seconde diminuant plus vite que la première, cela implique que la surchauffe nécessaire à la nucléation augmente avec l’augmentation de la concentration d’air dans le FC-72. Il n’existe pas de travaux relatifs à la croissance d’une bulle unique dans un liquide contenant un gaz dissous. Raj [90] a effectué une étude citée dans la revue bibliographique du chapitre précédent. A partir d’un cas statique, il conclut que : • la convection diminue avec la taille de la bulle, • pour un coefficient d’échange thermique constant, un gradient de concentration de gaz linéaire le long de l’interface augmente aussi la convection thermocapillaire • l’augmentation de l’angle de contact se traduit aussi par une augmentation de la convection 80 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Auparavant, Barthès [8] a étudié la croissance d’une bulle de vapeur unique de FC-72 non-dégazé (quantité de gaz inconnue). Dans son cas, elle a identifié par un montage ombroscopique quatre types de comportements du liquide autour de la bulle selon son diamètre maximal : mode sans convection, mode symétrique, mode non-symétrique, mode axisymétrique. Etudiant ce phénomène dans des conditions de sous-refroidissement, elle a mis en évidence un système oscillant pour le volume de la bulle de vapeur, la convection Marangoni étant en compétition avec la condensation. Mais dans le cas de l’expérience SOURCE où la fraction molaire de N2 était de 10−2 mol/mol, Kannengieser [41] n’a pas observé de mouvement de bouffées de convection autour de la bulle principale. Ces résultats expérimentaux montrent la difficulté à établir un modèle simple de croissance d’une bulle unique dans le cas d’un mélange d’un liquide pur et d’un gaz de concentration donnée. 3.2.5 Synthèse de la revue bibliographique Cette synthèse bibliographique a permis de montrer que de nombreuses études avaient été réalisées sur la croissance d’une bulle de vapeur. L’ensemble de la communauté s’est d’abord intéressée aux lois de croissance obtenues théoriquement ou expérimentalement, et plus récemment, à l’aide de simulations numériques. Elles ont d’abord été réalisées en gravité terrestre puis, plus récemment, en microgravité. Cela permet donc d’accéder de manière plus détaillée à la ligne de contact et de décrire plus finement sa dynamique. Cela a aussi permis d’identifier le rôle de différents mécanismes. Les dernières études ont aussi permis d’identifier le rôle des gaz incondensables sur la croissance de la bulle. Ce dernier point ne fait partie que de très récentes études et le mécanisme à travers lequel il intervient n’a pas encore été totalement compris (influence sur la dynamique de croissance de la bulle, sur l’amélioration ou la détérioration des transferts...). A ce jour, il n’existe pas de modèle décrivant de manière satisfaisante la croissance d’une bulle tenant compte de l’ensemble des paramètres pouvant l’influencer. L’aide apportée par la simulation numérique semble être significative. En effet, les techniques numériques et les outils sont maintenant suffisamment développés pour prétendre à décrire la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur en prenant en compte les différents phénomènes couplés et à différentes échelles. Comme nous l’avons montré dans la revue bibliographique, il n’existe pas aujourd’hui d’expérience de référence fournissant l’ensemble des paramètres d’écrivant la croissance d’une bulle et les transferts associés dans le liquide, la vapeur et la paroi 1 . Les phénomènes de transferts de chaleur et de masse ont été très peu explorés étant donné la difficulté d’accès à cette zone. Néanmoins, les mécanismes s’y déroulant peuvent jouer un rôle dominant dans la nucléation, la dynamique de croissance et de détachement d’une bulle de vapeur. A travers cette revue bibliographique, nous avons mis en évidence de nombreux phénomènes mis en jeu lors de la nucléation et la croissance d’une bulle de vapeur. Ces phénomènes sont complexes et interviennent de manière couplée. Nous avons donc choisi d’étudier par voie expérimentale la croissance d’une bulle de vapeur dans un cas simplifié où les effets de la convection naturelle sont quasiment inexistants et en régime lent. Nous étudierons la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur associée aux transferts de chaleur dans une configuration bidimensionnelle. Cette étude sera 1. L’expérience RUBI citée dans le chapitre précédent a pour objectifs de réaliser cela 3.3. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL 81 faite dans une cellule de Hele-Shaw pour nous rapprocher d’une configuration bidimensionnelle. L’orientation de la cellule et les conditions thermiques du liquide seront des paramètres étudiés. Nous nous attacherons à mesurer le plus finement possible leur impact sur la dynamique de croissance de la bulle et l’évolution des différents paramètres morphologiques de la bulle comme sa taille, la vitesse de la ligne de contact et de l’angle de contact. 3.3 3.3.1 Dispositif expérimental Introduction Comme nous l’avons vu précédemment, l’étude des phénomènes associés à la croissance d’une bulle de vapeur est difficile étant données les difficultés d’observation des interfaces liquide-vapeur. L’étude de la croissance d’une bulle de vapeur au contact d’une paroi fait partie des nombreux problèmes rendus difficiles par la présence d’une interface mobile et d’une ligne de contact joignant trois interfaces. Reynard [93] a montré que la convection Maragoni autour d’une bulle d’air dans de l’huile silicone est supprimée lorsqu’un thermocouple est introduit à proximité de l’interface. Ce problème expérimental nous amène donc à réaliser des investigations en utilisant des techniques optiques. Dans le cas d’ébullition en vase, Barthès [8] ainsi que Kenning [43] ont mis en évidence la difficulté d’obtenir des résultats fiables à partir de mesures déduites de techniques par imagerie. L’observation de la bulle sur site isolé est en effet perturbée par la déviation des rayons lumineux incidents parallèles à la paroi chauffée. La forme de la bulle est modifiée et une zone d’ombre masque la microrégion. Il n’était donc pas possible pour Barthès [8] en utilisant l’ombroscopie d’accéder notamment à la croissance de la bulle aux tous premiers instants et de réaliser des mesures d’angle de contact et de ligne de contact de la bulle. Pour éviter ces inconvénients, nous avons mis en place un dispositif basé sur le principe de la cellule de Hele-Shaw. Il consiste à confiner entre deux plaques parallèles une bulle en croissance dans son liquide et à travailler ainsi sur un modèle bidimensionnel. Ce type de cellule a déjà permis l’étude de différents phénomènes comme l’effet Marangoni [5], le mélange de deux liquides miscibles [57], ou encore les instabilités de Kelvin Helmholtz [68]. Nous reprenons la configuration de la bulle orientée vers le bas, déjà utilisée au laboratoire, adaptée à une cellule de Hele-Shaw. Dans ce cas la longueur du chemin optique et donc la déviation des rayons lumineux sont réduites. La croissance de la bulle de vapeur sera ainsi maı̂trisée du fait de l’orientation de la bulle tout en permettant une observation détaillée de la zone de microrégion, quelles que soient les conditions thermiques. Ce type de cellule présente plusieurs avantages. Il est toujours possible d’instrumenter en thermocouple de taille adaptée à l’épaisseur de liquide. Il est possible d’utiliser soit un montage optique à éclairage diffus dans le but de décrire uniquement croissance de la bulle, soit un montage interférométrique dans le but de mesurer les variations spatio-temporelles du champ de température autour de la bulle de vapeur en croissance. Dans ce cas, nous n’aurons pas à faire l’hypothèse couramment utilisée de révolution axiale lors du calcul du champ de température à partir du champ de phase. En revanche, il existe quelques inconvénients liés à ce type de cellule. Tout d’abord, il est difficile de chauffer uniformément un liquide sur une épaisseur de 1 mm et 40 mm de largeur 82 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW tout en contrôlant le profil de température sur la hauteur de la cellule (20 mm). Pour cela, nous avons utilisé un support au profil particulier. Puis, travaillant avec du FC-72, liquide mouillant avec l’ensemble des matériaux utilisés pour concevoir la cellule, nous sommes confrontés à des problèmes d’étanchéité. Nous utiliserons donc des cellules à usage unique, l’ensemble des pièces étant collées. Enfin, le fait de confiner le liquide entre deux plaques perpendiculaires à la surface sur laquelle se créent les bulles, les amènent à être en contact avec les hublots à partir d’une certaine taille. Cela introduit de nouvelles interfaces que nous supposerons inertes vis-à-vis des transferts de chaleur et de la dynamique des lignes de contact puisque le liquide utilisé est supposé parfaitement mouillant sur du verre et du plexiglass. Les objectifs liés à l’utilisation d’une cellule de Hele-Shaw seront donc les suivants. Tout d’abord nous nous attacherons à décrire le plus précisément la morphologie de la bulle de vapeur durant sa croissance. Cela passera par la mesure de grandeurs comme l’angle de contact, le volume, la position et la vitesse de la ligne de contact. Puis dans un second temps, nous effectuerons des mesures de champs de températures autour d’une bulle en croissance dans 3 conditions thermiques différentes et pour une de celles-ci, 4 inclinaisons de la paroi sur laquelle se crée la bulle. Notre démarche expérimentale sera donc la suivante. Dans un premier temps, nous nous concentrerons sur la validation de l’utilisation d’un tel dispositif à travers une étude globale de la croissance d’une bulle de vapeur. Nous utiliserons pour cela une instrumentation faite de thermocouple couplée à une acquisition vidéo pour laquelle nous avons développé un algorithme de traitement d’image spécifique. Son but sera de nous fournir une description précise de la morphologie de la bulle durant sa croissance. Puis, dans un second temps, nous utiliserons une technique non intrusive, l’interférométrie, dans le but d’apporter de nouvelles connaissances des transferts de chaleur autour d’une bulle de vapeur en croissance et plus précisément à proximité de la ligne de contact. 3.3.2 La cellule de Hele-Shaw Deux types de cellule ont été mises en oeuvre pour les deux méthodes de mesure, reprenant le principe des cellules de Hele-Shaw. Dans notre cas, la différence se trouve uniquement sur le type de hublot utilisé et l’adaptation des supports métalliques. Elles sont composées de deux blocs d’aluminium profilés afin de faciliter l’étanchéité de la cellule, le collage des hublots et de maintenir un écart de 1mm entre ces derniers. Cette distance est maintenue grâce à un décroché usiné sur les supports d’aluminium, comme on peut le voir sur les figures 3.12(b) et 3.12(c). Au préalable, le support supérieur est poli de la même manière que dans le chapitre précédent (voir paragraphe 2.2.2.2). La bulle de vapeur est générée sur un site de nucléation au niveau de la paroi inférieure de l’élément chauffant. Ce site de nucléation artificiel est réalisé à l’aide d’un micro foret, sur la paroi préalablement polie miroir. Le diamètre et la profondeur de ce site sont respectivement de 150 µm et 300 µm. Lors de l’assemblage, le maintien des hublots avant le collage définitif est assuré à l’aide d’un film adhésif de 53 µm évitant ainsi que du liquide ne remonte dans l’espace confiné entre le support d’aluminium et le hublot. Puis les hublots sont collés à l’époxy. Les montants latéraux en plexiglass sont maintenus mécaniquement, en plus du film adhésif et de la colle assurant l’étanchéité. Ils sont percés afin de permettre le passage des thermocouples (à travers des embouts de seringues), 3.3. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL (a) Vue isométrique d’un schéma de la cellule réalisé à l’aide du logiciel CATIA (c) Coupe transversale de la cellule à hublot en plexiglass 83 (b) Vue de face de la cellule à hublot en plexiglass (d) Coupe transversale de la cellule à hublot en verre Figure 3.12 – Plan et coupes de la cellule de Hele-Shaw 84 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW l’évacuation des bulles et l’alimentation en liquide de la cellule. Des résistances chauffantes de 13 Ω sont collées sur les deux parois verticales du bloc supérieur pour assurer l’apport de chaleur au fluide par conduction. Selon le type de mesure que l’on souhaite réaliser, soit un module à effet Peltier est disposé de part et d’autre de l’élément inférieur dans le but de maı̂triser le profil de température dans la cellule (surchauffe de la paroi et sous refroidissement du liquide), soit deux résistances chauffantes sont collées sur les parois verticales du bloc inférieur afin de diminuer l’effet du sous refroidissement du liquide contenu dans la cellule. 3.3.3 La boucle fluide La boucle fluide est détaillée sur le schéma de la figure 3.19(a) et son insertion dans l’ensemble du dispositif expérimental utilisé à l’IUSTI est illustrée sur la figure 3.19(b). La cellule de Hele-Shaw est reliée en trois points à une boucle permettant de réaliser les opérations de dégazage, remplissage et vidange de la cellule. Deux connections sont placées de part et d’autre de la cellule (à travers la paroi latérale en plexiglass) à une hauteur légèrement supérieure à la hauteur de la paroi afin de permettre l’évacuation des bulles. Le troisième raccord est situé en bas de la cellule (l’injecteur passe à travers le bloc d’aluminium). Les trois connections sont ensuite reliées ensemble puis connectées au vase d’expansion maintenu à la pression atmosphérique, permettant de s’assurer de travailler à la pression atmosphérique. Par un jeu de vannes, une seringue permet de dégazer le liquide dans le vase ou dans la cellule, ou bien de diminuer la pression dans le circuit avant de le remplir en FC-72 grâce à celle-ci. 3.3.4 L’acquisition des mesures Les températures sont mesurées à l’aide d’un peigne de thermocouples de type T disposés à l’aplomb du site dans la cellule de test afin de connaı̂tre le profil de température dans le liquide entre la zone chauffante (support supérieur) et la partie refroidie (support inférieur). Un thermocouple est placé derrière le site de nucléation dans un trou non débouchant (aucun contact avec le liquide). Et un dernier thermocouple est placé à 2 cm à l’extérieur de la cellule afin d’estimer les pertes thermiques avec l’environnement. Dans le cas de la mesure par interférométrie, le peigne de thermocouple est remplacé par un seul thermocouple servant de référence à la mesure de la température dans le liquide. Toutes les mesures de température réalisées au thermocouple ont une incertitude de mesure de ±0.5◦ . L’erreur commise sur la position de la mesure est de l’ordre de grandeur du diamètre du thermocouple, soit 0.25µm. Cette erreur correspondra à 25 pixels dans le cas de la visualisation la plus défavorable. Les trois connections de la cellule à la boucle fluide sont instrumentées avec des capteurs de pression Sensym, de type SCX10DN. Cela permet de connaı̂tre la pression dans la cellule à tout moment. Les acquisitions de température et de pression sont faites à l’aide d’une centrale National Instrument (Modèle SCX-1000) à la fréquence de 1kHz. Puis les moyennes de chaque grandeur sont calculées afin de déterminer les conditions stationnaires dans lesquelles nous nous trouvons. Les enregistrements vidéo sont réalisés par une caméra rapide Photron Fastcam Ultimate 1024. Elle est utilisée à faible fréquence d’acquisition afin d’avoir de longues périodes d’enregistrements (10 secondes) tout en conservant une haute définition. 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES (a) Schéma de la boucle fluide utilisée 85 (b) Boucle fluide insérée dans le montage optique en transmission Figure 3.13 – Boucle fluide utilisée sur l’ensemble des expériences 3.4 3.4.1 Principes de mesures optiques Visualisation par transmission Les mesures par transmission ont été réalisées sur le bâti expérimental installé à l’IUSTI. 3.4.1.1 Montage expérimental associé La cellule de Hele-Shaw est insérée, dans un premier temps, dans le montage optique transmission. Celui-ci est composé d’un panneau de LED à puissance variable auquel est ajouté un filtre optique 86 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Schéma du montage optique utilisé en transmission (b) Montage optique inséré dans l’ensemble du dispositif expérimental Figure 3.14 – Montage optique par transmission diffusant afin d’obtenir une source de lumière homogène. L’acquisition et l’enregistrement des films sont réalisés à l’aide d’une caméra rapide (Photron Fastcam Ultimate 1024). Elle est utilisé à la fréquence de 125 images par seconde. Selon la configuration du capteur CCD (512 par 512, 512 par 1024 ou 1024 par 1024), cela permet d’avoir un temps d’acquisition compris entre 4 et 16 secondes. La caméra est associée à un zoom VZM 600i d’Edmund Optics. Cela permet d’avoir une résolution de 6.5µm/pixel. La caméra est fixée sur un support à déplacement tridimensionnel par réglage micrométrique. 3.4.1.2 Mesures effectuées à partir des images Les expériences de croissance de bulle de vapeur différant des expériences d’évaporation de gouttes sessiles 2 , nous avons développé une application sous le logiciel Matlab afin d’effectuer les mesures voulues. Celle-ci a par ailleurs été testée dans le cas d’une goutte. Elle a donné entière satisfaction lors de la comparaison des résultats avec ceux obtenus par le logiciel développé par la société KRUSS pour leur tensiomètre à goutte pendante. L’application développée dans le cadre de cette thèse a pour but de déterminer aussi finement que possible l’ensemble des paramètres morphologiques de la bulle durant sa croissance (les positions du sommet de la bulle et de ses points de contact avec la paroi, son rapport d’aspect, le volume, l’écart entre les points de contact et son évolution temporelle...). Le traitement des images comporte plusieurs phases. Celui-ci commence par la création d’un masque binaire. Pour cela le seuillage des images est ajusté en fonction des intensités maximale et minimale des pixels. Puis nous calculons la norme du gradient de l’intensité sur l’image (cela revient à utiliser l’algorithme de Sobel sur l’ensemble de l’image, algorithme permettant la détection de contour sur une image). On obtient donc un champ de points relatif à l’ensemble des interfaces présentes à l’image. Ayant des images bruitées à cause de la présence de particules provenant de poussières d’usinage des différentes pièces de la cellule ou introduites avec le liquide, des points autres que ceux de la paroi et de la bulle 2. Dans le cas des gouttes sessiles, l’effet miroir du substrat est souvent utilisé pour déterminer l’ensemble des paramètres morphologiques, ce qui n’est pas possible dans le cas des bulles. 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES 87 sont présents à l’image. De plus, lorsque la bulle atteint les parois latérales, cela produit aussi un ensemble de points dans le cas de la géométrie de cette expérience. Afin de filtrer ces points dans la reconstruction de l’interface par segments, nous avons développé le système d’analyse suivant : • A partir d’un point de départ sélectionné à l’extrémité de l’interface faite par la paroi avec le liquide, l’ensemble des points situés dans une aire de rayon de 30 pixels sont repérés. Le point de référence se ”déplace” au point le plus proche. • Passée cette étape de départ, le point de référence a maintenant un vecteur de déplacement, donc un sens. Les points situés dans un arc de cercle de 30 pixels de rayon et de 90˚d’ouverture sont repérés. Cette arc de cercle est subdivisé en 20 sections d’angles constants. Le point de référence se déplace au barycentre des points situés dans l’arc où il y a le plus de points (phase de sélection), • L’ensemble des points de l’arc de cercle (de 80˚d’ouverture) situés à l’arrière de la direction d’avancée sont virtuellement placés à une distance lointaine pour éviter d’être sélectionné lors d’un éventuel recul (phase de nettoyage). • De proche en proche, cela permet d’atteindre l’autre extrémité de l’image en ayant suivi le contour continu de la paroi, de la bulle, puis de nouveau de la paroi. Cette phase de sélection et de nettoyage est représenté sur la figure 3.15. Sa sensibilité a été étudiée et permet notamment d’accentuer l’avancée rectiligne. Dans le cas de la bulle pour lequel on souhaite mesurer son angle de contact, il faut avancer jusqu’au point de contact (l’avancée rectiligne) tout en étant capable de bifurquer en sélectionnant l’interface de la bulle lorsqu’on a atteint la limite du point de contact (problème inexistant dans le cas de la goutte sessile). Une fois cette étape passée, l’interface est reconstruite par morceaux et il est possible d’effectuer la recherche des points particuliers de l’interface : le sommet de la bulle ainsi que les points de contact avec la paroi. Le sommet est le plus haut point parmi l’ensemble des points obtenus après le filtre. Le traitement de la demi-bulle gauche et de la demi-bulle droite est semblable : les points de contact à gauche et à droite sont les points de variation locale maximale de la tangente à l’interface. Les points constituant les deux demies interfaces sont interpolés par un polynôme de degré paire (généralement 4) permettant d’être sensible à une éventuelle variation de la courbure de la bulle. Le calcul de la dérivée des polynômes respectivement aux points de contact gauche et droit permet d’extraire l’angle de contact de la bulle à gauche et à droite. Cette distinction est faite car, comme nous le verrons par la suite, les deux angles ne sont pas forcément égaux selon les dynamiques de la bulle et de la ligne de contact. L’ensemble du traitement présenté dans ce paragraphe est illustré sur la figure 3.16. La mesure de la longueur de la ligne de contact est réalisée à partir de la position des deux points de contact de la bulle avec la paroi. En supposant la bulle bidimensionnelle, son volume est obtenu à partir de l’intégration de son contour : Z V =e dS s (3.7) 88 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.15 – Schéma de principe de filtre détectant les points de l’interface continue de la paroi et de la bulle avec le liquide Figure 3.16 – Superposition de l’image et des résultats du post-traitement 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES 89 L’effet tridimensionnel correspondant à la large bande sombre sur la figure 3.16, est ensuite soustrait pour obtenir le volume réel de la bulle. 3.4.2 Mesure par interférométrie Les mesures par interférométrie ont été réalisées au Microgravity Research Center (MRC) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) suite à une collaboration initiée dans le cadre du projet BOILING de l’Agence Spatiale Européenne. 3.4.2.1 Principe physique de l’interférométrie et analyse d’image L’interférométrie est une méthode de mesure optique, donc non-intrusive, permettant d’obtenir les variations spatiales de grandeurs intrinsèques comme une pression, une température, une variation de concentration, ou encore une variation d’épaisseur si aucune des grandeurs citées précédemment ne varie. Dans notre cas, travaillant avec une seule espèce chimique (cas de l’ébullition sans gaz incondensable), l’objectif de notre mesure est de déterminer le champ de température autour d’une bulle de vapeur durant sa croissance, jusqu’à son détachement. Cette méthode est très peu utilisée dans le cas du changement de phase. Beer [10], Matekunas et Winter [63], Mayinger [66, 65] sont parmi les principaux auteurs utilisant cette technique. Ces contributions sont relativement anciennes et il n’existe pas aujourd’hui de mesures de champ de température autour d’une bulle de vapeur en croissance. Stoica et Stephan [107] ont récemment obtenu le champ de température autour d’une bulle de vapeur à l’état stationnaire. La particularité de l’interférométrie par rapport aux autres méthodes optiques comme l’ombroscopie ou la méthode BOS (pour Background Oriented Schlieren) provient de l’information quantitative qu’elle peut délivrer sur la répartition des indices de l’objet étudié. L’interférométrie est en effet une méthode très sensible qui consiste à faire interférer deux ondes issues d’une même onde incidente, donc de même amplitude et de même longueur d’onde. L’une des deux ondes traverse la cellule et renferme ainsi la trace des variations d’indice. L’autre ne traverse pas la cellule pour ne pas être perturbée, et sert ainsi de référence pour mesurer les chemins optiques dans l’objet. Les franges d’interférence qui apparaissent lors de la superposition des signaux constituent des lieux de points où la différence de trajet optique entre les deux ondes est constante et entre deux franges voisines la différence de chemin est égale à la longueur d’onde de l’onde incidente. Le dépouillement des interférogrammes à travers le calcul des variations locales de la phase conduit aux indices et donc, dans notre cas, au champ de température. Dans tous les cas, les méthodes optiques délivrent une information bidimensionnelle sur un écoulement tridimensionnel (intégration des variations d’indice sur le trajet de la lumière d’éclairage). Cependant, lorsque le phénomène à observer est axisymétrique, il est possible de remonter aux isothermes par des méthodes de calcul. Dans notre cas, nous considérons le phénomène bidimensionnel, évitant donc cette dernière phase et ses hypothèses. Il existe différents montages optiques permettant d’obtenir la phase optique nécessaire pour le calcul du champ de température. Pour plus de détails, on peut se référer aux ouvrages de Mayinger et Feldman [67] et de Tropea, Yaris et Foss [113]. La principale différence réside dans la manière de calculer le champ de phase. Dans le cas d’un interféromètre utilisant un élément piézoélectrique (placé comme support d’un des deux miroirs), la phase sera calculée à partir d’une séquence d’images enregistrées avec une synchronisation de l’élément piézoélectrique. Dans le cas Stoica [107], ils ont utilisé 4 images du même objet, déphasé de π/2 (I1 , I2 , I3 , I4 ). Le signal obtenu sur l’interférogramme 90 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW ayant la forme suivante : q I (x, y) = Iref. (x, y) + Iobj. (x, y) + 2 Iref. (x, y) .Iobj. (x, y).cos (φ (x, y)) (3.8) Où I est l’intensité lumineuse de l’interférogramme, Iref. et Iobj. sont les intensités des faisceaux servant de référence et ayant traversé l’objet étudié par l’interféromètre, et φ, la phase de l’interférogramme. Le déphasage sera obtenu en combinant 4 interférogrammes différents : I4 − I2 φ (x, y) = arctan I1 − I3 (3.9) Cette dernière formule dépend du nombre d’images prises en modifiant le déphasage intrinsèque du système à l’aide du dispositif piézoélectrique. Cette méthode dite de ”Phase Shift Interferometry”, bien que couramment utilisée car très précise, ne peut être utilisée que dans le cas d’étude de phénomènes lents et ne nécessitant pas une vitesse d’acquisition élevée. Cette méthode plus précise que les deux autres méthodes 3 calculant le champ de phase a été utilisée par Stoica et Stephan [107]. Dans notre cas, travaillant à une vitesse d’acquisition de 250 images par seconde, il n’est pas possible d’utiliser cette méthode. J’extrairai donc la phase de l’interférogramme en travaillant dans l’espace de Fourier. Cette méthode se décompose en plusieurs étapes : • La transformée de Fourier de l’interférogramme fournit sa carte de fréquence bidimensionnelle (voir figure 3.18(a)), • Un masque est appliqué dans le but de sélectionner la zone spécifique de l’interférence du à la présence de la cellule et d’éliminer la phase moyenne du laser (voir figure 3.18(b)), • L’espace de Fourier est recentré sur la fréquence maximale comprise dans la zone sélectionnée (voir figure 3.18(c)), • Le champ de phase de la cellule est obtenu par la transformée de Fourier inverse(voir figure 3.17(d)), • Comme la phase est définie sur le domaine [−π; π] modulo 2π, il est nécessaire de ”dérouler” la phase. Les figures 3.17(e) et 3.18(e) présentent le résultat de déroulement de phase en utilisant l’algorithme de Goldstein sans et avec un masque de pondération. L’algorithme de Goldstein est de type parcours de chemin. Il a été modifié afin de pouvoir être pondéré par un masque indiquant les pixels dont on ne devait pas tenir compte pour le calcul de la phase déroulée. Il existe une seconde approche, dite de minimisation de la norme. L’ensemble des algorithmes (ainsi que les programmes en C) utilisés pour le déroulement de phase sont détaillés dans l’ouvrage de Ghiglia et Pritt [28]. Comme cela a déjà été dit, la variation de la phase est lié à la variation de l’indice de réfraction du milieu traversé par le faisceau laser (n) : φ (x, y) = 2π λ Z S [n (x, y, z) − nref. ] dS 3. méthodes passant par l’espace de Fourier ou méthode des ondelettes (3.10) 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES 91 (a) Image obtenue lors d’une expérience (ou interférogramme) (b) Transformée terférogramme (c) Transformée de Fourier filtrée et recentrée sur le déphasage (d) Phase non déroulée obtenue par transformée inverse de la transformée de Fourier filtrée (e) Phase déroulée sans utiliser de masque (f) Phase déroulée en utilisant un masque de Fourier de l’in- Figure 3.17 – Détails du traitement permettant de calculer le champ de température à partir d’un interférogramme 92 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Où S est le chemin optique parcouru par le laser. Supposant que la déviation du faisceau laser passant à travers la cellule est négligeable et que l’indice de réfraction du liquide ne varie pas dans la profondeur de la cellule (cela sous-entend que l’on suppose que le champ de température est purement bidimensionnel), la relation entre la phase et l’indice de réfraction prend la forme : φ (x, y) = 2π e. [n (x, y) − nref. ] λ (3.11) où e est l’épaisseur de la cellule. Si on suppose en première approximation que l’indice de réfraction du liquide varie linéairement avec sa température, on obtient la relation entre le déphasage et la température du liquide : φ (x, y) = 2πe.∆n [T (x, y) − Tref. ] λ (3.12) où ∆n est le coefficient de proportionnalité entre l’indice de réfraction et la température. Donc le champ de température sera obtenu à partir de la relation suivante : T (x, y) = 2πe.∆n .φ (x, y) + Tref. λ (3.13) Où Tref. est la température de référence prise en un point dans la cellule. Dans notre cas, elle sera mesurée à l’aide d’un thermocouple. Cependant, cette mesure n’est pas suffisante pour effectuer une mesure précise du champ de température. En effet, l’ensemble des composants optiques induisent déjà un champ d’interférence alors que l’ensemble des composants sont à la température de la pièce (y compris la cellule de Hele-Shaw). Cette phase est la phase optique du dispositif. Provenant du non-parallélisme des instruments, des hublots, elle est modifiée au moindre déplacement d’un des composants du dispositif. Cette phase est donc une inconnue de plus durant la mesure. Elle est toutefois constante dans le temps. Pour s’en abstraire, la méthode usuelle consiste à mesurer ”à froid” les interférences du système puis de soustraire cette phase à toutes les phases mesurées. D’autre part, le fait d’imposer des contraintes thermiques à la colle servant à fixer les hublots laisse supposer qu’il pourrait y avoir une modification du parallélisme de ces derniers. les mesures obtenues n’auraient pas été aussi précises que ce que nous souhaitions. Dans ce cas, nous avons effectué une mesure relative consistant à mesurer l’impact de la présence de la bulle sur le champ de température. Comme nous le verrons, celui-ci est composé d’une couche de liquide surchauffé à proximité de la paroi. En s’éloignant de celle-ci, le champ de température suit un profil donné dépendant des conditions expérimentales imposées sur le haut et le bas de la cellule. 3.4.2.2 Analyse et traitement d’image pour la morphologie de la bulle Comme nous l’avons vu dans le paragraphe précédent, la précision de l’opération de déroulement de phase est plus précise si on pondère le champ de phase non-déroulé par une image binaire (un masque). A l’aide du logiciel ImageJ, nous avons appliqué un traitement aux interférogrammes afin d’en déduire un masque permettant de ne pas tenir compte du bruit situé à l’intérieur de la bulle et sur la paroi solide. De plus, ce masque sera aussi utilisé pour extraire les grandeurs morphologiques de la bulle durant sa croissance. Le traitement suit les étapes suivantes : 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES 93 • Une opération d’ouverture permet de moyenner le bruit créé par les franges d’interférences, cette opération consistant à attribuer la moyenne de l’intensité des points compris dans un disque de rayon donné au pixel se situant au centre du disque lissera l’image. • Le contraste de l’image est ensuite ajusté sur 255 niveaux de gris à partir du minimum et du maximum de l’image (avant cette opération, l’intensité de l’image est typiquement comprise entre 0 et 140). • Un seuillage au niveau de gris 127 est appliqué pour binariser l’image. • Enfin, le contour du masque est détecté à l’aide d’un filtre de Sobel. L’image d’origine ainsi que toutes les étapes intermédiaires se trouvent sur la figure 3.18. Ce traitement d’image permettra à la fois d’avoir un masque pour le déroulement de la phase et d’en extraire les paramètres morphologiques recherchés. Une fois ce traitement réalisé, la méthode de mesure est identique à celle décrite dans le paragraphe 3.4.1.2. 3.4.2.3 Montage expérimental associé La cellule de Hele-Shaw est installée sur le faisceau de mesure d’un interféromètre de type MachZehnder. L’ensemble du dispositif expérimental est placé sur une table pneumatique dans le but d’éviter toute vibration durant les mesures. L’interféromètre se compose d’un laser Helium Néon, de longueur d’onde 632, 8nm. Dans le but de contrôler la puissance du laser durant l’ensemble des expériences, un filtre polarisant est utilisé à la sortie du laser. Comme le faisceau de sortie du laser est petit devant la taille de zone d’étude, celui-ci passe à travers un trou optique de 30µm suivi d’une lentille pour paralléliser le faisceau. Un cube ”séparateur” permet ensuite de le diviser en deux faisceaux : le faisceau de référence et le faisceau de mesure. Le faisceau de référence est ensuite dévié en direction de la caméra à l’aide d’un miroir de 80mm. Le faisceau de mesure, une fois passé à travers la cellule est aussi dévié vers la caméra à l’aide d’un miroir de 80mm de diamètre. Le faisceau est enfin recombiné à l’aide d’un cube séparateur de 50mm de coté. Une caméra rapide (modèle Photron Fastcam Ultimate 1024) est utilisée pour l’acquisition des images à 250 images par seconde. Elle est équipée d’un macro-objectif Nikon Micro Nikkor (focale 105mm et ouverture de 2.8) surmonté pour certaines expériences d’une bague de rallonge permettant de diviser par deux la résolution durant la mesure, passant de 11.6µm pour les mesures sur l’influence du sous-refroidissement à 6.5µm dans le cas des mesures à paroi inclinée. Selon la taille de la bulle, la taille du capteur CCD est adaptée passant d’un champ de vision 512 par 512 pixels pour les mesures à paroi horizontale à un champ en 512 par 1024 pixels lorsque la paroi est inclinée (modification de la taille du champ d’observation permettant de suivre la bulle lorsqu’elle glisse sur la paroi. 94 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Interférogramme de l’expérience (b) Interférogramme filtré (c) Interférogramme filtré et à l’intensité modifiée (d) Binarisation de l’image 3.18(c) (e) Détection des interfaces par un filtre de Sobel Figure 3.18 – Détails des étapes donnant l’interface continue paroi-bulle 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES (a) Schéma du montage optique utilisé en interférométrie : interféromètre de type MachZehnder 95 (b) Montage optique installé autour de la boucle fluide Figure 3.19 – Montage optique par transmission 3.4.3 3.4.3.1 Préambule : résultats préliminaires Evaluation des pertes latérales de la cellule Dans le but de maı̂triser le comportement thermique du liquide dans la cellule de Hele-Shaw et de connaı̂tre le profil de température stratifié dans le cas où les transferts de chaleur sont uniquement dus à la conduction dans le liquide, une mesure du champ de température instationnaire a été réalisée depuis l’instant où la cellule est chauffée jusqu’à ce qu’elle ait atteint un état stationnaire. La seconde raison motivant cette démarche est due à un problème induit par l’utilisation de l’interférométrie et à la phase de référence du système optique (déphasage 4 induit par la présence de la cellule sur le faisceau de mesure. Bien qu’étant à la température de la pièce, sa présence provoquera un déphasage. Le champ de phase résultant de l’interférogramme ne sera pas uniforme. Il est du notamment aux défauts de parallélisme des hublots et à leurs variations d’épaisseur. C’est la raison pour laquelle les hublots en verre (faible variation d’épaisseur mais difficulté de mise en oeuvre) ont remplacé les hublots en plexiglass (usinage aisé pour l’adapter au dispositif mais très forte variation d’épaisseur : jusqu’à 0.3 mm sur un hublot de 3 mm). 4. Par abus de langage, on parle de phase pour désigner le déphasage entre les faisceaux de référence et de mesure de l’interféromètre 96 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Champ de température à l’état stationnaire (b) Vérification de la validité de l’outils de mesure de la phase en haut de la cellule grâce au thermocouple dans la paroi Figure 3.20 – Mesure du champ de température par intérférometrie et comparaison avec la température de la paroi mesurée avec un thermocouple Les conditions opératoires sont les suivantes : à t=0, début du chauffage à puissance constante à travers le bloc d’aluminium supérieur, la condition à la limite en bas de la cellule étant laissée libre. A cet instant, l’acquisition de température (faite à 10 Hz) commence. Elle est synchronisée avec l’enregistrement vidéo (1 image toutes les 10 sec). L’état thermique stationnaire signifie la fin de l’expérience (enregistrement durant 1000 sec). Les conditions de température dans la cellule sont suivies à l’aide des deux thermocouples servant de référence. Lors de la transformation du champ de phase déroulée en champ de température, la mesure de la température dans la paroi supérieure est comparée sur la figure 3.22(a) à la mesure de la température du liquide à proximité de la paroi, par calcul à partir de la phase. Si on tient compte de l’incertitude de mesure sur les thermocouples (0.5˚C), ce résultat est satisfaisant. Ayant mesuré le champ de température , il est possible d’appliquer un modèle thermique monodimensionnel au liquide pour estimer les pertes latérales. Par ailleurs, cela nous permettra de connaı̂tre le champ de température dans le liquide à partir de deux mesures de température. Cette information est très importante dans le but d’obtenir des mesures quantitatives à l’aide de l’interférométrie : le thermocouple servant de référence dans le liquide n’étant pas à l’image , nous calculerons la température en bas de l’image (en zone non-influencée par la croissance de la bulle) à partir de la valeur relevée par les deux thermocouples et le modèle de conduction couplé à des pertes latérales.La figure 3.22(b) nous confirme que nous nous trouvons bien dans le cas d’un champ de température quasi-monodimensionnel. Supposant le champ de température dans le liquide monodimensionnel (comme on peut le voir sur la figure 3.22(b)), ne variant que suivant la hauteur dans la cellule (modèle d’ailette), le bilan de flux d’un élément d’épaisseur dy représenté sur la figure 3.21, est le suivant : qcond (y + dy) .dx.e = qcond (y) .dx.e − 2qperte dxdy (3.14) Où les pertes latérales sont exprimées sous la forme qperte = h (T (y) − Text ). Ce modèle d’ailette en intégrant la loi de Fourier des transferts conductifs prend la forme d’une équation différentielle 3.4. PRINCIPES DE MESURES OPTIQUES 97 Figure 3.21 – Schéma du modèle d’ailette utilisé pour estimer le coefficient de pertes latérales du second degré : d2 T 2h − (T − Text. ) = 0 2 dy λl e (3.15) q − 2h y eλl q 2h eλ y l La résolution de cette équation amène à une solution du type : T (y) = Text +A.e +B.e Pour déterminer les trois inconnues définissant le profil de température, j’utilise un profil vertical du champ de température à l’état stationnaire représenté en rouge sur la figure 3.22(a). Sur la figure 3.22(b), le même profil (en rouge) est comparé au profil obtenu à partir du modèle (en noir) par minimisation de l’erreur. Dans ce cas, A, B, et le facteur des termes exponentiels prennent respectivement les valeurs 12.73, -0.028 et 345.73. Le coefficient d’échange global h obtenu est égal à 3.1W/m2 /K. Il comprend les transferts dans la paroi et dans l’environnement ambiant. Pour établir le profil de température dans la cellule, nous nous aiderons donc de cette valeur. Mais comme les conditions opératoires changeront, nous nous appuierons aussi sur les mesures de profils de température réalisées à l’aide de plusieurs thermocouples et nous les comparerons afin de modifier les trois coefficients du modèle. Dans ce cas, le profil sera déterminé à partir des mesures de température dans la paroi, en un point dans le liquide, dans l’élément inférieur de la cellule et dans l’air ambiant. 98 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Profil vertical de température durant la phase instationnaire (temps entre 2 courbes : 50 secondes) (b) Comparaison des profils de température expérimental et théorique à l’état stationnaire Figure 3.22 – Mesure de température dans la cellule de Hele-Shaw durant l’expérience de montée en température 3.4.3.2 Absence d’effet mirage Comme cela a été souligné en introduction de la présentation de ce dispositif expérimental, les configurations traditionnelles d’étude de l’ébullition nucléée sont sujettes à des déformations d’images dues à la présence d’un gradient d’indice du liquide plus ou moins fort à proximité de la paroi. Dans le cas des configurations inversées, l’effet mirage est le principal inconvénient du fait de l’absence de convection naturelle permettant habituellement d’évacuer une part importante du flux de chaleur (évitant ainsi une surchauffe du liquide à proximité de la paroi). Proposant ici une nouvelle configuration expérimentale évitant ce désagrément, nous devons vérifier l’absence d’effet mirage. Un élément en plastique dont la forme est parfaitement connue est placé dans la cellule à la place de la bulle. Il s’agit d’un cylindre d’épaisseur égale à l’épaisseur de liquide.Un arc de cercle lui a été retiré afin d’avoir un angle de contact avec la paroi de 22˚comme on peut le voir sur la figure 3.23(b). La cellule est instrumentée avec 5 thermocouples identiques, comme cela a été présenté dans le paragraphe dédié à la description du dispositif expérimental. Cela permet de mesurer les profils de température pour différentes conditions thermiques comme on peut le voir sur la figure 3.23(a). Nous avons étudié deux manières différentes de calculer le gradient thermique à la paroi. La première méthode est la suivante : supposant que le profil de température est linéaire entre le thermocouple le plus proche de la paroi et celui situé dans la paroi, on calcule le gradient thermique local à proximité de la paroi à partir de la différence de température entre ces deux thermocouples ramenée à la distance les séparant en tenant compte de la conductivité thermique du liquide. Cette méthode est appelée ”Flux(Thermocouple)” sur la figure 3.23(b). La seconde méthode utilise le modèle détaillé dans le paragraphe précédent. Une minimisation de l’écart entre le profil théorique (T (y) = Text + A.e−Cy + B.eCy ) nous fournit les trois paramètres A, B et C. A la paroi (en y = 0), le flux thermique est défini par λl f racdT dy (y = 0) = −λl C (B − A). Cette méthode supposant que le profil de température est une loi exponentielle de la distance à la paroi, accentue le gradient à la paroi par rapport à la méthode précédente. Elle est appelée ”Flux(Modèle)” sur la figure 3.23(b). 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE (a) Profils de température mesurés dans le liquide (points bleus) et ceux déduits du modèle du paragraphe précédent (courbe rouge) 99 (b) Mesure de l’angle de contact du support pour différents gradients thermiques calculés par deux méthodes différentes Figure 3.23 – Estimation de l’effet mirage dans la cellule de Hele-Shaw Différents gradients thermiques sont étudiés sur une gamme allant de l’état isotherme à un gradient de 180W/m2 . Ce gradient maximal correspond à une variation de température de 2700K/m. La figure 3 présente l’ensemble des résultats obtenus. Aucune variation significative de l’angle de contact n’est observée compte tenu de l’incertitude de plus ou moins 5˚. Dans le cas d’une configuration tridimensionnelle, la variation peut atteindre plusieurs dizaines de degré [8]. 3.5 3.5.1 Etude de la croissance d’une bulle de vapeur unique Etude de la dynamique de croissance d’une bulle de vapeur Ne pouvant pas effectuer simultanément de mesures précises des grandeurs morphologiques (notamment de l’angle de contact et de longueur de la ligne de contact 5 ) Nous avons décidé d’effectuer les mesures séparément. Toutefois, la comparaison entre les deux campagnes de mesures sera possible grâce aux profils de température ”conductifs” mesurés dans le premier cas, à l’aide de thermocouple, puis par interférométrie. 3.5.1.1 Etude morphologique d’un cas de référence Le cas de référence que je vais décrire maintenant est issu de l’ensemble des croissances de bulle étudiées avec comme paramètre variable, le champ de température dans le liquide entre le haut et le bas de la cellule. Il s’agit d’un cas où la paroi est dans une position horizontale. Les conditions de température loin du site de nucléation sont celles de la cinquième série de mesure rapportée dans 5. Nous appellerons ligne de contact, la distance entre les deux points de contact visibles à l’image, bien que celle-ci soit en réalité une ligne continue décrivant une forme d’ellipse. Dans ce cas, notre définition correspondrait au grand axe de l’ellipse. 100 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.24 – Visualisation de la croissance d’une bulle (résolution spatiale constante et pas de temps de 0.16 puis 0.48 sec.) 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 101 le paragraphe. Dans cette configuration, le profil de température est semblable à ceux que nous imposerons lors des mesures par interférométrie dans le but de faire une éventuelle comparaison (bien que les hublots de la cellule soient modifiés). Les visualisations de la bulle à différents instants durant sa croissance sont rapportées sur la figure 3.24 (la résolution des images est de 6 µm par pixel). Dans ce cas, la base de la bulle sur les images n = 20 et n = 40 mesure 180 µm qui correspond au diamètre du site de nucléation réalisé avec un foret de 150 µm de diamètre (l’écart est du à la matière enlevée en plus de la taille du foret). La croissance de la bulle peut se décomposer en 5 étapes successives : • Une fois la bulle précédente détachée du site de nucléation, la nouvelle bulle croı̂t dans le site de nucléation. A cet instant, on n’aperçoit que le sommet de la bulle dépassant légèrement du site (n=0), • La bulle croı̂t toujours dans le site de nucléation et commence à en sortir. La ligne de contact de la bulle est toujours située dans le site (n=20 à 40). Cette étape se finit lorsque la ligne de contact a atteint le périmètre d’entrée du site de nucléation, • La bulle se développe à présent dans le liquide mais la ligne de contact ne bouge pas. Cette phase est celle de la décroissance de l’angle de contact de la bulle passant de 120˚à 30˚(n=40 à 60), • Une fois l’angle de recul atteint, la bulle va croı̂tre durant un régime apparent de glissement de la ligne de contact (n=60 à 240), • La dernière phase est identique à la précédente mis à part le contact de la bulle avec les parois latérales se traduisant visuellement par un agrandissement et une déformation (passage d’un cercle à une ellipse) de la zone claire au centre de la bulle (n=240 à 420). Comme cela vient d’être dit, plusieurs paramètres morphologiques de la bulle sont modifiés durant la croissance de la bulle, la variation de volume de la bulle étant la manifestation première de la dynamique des transferts de chaleur. Or les travaux cités dans la revue bibliographique montrent l’intérêt d’étudier aussi la dynamique de la bulle à une échelle locale, notamment, à la ligne de contact. Nous nous intéressons donc à la dynamique de la ligne de contact et à l’angle de contact de l’interface liquide-vapeur 6 . Nous retrouvons à travers le suivi temporel des grandeurs citées les différentes étapes de croissance détaillées précédemment. Une fois la bulle visible hors du site de nucléation, celle-ci a principalement une croissance verticale traduite sur la figure 3.25 par une augmentation de sa hauteur alors que l’écart entre ces points de contact reste stable. En même temps, la rapide décroissance des deux angles de contact caractérise l’éclosion de la bulle dans le liquide à partir du site de nucléation. Les premières valeurs mesurées sont d’environ 100˚lors de l’apparition de la bulle hors du site, et 6. Nous gardons ici la convention utilisée par la communauté scientifique étudiant la mouillabilité. L’angle de contact de la bulle est l’angle liquide. 102 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.25 – Evolution temporelle des différentes grandeurs mesurées (a) Evolution de l’angle de contact du liquide relative à la condition expérimentale n :˚5 de la figure 3.29 (b) Angle de contact moyen de toute les courbes de la figure 3.26(a) Figure 3.26 – Evolution des angles de contact du liquide durant la croissance de la bulle 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 103 elles diminuent jusqu’à 30˚, angle de contact fluctuant très peu durant le glissement de la ligne de contact sur la paroi chauffée. La transition entre ces deux valeurs caractéristiques se fait différemment selon la vitesse de croissance de la bulle. Dans le cas présenté ici, la transition se fait sans arrêt entre les deux valeurs. Lorsque la vitesse de croissance est faible, il a été relevé un angle d’arrêt compris entre 45˚et 50˚. Cette valeur d’angle de contact est celle observée durant les expériences conduites en microgravité [95]. Dans notre cas, cela correspond à l’angle de contact du à l’accroche de la ligne de contact sur les bords du site de nucléation. Il est toutefois difficile de montrer, par l’expérience, l’existence de ce seuil dans le cas des mesures effectuées ici, du fait du bruit de mesure induit par la méthode de reconstruction d’interface par morceau durant la phase dynamique de la croissance de la bulle. Dans le but de diminuer ce bruit sur la mesure de l’angle de contact, une moyenne de différentes croissances successives dans des conditions thermiques identiques a été effectuée. La figure 3.26(a) présente les mesures utilisées pour effectuer la moyenne. Celle-ci est présentée sur la figure 3.26(b). Le seuil à 48˚n’est cependant pas assez net pour conclure quant à son existence. Une fois l’angle de contact de glissement atteint, la croissance de la bulle est quasi-linéaire. La variation des écarts entre les courbes de volume, de distance entre les deux pieds de la bulle, et le sommet traduisent l’augmentation du rapport d’aspect entre les petits et grands axes, si on suppose que le contour de la bulle est une ellipse. Cette conclusion est propre aux expériences menées au laboratoire pour lesquelles la cellule de Hele-Shaw était placée dans une enceinte de confinement dans laquelle la température était plus élevée que la température extérieure. Ce dispositif a été utilisé dans le but de diminuer les pertes latérales. D’autres mesures effectuées au MRC à la fréquence d’acquisition de 250 images par seconde permettent d’identifier différents régimes de croissance. Le volume de la bulle est reporté sur la figure 3.27. Toutes les courbes de cette figure ont été obtenues pour une seule condition thermique, la première détaillée dans le paragraphe 3.5.2.2. Dans cette série d’expérience, la cellule n’a pas été confinée dans une enceinte. Donc le comportement thermique de la cellule est différent (d’avantage de pertes latérales dues à une température plus basse dans le milieu environnant).En échelle linéaire, il n’est pas possible d’observer l’ensemble des changements de comportements de la loi de croissance du volume de la bulle. Les différentes étapes dans la croissance de la bulle son en revanche observables sur la figure 3.28 par des changements de pente. Lors de la sortie de la bulle du site de nucléation, il n’y a pas d’unité du point de vue de la dynamique de croissance. Cela provient des différences d’états du liquide précédant la nucléation de la bulle. Si une bulle se détache du site avant la nucléation de la bulle étudiée, la diminution de pression dans le sillage de la bulle précédente favorise une sortie rapide du site. A contrario, dans le cas où aucune bulle n’est passée devant le site de nucléation, la sortie du site est lente. Puis la bulle continue sa croissance tout en ayant ses deux pieds en contact avec le bord du site de nucléation. Une fois la ligne de contact détachée, la bulle de vapeur va croı̂tre selon un régime de glissement tout en restant de forme sphérique et ceci, jusqu’à atteindre un rayon équivalent égal à la longueur capillaire. Passé ce stade, la bulle va prendre une forme d’ellipsoı̈de sous l’effet de la gravité plaquant la bulle contre la paroi supérieure. Enfin, la bulle sera confinée entre les deux hublots latéraux et aura de nouveau un taux de croissance modifié. Ces résultats ne sont pas comparables quantitativement du fait de la modification du design de la cellule adaptée aux contraintes des mesures optiques. Toutefois, nous observons dans les deux cellules le même 104 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.27 – Evolution du volume de la bulle pour la première série de mesure réalisée avec le deuxième dispositif dédié aux études thermo-morphologiques (Echelle linéaire) Figure 3.28 – Evolution du volume de la bulle pour la première série de mesure réalisée avec le deuxième dispositif dédié aux études thermo-morphologiques (Echelle logarithmique) 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 105 type ce croissance linéaire par morceaux. 3.5.1.2 Influence des conditions thermiques sur la dynamique de croissance Cette étude morphologique, conduite à l’IUSTI, a été effectuée pour différentes conditions thermiques. 6 profils de température différents ont été imposés dans la cellule dans le but de modifier les conditions de sous-refroidissement tout en maintenant la même température de paroi. A partir de mesures de température effectuées en 6 positions régulièrement espacées et présentées sur la figure 3.29, il est possible d’obtenir différentes informations : le sous refroidissement 7 , le flux macroscopique à la paroi. Etant donné l’évolution du volume durant la croissance de la bulle, différentes analyses sont possibles : • L’ensemble de la courbe du volume suit une loi en puissance du temps du type V (t) = V0 + Atn . Et on étudie l’impact du sous-refroidissement sur les coefficients de la loi obtenue par minimisation de l’erreur. • La seconde possibilité consiste à étudier uniquement la partie linéraire de la loi de croissance du volume de la loi linéaire une fois que la bulle est en régime de glissement. Cette deuxième approche, plus simple que la précédente, a comme défaut de tenir compte uniquement de la croissance lorsque la bulle est en contact avec les parois latérales. Les exposants obtenus avec le premier traitement des données sont rapportés sur la figure 3.30(a). Ces derniers suivent, en première approximation, une loi linéaire en fonction du refroidissement. Il est intéressant de noter que l’ordonnée à l’origine de cette régression linéaire vaut 1. Si on suppose que la croissance de la bulle est purement bidimensionnelle, c’est-à-dire que le volume s’exprime en fonction du carré du rayon de la bulle, cela signifie que dans le cas hypothétique d’un sousrefroidissement nul, le volume suivrait une loi linéaire avec le temps. Le rayon du disque équivalent suivrait une loi de croissance purement diffusive en puissance 0.5, comme cela a été cité dans la bibliographie. A partir des valeurs relevées, il est possible de comparer le taux de croissance des bulles avec la vitesse de déplacement des points de contact sur la figure 3.30(b). Il existe dans ce cas une relation linéaire entre les deux équations : Vldc = 1.04 dV − 0.02 dt (3.16) La bulle n’étant ni une sphère, ni une ellipsoı̈de, il n’est pas possible de comparer cette relation obtenue expérimentalement à un modèle simple. Cela nécessiterait l’utilisation d’un outils de simulation numérique. 7. la définition du sous refroidissement nécessite de connaı̂tre la température à l’infini. Dans notre cas, il n’est pas possible de configurer la cellule avec une température constante loin de la paroi. Nous avons donc décidé arbitrairement de prendre la valeur de la température du liquide égale à la température la plus faible dans la cellule. 106 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.29 – Profils de température expérimentaux dans la cellule (mesures : points ; modèle : ligne) (a) Influence du sous-refroidissement sur l’exposant de la loi de puissance du volume de la bulle (b) Inluence du sous-refroidissement sur le taux de croissance de la bulle et la vitesse de déplacement de la ligne de contact Figure 3.30 – Influence du sous-refroidissement sur la croissance de la bulle 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 107 Figure 3.31 – Influence du sous refroidissement sur les angles de contact droite et gauche limites Les ordres de grandeurs révélés par cette figure rappellent surtout que nous nous trouvons dans une configuration expérimentale différente de celles rencontrées couramment dans la littérature où les vitesses de ligne de contact sont 2 à 3 ordres de grandeurs plus élevés [91]. Dans notre cas, il n’est donc pas étonnant d’observer un angle de contact constant quel que soit la vitesse de croissance de la bulle ou de déplacement de la ligne de contact. Dans notre cas, la vitesse de croissance des bulles étant contrôlée par le niveau de sous-refroidissement, cela signifie qu’il n’a pas d’influence sur l’angle de contact de glissement comme on peut le voir sur la figure 3.31. Dans le cas où la croissance de la bulle est une succession de croissance linéaire du volume avec le temps, nous étudions le taux de croissance de la bulle ( dV dt ) en fonction du sous-refroidissement du liquide. De la même manière que pour une analyse classique de la croissance d’une bulle de vapeur en loi de puissance, on peut observer sur la figure 3.32 que le sous-refroidissement tend à ralentir la croissance de la bulle. La différence entre une analyse linéaire et une loi de puissance traduit une différence dans l’origine des flux de chaleur permettant la croissance de la bulle. Dans le cas d’un sous-refroidissement nul, nous avons vu que la loi de puissance décrirait une croissance diffusive où les flux de chaleur auraient pour origine l’ensemble de l’interface liquide-vapeur(puissance de changement de phase proportionnelle à la surface d’échange avec le liquide) . Dans le cas d’une croissance linéaire, cela traduirait une origine située en pied de bulle (puissance de changement de phase proportionnelle à la longueur de la ligne de contact). 108 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW Figure 3.32 – Taux de croissance de la bulle par une analyse linéaire de sa loi de croissance 3.5.1.3 Influence de l’orientation de la paroi sur la dynamique de croissance L’étude de l’influence de l’inclinaison de la paroi sur la dynamique de croissance de la bulle a été réalisée à partir des vidéos d’interférométrie. Bien que celles-ci soient bruitées et ne permettent pas de définir correctement les angles de contact lors de l’émergence de la bulle du site de nucléation, il est possible de mesurer l’effet de l’inclinaison de la paroi à des temps plus longs. Les différentes conditions expérimentales sont rassemblées dans le tableau 3.1. Table 3.1 – Orientation de la paroi et données caractéristiques des angles de contact au point de contact fixe Conditions Angle de la paroi Amplitude des oscillations angle maximal Fréquence Pente 1 0.7˚ 20.1 61.1 3.0 Pente 2 1.2˚ 19 75.5 4.9 Pente 3 1.7˚ 18.5 71 5.3 Pente 4 2.8˚ 18 91.3 7.8 Les expériences ayant toutes été réalisées dans les mêmes conditions thermiques (troisièmes conditions du paragraphe 3.5.2.2, les faibles différences observées sur l’évolution du volume présentées sur la figure 3.33(a) viennent du changement d’orientation de la paroi. La courbe de la pente 2.8˚se sépare nettement des autres courbes car celle-ci a été obtenue au cours de croissances successives de bulle. Or comme il a été montré sur la figure 3.28, l’ensemble des événements précédant la sortie du site de nucléation a un impact fort sur la dynamique de croissance de la bulle. Par ailleurs, il n’est pas possible de réaliser des expériences à des inclinaisons plus grandes du fait de l’arrêt de la nucléation dans le site. Cela est du à la mise en route d’un cycle de convection naturelle dans la 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE (a) Evolution du volume de la bulle pour 4 inclinaisons de paroi différentes (b) Evolution de la longueur de la ligne de contact pour 4 inclinaisons de paroi différentes (c) Evolution de l’angle de contact du liquide au point de contact fixe de la bulle pour 4 inclinaisons de paroi différentes (d) Evolution de l’angle de contact du liquide au point de contact en glissement pour 4 inclinaisons de paroi différentes 109 Figure 3.33 – Influence de l’inclinaison de la paroi sur laquelle la bulle se crée (a) Bulle de taille inférieure à la longueur capillaire (b) Bulle de taille supérieure à la longueur capillaire Figure 3.34 – Influence de l’inclinaison de la paroi sur la forme de la bulle (cas de la pente 4) 110 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Contours de bulle de différentes tailles obtenus à l’aide du modèle présenté ci-dessous (b) Influence de la taille de la bulle sur les angles de contact pour une inclinaison de 3˚ Figure 3.35 – Résultats d’un modèle simplifié tentant d’expliquer l’influence de l’inclinaison de la paroi sur les angles de contact de la bulle cellule, le long de la paroi 8 . Le deuxième résultat important de cette étude est l’apparition d’oscillations de la bulle durant sa croissance. Ce phénomène apparaı̂t dans tous les cas étudiés pour une taille de bulle de diamètre équivalent supérieur à la longueur capillaire, c’est à dire pour un nombre de Bond supérieur à 2 1 (Bo = ∆ρgR ). En dessous de ce seuil, les forces capillaires génèrent une interface de bulle à σ courbure constante. La bulle est donc de forme sphérique avec des angles de contact constants de part et d’autres de la bulle (cf. figure3.34(a)). Dans le cas où le nombre de Bond est supérieur à 1, la poussée d’Archimède n’est plus négligeable donnant à la bulle un contour de type ellipsoı̈de dissymétrique (cf. figure 3.34(b)). Durant cette phase oscillante, la bulle est dans un régime mixte de ”stick-slip” : un point de contact de la bulle ne bouge pas mais son angle de contact est modifié (voir figure 3.33(c)) ; l’autre point de contact de la bulle est en mouvement permanent tout en ayant un angle de contact quasi-constant. D’un point de vue expérimental, on peut noter une augmentation de la fréquence d’oscillation avec l’augmentation de l’angle fait par la paroi avec l’horizontal. Cette augmentation s’accompagne d’une diminution de l’amplitude des oscillations. L’angle maximal mesuré au delà duquel la bulle se détache étant d’environ 90˚, cela laisse penser que la tension de surface au point de contact agit comme une force de rappel jusqu’à cet angle de référence. Pour compenser cette force et permettre tout de même à la bulle de se détacher, il existe une troisième force en plus de la poussée d’Archimède. On peut supposer qu’il s’agisse de la force de masse ajoutée. Cependant un modèle comme celui développé par Zeng [124, 125] ne permet pas de décrire correctement les dynamiques de l’angle et de la ligne de contact pour un taux de croissance de bulle donné. La bulle n’étant pas ni une ellipsoı̈de parfaite, ni une sphère, la définition de son interface nécessiterait le développement d’un outils spécifique. 8. Ce point est détaillé par la suite dans le paragraphe dédié à l’étude des transferts de chaleur locaux par interférométrie 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 111 Un modèle simplifié où nous résolvons localement l’équilibre des forces entre le saut de pression capillaire et la poussée d’Archimède n’est pas suffisant pour nous permettre d’étudier l’influence de l’orientation de la paroi sur les angles de contact. La méthode de résolution est la suivante : l’angle gauche de la bulle est fixé à 30˚et on résous l’équation d’équilibre des forces donnant ainsi la courbure locale de la bulle jusqu’au second point de contact. Pour des bulles de différentes tailles sur une paroi faisant un angle de 3˚, on n’observe pas sur la figure 3.35(b) une variation semblable à celle obtenue expérimentalement. Il serait donc nécessaire d’utiliser un modèle d’équilibre des forces plus développé durant la croissance d’une bulle tenant notamment compte de l’adhésion de la bulle à la paroi et d’une force de masse ajoutée afin de traduire le caractère oscillant de l’angle de contact de la bulle. L’analyse des résultats de croissance de bulle de vapeur dans différentes conditions thermiques et géométriques montre une diminution du taux de croissance de la bulle avec l’augmentation du sous-refroidissement. L’inclinaison de la paroi ne semble pas modifier globalement les transferts mais d’avantage l’évolution de la morphologie de la bulle. Bien que très différents dans leur conséquence pour la dynamique de la bulle, ces deux paramètres ont un impact sur le champ de température environnant (soit pour les différents flux nets de croissance résultant de la variation du volume, soit pour la dissymétrisation de la bulle). Pour le confirmer, nous avons réaliser des mesures de champs de température dans le liquide par interférométrie. 3.5.2 3.5.2.1 Etude des transferts thermiques associés à la croissance d’une bulle Etude d’un cas de référence Voulant comprendre comment se répartissent les flux de chaleur durant la phase de croissance de la bulle de vapeur, nous avons entrepris d’effectuer des mesures de champs de température autour de celle-ci et d’en déduire le champ de vecteurs du gradient thermique, notamment le long de la paroi dans la zone qui n’est pas influencée par la présence de la bulle puis en se rapprochant de cette zone, jusqu’à l’interface de la bulle avec le liquide. Comme cela a déjà été exposé dans le paragraphe 3.4.2.1, nous sommes confrontés à un problème de référence de phase. Ayant choisi de mesurer l’influence de la présence de la bulle sur le champ de température en faisant la différence entre deux états thermiques macroscopiquement identiques, ce choix nécessite tout de même 3 hypothèses si on souhaite effectuer des mesures quantitatives : • Utilisant la dernière image précédent la nucléation comme l’état de référence thermique, il est souhaitable qu’il n’y ait pas de bulle à proximité du site, ayant pour conséquence de modifier le champ de température a priori monodimensionnel et stationnaire. • Pour déterminer le champ de température loin de la bulle, nous supposons que la température de l’interface liquide-vapeur est à la température de saturation. • Le calcul du flux de chaleur déduit du champ de température est calculé en supposant un transfert de chaleur uniquement conductif (pas de terme de transport de type convection thermocapillaire) 112 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Champ de température différentiel autour d’une bulle de vapeur (à t=0.2 s) (b) Norme du flux de chaleur calculée localement (c) Composante x (horizontal) du flux de chaleur, adimensionnée par la norme du flux (d) Composante y (verticale) du flux de chaleur, adimensionnée par la norme du flux (e) Profils de température horizontaux dans le liquide (distance physique entre chaque courbe : 55µm (f) Profils de flux de chaleur le long de l’interface de la bulle Figure 3.36 – Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.2s ; Condition exp. n :˚2) 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 113 La première observation faite à partir du champ de température autour de la bulle, présenté en figure 3.36(a) est la taille de son aire d’influence. Dans notre cas, nous observons une zone faisant le double de la taille de la bulle (ici, son diamètre est de 500µm). Cette donnée est en parfait accord avec les paramètres requis pour l’utilisation de la corrélation de Han et Griffith [31, 32]. Dans notre cas, la diminution de la température du liquide atteint dans cette zone jusqu’à 1˚. Dans ce cas, il est normal d’obtenir des profils de température comme ceux présentés en figure 3.36(e). Cette figure fait toutefois apparaı̂tre le principal problème qui n’a pas de solution dans notre cas. La surchauffe mesurée au plus près de la paroi (0.5 ˚) est inférieure à celle mesurée au thermocouple dans le bloc d’aluminium (bien que comprise dans l’incertitude de mesure de ce dernier). On observe donc ici la limite de l’hypothèse faı̂te selon laquelle, la température de l’interface est fixée à une température de saturation constante dans toute la bulle, y compris à la paroi surchauffée. Nous ne remettrons pas en cause ici notre hypothèse, l’erreur commise étant faible devant le bruit de la mesure optique dans cette zone. A partir du profil de température vertical déduit à l’extrémité gauche des profils de température de la figure 3.36(e), l’estimation de flux conductif est de 534W/m2 . Le calcul du flux différentiel par rapport à un état sans bulle fait apparaı̂tre une zone de condensation au sommet de la bulle. De la même manière qu’il est possible de mesurer le profil de température loin de la bulle, il est aussi possible de mesurer le profil du flux de chaleur à l’interface de la bulle dans le liquide. Dans le but de diminuer le bruit de mesure, les valeurs relevées sur la figure 3.36(f) sont la moyenne des trois premiers pixels horizontaux (le code couleur est identique à celui de la figure 3.36(e)). Cela a tendance à diminuer la valeur du flux à l’interface, mais cela a aussi l’avantage de permettre de présenter sur la figure 3.36(f), le profil intégral du flux le long de l’interface de la bulle. En toute rigueur, cette opération de moyenne devrait être effectuée selon la normale à l’interface. Cette méthode permet donc d’avoir une première estimation du flux de chaleur de condensation à l’interface de la bulle. Le profil du flux (en bleu), majoritairement négatif sur toute sa longueur, est positif à proximité de la paroi. Il s’agit d’une zone d’évaporation et son épaisseur est approximativement de 110 µm. Nous avons donc mis en évidence un profil de flux d’évapocondensation. L’intégration de ce profil sur toute la longueur de l’interface nous donne le flux net d’échange avec le liquide à l’échelle de la mesure que nous avons effectuée, ici 11.6µm. Dans le cas présent, la puissance résultante de l’intégration du flux que la ”demi” bulle gauche nous donne une valeur de −4.37 ∗ 10−4 W alors que sur la demi bulle droite, elle est de −4.62 ∗ 10−4 W . Dans le cas présent, la bulle a un taux de croissance de 1.17mm3 /s correspond à une puissance nette positive de 12.34 ∗ 10−4 W . Un bilan de la forme suivante nous permet donc de mesurer la puissance qu’il nous est impossible d’estimer par ailleurs. La puissance due à l’évaporation dans la microcouche de liquide en pied de bulle : X X dV = Φ = Φµcouche + Φmesure (3.17) dt Le flux de chaleur généré en pied de bulle au niveau de la ligne de contact de la microcouche est donc de 21.10−4 W . A partir de cette valeur, il est possible de vérifier que nous obtenons bien un flux dont l’ordre de grandeur serait proche du flux d’évaporation dans la microcouche. Pour cela, on suppose notre cellule parfaitement bidimensionnelle pour pouvoir définir l’épaisseur de la microcouche. On uspposera également qu’il n’y ait pas de pertes latérales par les hublots. La surface de la microcouche sera donc définie comme S = 2e ∗ 100µm. Le flux obtenu est de 10400W/m2 , valeur couramment rencontrée dans la littérature [117] où les auteurs font des mesures locales de flux de chaleur. ρv Llv 114 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Champ de température différentiel autour d’une bulle de vapeur (à t=0.4 s) (b) Profil de flux de chaleur le long de l’interface de la bulle Figure 3.37 – Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.4s ; Condition exp. n :˚1) 3.5.2.2 Influence du sous-refroidissement Ayant réalisé cette expérience dans trois conditions thermiques différentes, il est possible de comparer les puissances nettes dans chacun des cas. Les conditions thermiques macroscopiques sont données dans le tableau 3.2 La condition 1 est la condition la plus sous-refroidie. On devrait s’attendre à obtenir une puissance d’évapo-condensatioin très importante. Or il n’en est rien puisque dans le cas d’une bulle de même taille que celle présentée dans l’exemple de référence, les puissances obtenues par intégration du flux de part et d’autre de la bulle sont respectivement −3.76 et −3.84 W à gauche et à droite avec le profil de flux présenté sur la figure 3.37(b). Avec un taux de croissance de 0.74mm3 /s, la puissance dite de microcouche est de 15.41 ∗ 10−4 W . Elle est beaucoup plus faible que dans le cas de référence. Cela provient du fait qu’il existe une différence de température de paroi entre les 2 cas. Dans ce cas, la production de vapeur par la microcouche est plus faible. Donc l’augmentation du sous-refroidissement qui aurait eu tendance à augmenter la part de la condensation dans la puissance totale d’évapo-condensation est compensée dans le bilan de puissance par une diminution du terme de production de vapeur. Table 3.2 – Conditions thermiques étudiées condition Tparoi Tl Tsat − Tl F luxparoi ˚C ˚C ˚C W/m2 1 58.3 26,9 29,9 658 2 60.5 34,6 22,2 534 3 60.0 38,9 17,9 349 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE (a) Champ de température différentiel autour d’une bulle de vapeur (à t=0.28 s) 115 (b) Profil de flux de chaleur le long de l’interface de la bulle Figure 3.38 – Etat thermique à un instant donné durant la croissance de la bulle (t=0.28s ; Condition exp. n :˚3) La troisième condition thermique appliquée, bien que différente, n’a que très peu d’influence sur la croissance de la bulle par rapport au cas de référence : son taux de croissance de volume est 1.10mm3 /s donnant un flux net de croissance de 11.62 ∗ 10−4 W alors que les puissances d’évapocondensation sont de −4.39∗10−4 W à gauche et −4.03∗10−4 W à droite. Le flux de la microcouche sera donc de 20.05 ∗ 10−4 W . soit un flux de 9780W/m2 , valeur quasi-identique au cas de référence. La diminution du gradient thermique imposé dans la cellule n’a donc que très peu d’effet sur les échanges locaux autour de la bulle. Ce point est confirmé par le suivi temporel de la puissance résultant de l’intégration du flux d’évapo-condensation le long de l’interface de la bulle, visible sur la figure 3.39(b). Bien qu’étant très bruité, on observe la tendance globale selon laquelle la condensation a lieu durant l’ensemble de la croissance de la bulle. A aucun moment (notamment aux premiers instants suivant la croissance de la nucléation de la bulle) il n’est constaté de puissance résultante positive, signifiant un apport d’énergie du liquide à la bulle. Cela confirme donc bien le rôle important dans l’ébullition de la zone au pied de la bulle, non accessible aux mesures dans notre cas. Il n’a pas été noté de modification du profil du flux de chaleur à l’interface de la bulle lors de la modification des conditions thermiques l’entourant. En revanche, l’épaisseur de la couche d’évaporation varie avec la croissance de la bulle comme on peut le voir sur la figure 3.40 passant de 0 à 200µm durant la croissance de la bulle. Il faut noter que cette évolution n’est pas constante. Dès la mise en place du processus d’évaporation à l’interface, l’épaisseur de la couche est d’environ 100µm comme on peut le voir sur la figure 3.36(f). Cette augmentation de l’épaisseur de la couche d’évaporation est aussi associée à une augmentation de la valeur maximale du flux d’évaporation à l’interface, passant de 500W/m2 à 1800W/m2 . 116 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Loi de croissance du volume des trois bulles étudiées (b) Variation temporelle de la puissance nette sur chaque bulle Figure 3.39 – Relation entre le taux de croissance de la bulle et le flux d’évapo-condensation mesuré Figure 3.40 – Variation du flux de chaleur le long de l’interface de la bulle à différents instants pour la condition de référence n :˚2 (0.2 s entre chaque courbe) 3.5. ETUDE DE LA CROISSANCE D’UNE BULLE DE VAPEUR UNIQUE 117 Figure 3.41 – Champ de température autour de la bulle avant son détachement sur une paroi inclinée de 1.7˚) 3.5.2.3 Influence de l’orientation de la paroi Ayant montré l’importance de la dynamique de l’angle de contact de la bulle dans le paragraphe 3.5.1.3, il serait à présent intéressant de savoir si cette dynamique a un impact sur les transferts de chaleur locaux bien que, comme nous l’avons montré, la loi de croissance de la bulle ne soit que faiblement modifiée par l’augmentation de l’inclinaison de la paroi. Nous nous concentrerons à détailler un seul cas, la pente 3, pour laquelle les oscillations sont bien marquées. La première constatation à faire concerne la dissymétrie du champ de température autour de la bulle durant sa croissance. La figure 3.41 présente une bulle en fin de croissance avec un angle de contact au point fixe de 70 ˚et un angle de glissement de 35˚. Sa dissymétrie apparente modifie le champs de température à proximité de l’interface, comprimant la zone d’évaporation de droite contre la paroi, et au contraire ouvrant l’espace du coté de l’angle d’avancée. Pour savoir si cette modification du champ local de température a un impact sur les transferts de chaleur, nous présentons sur la figure 3.42(a) le suivi de la puissance d’évapo-condensation sur les deux demi-bulles au cours de la croissance de la bulle sur le site de nucléation. Tant que la bulle a un diamètre inférieur à la longueur capillaire (voir les données morphologiques au chapitre 3.5.1.3), l’augmentation de la part de la condensation sur la puissance d’évapo-condensation se fait de manière constante. Une fois la longueur capillaire dépassée, la bulle se met progressivement en mouvement oscillant. Cela se traduit aussi sur la figure 3.42(b) par des oscillations des deux signaux. Ils semblent être en opposition 118 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW (a) Evolution temporelle du flux de chaleur par évapocondensation durant l’ensemble de la croissance de la bulle (b) Evolution du flux de chaleur par évapocondensation uniquement sur la plage temporelle des oscillations Figure 3.42 – Puisssance d’évapo-condensation au cours de la croissance d’une bulle sur une paroi inclinée (cas Pente 3) Figure 3.43 – Comparaison entre flux de chaleur par évapo-condensation sur l’interface de gauche et l’évolution de son angle de contact de phase, ce qui serait à première vue logique si on considère que l’ouverture et la fermeture d’un angle de contact modifient les transferts de chaleur en diminuant ou augmentant la zone d’accès à l’évaporation par le liquide. L’angle d’avancée (interface de gauche) étant toujours supérieur à l’angle de recul, la position de la puissance d’évapo-condensation de gauche située toujours au dessus de la celle de droite (c’est à dire que la part d’évaporation est supérieure, faisant ainsi diminuer ce terme de puits d’énergie pour la bulle) indique que l’évaporation se fait de manière préférentielle 3.6. CONCLUSION 119 de ce coté. La comparaison de l’oscillation de l’angle de contact de gauche avec la puissance d’évapo-condensation de cette partie de l’interface, présentée sur la figure 3.43, nous permet de vérifier que les transferts de chaleur par évaporation sont augmentés lors de l’ouverture de l’angle de contact de la bulle avec la paroi. Ce résultat confirme les différents résultats vus durant la revue bibliographique. Lors de simulations de croissance de bulle de vapeur, les transferts de chaleurs augmentent lorsque l’angle de contact augmente. 3.6 Conclusion Le travail présenté dans le chapitre précédent avait montré la nécessité d’avoir une approche simplifiée du problème de l’ébullition en vase car celui-ci présente un grand nombre de paramètres physiques. L’établissement d’une loi d’échange entre une paroi et un fluide en ébullition est donc difficile. Nous avons donc étudié une expérience simple de croissance de bulle unique sur un site de nucléation artificiel dans le but de maı̂triser au mieux les conditions opératoires dans le cas d’une configuration simplifiée. Après une revue bibliographique dédiée à l’étude des transferts de chaleur locaux autour d’une bulle de vapeur d’un point de vue théorique et expérimental, nous avons présenté un dispositif expérimental original : une cellule de Hele-Shaw. Cette cellule expérimentale est associée à deux dispositifs optiques, un montage en transmission et un interféromètre, permettant d’effectuer des mesures morphologiques de la bulle durant sa croissance et des mesures thermiques autour de la bulle, dans le liquide. Ce dispositif a permis d’effectuer différentes mesures dans le cas d’une bulle unique de vapeur en croissance sur un site de nucléation artificiel. Tout d’abord, nous avons montré que la croissance de la bulle peut être décomposée en 4 étapes distinctes : la sortie du site de nucléation suivie de la croissance de la bulle alors que la ligne de contact ne bouge pas (diminution de l’angle de contact), détachement d’un des deux pieds de la bulle et glissement de celui-ci sur la paroi durant la croissance, contact latéral (confinement) entre la bulle et les hublots. Ce processus de croissance a été étudié pour différentes conditions de sous-refroidissement. Cela montre notamment que la variation des conditions thermiques n’ont une influence que si la couche de liquide d’une épaisseur de l’ordre de grandeur de la bulle est modifiée. Dans ce cas, l’utilisation d’un interféromètre nous a permis de mettre en évidence une zone d’évaporation puis de condensation le long de l’interface de la bulle (depuis la paroi vers le sommet de la bulle). L’intégration de cette densité de flux de chaleur sur l’ensemble de l’interface de la bulle nous a permis de mettre en évidence la contribution très importante de l’évaporation à la ligne de contact. Enfin, pour différentes inclinaisons de la paroi, la comparaison des mesures morphologiques de la bulle à travers son oscillation lorsqu’elle est attachée au site de nucléation, et la mesure du flux de chaleur le long de l’interface montrent que plus l’angle de contact augmente, plus le flux d’évapo-condensation est faible, c’est-à-dire que la condensation a une part moindre par rapport à l’évaporation lorsque l’angle de contact augmente. Ce dispositif pourrait cependant être encore amélioré. En effet, les mesures de champs de température ont montré que la zone d’influence de la bulle n’est que le double de la taille maximale de la bulle, 120 CHAPITRE 3. EBULLITION SUR SITE ISOLÉ EN CELLULE DE HELE-SHAW que ce soit horizontalement ou verticalement. Il serait donc possible de diminuer les dimensions de la cellule de moitié dans chaque direction. Ainsi, cela permettrait d’avoir une plus grande gamme de sous-refroidissement, notamment dans le but de se rapprocher des conditions de saturation dans du fluide. Chapitre 4 Ebullition convective sur site isolé en cellule de Hele-Shaw : effet de la gravité sur la dynamique des bulles et les transferts de chaleur associés Sommaire 4.1 4.2 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122 Article soumis à Microgravity Science and Technology . . . . . . . . . . 123 121 122 4.1 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ Introduction De la même manière que pour l’ébullition en vase, l’ébullition convective suit la même approche dans le but de comprendre les mécanismes de base contribuant à l’augmentation des transferts de chaleur et de masse. Dans le cas de la gravité terrestre, les études sont passés d’une approche globale à une étude locale des transferts. En microgravité, la démarche est identique : Straub [109] a effectué une grande avancée dans la connaissance et la compréhension des phénomènes. Plus récemment, Kim [48] s’est intéressé à l’impact de la gravité sur la courbe d’ébullition puis à la croissance d’une bulle et les transferts associés. Dernièrement, Wagner [116] et Shweizer [95] se sont focalisés sur un phénomène particulier, l’évaporation à la ligne de contact. L’évolution des travaux de recherche sur l’ébullition en vase ont donc évolué initialement d’une approche globale vers des approches locales des phénomènes et pour des échelles macroscopiques vers des échelles microscopiques. Les auteurs étudiant l’ébullition convective développent la même approche. Que ce soit dans le cas de l’ébullition convective sur une paroi chauffée uniformément dans l’expérience de Luciani [54] ou dans le cas des expériences de quenching de Celata [11], différents régimes ont été identifiés. Dans notre cas, nous nous intéressons uniquement à l’ébullition nucléée sur site isolé. Ce régime est le premier rencontré le long d’une paroi chauffée sur laquelle les transferts se font par ébullition. La dynamique de croissance des bulles a tout d’abord été étudiée de manière adiabatique par Duhar [22]. Puis son dispositif a été modifié dans le but d’étudier la croissance et le détachement d’une bulle de vapeur cisaillée par un liquide en écoulement [23]. Ce travail a été réalisé en gravité terrestre. Ma [56] a réalisé une étude semblable en microgravité. Dans les deux cas, le champ de température n’a pas été étudié autour de la bulle de vapeur durant sa croissance. Que ce soit en ébullition en vase ou en ébullition convective, les mesures de température se sont aussi focalisées sur l’estimation du coefficient d’échange et son évolution le long de la paroi [54], ou sur la variation locale de la température à proximité de la ligne de contact. Il n’existe que très peu d’études réalisées sur l’impact de la présence de la bulle sur le champ de température dans le liquide. Lucic [55] a utilisé l’interférométrie holographique pour mesurer, en gravité terrestre, le champ de température dans le liquide en écoulement cisaillant, autour d’une bulle générée par un chauffage local (laser CO2 pulsé). Qiu [88] a aussi étudié le champ de température par interférométrie autour d’une bulle en glissement le long d’une paroi. Bien que donnant de bons résultats quant à la mesure du champ de température dans le liquide, il n’est pas possible d’utiliser cette méthode à bord de l’Airbus A300 0g. Nous avons donc décidé de développer une nouvelle technique de mesure du champ de température du liquide dans une cellule de Hele-Shaw. Celle-ci utilise une caméra infra-rouge. Comme cela est décrit dans l’article suivant, cette technique nécessite l’utilisation d’un paroi transparente au rayonnement infrarouge (Il existe différents types de cristaux répondant à cette contrainte comme le NaCl, le KBr. Nous avons choisi le ZnSe car il ne se dissout pas dans l’eau) et la connaissance des propriétés spectrales du liquide utilisé. Cette méthode couplée à une acquisition visible par l’autre face permet d’effectuer une mesure locale du champ de température tout en suivant la dynamique de croissance de la bulle. 4.2. ARTICLE SOUMIS À MICROGRAVITY SCIENCE AND TECHNOLOGY 4.2 Article soumis à Microgravity Science and Technology 123 124 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ Microgravity Science and Technology manuscript No. (will be inserted by the editor) Convective boiling between 2D plates: microgravity influence on bubble growth and detachment Damien Serret · David Brutin · Ouamar Rahli · Lounès Tadrist Received: date / Accepted: date Abstract The experiment detailed in this paper presents results obtained on the nucleation, growth and detachment of HFE-7100 vapour bubbles confined. Bubbles are created on an artificial nucleation site between twodimensional plates under terrestrial and microgravity conditions. The experiments are performed by varying the shear flow through the convective mass flow rate and the bubble nucleation rate through the heat flux supplied. The experiments are performed under normal (1g) and reduced gravity (µg). The distance between the plates is equal to 1 mm. The results of these experiments are related to the detachment diameters of bubbles on the single artificial nucleation site and to the associated consequences on heat transfer with the confinement influence. The experimental device allows the observation of the flow using both visible video camera and infrared video camera. Here, we present the results obtained concerning the influence of gravity on the bubble detachment diameter and the images of 2D bubbles obtained in microgravity by means of an infrared camera. The following parameters: nucleation site surface temperature, bubble detachment diameter and bubble nucleation frequency evidence modifications due to microgravity. Keywords Nucleation site · Convective Boiling · Infrared measurement · Visualization · Reduced Gravity D. Serret, D. Brutin*, O. Rahli, L. Tadrist Laboratoire IUSTI, Ecole Polytechnique Universitaire de Marseille, Technopôle de Château-Gombert, 5 rue Enrico Fermi, 13453 Marseille, France E-mail: [email protected] 1 Introduction Today, convective boiling is still an important subject in the field of phase change due to its wide range of application. It is mainly used to cool systems like computer chips in recent laptops. Many studies have analysed different regimes between the entrance and the outlet of a channel where convective boiling occurs: sub-cooled nucleate boiling, bubbly flow, slug flow. We recently studied convective boiling at macroscopic scale [16]; the objective in this paper is to focus on the sub-cooled nucleate boiling flow in a 2D cell to investigate only a single bubble nucleation process. The originality of this work is to investigate this regime in a Hele-Shaw cell. This kind of experimental configuration has already been used for various experimental studies such as the Marangoni effect [1], Kelvin Helmholtz instability [2], and the mix of two miscible liquids [3]. Furthermore, the geometry of the cell avoids any optical aberration due to a high thermal gradient in the thermal boundary close to the wall. Indeed, the phenomenon mentioned by Kenning [4] and Barthès [5] induces a wrong position for all observed interfaces. This geometry avoids any trouble due to three-dimensional effects (the created bubble is maintained in the same plane during the whole of its growing and detachment phases). This configuration also allows us to use an infrared camera on one side of the cell and the other side is fitted with a visible camera, which has never been used to study a single nucleation site in a 2D cell. A literature review on boiling (pool and convective) evidence the new field of investigation opened to analyse and understand the nucleation in microgravity (see Table 1). In 2000, J. Staub [14] analysed in a research paper experimental results obtained in 1994 during a ’Space- 4.2. ARTICLE SOUMIS À MICROGRAVITY SCIENCE AND TECHNOLOGY 2 Table 1 Studies dealing with boiling in microgravity performed since 2000 Author, Verthier et al. [6] Celata et al. [7] Zhao et al. [8] Kawanami et al. [9] Sodtke et al. [10] Zhang et al. [11] Henry et al. [12] Di Marco et al. [13] Straub [14] Year 2009 2009 2009 2007 2006 2005 2004 2003 2000 Fluid FC-72 FC-72 R113 LN2 FC-72 FC-72 FC-72 FC-72 R11 Microgravity access Parabolic Flights (CNES) Parabolic Flights (ESA) Scientific satellite Parabolic Flights (NASA) Parabolic Flights (ESA) Parabolic Flights (NASA) Parabolic Flights (NASA) Drop tower (JAXA) NASA SpaceLab IML-2 Lab IML-2’mission flight. The objective of the experiment was to perform pool boiling in microgravity using hemispheric resistance of 0.26 mm in diameter. The resistances are also used to perform measurements. The author analysed R11 subcooling influence on the heat transfer coefficient by doing after the mission experiments on Earth. However, for subcooling between 10 to 30 ◦ C, the heat transfer are reduced in microgravity up to - 50% at 30◦ C of subcooling. For subcooling values below 10 ◦ C, the heat transfer coefficient become to its classical value under terrestrial gravity. The author remark that heat flux density reached during microgravity and normal gravity about 900 kW.m−2 . These heat flux densities are about two times higher compared to those observed with boiling on a plate. Finally, the author conclude that based on the experiments performed in microgravity, the gravity level strongly influence the heat and mass transfer mainly in the transition area between nucleate and film boiling. In 2003, Di Marco et al [13] studied the influence of electrical field and gravity field on the detachment and motion of Nitrogen bubbles injected in FC-72 at ambient pressure and temperature through a 0.1 mmdiameter hole made in a horizontal tube. This configuration was chosen to separate the mechanical effects on the bubbles from the mass and thermal effects caused by boiling. An electrical field is generated around the tube by imposing a constant potential between 0 to 18 kV using a a circular cage at the tube outside. The experiments were performed in the JAMIC drop tower at Hokkaido, Japan. The authors access the bubbles diameter, the frequency and nucleation velocity using a treatment performed on the images recorded using a high speed video camera. The results evidence that without electrical field, there is no detachment for low mass flow rate. However, for high mass flow rate, the flow is sufficient to cause bubbles detachment even without gravity. When an electrical field is applied, the detachment is sooner for bubbles with bigger diameter Experimental technique used ’Quenching’ in glass capillary tubes ’Quenching’ in glass capillary tubes Pool boiling on Platinum wire Transparent resistive deposit on a cylinder Utilization of liquid crystals Flow in a channel heating by resistive deposit Network of Platinum resistances Utilization of an electrical field Circular heater of 160 µm in diameter compared to the situation with gravity. In 2004, Henry et al. [12] investigated the influence of the heating element on pool boiling. They used an array of heater made of 96 heaters of 0.27 mm x 0.27 mm, each micro-heater was independent. The area of one micro-heater was 0.073 mm2 . This configuration have enable the authors to study different heating configurations : – 9 (3x3) micro-heaters with a total area of 0.81 mm by 0.81 mm = 0.66 mm2 , – 36 (6x6) micro-heaters with a total area of 1.62 mm by 1.62 mm = 2.62 mm2 , – 96 (10*10 - 4) micro-heaters with a total area of 2.7 mm by 2.7 mm = 7.00 mm2 . The last configuration with 96 micro-heaters provide a heating area about 4 times wider than the ’36’ configuration and about 10 times wider than the ’9’. Pool boiling were studied in hypergravity at 1.7g ± 0.5g and in microgravity at 0.01 g ± 0.025g. The fluid used in the study is FC-72 with a saturation temperature of 56.7◦ C under 1 bar. The heating system was regulated in temperature. The system enable thus access to the heating power used thus to the heat flux density used for boiling. Consequently, it was possible to deduce the heat transfer coefficient. For a small heating area with ’9’ micro-heaters, bubbles are formed in hypergravity or microgravity almost identically for the same conditions: with a sub-cooling of 34◦ C. However, for the ’36’ and ’96’ micro-heaters configuration, boiling is completely different. In hypergravity, isolated bubbles are formed where as in microgravity a single vapour bubble is formed. This phenomenon is related to the fluid capillary length which is 0.82 mm with a terrestrial gravity. Bubbles generated are typically very close to the capillary length. In the study, the authors also evidence the influence of heater size, sub-cooling and gravity level on heat transfer. 125 126 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ 3 In 2006, Sodtke et al. [10] performed a study at the nucleation site size using liquid crystals. The authors focused on the foot of the bubble where the heat transfer are the greatest. The theoretical wall temperature in the fluid side is obtained using a thin layer model of the heating wall based on nucleate boiling. The comparison with the experiment is performed using a heating thin metallic film. The temperature measurement is performed using a high resolution camera to record the reactive liquid crystals to the temperature. Using this technique, the authors obtained during a parabolic flight campaign a good agreement between the experiment and the model. In 2007, Kawanami et al. [9] studied liquid nitrogen convective boiling in microgravity during parabolic flight campaigns performed on board the KC-135. Liquid nitrogen have been used for its physical properties very close to liquid hydrogen and liquid oxygen. A gold transparent deposit of 10 nm were used to induce boiling in a Pyrex tube of 7 mm inner diameter. The objective of the study were to observe the cryogenic fluid behaviour under reduced gravity conditions. The existence of a cryogenic fluid close to saturation conditions in microgravity is a problem of great interest for space research; more especially, for the re-ignition of rockets under microgravity conditions. The fluid behaviour in the pipes, the flow separation... bring to new field of research in this area. Very recently, Celata et al. [7] performed quenching experiments in tubes under microgravity. The experiment objective is to obtain quantitative data and flow observation on the re-wetting under microgravity conditions to enable comparison with results obtained under normal gravity. The authors used Pyrex tube of 6 mm in diameter. The fluid used is FC-72. The temperature measurements were obtained at the external wall of the tube, inlet and outlet fluid temperature measurements were available such as pressure measurements and mass flow rate. The results obtained by the authors evidence the strong reduce of quenching velocity in microgravity in comparison to normal gravity. However, the authors show up that the wall temperature dynamics does not seems to be influence by the gravity level. These results have to be confirmed with temperature measurement from the inside to the tube since the Pyrex conductivity is very low and thus induce strong heat fluxes and temperature gradient. The Pyrex thermal diffusivity should be took into account for during these checks. The flow structures observed were annular flows with a inside core of liquid and vapour close to the wall following by a classical convective boiling. 2 Experimental set-up 2.1 The loop The fluid loop located in the confinement box works as follows: the fluid stored in 10-ml syringes is injected by means of a syringe pump 1. The fluid is initially preheated in order to reach a temperature close to saturation (54.4◦ C), typically about 5◦ C below saturation: 50◦ C. Once preheated the fluid arrives in the test cell described hereafter. There, a few watts suffice to initiate boiling since the fluid is already almost saturated. A single bubble is created from a single triangular nucleation site mechanically created with a drill (50 µm in diameter) and is studied. The fluid flow is recorded using visible and infra-red cameras. The liquid and thus the bubble created will leave the cell for the condensor where the gas will become liquid. This permanent flow is carried out at very low speed (highest Reynolds number is 40) in order also to allow the dissipation of the heat produced by heating a 0.1-mm thick Inconel film. The vase plug attenuates the variations of level during de-gasification on Earth before the flights. There is no work under pressure in this study as the overpressure necessary to create and evacuate a bubble is approximately one Pascal. The experiments were carried out according to the following procedure: for a given mass flow rate (constant liquid velocity at the entry of the cell) and a fixed power of heating, the parameters of the experiment were acquired permanently at 50 Hz. Parallel to pressure and temperature measurements, the visible and infrared video acquisitions of the flow were carried out from 30 seconds before the parabola until 30 seconds after the parabola. In the boiling mode, the fluid generated successive bubbles from the nucleation site whose size varied according to the degree of containment. With the device arranged in this way, it was possible to control the heating and fluid parameters (fluid inlet temperature and the heat flux supplied to the fluid). The test cells were rectangular with various dimensions. For this paper, one cell dimension is presented. The cells were made of polycarbonate with a side face in ZnSe. The latter face was transparent with visible and infrared radiation between 8 and 12 µm, which is the wavelength infrared camera as used for these experiments (FLIR A40M). The ZnSe plate used was treated on one side to obtain a total transitivity of 85%. Heating was ensured by an electrically-powered 100-µm Inconel film (Fig.2, Fig.3). A 50-µmm triangular nucle- 4.2. ARTICLE SOUMIS À MICROGRAVITY SCIENCE AND TECHNOLOGY 4 Fresh air Fresh air Fresh air Fresh air Peltier + heat sink Manual insulating valve Peltier + heat sink Aluminum Heat Sink Polycarbonate Condensor 1 Degasing automatic valve HVAC Condensor 2 Internal air Internal air P Manual valve Studied bbble Heating film Liquide level 2D flow One-way valve Expansion latex membrane Liquid trap Connecting valve to the box Heat exchanger Internal air Peltier + heat sink Heat exchanger Peltier + heat sink Pressure transducer Porous media Test cell Internal air Working pressure valve Two-way syringe-pump Confinement box Fig. 1 Confinement box and its equipment to boil the flow in the 2D Cell ation site was created on the Inconel plate. Instrumentation was based on temperature acquisitions. A K-type thermocouple was positioned in the cell and allowed the measurement of parietal temperature below the nucleation site. Visualization was carried out through the polycarbonate side face with a video camera AVT Pike (50 frames/s). The experiments were repeated for each channel entry flow. For two parabolas, we imposed a parietal heat flow and a flow of fluid, which enabled us to know the growth dynamics of confined bubbles for three levels of gravity (µg, 1g and 1.8g). The experiments were carried out at cabin pressure (835 mbar). For this purpose we added a surge tank containing a latex membrane in order to follow the changes in cabin pressure. Nevertheless, locally the pressure can increase to a maximum of 100 Pa. This means that the pressure before the cell entrance can reach 835 mbar + 1 mbar = 836 mbar. After the test cell we measured the absolute pressure of the loop in the buffer tank, which must be equal to the cabin pressure in order to have stable and reproducible operating conditions. We degassed by remotely actuating an electromagnetic valve if the pressure exceeded 845 mbar. It was possible to work at constant ambient pressure. In parallel, the set point of an automatic valve was fixed at 850 mbar. An additional numerical pressure gauge was installed outside the enclosure on the vent-line in order to monitor the vent-line pressure (400 mbar). The total volume of the loop (pipes included) was about 120 ml, with approximately 100 ml of liquid HFE-7100 (4 syringes containing 10 ml, a buffer volume of 40 ml and the pipes) and 20 ml of gas (HFE-7100 vapor mainly in the surge tank). The volume of the flexible membrane was approximately 200 ml in order to absorb possible variations of pressure. The containment was isolated thermally by means of a 5-mm-thick neoprene plate. The role of the electromagnetic valves at the exit of the surge tank was to allow a rebalancing of the pressure of the loop with cabin pressure if degasification made the pressure fall too much. This rebalancing was thus done in stages using a vase plug. If the membrane had suddenly broken, the supporting role of the vase plug was to avoid an escape towards double containment. The vase plug then served as a liquid trap and allowed the visualization of the liquid HFE-7100. 2.2 The fluid HFE-7100 has been investigated using a spectrophotometer. HFE7100 have been used for its semi-transparency properties in the infrared wavelength. Absorbtivity measurements have been performed using a FTIR NICOLET Nexus 560 spectrophotometer to access the absorptivity in between 2.5 to 14 µm. For the purpose of this study, we analyse and extract only the data in the range of 7.5 to 13 µm which correspond to our infrared camera wavelength band (FLIR A40). The experimental cell is composed to CaF2 crystal which are used for their almost total transparency properties in the range of the spectrophotometer. Teflon spacers are used to obtain the adequate optical fluid thickness. 3 spacers 127 128 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ 5 Fig. 4 Spectral transmittivity of HFE-7100 degazed and non degazed Fig. 2 3D view of the test cell Fig. 5 Global emmissivity of HFE-7100 function of the fluid optical thickness the background measurement, then the test cell is filled with liquid. These three independent measurements enable to provide the ordinate error bar which is the discrepency. Fig. 3 Cross-section view of the test cell: visible observation from the left and infrared from the right thickness are available : 0.1, 0.2 and 0.5 mm, they can be added. The optical fluid thickness is deduced based on 9 independent measurements of the spacers set using a Mitutoyo CD-15CPX capiller which have a uncertainty of ± 0.02 mm, a resolution of 0.01 mm and a repeatability of 0.01 mm; so a total uncertainty of 0.04 mm. The error bar provided on abscissa are the sum of the total uncertainty of the 9 measurements. The absoprtivity measurements are performed three times by each time have empty the test cell without liquid for On Fig.4, we provided two spectrometers obtain with deggazed and non-deggazed HFE-7100. The noticeable peak are related to CO2 presence in the non-degazed HFE7100. The global emissivity of the non deggazed fluid is 0.701 ± 0.006 while the global emissivity of the deggazed fluid is 0.695 ± 0.002. Consequently the difference between both values is 0.80 % ± 1.10 %. The difference between both emissivity are small enough compared to the accuracy to be neglected. However, the fluid used for the parabolic flight experiments where deggazed. 3 Data analysis During a flight, experiments were performed with a constant heat flux supplied to the heating film. The first 4.2. ARTICLE SOUMIS À MICROGRAVITY SCIENCE AND TECHNOLOGY 129 6 Electrode Thermocouple Electrode Diamètre de détachement (mm) Artificial nucleation site Vapour bubble Liquid injection at 2°C below saturation Vitesse débitante (mm/s) Fig. 6 Visible images of 2D bubble growth and detachment in microgravity experiments were carried out with a high mass flow rate; then the mass flow rate was reduced in order to increase the bubble generation frequency and/or to modify the detachment parameters. Due to the short period of time in between two parabolas (120s), the mass flow rate decrease was small to permit a new stationary state in less than 60 seconds. Each experiment was performed twice for the same heat flux and the same mass flow rate to make sure of its reproducibility. A campaign is composed of three days of flights. During each day’s flight 31 parabolas are performed. Parabolas consist of three parts: first a pull-up resource to increase the slope of the plane from 0◦ to 47◦ (gravity level: 1.8g), then the injection at 47◦ (gravity level: +/0.05g) and finally after 22s of microgravity the pull-out resource to return to 1g (Fig. 5). For our experiments, only the normal gravity and microgravity periods were studied. 3.1 Gravity influence on bubble nucleation In Fig. 7 we present, for a given heat flux of 1.3 W/cm2 and a 1-mm-thick confinement, the variation of the bubble detachment diameter measured for several bubbles as a function of the mean liquid velocity (Ū ) at the cell entrance, which is directly related to the shear flow for a 2D plane (τ ) by Eq. 1. τ= 4µŪ z h2 (1) In normal gravity the detachment diameter is roughly constant even with a shear flow two times higher (2 to 6 mm/s). The detachment diameter measures of 0.5 mm Fig. 7 Influence of gravity on the detachment diameter variation as a function of the mean shear flow velocity determined based on the visible images Terrestrial gravity Reduced gravity 1 mm 1 mm Flow Flow Fig. 8 Bubble shapes in the 2D cell for this 2D situation, which is consistent with the capillary length of HFE-7100. Thus the mean bubble detachment diameter on a horizontal plate in a 3D pool boiling situation given by Eq. 2 is 0.17 mm based on Fritz, 1935 [15]. Db = 0.0208θ ! σ g($L − $V ) " 12 (2) Our situation of boiling below a surface allows the bubble to grow and thus to detach for a bigger diameter. In microgravity, the detachment diameter decreases with increasing liquid inlet velocities and therefore with increasing shear flows. This tendency to decrease can be explained by the modified shape of the bubbles in microgravity and by the slip observed. In normal gravity the bubbles stick to the heating plate whereas in microgravity, without gravitational forces, they are circular in the 2D cell and quickly detach themselves from the nucleation site due to the shear flow. In normal gravity, the bubble grows from its nucleation site and the fluid flow coming from the left side circumvents the growing bubble as we evidence in the next section dealing with the infrared films. In microgravity the bubble is detached quickly which enables a new bubble to grow. 130 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ 7 3.2 Bubble infrared motion Nucleation site temperature (°C) 58,1 The resolution of the infra-red videos carried out, enables us to confirm the presence of the bubble and its level of thermal disturbance on the flow, nevertheless a weaker resolution is necessary if one wants to analyse the transfers to the level of the feet of the bubble. It is however possible to follow the change of the temperature of the site of nucleation and to highlight the frequency of detachment of the bubbles on the signal of temperature. This last fact distinctly of appearing the growth, the detachment of the bubbles and shown again in temperature of the site of nucleation necessary to restart a bubble. Begining of nucleation 57,9 57,7 57,5 57,3 Latency time between two bubbles Time (s) Bubble detachment 57,1 19 20 21 22 Fig. 10 Nucleation site temperature evolution under terrestrial gravity (uncertainty on the temperature is ± 0.15 ◦ ) [Qm =5.7 kg.m−2 .s−1 , Qw = 1.3 W.cm−2 ] 57.5°C Nucleation site temperature (°C) 56 57,6 57,1 Begining of nucleation 54 56,6 56,1 52 55,6 50 49.8°C Fig. 9 Infrared and visible images of a single bubble stuck on the heating plate [Qm =5.7 kg.m−2 .s−1 et Qw = 1.3 W.cm−2 ] 55,1 54,6 Latency time between two bubbles 54,1 Bubble detachment Time (s) 53,6 30 The analysis of the infra-red video enables us to determine the temperature variation (increase then reduction) on the level of the site of nucleation when the microgravity appears. Slip of the vapour bubbles along heated film makes fluctuate the temperature of approximately 0.5 ◦ C. The figure 10 highlights the periodic fluctuations for the site of nucleation temperature in terrestrial gravity with peaks which correspond to beginning of the bubble growth since a vapour germ; this growth requires much energy which is partly taken in the heat sensitive of materials and the fluid in the vicinity. The average temperature of the site is of 57.5◦ C. The time of bubble growth observed is also obtained with on average a time of growth until the 300 ms detachment for one total duration of the cycle of about a second. The figure 11 highlights the temperature of the same site of nucleation in microgravity for the same experimental conditions, the average temperature of the nucleation site is slightly lower with 55.6◦ C. The bubble growth time observed is shorter with a 210 ms average 31 32 33 34 35 36 37 Fig. 11 Nucleation site temperature evolution under reduced gravity (uncertainty on the temperature is ± 0.15 ◦ ) [Qm =5.7 kg.m−2 .s−1 and Qw = 1.3 W.cm−2 ] for a cycle of growth of approximately 850 ms. The amplitude of variation in the temperature of the site of nucleation during the microgravity is of approximately 2.0◦ C (against 0.5◦ C under normal gravity) when a bubble grow in microgravity then detached. The heat flux is provided constant to heating film, a fall of the temperature of the site of nucleation thus means increase in the coefficient of exchange at the time of the bubble growth. A sudden and strong increase in the nucleation site temperature is thus associated with the absence of bubble during the transitional period. The activated nucleation site deliver a new vapour bubble since a germ is present within the nucleation site. The transition to microgravity results in a decrease in the average nucleation site temperature; the nucleation 4.2. ARTICLE SOUMIS À MICROGRAVITY SCIENCE AND TECHNOLOGY 8 causes more important fluctuations of the nucleation site temperature what is in agreement with the frequency of detachment of the bubbles which increases in microgravity compared to the same situation in terrestrial gravity. We obtained with this work results on the growth of single bubbles and its detachment under normal gravity and microgravity conditions. The technique of visualization used is based on simultaneous visualization with visible camera and infra-red camera inside a 2D cell with one of the faces is transparent with the infrared radiation. This enables us to visualize the size and the shape of the bubbles at the time of their growth and their detachment from the artificial nucleation site. The convective flow created in order to shear the bubbles confirms an early detachment of the bubbles in microgravity compared with the same situation under terrestrial gravity. This detachment diameter in microgravity strongly decrease for increasing flow velocities. The visualization highlight the influence of the flattened shape of the bubbles under terrestrial gravity. The bubbles are pressed on heating film and generate small nucleation site temperature fluctuations compared to the same situation in microgravity. Without gravity, as soon as the bubble is created, the bubbles depart from the nucleation site with a lower heat removal effect. The nucleation site temperature amplitude of variation is consequently higher in microgravity but with a shorter nucleation time. This mechanism in microgravity of higher nucleation site temperature variation and higher nucleation frequency induce a lower nucleation average temperature; thus a better local heat transfer coefficient. 4 Conclusions and on-going-work We have presented here the first results obtained on bubble growth and detachment under normal gravity and reduced gravity conditions in a 2D Hele-Shaw cell. The observation technique we have developed is based on the simultaneous visible and infrared recording of a 2D cell. It enables us to visualize the size and shape of the bubbles during all the stage of nucleation, growth and detachement. The convective flow created in the 2D cell evidences a constant detachment diameter under normal gravity conditions whereas in microgravity the bubbles detachment diameter decreases sharply. The visualization indicates that in normal gravity bubbles are stuck on the heating film whereas in microgravity they slip on the heating film very quickly after their growth from the nucleation site. Acknowledgements We would like to thank the European Space Agency for their financial assistance and the campaign carried out at Bordeaux, Mrignac, France. We would also like to thank Novespace for their assistance during the campaign. References 1. P. Arlabosse Etude des transferts de chaleur et de masse par effet Marangoni: application la compréhension du mécanisme de l’ébullition en apesanteur. Ph.D. Thesis, Université de Provence, 1997. 2. J. Mainhagu et al. Measurement by Laser Induced Fluorescence on miscible density driven flows in a Hele-Shaw cell: settings and preliminary results Comptes Rendus Mcanique, 335(2): p. 105-112, 2007. 3. L. Meignin et al. Subcritical Kelvin-Helmholtz Instability in a Hele-Shaw Cell Physical Review Letters, 90(23): p. 234502, 2003. 4. D. 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S. Luciani, D. Brutin, C. LeNiliot, L. Tadrist and O. Rahli Boiling Heat transfer in a vertical microchannel: local estimation during flow boiling with a non-intrusive method Multiphase Science and Technology, 21(4):297-328 (2009). 131 132 CHAPITRE 4. EBULLITION CONVECTIVE SUR SITE ISOLÉ Chapitre 5 Conclusions et perspectives L’objet de cette thèse est de contribuer à la compréhension de l’ébullition à partir d’expériences modèles basées sur l’ébullition sur site isolé. Un des paramètres d’étude étant le changement de gravité, nous avons voulu étendre nos acquis afin de contribuer à une expérience de référence en microgravité, RUBI. Pour cela, nous avons essentiellement basé nos travaux sur l’expérimentation et l’analyse physique des phénomènes observés. Les études expérimentales de l’ébullition multisite et monosite ont toutes les deux fait l’objet d’une étude bibliographique. Dans le cas de l’ébullition en vase, les résultats trouvés dans la littérature sont principalement des courbes dites ”d’ébullition” où le flux de chaleur transféré est rapporté en fonction de la surchauffe pariétale. Ces études ne permettent pas d’identifier de manière claire les phénomènes physique entrant en jeu lors d’études paramétriques. L’ébullition sur site isolé a pour but de maı̂triser et d’expliquer les différents phénomènes lors de la croissance d’une bulle unique. Dans ce cas, les résultats récents sont très enrichissant mais restent peu documentés étant donné les difficultés d’accès aux grandeurs physiques recherchées. Celles-ci sont identifiées à partir de travaux théoriques couplés à des simulations numériques. L’ensemble des travaux, qu’ils soient expérimentaux, théoriques ou numériques, montrent qu’il s’agit d’un problème complexe où il existe un important couplage aussi bien au niveau des différentes phases que des phénomènes physicochimiques. La thèse a donc débouché sur la mise au point de plusieurs réalisations et dispositifs expérimentaux. Le premier a pour but de tester et de valider un choix d’expérience pour une expérience de référence en microgravité . Les résultats obtenus nous permettent de confirmer ceux obtenus à partir de travaux réalisés par plusieurs auteurs. Nous avons interprété ces résultats comme étant dus à l’augmentation du temps de présence des interfaces liquide-vapeur au voisinage de la paroi. La couche de liquide surchauffée joue donc dans ce cas un rôle important pour favoriser les transferts de chaleur en microgravité. La difficulté d’accès à cette grandeur nous a poussé à choisir un dispositif simplifié consistant à confiner une bulle de vapeur unique entre deux plaques (principe de la cellule de Hele-Shaw) dans le but d’accéder aux grandeurs thermiques et hydrauliques (température et flux de chaleur, vitesse et position d’interface). Ce dispositif nous permet d’accéder à une description morphologique complète de la bulle durant sa croissance, depuis sa nucléation dans un site artificiel jusqu’à son détachement. Nous avons pour cela mis en place une technique interférométrique nous permettant 133 134 CHAPITRE 5. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES le suivi du champ de température autour de la bulle. Cette grandeur sert de base à l’ensemble de l’analyse thermique, notamment à la mesure du flux de chaleur à l’interface de la paroi avec le liquide et sur tout le pourtour de la bulle. Les tailles maximales des bulles n’excèdent pas 2 mm. La sensibilité de la mesure est élevée. Elle permet de détecter l’orientation des flux de chaleur le long de l’interface de la bulle : évaporation à ses pieds puis condensation depuis l’apex jusqu’à la limite où la température du liquide est à la température de saturation. Trois paramètres ont été étudiés : le sous-refroidisement du liquide, la surchauffe de la paroi et son angle d’inclinaison. Deux types de croissance ont été mis en évidence : • la bulle émerge du site de nucléation. Elle reste attachée aux bords du site. Sa taille croit et l’angle de mouillage diminue jusqu’à atteindre une valeur limite où la ligne de contact se décroche du site, • La croissance de la bulle se fait avec glissement de la ligne de contact sur la paroi avec un angle de mouillage constant. Dans le cas du glissement, lorsque l’angle de la paroi devient important, un régime intermédiaire a été mis en évidence : accrochage à un pied et glissement à l’autre. Les mesures thermiques par interférométrie nous ont permis de mesurer le champ de flux autour de la bulle de vapeur. A partir de la mesure intégrale du flux de chaleur autour de la bulle, nous avons mis en évidence l’importance du transfert de chaleur au niveau de la ligne de contact (grandeur inaccessible par la méthode utilisée ici). Un couplage entre des mesures par interférométrie dans la phase liquide et dans la paroi [95] permettrait de mieux identifier ces phénomènes. Grâce aux mesures locales, nous avons identifié le rôle et l’importance des différents paramètres : la surchauffe pariétale a un impact plus important que le sous-refroidissement du liquide sur la croissance des bulles, l’orientation de la paroi n’ayant une influence que sur la dynamique de l’interface de la bulle mais pas directement sur les transferts de chaleur durant sa croissance. Une troisième expérience a été réalisée pour étudier et analyser l’influence du cisaillement sur la croissance d’une bulle de vapeur dans une configuration 2D en microgravité. Nous avons mis en oeuvre une mesure couplée du champ de température autour de la bulle et le suivi de l’interface durant la croissance d’une bulle. Les résultats préliminaires ont permis de mettre en évidence l’impact de la gravité sur le diamètre de détachement de bulles de vapeur cisaillées et créées sur un film résistif. Les mesures simultanées de la croissance des bulles et leur détachement, et du champ de température dans le liquide à l’aide d’une caméra infra-rouge ont permis de visualiser l’impact de la présence de la bulle sur la température du liquide environnant. Ces deux campagnes de vols paraboliques ont donc permis de valider l’utilisation d’une cellule de Hele-Shaw pour l’étude de l’ébullition convective sur site isolé, avec un nouveau type de diagnostique optique pour la mesure du champ de température. L’analyse thermique par l’interférométrie avait déjà dans le cas d’une bulle statique, permis de mesurer avec précision le champ de température autour d’une bulle [107]. Les travaux de cette thèse ont permis d’accéder au flux de chaleur local et intégral autour d’une bulle lors de sa croissance à travers la mesure des zones d’évaporation et de condensation. Les travaux futurs consisteraient à consolider la méthode développée durant cette thèse sur l’analyse couplée de la morphologie et 135 des transferts thermiques. Cela permettra d’analyser de manière systématique le développement des différentes couches et les transferts de chaleur sur un cycle complet : depuis la nucléation de la première bulle jusqu’à l’apparition de la bulle suivante. Cela permettrait d’identifier le rôle des différents phénomènes et leur couplages suivant les échelles mises en jeux : de l’échelle microscopique lors de la nucléation de la bulle jusqu’au détachement de la bulle (de l’ordre du mm), en passant par le développement de la couche d’évaporation (de l’ordre de 100 µm). Parallèlement, des travaux de modélisations seraient nécessaires pour simuler le comportement de la croissance et du détachement d’une bulle afin d’accéder à l’ensemble des paramètres locaux. En faisant cela, il serait possible de comprendre le rôle de la gravité sur les mécanismes influençant les transferts de chaleur par ébullition. 136 CHAPITRE 5. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Annexe A Propriétés des liquides utilisés pour les différentes expériences Sommaire A.1 Liquide FC-72 de la société 3M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138 A.2 Liquide HFE-7100 de la société 3M . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 137 138 A.1 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS DES LIQUIDES UTILISÉS Liquide FC-72 de la société 3M Le FC-72 utilisé durant les différentes expériences de ma thèse est produit et commercialisé par la société 3M. Il s’agit principalement de n-perfluorohexane (C6 F14 ). La composition chimique complète du produit a été publiée par Henry [34]. Ayant travaillé à la pression de 0.6 bar pour l’expérience en microgravité et à 1 bar avec la cellule de Hele-Shaw, je présente dans le tableau A.1, les principales propriétés physique de ce liquide dépendantes de la température dans ces conditions, avant d’expliciter les lois utilisées pour établir leurs valeurs. Table A.1 – Propriétés du FC-72 à 0.6 bar et 1 bar Grandeur Unité Valeur Valeur P hPa 600 1000 ◦ Tsat [ C] 42.4 56.6 Cpl [J/kg/K] 1076.5 1098.4 3 ρl kg/m 1645.3 1619.8 3 ρv kg/m 8.3 13.4 σ [N/m] 8.27 10−3 9.50 10−3 λ [W/m/K] 5.38 10−2 5.21 10−2 Llv [J/kg] 84515 88494 n [−] 1.23 1.24 Relation d’équilibre entre la pression (Pa) et la température de saturation (˚C) : log10 (Psat ) = 9.729 − 1562 T + 273.15 (A.1) Dépendance de la capacité calorifique massique (J/kg/K) à la température (˚C) : Cpl = 1014 + 1.554 ∗ T (A.2) Dépendance de la masse volumique du liquide (kg/m3 ) à la température (˚C) : ρl = 1740 − 2.61 ∗ T (A.3) Dépendance de la masse volumique de vapeur(kg/m3 ) à la température (˚C) : ρv = 2.063 ∗ 10−7 ∗ T 4 + 2.893 ∗ 10−7 ∗ T 3 + 1.856 ∗ 10−3 ∗ T 2 + 6.842 ∗ 10−2 ∗ T + 1.3724 (A.4) Dépendance de la tension de surface (N/m) à la température (˚C) : −2 σ = 4.2705 ∗ 10 ∗ 1 − (273.15 + T ) 451.65 1.2532 (A.5) Dépendance de la conductivité thermique du liquide (W/m/K) à la température (˚C) : λl = 9.0672 ∗ 10−2 − 1.168 ∗ 10−4 ∗ (T + 273.15) (A.6) A.2. LIQUIDE HFE-7100 DE LA SOCIÉTÉ 3M 139 Dépendance de l’enthalpie de vaporisation (J/kg) à la température (˚C) : Llv = −0.4984 ∗ T 2 − 230.89 ∗ T + 99179.99 (A.7) Dépendance de l’indice de réfraction à la température (˚C) : n = 1.268679 − 0.000644 ∗ T A.2 (A.8) Liquide HFE-7100 de la société 3M Le HFE-7100 est également un produit de la société 3M. Il est composé des deux isomères du methoxy-nonafluorobutane, de formule chimique (C4 F9 OCH3 ). Les relations de dépendance de ces propriétés physique à la température sont les suivantes : Relation d’équilibre entre la pression (Pa) et la température de saturation (˚C) : ln (Psat ) = 22.415 − 3641.9 T + 273.15 (A.9) Dépendance de la masse volumique du liquide (kg/m3 ) à la température (˚C) : ρl = 1538.3 − 2.269 ∗ T (A.10) Dépendance de la conductivité thermique du liquide (W/m/K) à la température (˚C) : λl = 7.3714 ∗ 10−2 − 1.9548 ∗ 10−4 ∗ T (A.11) Dépendance de la capacité calorifique massique (J/kg/K) à la température (˚C) : Cpl = 1133 + 2.00 ∗ T (A.12) 140 ANNEXE A. PROPRIÉTÉS DES LIQUIDES UTILISÉS Bibliographie [1] Abarajith and Dhir. Numerical study of the effect of contact angle on the dynamics of a single bubble during pool boiling. In ASME, editor, IMECE, New Orleans, 2002. iv, 76 [2] Abe, Oka, Mori, and Nagashima. Pool boiling of a non-azeotropic binary mixture under microgravity. 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