Un ring sans étoile - Ecole de journalisme de Sciences Po
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Un ring sans étoile - Ecole de journalisme de Sciences Po
Ecole de journalisme de Sciences Po Un ring sans étoile Soumis par LACARRIERE Cyril Soir de combat à la Halle George Carpentier de Paris. Le boxeur français Jean-Marc Mormeck affronte Timur Ibragimov, venu d'Ouzbekistan. Les gradins sont remplis, quelques célébrités prennent place autour du ring. Douze rounds de coups, d'encouragements, de peur également. Le Français l'emporte. Sa troisième victoire dans la catégorie poids lourds, en attendant de disputer un titre mondial. Entre désaffection et fascination, la boxe traverse une période charnière et livre un combat pour ne pas disparaître. Pendant six semaines, Cyril Lacarrière, étudiant de 2ème année de l'Ecole de journalisme de Sciences Po, a mené son enquête sur le milieu de la boxe sous la direction de son professeur, Pierre Serisier. Situation actuelle, place dans la société, boxe féminine, amateurisme, menaces... "Un ring sans étoile" fait le bilan sur ce sport en crise. Le coach Basheer Abdullah, à gauche, parle stratégie avec Adrian Ghisoiu au National Boxing Championships de 2009 à Denver, U.S. http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08 Ecole de journalisme de Sciences Po Crédit photo: FlickR/cc/familymwr Edité par Diane Jeantet En manque de star, plombée par la multiplication des catégories et des champions, moquée pour ses combats déséquilibrés, la boxe ne fait plus recette. Depuis la fin des années Tyson et de la Hoya, les figures manquent pour incarner le renouveau : «ces deux types dépassaient le cadre du sport,» explique l'ancien boxeur Jean-Claude Bouttier devenu consultant pour Canal +, «Tyson était peut-être un mauvais garçon mais c'était un champion. A chaque fois que je le voyais monter sur le ring, j'avais la chaire de poule.» Un frisson largement entamé ces dernières années. En France ce même Bouttier demeure une référence, 37 ans après sa deuxième défaite historique face à Carlos Monzon, «que je sois un marqueur d'accord, mais ce n'est pas normal que les jeunes ne m'aient pas mis dehors», déclare l'ancien champion d'Europe. Christophe et Fabrice Tiozzo, Mahyar Monshipour, Brahim Asloum, tous champions du monde, ne prendront jamais la suite malgré des relais médiatiques décuplés. «On a pris les gens pour des idiots, plus personne ne se lève la nuit pour suivre les combats aux Etats-Unis et tout le monde partage la responsabilité de cet échec», assène Dominique Nato, directeur technique national (DTN) de la Fédération française de boxe. Dix-sept catégories de poids, quatre ceintures reconnues par la fédération internationale (WBA, WBC, WBO, IBF), 68 champions du monde potentiels, largement de quoi créer la confusion. Lorsque Brahim Asloum , premier médaillé d'or olympique de la boxe française depuis 1936 (Roger Michelot et Jean Despeaux, JO Berlin), devient champion du monde catégorie mi-mouche en 2007, c'est sous les moqueries qu'il soulève sa ceinture. Combats jugés trop faciles, adversaires vieillissants, Asloum est décrédibilisé, «Ce qu'avait réalisé Brahim à Sydney était pourtant monstrueux», regrette Jean Claude Bouttier. En 2009, à tout juste 30 ans, il met un terme à sa carrière, faute de diffuseur. http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08 Ecole de journalisme de Sciences Po Professionnels VS Amateurs, la revanche Un champion du monde sans télévision pour retransmettre ses combats, une situation pour le moins surprenante . Pour Dominique Nato, les chaînes ont leur part de responsabilité dans la perte de repères actuels : «les télévisions ont participé à la multiplication des champions, créant moins de visibilité pour le public, donc l'éloignement des spectateurs et la baisse d'audience qui va avec. Résultat les chaînes finissent par se retirer.» Autre coupable désigné, le monde professionnel : «la fédération a trop longtemps laissé la boxe pro aux mains des promoteurs», explique Myriam Chomaz, ancienne championne d'Europe maintenant attachée à la FFB. Une position soutenue par Jean-Marc Mormeck : «tous ces gens qui restent chez eux à ne rien faire, qui se revendiquent mentors sans qu'on sache pourquoi et qui prennent l'argent au passage, il faut que ça s'arrête et que les boxeurs restent maîtres de leur vie et de leur destin.» L'ancien champion du monde des lourds légers, organisateur de ses propres combats, espère voir d'autres pugilistes lui emboîter le pas. (voir encadré 'Jean-Marc Mormeck, le rêve et l'exemple' ). Des préoccupations qui contrastent avec la pratique amateur où le sportif reste au cœur du projet. Sur 40.000 pratiquants en France, 400 sont licenciés professionnels. Parmi eux seule une petite vingtaine parvient à vivre de son sport. D'où le choix de conserver un statut d'amateur qui offre plus de garanties et de sécurités : «la boxe pro n'est pas organisée et les boxeurs sont livrés à eux-mêmes. Au sein de la fédération, ils bénéficient des infrastructures nationales et ont l'obligation de s'inscrire dans un double cursus, sportif et universitaire», détaille Bruno Wartelle, capitaine de l'équipe de France de boxe aux Jeux olympiques d'Atlanta, aujourd'hui chargé du développement événementiel, de la communication et référent boxe à la mairie d'Issy-les-Moulineaux (92). Des conditions attractives qui peuvent retenir même les plus doués des champions français. John Mbumba, triple champion de France chez les poids lourds et huitième de finaliste aux JO de Pékin, a d'ailleurs fait ce choix (lire portrait ). Trop d'incertitudes et moins de visibilité à long terme : «A l'Insep, je m'entraîne deux fois par jour, je ne travaille qu'avec l'élite de mon sport et je sais où je vais. A l'extérieur, j'en connais qui n'ont même plus leur carrière entre leurs mains», explique-t-il. Pourtant malgré ces imbroglios, la boxe conserve un puissant pouvoir d'attraction, comme en atteste la fréquentation des salles d'entraînement - augmentation de 60% des licenciés entre 1996 et 2010 - et l'aura que conserve les quelques dernières stars de ce sport. http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08 Ecole de journalisme de Sciences Po «Peut-être est-ce l'école des hommes» (Alexis Philonenko) Un paradoxe illustré par la particularité d'une pratique où se mêlent art et violence. Fabrice Burlot, sociologue du sport à l'Insep : «c'est d'abord une activité qui déconcerte. Elle est très éloignée de l'image qu'elle dégage, on y trouve finalement beaucoup de respect, de chaleur, d'humilité. Et en même temps les gens viennent y voir une chose devenue de plus en plus lointaine de leur univers : la violence.» Dans une société qui cherche à civiliser sa violence cet aspect mythologique confère à la boxe sa singularité. Gamins des banlieues défavorisées et cadres d'entreprise s'y retrouvent, souvent dans des clubs différents mais avec des motivations comparables : trouver un sport exutoire et changer le regard des autres sur soi. «Dans un monde où il faut faire preuve d'originalité, faire de la boxe est atypique. Pour ces cadres, se voir coller une image de mauvais garçon peut être positif, analyse Fabrice Burlot, même choses pour des jeunes qui veulent s'affirmer.» A la différence que ces derniers devront y apprendre des valeurs souvent loin de l'image populaire que ce sport véhicule. Trucages, agressivité, dérapages de stars médiatiques, les clichés, bien réels, sont nombreux à handicaper la boxe. Mais une fois la porte d'une salle d'entraînement franchie, la réalité est bien différente.Discipline, autogestion, respect, connaissance de son corps, les règles sont nombreuses, même si très informelles. Premier regard en entrant dans un club et première surprise. A la différence d'un terrain de football, l'entraîneur se trouve très en retrait, presque effacé par rapport à ses boxeurs. Distillant ses conseils au compte gouttes, intervenant rarement, sa place est décisive car il est le seul à permettre l'accès au ring, le saint des saints. Pour ceux qui viennent pour la première fois, le contraste est saisissant. Les comportements se lissent et les mouvements d'humeur sont rares. Les expressions de force et de virilité se passent dans le combat, face aux autres et face à soi-même. Alexis Philonenko, historien de la philosophie, amoureux du noble art et auteur de Histoire de la boxe, conclut ainsi l'avantpropos de son livre : «la boxe connaît les coups, mais aussi les pensées altières et nobles.» http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08 Ecole de journalisme de Sciences Po Un propos qu'appuient les recherches du sociologue de l'Insep : «soit on accepte de faire des efforts, soit on s'en va, il y a une obligation à rentrer dans le moule et à bosser, on ne vient pas ici pour faire le 'mariole'. A l'encontre des idées reçues, pour ces jeunes, la salle est un îlot sécurisé dans un environnement pas toujours simple.» Des salles où se pressent de plus en plus de femmes. Si leur engouement pour ce sport de contacts dérange, il pourrait lui offrir un nouveau souffle. «Les hommes y laissent un peu de leur virilité» «En général quand je dis que je suis boxeuse, les gens sont surpris car j'ai gardé ma féminité. Et juste après ils me disent 'donc toi il ne faut pas t'embêter', classique», raconte Lucie Bertaud, 25 ans, quintuple championne de France (2005, 06, 07, 08, 2010) et championne d'Europe (2007). Rarement bien perçues par les boxeurs masculins, ces nouvelles adeptes des rings représentent aujourd'hui 18% des licenciés nationaux, soit environ 6 000 femmes qui mettent les gants.Pour la compétition mais également le loisir. C'est le cas à l'Avia Club d'Issy-les-Moulineaux. Tous les samedis, une trentaine de femmes, plutôt cadres avec enfants, viennent profiter des entraînements du boxeur pour se défouler. «Quoi de mieux pour se vider la tête que de taper dans un sac», explique Bruno Wartelle, à l'initiative de ce projet, «je leur dis, tu pense à ton mari et tu frappes !» Avec l'idée de calquer les séances sur ce que font les boxeurs, l'ancien champion veut donner une image plus attractive du sport qui lui a tout apporté. Même si aucune n'a dépassé le stade du fitness, Bruno Wartelle y voit une diversification qui peut être salvatrice. Portée par le succès du film de Clint Eastwood, Million Dollar Baby, la boxe féminine bénéficie de nombreuses campagnes de presse positives. La fédération a d'ailleurs été récemment primé par le ministère des Sports pour le développement de la pratique du sport féminin. «Même si les hommes y laissent un peu de leur virilité", s'amuse Myriam Chomaz. Des réticences que l'on retrouve à la maison, «chez moi c'est surtout mon père qui était réticent,» se souvient Lucie Bertaud, «ma mère a tout de suite été ma première supportrice. Elle me conseille, me soutient et stresse autant que moi avant un combat.» Afin de rassurer les parents et de sortir la boxe de cette image négative, Luce imagine une plus grande complémentarité entre études et sport. Au Boxing Beats d'Aubervilliers (93), où elle est inscrite, le club apporte un soutien scolaire en plus des entraînements, «comme ça les mamans nous confient plus facilement leurs enfants», explique la jeune boxeuse. Impliquer les parents, inscrire les boxeurs dans une double démarche, les idées ne manquent pas. Comme cette initiative où s'implique Brahim Asloum, la World Series of Boxing (WSB), où des villes s'affrontent tels des matches de foot (voir encadré WSB). http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08 Ecole de journalisme de Sciences Po Successeuse du pugilat, réglementée en 1865, admise comme discipline olympique en 1901, sport de fantasmes, mêlant la magie du combat le plus pur - et le plus âpre - et la dramaturgie du cirque romain, la boxe vit actuellement une période creuse. Loin des fastes médiatiques et des gloires comme Mohammed Ali, Sugar Ray Leonard, Joe Frazier aux Etats-Unis et Marcel Cerdan en France, la discipline se cherche un nouvel élan. Il passera nécessairement par un assainissement du milieu, une simplification des catégories, et forcément par l'avènement d'une nouvelle idole qui portera son sport. Pour Fabrice Burlot, il n'y a pas de fatalité, «la boxe anglaise disparaîtra peut-être mais reviendra sous une autre forme, avec d'autres règles, mais avec toujours deux types qui s'opposent face à face», une autre manière de ne jamais vraiment mourir. http://www.journalisme.sciences-po.fr Propulsé par Joomla! Généré: 29 September, 2016, 21:08
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