La peinture grecque, jusqu`au milieu du 20è siècle était totalement

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La peinture grecque, jusqu`au milieu du 20è siècle était totalement
COMPTE RENDU DE LA CONFERENCE DONNEE AU MAN
Samedi 14 janvier 2012 à 10h
"La peinture grecque dans les tombes macédoniennes".
par Anaïs Boucher, conservateur au Département d 'archéologie comparée.
La peinture grecque, jusqu'au milieu du 20è siècle était totalement méconnue. Une première partie
sera consacrée à la redécouverte de la peinture grecque et des tombes macédoniennes, une seconde
partie sera consacrée aux techniques picturales de l'époque.
Jusqu'au début du 20 è siècle on ne connait rien de la peinture grecque à part les sources littéraires
dont celle qui fait référence, « L'histoire naturelle » de Pline l'Ancien, ainsi que des textes
d' Athénagoras, de Cicéron, Dolce et Lucien. (se reporter à l'annexe « Petite anthologie »).
Deux peintres principaux sont mentionnés :
➢ ZEUXIS peintre Grec qui a vécu au 5e s avant JC. Il était capable de réaliser des peintures en
« trompe l’œil », d'imiter la nature, ce que l'on appelle la mimèsis qui va être une des qualités
recherchées par les peintres Grecs. Il recherchait également la beauté. Cicéron raconte que
Zeuxis voulant représenter la plus belle femme du monde partit à Crotone rassembler les plus
belles jeunes filles afin de trouver en chacune une qualité différente dont il se servirait pour
établir le portrait de la femme idéale.
➢ APELLE
Portraitiste officiel d'Alexandre le Grand (3es av JC) . Favori du roi, il reçu de nombreux
présents dont une des favorites du roi. Jalousé il fut calomnié, d' ou ce fameux tableau « la
calomnie d'Apelle » où il représente pour se venger toutes les personnes qui l'ont accusé à tord
et l'on retrouve toutes ces descriptions dans le tableau de Botticelli qui a suivi la description
donnée par Lucien.
La peinture grecque c'est également la peinture au quotidien, elle n'est pas uniquement destinée aux
puissants. Les artistes travaillaient également pour les sanctuaires. La plupart des Grecs pouvaient voir
leurs œuvres en se rendant dans un temple par exemple, puisqu'il avait des tableaux qui étaient offerts
en «ex-voto ».
Pourquoi les découvertes principalement en Macédoine ?
Dans le royaume de Macédoine, une dynastie, les Téménides (ou les Argéades) qui sont des Grecs, se
disent descendants d' Héraclès. Elle commence en 540 av J.C. mais les périodes qui nous intéressent
sont celles du règne de Philippe II (359 – 336 av J.C.) et ensuite sa succession avec Alexandre . On a
un certain nombre de sources littéraires sur les peintres Grecs en Macédoine car il s'agissait d'une cour
royale, les rois mécènes vont accueillir Pamphile, un des premiers peintres et ensuite Zeuxis et Apelle.
On trouve les peintures dans les tombes macédoniennes. Seulement 83 sont répertoriées dans le
monde gréco romain, dont plus de 70 en Macédoine, les autres en Égypte puisque les Macédoniens y
sont allés tout comme en Palestine.
Les découvertes sont récentes et à part les découvertes de la mission Heuzay envoyée par Napoléon III
en Macédoine et qui va découvrir des tombes avec du mobilier et des peintures, ce sera au milieu du
20e s que l'on va faire les plus importantes découvertes :
➢ 1942 – 1971 Découverte d'un certain nombre de tombes : La tombe de Lyson et Galliclès, la
tombe du jugement dernier en 1954, la tombe des palmettes en 1971.
➢ Découverte des tombes royales sur le site de Vergina et de son tumulus connu depuis 1952
mais dont la véritable fouille aura lieu en 1977.
➢ Dans les années 1980 on va découvrir d'autres tombes dites à cistes, (rectangulaires) qui vont
être également peintes, dans les environs de Thessalonique et d'Amphipolis, la dernière tombe
découverte va l'être en 1994 .
Une tombe macédonienne c'est un monument souterrain qui a un plan carré ou rectangulaire, un toit
vouté, une ou deux chambres. Ce sont souvent des sépultures familiales et les façades sont souvent
agencées comme celles d'un palais ou d'un temple, mais sans respecter un ordre particulier qui est
représentatif d'un architecte ou de son commanditaire. On a généralement une porte en marbre et on
va trouver de la peinture sur les éléments architecturaux pour mettre en relief les chapiteaux, les
colonnes, les frises et à l'intérieur de la tombe .Ces tombes monumentales vont exister du 3è quart du
4è siècle au 1er quart du 3è s av JC.
A l'intérieur on y place du mobilier, des lits funéraires, des tables d'offrandes en marbre et des objets
en métaux précieux. Elle est ensuite ensevelie seule ou avec d'autres tombes sous un grand tumulus de
terre. Ces tombes étaient réservées à l'aristocratie et à la famille royale de Macédoine.
La tombe des palmettes a été découverte par hasard en hiver 1971 par des trafiquants. Elle avait déjà
été pillée dans l'antiquité ce qui fait que les trafiquants ne l'ont pas trop endommagée. Elle a été
fouillée en 1973 et c'est l'une des tombes les mieux conservée. Enfouie sous 2,50m de haut et 15 à 17
m de large, elle possède une façade monumentale. Elle se visite, a été entièrement restaurée et est
protégée par une chape de béton. On y accède par une antichambre dont le plafond est décoré de
palmettes puis on pénètre directement dans la chambre funéraire. Sur le fronton il y a un couple en vis
à vis comme installé pour un banquet, peut être un couple divin, Hadès et Perséphone, richement
vètus.
Les tombes les plus impressionnantes sont celles qui ont été découvertes à VERGINA , première
capitale de Macédoine.
Tombe de Philippe II . Une petite antichambre et la chambre funéraire. La façade a été
particulièrement abimée naturellement car le sédiment de la grande Toumba comporte énormément de
petits graviers qui ont raclés la surface lors des mouvements de terrain. On a retrouvé de la vaisselle
de luxe, de banquets, que l'on a pu admirer lors de la dernière exposition du Louvre.
Une tombe à ciste. La tombe de Perséphone nommée comme cela non pas du nom de la défunte
mais à cause de la scène qui y est représentée. Tombe d'une femme proche de celle de Philippe II, on a
supposé que c'était celle d'une de ses 7 épouses. Les murs sont peints en rouge sang jusqu'à mihauteur. Une peinture représente l'enlèvement de Perséphone par Hadès.
La tombe d'Eurydice, fouillée en 1987. On pense que c'est la sépulture de la reine Eurydice, la mère
de Philippe II . A l'intérieur ce qui est intéressant c'est la peinture du trône en marbre sur lequel on a
trouvé une urne et des ossements brulés. Ce trône en marbre évoque les trônes en ivoire qui faisaient
partie du mobilier royal, sur le dossier un petit tableau qui peut évoquer la peinture de chevalet que
l'on a complètement perdue.
ASPECTS TECHNIQUES :
Les pigments
On pense que la grande peinture a surtout été réalisée sur du bois, peut être même sur des toiles, elle
était donc transportable et elle était collectionnée,mais trop fragile elle n'a pas pu être conservée.
Ce que l'on retrouve, c'est de la peinture sur pierre, écho de la grande peinture qui a pu être réalisée
par des grands peintres. Elles vont être réalisées sur du tuf ou sur du marbre. On trouve ces peintures
dans les tombes, sur des stèles, sur des reproductions en pierre de meubles, trône.
Les pigments ne peuvent pas être appliqués directement sur la pierre, il faut un enduit généralement
blanc qui permet de faire vibrer les couleurs. Généralement 2 à 3 couches d'enduit à la chaux avec une
couche supérieure très fine (poudre de marbre). Enduit qui sèche doucement ce qui va permettre au
peintre de terminer son œuvre pendant que les pigments vont s'y imprégner petit à petit.
La technique
On utilise surtout la technique « a tempera », technique qui consiste à délayer la couleur dans l'eau
avant de la mélanger, en fait on la détrempe, technique très utilisée pour la peinture murale. On utilise
de l'eau et des liants organiques.
Dans la tombe des Palmettes (découverte en 1971) on a retrouvé de l’œuf et dans celle d'Agios
Athanassios (découverte en 1994) de la gomme adragante, on trouve aussi de la gomme arabique
(issue de différentes espèces d'acacias) dans la tombe d’Eurydice (trône en marbre) où l'on a
l'impression qu'un vernis a été appliqué pour augmenter la brillance de la couleur mais dont la
composition cire ou encaustique n'a pas pu être encore déterminé par analyse.
Les pigments pour la couleur.
Dans la peinture grecque de Macédoine les couleurs sont très variées. On a du rouge, du vert, du bleu
foncé, du rose, du pourpre, du blanc, du gris, à l'opposé de ce que disait Pline avec ses 4 couleurs.
On trouve principalement des pigments minéraux, naturels, de provenance locale, quelques pigments
artificiels et des pigments organiques en particulier végétaux. Certains de ces pigments sont toxiques
comme le rouge cinabre obtenu à partir de mercure, le blanc de plomb et le jaune à base de sulfure
d'arsenic.
Le bleu, existe assez peu en pigment minéral ou végétal, il faut le synthétiser. Ce que l'on utilise à
l'époque c'est le bleu égyptien, couleur qui évoque la mort. Inventé en Égypte en 2000 av J.C.
Comment travaillait le peintre au niveau de la superposition des couches picturales.
On obtient les différentes couleurs par superposition, il n'y a pas de palette comme aujourd'hui. Par
exemple pour réaliser le violet foncé on applique une couche de bleu égyptien sur une couche de
rouge. Pour obtenir des dégradés de coloris on procède de même par superposition soit avec du bleu
égyptien soit avec une sous couche grise. On va mélanger du charbon avec de la chaux et ensuite
appliquer le pigment sur la surface enduite de ce mélange, ce que l'on appelle une peinture
« atmosphérique » .
METHODES ET STYLES
Préparer le dessin, plusieurs solutions :
➢ dessin préparatoire qui va être profondément incisé sur l'enduit humide, dessin inventé in situ,
pas de carton, pas de modèle, mais ce dessin préparatoire n'est ensuite pas toujours suivi par le
peintre (tombe de Perséphone)
➢ dessin peint en gris foncé reprenant un dessin préparatoire qui avait été gravé mais beaucoup
plus finement que dans la tombe précédente (tombe de Lyson et Calliclès )
➢ (tombe de Philippe II) pas de dessin préparatoire incisé (tombe de Philippe II), mais on trouve
des petits traits fins précis qui vont être incisés au niveau des lances et des javelots ou sur le
contour de quelques figures qui vont servir de repères puisque l'on a transposé ici à l'aide de
cartons une scène qui avait été préalablement réalisée sur carton en atelier.
Ceci correspond à des styles picturaux différents :
La notion de style est très important dans la peinture ancienne.
Pline parle de la peinture en 4 couleurs, la tétrachromie. Il dit que c'est à partir de 4 couleurs
seulement, le blanc, le jaune, le rouge et le noir qu'en particulier Appelle a réalisé des œuvres
immortelles. On a cependant le droit de les mélanger. Pour lui la débauche de couleur est un vecteur
de luxe et un procédé de facilité pour le peintre de cacher ses défauts.
Il s'oppose à Aristote favorable aux mélanges et aux touches de couleurs. Il a travaillé sur l'optique et
cette superposition de couleurs entraine un mélange optique au niveau de la rétine.
Volumes et perspectives
Cet art pictural maitrise parfois assez bien le volume et la perspective. Pour Platon, la peinture est un
art de l'illusion. A l'époque on n'a pas encore bien compris les règles de la perspective ce qui fait que
les représentations de l'espace vont être un peu imprécises, cependant ils arrivent à suggérer la
troisième dimension.
Souvent l'impression de volume est donné par des hachures sur les corps, réalisant ainsi un ombrage
progressif.
Il existe aussi des non respect des proportions entre les personnages ou objets d'un premier plan avec
ceux d'un plan plus éloigné.
L' ICONOGRAPHIE
LES MOTIFS
On a de la peinture funéraire avec des motifs très spécifiques, ce que l'on trouve très fréquemment ce
sont des motifs géométriques, décoratifs.
➢ Très souvent des motifs floraux. C'est très habituel dans l'art grec car dans ce contexte cela va
symboliser le renouveau, l'espoir d'un au-delà,
➢ Les guirlandes de fruits, par exemple de grenades, qui sont des offrandes liées au culte de
Perséphone, divinité des enfers (dans la réalité on accrochait des guirlandes de fruits, de
feuilles sur la tombe quand on allait rendre visite au défunt),
➢ Le griffon qui est le gardien de la tombe et qui représente l'éternité,
➢ Des bucranes, des colliers qui évoquent un aspect rituel.
LES SCENES FUNERAIRES
➢ Le banquet funéraire où l'on représente des personnages richement vêtus qui sont en train de
boire du vin, de manger au son de la musique, évoque à la fois la vie quotidienne et le banquet
organisé pour le mort lors de la sépulture, mais aussi lors des cérémonies d'anniversaire au
cours desquelles la famille et les amis se réunissent autour de la tombe et vont partager
ensemble un repas comme si le mort était parmi eux. Pratique aristocratique, riches vêtements
et uniformes militaires.
➢ Évocation de la vie du défunt, son mode de vie, ses armes, ses passions (chasse, jeux
funéraires).
➢ Évocation de l'au-delà, le défunt est conduit aux enfers, prêt à être jugé.
LES SCENES MYTHOLOGIQUES
➢ Enlèvement de Perséphone par Hadès, les Moires Atropos (au nombre de 3) qui tissent les fils
de la vie.
LES PAYSAGES ET SCENES DE CHASSE
➢ Scènes de paysage, de combat, de chasse (tombe de Philippe II) dont le personnage central
serait Alexandre). La chasse était très importante pour les macédoniens car pour assister au
banquet il fallait avoir tué un sanglier, c'est comparable à une initiation. On chasse le sanglier,
l'ours et le lion.
La présence d'Alexandre sur cette peinture vise à le légitimer comme héritier de Philippe II.
GW- 01/2012