Etude de composites SiC/SiBC à matrice multiséquencée en fatigue

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Etude de composites SiC/SiBC à matrice multiséquencée en fatigue
Chapitre 1 Bibliographie
17
1. Généralités sur les composites à matrice céramique ...................................................... 17
1.1. Introduction.................................................................................................................... 18
1.2. Composites carbone-carbone ......................................................................................... 19
1.3. Composites à matrice ou fibres oxydes ......................................................................... 22
1.4. Composites SiC/SiC....................................................................................................... 25
1.5. Méthodes d'élaboration .................................................................................................. 33
1.6. Conclusion ..................................................................................................................... 37
2. Comportement mécanique à température ambiante...................................................... 39
2.1. Chargement monotone ................................................................................................... 39
2.2. Fatigue cyclique............................................................................................................. 41
3. Comportement mécanique à haute température ............................................................ 47
3.1. Les constituants des composites .................................................................................... 47
3.2. Evolution des propriétés physico-chimiques et thermomécaniques des constituants.... 53
3.3. Chargement monotone ou cyclé..................................................................................... 60
3.4. Fluage............................................................................................................................. 62
3.5. Fatigue cyclique ............................................................................................................. 66
3.6. Conclusion ..................................................................................................................... 67
4. Modélisation des mécanismes d'endommagement et de rupture .................................. 68
4.1. Comportement en traction monotone............................................................................. 68
4.2. Fatigue cyclique ............................................................................................................. 77
4.3. Interaction fluage-fatigue............................................................................................... 84
4.4. Influence du tissage sur le comportement mécanique ................................................... 88
5. Conclusion .......................................................................................................................... 90
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Chapitre 1 Bibliographie
Ce premier chapitre est tout d'abord consacré à une présentation succincte des composites à
matrice céramique (CMC) à fibres continues, de leurs constituants (la fibre, l'interphase et la
matrice), et de leurs différents modes d'élaboration. Le comportement thermomécanique en
traction et en fatigue cyclique, à température ambiante et à haute température est ensuite
présenté, ainsi que la modélisation des principaux mécanismes d'endommagement et de rupture
correspondants. Une attention particulière est néanmoins portée tout au long de ce chapitre à la
famille des composites SiC/SiC, à laquelle appartient notre matériau d'étude.
1. Généralités
sur
les
composites
à
matrice
céramique
Les composites à matrice céramique ont été conçus vers les années 60 (au travers des composites
C/C) pour venir à bout du principal point faible des céramiques monolithiques, à savoir leur
faible ténacité qui a empêché leur utilisation dans les structures à haute température, les moteurs
de fusée, les moteurs d'avions ou les systèmes de protection thermique dans l'industrie
aéronautique et spatiale. Les CMC présentent en effet la propriété paradoxale d'être tenaces, bien
qu'ils soient composés de matériaux (matrice, fibres, interphase) intrinsèquement fragiles. Ce
paradoxe s'explique par le rôle joué par les interfaces et interphases dans la propagation des
fissures : la fragilité des fibres et de la matrice rendrait la contrainte à la rupture et la ténacité
catastrophiques, si les interfaces et interphases ne déviaient pas les fissures. Mais rappelons tout
d'abord la distinction entre ces deux termes. L'interface est en théorie, une discontinuité physique
entre deux milieux : la fibre et la matrice, tandis qu’une interphase est un milieu continu, contigu
aux deux autres. Toutefois les terminologies décrivant le transfert de charge et la rupture à
l’interface fibre/matrice n’est pas claire. En effet, lorsqu’une interphase est introduite durant
l’élaboration, les glissements entre la fibre et la matrice peuvent se produire à l’interface
fibre/interphase, interphase/matrice ou encore à l’intérieur de l’interphase elle-même. Pourtant
lorsque l’on parle de l’interface fibre/matrice macroscopiquement, on inclut ces trois possibilités,
sachant que lorsque la différence est importante pour la compréhension, elle sera explicitement
mentionnée [KERA1989].
Un autre point particulier aux CMC, est que, sous chargement mécanique, contrairement à la
plupart des composites à matrice métallique ou polymère, la matrice se fissure avant les fibres.
Mais il est maintenant bien reconnu que ce sont cette microfissuration matricielle et les
interactions de ces microfissures avec les zones interfaciales fibre/matrice, qui sont responsables
de la remarquable ténacité des CMC. D'un autre côté, un tel endommagement aggrave les effets
de l'environnement (l'oxygène peut plus facilement pénétrer en profondeur dans le composite et
réagir avec les interphases et/ou les fibres). Elaborer des CMC qui puissent avoir simultanément
une grande résistance mécanique et ténacité d'une part, et supporter de longues expositions dans
des environnements agressifs d'autre part, est le difficile challenge auquel sont actuellement
confrontés les chercheurs actuels.
En effet, l'intérêt majeur de ces matériaux est leur utilisation dans le domaine de températures
1000-1400°C. On mettra notamment à profit leurs résistances thermique, mécanique et à l'usure,
ainsi que leur conductibilité thermique et conductivité électrique. On pourra ainsi trouver des
pièces en CMC dans les chambres de combustion (SiC/SiC et C/SiC), les systèmes de freinage
(C/C) utilisés dans les domaines aéronautiques (Mirage 2000, Rafale et Airbus) et automobile
(Formule 1) ainsi que dans les chars d'assaut.
Dans le domaine des basses températures, ce sont surtout les caractéristiques de dureté et de
résistance à l'usure et aux chocs thermiques qui seront mises à profit. On peut citer par exemple,
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leur utilisation comme plaque de blindage (B4C/(C ou Kevlar)) développée pendant la guerre du
Vietnam [SHAF1973]. Un autre domaine est celui du biomédical, qui ouvre de vastes
perspectives du fait de la biocompatibilité de certains composites (C/C), comme renforts
ligamentaires, prothèses de hanche ou genou, etc [LANG1981], [NASL1985].
Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive et bien d'autres domaines utilisent les CMC.
1.1.
Introduction
Le caractère peu réfractaire des métaux légers et leur excessive réactivité chimique à haute
température vis à vis de la plupart des fibres minérales ont conduit à remplacer les composites à
matrice métallique par des composites à matrice céramique (oxyde, non oxyde). Les composites
céramique-céramique se sont ainsi développés d'une manière spectaculaire, en répondant aux
besoins actuels des motoristes d’utiliser des céramiques ne présentant plus de caractère fragile
excessif. En effet, contrairement aux applications des autres matériaux composites (augmentation
de rigidité, résistance au cyclage thermique ou à rupture…), c'est avant tout les notions
d'amélioration de ténacité et de tenue à des environnements extrêmes qui sont actuellement
recherchées dans les composites céramique-céramique [PENA2000].
Les premiers CMC furent les composites carbone/carbone dans les années 1960. Mais malgré sa
légèreté et ses excellentes propriétés thermomécaniques, le carbone s'oxyde rapidement à l'air
dès 500°C, propriété qui limite l'emploi prolongé des composites carbone-carbone aux seules
atmosphères neutre ou réductrice. Pour remédier à ce problème, des recherches ont été conduites
en vue de remplacer une partie ou la totalité de la matrice carbonée par une matrice présentant
une meilleure tenue à l'oxydation.
Les succès enregistrés dans le cas de la substitution du carbone par le carbure de silicium furent à
l'origine du développement de nouvelles familles de matériaux [LACO1989], dans la mesure où
il fut démontré que la matrice de carbone, mais également les fibres de carbone, pouvaient être
remplacées par un carbure (SiC, B4C, …), un nitrure (Si3N4, BN…) ou même un oxyde (Al2O3,
SiO2, ZrO2 …) [KERA1999a].
Cependant, il ne suffit pas seulement d'assembler deux matériaux ou constituants possédant des
propriétés adéquates, il faut aussi s'assurer de leur compatibilité. Par exemple, la matrice et les
fibres doivent posséder des coefficients de dilatation thermique proches, afin de minimiser les
contraintes thermiques résiduelles à des températures différentes de la température d'élaboration,
et éviter ainsi un endommagement éventuel. Une bonne compatibilité chimique entre fibres et
matrice doit être également assurée : les différents constituants en contact doivent être stables
chimiquement l'un par rapport à l'autre, pas seulement à l'état final et aux températures
d'utilisation, mais aussi lors des différentes étapes d'élaboration. C'est pour faciliter en particulier
ces compatibilités, en plus de limiter le caractère fragile de ces matériaux, qu'on intercale un
matériau d'interphase entre la fibre et la matrice [KERA1989]. La liaison fibre/matrice, créée
entre les constituants lors de l'élaboration du composite, peut être constituée d'une ou plusieurs
interfaces et interphases : elle peut être une zone de réaction, formée chimiquement par un ou
plusieurs constituants élémentaires du composite lors de son élaboration, mais elle peut aussi être
une fine couche introduite volontairement dans le but de protéger la fibre (et constituer dans
certains cas une barrière de diffusion contre l'oxygène) ou de contrôler la liaison interfaciale pour
optimiser les phénomènes de déviation de fissures et de transfert de charge fibre/matrice
[NASL1995]. Le choix de l'interphase est donc tout aussi primordial que celui des fibres et de la
matrice [KERA1989], [KERA1999b], [NASL1992].
Ces constituants sont assemblés suivant différentes méthodes d'élaboration selon que l'enrobage
des fibres par l'interphase puis la matrice, se fait par voie gazeuse, liquide ou solide. Des
procédés mixtes sont également possibles [ORTO2000], [XU1999] pour réduire les temps et les
coûts d'élaboration, mais on privilégiera généralement les procédés d'élaboration par voie
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gazeuse pour les hautes performances et les procédés par voie liquide ou solide pour les
applications de grande diffusion.
1.2.
Composites carbone-carbone
Les composites carbone/carbone ont été utilisés à l'origine comme tuyères d'engins propulsifs et
boucliers thermiques des corps de rentrée (programme HERMES notamment) [BROQ1999],
[JAME1993], [LACO2002], [LAMI1995] en raison de leur exceptionnelle tenue mécanique à
haute température, de leur basse densité et de leur résistance à l'ablation. Cependant ils
présentent d'autres propriétés particulièrement intéressantes comme un fort coefficient de friction
à haute température et une excellente bio-compatibilité, qui leur a valu une entrée notable dans le
domaine des biomatériaux (notamment en chirurgie orthopédique).
1.2.1 Les fibres carbone
Les fibres carbone actuellement commercialisées sont élaborées par pyrolyse à partir d'un
précurseur organique filable. L'industrie des fibres de carbone utilise trois types de précurseurs
qui sont la rayonne, le polyacrylonitrile (PAN), et les brais de houille ou de pétrole [NASL1985].
L'élaboration des fibres de carbone se déroule généralement en quatre étapes [DORL1999] :
* étirage par filage à l'état polymère (alignement des macromolécules), ce traitement n’est
pas nécessaire pour le brai, car les plans aromatiques sont déjà bien formés et orientés,
* pré-oxydation et réticulation du polymère (100-200°C),
* carbonisation (1100-1500°C) sous atmosphère neutre ou réductrice,
* graphitisation sous atmosphère neutre ou réductrice (2500-3000°C), pour augmenter le
module d’Young.
Les remarquables propriétés des fibres de carbone résultent de la forte orientation préférentielle
des cristallites parallèlement à l’axe de la fibre. Mais d’une manière générale, les caractéristiques
des fibres de carbone dépendent à la fois de la nature du précurseur organique et des traitements
thermiques et mécaniques qu'elles subissent pendant l'élaboration. On distingue généralement les
fibres à haute résistance (HR) (> 3 GPa) et celles à haut module (HM) (> 350 - 400 GPa), dans la
mesure où l'augmentation de la température des traitements lors de la graphitisation, qui permet
d'accroître le module d'Young, se traduit au-delà d'une certaine température (~1500°C) par une
diminution de la résistance mécanique.
1.2.2 La matrice de carbone
La production d’une matrice de carbone repose sur le même principe que celui utilisé pour
fabriquer les fibres de carbone : carbonisation d’une matière organique à haute température. Les
matrices de carbone sont constituées de grains de carbone pyrolitique qui se déposent à chaud sur
les fibres, assurant à la fois une liaison mécanique et le remplissage des pores entre celles-ci.
Il existe généralement trois façons de déposer une matrice carbone sur une préforme de fibres de
carbone [TALL1996] :
* par dépôt chimique en phase vapeur DCV (CVD : Chemical Vapour Deposition),
* par cycles multiples d'imprégnation et pyrolyse d'un polymère thermodurcissable,
* par cycles multiples d'imprégnation et pyrolyse d'un polymère thermoplastique ou de brai.
La méthode CVD peut se définir comme un processus physico-chimique plus ou moins
complexe au cours duquel un phase solide se forme, généralement au contact d'un substrat par
réaction chimique à partir d'un ou plusieurs espèces gazeuses, souvent un gaz hydrocarbure
(CH4). On parle aussi de ICV (Infiltration Chimique en phase Vapeur) pour les composites, car
la matrice doit combler au mieux les pores internes de la préforme fibreuse. L'utilisation de la
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technique CVD permet de déposer trois textures de carbone : isotrope, lamellaire lisse ou
lamellaire rugueux (pyrocarbone PyC), morphologies qui diffèrent par leurs caractéristiques
mécaniques.
L'imprégnation d'une résine thermodurcissable (phénolique, furane …) est aussi couramment
utilisée, la matrice carbone obtenue dépend alors directement des traitements thermiques, qui
déterminent son anisotropie [TALL1996]. Ce type de matrice se rétracte fortement au
refroidissement et l'accrochage avec les fibres est sensible aux contraintes thermiques aux
interfaces.
Enfin, la méthode par imprégnation de brai permet d'obtenir facilement un carbone anisotrope
grâce à la mésophase. Sa microstructure est affectée par le type de fibres utilisées dans le
composite. Le retrait au refroidissement est également important et peut être à l'origine d'une
fissuration.
L'utilisation d'une résine thermoplastique telle le PEEK (Polyétheréthercétone) ou le PEI
(Polyétherymide) est un procédé relativement nouveau qui permet d'obtenir un carbone plutôt
isotrope, intermédiaire entre les brais et les résines thermodurcissables.
1.2.3 Les interphases
Les caractéristiques thermomécaniques des composites sont directement liées à celles des
constituants utilisés. Cependant, l'autre facteur essentiel à considérer est le rôle des interphases
au travers des contraintes variables de cisaillement interfacial en fonction du processus
d'élaboration, de la nature des constituants et des conditions extérieures subies par le composite
(température, oxydation, sollicitations mécaniques…).
Dans le cas des composites carbone-carbone, la matrice et les fibres étant composées du même
matériau, la compatibilité chimique et la faible différence des coefficients de dilatation sont déjà
assurées. De plus, dans ce type de composite, les propriétés de déviation de fissures et de
transfert de charge, normalement assurées par l'interphase, sont déjà naturellement présentes
dans le pyrocarbone (PyC) de la matrice carbone. On voit donc que l'intérêt d'une interphase
dans ces composites se trouve ailleurs. Ainsi, les travaux les plus récents [LABR2002a],
[LABR2002b], [LABR2002c], concernent l'introduction d'une interphase en B-C, Si-B-C ou
SiC, utilisée alors comme barrière de diffusion contre l'oxydation. Il semblerait que le
comportement de ce type de composite soit complexe et très sensible à de nombreux paramètres
d'élaboration (épaisseur des couches, composition chimique) et de conditions d'exposition
(environnement, température…). Mais l'optimisation des paramètres d'élaboration [LABR2002b]
donne des résultats encourageants [LABR2002c], quant à l'utilisation des composites
carbone/carbone en atmosphère oxydante.
Pourtant, dans la plupart des cas, les solutions consistent à utiliser un revêtement protecteur ou
une matrice présentant une meilleure résistance à l’oxydation.
1.2.4 Les revêtements externes
Comme nous venons de le voir, les composés à base de carbone (fibres et matrice) ne sont pas
protégés contre l'oxydation à la surface du matériau et les fissures matricielles consécutives à
l'élaboration ou à l’endommagement laissent un libre accès à l’oxygène. Pour des applications
excédant 500°C, un revêtement protecteur externe devient alors indispensable. Ce sera également
le cas de tous les autres types de composites contenant du carbone, notamment au travers d'une
interphase PyC (principalement sur les composites SiC/SiC, et sur notre matériau).
1.2.4.1
Revêtement monolithique
Parmi les différentes méthodes de protection contre l'oxydation, résultant de l'introduction d'un
matériau barrière, on peut tout d'abord noter l'ajout d'un revêtement extérieur appelé "sealcoat",
sur toute la surface du composite. Ainsi, les parties mises à nu par l'usinage, qui constituaient un
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accès privilégié pour l'oxygène sont protégées. Des dépôts à base SiC-B [DAVI1998],
[DAVI1999], [KOBA1995], [ZHEN1998], semblent être plus efficaces qu'un simple dépôt de
SiC (Figure 1), qui ne présente pas d'amélioration sauf à 425°C d'après Becher et al.
[BECH1998].
Figure 1 : Contrainte à rupture à chaud d'un composite 3D SiC/SiC, en fonction de
l'atmosphère (vide/air) et de la présence ("sealed") ou non ("unsealed") d'un revêtement
protecteur d'après [DAVI1999].
1.2.4.2
Revêtement multiséquencé
Un revêtement protecteur multiséquencé peut également être ajouté, car il favorise en plus la
déviation des fissures aux interfaces et donc ralentit l'accès de l'oxygène jusqu'aux fibres. En
effet, certains revêtements céramiques classiques, réfractaires et résistants à l'oxydation, sont
capables de fournir une aide à la protection contre l'oxydation des composés à base de carbone,
mais ces revêtements ne sont pas efficaces à la fois à basse et à haute températures. Il est donc
difficile d'assurer une bonne protection sur une large gamme de températures avec un seul
revêtement. La solution consiste donc à associer différentes couches, ayant des températures
d'oxydation complémentaires : SiC, B et B4C, elles peuvent ainsi fournir une bonne protection
sur une large gamme de température (de 450°C à 1500°C) d'après Goujard et al. [GOUJ1994a].
La formation d'oxydes céramiques par oxydation des différentes couches suivant la température,
peut en effet facilement cicatriser les fissures dans le revêtement extérieur et limiter la diffusion
de l'oxygène dans le composite. L'efficacité de ce système est d'autant plus grande que
l'épaisseur des couches est grande, puisque l'on augmente la distance qui sépare l'oxygène du
composite, à condition que les coefficients de dilatation entre les couches ne soient pas très
différents.
Les revêtements externes améliorent grandement la résistance à l'oxydation des composites,
puisqu'ils protègent les parties en surface directement accessibles à l'oxygène. Toutefois cette
protection ne semble pas suffisante, puisque dès les premières fissurations matricielles, l'oxygène
peut pénétrer à l'intérieur du composite. Il est donc nécessaire de prévoir une protection au sein
même de la matrice [LAMO1999a-b]. Les matériaux répondant à cette exigence sont nombreux :
carbures, nitrures, oxydes et vitrocéramiques : le meilleur exemple de fabrication industrielle est
sans doute le C/SiC développé par Snecma Propulsion Solide (France) qui a servi pour les
chambres à combustion, les divergents du lanceur de satellite ARIANE, mais aussi sur les roues
de turbines et les volets de tuyère du moteur du Rafale [CAVA1989]. On peut aussi citer le
C/Si3N4 utilisé comme boulon pour assembler des structures C/C et testé pendant le programme
HERMES à plus de 1450°C.
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1.3.
Composites à matrice ou fibres oxydes
Les premières recherches sur les matériaux composites à matrice verre remontent au début des
années 70, lorsque les composites carbone-carbone commençaient à être utilisés industriellement
dans le secteur aérospatial. Les composites à matrice ou fibres oxydes présentent en effet de
nombreux avantages. Leur domaine d'application est toutefois plus restreint en température
(autour de 1000°C) que celui des matrices céramiques, à cause de la dégradation de leur stabilité
thermique [DORE1995], [KERV1993].
Les composites SiC/vitrocéramique peuvent remplacer les pièces métalliques à basse
température (<1100°C), comme les aubes en SiC/BMAS sur le moteur Trent 800 de Rolls Royce
[BEES1997].
1.3.1 Les fibres oxydes (Al2O3, ZrO2, SiO2,YAG…)
Les fibres utilisées dans les CMC servent de renfort, tout en étant exposées à des environnements
agressifs. Par conséquent, les propriétés telles que la résistance aux atmosphères et matrices
réactives (non stables chimiquement vis-à-vis de la fibre), au fluage et à la fatigue doivent être
prises en compte en parallèle avec la rigidité et la résistance mécanique. Les fibres céramiques
oxydes, bien qu'elles présentent généralement des propriétés de renforcement plus faibles que les
fibres non-oxydes, offrent une meilleure résistance à l'oxydation, propriété de plus en plus
demandée dans de nombreuses applications actuelles.
De nombreuses fibres oxydes polycristallines sont actuellement commercialisées et utilisées,
même si elles sont limitées par leur rupture en fluage et présentent une forte diminution de leurs
propriétés mécaniques au-dessus de 1200°C.
Les fibres à base d'alumine sont obtenues à partir d'un précurseur filable constitué le plus souvent
d'une solution aqueuse contenant un sel basique d'aluminium, éventuellement des particules
d'Al2O3 et un haut polymère pour ajuster la viscosité. D'un point de vue pratique, la fibre
d'alumine pure (FP), en raison de sa rigidité et de son diamètre relativement important est d'une
mise en oeuvre délicate, par rapport aux fibres de plus petit diamètre à base de carbone, de
carbure de silicium ou d'alumine-silice. La masse volumique ρ de l'alumine est déjà relativement
élevée pour certaines applications (4 contre 2 g/cm3 pour le carbone) et conduit à des
caractéristiques mécaniques spécifiques (σr/ρ et E/ρ, avec σr : contrainte à rupture et E : module
d'Young) médiocres. Ces remarques valent a fortiori pour les fibres du même type qui seraient
élaborées à partir d'oxydes ultra-réfractaires comme la zircone. Mais l'intérêt de ces fibres se
situe plus au niveau de leur tenue en température et de leur inertie chimique que de leurs
caractéristiques mécaniques spécifiques.
Les fibres disponibles en grande quantité, à des coûts raisonnables, et qui présentent les
meilleures performances sont les fibres Nextel 610™ (à base d'alumine ultra pure à grains fins),
et Nextel 720™ (à base d'alumine et de mullite), fabriquées par la société 3M. Par ailleurs, on
peut à la fois augmenter la résistance au fluage et limiter le grossissement des grains en dopant
une alumine avec de l'yttrium, du lanthane ou de la zircone ; c'est le cas de la nouvelle fibre
Nextel 650™ avec ~1% Y2O3 et ~10% ZrO2, mais bien que sa résistance au fluage soit
supérieure à celle de la Nextel 610™, elle reste inférieure à celle de la Nextel 720™
[MARS2001]. De nouvelles améliorations pour augmenter les températures d'utilisation des
fibres polycristallines oxydes sont possibles avec des microstructures polyphasées ou d'autres
systèmes comme les oxydes ternaires YAG (Yttrium Aluminium Garnet) [LIU1998]
[MORS1994]. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à des progrès spectaculaires, car les petites
tailles de grains nécessaires pour atteindre de fortes contraintes à rupture, conduisent rapidement
au fluage. De plus, les fibres YAG ne sont pas encore commercialisées industriellement
[KERA1999a], [MORS1994].
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1.3.2 Les matrices oxydes
Les matrices vitrocéramiques sont élaborées à base de verre, auquel on fait subir un traitement de
céramisation. Ce traitement à haute température, nécessaire pour transformer le verre de base en
vitrocéramique, augmente certes les coûts de fabrication, mais cet inconvénient est compensé
lorsque les performances désirées sont supérieures pour les vitrocéramiques [PANN1997].
A leur création, les composites à matrice vitrocéramique ou verre servaient de matériau d'étude
(SiC-LAS), afin de mieux comprendre les mécanismes d'endommagement des CMC
[KERV1991]. Puis, l'industrie aéronautique et spatiale s'est intéressée de plus en plus à ce type
de matériau, pour la fabrication et l'utilisation de structures composites. En effet, les CMC avec
une matrice vitrocéramique présentent de nombreux avantages [BREN1994], [PREW1982] : une
faible masse volumique (3 g/cm3), une facilité d'élaboration due à une faible viscosité de la
matrice (rapidité, faible endommagement, faible porosité…), une ténacité importante, un faible
coût par rapport aux matrices céramiques cristallines (au niveau des matières premières mais
aussi des procédés d'élaboration) et enfin une large variété de matrices chimiquement
compatibles avec les fibres céramiques. Toutefois, ces matrices restent limitées en température
(<1000°C) [DORE1995], [KERV1993]. Les principales matrices verres et vitrocéramiques
utilisées pour la conception de composites renforcés par des fibres SiC sont les suivantes : LAS,
MLAS, MAS, CAS, YMAS et BMAS avec A = Al2O3, B = B2O3, C = CaO, L = LiO2, M =
MgO, S = SiO2 et Y = Y2O3 [BREN1994], [KERV1991] (Figure 2).
Figure 2 : Caractéristiques chimiques et cristallographiques de différentes matrices à
base verre ou vitrocéramique. Tmax : température maximale d'utilisation ; Em : module
d'élasticité d'après [BREN1994].
Type de matrice
Constituants majeurs
Phase
cristalline
majeure
Constistuants
mineurs
Coefficient de
Tmax (°C) Em (GPa) dilatation thermique
-6
-1
(10 °C )
Verres
7740
borosilicate
B2O3, SiO2
Na2O, Al2O3
-
600
65
3,2
1723
aluminosilicates
Al2O3, SiO2, MgO, CaO
B2O3, BaO
-
700
90
5,2
7930
silice
SiO2
B2O3
-
1150
65
Vitrocéramiques
LAS-I
Li2O, Al2O3, SiO2, MgO
1000
ZnO, ZrO2, BaO
LAS-II
β−Spodumène
1100
90
1 à 1,5
Li2O, Al2O3, SiO2, MgO, Nb2O5
ZrO2
LAS-III
1200
MAS
MgO, Al2O3, SiO2
BaO
Cordiérite
-
4,9 à 10
BMAS
BaO, MgO, Al2O3, SiO2
-
Baryum
Osumilite
105
2,7
CAS
CaO, Al2O3, SiO2
-
Anorthite
90
5
MLAS
MgO, Li2O, Al2O3, SiO2
-
β-Spodumène
α−Cordiérite
80
0,9 à 1,7
1250
Les nouvelles matrices oxydes poreuses (Al2O3 + (silice poreuse ou mullite)) semblent plus
prometteuses, puisqu'elles allient une bonne résistance à l'oxydation et un faible coût
[MARS2001]. Mais les températures d'utilisation des composites à matrice poreuse sont
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principalement limitées par la dégradation mécanique ou la rupture par fluage des fibres, ou
encore par la coalescence de la porosité matricielle dans le cas de la matrice alumine/silice. De
plus, la faible conductivité thermique de ces composites peut entraîner des chocs thermiques et
des contraintes thermiques pouvant provoquer la rupture [KERA1999a].
1.3.3
Les interphases
1.3.3.1
Par réaction chimique
La compatibilité des matrices vitrocéramiques ou verres avec les fibres peut être améliorée par
l'ajout de constituants mineurs (Nb2O5, ZrO2…). En effet, la modification de la composition des
vitrocéramiques permet de changer l'état de contrainte à l'interface fibre/matrice, et ainsi
d'optimiser les propriétés mécaniques du composite, tout en limitant la diffusion des ions de la
matrice dans la fibre.
Une interphase de carbone peut également se former par réaction chimique lors de la fabrication
du composite, notamment entre des fibres SiC Nicalon™ ou Hi-Nicalon™ et des matrices
vitrocéramiques [BREN1993a-b] ou encore à cause des ajouts organiques de la barbotine. Cette
interphase faible dévie les fissures à l'interface, mais sa stabilité chimique vis à vis de l'oxydation
reste limitée par rapport à des interphases de fluoromica plus prometteuses pour ce type de
composite [CHYU1993]. Toutefois ce point de vue reste controversé.
1.3.3.2
Oxydes phyllosilicates
La famille des monazites, des xénotimes et des scheelites (CaWO4) sont en plein développement
[KERA1999a]. Les interfaces entre la monazite LaPO4 et les matrices oxydes dévient les
fissures, souvent à l'interface interphase/matrice (Al2O3), plutôt qu'à l'interface fibre/interphase
[MARS2001]. Elles ont de faibles valeurs de module d’Young et de dureté, facilitant la
décohésion. Mais il apparaît important d'atteindre avec précision la stœchiométrie afin d'éviter la
dégradation des fibres par oxydation, due à la présence d'oxygène au sein de l'interphase
[TRES1999].
Par ailleurs, des récents travaux sur l'hibonite (CaO2-6Al2O3) comme interphase de
microcomposites fibres saphir/matrice Al2O3 ont montré que les fissures matricielles étaient
déviées à l'interface (facilitées par l'alignement des cristaux d'hibonite à la surface de la fibre)
mais sur de faibles distances. De plus, les températures d'élaboration de cess interphases
hexaluminates clivables doivent être réduites à une température supportable pour les fibres
polycristallines courantes de faible diamètre (entre 1100°C et 1300°C) [KERA1999a],
[TRES1999].
1.3.3.3
Oxydes poreuses
Il est également possible de former une fine couche poreuse oxyde sur des fibres de faible
diamètre ou de déposer une interphase poreuse YAG, ZrO2 ou encore (ZrO2 + SiO2)
[MARS2001]. Mais la stabilité de ces interphases poreuses au-dessus de 1000°C n'a pas encore
été explorée [KERA1999a]. Des interphases poreuses en zircone ont été utilisées sur des
composites en alumine renforcés par des fibres saphir. Ces composites sont stables à 1400°C,
mais il est difficile de différencier le rôle de l'interphase et celui de la matrice poreuse dans le
mécanisme de déviation des fissures. L’intérêt de ces interphases est soulevé par Kerans et al., en
mentionnant toutefois la difficulté de connaître le rôle exact de l’interphase dans l‘amélioration
du comportement mécanique des composites [KERA1999b].
1.3.3.4
Multiséquencée
Les travaux de Sun, Nutt et Brennan sur un composite à matrice verre et fibres SiC avec une
interphase multiple BN/SiC montrent que la double couche est plus stable qu'une simple
interphase BN. En effet, la couche BN crée l'interface faible nécessaire à la déviation de fissures,
24
tandis que la couche SiC joue le rôle de barrière de diffusion contre l'oxydation. Mais, de tels
composites montrent leurs limites après une longue durée d'exposition sous sollicitations
dynamiques à hautes températures [SUN1996].
Enfin, des interphases multiséquencées perovskites sont en cours de développement et semblent
être stables sur des composites à matrice alumine jusqu'à 1250°C [TRES1999].
1.4.
Composites SiC/SiC
Le caractère sensible à l'oxydation des composés carbonés a favorisé l'émergence de matrices
moins réactives vis-à-vis de l'oxygène. Ainsi, les matrices en carbure de silicium ont été
développées et ont d'abord donné naissance aux composites C/SiC. Puis, dans les années 70,
l'apparition de fibres céramiques de faible diamètre (5 à 20 µm) en carbure de silicium élaborées
par pyrolyse de polymères, a constitué un des facteurs clefs de l’essor des composites SiC/SiC
[LAMI1986], notamment en offrant une grande flexibilité pour le tissage.
Les composites SiC/SiC ont ainsi trouvé de nombreux domaines d'applications potentielles,
principalement aux hautes températures avec les chambres à combustion, les cônes
d'échappement ou encore les anneaux accroche-flammes, les seules applications industrielles
actuelles étant les volets froids de tuyères équipant le moteur SNECMA M88 du Rafale
[BROQ1999], [CAVA1989], [JAME1993], [JONE1999].
1.4.1
Les fibres SiC
Les premières fibres SiC, fabriquées par dépôt chimique en phase vapeur (DCV) sur un
filament (âme) en carbone ou tungstène (Textron, SCS-X) constituaient principalement le renfort
fibreux de composites à matrices métalliques : SCS6-Ti par exemple. En effet, bien qu'elles
présentent de très bonnes propriétés thermomécaniques ([GOLD1997], [TRES1999]), leur gros
diamètre (> 50 µm) et donc la difficulté à les tisser, limitent encore aujourd'hui leur utilisation
dans les CMC, à la fabrication de profilés, de tubes ou de panneaux (Figure 3).
Figure 3 : Contrainte à rupture en traction de différentes fibres SiC d'après [TRES1999].
25
C’est ainsi que la première fibre céramique à base de carbure de silicium (Si-C-O), de faible
diamètre (5 à 20 µm) donc tissable, élaborée par pyrolyse de polymère, fut développée par
Yajima et al. dans les années 1970, puis commercialisée sous le nom de Nicalon™ par Nippon
Carbon, Japon [YAJI1976a-b].
Son procédé de fabrication (Figure 4) consiste à effectuer la pyrolyse, à haute température (~
1200°C) et sous azote, d’un précurseur organique polycarbosilane (PCS) : -(SiH(CH3)CH2)n-,
après l'avoir mis sous forme fibreuse (500 filaments continus). Afin d’assurer la stabilité
dimensionnelle des fibres pendant l’étape de pyrolyse, celles-ci sont rendues infusibles par un
traitement thermique de réticulation sous air à une température de ~ 180 °C.
Figure 4 : Procédé d'élaboration des fibres Nicalon™ et Hi-Nicalon™ d'après
[YAJI1976b].
De petit diamètre (15 µm) mais aisément manipulable, la fibre Nicalon™ est aujourd’hui
largement utilisée dans la fabrication des composites à matrice céramique d’architecture plus ou
moins complexe. Cependant celle-ci présente une instabilité chimique et mécanique à haute
température, qui limite son utilisation en tant que renfort au-delà de 1200°C. Ce comportement
s’explique par son fort taux d’oxygène résiduel (proche de 12% en masse) issu de l’étape de
réticulation pendant laquelle les liaisons qui s’établissent entre les chaînes polymères du
précurseur sont de type Si-O-Si. De plus, elles ne sont pas composées que de purs cristaux SiC
polycristallins, mais aussi de petits cristaux de SiC-β (≈ 2 nm) et de carbone libre entourés d'une
26
phase intergranulaire amorphe SiCxOy (avec x = 0.85 et y = 1.15 d'après [LECO1993]), qui se
décompose dès 1100°C, avec une évolution des monoxydes de silicium et de carbone et un
grossissement des grains SiC [CHOL1997a]. Cette instabilité thermique provoque la diminution
de la résistance mécanique et du module d'Young, et limite ainsi la température maximale
d'utilisation de ces fibres Si-C-O. Pour augmenter la stabilité thermique de ces fibres dérivées de
polymères organosiliciés, de nouveaux procédés ont été mis au point.
Une approche consiste à introduire des atomes étrangers (Ti, N, …) dans le précurseur organique
pour empêcher la cristallisation du SiC en déplaçant la température de décomposition vers des
températures plus hautes. Pourtant, tandis que les fibres Si-C-N-O (HPZ de Dow Corning) et SiC-Ti-O (Tyranno Lox M de Ube Industrie) présentent une légère amélioration de leur stabilité
thermique, elles restent thermodynamiquement instables, à cause du traitement de polymérisation
sous oxygène qui, après pyrolyse, entraîne la formation de phases oxycarbure ou oxynitrure,
dont la température de décomposition ne dépasse pas la gamme 1200°C-1400°C [BODE1996],
[FISC1988], [MOCA1993a-b], [YAMA1988].
Pour améliorer leur stabilité thermique, les fabricants ont consacré un effort de recherche
important et proposent aujourd’hui des fibres à faible taux d’oxygène, commercialisées sous le
nom de Hi-Nicalon™ (0,5 % en masse d’oxygène) et Tyranno Lox ZE (1,7 % en masse
d’oxygène). La fibre Hi-Nicalon™ a été mise au point par Okamura qui a proposé une
réticulation sous bombardement électronique (Figure 4). Les liaisons Si-H et C-H sont ainsi
cassées par l'irradiation du faisceau d'électrons, et des liaisons Si-C et Si-Si sont créées
[OKAM1987]. Cette étape est suivie d'un traitement à chaud (à 500°C) pendant une courte
durée, afin de réduire le nombre de radicaux libres piégés dans la fibre de polycarbosilane
irradiée, puis d'une pyrolyse réalisée à 1300°C sous argon. Dans ce procédé, les liens Si-Si
formés directement entre les extrémités des chaînes polymères permettent d’obtenir une fibre
dont la teneur en oxygène est inférieure à 0,5 % en masse. Ses propriétés mécaniques à
température ambiante sont équivalentes à celles de la fibre Nicalon™. Cependant, celles-ci
restent stables après des traitements thermiques allant jusqu’à 1400°C [BODE1995],
[JONE1999], [TAKE1999a] (Figure 5).
Figure 5 : Variation de masse de fibres céramiques après traitement de 10 h sous argon à
différentes températures d'après [TAKE1999a].
27
Puis, l'étude de l'influence du rapport C/Si sur les propriétés mécaniques a permis à Nippon
Carbon de sélectionner une nouvelle fibre, appelée Hi-Nicalon™ S, de composition très proche
de la stœchiométrie ((C/Si)atomique = 1.05) et fortement cristallisée. Elle présente un taux
d'oxygène similaire (0.5% en poids) à celui de la fibre Hi-Nicalon™ mais une teneur en carbone
libre beaucoup plus faible, augmentant ainsi sa résistance à l'oxydation. Sa composition et sa
microstructure reste homogène du cœur à la surface, contrairement aux fibres Tyranno SA (SiAl-C-O) et Sylramic, dont la stœchiométrie n'est effective qu'en surface [DONG2001]. Des
études en fluage réalisées sur cette fibre ont également montré qu'elle était plus résistante au
fluage que la fibre Hi-Nicalon™ (les grains plus gros). Elle est également plus stable
thermiquement jusqu'à des températures supérieures à 1600°C et combine un fort module
d'Young et une meilleure résistance à l'oxydation ([ICHI2000], [TRES1999], [URAN1998]),
même sous air [TAKE1998].
Les nouvelles fibres Hi-Nicalon™, Hi-Nicalon™ S ou Tyranno LOX E ou ZE sont donc
actuellement les meilleures fibres SiC disponibles sur le marché, malgré un coût excessif même
pour des applications aéronautiques [AROF2000], [PAPA2001] (Tableau 1).
Tableau 1 : Caractéristiques et coûts de différentes fibres céramiques d'après
[PAPA2001].
La recherche se poursuit actuellement avec de nouvelles fibres, synthétisées à base d'un mélange
de polymères de polycarbosilane (PCS) et de polyvinylsilane (PVS), traitées par faisceau
électronique sous vide. Elles ont un plus petit diamètre (8,5 µm) et une contrainte à rupture plus
grande (3,2 GPa) après traitement thermique à 1400°C sous argon. Celle-ci commence à
diminuer après traitement thermique à 1500°C, à cause de la croissance et de la cristallisation des
cristaux de SiC-β. Il reste maintenant à contrôler la concentration en oxygène de la fibre pour
obtenir une fine fibre SiC présentant une excellente résistance thermique [IDES2001].
Nous retiendrons enfin les premiers résultats sur la synthèse, à partir d’un précurseur
polycarbosilazane, d’une nouvelle fibre SiCBN amorphe jusqu'à 1800°C, qui présente selon son
fabricant Bayer (Allemagne) un potentiel d’utilisation jusqu’à une température de 1500°C
(résistance au fluage et résistance mécanique après traitement thermique sous air supérieures aux
fibres SiC de composition très proche de la stœchiométrie), une masse volumique de 1,85 g/cm3
seulement et une remarquable résistance à l'oxydation (inhabituelle pour une fibre non oxyde)
[BALD1995,1999]. Mais aucune propriété d’un composite intégrant cette nouvelle fibre n’a pu
être établie pour l'instant.
Les données relatives aux principales fibres présentées sont regroupées sur le Tableau 2
[PAPA2001].
28
Tableau 2 : Propriétés de différentes fibres d'après [PAPA2001].
1.4.2 Les matrices SiC
De nombreuses méthodes de protection contre l'oxydation des constituants ont été essayées, avec
toujours le même objectif : empêcher l'oxygène de pénétrer jusqu'à la fibre, notamment par
l'introduction d'un matériau barrière entre les fibres et l'environnement oxydant. Cette barrière
peut ainsi intervenir à l'intérieur même de la matrice.
1.4.2.1
SiC (CVI)
La matrice SiC élaborée par infiltration chimique en phase vapeur est synthétisée à basse
pression par réduction d'un précurseur gazeux appelé méthyltrichlorosilane (MTS), en présence
d'hydrogène, autour de 1000°C selon la réaction suivante :
H2, 1000°C
(Eq. 1)
CH3SiCl3
SiC + 3HCl
Les matrices ainsi obtenues sont généralement d'une grande pureté et leur composition très
proche de la stœchiométrie.
1.4.2.2
Matrice avec des inhibiteurs d'oxydation
L'interphase en pyrocarbone des composites SiC/SiC conduisant à une faible résistance à
l'oxydation sous air, certains auteurs ont étudié l’ajout de particules de bore dans la matrice
[MIZU1997], [ZHU1999] ou autour des torons [STEY1998a], et son rôle protecteur par
29
formation d'oxyde lors de la réaction de ces particules avec l'oxygène [ZHU1998]. En effet, les
particules de bore servent de pièges à oxygène, formant un oxyde qui va colmater les fissures et
donc empêcher l'oxygène de continuer à pénétrer jusqu'à l'interface fibre/matrice [GUO1999],
[ZHU1998]. Les essais de fatigue et de fluage effectués sur de tels composites ("enhanced") avec
des fibres Nicalon™ montrent l'efficacité de ce type de protection, puisque les durées de vie sont
plus longues que celles des composites "standards" SiC Nicalon™/SiC testés sous air, et même
sous argon (Figures 6) [MIZU1998], [ZHU1998].
Figures 6 : Durées de vie à 1300°C sous air (Air) et sous argon (Ar) de composites à fibres
Nicalon™ SiC et différentes matrices en fatigue cyclique et en fluage d'après [ZHU1998].
En revanche, la présence du mélange C-B autour des torons semble n'améliorer la tenue à
l'oxydation des composites à fibres Nicalon™ que par consommation de l'oxygène résiduel
contenu dans les fibres, et devient insuffisante pour des applications longue durée au-dessus de la
contrainte de fissuration matricielle [STEY1998a].
1.4.2.3
Matrice multiséquencée
Le principe de la matrice multiséquencée consiste à déposer par CVI différentes couches
successives de matrice. Ces couches peuvent être de texture ou de nature chimique différentes.
Ce type de matrice a d'abord été utilisé sur des fibres de carbone ou de SiC comme c'est le cas
pour le matériau étudié dans ce travail.
L'aspect multiséquencé présente de nombreux avantages. En effet, les nombreuses interfaces
entre les couches de matrice facilitent d'une part la déviation des fissures, qui rallonge ainsi le
chemin de l'oxygène jusqu'à la fibre, et d'autre part la relaxation des contraintes résiduelles
thermiques.
Reznik et al. ont élaboré un composite C/C avec une matrice multiséquencée en pyrocarbone de
différentes textures afin de montrer l'influence de la microstructure de cette matrice
multiséquencée sur le comportement mécanique, et notamment l'augmentation de la ténacité d'un
tel composite [REZN2002].
Par ailleurs, si ces couches sont de nature chimique différente, les propriétés du composite sont
alors grandement améliorées, puisque chaque couche peut aussi jouer un rôle protecteur contre
l'oxydation. En effet, des couches de matrice de composition différente précisément choisie
peuvent former des oxydes (et/ou verre) qui bouchent les pores et les fissures, et donc limitent la
diffusion de l'oxygène à l'intérieur du composite. De plus, si ces couches, ont des températures
d'oxydation complémentaires, elles protègent l'interphase de pyrocarbone et les fibres sur un
large domaine de températures. Carrère [CARR1996] et Forio [FORI2000] ont étudié ce type de
composites avec des fibres SiC Nicalon™, et ont montré une forte amélioration en terme de
durée de vie à chaud sous air. De plus, Lamouroux et al. ont testé ce type de système sur des
composites C/SiC 2,5 D avec alternance de 2 couches à base des éléments Si, B, C
[LAMO1999a-b] et de couches d'interphase en pyrocarbone dopé au bore PyC(B) et ont
30
également montré une augmentation significative de la durée de vie sous air à chaud de ces
composites par rapport aux composites C/SiC avec une matrice SiC monolithique.
1.4.3 Les interphases
L'interphase correspond à une zone de faible épaisseur qui joue cependant un rôle fondamental
dans le comportement mécanique du matériau composite car elle est le siège des mécanismes
d'interaction entre les fibres et la matrice. Elle permet d'optimiser les phénomènes de déviation
de fissures, de transfert de charge fibre/matrice et parfois même de ralentir l'accès de l'oxygène
jusqu'à la fibre.
1.4.3.1
(Pyro)carbone
Le pyrocarbone (PyC) est l'interphase la plus répandue des composites SiC/SiC. En effet, les
propriétés particulières du carbone (faible liaison inter-feuillets propices aux déviations de
fissures et aux frottements) placent le pyrocarbone comme un candidat très intéressant pour
réaliser les interphases. Il peut être déposé par CVI à partir d'une grande variété d'hydrocarbures
(CH4, C3H8 ou C3H6) et est compatible avec les fibres et les matrices à hautes températures. Le
PyC doit être fortement lié à la fibre pour favoriser une déviation diffuse des fissures à l'intérieur
de l'interphase, et non à l'interface PyC/fibre, mais il doit aussi garder un bon transfert de charge
(réseau de nanofissures à l'intérieur de l'interphase). Ces phénomènes seront favorisés par un
PyC cristallisé et orienté parallèlement aux fibres (donc fortement anisotrope) [NASL1985].
1.4.3.2
Multiséquencée (PyC /SiC)n
La seconde fonction de l'interphase peut être d'améliorer la résistance à l'oxydation du
composite. Une première solution consiste à introduire une interphase multiséquencée PyC/SiC
déposée par CVI. En effet, l'oxydation des composites SiC/SiC avec une interphase en PyC
implique principalement des réactions chimiques de l'oxygène avec le C et le SiC. Ce
phénomène est responsable de la formation d'une part, de pores annulaires autour des fibres, dont
l'extension augmente au fur et à mesure que le pyrocarbone est consommé, et d'autre part de
silice sur les parois des pores. Comme cette oxydation circonférentielle est d'autant plus facilitée
que l'interphase en pyrocarbone est épaisse [LIN1997a], une solution consiste à réduire
l'épaisseur de PyC, en la remplaçant d'une manière séquencée par du SiC (Figure 7), dont
l'oxydation en formant de la silice devrait boucher les pores annulaires [PASQ1998],
[REBI1998].
Figure 7 : Schéma d'un composite à interphase multiséquencée d'après [REBI1998].
Un autre avantage de cette interphase multiséquencée PyC/SiC réside dans le gain, d'une part de
transfert de charge entre la fibre et la matrice (augmentation des contraintes de compression sur
les fibres) [REBI1998] et d'autre part de résistance au cisaillement interfacial. En effet, plus on
augmente le nombre de séquences et plus la résistance au cisaillement à l'interface de la première
interphase carbone avec les fibres augmente [REBI1997a]. Ces composites présentent alors des
31
durées de vie plus longues, par rapport aux composites à une seule interphase de pyrocarbone
[BERT2001], [PASQ1998], [REBI1998].
1.4.3.3
PyC (B)
Une autre méthode pour limiter l'accès de l'oxygène jusqu'aux fibres est de rajouter du bore au
pyrocarbone (par addition lors de la CVI, d'un gaz précurseur à base de bore (BCl3/H2) aux
autres hydrocarbures). Cet ajout a deux effets bénéfiques : il augmente d'une part l'anisotropie du
PyC et d'autre part la résistance à l'oxydation du composite, par formation d'un oxyde à faible
point de fusion, permettant de remplir les microfissures. Cette interphase a été réalisée sur des
composites SiC/SiC [LIN1997b] et sur des microcomposites SiC/SiC avec un gradient de
composition PyC/B (Figure 8), afin d'optimiser les mécanismes bénéfiques précédemment
décrits [JACQ1996].
Figure 8 : Interphase de PyC dopée au bore avec un gradient de composition d'après
[NASL1998].
Lin et al. [LIN1997b] ont montré que cette protection est limitée en durée de vie, car la
formation de verre au niveau de l'interphase serait trop rigide et conduirait avec le temps à la
fragilisation du composite.
De plus, le passage du microcomposite au composite 2D [JACQ1997] montre des résultats bien
différents, puisque les propriétés mécaniques du composite 2D à température ambiante restent
semblables à celles du composite SiC/SiC à interphase simple PyC et les durées de vie sous air à
chaud ne sont pas accrues. Cette absence d’amélioration serait due à la texture nano-poreuse des
couches riches en B, créées durant la CVI du composite SiC/SiC, qui favoriserait la diffusion de
l'oxygène à cœur. Le procédé doit donc être optimisé, afin de retrouver des résultats sur
composites 2D comparables à ceux sur microcomposites correspondants.
1.4.3.4
BN
Une autre solution consiste à remplacer le pyrocarbone par du nitrure de bore (BN). Le nitrure de
bore a une meilleure résistance à l'oxydation que le carbone : il commence à s'oxyder vers 800°C
(au lieu de 500°C) pour le pyrocarbone, en formant une couche passive de B2O3, mais cette
résistance reste limitée par la volatilisation du B2O3 vers 1000°C. Néanmoins, il apparaît très
important de considérer le taux d'oxygène contenu dans les interphases BN, car comme pour la
fibre Nicalon™, l'oxygène contenu intrinsèquement dans le matériau est source d'oxydation
privilégiée à haute température même sous atmosphère inerte. More et al. ont montré qu'une
réduction de 11% d'oxygène (taux couramment utilisé dans les interphases BN commercialisées)
à 2% sur des composites SiC/BN/SiC améliore fortement les propriétés mécaniques et la
résistance à l'oxydation de ces composites [MORE1999]. Par ailleurs, une double couche fine
32
C/SiO2 se forme souvent à l'interface fibre/BN ; comme sa résistance en cisaillement est plus
faible que celle du BN lui-même, elle favorise le rôle de "fusible mécanique" au niveau de son
interface avec la fibre (F) (type I), au lieu de l'interphase (I) BN elle-même (type II) (Figure 9).
De ce fait, le transfert de charge fibre (F)/matrice (M) est faible après la multifissuration
matricielle.
Figure 9 : Déviations à différentes interfaces selon la nature de l'interphase.
De plus, le nitrure de bore est sensible à l'humidité surtout lorsqu'il n'est pas bien cristallisé ; or
la plupart des interphases BN déposées à basse température sont souvent amorphes ou faiblement
cristallisées, donc particulièrement sensibles à l'humidité [NASL1998]. Pourtant, les interphases
hex-BN, fortement anisotropes et orientées avec des couches atomiques de BN parallèles aux
fibres, peuvent être déposées à partir de mélanges BF3-NH3 mais sous des conditions CVD/CVI
trop agressives pour les fibres. Une solution consiste à introduire une première couche de BN
isotrope (conditions de dépôts moins agressives), puis d'introduire du BN fortement anisotrope
grâce à un procédé en une seule étape : la CVI à gradient thermique [JACQ2000] appelée TGCVI (voir §. 1.5.1 CVI type 2). Mais cette méthode n'est pas tout à fait satisfaisante car
l'amélioration des propriétés mécaniques se fait au détriment de la résistance à l'oxydation et
vice-versa, même si globalement, l'interphase BN reste plus résistante à l'oxydation que le PyC
[JACQ2000], [REBI1997b].
Toutefois, Leparoux et al. [LEPA1998] ont montré que l'efficacité du BN par rapport au PyC
dépendait énormément de la sollicitation à laquelle sont soumis les composites SiC/SiC. Ainsi,
tandis que sous fatigue statique, l'interphase BN présente de meilleurs résultats, en fatigue
cyclique ce sont les composites avec PyC qui se révèlent les plus efficaces, en terme de durée de
vie.
Enfin, une étude récente sur du BN dopé au silicium, déposé à 1400 °C sur des fibres SiC,
présente des résultats encourageants en ce qui concerne la résistance à l'oxydation, tout en
gardant de bonnes propriétés mécaniques [TRES1999].
1.4.3.5
Multiple oxyde SiO2-ZrO2-SiO2
Enfin, un autre système d'interphase multiséquencée, mis au point par Lee et al. [LEE1998],
consistant en une interphase oxyde SiO2-ZrO2-SiO2 sur des minicomposites Hi-Nicalon™
SiC/SiC, présente des résultats à température ambiante encourageants, même après oxydation à
haute température sous air. Mais pour l'instant, aucun résultat ne précise le comportement de ces
composites à chaud sous air.
1.5.
Méthodes d'élaboration
Dans ce paragraphe, nous présenterons succinctement les principales techniques d'élaboration
des CMC [NASL1985] et notamment leurs avantages et leurs limites.
Les composites sont constitués de deux phases :
33
- une architecture fibreuse jouant le rôle de renfort,
- un dépôt à cœur des matériaux ayant un rôle de liant ou matrice.
L'élaboration d'un tel matériau s'effectue par :
- la réalisation et la rigidification d'un renfort (ou préforme) d'une structure
géométrique proche de la pièce finale désirée,
- la densification : la porosité est comblée par apports successifs de matrice et
donnera au matériau ses caractéristiques physico-chimiques.
Les différentes voies de densification sont la voie gazeuse (CVI), la voie liquide (RMI, MI ou
PIP) ou encore la voie solide.
1.5.1
Elaboration en phase vapeur (CVI : Chemical Vapour
Infiltration)
C'est l'idée d'enrober des fibres céramiques par une matrice elle-même de type céramique et
notamment les carbures, qui a conduit à la mise au point d'une méthode appropriée d'élaboration
des composites céramique-céramique : la CVI (Chemical Vapour Infiltation).
Le principe de la CVI consiste à infiltrer un mélange réactif de gaz dans une préforme poreuse
(souvent fibreuse) à une température élevée (900-1200°C suivant la nature du gaz) [CHRI1979].
Le dépôt sur la préforme se fait par réaction chimique en phase vapeur et forme la matrice du
composite.
Pour accroître la vitesse de déposition en minimisant les gradients de densité, de nombreux
facteurs doivent être optimisés (Figure 10).
Figure 10 : Facteurs influençant l'élaboration de composites par CVI d'après [SEP1989].
Il existe 5 grandes classes de techniques CVI (Figure 11) [BESM1990, 1991, 1993] :
Type I : Isotherme (ICVI : Isothermal Chemical Vapour Infiltration) : les réactifs entourent la
préforme et pénètrent par diffusion.
Type II : A gradient thermique (TG-CVI : Thermal-Gradient Chemical Vapour Infiltration)
[JACQ2000]: les réactifs pénètrent par la paroi froide de la préforme et diffusent vers la paroi
chaude.
Type III : A flux forcé isotherme: les réactifs passent à travers la préforme.
Type IV : A flux forcé à gradient thermique (FCVI : Forced Chemical Vapour Infiltration)
[PROB1999] : les réactifs passent à travers la préforme de la paroi froide vers la paroi chaude.
34
Type V : A flux pulsé (P-CVI : Pulsed Chemical Vapour Infiltration) ([LAMO1999a],
[NASL2001]): les réactifs entrent et sortent de la préforme grâce à une évacuation et un
remplissage cycliques.
Figure 11 : Les différents types de CVI d'après [BESM1991].
La CVI a été développée et optimisée (en combinant par exemple la TG-CVI et la P-CVI
[STIN1986]) ; actuellement elle est utilisée industriellement pour la fabrication de composites à
matrices carbure, nitrure et oxyde.
Efficace pour produire des CMC à fibres continues avec des propriétés attractives, tout en
gardant une forme proche de la structure définitive, le principal intérêt de ce procédé réside dans
le fait que sa mise en œuvre se fait à température très inférieure à la température de fusion ou de
décomposition du solide considéré. La CVI offre également la possibilité de fabriquer des
matériaux multicomposants avec le même procédé. Des systèmes avec un large choix de fibres
(carbure, nitrure, borure et oxyde), de matrices ou d'interphases multiséquencées peuvent être
développés, notamment pour augmenter la ténacité et la résistance à l'oxydation [NASL2001].
Quelques inconvénients subsistent pourtant : la durée de traitement (de plusieurs centaines
d'heures), l'usinage indispensable des pièces durant l'élaboration pour le bon fonctionnement de
l'infiltration, le fort coût conséquent, mais également un gradient de densité entre le cœur et la
surface de la pièce difficile à contrôler.
1.5.2 Elaboration par voie liquide ou semi-liquide
Si l'on excepte quelques cas particuliers, il apparaît que les procédés par voie liquide (ou semiliquide) sont actuellement beaucoup moins bien maîtrisés que les procédés qui reposent sur la
CVI. Ils sont donc peu développés pour la fabrication industrielle, principalement en Allemagne
et au Japon.
1.5.2.1
RMI (Reaction Melt Infiltration)
L'imprégnation par un liquide réagissant avec la préforme est d'une grande simplicité. Elle
comporte deux étapes [NASL1985] :
* la préparation d'une préforme poreuse à partir de fibres réfractaires à base d'un élément
A ou consolidée à l'aide de A,
* l'imprégnation de la préforme à l'aide d'un matériau B liquide.
Au moment de l'imprégnation, B réagit avec A, généralement de manière exothermique, pour
former in-situ la matrice réfractaire AB.
35
Cette méthode a été appliquée avec succès à l'élaboration de composites C/SiC à partir d'une
préforme carbonée (avec B = silicium (Tfusion = 1410°C) et A = carbone).
Outre sa simplicité, ce procédé a l'avantage d'être très rapide et de conduire à un matériau dense.
En revanche, pour cette technique, le renfort fibreux et son revêtement peuvent être sérieusement
dégradés voire totalement transformés par les très hautes températures de mise en œuvre (par
exemple, transformation des fibres de carbone en fibres de carbure).
1.5.2.2
MI (Melt Infltration)
Compte tenu du caractère réfractaire de la plupart des matrices céramiques, les possibilités
d'élaboration par imprégnation directe du renfort fibreux à l'aide de la matrice à l'état liquide sont
nécessairement limitées. Une exception importante correspond au cas des matrices vitreuses ou
vitrocéramiques. A la température de mise en œuvre du verre, la viscosité est suffisamment
faible pour permettre l'imprégnation directe du renfort fibreux au moins lorsque ce dernier n'est
pas sous forme trop complexe. Pour prendre en compte les problèmes de mouillage et rendre
l'imprégnation plus complète, l'application d'une pression relativement élevée (uniaxiale ou
isostatique par exemple) est nécessaire, celle-ci pouvant endommager les fibres. Dans le cas des
composites à matrice vitrocéramique, le traitement de céramisation est effectué par recuit après
imprégnation.
Le procédé a été utilisé depuis plus d'une trentaine d'années, pour l'élaboration de CMC à fibres
continues de carbone, carbure de silicium ou alumine et à matrice vitreuse (à savoir silicate ou
borosilicate) ou vitrocéramique (à base de silice, alumine et oxyde de lithium) et plus récemment
sur des matrices Si/SiC [LUTH2001].
Les avantages du procédé sont nombreux : il est simple et rapide, il s'appuie sur les technologies
bien maîtrisées des produits verriers et des composites à matrice organique (même procédé mais
à des températures supérieures) et il offre une grande souplesse au niveau de la composition de la
matrice. En revanche, il fait appel à des températures de mise en œuvre relativement élevées et
suppose qu'il y ait compatibilité chimique et physique des fibres avec la matrice. De plus, les
applications industrielles semblent compromises, même si les premiers essais de composites
SiC/SiC sur des aubes de moteurs par GE (General Electric Co) présentent des résultats
encourageants à des températures > 1200°C. En effet, ce procédé est extrêmement onéreux et le
gain en performance reste encore à justifier [LUTH2001].
1.5.2.3
PIP (Polymer Infiltration and Pyrolysis)
L'utilisation des précurseurs organométalliques ou minéraux liquides semble offrir de
nombreuses potentialités, notamment sur la base :
* de l'expérience acquise dans le domaine des composites carbone-carbone (où la matrice
carbone est fréquemment formée par imprégnation/pyrolyse à partir d'une résine organique ou
d'un brai) et dans celui des fibres réfractaires (fibres de SiC et d'Al2O3),
* de la variété des molécules organométalliques,
* des basses températures mises en œuvre (minimisant l'altération du renfort fibreux).
Pourtant, la mise en place industrielle de ce procédé ne semble pas encore répandue.
Cette méthode se compose de quatre étapes principales :
* la synthèse d'un précurseur organométallique approprié,
* l'imprégnation de la préforme fibreuse,
* la polymérisation in-situ du précurseur,
* sa pyrolyse à température modérée conduisant à la matrice céramique.
On recommence l'opération jusqu'à obtenir la densification désirée.
Mais la plupart des recherches publiées sur les précurseurs organiques liquides des matériaux
réfractaires, ont été spécifiquement orientées vers la production de fibres plutôt que vers la
36
préparation par imprégnation/pyrolyse de matériaux composites, à l'exception de travaux de
quelques auteurs [JONE1999], [TAKE1999b].
1.5.3 Elaboration en phase solide
L'enrobage en phase solide de fibres céramiques dans une matrice céramique, basé sur la mise en
œuvre d'une compression/frittage, est d'une application relativement limitée en regard de la
fragilité des fibres et de l'absence de plasticité de la matrice. Ce procédé est donc pratiquement
limité aux fibres courtes (coupées ou whiskers), un renfort à fibres continues serait, en effet, très
sérieusement endommagé lors de la compression.
1.6.
Conclusion
Les températures d'utilisation des CMC sont généralement limitées par les fibres. Les progrès
dans ce domaine se portent principalement sur leur composition chimique (élimination d'espèces
réactives à basse température, comme l'oxygène dans les fibres SiC) et sur leur microstructure
(réduction de la croissance des grains à haute température).
L'amélioration de leur durée de vie sous air dépend surtout de leur résistance à l'oxydation et à la
corrosion. En effet, le remplacement du carbone par des carbures, des nitrures ou des oxydes
augmente la longévité des composites, mais réduit aussi les températures d'utilisation. Le
problème crucial est de maintenir les propriétés de déviation de fissures à l'interface entre la fibre
et la matrice, tout en protégeant l'interphase et les fibres contre l'oxydation. Les solutions
résident dans la réduction de la vitesse de pénétration de l'oxygène à l'intérieur du composite, soit
par des revêtements externes, soit par des matrices élaborées qui consomment l'oxygène avant
qu'il n'atteigne l'interphase puis la fibre.
Enfin, le choix du procédé d'élaboration est très important, car il va dépendre de la nature des
constituants, de leur stabilité thermique et de leurs propriétés physico-chimiques (viscosité de la
matrice, réactivité…), mais également du rapport qualité/prix des composites, au travers d'une
part de la minimisation de la dégradation du renfort fibreux, et d'autre part de la réduction du
temps d'élaboration.
37
SYNTHESE
Les fibres de carbone présentent une forte rigidité, une contrainte à rupture et une résistance au
fluage à hautes températures sous atmosphère inerte élevées, mais elles sont extrêmement
sensibles à l'oxydation dès 500°C. Néanmoins, si elles sont protégées contre l'oxydation par un
revêtement extérieur ou une matrice améliorée, les fibres de C restent les fibres les plus stables
thermiquement à haute température (fluage limité) et les moins chères [LAMO1999a].
Les fibres oxydes en alumine, zircone, mullite ou plus récemment les fibres YAG sont
thermiquement stables sous atmosphère oxydante, mais ont généralement une faible résistance au
fluage à haute température (< 1100°C) [TRES1995].
Les fibres SiC synthétisées par pyrolyse de polymères, plus flexibles et de diamètre plus fins que
celles produites par CVD ou frittage, sont un des meilleurs matériaux de renforcement des CMC.
Mais contrairement aux céramiques oxydes, le SiC est instable dans l'air à haute température et
s'oxyde. Ainsi, malgré les récents efforts de développement de nouvelles fibres pour pallier cet
inconvénient, d'autres moyens de protection contre l'oxydation sont souvent nécessaires.
Les revêtements externes améliorent grandement la résistance à l'oxydation des composites,
puisqu'ils protègent les parties en surface directement accessibles à l'oxygène. Toutefois cette
protection ne semblent pas suffisante, puisque dès les premières fissurations matricielles,
l'oxygène peut pénétrer à l'intérieur du composite. Il est donc nécessaire de prévoir alors une
protection complémentaire au sein même de la matrice [LAMO1999a-b].
Dans des domaines d’utilisation à des températures inférieures à 1400°C et sous atmosphère
oxydante, la matrice C peut être remplacée par des oxydes ou d'autres céramiques :
vitrocéramique ou SiC. En effet, grâce à ses propriétés (dureté élevée, bonne résistance à
l’oxydation, bonne stabilité thermique, module d’Young élevé, coefficient de dilatation
thermique faible...), le carbure de silicium est un constituant privilégié. La disponibilité de fibres
SiC et de techniques de densification de matrice SiC a fait des composites SiC/SiC un matériau
de choix pour de nombreuses applications spatiales et aéronautiques [KARN1991].
Le rôle primordial des interphases les place parmi les principales recherches actuelles. En effet,
de gros progrès ont été réalisés pour favoriser le transfert de charge, les déviations de fissures,
tout en limitant l'accès de l'oxygène jusqu'aux fibres.
Deux procédés d'élaboration de CMC à fibres continues sont en compétition : la voie gazeuse et
la voie liquide.
Le premier a l'avantage d'être déjà maîtrisé pour un certain nombre de matrices (C, SiC, B4C,
TiC, BN, Al2O3 …) et de conduire, avec un minimum de manipulations, à des matériaux de
qualité à partir d'une grande variété de préformes (même multidirectionnelles). En revanche, c'est
un procédé lent et onéreux, exigeant un contrôle extrêmement rigoureux des conditions
opératoires et qui est mal adapté aux matrices chimiquement complexes.
Par ailleurs, de par le caractère peu réfractaire des matrices céramiques, les procédés
d'élaboration mettant en œuvre la matrice à l'état liquide sont d'application très limitée, si ce n'est
pour les matrices vitrocéramiques silicatées, où la voie liquide est particulièrement adaptée et
bien maîtrisée. Par référence aux matériau de type carbone-carbone, on peut penser que leur
principal avantage est une grande souplesse au niveau de la composition de la matrice et des
conditions opératoires. Par contre, ils sont mal adaptés aux préformes constituées de pores de
faible diamètre, car ils conduiraient à des matrices de moindre qualité et exigeraient de
nombreuses manipulations (répétition des cycles PIP).
Toutefois, de nouveaux procédés hybrides remettent en cause cette classification, en combinant
CVI et MI en fin d'élaboration [XU1999], ou CVI-PIP [ORTO2000], qui s'avèrent plus rapides
et moins coûteux, tout en gardant de bonnes propriétés mécaniques.
38
Les performances des CMC dépendent fortement des propriétés thermomécaniques des
constituants. Ainsi, comme nous venons de le voir, les recherches effectuées se penchent
essentiellement sur l'amélioration de la fibre (diminution de la concentration en oxygène), de la
matrice, de l'interphase, mais aussi sur le procédé d'élaboration qui doit endommager le moins
possible le composite.
Cependant l'endommagement et la rupture dépendent aussi de l'état de contraintes appliquées et
de la texture du renfort (unidirectionnel, stratifié ou tissé), même si les phénomènes sous-jacents
de la rupture, intimement liés aux caractéristiques de propagation de fissures et de glissements le
long des interfaces sont convenablement illustrés par le comportement de systèmes à renfort
unidirectionnel.
2. Comportement mécanique à température ambiante
Un CMC peut présenter un comportement non fragile et une certaine tolérance à
l'endommagement, ceci bien que l'un et l'autre des constituants soient fragiles. En effet, plusieurs
mécanismes interviennent et contribuent au travail de rupture : fissuration matricielle,
décohésion interfaciale, glissement et frottement des fibres dans la matrice. Ces mécanismes qui
mettent en jeu les propriétés physiques et mécaniques de chaque constituant soulignent le rôle
déterminant joué par la liaison fibre-matrice. Voyons maintenant comment ces mécanismes
interviennent à température ambiante.
2.1.
Chargement monotone
Les CMC à fibres continues présentent un comportement mécanique non linéaire, attribué à la
formation de fissures matricielles, aux déviations de celles-ci à l'interface macroscopique
fibre/matrice, et aux ruptures de fibres.
2.1.1 Courbe typique contrainte-déformation
L’endommagement sous chargement monotone des composites SiC/SiC a été étudié par
Guillaumat [GUIL1994]. Avant de décrire l'endommagement de ces composites bidirectionnels,
il est nécessaire de nommer les différentes composantes du matériau. De par leur procédé
d'élaboration par CVI, les SiC/SiC présentent une structure hétérogène. Elle est constituée de fils
(ensemble de ~500 fibres), de matrice déposée par CVI, de macropores situés soit entre les
strates de tissus, soit à l'intersection de deux fils et de micropores à l'intérieur des fils. Les fils
parallèles à l'axe de sollicitation sont appelés fils longitudinaux et les fils perpendiculaires : fils
transversaux. La matrice située à l'intérieur de ces fils est qualifiée de matrice intrafil, celle qui
recouvre les fils est appelée matrice interfil (Figure 12).
Figure 12 : Présentation de la microstructure hétérogène d'un composite SiC/SiC d'après
[FORI2000].
fil tranversal
fil
longitudinal
micropore
macropore
strates de tissus
39
Guillaumat a modélisé la séquence d'endommagement suivante :
a. comportement linéaire élastique (ε <0,025%),
b. développement de la fissuration matricielle amorcée aux macroporosités et propagation dans
la matrice au cœur des fils longitudinaux ( 0,025<ε<0,09%),
c. fissuration au cœur des fils transversaux (0,09<ε<0,2%),
d. développement des décohésions à l'interface fibre/matrice à partir des deux familles de fissures
créées précédemment. La rupture du composite est atteinte par la généralisation de cet
endommagement et la rupture progressive des fibres longitudinales.
La non-linéarité est, de façon générale, conditionnée par les caractéristiques de l'interphase et par
la contrainte de cisaillement τ. Ces deux paramètres ne jouent pas un rôle direct sur la limite de
linéarité, mais influent sur l'écart à la linéarité après l'apparition des premières fissures
matricielles [GUIL1994].
Ainsi, une interface fibre/matrice en traction ou une faible contrainte de cisaillement interfacial
τ facilite les décohésions à l'interface au cours du chargement. La perte de rigidité, fonction
croissante du volume endommagé, est par conséquent plus importante et la courbe du
comportement mécanique plus aplatie pour des contraintes supérieures à la limite d'élasticité.
Par ailleurs, pour les composites avec des matrices sensibles à la corrosion sous contrainte (par
exemple alumine ou verres silicatés) [KARA1993], [SORE1995a], [SPEA1994], la courbe de
traction monotone dépend fortement de la vitesse de sollicitation.
2.1.2 Cycles de chargement-déchargement
Au cours de cycles de chargement-déchargement à contrainte croissante, le composite
s'endommage et présente de faibles déformations résiduelles sous sollicitation nulle, une
évolution de l'hystérésis des boucles et surtout une variation du module moyen. Par conséquent,
le comportement mécanique macroscopique du composite est défini comme élastique
endommageable. Ces déformations permanentes et cette hystérésis sont attribuées, pour le
SiC/SiC à la fissuration matricielle suivie d'un effet de la contrainte de cisaillement interfacial τ
entre les fibres et la matrice (Figure 13).
Figure 13 : Cycles de chargement-déchargement d'un composite SiC/SiC à température
ambiante d'après [REYN1992].
2.1.3 Compression
Les comportements en compression sont de type linéaire élastique fragile. La courbe en
traction/compression présente un point d'inflexion, relatif à une reprise de rigidité en
compression qui résulte de la fermeture forcée des fissures, sous sollicitation mécanique. Le
module initial en compression est par conséquent proche de celui d'un composite non
endommagé. Ce phénomène a plutôt été montré sur des C/SiC par Lorrain et al. [LORR1994]
(Figure 14).
40
Figure 14 : Fermeture forcée des fissures lors des passages en compression d'après
[LORR1994].
2.2.
Fatigue cyclique
Avant de présenter les mécanismes de fatigue, nous allons présenter rapidement la fatigue
cyclique et ses différents paramètres.
Dans un essai de fatigue cyclique, un échantillon est soumis à une contrainte variable,
d'amplitude et de fréquence données.
L'amplitude de cette contrainte cyclique est donnée par :
σ amp = σ max −σ min
2
et le rapport des contraintes extrêmes :
R = σ min
σ max
où σmin et σmax sont respectivement la contrainte minimale et maximale auxquelles est soumis
l'échantillon. Les essais peuvent être effectués en tension-tension, compression-compression, ou
tension-compression auquel cas R devient négatif.
2.2.1 Mécanismes de fatigue dans le composite
La fatigue cyclique diffère du chargement monotone. En effet, dans les cas des essais
monotones, le critère de rupture est atteint par une augmentation continue de la contrainte
appliquée, alors que pour les essais de fatigue cyclique, c'est l'évolution des paramètres
microstructuraux comme la contrainte de cisaillement interfacial (τ) qui conduit à une
augmentation de l'endommagement (taux de fibres rompues q).
Par ailleurs, on ne peut parler de mécanismes de fatigue dans les composites, que si la contrainte
maximale appliquée σmax est supérieure à la contrainte de fissuration matricielle σe.
Les mécanismes d'endommagement potentiels d'un composite soumis à une contrainte de fatigue
cyclique sont de trois types différents, selon le site où ils opèrent : la matrice, la fibre ou
l'interphase [OLIV1998]. L'objectif de ce paragraphe est donc de passer en revue tous les
mécanismes de fatigue susceptibles d'être activés et d'identifier le ou les mécanismes
prépondérants responsables de la dégradation progressive des propriétés mécaniques du
composite sollicité au-dessus de sa contrainte de fissuration matricielle.
2.2.1.1
•
Dans la matrice
Mécanismes liés à la microstructure
L'existence d'un effet de fatigue exclusivement dû à la périodicité d'une contrainte mécanique a
été clairement mis en évidence dans le cas des céramiques monolithiques polycristallines
présentant une rupture de type intergranulaire ou un effet de "courbe R" (alumine, nitrure de
41
silicium, zircones partiellement stabilisées) [EVAN1990]. Elle est convenablement décrite par
une loi de Paris [DORL1999] :
(Eq. 2)
da =C
dN
(∆K)
m
avec a : la longueur de la fissure,
N : le nombre de cycles,
∆K : l'amplitude du facteur d'intensité de contrainte au cours d'un essai de fatigue,
C : une constante,
m : un paramètre dépendant du matériaux (entre 15 et 50 pour les céramiques au lieu de
2 à 4 pour les métaux). Il est proche de 38 pour le SiC fritté avec ajouts [RITC2000].
Contrairement aux matériaux ductiles, les fissures dans les céramiques au cours d'un essai de
fatigue, n'apparaissent pas spontanément : elles sont toujours associées à des défauts préexistants. De plus, la microstructure (taille des grains, joints de grains, porosité …) a une très
grande influence sur les vitesses de propagation des fissures.
Ainsi, le phénomène de fatigue dans les céramiques résulte de l'ouverture de la fissure par la
création d'une zone qui est le siège de fortes déformations pseudo-plastiques (microfissuration,
transformation de phase). La mise en compression de cette zone lors de la décharge entraîne la
fermeture partielle des fissures, dont la réouverture, lors de la recharge, est conditionnée par la
nécessité d'endommager à nouveau la pointe des fissures. Ainsi, pendant la phase de
déchargement, des aspérités peuvent bloquer la fermeture des fissures et entraîner localement des
contraintes de compression, permettant au phénomène de corrosion sous contrainte d'agir et aux
fissures de poursuivre leur propagation [RITC1988].
•
Propagation sous-critique (PSC)
La rupture fragile des céramiques provient de défauts distribués en surface ou en volume du
matériau. La résistance mécanique d’un échantillon est limitée par la taille de son plus gros
défaut. Dans de nombreux matériaux céramiques, cette résistance diminue à cause de la
croissnance lente de la taille des défauts sous l’influence d’un champ de contraintes en tension.
La propagation sous-critique (SCG : "Slow Crack Growth"), connue aussi sous le nom de
propagation lente de fissures précède la rupture fragile des matériaux céramiques. Dans de
nombreux matériaux, elle est favorisée par la présence d’eau dans l’atmosphère (corrosion sous
contrainte), mais elle peut également se produire sous vide. Elle est thermiquement activée et
devient donc importante aux hautes températures. La porosité favorise la PSC, en élargissant
l’accès aux agents agressifs. Par ailleurs, elle dépend beaucoup de la vitesse de sollicitation,
puisqu’il y a une compétition entre la diffusion et la réactivité des éléments chimiques et la
sollicitation mécanique.
Le carbure de silicium, ne contenant pas de phase intergranulaire, n’est pas très sensible à la
propagation sous-critique à basse température, mais au-dessus de 1000°C, la rupture
transgranulaire par PSC devient importante [CAMB1994], [LEWI1998]. Il faut toutefois rester
prudent car à ce jour, aucune mesure à notre connaissance n’a été réalisée sur du SiC élaboré par
CVI, et le SiC couramment étudié est de phase α [GILB1996], [LEWI1998] contrairement au
SiC CVI de phase β [JONE1993]. De plus, la présence d’ajouts de frittage dans le SiC fritté peut
aussi favoriser la PSC à température ambiante [GILB1996].
•
Mécanismes résultant de la structure multiséquencée
La structure multiséquencée fait intervenir les mêmes mécanismes que l'interface fibre/matrice (§
2.2.1.3), mais sans qu'une couche d'interphase soit introduite entre les couches matricielles. Cela
signifie que la compatibilité chimique et la différence des coefficients de dilatation entre les
différentes couches vont être des paramètres importants, pour comprendre pourquoi certaines
42
décohésions sont favorisées. De même, la fissuration matricielle pourra, du fait de la déviation
des fissures en mode II, se produire de façon privilégiée dans une couche en particulier.
Mais pour de nombreux CMC, il n'y a pas d'effet de fatigue propre à la matrice du fait de leur
faible ténacité. Pour ces composites, la fatigue est dictée soit par la dégradation des fibres, soit
par les phénomènes d'interfaces [EVAN1995].
2.2.1.2
•
Mécanismes liés à l'endommagement des fibres
Dégradation des fibres
Les fibres, dans le cas des CMC, sont des matériaux de type fragile et obéissent donc aux mêmes
lois de fatigue que la matrice. Un autre mécanisme de fatigue envisageable pour les fibres
concerne la dégradation de leurs propriétés mécaniques par un phénomène d'abrasion ou
d'oxydation susceptible d'introduire des défauts critiques en surface. Cette dégradation a été mise
en évidence dans les TMC (Composites à Matrice Ti) à fibres SiC de gros diamètre (~100 µm),
avec une réduction de la résistance de 10 à 30% [STEY1998b]. Ces mesures ont été réalisées par
des tests de traction sur fibres extraites de composites testés ou non en fatigue.
Malheureusement, elles n'ont pas été effectuées sur des fibres de faible diamètre, plus
couramment utilisées dans les CMC, du fait de la difficulté à extraire et à tester ces fibres.
Toutefois, des mesures sur les faciès de rupture miroir de composites SiC Nicalon™ /CAS testés
ou non en fatigue, ont montré qu'une certaine dégradation apparaissait, suggérant l'introduction
de nouveaux défauts à la surface des fibres ou l'extension des défauts existants durant la fatigue
[MCNU1999]. De plus, le milieu agressif entourant le matériau, accélère l’amorçage des fissures
et augmente la vitesse de fissuration.
•
Rupture des fibres
Si nous prenons un écheveau de fibres sans matrice (cas de l'écheveau "sec" ou encore quand
τ=0), chaque fibre ne comporte qu'une seule fissure qui se crée à partir du défaut le plus sévère.
Dans ces conditions, la rupture du fil apparaît lorsque toutes les fibres ont été rompues. En
supposant une répartition homogène des défauts le long des fibres, la rupture individuelle des
fibres est généralement décrite statistiquement à l'aide d'une fonction de répartition de Weibull.
L'analyse simplifiée qui est couramment admise suppose qu'il n'existe qu'une seule population de
défauts situés à la surface des fibres. Mais une étude plus fine fait appel à une description
statistique à deux populations intégrant les défauts intrinsèques et les défauts extrinsèques, la
limite entre chaque population étant définie par le rapport entre une longueur caractéristique
séparant les défauts de même sévèrité et la longueur totale des fibres [VILL1991].
Contrairement au cas de l'écheveau "sec", lorsqu'une première rupture apparaît dans une fibre
d'un matériau composite, le chargement appliqué à cette fibre ne se relâche pas totalement, ce qui
permet une multifissuration de la fibre (cas des composites à matrice organique où εf < εm). Par
conséquent, si les fibres seules ne présentent pas un effet de fatigue intrinsèque, la modification
de leurs conditions de chargement peut être à l'origine d'une évolution de l'état des fibres (taux de
multifissuration) en fonction du nombre de cycles de fatigue. En effet, en supposant que nous
soyons dans le cas d'un matériau composite à interface faible, de sorte que la force motrice des
fissures matricielles soit insuffisante pour rompre simultanément toutes les fibres, l'apparition
d'une rupture de fibre suivant le mécanisme élémentaire présenté ci-dessus conduit à une
augmentation de l'ouverture de la fissure. Ceci entraîne une surcharge supplémentaire des fibres
voisines intactes et des pointes de la fissure matricielle, favorisant ainsi la propagation de cette
dernière [FAVR1992].
Si l'on écarte les effets dus au temps (propagation sous-critique) et à la microstructure de la
matrice évoqués précédemment, toute fissure matricielle se propage de façon instable entraînant
43
une désolidarisation limitée de la matrice et des fibres pontantes. L'accroissement de la contrainte
supportée par les fibres peut alors provoquer la rupture de certaines d'entre elles ce qui permet à
la fissure de se propager un peu plus loin et ce, jusqu'à ce qu'un état d'équilibre soit atteint. La
propagation de la fissure peut être ainsi arrêtée avant que celle-ci ne traverse toute la section du
composite. L'application d'une contrainte de cyclage accroît la distance de déchaussement à
l'interface entraînant ainsi l'augmentation progressive de la contrainte globale supportée par les
fibres, dont la rupture conditionne l'avancée de la fissure matricielle.
2.2.1.3
Dégradation de l'interface fibre-matrice
Lorsque les fibres céramiques (exceptées celles de carbone) sont choisies comme renfort,
l'hypothèse de réduction des propriétés mécaniques des fibres par abrasion peut-être écartée et le
mécanisme prépondérant à l'origine de l'effet de fatigue, est la dégradation par usure de
l'interface fibre-matrice [EVAN1995], [ROUB1993b].
En effet, les glissements alternés et répétés se produisant le long de la zone de déchaussement
entre la fibre et la matrice à chaque cycle conduisent à un phénomène d'usure par émoussement
progressif des aspérités de surface et formation de débris. Ce mécanisme est d'autant plus rapide
que les aspérités sont grandes. Il se traduit par une diminution de la contrainte de glissement
interfacial (τ), et donc par la poursuite du mécanisme de décohésion.
Cette idée, énoncée et soutenue dans l'ensemble de la littérature, est confirmée
expérimentalement par des essais de "push-out" et "push-back" qui montrent que la force
nécessaire pour initier le glissement d'une fibre à l'intérieur d'une gaine de matrice lors du retour
de celle-ci dans sa position initiale ne représente que 40 % de l'effort initialement appliqué pour
la déplacer [EVAN1989], [MACK1991], [PART1991].
Il est intéressant de signaler que la réduction de la taille des aspérités à l'interface a également été
observée expérimentalement dans le cas de composites à matrice métallique (Ti) [WALL1994]
présentant une réponse en fatigue similaire à celle des composites à matrice céramique.
Enfin, la diminution de la contrainte de glissement interfacial a également été mise en évidence
par Holmes et al. [HOLM1992] lors de l'étude des variations de température enregistrées sur un
échantillon au cours d'un essai de fatigue. Dans des conditions expérimentales identiques tout au
long de l'essai, ces auteurs observent une diminution significative de la température en début de
fatigue qu'ils attribuent directement à la diminution de la contrainte de glissement interfacial (τ)
(diminution de l'énergie thermique dissipée par frottement).
La situation devient ainsi très similaire à celle décrite au § 4.1.2, où l'élargissement des profils de
transfert de charge (diminution de τ) est susceptible d'entraîner la rupture de certaines fibres car
celles-ci sont surchargées sur une plus grande longueur. La proportion de fibres rompues dépend
alors de l'amplitude maximale de la sollicitation ainsi que des propriétés mécaniques du renfort
([LLOR1991], [MARS1987]).
2.2.2 Evolution des caractéristiques mécaniques
L'évolution des caractéristiques mécaniques en fatigue cyclique, à température ambiante de
composites SiC/SiC a été étudiée par Reynaud [REYN1992].
Lorsque le niveau de sollicitation est inférieur à la limite de linéarité σe (~35 % de σr pour le
SiC/SiC), aucun effet de fatigue n'est observé : on reste dans le domaine d'élasticité, où aucun
endommagement n'est introduit dans le matériau. Les modules élastiques sont constants et il n'y a
pas de déformation permanente. Les boucles d'hystérésis entre la contrainte et la déformation
sont plates et confondues avec le chargement initial.
Pour des niveaux de contrainte inférieurs au seuil de fatigue σseuil (seuil au-dessous duquel
aucune rupture par fatigue n'est observé en dessous de 105 ou 106 cycles) entre 35% et 85 % de σr
44
pour les composites SiC/SiC à température ambiante, le matériau effectue une "accommodation"
vis-à-vis de la sollicitation appliquée. Le comportement mécanique du matériau évolue en
fonction du nombre de cycles, d'autant plus que la contrainte maximale est élevée. Les modules
élastiques diminuent, tandis que l'aire des boucles d'hystérésis et la déformation permanente
augmentent. Mais l'on n'observe aucune rupture en dessous de 105 ou 106 cycles.
Au dessus du seuil de fatigue (~ 85% de σr), l'évolution de la fissuration matricielle et des
glissements et décohésions conséquentes amène également une diminution du module d'Young
et une augmentation de la déformation permanente (Figure 15). Par ailleurs, les boucles
d'hystérésis changent de forme, du fait de la diminution de la contrainte interfaciale et de
l'augmentation de la longueur sur laquelle le glissement opère. Comme pour la fissuration
matricielle, l'évolution de ces paramètres est fortement dépendante de la contrainte maximale
appliquée pendant la fatigue.
Figure 15 : Evolution des paramètres d'endommagement au cours de la fatigue d'après
[REYN1996a].
La diminution initiale du module est associée au développement rapide de la fissuration
matricielle. Puis la dégradation avec le cyclage est relative à la diminution de la contrainte de
cisaillement interfacial, qui augmente la complaisance du composite fissuré.
Les boucles d'hystérésis se caractérisent par une allure parabolique avec une région linéaire lors
de la charge et de la décharge, par une augmentation de la largeur des boucles et une diminution
du module, lorsque le nombre de cycle augmente. Le raidissement des boucles en fin de
déchargement provient de la fermeture des fissures matricielles (voir § 4.1.2).
Le passage de boucles paraboliques à des boucles avec des zones linéaires correspond à la
saturation de la fissuration matricielle (la tenue du composite ne dépend plus que des fibres), le
module correspond au module des fibres longitudinales (VflEf) et diminue au fur et à mesure que
les fibres rompent.
2.2.3 Influence de la fréquence de sollicitation
La plupart des essais de fatigue à température ambiante sont réalisés à des fréquences de 0,3 à 10
Hz. Sur cette gamme de fréquences, il a été montré que l'influence de la fréquence est
négligeable sur les durées de vie en fatigue et le comportement des boucles d'hystérésis,
notamment sur les composites SiC/CAS [THOM1993].
Toutefois, aux fortes fréquences, des changements importants apparaissent au niveau des
phénomènes de glissements et affectent de manière radicale les durées de vie [SHUL1993].
45
Holmes et al. [HOLM1990,1992,1994] ont montré que le passage d'une fréquence de 10 Hz à
400 Hz sur des composites SiC Nicalon™ /CAS diminuait le seuil et la durée de vie en fatigue
(Figure 16). D'une part, ces variations sont attribuées au chauffage par frottement le long des
interfaces : à une amplitude de contrainte donnée, l'augmentation de la température à la surface
des éprouvettes associée au chauffage par frottement est de 5°C à 10 Hz, alors qu'il est de 150°C
à 350 Hz sur des composites (SiC/CAS-II) [SORE1995a], sachant que la température à cœur doit
être beaucoup plus élevée. D'autre part, cette augmentation de température est supposée
suffisante pour réduire les contraintes thermiques résiduelles de compression le long de
l'interface fibre/matrice et donc la contrainte de cisaillement interfacial, mais elle peut également
conduire à l'évolution physico-chimique des constituants et notamment de l'interphase en PyC, ce
qui peut diminuer la résistance de la fibre [HOLM1994].
Figure 16 : Influence de la fréquence sur la durée de vie d'un composite SiC/CAS d'après
[HOLM1994].
Par ailleurs, on notera que pour les matrices sensibles à la corrosion sous contrainte,
l'endommagement lors du premier chargement sera d'autant plus grand, que la fréquence sera
faible.
2.2.4 Influence de R= σmin/σmax
Peu d'études ont porté sur l'influence du rapport R=(σmin/σmax) sur l'endommagement ou les
durées de vie en fatigue.
Toutefois, Mahfuz et al. [MAHF1995] ont établi que la diminution de R (pour un R>0 et une
contrainte maximale donnée) diminue la durée de vie à température ambiante des composites
C/C aux fortes contraintes, mais ne change pas le seuil de fatigue.
En revanche, Sørensen et Holmes [SORE1999] et Moshelle [MOSH1994] ont montré que la
diminution de R (voire négatif) sur des composites SiC Nicalon™ /CAS réduisaient le seuil et
la durée de vie en fatigue. En effet, la rupture sera d'autant plus rapide que R sera petit, puisque
la diminution de τ sera plus rapide et la distance de glissement et donc la probabilité de rupture
dans les fibres augmentées [EVAN1995].
Mais le manque de résultats expérimentaux rend les conclusions difficiles. De plus, il faudrait
aussi voir l'effet de la variation de la contrainte maximale à R constant.
2.2.5 Durée de vie et propriétés résiduelles après fatigue
La plupart des CMC, indépendamment de leur architecture, présente une réduction progressive
de leur résistance avec le cyclage. Le diagramme d'endurance typique présente deux
particularités : d'abord un seuil en contrainte au-dessous duquel une rupture par fatigue ne se
46
produit pas. Ce seuil peut se situer entre 60 % et 90 % de la contrainte à rupture en traction
monotone, en étant supérieur à la limite de linéarité (à l'inverse des métaux). Autrement dit, un
CMC peut présenter une déformation permanente, sans que cela n'altère sa durée de vie.
Par ailleurs, il existe une dispersion importante entre les contraintes à rupture et les durées de vie
en fatigue (qui peuvent dépasser 3 ordres de grandeurs), provenant du comportement
stochastique à la rupture des CMC (Figure 17).
Figure 17 : Diagramme d'endurance d'un composite SiC/SiC d'après [REYN1992].
Par ailleurs, la contrainte à rupture résiduelle après fatigue peut dépasser la contrainte à rupture
du matériau non préalablement sollicité. L'origine d'un tel comportement n'est pas encore bien
comprise. Certains auteurs [SHUL1993] et [MIZU1996] ont suggéré que la baisse de la
contrainte de cisaillement, bien que réduisant la résistance des fils de fibres, pouvait rendre le
composite moins sensible à la création de défauts par diminution des concentrations de
contraintes et donc du transfert de charge sur les fibres.
Pourtant aucun modèle n'est à ce jour disponible pour décrire l'évolution des propriétés
résiduelles en fonction du temps de fatigue.
3. Comportement mécanique à haute température
Pour les essais de fatigue en température, sous atmosphère oxydante, il n'est pas suffisant de
considérer uniquement l'endommagement mécanique, et la dégradation de l'interphase. Il faut
également prendre en compte les mécanismes physico-chimiques (oxydation) et thermiques
(fluage). C'est la combinaison de ces mécanismes qui provoque la rupture du matériau.
3.1.
Les constituants des composites
3.1.1 Les fibres
Nous allons nous limiter aux fibres SiC fabriquées par Nippon Carbon (Nicalon™, HiNicalon™, Hi-Nicalon™ type S), et voir l'influence du procédé d'élaboration et de la
composition chimique sur leur stabilité à haute température [ICHI2000].
L'évolution de la fibre Nicalon™ à la fibre Hi-Nicalon™ type S est représentée schématiquement
sur la Figure 18, ainsi que les différents procédés d'élaboration (Figure 4).
47
Figure 18 : Evolution des fibres fabriquées par Nippon Carbon d'après [TAKE1998].
La fibre Hi-Nicalon™ type S sera présentée, mais à notre connaissance aucun composite
contenant cette fibre dans une matrice SiC n'a fait l'objet d'une étude approfondie.
Les fibres SiC Nicalon™ produites à partir de polymères sont aujourd'hui largement utilisées
pour fabriquer des composites à matrice céramique. Récemment, une fibre SiC à très faible
teneur en oxygène (fibre Hi-Nicalon™) produite par traitement par faisceau électronique, a
également été développée à l'échelle commerciale. Cette fibre possède un module d'Young, une
résistance au fluage et une stabilité thermique jusqu'à 1400°C, largement supérieurs à ceux de la
fibre Nicalon™ [BODE1995], [CHOL1997a].
Les propriétés thermomécaniques des CMC produits à partir de la fibre Hi-Nicalon™ ont
d'ailleurs été largement améliorées. Cependant, la résistance au fluage et à l'oxydation n'est pas
encore suffisante pour certaines applications thermostructurales. Ceci provient du fait que cette
fibre SiC Hi-Nicalon™ est principalement constituée de nanocristaux de SiC et d'un excès de
carbone [CHOL1997b]. C'est pour cette raison, qu'une nouvelle fibre SiC, dotée d'une
composition SiC stœchiométrique et d'une meilleure cristallinité, appelée Hi-Nicalon™ type S, a
été développée.
L'ensemble des propriétés physiques et mécaniques à température ambiante de ces fibres est
présenté sur la Figure 19.
Figure 19 : Propriétés des fibres SiC fabriquées par Nippon Carbon d'après
[URAN1998].
48
3.1.2 Les matrices
Deux types de matrice vont être détaillées : la matrice SiC (CVI) et la matrice multiséquencée
élaborée par Snecma Propulsion Solide à base des éléments Si, B, C. En effet, le but est de
déterminer l'influence de cette nouvelle matrice sur le comportement mécanique par rapport aux
précédents composites SiC/SiC (CVI).
•
SiC
Le carbure de silicium possède d'excellentes propriétés qui le rendent tout à fait performant en
tant que matrice pour des composites à fibres de carbone ou de carbure de silicium. En effet,
cette céramique présente, outre ses caractéristiques thermomécaniques (résistance et module
d'élasticité élevés), une bonne résistance aux chocs thermiques et une bonne résistance à
l'oxydation [WINN1964].
La structure de la matrice est représentée sur la Figure 20. On observe nettement les dépôts
successifs sous forme de couches concentriques superposées autour des fibres et séparées par un
réseau de microporosités [NAVA1990]. L'étude faite par Arnault [ARNA1989] montre que la
matrice SiC obtenue par CVI présente un aspect fortement anisotrope, mais qu'il n'existe pas de
grandes variations du modules d'Young selon les directions cristallographiques privilégiées des
cristaux de SiC-β (forme cristallographique cubique à faces centrées de SiC constituant la
matrice) et que l'hypothèse isotrope de la matrice en terme de caractéristiques mécaniques peut
être admise [CONC1994].
Figure 20 : Structure colonnaire du SiC déposé par CVI d'après [NAVA1990].
Les caractéristiques mécaniques de la matrice SiC à température ambiante sont décrites dans le
Tableau 3. Il faut noter qu'il est difficile d'obtenir des caractéristiques mécaniques pour la
matrice, car il est impossible de l'élaborer seule. En effet, le procédé CVI nécessite
obligatoirement un substrat. Une alternative existe dans l'exploitation de résultats d'essais de
traction sur microcomposites SiC/SiC élaborés par Snecma Propulsion Solide par le même
procédé que celui pour la fabrication des composites SiC/C/SiC. Néanmoins, il est possible de
trouver quelques valeurs dans la littérature [FRET1991] et [NAVA1990].
49
Axial
2,9 .10-6
3,1 .10-6
[SEP]
3,9 .10-6
0.12
6.5
4.4
0.25
[FRET1991]
5.46
[LISS1994]
19.55
[LISS1994]
* dans un toron 1 D 50 mm
** dans un toron 1 D 180 mm
*** SiC monolithique.
Coeff. de
dilatation (K-1)
Radial
Coeff. de Poisson
Facteur
Paramètres
d'échelle
σo
de Weibull
3/m
(L=50 mm) (MPa.mm )
Module m
2,16 .103
(50mm)
3,5 .10
-6
2,6-2,8 .103
~1
Module d'Young (GPa)
~1
[FRET1991]
Déformation à rupture (%)
1.1-1.5
[DARZ2000]
1,5 .103
Contrainte à rupture (MPa)
[SEP]
(220 mm)
270
200
[NAVA1990]
230
2.74
2.55 [SEP]
[DARZ2000]
Hi-Nicalon™
Masse volumique g/cm3
[VILL1991]
Tamb
Fibres Nicalon™
Tableau 3 : Propriétés des constituants.
2 .10-6
4,6 . 10-6
0.2
550
3.6
0.035
350
3.15
[NAVA1990]
SEP
2
294 *
237**
350***
401
[ARNA1989]
[FRET1991]
Matrice SiC
270[DARZ2000]
350 [CARR1996]
290 [FORI2000]
3
SiBC
Radial
12
Longitudinal
2.10-6
Plan
d'isotropie
0.4
50
Transversal
2,8.10-6
Radial
(longitudinal)
0.12
320
12 - 18
350 - 500
1.2 - 1.8
Longitudinal
30
2.1 - 2.4
Pyrocarbone
• SiBC multiséquencée
Le principe de la matrice multiséquencée consiste à déposer par CVI, différentes couches
contenant les éléments Si, B, C (Figure 21). La composition chimique de ces couches a été
choisie de sorte que les températures d'oxydation respectives soient complémentaires. En
effet, en s'oxydant, ces couches forment des oxydes céramiques, qui limitent la diffusion de
l'oxygène dans le composite, sur une large gamme de températures (450°C à 1500°C)
[GOUJ1994a-b].
Figure 21 : Structure d'un composite SiC/SiBC à matrice multiséquencée d'après
[DARZ2000].
Ces couches SiBC peuvent être considérées comme des composés contenant du carbure de
silicium, du carbure de bore et du carbone libre. Ainsi en jouant sur les proportions de bore et
de silicium, il est possible de fabriquer des dépôts se rapprochant du carbure de bore pour une
protection à basse température par formation de l'oxyde de bore B2O3, et de former des
oxydes borosilicatés plus stables à haute température et d'empêcher la volatilisation de B2O3,
en augmentant la quantité de silicium.
3.1.3 L'interphase
Le rôle de l'interphase de pyrocarbone déposée sur les fibres SiC avant infiltration est
considérable sur le plan du comportement mécanique, mais aussi vis à vis de l'oxydation de
ces matériaux pour lesquels il semble qu'une interphase de faible épaisseur soit favorable
[FILI1991]. Celle déposée sur le SiC/SiC est de l'ordre du dixième de micron (0,1 µm).
Les propriétés du carbone (faible liaison inter-feuillets propice aux déviations de fissures et
aux frottements) en font un matériau d'interphase de choix. Le pyrocarbone est déposé à
l'intérieur de la préforme fibreuse par infiltration chimique en phase vapeur, par craquage
d'hydrocarbures gazeux à haute température (1000°C). Suivant les conditions de dépôt, quatre
textures de pyrocarbone peuvent être observées : la texture isotrope, la texture laminaire
sombre, la texture laminaire lisse et la texture laminaire rugueuse. Pour des composites
SiC/SiC ayant des interphases de pyrocarbone de même épaisseur mais de structures
différentes, les domaines non-linéaires de la courbe de traction varient fortement
[NASL1992].
Il ressort que les dépôts de pyrocarbone présentent une zone amorphe au voisinage de la fibre
et que cette zone interfaciale amorphe entre la fibre et la matrice est le siège de la fissuration
interfaciale.
L'observation par microscopie électronique en transmission de la couche de pyrocarbone
montre que le dépôt de pyrocarbone se décompose en trois zones assez distinctes entre la fibre
et la matrice [COJE1991] (Figure 22) :
51
* Au contact direct de la fibre se trouve une première sous-couche (A) de 5 nm
d'épaisseur composée de silice amorphe et de carbone sous forme d'unités structurales de base
(USB) semblables à celles décrites dans la fibre.
* Au-dessus de la sous-couche A, le pyrocarbone se présente, soit sous la forme d'une
couche (B) très organisée (les USB sont parallèles entre elles) conduisant à une structure
anisotrope, soit sous une forme désorganisée conduisant à une structure quasi isotrope ;
observées parfois séparément (faciès 1 ou 3), ces deux types de structures coexistent
généralement en formant une alternance de zones anisotropes et de zones isotropes avec une
périodicité de l'ordre de 50 nm (faciès 2).
* Au-delà de cette deuxième sous-couche, le pyrocarbone est isotrope avec une
structure nanoporeuse qui tend à se réorganiser à proximité de la matrice.
La structure anisotrope dans la sous-couche B étant aisément fissurable par clivage, chaque
fois que ce carbone parfaitement orienté perdra localement son anisotropie pour devenir
localement microporeux (notamment au niveau des irrégularités de la fibre) il fera obstacle à
la propagation de la fissure en provoquant une décohésion parallèle à l'interface [COJE1991].
Par conséquent, le degré d'organisation du pyrocarbone dans la sous-couche B est un
paramètre important car c'est lui qui déterminera l'étendue de la déviation des fissures et par
conséquent définira en partie le comportement macroscopique du matériau composite.
Figure 22 : Schéma des différents faciès rencontrés, classés par ordre de liaison
interfaciale décroissante d'après [COJE1991].
52
3.2.
Evolution
des
propriétés
physico-chimiques
thermomécaniques des constituants
et
Les récents développements de nouveaux composites ont poussé les chercheurs à étudier les
relations microstructures/propriétés en soulignant l'importance de la composition chimique
des fibres et de leur stabilité, de la matrice, de l'interphase et de tous les autres paramètres
importants qui contrôlent le comportement thermomécanique des composites. La stabilité
thermique de ces constituants est en effet particulièrement dépendante de 3 facteurs :
* l'atmosphère (air, argon, azote, vide, humide…),
* le temps (de quelques minutes à des dizaines d'heures),
* enfin la température (600-1400°C).
3.2.1
Sous atmosphère neutre ou vide
3.2.1.1
Les fibres
Après traitement thermique sous argon jusqu'à 1600°C, tandis que la contrainte à rupture en
traction de la fibre Nicalon™ diminue fortement (présence de petits cristaux de SiC-β (≈ 2
nm), de carbone libre et d'une phase intergranulaire amorphe SiCxOy, qui se décompose dès
1100°C avec une évolution des monoxydes de silicium et de carbone s'accompagnant d'un
grossissement des grains SiC), les deux autres fibres Hi-Nicalon™ gardent une bonne
résistance mécanique avec des valeurs assez voisines [ICHI2000] (Figure 23). Le module
d'Young des fibres Nicalon™ reste à peu près stable jusqu'à 1300°C [HOCH1996].
Figure 23 : Contraintes à rupture en traction de fibres SiC après 10 h de traitement
sous argon, à différentes températures d'après [URAN1998].
3.2.1.2
Les matrices
De par sa structure cristallisée et sa composition chimique proche du SiC pur, la matrice est
beaucoup plus stable en température que les fibres. L'évolution du module d'élasticité de la
matrice SiBC sous argon a été estimée par Darzens : il diminue de 37% entre la température
ambiante et 1200°C [DARZ2000].
3.2.1.3
L'interphase
Plusieurs techniques sont disponibles pour mettre en évidence les modifications des
interphases à haute température sous des environnements divers [STEE1998b] : mesure de
contrainte de cisaillement interfacial à température ambiante par micro-indentation Vickers
sur des éprouvettes testées en fatigue sous argon [DALM1997], essais de traction sur
éprouvettes ayant subi un vieillissement thermique [GUIL1994]. Dalmaz montre que pour des
températures inférieures à 1000°C, les propriétés interfaciales du C/SiC au cœur des fils ne
53
sont pas affectées par un cyclage mécanique ; en revanche à 1500°C, les propriétés aux
interfaces de l'interphase sont modifiées avec une diminution de 50% de la contrainte de
décohésion par rapport au composite vierge. De même Guillaumat a montré qu'après un
traitement thermique de 12 h sous vide à 1200°C, l'interphase favorise les décohésions.
Mais l'évolution de l'interphase reste très difficile à caractériser directement à haute
température, car elle est rarement dissociée du comportement du composite. Or ces mesures
font nécessairement intervenir d'autres phénomènes liés à la température, tels que les
contraintes thermiques résiduelles, qui peuvent avoir une influence prépondérante sur les
propriétés interfaciales, indépendamment de l'évolution physico-chimique de l'interphase.
3.2.1.4
Les composites
Des composites 2D-Nicalon™/SiC élaborés par CVI ont été vieillis entre 1100°C et 1500°C
sous vide ou sous argon [LABR1997a]. Les composites présentent une perte de masse ∆m/m0
relative à la décomposition de la phase SiCxOy des fibres, et à des réactions complémentaires
entre les produits gazeux de la décomposition de la fibre (en particulier SiO) et le carbone (de
la fibre et de l'interphase). Ce processus de décomposition/réaction entraîne une évolution du
comportement mécanique, relative à la perte de masse. Des conditions de vieillissement peu
sévères (∆m/m0 < 1,3%) conduisent à un affaiblissement de la liaison fibre/matrice, dû à des
décohésions interfaciales, accompagné par une diminution simultanée de la limite élastique et
de la contrainte à rupture, ainsi que par une augmentation de l'allongement à rupture. Des
conditions de vieillissement plus sévères (∆m/m0 ~ 2%) entraînent une consommation
partielle de l'interphase avec formation de cristaux de SiC de grande dimension sur la surface
de la fibre affaiblissant les fibres, et conférant au composite un comportement mécanique
non-élastique. Enfin, pour des conditions de vieillissement très sévères (3% < ∆m/m0 < 7%),
l'interphase est totalement consommée, et les fibres présentent un processus de
décomposition/cristallisation prononcé. Le composite devient alors fragile avec une très faible
tenue à la rupture [LABR1997a].
Des composites 2D-Nicalon™/C/SiC élaborés par CVI, revêtus ou non par un "sealcoat" de
SiC CVD, ont également été vieillis entre 1100 et 1300°C sous vide ou sous monoxyde de
carbone. Ils présentent aussi une perte de masse due à la décomposition de la phase SiOxCy au
sein des fibres, et à des réactions secondaires entre le carbone (des fibres et de l'interphase) et
des produits de décomposition de la fibre (CO et SiO). Le processus de dégradation est ralenti
par la présence d'une pression de CO, qu'elle soit appliquée de l'extérieur ou générée dans le
composite à la suite du confinement de SiO/CO par le "sealcoat" de SiC. Les composites
vieillis entre 1100 et 1200°C rompent à un niveau de contrainte et d'allongement relativement
élevé avec une courbe de traction à 'plateau', tandis que les matériaux vieillis à 1300°C sont
soit fragiles lorsqu'ils sont traités sous vide, même revêtus d'un "sealcoat" de SiC, soit non
fragiles avec une faible contrainte à rupture lorsqu'ils sont traités sous une pression de CO
[LABR1997b]. Mozdzierz a montré que lors des recuits sous atmosphère réductrice entre
1300°C et 1400°C, la consommation de l'interphase de C entraîne une forte décohésion au
niveau des interfaces F/M, qui pourra faciliter la propagation des fissures, lors d'une
sollicitation mécanique [MOZD1993].
La stabilité thermique sous vide de composites SiC/SiC élaborés par CVI et constitués de
fibres Nicalon™, Hi-Nicalon™ ou Hi-Nicalon™ type S a été étudiée par Araki et al.
[ARAK1998]. Après des traitements thermiques sous vide de 1000°C à 2000°C, il résulte que
le composite SiC Nicalon™/SiC présente une forte perte de masse et dégradation dès 1500°C,
tandis que le composite Hi-Nicalon™/SiC commence juste à s’oxyder et le composite HiNicalon™ S /SiC ne présente aucune détérioration apparente après des traitements sous vide à
2000°C. La ténacité et la résistance mécanique des composites diminuent lorsque la
température de traitement augmente et le composite avec les fibres Hi-Nicalon™ S présente la
plus grande contrainte à rupture quelle que soit la température de traitement.
54
3.2.2
Sous atmosphère oxydante
3.2.2.1
Les fibres
Le comportement après traitement sous air de ces fibres est présenté sur la Figure 24. Takeda
et al. [TAKE1998] ont relié la cause de la rupture à la présence plus ou moins répandue des
pores dans les fibres : en effet, la fibre Nicalon™ présente de nombreux pores (visibles sur le
faciès de rupture), résultant des bulles de gaz CO produites lors de la décomposition de la
phase oxycarbure. En revanche, la fibre Hi-Nicalon™ type S ne présente aucun pore et
présente une bien meilleure résistance à l'oxydation jusqu'à des températures supérieures à
1400°C pour des durées de traitement sous air de 10 h [TAKE2000].
Figure 24 : Contraintes à rupture en traction de fibres SiC après traitement de 10 h à
1400°C sous air sec (< 2,6 ppm) ou humide (2% H2O) d'après [TAKE1998].
De plus, on notera que globalement, l'humidité de l'air accélère l'oxydation de ces fibres
[TAKE1998].
3.2.2.2
•
Les matrices
SiC
Le SiC CVI s'oxyde en milieu oxygéné en formant une couche de silice passivante (SiO2(s))
[FILI1991] .
La faible vitesse des réactions à des températures modérées lui confère une bonne résistance à
l'oxydation sous air et sous oxygène sec. Les cinétiques suivent une loi parabolique en
dessous de 1200°C.
Lorsque la pression partielle d'oxygène est trop faible, l'oxydation du SiC devient active, et
les produits des réactions sont volatils (CO(g) et SiO(g)) .
Vaughn et Maahs, puis Schneider ont montré les différents domaines de températures et de
pressions partielles d'oxygène, pour lesquels l'oxydation est passive ou active (Figure 25)
[SCHN1998], [VAUG1990].
Les conditions d'essais choisies dans la présente étude placent l'oxydation du SiC en zone
passive.
55
Figure 25 : Domaines de températures et de pressions partielles d'oxygène,
déterminants si l'oxydation est passive ou active d'après [VAUG1990].
•
Multiséquencée Si,B,C
Le système multiséquencé favorise la déviation des fissures aux interfaces et rend le matériau
plus tenace, mais aussi plus résistant vis à vis de l'oxydation (en ralentissant l'accès de
l'oxygène jusqu'aux fibres).
Peu d'études pour l'instant ont porté sur le comportement mécanique de cette matrice. On
peut toutefois mentionner que les premiers travaux ont été menés sur des minicomposites
contenant des fibres carbone. Ces travaux montrent qu'une telle matrice accommode mieux
les contraintes thermiques résiduelles, et augmente les propriétés thermomécaniques et la
résistance à l'oxydation du minicomposite. Les durées de vie sous air sont augmentées d'un
ordre de grandeur [LAMO1999a-b].
Par ailleurs, Carrère, Forio et Bouillon et al. ont mis en évidence une nette amélioration à
haute température et sous atmosphère oxydante (en terme de durée de vie) des composites
SiC/SiBC multiséquencés [BOUI2000], [CARR1996], [FORI2000].
L'étude de l'oxydation de cette matrice sera détaillée dans le Chapitre 3.
3.2.2.3
L'interphase
Les différentes études portant sur les SiC/SiC ont montré que sous atmosphère oxydante,
l'interphase de pyrocarbone disparaît et qu'elle est remplacée par une couche de silice (SiO2)
[FILI1991], [MOZD1992]. Cette couche tend à refermer les espaces laissés libres par la
disparition du carbone, et ainsi à auto-protéger le composite en empêchant la pénétration de
l'oxygène. Il y a donc compétition entre l'oxydation du carbone et la formation de la couche
de silice suivant la température :
* à 600°C, l'interphase de carbone a entièrement disparu,
* à 1200°C, le carbone n'est consommé que près de la surface et est remplacé par de la
silice [DAMB1993].
Cette oxydation des constituants permet d'expliquer la diminution des propriétés constatée au
cours d'essais de traction [FILI1991]. La consommation de pyrocarbone entraîne une perte de
rigidité en début d'essai, suivie, au fur et à mesure de la production de silice, d'un
accroissement de rigidité. Huger a déterminé le temps nécessaire à la protection de
l'interphase de pyrocarbone (0.1 µm) par la formation de silice dans un composite SiC/SiC
(Tableau 4). En dessous de 1000°C, seule la fibre produit de la silice. A partir de 1000°C, la
56
matrice s'oxyde et le temps nécessaire à l'obturation de l'interstice interfacial diminue
rapidement pour être de 3 h à 1100°C [HUGE1992].
Tableau 4 : Temps nécessaire à la protection de l'interphase de pyrocarbone d'après
[HUGE1992].
La perte de rigidité due à la disparition du pyrocarbone est accentuée sous charge, car les
fissures matricielles plus nombreuses, et plus ouvertes, sous contraintes élevées, facilitent la
pénétration et la circulation de l'oxygène [CUTA1993]. Les faciès de rupture présentent alors
un mode mixte de rupture : une rupture de type fragile près de la surface, une rupture ductile à
cœur. Ces faciès de type fragile sont associés à la présence de silice à l'interphase qui fragilise
le matériau.
3.2.2.4
Les composites
Dans un premier temps, les SiC/SiC 2D n'étaient pas revêtus d'un ""sealcoat"" après
l'usinage. Ces SiC/SiC non protégés ont fait l'objet de nombreuses études dans le cadre du
GS4C "Comportements thermomécaniques des composites céramique-céramique" pour le
développement du matériau du programme Hermès et en particulier sous atmosphère
oxydante. Les effets d'un tel environnement ont été initialement mis en évidence lors de
vieillissements sous charge et sous air. Les éprouvettes vieillies ont été observées en
microscopie électronique en transmission [COJE1991] ou testées mécaniquement à
température ambiante [FRET1990,1992], [FILI1991]. On observe une dégradation des
propriétés des matériaux dès 600°C, qui est due à l'oxydation du pyrocarbone au niveau des
interphases usinées et non protégées. Si le vieillissement dure assez longtemps, la matrice de
SiC et les fibres Si-C-O qui s'oxydent, forment des bouchons de silice [FILI1991]. Ce
colmatage protège le matériau contre l'oxydation mais le fragilise mécaniquement
[FRET1992], [CUTA1993].
Grâce au revêtement de SiC déposé après usinage des éprouvettes, le vieillissement du
matériau non endommagé non chargé, n'a aucun effet sur son comportement :il est insensible
à l'oxydation. Il faut alors appliquer au matériau une contrainte suffisante pour créer de
nouvelles fissures et permettre l'accès de l'oxygène jusqu'à l'interphase [RAGH1994].
En 1982, Dauchier et al. mentionnaient déjà des essais de flexion à chaud sur des SiC/SiC
mettant en évidence une chute de la résistance en flexion à partir de 1000°C [DAUC1982].
Avec des essais mécaniques similaires, Gomina et al. ont montré que les mécanismes de
rupture changeaient au delà de 700°C avec un raidissement de la liaison fibre/matrice et de
faibles déformations à la rupture [GOMI1989,1991]. Les essais de flexion à chaud nécessitent
des éprouvettes de faibles dimensions. Cependant, l'interprétation de ces essais n'est pas aisée,
car le champ de contraintes est complexe [ABBE1990] et peut être perturbé par du
cisaillement interlaminaire [GOMI1991].
La fragilisation du composite, mise en évidence en traction à haute température sous air dès
900°C a également été observée par Pluvinage et al. [PLUV1993] et par Jenkins et al. à
1000°C [JENK1994].
57
De plus, à hautes températures, dans le cas des composites, où les fissures sont pontées, la
rupture des composants est gouvernée par les forces de pontage dépendantes du temps et
exercées par les fibres, qui supportent les surcharges. Le fluage de ces fibres peut causer la
propagation sous critique (PSC) [JONE1993]. De nombreux paramètres microstructuraux et
environnementaux peuvent influencer la PSC dans les composites SiC/SiC. Mais la structure
complexe de ces composites ne permet pas de connaître l’influence respective de chacune de
ces variables. Toutefois, la PSC à haute température sous argon et oxygène dans les
composites SiC/SiC à fibres Nicalon™ et Hi-Nicalon™ a été étudiée par Jones et al.
[JONE1993], [LEWI1998]. Ils montrent que la présence d’oxygène dans l’atmosphère
accélère la propagation des fissures. En effet l’oxygène consomme l’interphase en C et limite
ainsi le transfert de charge de la matrice sur les fibres et réduit donc l’efficacité du pontage
des fibres [JONE1993]. En revanche, la meilleure tenue au fluage des fibres Hi-Nicalon™
diminue bien la vitesse de propagation des fissures, mais la plus grande énergie de décohésion
de ces composites par rapport aux composites Nicalon™/SiC l’augmente. L’effet bénéfique
de la fibre Hi-Nicalon™ est donc plus réduit sur la PSC que sur la tenue au fluage
[LEWI1998].
Le comportement thermomécanique des composites à matrice SiBC est très complexe, du fait
de la structure multiséquencée de la matrice. Mais déjà, le composite SiC (Nicalon™)/SiBC
2,5D présente une meilleure tenue à l'oxydation que les composites SiC/SiC de génération
antérieure [CARR1996], même si Viricelle et al. montrent que 600°C reste une température
critique sous air humide, car l'oxydation du carbure de bore est trop faible et donc la
formation du verre protecteur B2O3 insuffisante. En revanche, sous air sec, l'oxydation du B4C
est beaucoup plus importante. Aux plus hautes températures, la protection est globalement
plus efficace, sous les deux atmosphères, du fait notamment de la formation complémentaire
de verres borosilicatés et de silice [VIRI2001]. Une thèse est en cours au Laboratoire des
Composites ThermoStructuraux (Bordeaux) dans le cadre de ce CPR, sur l’étude du
comportement à l'oxydation de chacun de ces constituants de la matrice multiséquencée
(Xavier Martin, soutenance prévue à l'automne 2003).
3.2.3 Conclusion
Les propriétés des fibres Nicalon™ sous air, telles que la contrainte à rupture et le module
d'Young, sont stables jusqu'à 800°C [PYSH1989] : elles diminuent fortement au-dessus de
cette température à cause des changements microstructuraux et de la dégradation de la phase
oxycarbure. La fibre Hi-Nicalon™ conserve ses propriétés sous air jusqu'à 1100°C, tandis
que la fibre Hi-Nicalon™ type S reste stable mécaniquement jusqu'à des températures
~1200°C (Figure 26) [TAKE1998].
Figure 26 : Contraintes à rupture en traction de fibres SiC après 10 h de traitement à
hautes températures sous air (2% H2O) d'après [TAKE1998].
58
Mais il est important de noter que, si une étude des fibres seules est très utile, il est
indispensable de caractériser leur comportement au sein du composite, d'une part parce que
l'élaboration peut modifier la microstructure en surface des fibres, déjà dans les fils ou les
torons [FARE1987], et d'autre part parce que la nature et la cinétique de départ des espèces
gazeuses dépend du milieu environnant la fibre.
Ainsi, Morsher a étudié le comportement de minicomposites à fibres Nicalon™ et HiNicalon™ [MORS1997], [MORS1999a-b]. Il a dressé le diagramme de Larson-Miller de ces
deux fibres et a montré que les propriétés à rupture à haute température de la Hi-Nicalon™
sont plus intéressantes. De même Bertrand et al. [BERT1999] ont montré que les fibres HiNicalon™ amélioraient le comportement mécanique des minicomposites SiC/SiC. Mais Zhu
et al. [ZHU1999] et Mizuno et al. [MIZU1998] ont remarqué qu'il n'y a pas de différence dans
le comportement en fatigue cyclique et statique à 1300°C sous air entre un composite 2D à
fibres Nicalon™ et un composite à fibres Hi-Nicalon™, sachant qu'ils ont employé une
matrice SiC avec des particules à base de bore, qui permet une cicatrisation à haute
température.
Les données de Snecma Propulsion Solide sur les constituants et les composites sont
récapitulées sur les Tableau 3 et Tableau 5.
Tableau 5 : Propriétés des composites.
2D SiC/SiC
PROPRIETES
20°C [REYN1992]
Nuances
02
3
Masse volumique apparente (g/cm )
2.38
20°C
1000°C
[NAVA1990]
[NAVA1990]
04
2.2
Porosité ouverte (%)
-6
Coefficient de dilatation (10 K)
SiC/SiBC
23°C
SNECMA
2.55
2.2-2.5
2.05 [CARR1996]
2.61 [FORI2000]
10
10-12%
4.5
4.5.10-6 K-1
Rupture en taction (MPa)
164
290
190/294
180
300
Déformation à rupture (%)
0.21
0.85
0.3
0.4
0.5
Rupture en flexion (MPa)
300
350
Rupture en compression (MPa)
500
400
230
200
40
35
Module d'Young (GPa )
230
Résistance au cisaillement
interlaminaire (MPa)
230
Coefficient dePoisson
0.12 [FORI2000]
1/2
Ténacité (MPa.m )
Diffusion thermique (10-6 m²/s)
250
200 [DARZ2000]
30
30
//
6
2
3.10-6 m².s-1
⊥
12
5
1.10-6 m².s-1
59
3.3.
Chargement monotone ou cyclé
Si la matrice, les fibres et l'interphase restent physiquement et chimiquement stables, et le
fluage des constituants n'intervient pas (d'autant plus que l'effet de la température n'a lieu que
pendant des temps d'exposition très brefs), le comportement mécanique à haute température
est gouverné par les mêmes mécanismes qu'à température ambiante.
Les quelques différences vont provenir de la dépendance en température des modules
élastiques, mais aussi de la variation de la distribution des contraintes thermiques résiduelles.
A plus haute température, les modifications des microstructures et des propriétés des
différents constituants avec la température, présentées au § 3.2, vont également jouer un rôle
sur les propriétés mécaniques macroscopiques du composite.
3.3.1 Sous atmosphère neutre
Des essais de traction sous argon à 1200°C (température supérieure à la température
d'élaboration ~1000°C) ont été réalisés par Pasquier sur des composites SiC Nicalon™/SiC à
interphase multiséquencée PyC/SiC, le séquençage ne semblant pas avoir d'influence sur le
comportement en traction à haute température [PASQ1997].
Comme à température ambiante, les courbes de traction présentent deux zones linéaires et une
zone centrale de non-linéarité qui est plus étendue à 1200°C. Aucune rupture prématurée n'est
observée.
La diminution du module d'Young à 1200°C est de l'ordre de 10 % par rapport à sa valeur à
température ambiante, ce qui est confirmé par les études conduites dans le cadre du
Groupement Scientifique GS4C "Comportements thermomécaniques des composites
céramique-céramique", qui affichent une baisse de la rigidité initiale de 13% à 1000°C et de
26% à 1400°C [ABBE1993].
Les déformations résiduelles à charge nulle sont élevées à 1200°C. Elles atteignent jusqu'à
0,18 % au lieu de 0,05 % à température ambiante. Cette déformation irréversible peut être
associée à l'ouverture permanente des fissures et à la déformation non élastique des fibres et
de la matrice.
La courbe d'endommagement représentée par l'évolution du paramètre D0 = (1-E/E0) (E0 étant
le module initial à 1200°C) en fonction de la déformation longitudinale totale met en évidence
que, pour une déformation donnée, le taux d'endommagement à 1200°C est plus important
qu'à température ambiante. La perte de rigidité se produit plus rapidement. La courbe tend
vers une limite d'environ 80 % d'endommagement qui correspond à la saturation de la
fissuration matricielle. La valeur asymptotique de D0 est alors proche de 1-(0,5.Vf.Ef/E0)
[PASQ1997]. On peut donc faire l'hypothèse que seuls les fils longitudinaux supportent
l'effort en fin de traction avant la rupture.
On constate que les cycles d'hystérésis ne sont pas parfaitement fermés (Figure 27)
[PASQ1997]. Ce phénomène a déjà été observé sur des composites modèles [RUGG1999] et
d'architecture 2D [CARR1996]. Il peut être attribué à un endommagement (rupture des fibres
[STEE1995]) ou à des déformations visco-élastiques qui se produisent au cours du
déchargement et rechargement.
Cette évolution rapide de la déformation au cours de la boucle s'accroît lorsque l'on se
rapproche de la rupture. L'émission acoustique est nulle au cours des cycles, ce qui écarte
l'hypothèse d'endommagement du matériau. On attribue donc cette évolution de l’hystérésis
au fluage des fibres dans les zones exposées à l'argon, ce qui serait conforme au mécanisme
de dégradation des fibres Si-C-O Nicalon™ proposé par Labrugère [LABR1994].
60
Figure 27 : Comparaison des cycles d'hystérésis à 1200°C sous argon (en haut) et à
température ambiante (en bas) d'après [PASQ1997].
La déformation totale est plus importante sous argon à 1200°C (1,35% au lieu de 1,19 %
maximum à température ambiante). Elle est d'autant plus grande que l'essai de traction dure
longtemps. Le comportement à haute température sous atmosphère inerte est donc dépendant
de la durée d'exposition.
3.3.2 Sous atmosphère oxydante
Des essais de traction monotone à haute température (450°C, 700°C, 850°C et 1200°C) sous
air, ont également été conduits par Pasquier sur des composites SiC Nicalon™/SiC à
interphase multiséquencée PyC/SiC [PASQ1997], sans influence du séquençage non plus. Les
courbes de traction obtenues se superposent toutes à la courbe de traction à température
ambiante. À 450°C et 700°C, la rupture est identique à celle obtenue à température ambiante.
À 850°C et 1200°C, la rupture se produit prématurément dans la zone non linéaire
d'endommagement. Le niveau de rupture est d'autant plus faible que la température est élevée
; il diminue de 43% à 1200°C et de 32% à 850°C. Étant donné que cette rupture prématurée
n'a pas été observée à 1200°C sous argon, on l'attribue au changement d'environnement, donc
à l'oxydation.
Ces résultats sont confortés par les travaux de Pluvinage qui a réalisé des essais de traction à
chaud sous air et sous argon, sur des composites SiC/SiC (2D tissé et 3D tressé) à interphase
pyrocarbone [PLUVI1993]. Il a montré que les effets de l'oxydation étaient beaucoup plus
importants sous charge. À 900°C et à 1300°C, la déformation à la rupture sous air est divisée
par 2 par rapport aux résultats à température ambiante, alors qu'elle augmente sous argon.
Les cinétiques d'oxydation dépendent de la température et du temps. A basse température
(450°C, 700°C), la progression de l'oxydation est sans doute trop lente pour avoir une
influence sur le comportement macroscopique, au cours d'un essai qui dure 1 minute environ.
61
Si l'on attribue la rupture prématurée à l'oxydation, la vitesse de traction doit modifier le
niveau de rupture du composite. Plusieurs essais ont été réalisés à 700°C et 850°C à une
vitesse de déformation 10 fois plus lente (0,08 %/min) : Pasquier a alors montré que la rupture
se produit d'autant plus tôt à 700°C que la vitesse de déformation est faible. A cette
température, il est donc important, en traction sous atmosphère oxydante, d'associer les
propriétés à la rupture à la vitesse de sollicitation de l'éprouvette.
Les paramètres prépondérants sont la température qui modifie les cinétiques d'oxydation, et à
700°C, la vitesse de traction qui fixe le temps d'exposition à l'air de l'interphase de
pyrocarbone.
3.3.3 Conclusion
Le comportement à la rupture du composite SiC/SiC 2D, sollicité en traction sous argon, est
peu affecté par la température (au moins jusqu'à 1200°C). Les effets observés sont
principalement des phénomènes de déformation visco-plastique des fibres Nicalon™ qui se
produisent lorsque le matériau est fissuré. Ces phénomènes qui dépendent du temps, n'ont
qu'une faible incidence sur la courbe de traction, car les vitesses de sollicitation mécanique
sont élevées, et donc les durées d'exposition à l’environnement des fibres, faibles. En
revanche, à haute température sous air, l'oxydation entraîne la rupture prématurée du
composite.
Ces essais ont permis de vérifier l'influence de la vitesse de sollicitation sur les propriétés à la
rupture, à haute température sous argon et sous air, sachant qu'à température ambiante le
comportement est également dépendant de la vitesse de déformation de l'éprouvette pour les
fortes vitesses : une vitesse de déformation plus rapide engendre un pas de fissuration
matricielle plus petit (longueur de décohésion plus courte). En revanche, au dessous d'une
certaine vitesse, le temps de relaxation influe moins sur le niveau de contrainte atteint, et le
développement de la fissuration matricielle semble peu sensible à la vitesse de déformation
[GUIL1994].
Les essais de traction monotone jusqu'à rupture ne sont pas toujours adaptés pour caractériser
les mécanismes d'oxydation. En effet, il est difficile de découpler les mécanismes d'oxydation,
des mécanismes d'endommagement purement dus à l’augmentation du chargement
mécanique. En réalisant des essais de vieillissement sous charge constante, i.e. en fatigue
statique, on s'affranchit du deuxième paramètre, en figeant la contrainte de maintien au cours
du temps.
3.4.
Fluage
Lorsque l'on travaille à faible fréquence de chargement, le fluage peut affecter le
comportement en fatigue cyclique des composites à haute température. Il est donc intéressant
de présenter rapidement ce mécanisme d'endommagement. L'interaction fluage-fatigue durant
les essais de fatigue à haute température sera discutée plus longuement au § 4.3 de ce
chapitre.
3.4.1 Rappel théorique et intérêt
Lorsqu'un composite est sollicité mécaniquement à température élevée, un ou plusieurs de ses
constituants peuvent se comporter de façon viscoplastique entraînant un comportement
viscoplastique du composite.
Cette viscoplasticité peut être caractérisée le plus souvent grâce à des essais de fluage qui
permettent de mesurer l'évolution de la déformation sous chargement constant [FRAN1992].
La réponse typique d’un matériau, pour un chargement et une température donnés montre
trois régimes plus ou moins marqués :
- un régime primaire pendant lequel la vitesse de déformation décroît au cours du temps,
- un régime secondaire pendant lequel la vitesse est constante,
62
- un régime tertiaire pendant lequel la vitesse croît jusqu'à la rupture du matériau (absente sur
les SiC/SiBC dans les conditions de température et de contrainte étudiées [FARI2002]).
En fluage, si le composite est traité comme un matériau monolithique et seule la vitesse de
déformation en régime secondaire est prise en compte. La formulation de Dorn peut alors être
employée:
•
ε = Aσ exp(−
Q
)
RT
avec A, une constante, n l'exposant des contraintes, Q une énergie d'activation, R la constante
des gaz parfaits, et T la température absolue. La valeur de n permet d'identifier le mécanisme
de fluage [ABBE1989].
Mais cette équation n'est généralement pas applicable aux composites, puisqu'ils sont ni
homogènes et ni isotropes.
(Eq. 3)
3.4.2
Sous atmosphère neutre
3.4.2.1
•
n
Fibres
Nicalon™
Les propriétés élastiques et de rupture des fibres SiC en dessous de 1000°C sont bien
conservées. Mais il apparaît que la fibre Nicalon™ est instable à partir de 1100°C-1200°C
sous argon. La décomposition de la phase vitreuse SiCxOy de la fibre en CO et en SiO ou/et sa
réaction avec le carbone libre, associées à une croissance des grains de SiC, entraînent une
augmentation de la viscosité globale de la fibre [BODE1996], [JIA1993]. Cela se traduit par
l'absence de régime secondaire, particulièrement à 1200°C [BODE1993] et à 1400°C
[TRES1995]. Une autre conséquence de l'instabilité chimique de la fibre Nicalon™ est le rôle
prépondérant de l'atmosphère environnant de la fibre pendant le fluage, qui conditionne la
vitesse de réaction de la phase SiCxOy. Ainsi, la fibre évolue moins vite sous CO que sous
argon pour une contrainte et une température données [BODE1993].
Pour des températures inférieures à 1300°C, une contraction de la fibre est observée pour des
faibles contraintes appliquées. Par comparaison avec les résultats obtenus avec les autres
types d'atmosphère, cette contraction est causée par une décomposition de la fibre plutôt que
par une contraction de la phase oxycarbure. Pour de fortes contraintes, les fibres présentent un
fluage de type primaire.
•
Hi-Nicalon™
Des essais de fluage sous argon ont montré que la fibre Hi-Nicalon™ était sensible au fluage
dès 1200°C, mais considérablement plus résistante que la fibre Nicalon™ [BODE1995]. Il a
également été observé un retrait, lors d'essais de fluage effectués sous faible charge, à cause
du manque de stabilité de la fibre.
La résistance au fluage de la fibre Hi-Nicalon™ peut encore être améliorée par un traitement
thermique sous atmosphère neutre pour faire grossir les grains et augmenter l'arrangement des
cristaux, et conduire ainsi à une meilleure stabilité thermique [BODE1995], [CHOL1997b],
[TRES1999].
3.4.2.2
Matrice
La plupart des études sur le fluage du SiC monolithique concernent du SiC élaboré par
frittage et dont la taille de grains est relativement importante. Le fluage de SiC élaboré par
CVD (de taille de grains beaucoup plus faible) a fait l'objet de quelques travaux [CART1984],
[COUR1991] et [DICA1986]. Dans tous les cas, le SiC CVI apparaît nettement plus résistant
au fluage que la fibre (facteur 100 minimum) [CARR1996].
Comme la résistance au fluage des fibres SiC est plus faible que celle de la matrice SiC
(CVI), la fissuration matricielle est le mécanisme d'endommagement prédominant. En effet,
63
l'augmentation de la contrainte dans la matrice, à cause de la redistribution de contraintes sous
fluage, amène le développement d'une fissuration matricielle périodique, et favorise donc
l'oxydation et le fluage des fibres [RAJ1993], [ZHU1998].
3.4.2.3
Composite
L'existence des trois stades de fluage dépend des conditions de température et de la
contrainte appliquée. Pour de fortes contraintes, il n'y a pas de fluage tertiaire, voire même
secondaire [ZHU1999]. Lors des essais de flexion sous argon entre 1100°C et 1400°C, Abbé a
observé un état de fluage stationnaire (secondaire) [ABBE1989].
Dans le cas d'un composite SiC Nicalon™/SiC 2D, il y a fluage de la fibre dans les zones
exposées à l'atmosphère inerte et endommagement de la matrice à partir de 1100°C, (la
matrice SiC ne flue pas mais se fissure) [HOLM1993]. Inversement, dans le cas où la matrice
est vitrocéramique, dans des conditions de températures et de contraintes suffisantes, celle-ci
devient visqueuse et ne participe plus à la résistance mécanique du composite [KERV1993],
alors que dans le cas d'un composite Al2O3/SiC [LAMO1994] ou SiC/SiBC [CHER2001b,
2002], il y a multifissuration matricielle, fluage de la fibre, progression de la décohésion
fibre/matrice et ouverture des fissures matricielles. Ces exemples illustrent la variété des
mécanismes de fluage et la difficulté de les réunir dans un modèle unique.
3.4.3
Sous atmosphère oxydante
3.4.3.1
Fibres
Des essais sous atmosphère oxydante ont aussi été réalisés, confirmant le rôle joué par la
décomposition de la phase SiCxOy de la fibre Nicalon™ dans le comportement en fluage du
composite [BODE1995]. Une absence de régime secondaire a été observé par Bunsell lors
d'essais de fluage des fibres sous air. Le fluage de la fibre Nicalon™ débute lorsque la
contrainte appliquée dépasse une valeur seuil : 300 MPa à 1100°C, 170 MPa à 1200°C (pour
la fibre Nicalon™ NLP101) [BUNS1988], [SIMO1984]. Les durées de vie de la fibre
Nicalon™ sous air sont typiquement plus grandes que sous atmosphère neutre grâce à la
formation de silice à la surface de la fibre qui limite la diffusion des gaz issus de la
décomposition de la phase SiCxOy [BODE1996], [SIMO1984], [TRES1995].
La fibre Hi-Nicalon™ présente un fluage stationnaire et une bien meilleure résistance au
fluage sous air (~ un ordre de grandeur : à 1300°C, sous 0,45 GPa , les temps à rupture de la
fibre Hi-Nicalon™ et Nicalon™ sont respectivement de 190010 et 2050 min). Elle commence
à fluer sous air à 1280°C sous 150 MPa. Ce fluage est activé thermiquement, et corrélé à une
légère orientation des USB de carbone dans la direction de changement. Ces agrégats de
carbone pourraient permettre également le glissement des grains de SiC [BODE1995].
3.4.3.2
Matrice
Les études qui ont porté sur le fluage du SiC, concernent le plus souvent le SiC fritté, et
rarement le SiC CVD. Mais il semblerait que lors d'un essai de fluage d'un composite SiC/SiC
sous air, le fluage de la fibre est prépondérant, provoquant la fissuration de la matrice, qui ne
flue pas ou beaucoup moins [WILS2000].
Par ailleurs, Carrère n'observe que peu de fissures matricielles dans la matrice intrafil SiBC
des composites SiC Nicalon™/SiBC, durant les essais de fluage sous air à 1200°C et attribue
cela au fluage de la matrice intrafil [CARR1996] ; mais d'autres auteurs pensent que le fluage
de ce type de composite est surtout lié à du "fluage-endommagement" [CHER2002].
3.4.3.3
Composite
Les chercheurs japonais Mizuno et al. ont étudié l'influence de l'ajout de particules à base de
bore dans la matrice SiC d'un composite SiC/SiC, sur le comportement en fatigue et en fluage
à 1300 °C sous air, sous vide et sous argon, de composites SiC avec 2 générations de fibres
64
SiC (Nicalon™ et Hi-Nicalon™) [MIZU1997], [MIZU1998], [ZHU1998], [ZHU1999]. Ils
ont comparé 3 types de composites (Figure 28 et Figures 29) :
- un composite SiC/SiC avec fibres Nicalon™ et matrice SiC (CVI) appelé Standard SiC/SiC,
- un composite SiC/SiC avec fibres Nicalon™ et matrice SiC (CVI) + particules de B appelé
Enhanced SiC/SiC , et
- un composite SiC/SiC avec fibres Hi-Nicalon™ et matrice SiC (CVI) + particules de B
appelé Hi-Nicalon™/SiC.
Figure 28 : Comparaison des durées de vie en fluage de différents composites SiC/SiC,
selon leurs constituants et l'atmosphère environnante (Air/Argon) d'après [MIZU1997].
Figures 29 :Vitesse de déformation minimale et durées de vie, en fluage de composites
SiC Nicalon™ /SiC à matrice avec bore ("Enhanced") ou non ("Standard"), à 1300°C
sous Air ou Argon, d'après [ZHU1998].
Il semblerait que :
* les fibres Hi-Nicalon™ n'améliorent pas la tenue en fluage sous air des composites SiC/SiC
à matrice contenant du bore (Figure 28) ;
* en revanche la matrice avec du bore sur les composites à fibres Nicalon™, augmente de
façon importante la résistance au fluage, les durées de vie en fluage sous air (Figures 29);
* pour un composite SiC Nicalon™/SiC Standard, les vitesses de fluage à une contrainte
donnée sont plus faibles et les durées de vie plus longues sous argon que sous air (Figures 29)
[ZHU1998], en contradiction avec l'étude menée par Wilshire et al. [WILS2000] ;
* la propagation des fissures dans la matrice avec du bore diffère de celle dans la matrice
simple SiC, à cause du remplissage par le verre borosilicaté des fissures.
65
Comme sous atmosphère inerte, le composite SiC Nicalon™/SiBC flue à 1200°C. Mais le
fluage est activé sous air, soit par activation du fluage des fibres, même si cela n'a pas été
remarqué par Bodet [BODE1996], soit par dégradation de l'interphase, ce qui augmente
l'endommagement. L'évolution des modules d'Young est plus grande sous air. On peut penser
aussi que les ruptures de fibres, beaucoup plus précoces sous air que sous argon, perturbent le
comportement en fluage du composite : des ruptures de fibres en début d'essai conduisent à un
rechargement des autres fibres et donc à une activation du fluage [CARR1996], [FARI2002].
3.4.4 Conclusion
L'atmosphère joue un rôle important autant sur les constituants que sur le comportement
global en fluage du composite, notamment vis-à-vis des phénomènes d'oxydation. En effet,
même si l'ajout de bore dans la matrice (sous forme de particules ou de couches déposées par
CVI) améliore le comportement sous air par rapport aux composite à matrice standard SiC
(CVI), ces composites présentent des durées de vie plus longues sous argon. La protection par
la formation de verres borosilicatés est donc efficace en fluage, mais des dégradations dues à
l'environnement subsistent.
3.5.
Fatigue cyclique
Le comportement en fatigue cyclique est essentiellement décrit par l'étude de l'évolution des
caractéristiques mécaniques en fonction du nombre de cycles, tels que le module élastique, les
déformations résiduelles et l'ouverture des boucles.
3.5.1 Sous atmosphère neutre
Comme nous l'avons mentionné au § 3.4.3.3, Mizuno, Zhu et al. ont également étudié
l'influence de l'ajout de particules de bore dans la matrice SiC d'un composite SiC/SiC, sur le
comportement en fatigue à 1300 °C sous vide, sous argon et sous air de différents composites
SiC/SiC [MIZU1997], [MIZU1998], [ZHU1998], [ZHU1999].
La Figure 30 indique pour un composite SiC Nicalon™/SiC Standard, les durées de vie à
une contrainte de fatigue donnée sont beaucoup plus longues sous argon que sous air.
Figure 30 : Diagramme d'endurance en fatigue cyclique à 1300°C sous Air ou Argon
de composites SiC Nicalon™/SiC à matrice avec bore ("Enhanced") ou non
("Standard"), d'après [MIZU1998].
Des essais de fatigue cyclique sous argon ont été réalisés par Carrère sur des composites SiC
Nicalon™/SiBC. Globalement, il observe le même comportement qu'en fluage, en notant
toutefois une plus forte diminution du module associée à une fissuration matricielle plus
importante en fatigue pour la même contrainte maximale.
66
3.5.2 Sous atmosphère oxydante
Les travaux de Mizuno et al. sur les composites décrits précédemment montrent qu'à 1300°C
[MIZU1998] :
* la matrice avec du bore sur les composites à fibres Nicalon™ augmente de façon importante
la résistance et les durées de vie en fatigue à chaud sous air (Figure 30) ;
* les fibres Hi-Nicalon™ améliorent peu la tenue en fatigue à chaud sous air des composites
SiC/SiC à matrice avec du bore (Figure 31).
Figure 31 : Diagramme d'endurance en fatigue cyclique à 1300°C sous air de différents
composites SiC/SiC d'après [ZHU1998].
Par ailleurs, la dégradation rapide sous air des composites SiC Nicalon™/SiC (standard) à
1200°C a été confirmée par Carrère, puisque des éprouvettes de SiC/SiC ont rompu lors du
chargement initial avant d'atteindre une contrainte comparable à celle des essais de fatigue
effectués sur des composites SiC Nicalon™ /SiBC [CARR1996].
Carrère a réalisé des essais de fatigue cyclique sur des composites SiC Nicalon™/SiBC, et
suppose que la fermeture des fissures lors du déchargement agit sur le verre à l'intérieur des
fissures en uniformisant son épaisseur le long des parois et en expulsant une partie vers
l'extérieur. Cela entraîne une production de verre plus importante et des rigidifications plus
intenses et plus précoces par rapport aux essais de fluage. En effet, le verre borosilicaté issu
de l'oxydation des couches SiBC peut contribuer à la rigidité globale du composite soit en
gênant la refermeture des fissures, soit en reconstituant la liaison interfaciale (l'oxyde
remplaçant le pyrocarbone disparu). Ces deux phénomènes sont intimement liés à la viscosité
du verre : un verre fluide sera plus facilement chassé hors de la fissure lors des déchargements
tandis qu'un verre visqueux ou solide créera une forte liaison interfaciale pouvant conduire à
la rupture des fibres.
Les durées de vie bien plus courtes sous air que sous argon ([CARR1996] [MIZU1998])
indiquent l'existence de mécanismes spécifiques de rupture liés à l'oxydation. La fréquence de
sollicitation est également un paramètre important, puisque plus la fréquence est élevée, plus
la vitesse d'oxydation de la matrice protectrice SiBC est grande, mais plus sa perméabilité à
l'oxygène est importante, ce qui conduit à des durées de vie plus faibles.
3.6.
Conclusion
Des essais de fatigue cycliques à chaud [ELAH1994], [HERE1995] ont montré que les
contraintes résiduelles et les effets de l'environnement influencent énormément le
comportement en fatigue. Ainsi, d'une part les durées de vie en fatigue sont beaucoup plus
grandes à température ambiante qu'à haute température. Elles sont, d'autre part, sensiblement
égales sous chargements statiques et cycliques à des contraintes maximales similaires. Mais
globalement, les durées de vie des composites à matrice SiBC sont augmentées par rapport à
celles des composites SiC/SiC standards [CARR1996], même si les valeurs restent inférieures
à celles sous argon.
67
Il ressort finalement des récentes études que les essais en température sont complexes à mettre
en oeuvre et font intervenir de nombreux paramètres : la température, la contrainte appliquée,
la vitesse de sollicitation, le temps, l'environnement, etc. Cette contradiction entre un petit
nombre d'essais possibles et un grand nombre de paramètres rend l'interprétation difficile.
4. Modélisation des mécanismes d'endommagement
et de rupture
Les différents mécanismes d'endommagement et de rupture d'un matériau composite
unidirectionnel sont ici présentés de manière théorique à l'aide des modèles classiques
couramment utilisés. Nous aborderons l'influence du tissage à la fin de cette partie.
Dans cette première approche micromécanique des mécanismes élémentaires de
renforcement et d'endommagement des composites, le matériau sera considéré comme un
système hétérogène constitué d'au moins deux phases homogènes que sont les fibres et la
matrice. De plus, ces deux phases sont géométriquement réparties de la manière suivante : les
fibres sont continues, parallèles entre elles et séparées les unes des autres par de la matrice.
Par ailleurs, les deux constituants présentent un comportement mécanique de type élastique
linéaire fragile.
On définit alors de façon générale les constantes suivantes :
Ex (module d'Young/d'élasticité),
Vx (fraction volumique), σxr (contrainte de rupture),
εxr (déformation à rupture).
Les indices x = c, f, m et p feront respectivement référence aux propriétés du composite, des
fibres, de la matrice et de la porosité.
Nous appellerons Vfl, la fraction volumique des fibres longitudinales, orientées dans la
direction de chargement, que nous considèrerons égale à la moitié de la fraction volumique
totale des fibres Vf dans le cas d'un composite 2D. La liaison mécanique entre chaque phase
est assurée par un patin mécanique dont le seuil de glissement en cisaillement est constant (τ).
Les propriétés physiques du matériau vierge sont obtenues à partir de celles de chacun des
constituants par l'intermédiaire de la loi des mélanges, avec Vf + Vm + Vp = 1, Vp n'est pas
négligeable, et vaut entre 10 et 15% dans les composites élaborés par CVI. Enfin, comme
dans la plupart des cas pour les matériaux composites à matrice et fibres céramiques, pour
lesquels l'augmentation de la ténacité et de la résilience sont les objectifs recherchés, la
déformation à rupture de la matrice (εmr) est inférieure à la déformation à rupture des fibres
(εfr) soit :
εfr > εmr
4.1.
Comportement en traction monotone
4.1.1 Courbe contrainte-déformation
La courbe typique contrainte-déformation (σc - εc) en traction d'un matériau composite
unidirectionnel sollicité en traction dans le sens des fibres est présentée sur la Figure 32.
68
Figure 32 : Comportement théorique d'un composite 1D en traction d'après
[OLIV1998].
Celle-ci se compose de quatre domaines distincts [EVAN1994b]:
•
Comportement linéaire élastique :
Dans la première région (a), le comportement est purement élastique et le composite ne
présente pas d'endommagement. Le système peut être illustré par un modèle de Voigt : les
fibres et la matrice sont soumises à une déformation identique (εc = εf = εm), alors que la
contrainte subie par le matériau se calcule à partir de la "loi des mélanges" [BERT1992].
Soit :
(Eq. 4)
σc = Vfl σf + Vm σm = Ec εc
(Eq. 5)
Ec = Ef Vfl + Em Vm
avec
Toutefois, pour les CMC, cette règle des mélanges peut ne pas être vérifiée, car une faible
cohésion de l’interface fibre-matrice peut limiter le transfert des contraintes de la matrice aux
fibres [DORL1999], [STEE1995].
•
Multifissuration matricielle [AVES1971]
Le premier endommagement (région b) correspond à une fissuration de la matrice, au niveau
de contrainte du composite σe (limite d'élasticité) :
(Eq. 6)
σe = σf* Vfl + σmr Vm
avec σf*, contrainte supportée par les fibres au moment de la rupture de la matrice et σmr,
contrainte à rupture de la matrice.
La matrice se fissure et la charge alors subie par la matrice (σmrVm par unité de surface) est
transférée sur les fibres. A ce stade, si les conditions interfaciales conduisent à une
désolidarisation entre fibre et matrice, et si la fraction volumique du renfort est suffisante pour
lui permettre de supporter la surcharge occasionnée par la fissuration matricielle, alors des
fissures transversales multiples apparaissent dans la matrice à la même contrainte σmr. Il en
résulte un "plateau" sur la courbe (σc - εc) au niveau de la contrainte de multifissuration du
composite σe, alors entièrement supportée par les fibres :
(Eq. 7)
•
σe = Vfl σf
Chargement élastique des fibres
Lorsque la fissuration de la matrice est saturée, la charge appliquée au composite est
entièrement supportée par les fibres qui s'allongent élastiquement (région c). Alors, le
comportement en traction du matériau est décrit par :
69
(Eq. 8)
•
σc = Vfl σf = Vfl (Ef εc)
Rupture des fibres
La rupture du matériau composite intervient (au point d) lorsque la charge supportée par les
fibres atteint la contrainte à rupture des fibres σfr. Cependant, la rupture de toutes les fibres ne
se produit pas instantanément mais progressivement, dans un domaine de contraintes plus ou
moins étendu. Ce phénomène résulte de la nature fragile des fibres dont les contraintes à
rupture individuelles sont distribuées statistiquement. Ainsi l'imminence de la rupture du
composite est annoncée par une inflexion de plus en plus prononcée de la courbe (σc, εc) à
mesure que le taux de fibres rompues (q) augmente. Lorsque q atteint une valeur critique q*,
l'évolution de la rupture du renfort devient instable et conduit à la rupture du composite. La
rupture des fibres peut se produire au droit des fissures matricielles ou à l'intérieur des blocs
de matrice entre deux fissures matricielles. Dans ce dernier cas, la rupture du composite
implique l'allongement avec friction des fibres intactes et l'extraction des fibres rompues hors
de la matrice. Ce mécanisme de rupture, consomme de l'énergie et permet donc d'accroître de
façon non négligeable la ténacité du composite [EVAN1990], [THOU1988].
•
Courbe réelle
En raison de la distribution des défauts (décrite par une statistique de Weibull) dans la matrice
et les fibres, la fissuration multiple de la matrice et les ruptures individuelles des fibres ne se
produisent pas à une contrainte constante [PERE1988]. C'est pourquoi, la courbe contraintedéformation réelle présente une non-linéarité à partir de la contrainte seuil de fissuration
matricielle σe.
4.1.2
•
Mécanismes d'endommagement
Influence des contraintes thermiques
La prise en compte des contraintes thermiques résiduelles est importante pour la prédiction du
comportement mécanique des composites à matrice céramique, en particulier pour la
détermination de la valeur de la contrainte de multifissuration de la matrice et le mécanisme
de transfert de charge à l'interface.
En effet, la densification de la matrice par CVI exige des températures d'élaboration élevées,
et lors de la phase de refroidissement la différence entre les coefficients de dilatation
thermique de chacun des constituants engendre l'apparition de contraintes thermiques
résiduelles. Dans le cas d'un composite unidirectionnel à fibres continues, les contraintes
résiduelles axiales et à l'interface peuvent être mises en équation sous la forme suivante
[BUDI1986]:
(Eq. 9)
σ Tf = E f Em(1−V f )(T0 −T)(α f −α m)/ Ec
(Eq. 10)
σ mT = − E f EmV f (T0 −T)(α f −α m)/ Ec
(Eq. 11)
σ iT = Em(T0 −T)(α f −α m)/⎛⎜ (1+Vm)+ Em (1−V f ) ⎞⎟
Ef
⎝
⎠
avec T, la température d'utilisation du composite, T0, la température d'élaboration, α, le
coefficient de dilatation thermique.
Ainsi, si (αf > αm et T<T0) ou (αf < αm et T>T0) la matrice est longitudinalement en
compression ce qui peut retarder de manière appréciable l'apparition de la première fissure
matricielle σe (Eq. 15). Par contre, l'interface est en tension ( σ iT >0) ce qui conduit à un
transfert de charge moins efficace. Il est néanmoins possible de modifier la valeur de σ iT et
donc de contrôler, dans une certaine mesure, les conditions de frottement à l'interface par
70
l'addition d'une couche d'épaisseur judicieusement choisie de pyrocarbone (PyC) ou de nitrure
de Bore (BN) à l'interface fibre-matrice.
Par opposition, si (αf < αm et T<T0) ou (αf > αm et T>T0), la contrainte longitudinale de
tension présente dans la matrice peut être suffisante pour amorcer la création d'un réseau de
microfissures au sein de la matrice dès l'élaboration et diminuer ainsi la résistance du
composite, la contrainte de cisaillement radiale favorisant plutôt le frettage de la fibre par la
matrice ( σ iT < 0).
Quoique confidentielles, on sait que les températures d'élaboration des composites SiC/SiC
sont voisines de 1000°C pour des pressions réduites. De plus, dans le cas des composites
SiC/SiC classiques, on a αf < αm, si l'on est à T<1000°C, la fibre est frettée par la matrice, en
revanche pour T>1000°C, l'interface fibre/matrice sera en tension et favorisera la décohésion.
•
Contrainte de première fissuration
La première fissuration matricielle intervient lorsque la contrainte appliquée au composite
satisfait l'équation (Eq. 6). Si l'inéquation (Eq. 12) est respectée, la fissure se propage dans la
matrice et le long de l'interface sans rompre les fibres. Celles-ci pontent alors la fissure et
assurent ainsi la tenue mécanique du matériau.
(Eq. 12)
σe
Vf
≤σ rf
Le seuil d'apparition de cette première fissure matricielle a été envisagé par Aveston Cooper
Kelly (ACK) à partir du bilan énergétique mis en jeu par la propagation brutale d'une fissure
matricielle, sur toute la section du composite, sous une charge constante. Ce dernier s'écrit
[AVES1971]:
(Eq. 13)
ΓmVm +γ db +U s + ∆U f ≤ ∆W +∆U m
avec :
∆W, le travail fourni par la contrainte appliquée au matériau,
∆Um, l'énergie élastique de déformation dissipée par la matrice lors de la création de la
fissure,
∆Uf, l'énergie élastique absorbée par la déformation additionnelle des fibres pontant la fissure,
US, le travail effectué contre la contrainte de frottement interfacial sur la distance de
glissement fibre-matrice,
Γm, l'énergie nécessaire à la création des 2 nouvelles surfaces dans la matrice par unité de
volume,
γdb, le travail de décohésion de l'interface fibre-matrice pour permettre ainsi le glissement
indispensable au mécanisme de transfert de charge.
En posant comme hypothèse simplificatrice que l'énergie de décohésion de l'interface γdb est
nulle, cette analyse permet de calculer la déformation critique εcm à laquelle se développe la
première fissure matricielle [AVES1971], [BUDI1986], [MARS1985], [MCCA1987] :
(Eq. 14)
⎡ 6τΓmV f2 E f ⎤
ε =⎢
2
⎥
⎣ (1−V f )Em REc ⎦
1
3
m
c
En tenant compte des contraintes thermiques résiduelles, la contrainte de première fissuration
matricielle devient [BUDI1986], [MARS1992]:
1
(Eq. 15)
⎡ 6τΓmV f2 E f Ec2 ⎤ 3 T Ec
σ e =⎢
2
⎥ −σ m Em
⎣ (1−V f )Em R ⎦
71
D'après cette relation, un choix judicieux des propriétés du renfort fibreux et une bonne
maîtrise des conditions d'élaboration du composite permet de retarder la microfissuration qui
modifie les propriétés du matériau et peut être à l'origine de ruptures prématurées à haute
température et en fatigue. Cependant, l'ajustement de la contrainte de multifissuration de la
matrice σe est soumise à un compromis (Eq. 12). En effet, si σe est trop élevée, l'énergie
élastique libérée par la propagation d'une fissure matricielle est susceptible d'entraîner la
rupture des fibres et provoquer ainsi la rupture du composite au lieu de se propager à
l'interface fibre-matrice.
•
Conditions de décohésion à l'interface fibre-matrice.
Outwater et Murphy [OUTW1969], suivis par Charalambides et al. [CHAR1989], ont proposé
une approche énergétique simplifiée de cette décohésion interfaciale. Ainsi, dans le cas d'un
composite libre de toute contrainte résiduelle, la contrainte critique dans la fibre entraînant la
rupture de l'interface s'exprime par :
(Eq. 16)
σ Df = 4E f Γi
r
avec Γi , l'énergie de rupture de l'interface par unité de surface. Signalons que l'effet des
contraintes thermiques résiduelles peut également être pris en considération [HUTC1990],
[BENO1993].
La validité de ce critère n'opère que dans le cas d'une décohésion stable [MARS1987],
favorisée par la présence, à l'interface, d'une contrainte résiduelle radiale de compression.
Ainsi, la rupture de l'interface s'amorce pour la contrainte σ Df et se propage au fur et à mesure
que la contrainte appliquée au composite augmente. Cette décohésion interfaciale implique
que la propagation de la fissure matricielle s'effectue en mode mixte, détruisant les liaisons
fibre-matrice. Analytiquement, Budianski et al. [BUDI1986] ont montré que le décollement
de l'interface prédomine par rapport à la rupture des fibres si :
(Eq. 17)
Γ
i
≤ 1Γ f
4
avec Γ f : l'énergie de rupture de la fibre par unité de surface.
Cette relation est très généralement vérifiée dans le cadre des composites à matrice et à fibres
céramiques pour lesquels l'énergie de rupture de l'interface est très faible (≤ 5 J.m-2) ou
fortement réduite par la présence d'une interphase appropriée (généralement de structure
lamellaire : carbone pyrolithique, nitrure de bore hexagonal) déposée ou formée sur les fibres
durant l'élaboration du composite [BREN1986], [DOME1995], [EVAN1994a], [KERA1995],
[RICE1984].
•
Mécanismes de transfert de charge
La rupture de la matrice modifie la configuration du matériau alors que la charge appliquée
reste la même. Il apparaît donc une redistribution de la contrainte supportée individuellement
par les fibres et la matrice, au sein du matériau composite : la charge précédemment supportée
par la matrice est transférée sur les fibres pontantes. L'accroissement de déformation subie
alors par les fibres aux environs de la fissure matricielle génère un mouvement relatif fibrematrice permettant l'activation du mécanisme de frottement. Ainsi, dès l'apparition de
l'endommagement, les deux phases sont libres de glisser l'une par rapport à l'autre par
l'intermédiaire d'une contrainte de glissement constante qui peut être modélisée par un patin à
seuil de glissement τ en cisaillement [GRES1969].
La Figure 33 schématise le processus de transfert de charge. Au droit de la fissure matricielle,
la contrainte dans la matrice est nulle et la charge est entièrement transmise aux fibres
pontantes. Mais, à mesure que l'on s'éloigne de la discontinuité matricielle, la charge est
72
graduellement transmise des fibres à la matrice par l'intermédiaire des forces de frottement
présentes à l'interface.
Figure 33 : Fissuration matricielle saturée d'après [REYN1992].
Soit une tranche élémentaire de fibre d'épaisseur dx suffisamment grande pour pouvoir être
considérée comme physiquement homogène, mais suffisamment faible pour être considérée
macroscopiquement comme infiniment petite, le glissement de cet élément n'est possible que
si l'on lui applique un effort élémentaire df égal aux forces de frottement présentes à la surface
latérale de l'élément de fibre (Figure 34). Le bilan des forces sur la fibre, fait dans le cadre de
la mécanique classique, donne [MARS1992] :
avec
df + τ.2πr dx = 0
df = dσf. πr²
soit
(Eq. 18)
dσ f =− 2τ
dx
r
Figure 34 : modélisation du frottement interfacial d'après [REYN1992].
Par conséquent tout déplacement de part et d'autre d'une fissure matricielle induit une
diminution (donnée par (Eq. 18)) de la charge supportée par les fibres et entraîne une
augmentation de la charge supportée par la matrice via le mécanisme de transfert de charge.
Ce transfert de charge s'étend sur une distance ldec de chaque côté de la fissure matricielle et
dans cette zone, la contrainte appliquée à la matrice est en tout point inférieure à sa contrainte
de rupture : aucune autre fissure ne peut donc être générée pour tout -ldec <x< ldec. Cependant,
hors de cette zone, la contrainte matricielle retrouve son niveau initial. La matrice peut alors à
nouveau se fissurer, d'où le phénomène de fissuration multiple et le plateau représenté sur le
diagramme (σc-εc) (Figure 32).
La création de chaque fissure entraîne l'apparition d'une zone de glissement fibre-matrice
équivalente à celle précédemment décrite. Lorsque la distance d entre deux fissures est
comprise entre ldec et 2 ldec les profils de transfert de charge se chevauchent (Figure 35). La
fissuration matricielle atteint alors un état de saturation.
73
Figure 35 : Fissuration matricielle saturée d'après [REYN1992].
Par ailleurs, le modèle d'ACK repose sur l'unicité de la contrainte à rupture de la matrice. II
est cependant plus réaliste de considérer que la résistance à la rupture locale de la matrice est
distribuée et régie par la statistique de Weibull. Par conséquent, la contrainte nécessaire à la
poursuite de la multifissuration augmente avec le nombre de fissures jusqu'à un niveau de
saturation pour lequel les zones de glissement se chevauchent. Ce dernier est caractérisé par
une contrainte (σs) et une distance interfissure à saturation (ds) qui s'écrivent ([LISS1994],
[ZOK1992]) :
(Eq. 19)
σ s =(τd s Lr)V f Ec /(1−V f )Em
d s = χ [Γm(1−V f )2 E f Em /V f τ 2 Ec r ]13
r
avec χ , qui dépend du type d'évolution considéré pour la microfissuration : périodique
(une fissure se forme toujours à l'exact milieu de deux autres fissures préexistantes) ou
aléatoire (une fissure se forme à un endroit aléatoire simulé par la méthode de Monte-Carlo
[ZOK1992] : χ = 1,5) [BEYE92]. Les simulations de l'évolution de la fissuration matricielle
aboutissent toutes à l'expression simplifiée suivante, qui met en évidence une augmentation
linéaire de la densité de fissures avec la contrainte appliquée [CURT1993], [EVAN1995],
[SPEA1993]:
(Eq. 20)
⎛ σ s /σ e −1 ⎞
d =d s⎜⎜
⎟⎟
e
⎝ σ c /σ −1 ⎠
avec d, la distance interfissure moyenne lorsque la contrainte de traction appliquée au
composite est égale à σc.
(Eq. 21)
4.1.3 Rupture du composite
Les approches analytiques du problème de la rupture se basent toujours sur le travail initial du
modèle d'Aveston, Cooper et Kelly [CAO1990], [CURT1991a-b], [ROUB1990a-b],
[SUTC1989]. Les variations de l'une à l'autre résident essentiellement dans le choix de la
forme et de la répartition des profils de transfert de charge dans les fibres après la
microfissuration de la matrice. L'établissement d'un critère de rupture, associé à l'hypothèse
faite sur le mode de chargement des fibres, se fait alors par la détermination analytique du
taux critique de fibres rompues (q*), dans la totalité ou dans une section donnée du matériau,
conduisant à une évolution instable des ruptures de fibres par un effet d'avalanche lors de la
répartition des surcharges. La définition du critère est complétée par le calcul de la contrainte
ultime σ cr supportée par le matériau, pour laquelle :
(Eq. 22)
dσ c =0
dq
74
Les propriétés à rupture du composite sont principalement contrôlées par deux paramètres
microstructuraux :
la contrainte à rupture moyenne et la distribution des contraintes à rupture des
fibres,
les propriétés interfaciales.
Les caractéristiques de la matrice n'interviennent pas.
•
Analyse statistique de la rupture
Comme nous l'avons déjà évoqué pour la matrice, les fibres céramiques présentent un certain
nombre de défauts volumiques et surfaciques, de nature plus ou moins critique, dont la
répartition sur leur longueur, conditionne leur résistance à la rupture. Nous supposons ici que
la rupture des fibres est décrite par la statistique de Weibull. Ainsi, la probabilité de rupture
d'une fibre de longueur L subissant une contrainte σf est donnée par
(Eq. 23)
m
⎡
⎤
Pr = 1−exp⎢− L⎛⎜ σ f ⎞⎟ ⎥
⎣ ⎝ σ0 ⎠ ⎦
avec m, un paramètre intrinsèque au matériau qui rend compte de la distribution des
contraintes à rupture (plus m est petit, plus le profil de distribution est étalé), et où σ0 est un
facteur d'échelle relié à la contrainte à rupture moyenne <σ rf > par la relation [NAVA1990] :
(Eq. 24)
−1
<σ rf > = σ 0 L mΓ(1+ 1 )
m
Par extension de l'équation (Eq. 22) la proportion (q) de fibres rompues au voisinage d'une
fissure matricielle (fissuration matricielle non saturée) s'exprime par [ROUB1990a] :
(Eq. 25)
⎛
⎞
rσ cm +1
q = 1−exp⎜⎜
⎟⎟
1
1
m
+
m
+
m
⎝ τ(V f (1−q) (m+1)σ 0 ⎠
La rupture du composite intervient pour une contrainte appliquée σ cr lorsque le taux de fibres
rompues atteint une valeur critique q* :
(Eq. 26)
[m+1]
m
1
σ cr = V f (τ ) (m +1)σ 0 (m +1) exp −1
r
et
(Eq. 27)
•
⎡ −1 ⎤
q* =1 − exp ⎢
⎣m + 1⎥⎦
Extraction des fibres rompues
Dans l'analyse de Curtin [CURT1991a-b], la fissuration matricielle est saturée et les fibres
peuvent présenter une rupture multiple. Si la période de fissuration de la fibre est très grande
devant la période de fissuration de la matrice, toute rupture de fibre provoque un
déchargement qui n'intervient que sur quelques blocs de matrice (Figure 36). Au-delà, la fibre
est toujours soumise aux mêmes profils de charge et peut se fissurer à nouveau. Dans ce cas,
la partie non déchargée de la fibre peut être assimilée à un plateau et l'effet de la
multifissuration matricielle est négligeable.
75
Figure 36 : Décharges induites par les ruptures de fibres dans un composite
multifissuré et passage à un profil de contrainte équivalent d'après [CURT1991b].
L'ensemble de ces hypothèses conduit à l'expression du critère de rupture suivant où le taux
critique de fibres rompues s'exprime par :
(Eq. 28)
q* = 2/(m+2)
La contrainte ultime supportée par le composite est alors :
(Eq. 29)
(m+2 ) (mm++12 )
m
1
1
σ cr = V f (τ ) (m+1) <σ rf > (m+1) L (m+1) 2
r
avec < σ rf >, la contrainte à rupture moyenne d'une fibre de longueur L.
1
(m +1)
Les hypothèses sur lesquelles se base ce modèle impliquent une multifissuration matricielle
très dense, engendrée par une population importante de petits défauts superficiels, de taille
pratiquement constante, homogènement répartis le long du composite. Dans le cas d'un
composite présentant plusieurs familles distinctes de défauts superficiels, ce modèle n'est plus
applicable. Ainsi, le choix d'un critère de rupture ne peut se faire qu'en prenant en compte le
mode d'endommagement du composite étudié.
Du fait de la nature statistique de la résistance des fibres, il existe une probabilité non nulle
que la rupture de la fibre se produise à l'intérieur de la matrice à une distance lp de la fissure
matricielle (Figure 37). Cette longueur définit la longueur d'extraction propre à chaque fibre.
Figure 37 : Rupture des fibres à l'intérieur de la matrice [OLIV1998].
76
Dans le cas d'une contrainte de cisaillement interfacial constante, Rouby et al. ont établi une
expression approximative de la longueur moyenne d'extraction [ROUB1990b] :
m
⎡ <σ r >rL1m ⎤ (m +1)
f
1
⎥
<l p > = ⎢
(Eq. 30)
2 ⎢ τ(m+1) ⎥
⎣
⎦
Sutcu [SUTC1989] propose également une expression simplifiée de < l p > dans les deux cas
d'une fissure matricielle unique et multiple :
(Eq. 31)
(Eq. 32)
<l p >unique =
r <σ rf >
2τ(m+ 2)
< l p > multiple =< l p >unique
(m + 1)
2
m
( m +1)
Le mécanisme d'extraction des fibres est celui qui absorbe le plus d'énergie et contribue donc
grandement à l'augmentation de la ténacité du matériau [BREN1996], [THOU1988]. Ce
mécanisme est favorisé par un module de Weibull m des fibres et une contrainte de
cisaillement interfacial τ faibles. Par ailleurs, remarquons que les paramètres intervenant dans
les équations précédentes font référence aux propriétés des fibres après leur incorporation
dans la matrice. Or ces dernières sont généralement mal connues. C'est la raison pour laquelle,
il est couramment supposé que l'élaboration du composite ne modifie pas les caractéristiques
du renfort et que ses propriétés restent donc similaires à celles mesurées sur des fibres nues.
Conclusion
Le développement de différents modèles théoriques d'endommagement des matériaux
composites ([LISS1994], [MARS1992], [VAGA1995]) rend compte des paramètres
microstructuraux qui influencent le comportement mécanique. Ces modélisations fournissent
des informations importantes pour la fabrication de composites avec des propriétés optimales.
Signalons cependant, à titre de remarque, que le comportement mécanique d'un composite est
également fortement influencé par son environnement en termes de température et
d'atmosphère [FRET1990], [REYN1996a-b], [THOU1989]. L'interdiffusion des constituants,
la diffusion des espèces gazeuses de l'atmosphère à travers les fissures matricielles vers les
fibres et l'interface, modifient les propriétés interfaciales du composite. Par exemple, la
rupture du matériau peut devenir fragile si τ devient trop fort ou trop faible. La solution de ce
problème réside dans une interphase thermodynamiquement stable dans un environnement
donné, et capable d'isoler la fibre de la matrice et du milieu extérieur [KERA1989].
4.2.
Fatigue cyclique
Le phénomène de fatigue se traduit par une évolution au cours des cycles, de nombreux
paramètres comme le module d'Young, la déformation permanente, mais aussi les
caractéristiques de la boucle d'hystérésis σ-ε, pourvu que le composite soit soumis à une
contrainte maximale σmax supérieure à sa contrainte de première fissuration matricielle σe. La
multifissuration matricielle se poursuit jusqu'à une contrainte σs. Cet état, appelé saturation,
correspond au moment où les profils de transfert de charge se chevauchent (§ 4.1.2). Dans
certains cas, la rupture du composite se produit même avant que σs soit atteint (cas du
SiC/SiC [GUIL1994]).
Pour pouvoir relier le comportement macroscopique en fatigue aux propriétés des
constituants, il est plus simple de commencer par étudier les paramètres de cette boucle
d'hystérésis au cours d'un cycle chargement-déchargement.
77
Notons que les modèles développés par Domergue et al. et Evans et al., Vagaggini et al., se
limitent une contrainte comprise entre σe et σs [DOME1995], [EVAN1995], [VAGA1995].
4.2.1 Cycle de chargement-déchargement
Après un cycle de chargement-déchargement à une contrainte maximale σp au-delà de la
contrainte de la fissuration matricielle σe, on observe une diminution du module élastique,
généralement une boucle d'hystérésis, ainsi que l'apparition d'une déformation permanente.
Lorsque les fissures matricielles se ferment avant d'atteindre la charge nulle (à cause
notamment de contraintes thermiques résiduelles), la complaisance au déchargement
augmente (Figures 38), mais ce cas ne sera pas traité ici.
Figures 38 : Courbes typiques de traction de CMC et notamment formes des boucles
d'hystérésis, avec (a) ou sans (b) fermeture de fissures, d'après [EVAN1995].
a)
b)
e
La courbe (σ-ε) contient des informations importantes sur les propriétés des constituants,
notamment sur le comportement de décohésion/glissement à l'interface au travers de l'énergie
de décohésion interfaciale Γi, de la contrainte de cisaillement τ et des contraintes thermiques
résiduelles σT. Ces caractéristiques interfaciales peuvent être également déterminées par des
méthodes classiques (tests sur microcomposites, essais de push-in et de push-out sur les
fibres), mais ces dernières présentent de nombreux inconvénients : essais difficiles à mettre en
place surtout à haute température, et interprétation complexe notamment sur les fibres de petit
diamètre. Enfin, une dernière limitation de ces méthodes est qu'elles sont appliquées sur des
fibres individuelles ou des fils : elles ne tiennent donc pas compte respectivement de
l'influence de l'environnement des fibres voisines dans les fils, ni du tissage … Mais ces
essais sont actuellement en cours de normalisation dans le cadre du projet VaFTeM
(Validation of Fibre Testing Methods).
C'est pourquoi, de nombreux auteurs ont plutôt basé leurs modèles sur le comportement
macroscopique du composite [DOME1995], [EVAN1995], [REYN1992], [ROUB1993a-b],
[VAGA1995].
Ils supposent que la contrainte de cisaillement τ est uniformément répartie dans les zones
décollées (cas des composites où le glissement est contrôlé par la rugosité des fibres).
L'augmentation de la déformation permanente est associée à l'ouverture des fissures
matricielles, et aux phénomènes de décohésion/glissement qui en résultent. Le module
d'élasticité tangent mesuré en début de déchargement de la boucle est inversement
proportionnel à la distance interfissure d. Une seule mesure de d suffit pour évaluer la
contrainte de cisaillement τ, à partir d'une boucle d'hystérésis. De même, les contraintes
thermiques résiduelles peuvent être estimées à partir des modules d'élasticité tangent en fin de
déchargement et en début de rechargement. La méthodologie complète et les formules
78
permettant la détermination de ces paramètres sont détaillées dans les références suivantes
[VAGA1995], puis [DOME1995] pour les composites unidirectionnels et [DOME1996] pour
les composites 2D.
Cette méthode donne des résultats cohérents pour le composite SiC/SiC, à condition que σp ne
soit pas trop faible, en comparaison avec les autres méthodes de détermination de ces
caractéristiques.
4.2.2 Cisaillement interfacial
Si la température est inférieure à la température de début de fluage des fibres et de la matrice,
la diminution de la contrainte interfaciale τ, due à la relaxation des contraintes résiduelles σT,
est le mécanisme majeur d'endommagement en fatigue [MIZU1996], [REYN1993a-b].
Le modèle développé par Kotil et al. montre que l'ouverture progressive des boucles est reliée
à la valeur de contrainte de glissement fibre/matrice et à la fraction de fibres rompues par
fatigue [KOTI1990]. Il attribue l'augmentation de la complaisance à la rupture au cours des
cycles des fibres. L'ouverture des boucles, correspondant à l'énergie dissipée par cycle par
frottement de la fibre dans la matrice lors des cycles de chargement-déchargement, résulte de
la compétition de deux phénomènes :
* l'augmentation de la force de frottement F lorsque τ augmente :
(Eq. 33)
F= 2π τ r Lf
avec : Lf : la longueur sur laquelle la fibre glisse,
r : le rayon de la fibre,
* la diminution de l'ouverture des fissures matricielles lorsque τ augmente, à cause de
l'augmentation de l'efficacité du pontage des fissures.
Ainsi, cette ouverture est maximale pour une valeur de τ intermédiaire.
De même, ces mêmes auteurs ont montré que l'augmentation de la fraction volumique de
fibres Vf décale le maximum de l'hystérésis vers les contraintes de cisaillement τ plus faibles.
En effet, plus le nombre de fibres augmente, plus la surface disponible pour dissiper de
l'énergie est importante, mais l'ouverture des fissures matricielles est réduite, d'où l'existence
de ce maximum pour une contrainte de cisaillement intermédiaire.
La modélisation proposée pour décrire le comportement en fatigue cyclique de composites à
matrice céramique a été également développée, dans le cas du 2D SiC/SiC [REYN1992] et
s'appuie sur les concepts développés pour les composites unidirectionnels précédemment
établis par Aveston et al. [AVES1971]. Des études préliminaires ayant montré l'indépendance
du comportement en fatigue du SiC/SiC avec la fréquence de sollicitation à température
ambiante, permet d'écarter tout mécanisme dépendant du temps tels que la propagation souscritique ou la corrosion sous contrainte [REYN1992], même si ce n'est pas le cas des
composites SiC/SiBC à chaud, qui font intervenir la propagation sous critique dans la matrice
intrafil, l'influence de la fréquence n'est alors pas négligeable [CARR1996], [FORI2000].
Ainsi, pour un composite 2D SiC/SiC à température ambiante, les mécanismes responsables
des phénomènes de fatigue, dans les fils longitudinaux, sont attribués aux glissements alternés
entre fibres longitudinales et matrice, résultant de l'alternance de l'ouverture et des fermetures
des fissures matricielles [ROUB1993b]. Ces glissements provoquent une érosion progressive
de la zone interfaciale qui est à l'origine du comportement en fatigue. La contrainte de
cisaillement interfacial τ entre la fibre longitudinale et la matrice diminue à chaque cycle
[KERA1991], [REYN1994] à partir d'une valeur initiale τ0 (composite vierge) jusqu'à une
valeur non nulle τ∞ (interface entièrement usée). Cette évolution peut être représentée (Figure
39) en fonction du nombre de cycles par l'expression suivante :
(Eq. 34)
τ(N) = sup (τ0N-t, τ∞)
avec t : paramètre arbitraire représentatif de la décroissance de τ avec le nombre de cycles N.
79
Mais d'autres lois d'évolution de τ ont également été proposées, notamment par Evans et al.
[EVAN1995] :
(Eq. 35)
(τ −τ 0)
=1−exp(−ωN λ )
(τ ∞ −τ 0)
avec : ω et λ, deux coefficients numériques.
Figure 39 : Diminution de la contrainte de cisaillement interfacial d'après
[REYN1992].
4.2.3
Evolution des paramètres d'endommagement
4.2.3.1
Module d'Young
Les modules élastiques des éprouvettes soumises à une contrainte maximale σmax supérieure
au seuil de fatigue σseuil, décroissent généralement jusqu'à rupture, sans jamais atteindre de
valeurs limites. Pourtant, des échantillons ayant subi de la fatigue pendant une longue durée,
présentent des valeurs limites des modules tangents et sécants, relatives à la résistance du
composite, à la distance interfissure saturée, et à la valeur de la contrainte interfaciale
correspondante [RAMA2000], la contrainte maximale se situant alors en dessous du seuil de
fatigue.
Globalement, la diminution des modules élastiques est d'abord associée à la multifissuration
matricielle, puis à la rupture des fibres (par rechargement ou oxydation § 4.2.5).
Par ailleurs, si le comportement général du composite 2D SiC/SiC (modules d'Young
tangents, ouverture des boucles) est contrôlé par celui des fils longitudinaux, la présence de
fils transversaux, ainsi que leur endommagement progressif, se manifestent par une
diminution du module élastique tangent en début du déchargement [DALM1997].
4.2.3.2
Déformation permanente
La déformation permanente est d'abord, en partie attribuée aux déplacements causés par la
multifissuration matricielle [VAGA1995]. Son évolution au cours de la fatigue est alors
influencée par les propriétés de ses constituants (fibre, matrice, interface) [EVAN1994a],
[REYN1992]. Elle dépend en particulier de la contrainte de cisaillement interfacial (τ), de
l'énergie de rupture interfaciale (Γi) et des contraintes thermiques résiduelles (σT).
4.2.3.3
Aire des boucles d'hystérésis
L'analyse du profil de contrainte le long des fibres pontantes et de son évolution au cours d'un
cycle de déchargement-chargement permet de calculer analytiquement la forme des boucles
d'hystérésis (σc - εc) (cf. § 4.2.1) [KOTI1990], [VAGA1995].
Le calcul de l'hystérésis mécanique (∆W/We), avec ∆W : l'aire de la boucle et We, une énergie
proportionnelle à l'amplitude de la sollicitation correspondante, en fonction de la contrainte de
cisaillement interfacial (τ) aboutit à [REYN 1996a] :
80
* Si τ/τ* ≤ 0,5 (glissement fibre-matrice localisé) :
(Eq. 36)
avec :
(Eq. 37)
α = EmVm / EfVf
⎞
)
(
( ) ( )⎟⎟⎟
⎠
⎛ 1− 4τ
∆W (τ)=α 2τ ⎜
3τ *
We
τ ∗ ⎜⎜ 1+α 1− τ
τ*
⎝
τ * = [E mV m ]* [rE f σ
[E fV f ]
dE
max
]
c
We= 0.5*(σmax-σmin)*(εmax-εmin).
* Si τ/τ* ≥ 0,5 (glissement fibre-matrice généralisé, fissuration matricielle saturée):
(Eq. 38)
∆W (τ)= α
We
3 α + 2τ
2 τ*
(
)
Ce calcul théorique montre que l'hystérésis mécanique rapportée à We est nulle lorsque τ est
nulle ou infinie, et passe par un maximum pour une valeur de τ particulière (Figure 40). De
plus, son évolution lors de la fatigue dépend de l'état d'endommagement dans lequel se trouve
le composite après le premier chargement.
Figure 40 : Evolution du frottement intérieur ∆W/We en fonction différents
paramètres, dont la contrainte de cisaillement interfacial τ d'après le modèle de
Reynaud [REYN1992].
Ainsi, si au cours du cycle :
* le glissement des fibres est localisé près des fissures matricielles, les profils de transfert de
charge de deux fissures matricielles voisines ne se rencontrent pas, l'hystérésis augmente
hyperboliquement à mesure que τ diminue par fatigue cyclique ;
* le glissement des fibres se produit tout le long des fibres (glissement généralisé), l'interface
fibre-matrice est totalement décollée, l'hystérésis commence par augmenter légèrement puis
diminue paraboliquement à mesure que τ diminue.
Ce phénomène a été expérimentalement mis en évidence sur des composites 2D SiC/SiC
[REYN1996a-b].
81
La Figure 41 présente les évolutions de l'hystérésis mécanique enregistrée lors d'essais de
fatigue à température ambiante sur des composites brut d'élaboration et ayant subi un
vieillissement thermique sous vide.
Figure 41 : Evolutions expérimentales de l'hystérésis mécanique pendant la fatigue de
composites SiC/SiC 2D ayant subi un maintien sous vide pendant 50 h à différentes
températures (a). Effet théorique du vieillissement thermique sur l'évolution de
l'hystérésis mécanique (b). D'après [REYN1996a].
2 τ/τ*
Un traitement thermique préliminaire conduit à une diminution de la contrainte de
cisaillement interfacial initiale (τ0) en raison des évolutions physico-chimiques activées par la
température. Par conséquent, plus le matériau est traité longtemps à haute température, plus
l'hystérésis en début d'essai est importante et plus la position initiale du point (∆W/We, τ/τ*)
se rapproche du maximum. Ainsi, la diminution additionnelle de τ pendant la fatigue cyclique
devient suffisante pour atteindre et dépasser le maximum de la courbe (∆W/We, τ/τ*).
4.2.3.4
Saturation
Durant un essai de fatigue cyclique, il est attendu que les aspérités à la surface des fibres et au
sein de l'interphase vont être lissées ou éliminées par usure de frottement. Un état de
saturation, déterminé par les contraintes thermiques résiduelles et les coefficients de
82
frottement des différents constituants, devrait être atteint et en l'absence des effets de
l'environnement, la résistance du composite devrait être limitée à une valeur donnée. Cette
stabilisation des propriétés a déjà été mise en évidence dans les composites à matrice titane
[WALL1994], mais dans peu de cas pour des CMC [RAMA2000].
4.2.4 Diagramme d'endurance
Des modèles permettent de prédire la valeur du seuil en fatigue σseuil. Les effets de la variation
de la contrainte interfaciale de cisaillement sur cette valeur sont déjà exprimés par la relation
donnant la dégradation relative des fils après N cycles [EVAN1995], [ROUB1993b] :
(Eq. 39)
σ F (N) ⎛ τ(N) ⎞
=
σ F0 ⎜⎝ τ 0 ⎟⎠
1
m +1
avec τ0 et σF0 la contrainte de cisaillement interfaciale initiale et la contrainte à rupture initiale
des fils respectivement.
La réduction de la résistance du composite après N cycles est alors donnée par [RAMA2000],
[ROUB1993b] :
1
m +1
∞
σ seuil =σ FS =⎛⎜ τ ⎞⎟
(Eq. 40)
σ cr σ F0 ⎜⎝ τ 0 ⎟⎠
avec : σFS, et τ∞, la contrainte des fibres et la contrainte de cisaillement interfacial à saturation,
respectivement, et σ cr la contrainte à rupture en traction monotone du composite.
Durant un essai de fatigue, le taux de fibres rompues q augmente, au fur et à mesure que la
valeur de τ diminue, à partir d'une valeur initiale q0 résultant du premier chargement (donnée
par l'équation (Eq. 25) avec τ = τ0 et σc= σmax) pour atteindre une valeur limite q∞
correspondant au cas où τ est égal à τ∞. En fonction du niveau maximum de la sollicitation
(σmax), plusieurs comportements sont envisageables:
• si σmax est suffisamment faible (σe < σmax < σseuil), la valeur de q∞ (taux de fibres rompues
associé à τ∞) reste inférieure à q* (taux critique de fibres rompues donné par l'équation (Eq.
28)) durant tout l'essai de fatigue. Ainsi, le matériau présente un effet de fatigue qui se sature
et donc une endurance illimitée.
• si σmax est suffisamment élevé (σseuil< σmax < σ cr ), il existe un nombre de cycles NR, au
bout duquel q(NR) est égal à q*. Dans ce cas, le matériau présente un effet de fatigue
conduisant à une rupture différée.
La durée de vie du matériau composite 1D s'exprime donc par :
(Eq. 41)
NR =(σmax /σcr )-(m+1)/t
La limite de fatigue σseuil qui sépare le domaine d'endurance quasi-infinie du domaine
d'endurance limitée s'écrit :
(Eq. 42)
σseuil = σcr (τ∞/τ0)1/(m+1)
Remarquons que la limite de fatigue σseuil ne dépend pas de la loi de décroissance de τ
(caractérisée par t), mais seulement du niveau limite τ∞ atteint par la contrainte de frottement
interfacial après la saturation de l'effet de fatigue.
Notons, de façon générale, que la limite de fatigue du composite est définie par les propriétés
de la matrice vis à vis du premier endommagement et que la rupture par fatigue cyclique est
conditionnée par la statistique des ruptures individuelles des fibres.
4.2.5 Rupture
La rupture du composite en fatigue est, comme sous chargement monotone, conditionnée par
la rupture progressive puis brutale des fibres (§ 4.1.3).
83
4.2.5.1
Par rechargement des fibres
Le mode de rupture par rechargement de fibres est identique à celui développé au § 4.1.3 en
chargement monotone, en introduisant l'évolution de la contrainte de cisaillement τ avec le
nombre de cycles (Eq. 34) et la diminution de la résistance des fibres par création de défauts
[LARA1997] (§.4.2.5.2).
En effet, les phénomènes d'abrasion ou d'oxydation sont susceptibles d'introduire des défauts
critiques en surface des fibres (§ 2.2.1.2). Ces défauts diminuent la résistance des fibres
suivant l'équation suivante [RAMA2000] :
1
[ ] [ ]
σ mτL m +1 2 m +1 m+1
σ F =⎡⎢ 0 ⎤⎥
(Eq. 43)
m+ 2
m+ 2
⎣ r ⎦
avec : σF, la résistance d'un fil, les autres termes ayant été définis précédemment.
Par ailleurs, Rouby et al. [ROUB1993a] et Curtin [CURT1991b] ont défini le taux critique de
fibres rompues q* au-delà duquel l'écheveau de fibres intactes autour de la fissure matricielle
(saturée ou non) devient instable et provoque la rupture du composite.
A partir de ces hypothèses, Reynaud [REYN1992] a soumis une description du comportement
en fatigue cyclique de la façon suivante :
•
Pour des contraintes inférieures à la contrainte seuil d'endommagement du composite,
il n'y a pas de fissures matricielles et les fibres longitudinales ne supportent aucune surcharge.
Le taux de fibres rompues est alors quasi nul et il n'y a pas d'effet de fatigue.
•
Pour des contraintes supérieures à la contrainte seuil d'endommagement du composite,
il y a fissuration matricielle et donc effet de fatigue. Deux cas se présentent alors :
* si le taux de fibres rompues q∞ (défini pour τ = τ∞) est inférieur à la proportion critique q*,
la rupture par fatigue n'est pas possible et l'endurance est quasi illimitée ;
* si q∞ est supérieur à q*, la rupture par fatigue est possible et atteinte au cycle Nr tel que
q(Nr) soit supérieur ou égale à q*.
1
4.2.5.2
Par oxydation
Lara-Curzio a établi un modèle de rupture des fibres par oxydation, à partir d'essais de fatigue
statique sous air à 950°C de composites SiC Nicalon™/SiC [LARA1997]. Il suppose qu'à
cette température le composite ne flue pas, mais s'oxyde. Il relie ainsi la résistance résiduelle
des fibres à la création par oxydation de défauts de surface, dont la taille moyenne critique est
donnée par l'épaisseur de la couche d'oxyde formée. L'oxydation des fibres est alors contrôlée
par la diffusion de l'oxygène à travers la couche d'oxyde.
Ce modèle prédit l'augmentation de la complaisance au cours des cycles et une accélération de
la déformation permanente près de la rupture, en accord avec les résultats expérimentaux. Par
ailleurs, les temps à rupture expérimentaux du composite sont comparables à ceux des fils
estimés par le modèle.
4.3.
Interaction fluage-fatigue
4.3.1 Fluage uniaxial
Différentes approches sur le fluage uniaxial ont été menées à ce jour, afin de décrire l'effet de
la différence de comportement au fluage de la fibre et de la matrice sur le comportement
global en fluage du composite. Dans ce sens, Chermant et al. [CHER1995], et Holmes et al.
[HOLM1995] ont introduit le paramètre d'écart au fluage : CMR ("creep mismatch ratio"), qui
informe sur les transferts de charge durant l'essai de fluage :
&
CMR= ε f
&
εm
avec ε& f et ε&m , les vitesses de fluage respectives de la fibre et de la matrice prises séparément.
Ce paramètre est dépendant du temps, de la contrainte et de la température [HOLM1993].
84
En effet, lors d'une sollicitation en fluage, une redistribution des contraintes entre les fibres et
la matrice s'opère, de sorte à réduire la vitesse de fluage du constituant qui flue le plus et à
transférer la charge sur le plus résistant au fluage jusqu'à ce que la vitesse de fluage des deux
constituants soient égales.
Dans le cas de matrices moins résistantes au fluage que les fibres (par exemple, les matrices
vitrocéramiques), le paramètre CMR est inférieur à 1 [CHER2001a]. Si la contrainte seuil de
fluage des fibres est dépassée, on assiste alors à un rechargement progressif des fibres
pouvant conduire à la rupture de ces dernières. Par contre, si les fibres fluent plus vite que la
matrice (CMR>1, cas des SiC/SiC), les contraintes dans la matrice s'accroissent et peuvent
initier de la multifissuration matricielle à partir du moment où le niveau de contrainte dans la
matrice atteint est suffisant.
4.3.2 Influence lors d'un chargement monotone
Le CMR n'intervient pas seulement dans le cas d'un chargement constant, il intervient
également lors du chargement monotone des éprouvettes [RAMA2000].
En effet, le phénomène de fluage sera d'autant plus important que la vitesse de chargement
sera faible et la contrainte maximale appliquée importante.
Dans le cas où la résistance au fluage des fibres est plus faible que celle de la matrice (cas des
SiC/SiC), une faible vitesse de chargement peut augmenter la fissuration matricielle et donc
changer les conditions initiales de fatigue.On voit donc que le comportement en fatigue à
haute température des composites sera plus affecté par le fluage dans le cas où la résistance au
fluage des fibres est plus faible que celle de la matrice [EVAN1994a].
Pour limiter cet effet, il faut que la vitesse de chargement soit plus grande que la fréquence de
fatigue correspondante.
La vitesse du chargement initial jusqu'à la contrainte de fatigue est donc un paramètre
particulièrement important, et détermine l'état initial du matériau avant fatigue.
4.3.3 Présence d'un effet dépendant du temps durant la fatigue
Durant un essai de fatigue à haute température, les effets dépendants du temps prédominent
sur les effets d'un chargement purement cyclique, notamment au travers de l'augmentation de
la déformation permanente.
En effet, lorsque le comportement en déformation est uniquement dépendant du cyclage, les
vitesses de déformation (en fonction du nombre de cycles : dε/dN) à la contrainte maximale
(inférieure au seuil de fatigue) et minimale en tension sont différentes. Cela provient de la
décohésion progressive des interfaces (pour un nombre faible de cycles) et de la baisse
graduelle du module élastique (voir § 2.2.1.3.), qui se manifestent, en asservissement de
charge, par une déformation permanente plus grande à la contrainte maximale que minimale.
Pour des essais avec une contrainte maximale inférieure au seuil de fatigue, la diminution du
module élastique se stabilise à une valeur de saturation, et les vitesses de déformation aux
contraintes extrêmes deviennent nulles. En revanche lorsque si le comportement dépend du
temps, ces vitesses s'égalisent, mais à une valeur non nulle (contrainte de cisaillement et
longueur de décohésion constantes), la déformation du composite étant uniquement contrôlé
par le fluage des fibres pontantes.
Lorsque la contrainte maximale est supérieure au seuil de fatigue, ces déformations restent
différentes jusqu'à rupture, que le comportement dépende uniquement du cyclage ou non.
Seuls des essais à fréquences différentes peuvent mettre en évidence un effet dépendant du
temps. Si l’évolution de la déformation non élastique en fonction du temps reste la même,
quelle que soit la fréquence, il s'agit alors d'un endommagement purement dépendant du
temps. Cet effet peut également apparaître lors d'un saut de fréquence pendant un essai de
fatigue (on s'affranchit ainsi de la dispersion fréquente des éprouvettes élaborées par CVI).
Dans ce cas-là, si après une courte période de transition, dε/dt en fonction du temps reste la
85
même (indépendamment de la fréquence), le comportement dépendant du temps est
prépondérant, et la rupture sera principalement imputée au fluage des fibres.
Toutefois, dans le cas d'un comportement dépendant uniquement du temps, dε/dt peut
diminuer lorsque l'on augmente la fréquence, puisque le temps disponible à chaque cycle pour
développer une déformation dépendante du temps est plus petit [ZAWA1997]. A l'opposé,
lorsqu'il y a une contribution du cyclage à l'évolution de la déformation permanente, dε/dt
peut augmenter lorsque la fréquence augmente, à cause des effets cumulés de la dépendance
au temps et au cyclage.
On notera pourtant, qu'une augmentation de la fréquence limite le transfert de charge du
constituant le moins résistant au fluage vers le plus résistant (§ 4.3.1.) en début d’essai et
entraîne un vitesse de fluage de la fibre plus grande au départ, ce qui favorise le fluage
primaire du composite pendant la fatigue.
Par ailleurs, on peut aussi mettre en évidence la dépendance de l'endommagement en fatigue
avec le temps par l'observation des boucles d'hystérésis. En effet, pour des contraintes
maximales en dessous du seuil de fatigue, un comportement en fatigue purement dépendant
du temps (cas du fluage) conduira à une augmentation monotone de la largeur des boucles
jusqu'à une valeur constante (dès que la saturation est obtenue) [LAMO1994]. En revanche,
lorsque le comportement est dépendant du cyclage, on observe une augmentation de l'aire des
boucles en début de fatigue jusqu'à la saturation suivie d'une diminution, une fois que le
glissement total est atteint [HOLM1995], [ROUB1993a] .
Toutefois, à faible fréquence et à haute température, on observe qu'au maximum de l'aire des
boucles, le module élastique est bien supérieur à celui des fibres pontantes VflEf. Ce
comportement, opposé à celui à température ambiante, où le maximum de l'ouverture est
attribué à l'obtention de la saturation de la fissuration matricielle, fait donc intervenir un
phénomène différent de l'usure induite par le cyclage. Cette diminution de la largeur des
boucles avant la saturation serait attribuée à la contraction transverse due à l'effet de Poisson
des fibres ayant flué (qui limite le frottement), et éventuellement aux contraintes thermiques
résiduelles de tension. En effet, ces phénomènes favorisent la décohésion fibre/matrice,
diminuant ainsi la contrainte de cisaillement interfacial, et donc la largeur des boucles.
Enfin, on peut comparer les durées de vie sous chargement statique et cyclique à hautes
températures. Bien sûr, il faudrait pouvoir les comparer à endommagement constant, c'est à
dire à une contrainte maximale en fatigue représentative de la contrainte maximale en fluage.
Cette estimation est délicate : si certains auteurs ont choisi de se baser sur la contrainte
maximale [CAO1998], [ZHU1997], d'autres ont utilisé la contrainte moyenne en fatigue
[UNAL1997]. Toutefois, à même contrainte maximale, si l'endommagement du matériau est
purement dépendant du temps, la durée de vie en fatigue sera plus grande qu'en fluage,
puisque le temps passé à la contrainte maximale en fatigue sera beaucoup plus faible. La
rupture sera alors contrôlée par le fluage des fibres (c'est le cas de composites 2D SiC/SiC
testés sous argon à 20 Hz [ZHU1999]).
4.3.4 Influence d'un passage en compression
La fatigue en traction/compression (T/C) permet la fermeture des fissures matricielles pendant
une partie du cycle (décharge en compression), les fibres étant alors exposées à
l'endommagement durant un temps plus court.
Lorsque l'endommagement en fatigue est dépendant du cyclage (comme à température
ambiante), l'endommagement par cycle évolue avec la déformation correspondante aux
fissures ouvertes. Ainsi, la fermeture des fissures permet d'augmenter la durée de vie,
comparé à des essais d'amplitude équivalente en traction/traction plus élevée, où les fissures
matricielles restent ouvertes durant tout le cycle. La fermeture des fissures durant la fatigue se
manifeste par l'apparition d'un point d'inflexion dans les boucles d'hystérésis, lorsque les deux
lèvres de la fissure se rejoignent à la décharge. Notons, qu'on peut observer le même
86
phénomène en traction/traction (T/T), lorsque le rapport R est petit mais positif, en effet,
cette augmentation de rigidité est attribuée soit au blocage des débris de matrice entre les
faces des fissures lors du déchargement, soit à la relaxation des contraintes thermiques
résiduelles axiales : la décohésion progressive entre la fibre en tension et la matrice en
compression amène la contraction de la fibre et l'allongement de la matrice et donc la
diminution de l'ouverture des fissures, qui favorise alors le contact des lèvres de la fissure lors
du déchargement. Enfin, cette relaxation des contraintes thermiques résiduelles, en réduisant
la charge supportée par les fibres, augmente les durées de vie.
Lorsque la déformation en fatigue est dépendante du temps, la situation est plus complexe. En
effet, on note que les déformations aux contraintes minimales et maximales se stabilisent plus
vite et que la déformation permanente est plus faible, que lors d'un essai avec la même
contrainte maximale, mais avec une contrainte minimale positive. De plus, les essais en T/C
peuvent faire apparaître un point d'inflexion en décharge (indiquant la fermeture des fissures),
absent en T/T. La déformation non élastique, augmentant durant la partie du cycle où les
fissures sont ouvertes, est complètement recouvrée pendant la partie où les fissures sont
fermées, par une déformation en fluage opposée (en compression) des fibres. Dans le cas où
R=-1, et en l'absence de déformation permanente, la déformation de fluage en compression
devrait être de même amplitude que celle du fluage durant le chargement en traction, mais
cela est impossible, car non seulement lorsque les fissures sont fermées, la charge est partagée
simultanément par les fibres et la matrice, mais en plus, ce phénomène se produit, lorsque le
chargement en T/C n'est pas symétrique (R différent de –1). Cela s'explique en fait, par le
déchargement des fibres (plus sensibles au fluage) sur la matrice (plus résistante), qui crée une
contrainte résiduelle axiale de compression dès le début du déchargement. Ainsi, non
seulement les fibres supportent le chargement en traction sur un temps plus court, mais en
outre, la contrainte maximale subie en traction durant ce temps est plus faible. Comme la
relation qui lie la vitesse de fluage à la contrainte supportée est une loi puissance, le fluage
des fibres pontantes est fortement ralenti, diminuant ainsi la vitesse de déformation du
composite. On peut noter que la diminution progressive de la contrainte de cisaillement
interfacial favorise la relaxation des contraintes thermiques résiduelles de compression dans
les fibres, et peut donc faire disparaître le point d'inflexion, correspondant à la fermeture des
fissures, au bout d'un certain nombre de cycles [STEE1995] et donc augmenter la vitesse de
déformation du composite.
En ce qui concerne l'endommagement dépendant uniquement du cyclage, si, intuitivement la
fatigue cyclique n'entraîne pas d'endommagement, lorsque des fissures matricielles sont
fermées, la présence de contraintes résiduelles axiales rend cela moins évident. En effet, la
décohésion interfaciale reste possible, puisque sous ces conditions, le chargement et le
déchargement conduisent toujours à un mouvement relatif de la fibre et de la matrice.
Pourtant, lorsque les fissures matricielles sont fermées, une relaxation des contraintes axiales
résiduelles de compression est géométriquement impossible. Donc, lorsque la redistribution
des contraintes entre les fibres et la matrice n'est pas possible (comme à température
ambiante), la contrainte dans les fibres continue d'augmenter, tandis que la matrice se
décharge au cours du cyclage. Cela conduit à une diminution de la déformation de la matrice.
Si la contrainte subie par les fibres est inférieure à leur contrainte à rupture, le composite a
alors une durée de vie illimitée ; si en revanche des fibres commencent à rompre, le
rechargement des autres fibres durant le temps du cycle où les fissures sont ouvertes,
provoque un effet d'avalanche menant à rupture du composite. A haute température, ce
phénomène est limité par le rechargement de la matrice moins sensible au fluage que les
fibres [EVAN1994a].
87
4.3.5 Conclusions
Le fluage et la fatigue cyclique favorisent la décohésion progressive des interfaces
[HOLM1995], [LAMO1994]. Ainsi, une interaction entre ces deux phénomènes peut se
produire et accélérer la rupture en augmentant la vitesse de décohésion interfaciale. Même si
certains paramètres mécaniques peuvent nous permettre de voir l'influence prépondérante du
cyclage ou du temps, l'interprétation reste difficile.
4.4.
Influence du tissage sur le comportement mécanique
4.4.1
Présentation des architectures du renfort fibreux
4.4.1.1
Les composites unidirectionnels
Les composites unidirectionnels peuvent être de trois types :
* le microcomposite est la structure la plus simple, constituée d'une seule fibre
entourée d'une couche d'interphase et de matrice,
* on peut également remplacer la fibre par une mèche (ou fil) de ~ 500 fibres, on parle
alors de minicomposite,
* enfin, lorsque les fils sont tous orientés dans une même direction, on obtient un
composite unidirectionnel.
4.4.1.2
Les composites multidirectionnels
De nombreuses architectures multidirectionnelles existent [KO1989]. Les structures 2D sont
obtenues, soit par empilement de couches unidirectionnelles selon des orientations différentes,
soit par tissage, dont les plus répandus sont le taffetas et le satin d'orientation 0/90°. L'intérêt
des composites tissés par rapport aux stratifiés est qu'ils possèdent des propriétés plus
équilibrées dans le plan. Par contre, les structures tissées sont peu résistantes au délaminage.
Toutefois, la tenue au délaminage a pu être améliorée sur des structures 2.5D, soit par
l'aiguilletage des fibres dans la direction orthogonale au plan du tissu (procédé Aiguilletex –
Snecma Propulsion Solide), soit par ajout d'un fil pour relier les strates (procédé "interlocké" Aérospatiale). Dans les structures 3D,…, nD, le renfort est continu dans une direction autre
que celle des strates ou du tissu et assure un pontage entre les couches, qui élimine les
tendances au délaminage, et favorise un comportement isotrope de la structure lorsque n
augmente. De plus, les structures multidirectionnelles conduisent à un fractionnement de la
matrice en blocs. Ces cellules de matrice peuvent être le siège d'une multifissuration très
dense, augmentant ainsi considérablement le travail de rupture [QUEN1988].
4.4.2 Identification des mécanismes d'endommagement
Jusqu'à présent, les modèles des mécanismes d'endommagement proposés étaient
principalement basés sur des composites unidirectionnels, dont la direction de renforcement
correspondait à la direction de sollicitation. Bien que cela soit une forte simplification, cela
nous a permis de comprendre les différents mécanismes d'endommagement qui intervenaient.
Dans la pratique, les CMC ont une structure de renfort multidirectionnel, sous la forme de
nappes croisées et même dans les trois directions perpendiculaires [KOST1997,1999]. Cela ne
fait qu'augmenter les différents mécanismes d'endommagement additionnels.
La première conséquence de la présence d'un renfort multidirectionnel est que lors du premier
chargement, les fissures peuvent se créer dans la microstructure, ailleurs que dans les fils
longitudinaux. Pour ces fissures, un effet classique de fatigue, tel qu'il est observé dans les
céramiques polycristallines [ROEB1995] ne peut pas être évité, ce qui rend évidemment
l'évaluation globale de l'endommagement par fatigue plus délicat.
Dans les composites tissés et densifiés par CVI, il est difficile d'infiltrer l'intérieur des fils et
par conséquent de nombreuses fibres peuvent être en contact les unes avec les autres à
l'intérieur des fils (Figure 21). Dans de tels composites, les glissements peuvent ne pas se
88
produire seulement à l'interface fibre/matrice, mais aussi au niveau des interfaces fibre/fibre.
De plus, un glissement est également possible entre le fil et la matrice interfil, ou entre deux
fils et en particulier à l'intersection entre les fils longitudinaux et tranversaux [REYN1998a].
Cela peut conduire à un mécanisme de fatigue à forte contrainte, basé sur un endommagement
par usure et la création d'une nouvelle population de défauts à la surface des fibres près des
intersections entre les fils. Le plus grand nombre de points de glissement possibles augmente
l'énergie dissipée durant un cycle de chargement, amenant à une plus grande dépendance en
fréquence de la fatigue à température ambiante [SHUL1993].
Une architecture tissée favorise le développement des contraintes non uniformes et des
déformations dans les trois directions du composite, en particulier à l'intersection des fils.
Cela provoque la rupture de la matrice et un phénomène de spallation à ces endroits
[CHAW1996,1998], [KOST1999], [WANG1997], [ZHU1999]. Cette fissuration matricielle
localisée et les décohésions correspondantes entre les fils longitudinaux et transversaux aux
intersections du tissage créent un comportement résistant à l'endommagement, pour des
composites où la liaison fibre/matrice est trop forte pour permettre une décohésion interfaciale
et des extractions de fibres. Pourtant, avant un chargement cyclique, cela peut conduire à un
endommagement plus important lors de la traction initiale. De plus, ce type de tissage peut
également affecter le comportement durant la fatigue : en effet, le nombre de fibres courbées
dans un tissu satin est plus petit que dans une armure de type toile. Ainsi les fils longitudinaux
d'un tissu satin seront moins endommagés, et la tenue en fatigue plus élevée [STEE2000].
Dans certains CMC, une augmentation de la rigidité avant la rupture, caractérisée par une
augmentation du module tangent près de la contrainte maximale, est observée pour de faibles
contraintes de sollicitation et un nombre de cycles élevé.
Cela a été interprété pour les composites unidirectionnels par un recouvrement de la
contrainte de cisaillement interfacial, du fait de l'accumulation des débris le long de l'interface
fibre/matrice [CHAW1996], [KARA1992], [HOLM1989], [SORE1995b] ou d'un effet de
l'humidité environnante dépendant du temps [HOLM1992]. Dans les CMC tissés, ce
phénomène est encore plus fréquent [STEE1996], [WANG1997], et deux effets relatifs à la
géométrie ont été invoqués pour l'expliquer : le raidissement géométrique provenant d'un
meilleur alignement des fils longitudinaux, et l'extension de la fibre près des points
d'intersection entre les fils transversaux et longitudinaux [KOST1999], [SHUL1993]. Ce
raidissement géométrique peut augmenter la contrainte à rupture du composite après fatigue,
grâce à un meilleur alignement et une meilleure répartition des contraintes des fils
longitudinaux, par rapport à la direction de sollicitation. Mais il peut également provoquer la
fissuration des fils longitudinaux et le délaminage entre les plans [CHAW1996],
[MIZU1996], [WANG1997].
Par ailleurs dans d'autres travaux, une augmentation importante de la raideur associée à une
forte augmentation de la déformation permanente a été observée pour des nombres de cycles
élevés [DALM1997]. Cela implique que la déformation à la contrainte minimale de traction
augmente plus vite que pour la contrainte maximale. Un tel comportement ne peut être
expliqué par les mécanismes dépendant du temps ou du nombre de cycles précédemment
décrits, pour lesquels la vitesse de déformation à la contrainte maximale était soit égale, soit
supérieure à celle à contrainte minimale en traction. Des passages en compression font
apparaître que la raideur obtenue en traction tend vers la valeur correspondant au module en
compression [REYN1998a], [REYN1998b]. Cela suggère que les fissures présentes dans le
composite se ferment progressivement, même à des cyclages où R>0.
Une explication possible peut être le changement de l'état des contraintes résiduelles axiales
durant le cyclage. En effet, lorsque αm<αf à hautes températures ou αm>αf à basses
températures (matrice en compression axiale), la décohésion interfaciale progressive peut
conduire à cette évolution, en réduisant l'ouverture des fissures matricielles : ainsi lors du
déchargement, les lèvres des fissures se rejoignent à des contraintes plus élevées, en créant un
point d'inflexion. Mais l'apparition de ce raidissement au bout d'un nombre de cycles élevé
89
rend cette explication peu probable. Une autre explication possible est la fermeture des
fissures après décohésion interfaciale totale. Cela peut se produire lors des essais de fatigue
longue durée à chaud, sur un composite avec des contraintes résiduelles initiales à froid en
traction dans la matrice, soulagées par une large fissuration matricielle lors du refroidissement
initial du matériau après élaboration, (par ex. le C/SiC). Le cyclage d'un tel composite à haute
température (avec αm> αf) présente une diminution de l'ouverture des fissures matricielles,
par rapport à celle à la température ambiante. Cela augmente la probabilité de fermeture des
fissures lors du déchargement. Les boucles d'hystérésis se présentent alors en deux parties :
une avec une faible déformation permanente correspondant à la déformation, au point
d'inflexion, où les fissures sont fermées et la raideur est grande, une autre avec une forte
déformation et une raideur plus faible, lorsque les fissures sont ouvertes. Pour un chargement
donné, plus la décohésion interfaciale sera répandue, plus le module tangent lors du
chargement avec ouverture des fissures sera faible, tandis que le module tangent dans la zone
où les fissures sont refermées ne sera pas affecté par le cyclage. Lorsque pour un chargement
donné, la décohésion interfaciale complète est atteinte à la contrainte maximale du cycle, la
partie du cycle où les fissures sont ouvertes disparaît et le déchargement se traduit
immédiatement par une raideur correspondant à des fissures matricielles fermées. Cela est
également confirmé par les fortes valeurs de raideur observées au bout d'un nombre de cycles,
déterminé par le maximum des aires des boucles. En effet, une telle augmentation des aires
suivie par une diminution est en effet caractéristique du passage d’un glissement interfacial
partiel à un glissement total (voir § 3.3.3).
Une fois que la fissuration matricielle est apparue lors du chargement en traction, la présence
d'un renfort dans la direction transverse ne permet pas aux blocs de matrice de revenir
exactement à leur emplacement initial lors du déchargement. Ainsi les fibres ou les fils
longitudinaux, supportant la majeure partie de la charge, subissent une contrainte lors du
déchargement. Cette contrainte est équivalente à l'effet de fermeture des fissures matricielles
évoqué précédemment et peut donc induire des changements importants dans le
comportement en fatigue du composite, notamment en ajoutant de fortes contraintes
résiduelles axiales de compression, retardant le relaxation de ces contraintes thermiques
résiduelles durant le cyclage [STEE1998a,1999]. Après l'élaboration, lorsque les fibres sont
en compression axiale résiduelle à température ambiante, la décohésion progressive à
l'interface va diminuer ces contraintes et augmenter l'ouverture des fissures matricielles. Pour
des essais à R>0, cette augmentation est possible, mais lorsque R<0, l'allongement de la fibre
est soumise à une contrainte de compression et partiellement empêchée par la présence d'un
renfort dans la direction transverse. Ainsi, la contrainte en traction globale supportée par les
fibres est plus faible que lorsque R>0 et conduit à une augmentation considérable de la durée
de vie.
Outre les propriétés de chaque constituant, la courbure des fils et leur non-alignement avec la
direction de sollicitation est à l'origine des différents modes de rupture des composites, et ce
point constitue un facteur primordial dans le comportement mécanique et la résistance des
composites.
5. Conclusion
Le comportement mécanique d'un matériau composite à matrice céramique dépend d'un grand
nombre de paramètres qui interviennent à des échelles très diverses. Le rôle de l'interphase est
très important, car il conditionne tous les mécanismes de base de renforcement à partir de
l'apparition de la première fissure dans le matériau. Mais des mécanismes dont la complexité
augmente avec celle de la structure du renfort conditionne aussi la tenue mécanique du
matériau.
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