Propagation acoustique

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Propagation acoustique
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Propagation du son dans l’air et dans la mer
Frédéric Elie, novembre 2007
La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires et
supérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner
clairement l’auteur et la référence de l’article.
Dans cet article, voici une étude succincte de la propagation du son dans le milieu aérien
et dans le milieu sous-marin. Nous verrons que cette propagation n’est pas souvent
rectiligne : elle suit une courbe qui dépend des propriétés dispersives du milieu. Lorsque
l’indice de réfraction, ou, si l’on préfère, la vitesse du son, varie avec l’altitude ou la
profondeur suite notamment à la présence de gradients de température, et
secondairement à celle des gradients d’autres grandeurs (par exemple la salinité pour la
mer), le trajet des rayons acoustiques s’incurve selon la loi de réfraction exprimée en
chaque point par la loi de Descartes.
Une étude similaire a été présentée dans ce site pour l’incurvation des rayons lumineux
(voir article « réfraction »).
Bien que leurs formulations soient assez proches, les techniques pour obtenir les trajets
sonores sont présentées séparément pour le cas aérien et le cas sous-marin.
Propagation du son dans l’air
Commençons par une observation simple...
Vous avez probablement remarqué que, sur une surface chaude, en été, comme une plage ou
un désert de sable, le son se propage en suivant une succession de réfractions. On s’en
aperçoit, par exemple, lorsqu’on parle d’assez loin à une personne allongée sur le sol : selon sa
distance et notre hauteur, cette personne ne nous entend presque pas, voire pas du tout, même
si on hurle ! Pourquoi ?
Lorsque notre bouche émet un son dirigé vers notre interlocuteur (ou interlocutrice) couché(e)
sur le sol à plusieurs mètres de nous, il suit un faisceau de trajectoires courbes : si la
température varie de la surface du sol, où elle est maximale, en diminuant avec l’altitude, on
démontre (voir plus loin) que les différents trajets sont des courbes dont la concavité est
tournée vers le sol. Parmi les angles initiaux d’émission du son, il en existe un qui est tel que le
trajet est tangent au sol en un seul point. Au-delà de cet angle, lorsque le son est un peu plus
dirigé vers le sol, celui-ci fait obstacle et arrête la propagation : il s’ensuit que tout récepteur
situé dans la zone située au-dessous de cette courbe limite n’entend pas le son émis ; il est
dans la zone d’ombre acoustique.
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figure 1 – trajet du son au-dessus d’une surface chaude (les échelles de distance sont volontairement
déformées):
Du fait de la variation de la vitesse du son avec l’altitude, due à l’existence d’un gradient négatif de
température (le sol est plus chaud que l’air), un son émis par une personne debout (altitude 1,70 m
environ) est en principe inaudible par une personne au sol placée dans la zone d’ombre acoustique (audelà d’une distance de 30 mètres, dans le cas de la figure, et à une altitude inférieure à celle de la courbe la
plus basse qui matérialise le son émis avec l’angle limite, 97° en l’occurrence ici)
Equation des rayons réfractés dans l’air
Lois de réfraction acoustique
Lorsqu’un rayon acoustique incident atteint une surface où la vitesse du son change, il subit
une réfraction dans le nouveau milieu : le rayon transmis fait avec la normale à la surface un
angle différent de celui de l’angle d’incidence. Si l’on choisit les axes de coordonnées comme
sur la figure 2, et si la vitesse du son c(y) varie uniquement selon la verticale Oy, l’angle de
réfraction θ et la vitesse sont reliées par la loi de Descartes :
(1)
La constante σ est appelée paramètre du rayon : il dépend de l’angle d’incidence θ0 qui, pour
une vitesse initiale c0, détermine un faisceau de rayons lorsque l’angle d’incidence varie.
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figure 2 – réfraction à un interface où la vitesse du son change, et choix des axes
Avec les axes et les angles comptés comme sur la figure 2, l’angle d’incidence varie dans le
domaine : 0 ≤ θ ≤ π.
Si ds est l’élément de longueur élémentaire du rayon acoustique, on a :
(2)
Or d’après (1) :
nous obtenons donc l’équation différentielle de la trajectoire :
qui permet, en principe de calculer la trajectoire y = y(x) si l’on connaît la loi de variation de la
vitesse du son avec l’altitude c(y). En élevant au carré cette équation différentielle et en dérivant
de nouveau par rapport à x, on obtient encore :
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où l’on a introduit l’indice de réfraction du milieu : n(y) = c0/c(y), et le gradient d’indice dn/dy.
Remplaçant le paramètre de rayon par sa valeur, l’équation précédente s’écrit aussi :
(3)
Cette expression (3) se simplifie si l’on considère, en première approximation, que l’indice reste
peu différent de l’unité, et pour des rayons émis verticalement (θ0 = π/2) :
Introduisant le gradient de vitesse g(y) = dc/dy, le calcul du gradient d’indice dn = -c 0/c²(y).dc/dy
permet de réécrire l’équation (3) sous la forme :
(4)
La vitesse du son peut varier avec l’altitude parce qu’elle est liée à la température de l’air, donc
à la densité de celui-ci, qui varient avec l’altitude. En effet on sait que la vitesse du son est
reliée à la masse volumique du gaz ρ par :
où c0 et ρ0 sont la vitesse du son et la masse volumique de l’air aux conditions standard : c0 =
331 m/s, et ρ0 = 1,29 kg/m3 pour T0 = 273 K (0°C), pression P 0 = 1013 hPa. Sous pression
constante, la masse volumique et la température sont reliées par :
où la température T(y) varie avec l’altitude selon les conditions atmosphériques. Par
conséquent :
(5)
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Ainsi, le son se propage plus rapidement quand il fait chaud que quand il fait froid. De (5) il
résulte que le gradient de vitesse du son est directement relié au gradient de température
dT/dy :
Pour de faibles gradients de température, ce qui est souvent le cas près du sol, le produit
T0T(y) reste de l’ordre de T0², et l’expression précédente se simplifie en :
(6a)
Pour les mêmes raisons, dans l’équation des rayons (4) la vitesse du son peut être maintenue
du même ordre que c0, ce qui donne :
(6b)
Les équations (6) montrent que, dans le cas d’un gradient de température constant (la
température varie linéairement avec l’altitude, augmentant ou diminuant avec elle), les
trajectoires acoustiques sont des arcs de paraboles dont la concavité dépend du signe du
gradient, et qui sont paramétrées par l’angle initial θ0 que fait le rayon avec la verticale.
Pour une atmosphère isotherme (température constante quelle que soit l’altitude), g = 0 : les
rayons acoustiques sont des droites partant de la même source et d’inclinaisons θ0. Dans ce
cas, il n’existe pas de zone d’ombre car tout point du sol est atteint par l’une des droites issues
de l’origine.
Calcul des rayons acoustiques en gradient constant
Calculons les trajets acoustiques dans le cas simple d’un gradient de température constant :
le gradient a = dT/dy pouvant être positif ou bien négatif. Les équations (6) s’écrivent alors :
(7)
L’intégration de (7) aboutit à un arc de parabole :
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Les coefficients A et B sont déterminés par les deux conditions initiales :
-
la parabole passe par le point de coordonnées (0, y 0) : x = 0 → y = y0 donc B = y0 ;
-
la tangente en ce point de la courbe est celle de l’angle initial θ0 :
L’équation cartésienne du rayon acoustique est, en définitive :
(8)
La concavité de la parabole dépend du signe du gradient thermique « a » : si a > 0 la parabole
est tournée vers le haut, si a < 0 elle est tournée vers le bas. En langage plus mathématique,
cela revient à dire que pour a > 0 l’annulation de la dérivée de (8) correspond à un maximum,
tandis que pour a < 0 elle correspond à un minimum de y(x) :
La dérivée s’annule en un point de coordonnées (x m, ym) où
(9)
Pour a > 0, on a y m > 0 quel que soit l’angle initial 0 ≤ θ0 ≤ π et ym est supérieur à y 0 : c’est un
maximum.
Pour a < 0, par contre, on a ym > 0 si l’angle initial vérifie la condition
au-delà, ym est situé au-dessous de l’horizontale Ox. Pour a < 0, y m est inférieur à y0 : c’est un
minimum. A la limite, pour un angle initial θ0m tel que l’on ait cos² θ0m = -a y0 / T0, la parabole
tangente l’axe Ox en xm.
Nous avons déjà vu, à la figure 1 le cas d’une trajectoire sonore pour un gradient thermique
négatif a < 0. Dans la figure 3 ci-après, un cas de gradient positif est donné :
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figure 3 – faisceau de rayons acoustiques en configuration gradient thermique positif (cas qui se rencontre
parfois en moyenne altitude)
pour des angles initiaux à la source compris entre 5° et 7°
Cas d’un changement du gradient thermique (existence d’un « coude »)
Il peut arriver que le gradient de température change en signe et en valeur à une certaine
altitude : on a affaire à un « coude » dans la variation de la température en fonction de l’altitude
parce que, à cette altitude, le nouveau profil linéaire de température fait un angle avec le profil
précédent. A partir d’un point K de la courbe situé à l’altitude du « coude », le rayon change de
courbure.
Soit yK l’altitude du coude. Pour les altitudes y < y K le gradient de vitesse du son est g1 (a1 =
(dT/dy)1 pour la température) et pour y > y K les gradients sont g2 et a2 = (dT/dy)2. Ils peuvent
être positifs ou négatifs.
Pour y < yK l’équation des rayons est donnée par (8) et donne une parabole (P1):
(9)
Pour y > yK elle est donnée par (8) mais avec l’origine prise au coude K, donc à partir de son
abscisse xK ; en outre l’angle initial à cette nouvelle origine n’est plus θ0 mais est l’angle θK que
fait la tangente de la courbe (P 1) en K avec la verticale Oy. La température correspondant à la
nouvelle origine K est TK. On a donc pour le nouvel arc parabolique (P2) :
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(10)
Il nous faut donc déterminer TK, θK et xK :
- La température au coude K est tout simplement déduite de celle à l’origine, T 0, par le gradient
a1 :
(11)
- L’abscisse de la nouvelle origine K est déterminée en écrivant que le point K appartient aux
deux paraboles, donc pour x = xK on égalité de (9) et (10) :
c’est une équation du second degré d’inconnue x K dont les racines sont :
(12)
On ne retiendra que la racine positive, laquelle dépend du signe du gradient, de la différence
d’altitude (y0 – yK) entre l’origine (l’émetteur du son) et le coude K, et du signe de sin 2θ0. En
pratique cela revient à choisir le max des deux racines.
- l’angle θK est calculé par la tangente en K de la courbe (9) :
(13)
où xK est donnée par (12).
En figure 4 est donné un exemple de trajets acoustiques émis d’une hauteur y 0 = 70 m, avec
changement d’un gradient positif (dT/dy) 1 = 1°C/m à un gradient négatif (dT/dy) 2 = -1°C/m au
coude d’altitude 50 m :
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figure 4 – trajets acoustiques avec changement de gradient positif en négatif
La droite bleue représente le profil de température pour (dT/dy)1, la droite blanche pour (dT/dy)2.
La droite horizontale blanche permet de repérer l’altitude du coude K
Calculez vous-mêmes !...
En cliquant sur le lien ci-après vous pourrez obtenir des tracés du même type en entrant les
grandeurs suivantes : altitude y0 de la source sonore, altitude y K du coude, la vitesse du son c 0
et la température T0 à l’altitude de la source, les gradients thermiques a 1 = (dT/dy)1 et a2 =
(dT/dy)2 pour les couches de l’atmosphère de part et d’autre du coude, et différents angles
d’émission θ0 qui vont déterminer les séries de rayons acoustiques (il y a cinq séries).
Ce petit fichier excel calcule alors, selon les équations ci-dessus, les abscisses x K du coude, les
angles θK des rayons au coude et les tracés des rayons acoustiques pour chaque valeur de θ0.
En l’absence de changement de gradient (pas de coude) entrer y K = y0 et a1 = a2.
tracés des rayons acoustiques dans l’air
Propagation du son dans l’eau
Généralités
La température de l’eau de mer n’est pas toujours uniforme : elle change avec la profondeur.
On dit que la « bathy » est « iso » lorsque la température est uniforme sur une plage de
profondeurs. On démontre dans ce cas que la vitesse du son dans l’eau varie de manière
linéaire avec la profondeur (gradient de vitesse constant). D’autres facteurs que la température
influencent directement la vitesse du son : la salinité et l’immersion. La salinité, comme la
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température, modifie la masse volumique de l’eau ; or celle-ci intervient directement dans la
définition de la vitesse du son dans l’eau. L’immersion (ou la profondeur), quant à elle,
détermine la pression hydrostatique, laquelle intervient aussi dans la vitesse du son.
On montre que la vitesse du son dans un milieu fluide (liquide ou gaz) de masse volumique ρ et
soumis à une pression P est toujours définie par :
Mais sa dépendance vis-à-vis des grandeurs caractéristiques du milieu (masse volumique,
pression, température...) n’est pas la même selon qu’il s’agisse de liquide ou de gaz. Plus
précisément on montre que, dans un liquide, la vitesse du son ne vérifie pas la relation (5)
applicable à un gaz parfait, mais est définie par :
où B est le module d’élasticité (« bulk modulus ») du liquide, défini comme étant l’inverse du
coefficient de compressibilité adiabatique χ :
Lorsque c varie d’un point à l’autre du milieu, on dit que le milieu est dispersif : les rayons
sonores ne suivent alors pas une ligne droite mais s’incurvent, comme on l’a vu dans le cas
aérien.
L’autre point commun avec le milieu aérien est que la loi de réfraction (1) est aussi valable en
milieu liquide. C’est d’ailleurs à partir d’elle que l’on peut établir les rayons acoustiques sousmarins, la mer étant un milieu dispersif. Mais l’analogie s’arrête là car, comme je viens de le
dire, la relation entre la vitesse du son c et les propriétés et points du milieu est très différente
de celle du cas aérien. En fait, nous allons démontrer que, dans la mer, en première
approximation, les rayons suivent des arcs de cercle (et non de parabole comme dans l’air).
Il existe de nombreuses relations donnant la vitesse du son en fonction des grandeurs du milieu
(température T en °C, salinité S en ppm (partie par millier), lesquelles à leur tour varient aussi
avec la profondeur y (en mètres, comptée négativement). Citons les principaux :
- formule dite classique (celle que j’adopterai par la suite) :
(14)
- formule de Claude Leroy (éminent spécialiste que j’ai eu l’honneur de connaître chez
Thomson-Sintra, à Aubagne) :
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- formule de H. Medwin :
- formule de K. V. Mackenzie :
A cause de la courbure des rayons acoustiques sous-marins, dans certaines conditions des
zones d’ombre acoustique existent rendant impossible la détection par sonar de surface d’une
source acoustique tapie dans ces zones. C’est une des raisons pour laquelle, pour s’affranchir
des zones d’ombre, on emploie des sonars installés dans des corps remorqués à une
profondeur suffisante depuis les bateaux de surface.
Dans tout ce qui suit, je me limiterai au cas d’une mer stratifiée verticalement selon des
couches épaisses où le gradient de vitesse du son est linéaire ; et je ne tiendrai pas compte,
dans le calcul des rayons acoustiques, des effets d’absorption et de diffusion des ondes
sonores, ces aspects nécessitant des développements assez complexes.
Equation des rayons acoustiques dans l’eau
Avec la même orientation géométrique adoptée pour le cas de l’air, les rayons acoustiques
sous-marins suivent la même loi de Descartes (1) :
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l’angle θ étant compté entre la verticale Oy et la tangente au rayon, dans le sens des aiguilles
d’une montre : égal à 0 quand la tangente est sur l’axe Oy dirigée vers le haut, égal à 90° si elle
est horizontale dirigée dans le sens Ox positif, égal à 180° si elle est sur l’axe Oy dirigée vers le
bas (figure 5).
figure 5 – géométrie du problème
A partir des relations :
on obtient :
compte tenu de la valeur de σ = sin θ0 /c0 qui introduit une dépendance paramétrique en θ0
pour une immersion donnée de la source sonore, l’expression précédente aboutit à
l’intégration :
(15)
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qui est généralement difficile à calculer.
Avec exactement le même raisonnement que celui employé dans le cas aérien, nous arrivons à
la même équation différentielle (4) qui fait intervenir le gradient de vitesse g(y) :
(4)
mais elle n’est pas plus facilement calculable que (15) dans le cas général.
Si l’on se souvient, en mathématiques, que toute courbe différentiable est localement tangente
à un cercle, dit cercle osculateur, dont le rayon est, par définition, le rayon de courbure de la
courbe au point de tangence, alors une façon de s’en sortir consiste à déterminer le rayon de
courbure des tracés acoustiques en chacun de leurs points et de reconstruire ces tracés
comme une succession d’arcs de cercle ayant pour rayons ces rayons de courbure. Les points
de raccordement de ces arcs seront, comme on va le voir, les points où le gradient de vitesse
change, c’est-à-dire les « coudes ».
Dans la suite, je vais d’abord calculer le rayon de courbure en chaque point d’une trajectoire
acoustique : nous verrons qu’il est simplement lié au gradient de vitesse du son ; puis je
considérerai les cas très simples, mais très pratiques, où les gradients restent constants sur
des plages d’immersion importantes, et nous verrons comment se raccordent deux arcs de
cercle pour reconstituer le tracé acoustique.
La méthode, bien qu’étant une simplification abusive de la propagation acoustique sous-marine,
est instructive dans le principe car elle indique ce qui se passe entre deux coudes consécutifs
du profil de vitesse. Or dans la réalité, le profil de vitesse est une succession de coudes très
rapprochés, voire infinitésimalement rapprochés ; de sorte que l’application de ce principe à
chaque coude du profil obtenu par discrétisation de celui-ci, fournit une méthode de calcul des
tracés.
Rayons de courbure des tracés acoustiques
Reportons-nous à la figure 5.
Par définition le rayon de courbure en un point de coordonnées (x, y) de la courbe de longueur
élémentaire ds est :
Or : ds = dy/cos θ, et la différentiation de la loi de Descartes (1) donne : cos θ dθ = σdc(y).
Comme le gradient de vitesse est g = dc/dy, le rayon de courbure s’écrit simplement :
ainsi, le rayon de courbure dépend de l’immersion y, par l’intermédiaire du gradient de vitesse
du son g(y), et est paramétré par l’angle d’émission du son :
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(16)
On a donc le résultat important suivant :
En acoustique sous-marine, si le gradient de vitesse du son est constant (g = constante),
autrement dit, si la vitesse du son varie linéairement avec la profondeur, les rayons
acoustiques sont des arcs de cercle dont le rayon R dépend de l’angle initial θ0 sous
lequel le son a été émis depuis la source (R est grand si cet angle est proche de 0 ou de
180°, et est petit s’il est proche de 90°).
Comme j’ai adopté les immersions correspondant à y < 0, lorsque la vitesse du son augmente
avec la profondeur, j’ai un g < 0 (et vice versa quand c diminue avec la profondeur). En fait,
dans la littérature, il est convenu d’orienter l’axe Oy vers le bas de sorte que l’on a y > 0 pour
les immersions, et l’on a par conséquent un gradient positif lorsque c augmente avec la
profondeur. Je n’ai pas suivi cette convention ici : il suffira alors, lorsque j’emploie g < 0, de dire
qu’il s’agit d’un gradient « positif » de vitesse, et lorsque g > 0, qu’il s’agit d’un gradient
« négatif » !
Cette remarque faite, la relation (16) montre que pour g < 0 (gradient « positif »), le rayon de
courbure est négatif, donc la courbe de concavité tournée vers le bas dans mon orientation
d’axe Oy (orientation somme toute à celle d’un repère direct) ; et inversement, pour g > 0
(gradient « négatif »), R est est positif, donc la courbe de concavité tournée vers le haut (figure
6).
figure 6 – rayons de courbure des tracés acoustiques selon le gradient de vitesse du son
Tracés acoustiques sous-marins avec changement de gradients de vitesse
linéaires (« coude »)
Dans ce qui suit, le cas de deux profils linéaires de vitesse du son changeant au niveau du
« coude » K d’immersion yK est présenté.
Je présente, pour chaque angle initial θ0, l’équation du premier arc circulaire correspondant à
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un gradient g1, la position du point K de coordonnées (x K, yK), le calcul de son abscisse x K
nécessitant quelque précaution, ainsi que l’équation du second arc de cercle correspondant au
gradient g2, qui se raccorde au premier en K.
J’examinerai ensuite les deux cas suivants :
celui où g1< 0 (gradient « positif ») est suivi de g2 > 0 (gradient « négatif ») : il existe
dans ce cas une zone d’ombre acoustique qui limite la portée de détection des sonars
(portée limite) que je calculerai ;
celui où g1 > 0 (gradient « négatif ») est suivi de g2 < 0 (gradient « positif ») : lorsque,
après avoir parcouru l’arc de cercle (C 2), le rayon acoustique atteint l’immersion y K du
coude, il remonte et se rapproche de la surface ; on parle alors de « résurgence » du
rayon sonore émis par la source d’immersion y 0. La distance de résurgence peut être
calculée aisément ; un récepteur près de la surface placé à cette distance de la source
immergée même profondément peut détecter le son émis par celle-ci. Cette possibilité
est exploitée en détection sous-marine.
Tracé des rayons acoustiques depuis la source dans un gradient de vitesse
du son g1
Reportons-nous à la figure 7 qui illustre la géométrie du problème.
figure 7 – cas d’un seul changement de gradient en K
Le rayon acoustique parcourt le trajet AKB
Soit R1 le rayon du cercle, passant par la source de coordonnées (0, y 0), correspondant au
premier gradient de vitesse g 1. Le centre de ce cercle a pour coordonnées C 1 (x1, y1). Un calcul
élémentaire de trigonométrie montre que celles-ci sont :
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(17)
où R1 est calculé par (16) pour ce gradient et cet angle initial :
(18)
L’équation du cercle est :
ce qui conduit à exprimer y en fonction de x avec une ambiguïté sur le signe :
Cette ambiguïté est levée en écrivant que le cercle passe par la source de coordonnées (0, y 0).
La figure 7 montre en effet qu’en x = 0 :
L’équation de la trajectoire sonore est en définitive, pour cette partie :
(19)
Il faut déterminer l’abscisse x K du point K où s’effectue le changement de courbure du rayon
acoustique.
Abscisse du point K où s’effectue le changement de courbure du rayon
acoustique
Le point K appartient au cercle de centre C 1 et de rayon R1. Son ordonnée yK étant donnée, on
serait tenté d’inverser (19) pour exprimer x K en fonction de yK sans plus de précaution. En fait
on a cette inversion avec une ambiguïté de signe :
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La levée de cette ambiguïté doit tenir compte de l’immersion relative de la source et du coude
K. En effet :
-
si l’on choisit :
alors xK < x1 si R1 < 0 auquel cas K est au-dessous de A (source), donc : yK – y0 < 0 ;
ou xK > x1 si R1 > 0 auquel cas K est au-dessus de A, donc : yK – y0 > 0
-
si l’on choisit :
alors xK > x1 si R1 < 0 auquel cas K est au-dessus de A, donc : yK – y0 > 0 ;
ou xK < x1 si R1 > 0 auquel cas K est au-dessous de A, donc : yK – y0 < 0
Conclusion : quel que soit le signe de R1, on a :
(20)
Ainsi, il faut d’abord regarder les immersions relatives de la source A et du coude avant de
calculer la position de K.
Nous avons besoin maintenant de déterminer l’angle du rayon acoustique au point K qui servira
de nouvel angle initial pour calculer le rayon du deuxième arc de cercle qui correspond au
nouveau gradient de vitesse.
Angle θK de la tangente au point K du trajet acoustique correspondant au
premier gradient g1
La tangente de cet angle est immédiatement donnée par la dérivée en K de la courbe y = y(x)
exprimée par (19) :
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(21)
Remarquons que : tan θK > 0 si 0 ≤ θK ≤ π/2 et tan θK < 0 si π/2 ≤ θK ≤ π.
L’angle θK intervient dans le rayon de courbure R 2 du deuxième arc de cercle qui suit le point
K:
(22)
Les nouvelles conditions initiales pour le deuxième cercle étant prises en K, la vitesse du son à
considérer est cK = c(yK). Celle-ci est déduite de la vitesse du son à la source grâce au premier
gradient :
soit :
(23)
Le sinus intervenant dans l’expression (22) se calcule aisément à partir de (21) :
(24)
qui est toujours positif puisque 0 ≤ θK ≤ π.
Tracé des rayons acoustiques depuis le coude (K) dans un gradient de
vitesse du son g2
A partir du point K les rayons acoustiques, qui arrivent avec un angle d’incidence θK, suivent un
deuxième arc de cercle de rayon R 2 et de centre C2 (x2, y2). Se reporter à la figure 7 pour les
conventions géométriques.
Les coordonnées du centre C2 sont :
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(25)
où sin θK est donné par (24) et cos θK s’obtient à partir de (24) et (21) par :
(26)
Tout comme pour le premier arc de cercle, l’équation du deuxième cercle est affectée d’une
ambiguïté de signe :
Le signe est déterminé en écrivant que le deuxième cercle passe par K : x = xK → y = yK
En utilisant (20), tout comme précédemment on trouve comme équation du deuxième cercle :
(27)
Cône d’ombre et portée limite
Dans le cas où un gradient « négatif » succède à un gradient « positif » (c’est-à-dire lorsque g2
> 0 succède à g1 < 0, selon la convention adoptée dans cet article), et pour un angle initial θ0m
(dit « angle limite ») tel que l’on ait au coude θK = π/2 (tangente horizontale en K), il apparaît
une zone d’ombre à partir de K (voir figure 8).
En effet lorsque le rayon acoustique arrive en K, il s’infléchit vers le bas, par conséquent toute
cible ou source sonore placée au-delà de K, mais située au-dessus du deuxième arc de cercle
de rayon R2 > 0 (toujours selon l’orientation adoptée ici) ne pourra pas être détectée ou
insonifiée par l’émetteur (ou récepteur) A située à l’immersion y 0.
Il s’ensuit que la distance entre K et A est une distance limite de détection (ou portée limite) :
elle est donnée par l’abscisse xK du point K.
Dans cette configuration les deux cercles, tangents en K, sont le premier au-dessus du second,
leurs centres et K sont alignés sur la même verticale d’abscisse x K.
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figure 8 – cône d’ombre acoustique
La portée limite est donc :
et d’après la valeur de R1 :
(28)
La valeur de la portée limite est bien positive puisque g 1 < 0 et θ0m > 90° (donc tan θ0m < 0).
Calcul de l’angle limite :
De θK = 90° on tire 1/tan θK = 0 donc x1 = x2, donc d’après (20), ((yK – y1)/R1)² = 1.
Or yK - y1 = (yK - y0) + (y0 - y1) = (yK - y0) + R1 sin θ0m = R1 = c0 /(g1 sin θ0m), d’où :
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(29)
Résurgence
Cette fois, lorsque g2 < 0 succède à g1 > 0, le trajet acoustique peut passer au moins deux fois
à l’immersion du coude yK et donc changer de courbure (figure 9). Après avoir parcouru les
deux premiers arcs de cercle de rayons respectifs R 1 et R2, il aborde le troisième arc de cercle
en K’, de même immersion que y K, sous un angle θ’K que je vais calculer, et dont le rayon R 3
dépend de ce dernier. En un point B distant de R 3, situé au-dessus de C3 sur la même
verticale, donc de même abscisse x 3 que C3, il est donc possible de détecter le son émis
depuis la source initiale A. Il y a résurgence en B du rayon sonore émis par A, et x 3 est la
distance de résurgence.
Je propose ici de calculer cette distance de résurgence ainsi que la profondeur maximale du
point F par lequel passe le rayon acoustique que l’on peut détecter depuis B.
figure 9 – principe de la résurgence d’un rayon acoustique
Calcul de x3 : on est dans le cas yK - y0 < 0, donc
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Des relations (25), (17) et de :
il vient pour xK :
Par ailleurs, l’application de (21) en K’ donne :
qui, compte tenu de (25), devient :
(30)
ce qui montre que, puisque θK > π/2, on a : θ’K = π - θK < π/2.
De (21) et de (23) on tire aussi :
Comme tan θK < 0, c’est le signe «-» qui est retenu, donc :
On a aussi :
Finalement, la distance de résurgence est :
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(31)
Calculez vous-mêmes !...
En cliquant sur le lien ci-après vous pourrez obtenir des tracés du même type en entrant les
grandeurs suivantes : immersion y0 de la source sonore, immersion y K du coude, la vitesse du
son c0 à l’immersion de la source, les gradients de vitesse du son g 1 = (dc/dy)1 et g2 = (dc/dy)2
pour les couches de l’océan ou de la mer de part et d’autre du coude, et différents angles
d’émission θ0 qui vont déterminer les séries de rayons acoustiques (il y a cinq séries).
Ce petit fichier excel calcule alors, selon les équations ci-dessus, les abscisses x K du coude, les
angles θK des rayons au coude et les tracés des rayons acoustiques pour chaque valeur de θ0.
En l’absence de changement de gradient (pas de coude) entrer y K = y0 et g1 = g2.
tracés des rayons acoustiques dans l’eau
BIBLIOGRAPHIE
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de la Défense, Délégation Générale pour l’Armement, GERDSM Le Brusc (Six-Fours-lesPlages) 30 janvier 1990
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oceans – J. Acoust. Soc. Am., 58 n°1, 1975, p. 97-109
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