Dubaï, une place du marché de l`art en devenir
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Dubaï, une place du marché de l`art en devenir
DÉCODAGE ART DUBAI PAGE 06 LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 341 / MARDI 19 MARS 2013 Dubaï, une place du marché de l’art en devenir PAR ROXANA AZIMI Pour qui a connu la première édition de la foire Art Dubai voilà sept ans, le paysage artistique local a connu de vrais bouleversements, avec le développement de quartiers de galeries dans le district financier du DIFC et sur l’avenue Al Serkal, laquelle fait penser au quartier de Dashanzi à Pékin, version miniature. « La scène artistique a énormément évolué ces cinq dernières années avec l’apparition de nombreuses nouvelles galeries. Nous n’étions encore qu’une dizaine voilà quelque temps et aujourd’hui nous sommes une petite quarantaine, souligne la galeriste Isabelle van den Eynde. Le marché est également en évolution constante, et celui-ci repose sur de nombreuses initiatives qui ont vu le jour dans la région (notamment au Qatar, en Arabie Saoudite...) et qui ont des répercussions à Dubaï, qui reste la place commerciale indiscutable de l’art ». Certes l’émirat a eu les yeux plus gros que le ventre, et a succombé à des mirages immobiliers qui ont plombé son économie. 2012 a d’ailleurs été une année plutôt blanche pour les galeries et le volume des ventes de Christie’s a continué de chuter, passant de 19,43 millions de dollars en 2011 à 12,3 millions de dollars. Mais après la crise foudroyante de 2008 qui a fait vaciller ses assises, Dubaï manifeste une certaine résilience. Les mauvais jours sont-ils pour autant oubliés ? « Le très mauvais souvenir est omniprésent, un peu comme un arrière-goût. En termes de chiffres, nous n’avons pas encore récupéré les pertes de 2009 », admet Kourosh Nouri, directeur de la galerie Carbon 12. Le marché reste d’ailleurs encore à ses prémices. « La nouvelle vague de collectionneurs n’a pas encore émergé dans les pays de la région comme nous l’attendions », poursuit Kourosh Nouri. DOUCEMENT, LES MENTALITÉS CHANGENT, ET LES COLLECTIONNEURS SE METTENT LENTEMENT AU PARFUM OCCIDENTAL. Le collectionneur Farhad Farjam a acheté Bertrand Lavier, tandis que Ramin Salsali, qui possède aussi des peintres allemands, entend créer un pont entre l’Orient et l’Occident. « Les galeries à Dubaï montrent un nombre croissant d’art qui n’est pas du Moyen-Orient, ce qui reflète l’évolution des goûts des collectionneurs, dont la base significative se rend souvent dans les foires internationales, observe le galeriste de Dubaï William Lawrie. Les achats sont devenus moins nationalistes qu’autrefois, et les collections sont maintenant plus mélangées qu’il y a deux ou trois ans. Des acheteurs qui encore récemment ne regardaient que des artistes du Moyen-Orient peuvent acheter maintenant des œuvres fortes d’artistes étrangers relativement inconnus. À une Ramin Haerizadeh, Not Yet Titled, 2012, collage, encre et rouge à lèvre, 100 x 70 cm. Courtesy Galerie Isabelle van den Eynde, Dubaï. autre échelle, des artistes établis comme Gormley, Kapoor and Hirst sont appréciés par certains collectionneurs du cru ». Kourosh Nouri a un sentiment plus mesuré sur l’appétence des acheteurs locaux pour l’art non oriental. « En ventes publiques, il y a encore le facteur de fierté nationale. Un artiste régional totalement inconnu peut dépasser les 20 000 dollars, alors qu’un artiste dix fois plus établi est ravalé, souligne-t-il. Ce sont des signes clairs de non maturité. On a du coup un marché découpé en trois segments : des galeries sérieuses et professionnelles avec un vrai programme artistique ; les ventes publiques qui ont des critères purement de marché ; et des galeries obscures, qui réussissent très bien commercialement en vendant des artistes tout aussi obscurs à des prix élevés, profitant ainsi du manque de connaissances et de familiarité avec le marché international ». SUITE DU TEXTE P. 7 DÉCODAGE ART DUBAI Dubaï, une place du marché de l’art LE QUOTIDIEN DE L’ART / NUMÉRO 341 / MARDI 19 MARS 2013 PAGE 07 Les galeries ont aussi un autre souci : elles ne bénéficient pas d’une fréquentation continue toute l’année. Sorti de la semaine d’Art Dubai, le business est plus dilaté et compliqué. « Art Dubai a été une plateforme formidable pour encourager des gens qui n’étaient pas collectionneurs à acheter des œuvres sur la foire. Ma seule inquiétude, c’est que c’est devenu une date tellement clé dans le calendrier que toutes les galeries font leurs événements à ce moment-là. Ce serait mieux si les événements étaient plus répartis tout au long de l’année, surtout au second semestre, où le focus est sur Abu Dhabi Art dans l’émirat voisin », remarque William Lawrie. SUITE DE LA PAGE 6 AUSSI, LES GALERIES DOIVENT-ELLES DIVERSIFIER LEUR CLIENTÈLE À L’INTERNATIONAL. William Lawrie, qui réalisait voilà deux ans 60 % de son chiffre d’affaires dans la région, a vu la quote-part se réduire à 40 %, grâce notamment à ses nombreuses participations dans les foires étrangères. De son côté, Carbon 12 possède une clientèle à 98 % internationale. « Je dois néanmoins mettre l’accent sur l’ouverture des jeunes collectionneurs et des nouveaux venus. Il y a un tel enthousiasme et une volonté d’apprendre. Je ne pense pas qu’on puisse trouver cela ailleurs à cette échelle », estime Kourosh Nouri. Même si un écosystème artistique se met en place, Ghazel, Marée Rouge 05, 2012, crayon et acrylique sur carte iranienne imprimée, 100 x 140 cm. Courtesy Gallery Carbon 12, Dubaï. il manque à l’émirat des centres d’art solides, des musées et un appareil critique. « Il y a encore beaucoup à faire pour attirer les visiteurs qui sont là pour les affaires ou les touristes, admet William Lawrie. L’autre problème, c’est les coûts relativement élevés pour les logistiques dans un endroit où très peu d’artistes sont résidents et où tout doit être importé. Mais il y a des avantages : les loyers à Al Serkal sont relativement bas ; la présence d’une population diverse d’expatriés et d’Émiratis ; une taxe à l’importation basse de 5 % ; et le relatif libéralisme de Dubaï comparé à ses voisins. » Un « détail » non négligeable. Votre abonnement annuel pour 19 €/mois pendant 12 mois Retrouvez toutes nos formules sur le site dans la rubrique «Abonnements»
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