recherche des hemolysines chez les donneurs de sang

Transcription

recherche des hemolysines chez les donneurs de sang
Article Original
RECHERCHE DES HEMOLYSINES CHEZ LES DONNEURS DE SANG
N. LOUATI, J. CHERIF, I. BEN AMOR, H. REKIK ET J. GARGOURI
CRTS de Sfax
Résumé
Le système de groupe sanguin ABO est caractérisé par les anticorps sériques naturels. Il existe, en plus et en
réponse à certains stimuli, des anticorps immuns encore appelés hémolysines en raison de leur pouvoir
hémolysant. Chez les donneurs de sang, ces hémolysines peuvent induire des hémolyses parfois importantes
lorsque le sang est transfusé en compatible non iso-groupe. Nous avons voulu situer le taux des hémolysines
dans notre population afin de prédire de l’intérêt de la systématisation de leur recherche chez tous nos
donneurs de sang. Notre étude a concerné 2824 donneurs, dont 1541 de sexe masculin, appartenant à
plusieurs tranches d’âge : 18-20 ans, 21-24 ans, 25-29 ans, 30-34 ans, 35-39 ans et 40-45 ans. La technique
utilisée est celle de l’hémolyse d’hématies A1 et B en présence du complément. Parmi les donneurs étudiés,
132 avaient des hémolysines, soit 4,67 %. L’étude selon le sexe a montré un taux d’hémolysines à 4,41 %
chez les hommes et 4,99 % chez les femmes (différence non significative : p = 0,471). L’étude selon la
tranche d’âge a montré des taux d’hémolysines variables allant de 2,78 % à 6,5 % (différences non
significatives, p = 0,1). L’étude selon la tranche d’âge et le sexe a montré des taux très variables
d’hémolysines allant de 0,91 % à 7,92 %. L’étude selon le groupe sanguin ABO a montré les taux suivants :
6,62 % chez les donneurs de groupe O (2,81 % anti A, 1,83% anti B et 1,98 % anti A et anti B), 2,08 %
dans le groupe A, et 5,04 % dans le groupe B. la différence entre les taux retrouvés chez les donneurs de
groupe O et ceux de groupe non O est significative (p < 0,001). L’étude selon le sexe et le groupe sanguin a
montré des taux allant de 1,87 % à 7,76 %. Enfin, 26 parmi les 1313 donneurs de groupe sanguin O ont
présenté 2 hémolysines (anti A et anti B), soit 1,98 %.
Mots clés : Hémolyse – Ac immuns – hémolysines – donneurs de sang – sécurité transfusionnelle
nature IgG. Elles sont difficilement absorbables par
les antigènes A et B solubles et peuvent donc
entraîner des hémolyses chez les receveurs de sang.
Le cas le plus éloquent étant le donneur universel
dangereux (sujet O avec hémolysines anti A et/ou
anti B). les hémolysines peuvent, enfin, traverser la
barrière foetoplacentaire et être responsable de la
maladie hémolytique du nouveau-né.
1. INTRODUCTION
Le système de groupes sanguins ABO est
caractérisé par la présence constante, dans le sérum
de l’individu, des anticorps correspondant aux
antigènes absents de la surface du globule rouge.
Ce sont les Ac naturels. Ces derniers sont réguliers,
de nature IgM, agglutinants et ayant un optimum
thermique à 4° C. Par ailleurs, sous l’influence de
divers stimuli supplémentaires de l’environnement,
certains sujets peuvent développer des anticorps
anti érythrocytaires anti A et/ ou anti B irréguliers
dits immuns. Ces derniers proviennent par :
- Allo immunisation : c’est le cas d’une grossesse
ABO incompatible ou d’une transfusion de
produits sanguins contenant des hématies ABO
incompatibles (PFC, CSP...),
- ou hétéro immunisation telle que par vaccination,
sérothérapie, ou par certaines préparations
pharmaceutiques contenant des substances de
groupes sanguins …
Contrairement aux anticorps anti A et anti B
naturels, les anticorps immuns sont fortement
hémolysants car ils sont capables de déclencher la
cascade complète du complément. On parle ainsi
d’hémolysines. Ces dernières sont caractérisées par
un maximum d’activité à 37°C et sont surtout de
J.I. M. Sfax, N°15/16 ; Juin 08 / Déc 08 : 17 - 19
La détection des anticorps naturels se fait par
l’épreuve indirecte de Simonin. Celle des anticorps
immuns peut se faire, soit par la technique de
Coombs indirect en utilisant des substances de
groupe solubles permettant d’absorber les anticorps
naturels, soit par destruction à la chaleur, ou par la
recherche directe de l’effet hémolysant de ces
anticorps.
L’objectif de notre travail est la recherche des
hémolysines anti A et anti B dans le sérum des
donneurs de sang. Ce qui nous permettra d’utiliser
ces résultats pour la pratique courante dans le cadre
de la sécurité transfusionnelle.
2. MATERIEL
Il s’agit d’une étude prospective qui a consisté en
une recherche des hémolysines anti A et/ou anti B
17
RECHERCHE DES HEMOLYSINES CHEZ LES DONNEURS DE SANG
dans les sérums de 2824 donneurs de sang, âgés de
18 à 45 ans dont 1541 hommes et 1283 femmes.
La recherche d’hémolysines a été réalisée au centre
Régional de transfusion Sanguine de Sfax durant
les mois de Juillet-Août 2008.
Tubes
Sérum à étudier
Sérum AB
Eau physiologique
GR A1 à 10%
GR B à 10%
Anti A
1
3 gttes
2 gttes
1gtte
-
Anti B
2
3gttes
2 gttes
1gtte
3. METHODE
3.1 - Technique :
Chaque sérum étudié a été testé contre les hématies
A1 et/ ou B (selon le groupe sanguin de chaque
donneur).
¾ Dans une série de tubes à hémolyse, mettre :
T(S)*
3
3gttes
2gttes
1gttes
-
T(C)*
4
2 gttes
3gttes
1gtte
-
T(GRA1)*
5
5gttes
1gtte
-
T(GRB)*
6
5gttes
1gtte
* T(S) : témoin sérum (inactivation complète du complément).
T(C) : témoin complément (absence
d’hémolysines dans le complément). T (GRA1) : témoin globules rouges A1. T (GRB) : témoin globules
rouges B.
¾ Incuber 45 mn à 37°C et centrifuger.
7%
3.2 - Lecture et interprétation des résultats :
Taux d'hémolysines
6%
¾ Hémolyse totale (après centrifugation,
absence de culot globulaire avec un surnageant
teinté).La présence d’hémolyse totale dans le tube
1 et/ou 2 indique la présence d’hémolysines anti A
et/ou B.
¾ Absence d’hémolyse (après centrifugation,
présence d’un culot globulaire avec un surnageant
clair).
¾ Pour la validation de la réaction, les tubes
témoins : T(S), T(C), T (GRA1), T (GRB) ne
doivent présenter aucune trace d’hémolyse.
4.
4%
3%
2%
1%
0%
18-20
21-24
25-29
30-34
35-39
40-45
Tranches d'âge
Figure 1 : Taux des hémolysines en fonction des
tranches d’âge
L’étude selon la tranche d’âge et le sexe a montré
des taux très variables d’hémolysines allant de 0,91
% à 7,92 %. Les résultats selon les différentes
tranches d’âge et le sexe sont représentés dans la
figure 2. D’un point de vue statistique, les
différences entre les taux masculins et féminins
dans chacune des tranches d’âge (18-20 ans et 2124 ans) ont été significatives (p = 0,001 pour 18-20
ans et p = 0,03 pour 21-24 ans).
L’étude selon le groupe sanguin ABO a montré les
taux suivants : 6,62 % chez les donneurs de groupe
O (2,81 % anti A, 1,83% anti B et 1,98 % anti A
et anti B), 2,08 % dans le groupe A, et 5,04 % dans
le groupe B. la différence entre les taux retrouvés
chez les donneurs de groupe O et ceux de groupe
non O est significative (p < 0,001).
L’étude selon le sexe et le groupe sanguin a montré
des taux allant de 1,87 % à 7,76 %. Les résultats
selon le sexe et le groupe sanguin sont représentés
dans la figure 3. A noter que la différence entre les
2 sexes pour le même groupe sanguin n’est pas
significative.
RESULTATS
4.1-Résultat global :
Sur les 2824 sérums étudiés, 132 soit 4,67 % ont
présenté une hémolyse totale dans l’un ou les deux
tubes. Ce qui signifie la présence d’une ou deux
hémolysines.
4.2- Résultats analytiques :
L’étude selon le sexe montre un taux
d’hémolysines à 4,41 % chez les hommes et 4,99 %
chez les femmes (différence non significative : p =
0,471).
L’étude selon la tranche d’âge a montré des taux
d’hémolysines variables allant de 2,78 % à 6,5 %
(différences non significatives, p = 0,1). Les
résultats selon les différentes tranches d’âge sont
représentés dans la figure 1.
J.I. M. Sfax, N°15/16 ; Juin 08 / Déc 08 : 17 - 19
5%
18
N. LOUATI et al.
et dans la tranche d’âge 21-24 ans entre le sexe
masculin (3,7 %) et celui féminin (7,92 %). Ces
différences, ne pouvant être le résultat de la seule
immunisation obstétricale, peuvent s’expliquer par
une plus grande sensibilité du sexe féminin aux
antigènes vaccinaux reçus plus tôt.
Enfin, le très faible taux d’hémolysines anti A et
anti B chez les sujets de groupe O (1,98 %) nous
rassure de l’éventualité d’accident par donneur
universel dangereux.
D’autres études, toutes anciennes, ont été réalisées
sur le sujet et ont montré des résultats variables
dont les plus proches concernent une étude
française (2). En effet, dans son étude portant sur
1000 donneurs de sang de groupe O, Garretta a
trouvé un taux d’hémolysines anti A à 7 %. La
même étude a été faite par la technique d’inhibition
de l’agglutination par les substances de groupe
solubles A et B et a montré un taux d’hémolysines
anti A à 3,8 %. Cette deuxième technique est plus
intéressante car plus facile à adapter aux automates.
Plusieurs études nigérianes ont également été
réalisées et ont montré des taux d’hémolysines
élevés. Kulkarni (3), dans une étude sur 4380
donneurs de sang de groupe sanguin O (46,9 %des
DDS) a trouvé un taux d’hémolysines à 32,3 %.
Emeribe (4), dans une étude sur 602 donneurs de
groupe ABO a trouvé un taux d’hémolysines à
21,4 % avec des variations selon les groupes : GS
A = 12,1% antiB, GS B = 5 % anti A, GS O = 30,6
% anti A et/ou anti B. Enfin, plus récemment,
Olawumi (5) a trouvé, dans son étude sur 250
donneurs de groupe O, 23,2% d’hémolysines avec
une fréquence 2 fois plus élevée d’anti B et une
absence de corrélation avec le sexe et avec l’âge.
Enfin, 26 parmi les 1313 donneurs de groupe
sanguin O ont présenté 2 hémolysines (anti A et
anti B), soit 1,98 %.
10%
Taux des hémolysines
8%
6%
H
F
4%
2%
0%
18-20
21-24
25-29
30-34
35-39
40-45
Figure 2 : Taux d’hémolysines en fonction des
tranches d’âge et du sexe
Taux des hémolysines
10%
8%
6%
H
F
4%
2%
0%
groupe O
groupe A
groupe B
Figure 3 : Taux des hémolysines en fonction du
groupe sanguin ABO et du sexe
5.
DISCUSSION
La recherche d’hémolysines chez les donneurs de
sang rentre dans le cadre de la sécurité
immunologique de la transfusion. Le fait de
transfuser du sang contenant une hémolysine peut
induire une hémolyse chez le patient. Cette
situation n’a lieu qu’en cas de transfusion
compatible non iso-groupe : sang O à un patient A
ou B ou AB, sang A à un patient AB, sang B à un
patient AB. Dans certains pays, en particulier
européens, cette recherche a été rendue obligatoire
et le sang dans lequel on met en évidence la
présence d’hémolysines doit être réservé à une
transfusion iso-groupe (1). En Tunisie, cette
recherche n’est pas obligatoire et nous n’avons pas
remarqué d’hémolyse importante chez les patients
transfusés en sang compatible non iso-groupe.
Dans notre étude, moins d’un donneur sur 20
présente une hémolysine, sans prédominance d’un
sexe par rapport à un autre, ni d’une tranche d’âge
par rapport à l’autre malgré des taux qui vont de
2,78 % à 6,5 %. En revanche, la différence a été
significative dans la tranche d’âge 18-20 ans entre
le sexe masculin (0,91 %) et celui féminin (7,17 %)
J.I. M. Sfax, N°15/16 ; Juin 08 / Déc 08 : 17 - 19
REFERENCES
1- ROUGER.PH, SALMON.CH. Les allohémagglutinines du
système ABO. Revue Française de Transfusion et d’Immunohématologie. Tome XX. -N°4-1977
2- GARRETTA.M, MULLER.A, GENER.J. Détection des
alloanticorps immuns anti-A et anti-B sur les équipements
Groupamatic. Revue Française de Transfusion et d’Immunohématologie. Tome XXI.-N°2.-1978
3- Kulkarni AG, Ibazebe R, Fleming AF. High frequency of
anti-A and anti-B haemolysins in certain ethnic groups of
Nigeria. Vox Sang. 1985 ;48 (1) :39-41.
4- Emeribe AO. The status of alpha and beta haemolysins in
Nigerian blood donors. East Afr Med J. 1990
5- Olawumi HO, Olatunji PO. Prevalence and titre of alpha
and beta haemolysins in blood group O donors in IIorin. Afr J
Med Sci. 2001; 30 (4): 319-321
19