le Champ de Mars
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le Champ de Mars
Le Champs de Mars et ses origines : les mystères du Paris maçonnique, monuments et ornements symboliques Sortie régionale Paris Ile de France du Mercredi 8 octobre 2014 Mercredi 8 octobre 2014 : nous avons rendez-vous au "Resto des sept" près de l’Ecole Militaire. Là, un repas pantagruélique attend la quinzaine d’invités que nous sommes. Jugez plutôt : avec l’apéritif de délicieuses charcuteries en abondance, puis pour chacun un jarret de veau aussi goûteux que son accompagnement de pommes de terre. Avant un café tout à fait gourmand. Parfait si la sieste était au programme ! Mais c’est tout le contraire, car notre précieuse madame Peyrat nous entraîne d’un pas gymnastique à la recherche de signes maçonniques éparpillés de l’Ecole Militaire au Trocadéro. En avant donc ! La pluie du matin a cessé mais couvre le Champ de Mars que nous arpentons de flaques d’eau au milieu d’une boue blanche et collante. Si Hercule Poireau nous pistait, il saurait tout de suite d’où nous venons ! Premier arrêt devant l’Ecole Militaire qu’un financier du temps de Louis XV, soutenu par madame de Pompadour, sut convaincre le roi de construire, alors qu’une autre école militaire existait déjà à Vincennes mais la nouvelle était destinée à former cinq cents jeunes gens pauvres. Dans le même esprit, Madame de Maintenon avait créé un internat pour y éduquer cinq cents jeunes filles pauvres. Venons-en aux francs-maçons dont l’origine, en Ecosse sans doute, n’est pas très claire pour les non initiés. Peut-être le roman s’en mêle-t-il ? Ceux des Templiers persécutés qui purent s’échapper auraient fui en Ecosse et y auraient fondé cet ordre secret. Plus assuré est le fait qu’en Angleterre au XVIème siècle, la corporation des maçons décida d’incorporer dans ses rangs des "francs" maçons, personnages sans truelles mais influents, fortunés, possédant des réseaux et pouvant trouver des marchés. On sait qu’il y eut en France dès le XVIIIème siècle, une fête des Loges à St Germain en Laye. Voltaire en 1726 était en Angleterre où il découvrit et apprécia la franc-maçonnerie dont la France serait le second pays d’accueil, et c’est en France que Mozart fut initié. Louis XV puis Louis XVI le furent également malgré l’hostilité de l’Église dont ils étaient les défenseurs attitrés ; il y a là un vrai paradoxe. A leur tour, tous les chefs révolutionnaires le furent aussi à l’exception notoire de Robespierre. En France, la première Loge fut la "grande Loge de France" suivie à cause d’une scission du "grand Orient de France" dont Philippe-Egalité fut Grand-Maître. On y reprenait les symboles des corporations, les grades d’apprenti, compagnon, maître et grand maître, une spiritualité intellectuelle de gens riches s’y adjoignait, chaque groupe avait son insigne. Le grand Orient faisait allusion au Christ, le triangle signifiait la stabilité et les pyramides d’Égypte censées résulter d’une science aussi antique que mystérieuse. Ajoutons la mythologie et des légendes bibliques en un savant amalgame propre à faire rêver et à faire peur ! Toutes ces explications données, revenons au Champ de Mars sur lequel nous pataugeons ! Nous le découvrons envahi de tentes blanches qui ne font pas notre affaire car le "mur de la Paix" que nous devions voir de près n’est pas accessible. Ce Champ de Mars au nom viril fut acheté par Louis XIV aux religieux de SainteGeneviève et de Saint-Germain-des- Prés ; il était assez vaste pour y faire manœuvrer ensemble les cent mille soldats du roi. En 1790, c’est ici que trois cent mille personnes assistèrent à la fête de la Fédération, inspirée par La Fayette, avec une messe célébrée par Talleyrand, et chacun y jura fidélité à la Nation. Ensuite, comme on sait, les révolutionnaires se divisèrent ; le camp de Desmoulins ne voulait que changer le régime alors que Robespierre voulait un changement radical qui aboutit à la Terreur. Le Champ de Mars devint son fief et celui des cérémonies dédiées à l’Etre Suprême pour qui il voulut une fête grandiose en 1794 ; ce fut pour lui le début de la fin, après quand même beaucoup d’exécutions, deux mille six cents rien que sur la place de la Concorde ! Plus tard, Napoléon Bonaparte, dont on ne sait toujours pas s’il fut maçon ou pas, se souvint qu’il avait été élève de l’Ecole Militaire vers 1784 et cet espace lui parut approprié à la cérémonie de la Distribution des Aigles. Plus tard encore, on décida de construire ici des hôtels particuliers et Napoléon III y fit tracer de larges avenues, lesquelles reçurent ensuite les noms de francs-maçons célèbres comme Paul Deschanel ou Gustave Eiffel, ce qui nous ramène à notre sujet. Et puis, ce vaste espace fut le site de plusieurs expositions universelles, en 1867, 1878, 1889, 1900, et 1937 ; leurs pavillons allaient jusqu’au Trocadéro ! Revenons donc à nos moutons. A la fin du vingtième siècle, on édifia un petit "Mur de la Paix" dont l’esthétique est discutable mais l’intention louable, même si son efficacité reste incertaine. Il fut édifié sur l’axe maçonnique allant de la statue du maréchal Joffre, un maçon, jusqu’à la place des Droits de l’Homme, en passant sous le centre de la tour Eiffel pour aboutir à l’Arche de la Défense. (Si, si, aussi étonnant que cela puisse paraître ! prenez un plan de Paris et tracer l’axe en question, vous tomberez "pile poil" sous l’Arche !...) Ce mur réalisé s’inspire du mur des lamentations de Jérusalem, ce qui lui vaut de fréquentes dégradations. Sur ses panneaux le mot "paix" est répété en plus de trente langues ; il devait à l’origine être itinérant mais reste planté en terre parisienne. Question de budget ? Quant au temple maçonnique édifié un peu plus loin il fut voulu par Michel Baroin, maçon luimême, en 1980, en prévision de l’anniversaire de 1789. Beaucoup moins connu, ce petit monument placé sur un socle, où jouent des enfants, est flanqué de deux colonnes qui ne supportent rien… que le ciel. Au sol une grosse urne de bronze avec serpents et tortues, bien sculptée mais régulièrement dégradée ; la tortue est le symbole de la Terre et de la Sagesse ; elle porte la maison de l’homme. Sa porte de bronze est toute ornée de symboles, animaux comme l’aigle ou le serpent, et humains levant les bras en grands signes incantatoires. Une fenêtre ronde s’orne d’un serpent qui se mord la queue, allusion venue d’Égypte. De petits personnages en équilibre sur les mains signifient l’harmonie de l’équilibre. Une pierre taillée en prisme rappelle l’objectif maçon de s’améliorer sa vie durant. Sur les autres murs du temple, des signes analogues et deux statues de bronze, celle d’un homme en toge les bras levés, et celle d’une femme qui représente le savoir et sa transmission, car elle guide un jeune enfant, seulement vêtu d’un chapeau conique sans pointe. Dans et sous ce temple ont lieu, paraît-il, des réunions secrètes. Chacun peut fantasmer ! On y retrouve également, gravé au centre du mur, entre les deux statues, le Triangle, emblème capital de la franc-maçonnerie , parce qu'il réunit TROIS en UN, rappelant ainsi le Ternaire des anciens. Il évoque le travail profond de l'esprit se matérialisant par l'élaboration de la thèse, de l'antithèse et de la synthèse. Et nous rejoignons maintenant la grande dame de fer, jadis mal aimée, celle qu’Emile Zola appelait "Notre Dame de la Brocante" tandis que Théophile Gautier conseillait d’y monter car c’est, disait-il, le seul moyen de ne plus la voir ! Elle aussi possède, mais de façon certaine, des salles souterraines. Quand on entreprit sa construction, en 1885, c’était en vue de l’exposition universelle de 1889. Il fallait montrer au monde que la France avait rattrapé son retard industriel par un monument exceptionnel, plus haut que le Sacré Cœur, et même le plus haut du monde à l’époque, soit trois cents mètres. C’est d’ailleurs ce problème de hauteur qui a généré son profil. La recherche avait été confiée à deux ingénieurs aujourd’hui oubliés par la faute de Gustave Eiffel : ce dernier qui s’appelait à l’époque Boni Khauesen, quel nom pour notre tour si on l’avait conservé, s’aperçut de l’intérêt de leur projet et voulut s’y associer. Il leur promit on ne sait quoi et tint ou non sa promesse mais c’est son nom seul que la postérité a retenu ! Franc-maçon lui-même il ne pouvait qu’apprécier une tour en forme de pyramide, avec trois étages qui suggèrent les trois degrés d’initiation auxquels chaque membre de l’ordre doit se soumettre. Le terrain appartenait à la ville de Paris qui offrit une concession jusqu’en 1910 et on y édifia cette tour métallique, une vraie prouesse technique ; elle pèse sept mille tonnes et ce sont des vérins mobiles qui la supportent et lui permettent de résister au vent. Elle fut construite en deux ans et posa de sérieux problèmes aux ouvriers car monter jusqu’à leur lieu de travail à pied ou en redescendre était chaque jour plus long ; il fallut leur imaginer des horaires de travail sur mesure. Cinquante ingénieurs ne furent pas de trop pour fournir les sept mille dessins des éléments à façonner et assembler ; le rivetage à chaud fut inventé là et servit ensuite pour le pont Alexandre III. En 1893, l’électricité changea la donne et Edison apporta à la tour Eiffel un ascenseur fort apprécié. En effet, les grands de ce monde conviés à l’inauguration, même le corpulent Edward VII d’Angleterre, avaient tous dû monter à pied ses 1789 marches. Curieux ce chiffre ; serait-ce dû au hasard ? On avait prévu de démonter assez vite le monstre de métal mais on installa tout en haut un atelier pour des expériences d’aérodynamisme et de résistance des matériaux, puis l’Ecole Militaire s’avisa que ce lieu haut perché pouvait servir de relais de transmission ; on y installa donc un relais de TSF puis de télévision. Dès la guerre de 1914 déjà, elle avait su se rendre utile. De sorte que la concession d’abord prolongée jusqu’en 1990 n’est plus remise en cause, que la tour a encore grandi de vingt mètres depuis sa jeunesse, et que personne aujourd’hui n’envisagerait de détruire un des fleurons du tourisme parisien. Passant de nouveau sous ses pattes, nous tentons d’observer la passerelle de verre du premier étage dont les journaux récents parlent avec pompe, disant qu’elle terrifie ou ravit les touristes, c’est selon. Vu d’en bas, ça n’a pas l’air bien conséquent ! Nous poursuivons notre errance boueuse sur les pas de notre guide, à la recherche d’une cheminée, tour de briques à demi cachée dans les arbres, qui fut utilisée sur le chantier de construction de la tour Eiffel. Nous croyons un moment qu’elle a été détruite mais non, la voilà, vestige émouvant que nous n’aurions pu déchiffrer sans aide. Nous traversons ensuite le pont d’Iéna pour monter vers la colline du Trocadéro, appelée d’abord colline de Chaillot. Elle changea de nom après qu’une reconstitution festive de la victoire de Trocadéro y ait eu lieu. Cette colline avait été choisie par Napoléon pour y installer un palais de l’administration de Paris destiné à s’appeler palais du Roi de Rome. Le projet fut abandonné pour des raisons évidentes mais un palais fut construit quand même pour l’exposition universelle de 1878. Il était, cette fois, d’inspiration mauresque et fut rasé plus tard quand on créa celui que nous connaissons, de style géométrique et radicalement différent. Le palais du Trocadéro et sa fontaine pendant l'exposition universelle de 1900, vu depuis les jardins. Wikipédia Deux pavillons remplacèrent les minarets détruits, séparés par une large esplanade. Une photo très célèbre montre Hitler qui de cette esplanade trône devant la Tour Eiffel, puis regardera vers l’École Militaire se sentant maître du monde... Wikipédia Nous contournons enfin le Trocadéro et, en passant sur l’arrière, nous voyons dans l’herbe deux hautes fenêtres de pierre installées là comme vestiges et souvenirs, l’une provenant des Tuileries et l’autre de l’Hôtel de Ville de Paris dont les émeutes parisiennes firent des feux de joie ! Nous traversons un petit jardin anglais pour ressortir sur une rue où madame Peyrat espère nous montrer la statue de Benjamin Franklin. Grand admirateur de la Révolution française, il était maçon et, à ce titre, très épris des idées de laïcité. Il habitait près d’où nous sommes, rue Raynouard, et fit là, les premiers essais de son paratonnerre sur le toit de sa maison. Sa statue le représente assis sous un acacia, ce qui est un symbole du Grand-Maître. Hélas ! Les francs-maçons sur qui nous avons glosé se vengent : le "mur de la Paix" était barricadé et hors d’atteinte. La statue de Benjamin Franklin est hors de vue, protégée de nos regards par un chantier et une palissade. Je vous assure, nous sommes victimes d’un complot maçonnique ! Textes et commentaires : Jocelyne BERNARD Photos : Annie GAUCHET A propos de Benjamin Franklin assis sous son acacia, merci internet : Rue Benjamin Franklin : Benjamin Frankin (1898) John J. Boyle (1851-1917) Benjamin Franklin (1706-1790) est un physicien, inventeur du paratonnerre, un philosophe et un homme politique américain qui participa à la rédaction de la Déclaration d’indépendance en 1776. Le socle est décoré de deux bas-reliefs en bronze, "Scènes de la vie de Franklin" réalisés par Frédéric Brou (1862-1926) en 1906. http://www.nellabuscot.com/jardins_paris_trocadero_place.php