Texte - Université de Liège

Transcription

Texte - Université de Liège
Christian De Bruyn,
D dévoué
E élégant
B brillant sportif
R respectueux des étudiants
U unique en son genre
Y= α+βX+ε
Tel est ChristiaN
Pionnier incompris, maître de Grand Œuvre, théoricien pourfendeur des concepts
éculés que sont les fonctions d’entreprise, ou chercheur de l’inaccessible étoile, Christian est
aussi un poète, un homme de lettres à la plume ailée et aux schémas raffinés; sportif à ses
heures, il manie avec bonheur la balle, la pelote, le palet ou le tatami. Il ne ferait pas bon de le
provoquer en duel au coin d’une rue tortueuse du Carré, car par une transformation où il
excelle, il passerait de l’enseignement des systèmes au feedback du système karatéen,
projetant le malheureux filou dans un système hospitalier Belge que Christian connaît pour
l’avoir scientifiquement investigué,…trituré, torturé, questionné, sublimé par un fantôme de
modèle nommé GHOST, qui hante ses jours et sa station Unix depuis plus de 3 ans.
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Pour en connaître plus sur GHOST, qui est peut-être l’abréviation de gestion hospitalière
totalisante, et surtout pour goûter à la dernière publication en 4 tomes de Christian, qui
s’intitule : Exposés de systémique en gestion, avec référence à la gestion hospitalière, prière
de consulter le site :
http://www.eaa.egss.ulg.ac.be/seminaire/wp/OtherEAA-2003-Debruyn.PDF
Vous ne pouvez pas le rater si vous vous laisser guider par la providence, le hasard et la
nécessité ou plus simplement par la recherche des working papers électroniques de notre
département de gestion.
En 10 pages magistrales et agréables à lire, vous aurez une vision onirique et synthétique de
la pensée cédébéenne qui se termine par un graphe alléchant et léché de la plus belle facture.
(le bon de commande préalable à l’achat du livre que je vous recommande vivement est à
adresser à l’Imprimerie Wallonne des Communes, 27, Bd Cuivre et Zinc, 4000 Liège ;
e-mail : [email protected].)
Si vous achetez ce livre, vous découvrirez avec ravissement qu’il est édité avec un
raffinement extrême, bien à l’image de Christian.
C’est plus qu’un livre, ce sont 4 tomes appelés Tome du LEVANT, Tome NORD, Tome
SUD, Tome d’OUESSANT.
Si vous achetez ce livre et si, contrairement au bourgeois gentilhomme qui
collectionnait les beaux livres sans les ouvrir, si vous le lisez, surtout suivez le conseil de
l’auteur : c’est un hyper-texte qui se déguste à petits coups au hasard de vos coups de cœur ou
de vos insomnies, de vos émerveillements ou de vos étonnements. Il se déguste d’autant
mieux que votre culture générale est étendue. Chaque discipline y retrouvera ses petits,
habillés par l’auteur. Prodigieuse auberge espagnole, où vous retrouverez vos connaissances,
éparses d’habitude, comme agrandies et ordonnées dans une vision systémique originale.
Christian, qui est sérieux dans ses équations, innovateurs dans ses concepts, très soigné dans
ses graphes, l’est moins dans son texte car il y pratique volontiers l’auto-dérision.
Faisons ce qu’il nous déconseille, commençons par les premières pages : on y découvre une
stèle au système inconnu, puis en prélude un extrait de la règle de Saint Benoît, la mule de
Lao T’seu et une lamentation d’Amélie Nothomb sur la médiocrité de ses lecteurs. Et puis la
fameuse question de Ponce Pilate à Jésus Christ : « qu’est ce que la Vérité ? » . Pour
Information, le Christ n’a pas répondu, puisqu’il était de notoriété publique qu’Il est la Vérité
: « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » Pilate s’avère ainsi l’exemple type de ceux qui ont
des yeux et ne voient pas.
Ce paragraphe me permet une transition vers quelques citations de Christian :
« Un poète qui s’explique se dégrade au rang de professeur »
« Je ne tiens pas à surfer comme les journaux sur les vaguelettes de l’information »
« Je ne suis pas ici pour vous enseigner comment gérer une friterie. »
et d’autres phrases plus sérieuses.
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Laissez moi redevenir sérieux, car je veux exprimer maintenant ma reconnaissance et celle de
ses amis.
En fait, Christian est un homme gentil qui reste fidèle à ses amis, quelques uns sont ici pour
témoigner de la constance de son amitié, il possède une grande courtoisie, il ne dit pas vite du
mal d’autrui, même de ceux qui l’ont fait souffrir. Son grand respect des étudiants m’a aussi
frappé : cours faits à l’heure, syllabus nets et corrects, accueil souvent chaleureux, une
serviabilité sans défaut.
Egrenons quelques souvenirs.
D’abord un petit rébus : que signifie ceci
συσ ϑηµι
= « ensemble je tiens »
qui est la traduction littérale du mot système en grec.
La réponse est peut-être dans le transparent suivant :
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Pour Christian, un système est (je cite) (genèse A-9, TL):
« Un ensemble persistant ayant une structure et des processus en interaction formant
une entité distinguable par un observateur et exerçant une activité selon un cycle
temporel. » Un système réel fait quelque chose pour partie à votre place.
Par exemple, le système SAP pour un observateur peu averti, encaisse vos sous, contrôle vos
sous, distribue vos sous, dépense vos sous, pour partie à votre place. Il est structuré pour
exploiter une base de données commune, dont seule notre « binamée » directrice financière
détient toutes les clés d’accès. Le processus initial consiste à appeler au secours votre
secrétaire exécutive.
C’est bien sûr sous ce concept ou ces 3 mots : je tiens ensemble, que peut se décrire à la fois
la passion scientifique de Christian qui le conduira à une traversée du désert et à la solitude du
chercheur de fond (sans s). Mais n’est-ce pas là le lot de tout chercheur d’être chercheur de
fonds (avec s)
Après avoir fait des cours de solfège et de guitare, et une licence de russe –il pratique de
nombreuses langues-, Christian devient aspirant puis chargé de recherche au FNRS. Il
travaille au DULBEA devenant Directeur de la prévision économique à court terme. Il
enseigne la Macro-Economie, l’Economie Politique, la Comptabilité Nationale. Avec
l’analyse input-output et les modèles économétriques, il se frotte ainsi déjà aux systèmes
économiques qu’il est chargé de modéliser. Un petit tour aux USA à Chicago au Center for
Mathematical Studies. Il y rencontre une sommité : Henri Theil qui lui dit à peu près ceci
« The reality, pfffft, sit down and think! »
Je passe sur certaines activités pour tomber sur une année charnière : 1969 : Il est appelé sur
proposition d’Yvan Langaskens, à étoffer la jeune nouvelle école : l’EAA, tout de suite avec
le titre de Professeur Ordinaire en méthodes quantitatives de gestion. Dans sa charge
d’enseignement, il y a aussi le calcul des Probabilités qu’il cédera plus tard à Léopold
Bragard, notre futur administrateur. C’est un cours où il excelle à enseigner des notions
intéressantes telles le théorème de Bayes et ses applications, les fonctions génératrices de
probabilités et de moments et les liens intelligents entre les différentes distributions de
probabilités. C’est un beau cours qui séduit et qui fait peur surtout aux sociologues de
l’époque. Revers de la qualité du cours, il sème un certain nombre de ses étudiants et je suis
chargé dès 1970, en tant que jeune assistant de rattraper la mayonnaise à force de répétitions.
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C’est la glorieuse époque aussi des moniteurs, c’est ainsi que Maurice Olivier, futur
Vice-Président à HEC, prend en charge une partie des étudiants. C’est aussi en 1970, que je
découvre les matières enseignées par Christian et cela quinze jours avant les étudiants, bref
c’est une époque héroïque, où nous passions les nuits du samedi au dimanche avec nos jeux
de cartes perforées pour corriger nos programmes de 64 K qui passaient pour compilation sur
le premier ordinateur Liégeois, fierté de notre Université et qui pour le dixième de la
puissance de votre PC actuel occupait toute une salle ventilée du Val Benoît.
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On y traitait des applications en gestion de la théorie mathématique de l’information
que Christian enseignait en MQG : « Comment en 2 questions, pouvez vous déterminer qu’un
passant pris au hasard habite à Liège ou à Bruxelles sachant, ce qui est bien connu, qu’un
Liégeois ment toujours et un Bruxellois jamais. (question d’examen de 1971 ?).
Plus tard, en 1976, son assistant, votre serviteur, lors de la création du premier master en AA,
a l’idée saugrenue de proposer qu’à cette occasion, on crée une grande Ecole de Gestion
Liégeoise par la fusion des HEC et de l’EAA, idée que Mr Aldenhoff trouve excellente et
qu’un certain nombre de collègues de l’époque trouvent choquante. En 1983, votre serviteur a
un déclic salvateur qui lui permet de sortir de son apnée doctorale, suite à une remarque de
Marc Roubens qui observe qu’une thèse c’est 3 articles publiés ; votre serviteur rassemble
donc ses quelques 2000 pages sur les mesures d’information et de risque, la théorie bipolaire
du risque etc… et après une sévère concaténation, produit 200 pages honnêtes. Christian,
enfin fier de son poulain récalcitrant qu’il avait lâché dans un grand champ de possibilités
multivariées, me congratule, se congratule et notre relation s’éclaircit.
Entre-temps, Christian avait découvert les charmes de l’Algérie, de Constantine, où Jean
Pierre Brans et lui faisaient les 400 coups et se penchaient sur les mystères de la tuyauterie,
découvrant avec ravissement qu’en ouvrant le robinet d’eau potable, le chauffage de l’hôtel se
mettait en marche.
Mesdames et Messieurs, les MQG mènent à tout à condition d’en sortir, c’est ce que fit
progressivement Christian, diminuant ses heures de MQG au profit de sa seule passion
scientifique les systèmes et cela dès 1979 :
Lancaster,
Dallas,
SAS,
Zeleny,
Findler,
Dujardin,
Checkland,
l’OTAN,
l’Hôpital de Verviers,
un quarteron de nobles gérant un portefeuille d’actions,
la générale de banque,
le Moniteur Belge,
le FNRS,
tous ces noms de personnes, de lieux, d’entreprises, d’institution ont vu passer Christian et
ses systèmes. Je peux témoigner que tous ont été impressionnés par la capacité d ’analyse et
de conception innovatrice de Christian qui publiait de nombreux rapports d’étude. Le fait que
Christian ne publiait guère dans des journaux scientifiques les résultats de ses cogitations, et
fréquentait plus rarement les colloques font que ses travaux pionniers devinrent de plus en
plus in-breeding, peu compris ou peu cités, se heurtant ainsi à la dure loi publish or perish sur
le plan scientifique.
Pourtant on se souvient, on se souviendra de Christian, de sa gentillesse, de sa serviabilité, de
son respect des autres, de son amitié. Dernièrement je rencontrai un ancien qui s’était attardé
longtemps sur nos bancs et avait fait depuis une brillante carrière. Parlant du passé, il me
rappelait combien c’était agréable de se pencher sur des problèmes d’information ou de
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calculer la probabilité a posteriori qu’un quidam sortant de la gare des Guillemins soit un
tyrolien en observant qu’il portait une culotte en cuir et mangeait une choucroute.
Ah, me disait-il, ce qui est important à l’Université, c’est d’apprendre à réfléchir, d’être
curieux de tout, et peu importe, à la limite sur quoi on réfléchit, faisant écho sans le savoir à
l’injonction d’Henry Theil : sit down and think !
Christian, je ne veux pas te quitter sans te demander sincèrement pardon. Pardon d’avoir déçu
longtemps certaines de tes espérances… de valeur. Sache qu’il me plait de penser que nous
nous sommes souvent évadés d’une réalité terre à terre pour réfléchir dans les hautes sphères
de la pure spéculation. Le jour où les Universités ne seront plus que marchandes, y aura-t-il
encore la place pour des spéculateurs de notre espèce, tireurs de plans sur la comète, poètes
épris d’une science éthérée, ermites de tours d’ivoire. C’est bien plus beau quand c’est inutile,
qu’on nous laisse au moins ce panache.
Faisons un instant écho à des mises en garde actuelles, telle celle du Doyen Bouquegneau :
« ... que sa principale source de financement devienne la recherche appliquée signifie sa mort...d’une part, elle
risque de perdre son indépendance en se livrant de plus en plus à des expertises financées par l’industrie.
D’autre part, elle s’apprête à faire une croix sur son universalisme en s’amputant de ses petites unités, peu
productrices de revenus. »1
Mesdames et Messieurs, voilà où peuvent mener les MQG, là où on ne les attend pas , là où
on ne les attend plus.
Un dernier mot sur le multicritère, il paraît que nous faisons partie du « panthéon des
pionniers du MCDM » sic dixit Christian, mais aussi une sommité Constantin Zopounidis
dans une revue de la littérature multicritère mondiale. Et sur ce terrain, nous rejoignons tant
d’amis et de souvenirs heureux ou cocasses de nos rencontres européennes. Regarder une liste
non exhaustive de ces amis, dont quelques uns nous font le plaisir d’être parmi nous, y
compris Léopold Bragard et sa petite maison MC.
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Citation ultérieure de JM Bouquegneau, extrait de « Un doyen peu conformiste » paru dans Athena, 204, p 86,
octobre 2004.
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Ah Benedetto Matarazzo et son palais en Sicile, Marc Roubens et son violoniste tzigane,
Yannis Siskos et ses chèvres de montagne, Raymond Bisdorff et son archiduc saluant
bizarrement Colson avant les autres à l’étonnement de Philippe Vincke, Bernard Roy sa
médaille d’or, son charisme, son Doctorat Honoris Causa de Liège, Georges Hirsch et son
peintre d’avant garde qui s’extasiait sur une ligne qu’il avait traîtreusement tracée à la règle,
et tous les fandangos, les azulejos de Carlos Bana e Costa, qui appelait Jean Pierre Brans:
Papa !, Jean Pierre Brans, son beffroi et ses repas breugheliens. Gérard Colson, ses
marionnettes Liégeoises et ses croisières sur la Meuse. Claude Vodon et son accueil tout
maternel. L’école de chant de Jean-Claude Van Snick. Que de chaleur dans ce groupe
européen. L’école d’été Multi-Critère était aussi l’Ecole du Gai Savoir, sans que pour autant
on y passe à la casserole, comme l’espagnole de Jacques Brel.
On a quand même bien vécu !
Merci Christian d’avoir permis cela, même si tu n’as pu y participer autant que tu l’aurais
voulu.
Christian, nous avons quand même eu la fierté et le plaisir d’éditer à la demande de
Jacques Nihoul un livre chez Pergamon : Models and Methods in Multiple Criteria Decision
Making, où plusieurs de nos amis ici présents et autres sommités ont écrits de brillants articles
dans la langue de Shakespeare. Ici aussi tu faisais œuvre de pionnier lançant une nouvelle
mode de l’édition multicritère qui ne s’est pas encore fanée. Pionnier, tu l’as encore été dans
l’aide au développement d’une programmathèque statistique à l’Université de Liège et tu as
été un des premiers à te colleter avec le langage C, avec une station Unix.
Bref, tu aimais la complexité dans toutes ses composantes !
Fabrice Pirnay m’a ensuite avantageusement remplacé dans les exercices de MQG, puis
comme bien d’autres, qui ont bénéficié de ton aide bienveillante, il a été appelé à d’autres
destinées.
Pour terminer, je t’ai préparé deux anti-dotes à la morosité possible du départ. Ce sont des
petits cadeaux individuels, sachant que Jacques Bair et Valérie Henry t’offrirons mieux.
Mes anti-dotes les voici :
C’est d’abord l’ouvrage « Signes de Vie » d’Henri NOUWEN. Cet ancien professeur à
Harvard, qui est passé de l’enseignement aux plus grands intellectuels de la planète au service
des plus démunis de l’intelligence rationnelle : les faibles mentaux de l’Arche de Jean Vanier,
pourrait intituler son livre
« Comment passer de la Peur à l’Extase ».
Je t’en lis un passage :
Extraits de Signe de vie de Nouwen, pp. 62-64.
« Il est ironique que ceux et celles qui peuvent se payer le luxe de lire les grands ouvrages de notre
culture et d’explorer les beautés inouïes de la création, soient souvent aux prises avec des échéances.
Les étudiants se plaignent du nombre de pages qu’ils doivent lire ou écrire et se demandent avec
angoisse s’ils pourront remettre leurs travaux à temps. Le mot « école », qui vient du mot « schola »
(i.e. temps libre), nous rappelle que les écoles avaient d’abord pour but d’interrompre une existence
chargée et de créer des espaces pour contempler les mystères de la vie. Aujourd’hui, elles sont
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devenues l’arène d’une course effrénée pour accomplir le plus possible et pour acquérir, dans le temps
le plus court, les outils nécessaires pour survivre dans la grande bataille de la vie humaine. Des livres,
écrits pour être savourés lentement, sont lus à pleine vitesse pour répondre à une exigence, des tableaux
qui méritent d’être regardés d’un œil contemplatif, sont absorbés rapidement dans un cours d’art, et la
musique composée pour être écoutée à loisir n’est entendue que pour identifier une période ou un style.
C’est ainsi que collèges et universités sont devenus le lieu d’une compétition féroce où les récompenses
vont à ceux et celles qui produisent le plus et le mieux.
L’accent mis sur la production a également affecté nos relations interpersonnelles. Les relations entre
époux, entre parents et enfants, entre frères et sœurs, entre professeurs et étudiants sont souvent empoisonnées
par un souci trop envahissant de succès. Même nos relations les plus intimes et les plus vulnérables peuvent être
empoisonnées par la peur de ne pas « produire ».
(…)
Je ne voudrais pas laisser entendre que la productivité est mauvaise ou méprisable. Au contraire, la
productivité et le succès rehaussent notre vie. Mais quand notre valeur comme individu repose sur ce
que nous produisons avec nos mains et notre esprit, nous devenons victimes des tactiques d’intimidation
de notre société. Quand la productivité devient notre principal moyen de surmonter notre insécurité,
nous devenons très vulnérables au rejet et à la critique, ce qui nous conduit souvent à l’angoisse
intérieure et à la dépression. La productivité ne peut jamais nous assurer ce sens profond
d’appartenance que nous recherchons. Plus nous produisons, plus nous réalisons que les succès et les
résultats ne donnent pas nécessairement une expérience « d’appartenance ». Au contraire, la
productivité nous prouve souvent que nous sommes poussés par la peur. En ce sens, stérilité et
productivité sont synonymes : les deux peuvent être des signes de notre impuissance à réussir notre
vie. »
Le seconde anti-dote c’est une petite fille qui s’appelle JADE et qu’avec bien d’autres, j’ai
trouvé merveilleuse.
Tu y découvriras comment viser l’infini
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Extraits de « Jade et les sacrés mystères de la vie», pp. 71-76.
« Tous les deux, on est allé voir Amorgen, un maître de tir à l’arc. C’est un vieux sage respectable, et
moi je suis vraiment un bout d’chou à côté, mais il veut qu’on parle d’égal à égal, lui et moi, parce qu’il
dit que je connais autant de choses que lui, et peut-être même plus. C’est drôle, c’est pas une grande
personne comme les autres, une fois je lui ai dit qu’il raisonnait comme un petit garçon de huit ans, et
vous savez ce qu’il m’a répondu ? Eh bien qu’il avait cent huit ans, mais qu’à partir de cent ans, on
recommence à zéro, donc effectivement il avait huit ans. Je ne sais pas si je dois le croire, j’ai
l’impression que c’est un sacré farceur qui cache bien son jeu. En tout cas, s’il a cent huit ans, eh bien
il ne les fait pas !
(…)
On a passé la soirée à discuter dehors, et puis la nuit est devenue très noire, si noire qu’il fallait écarquiller
les yeux pour se voir. Alors Amorgen s’est levé, a tourné la tête vers le ciel, et il a dit : « Voici la nuit, voici le
silence et le vent, voici la plénitude de l’instant. » Dans ces moments-là, on ne dit rien, on le laisse parler comme
si c’était un revenant, un fantôme, un poète, un prophète ou un fou. D’ailleurs, il est un peu tout ça à la fois… Il
a dit :
– Jade, va chercher deux cierges ! Raphaël, tu les allumeras et tu les disposeras de chaque côté de la
cible, qui est posée là-bas. A partir de cet instant, il est interdit de parler, vous ne ferez usage de la
parole que lorsque le jour estompera la magie de cette nuit.
Imprégnez vous de ce que vous allez voir, suivez bien le cérémonial et, lorsqu’il sera terminé, fermez
vos yeux, mettez votre esprit en veilleuse, et méditez, mes amis. »
Méditez la nuit, méditez le silence et le vent, méditez la plénitude de l’instant…
(…) Avec Raphaël, je suis allé poser les cierges tout là-bas. (…) Par curiosité, j’ai compté mes pas : il y en
avait 61 ! Jamais j’aurais cru que c’était si loin, vingt-huit mètres !
(…)
Là-bas, la cible était pratiquement indistincte, le vent avait soufflé les chandelles, mais le regard s’était
habitué à l’obscurité et en fouillant l’horizon, on devinait vaguement une masse circulaire sombre.
Amorgen avait le regard perdu dans cette obscurité, la pointe de l’arc posée sur son genou, tandis que
sa main droite palpait doucement une flèche. Il dressa son arc au ralenti, puis tout se passa très
rapidement : j’entendis le décochement d’une flèche, un sifflement, un bruit mat, et Amorgen jeta un cri
bref. Puis il tira une autre flèche, avec la même assurance. On aurait dit qu’il ne visait pas. Il dit
étrangement : « Quelque chose a tiré et a touché la cible. »
Nous sommes allés voir au bout des 61 pas. Avec Raph’, on s’est regardé, comme s’il s’était produit un
miracle : les deux flèches étaient fichées l’une à côté de l’autre en plein cœur de la cible. Quand on les a
enlevées, on s’est aperçu d’une coïncidence assez extraordinaire : les deux trous côte à côte formaient le signe
de l’infini ! On est resté dans le noir, longtemps, à penser. Et puis on est rentré. Moi, je n’ai pas pu fermer l’œil
de la nuit. Tu imagines : il était passé là, tout près, presque palpable… Je venais de croiser Monsieur SaintEsprit ! »
Mon dernier cadeau personnel est un livre que j’aime moins, mais dont je sais que tu aimes
l’auteur :
« Biographie de la faim d’Amélie Nothomb »
Ce dernier livre montre qu’Amélie et toi avez au moins deux qualités en commun : un désir
insatiable du savoir et l’amour des belles lettres.
Et je termine par cette citation de Jade, qui pleure ton absence de l’Université :
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Par Gérard Colson avec l’aide d’impression de Véronique Bastin, 29 septembre 2004
Références :
Christian De Bruyn, 2004, (mais édition continue), « Exposés de Systémique en Gestion, avec
référence à la gestion hospitalière », imprimerie Wallonne des Communes, Rue Boisl’Evêque, 36, 4000 Liège, e-mail : [email protected].
Henri Nouwen, 1997, « Signes de Vie, Intimité, fécondité et extase dans une perspective
chrétienne » Bellarmin, Québec.
François Garagnon, 1996 « JADE et les sacrés mystères de la vie », éditions Monte Cristo,
Annecy.
G. Colson et Chr De Bruyn, eds, 1989, “Models and Methods in Multiple Criteria Decision
Making”, Pergamon Press, Oxford, (general editor : E.Y. Rodin, St Louis, USA)
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