La méthanisation en Poitou- Charentes
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La méthanisation en Poitou- Charentes
Les dossiers de l’AREC La méthanisation en PoitouCharentes - Enjeux et perspectives Sommaire Définition ................................................................................................................................................................. 1 Un contexte favorable ............................................................................................................................................. 2 Des objectifs ambitieux, mais réalistes ................................................................................................................... 2 Etat des lieux régional : des marges de progrès ..................................................................................................... 2 Des avantages environnementaux indéniables ...................................................................................................... 3 Une activité agricole reconnue ............................................................................................................................... 5 Des gisements méthanisables disponibles sur le territoire régional ...................................................................... 5 Le portage de projet, une étape à ne pas négliger ............................................................................................... 11 La nécessaire valorisation thermique du biogaz ................................................................................................... 11 Des nouveaux tarifs de rachat attractifs ............................................................................................................... 12 La possibilité d’injecter le biogaz dans le réseau de gaz naturel .......................................................................... 13 Des digestats présentant des avantages, mais susceptibles d’engendrer des contraintes .................................. 14 Définition La méthanisation est un procédé biologique permettant de valoriser la matière organique, notamment les sous-produits de l’agriculture et de l’industrie agro-alimentaire, par l’action de micro-organismes en l’absence d’oxygène, afin de produire une énergie renouvelable, sous forme de biogaz, et un digestat qui peut être utilisé comme fertilisant en remplacement des engrais chimiques. 1 Un contexte favorable La lutte contre le changement climatique passe, outre par une utilisation plus rationnelle de l’énergie, par le développement des énergies renouvelables. L’Union Européenne et la France se sont données en la matière des objectifs qui ont été réaffirmés dans le cadre du Grenelle de l’Environnement : en 2020, 23% de la consommation énergétique finale française devra être d’origine renouvelable. Pour atteindre cet Métha Bel Air (86) - Incorporateur de matières solides – photo ADEME objectif, l’ensemble des sources d’énergies renouvelables devront être mobilisées. Or, à l’heure actuelle, il est une filière qui demeure insuffisamment exploitée au regard des capacités de production qu’elle peut générer : il s’agit de la production de biogaz. ME Bionerval (85) - photo ADEME Des objectifs ambitieux, mais réalistes La déclinaison des objectifs nationaux1 définis dans le cadre du Grenelle de l’Environnement a été débattue entre les acteurs régionaux impliqués dans le développement de la filière de méthanisation2. Un objectif régional de production d’énergie primaire de 50 000 tep3 par méthanisation à l’horizon 2020 a ainsi été défini, objectif réaffirmé lors de l’élaboration du Schéma Régional Climat Air Energie. Dans ce cadre, la Région Poitou-Charentes a proposé les objectifs suivants à l’horizon 2020 : 40 à 50 nouveaux sites de méthanisation opérationnels 30 à 50 MW électriques installés 50 000 à 60 000 tep d’énergie primaire produite Etat des lieux régional : des marges de progrès On ne dénombre que trois installations de méthanisation en fonctionnement en Poitou-Charentes en 2010 : Une unité de méthanisation de vinasses à Saint-Laurent de Cognac (16) Une unité de méthanisation de boues de station d’épuration à Rochefort (17) Une unité de méthanisation agricole à Linazay (86) 1 Voir « Plan de développement des énergies renouvelables à haute qualité environnementale » – Grenelle de l’Environnement – Comité opérationnel n°10. 2 Groupe de travail régional animé par l’AREC comprenant l’ADEME, le Conseil Régional, le Conseil Général 79, les Chambres d’Agriculture 17 et 79, la FR CUMA, le CRER et le CRITT Agro-alimentaire Poitou-Charentes. 3 Tonne-équivalent-pétrole : 1 tep = 11 600 kWh = 11,6 MWh 2 A ces trois réalisations s’ajoutent cependant cinq installations de valorisation de biogaz de décharge : ISDND4 du Vigeant (86) ISDND de Saint-Sauveur (86) ISDND de Coulonges-Thouarsais (79) ISDND de Sainte-Sévère (16) ISDND de Clérac (17) Au total, ces huit sites représentent environ 7 MW de puissance électrique, soit 4,2% de la puissance nationale en service (165 MW) et produisent, en année pleine, 66 GWh, ce qui équivaut à environ 5% de la production française. Compte tenu des spécificités régionales, ce bilan apparaît satisfaisant, mais on est encore loin des productions de biogaz générées par l’Allemagne (près de 50 000 GWh d’énergie primaire) ou du Royaume-Uni (près de 20 000 GWh d’énergie primaire), même si les comparaisons demeurent hasardeuses en fonction de contextes nationaux différents. D’autre part, le biogaz ne contribue qu’à 1% de la production globale d’énergies renouvelables au niveau régional, cependant sa part passe à plus de 7% au sein de la production d’électricité renouvelable. Peu de réalisations, mais une vingtaine de projets en gestation Si les unités de méthanisation en fonctionnement ne sont pas nombreuses, force est de constater que les projets se multiplient actuellement. La vingtaine d’installations en phase de développement ou en cours de réalisation porterait à plus de 15 MW la puissance électrique installée en région (voir carte en page 4). Des avantages environnementaux indéniables La mise en œuvre d’installations de méthanisation permet de répondre à plusieurs enjeux environnementaux majeurs : La gestion de proximité des déchets et sous-produits, principalement de l’agriculture et des industries agroalimentaires, associée à une valorisation agronomique du digestat se substituant à l’utilisation d’engrais minéraux ; La production décentralisée d’énergie renouvelable favorisant l’autonomie énergétique des territoires et limitant la dépendance de la France vis-à-vis des énergies fossiles ; La réduction de la production de gaz à effet de serre ; L’amélioration de la gestion de l’azote d’un point de vue agronomique ; L’optimisation du rendement global de production d’électricité renouvelable (à puissance installée égale, le biogaz produit environ 7 fois plus d’électricité que le photovoltaïque, par exemple). Ainsi, en cumulant les réalisations actuelles et les projets identifiés, la méthanisation en Poitou-Charentes doit permettre de : Valoriser annuellement environ 450 000 tonnes de biomasse ; Produire plus de 26 000 tep d’énergie primaire (302 GWh) par an ; Réduire la production annuelle de gaz à effet de serre d’environ 60 000 tonnes équivalent CO2. 4 Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux (assimilables aux ordures ménagères) 3 Source : ADEME / Conseil Régional Fonds Régional d’Excellence Environnementale NB : Ne figurent pas sur la carte les unités de valorisation de biogaz de décharge. 4 Une activité agricole reconnue Depuis le décret n° 2011-190 du 19 février 2011, la méthanisation est maintenant reconnue comme une activité agricole à part entière, ce qui entraine des simplifications d’un point de vue fiscal pour les agriculteurs. Les conditions ainsi définies permettent notamment aux exploitants méthaniseurs de pouvoir commercialiser de l’énergie, sous forme d’électricité, chaleur ou biogaz, dans le cadre de leur exploitation agricole ou d’une société dont ils détiennent la majorité du capital. Il faut néanmoins que les déchets agricoles méthanisés proviennent de l’exploitation à hauteur de 50% au minimum. Des gisements méthanisables disponibles sur le territoire régional Toutes les matières organiques, hormis les matières ligneuses (bois, branchages, …) peuvent être utilisées pour alimenter une installation de méthanisation. Cependant certaines d’entre elles sont plus intéressantes à intégrer dans le processus du fait de leur composition, de leur état physique ou des quantités disponibles. Pour d’autres, il faudra veiller à ne pas détourner des gisements d’un usage actuel (par exemple la paille, largement utilisée en Poitou-Charentes pour les litières animales). Potentiels méthanogènes de différents substrats (source : ADEME – Solagro) Les déjections animales Les déjections animales constituent le plus important gisement de matières méthanisables en région, aussi bien en quantités qu’en potentiel énergétique. Ce gisement a pu être ventilé par canton sur la carte en page 10. Le lisier est intéressant à utiliser compte tenu de son état liquide permettant le mélange et la dilution des autres substrats. Malgré son faible potentiel méthanogène, il apporte des bactéries fraiches et une fraction azotée très utiles au procédé de méthanisation. 5 Le fumier, ainsi que les fientes de volailles, peuvent également s’avérer intéressants du fait d’un taux de matière sèche et d’un potentiel méthanogène plus élevé mais leur aspect solide les rend plus difficile à manipuler et peut demander des adaptations spécifiques. Le gisement annuel de déjections animales mobilisable au niveau régional représente environ 2,8 millions de tonnes de matière brute, et un potentiel énergétique (en énergie primaire) de l’ordre de 85 000 tep, soit 986 GWh. Métha Bel Air (86) – Stockage des fumiers – photo AREC Les résidus de culture Les résidus de culture sont, pour la majorité d’entre eux, de bons substrats pour la méthanisation, mais tous ne sont pas mobilisables ou disponibles pour cette utilisation. En effet, les pailles de céréales sont majoritairement utilisées pour les litières animales. Quant aux pailles de colza et de tournesol, ainsi que les cannes de maïs, leur récolte entraine généralement des surcoûts d’exploitation qui rendent leur usage rédhibitoire. De plus, il est plutôt recommandé de laisser les cannes de maïs dans les parcelles, conformément aux exigences de la Directive Nitrates5 pour la préservation de la ressource en eau. Au niveau de l’exploitation agricole, la menue paille6 constitue un des seuls gisements dont la mobilisation peut être systématisée, et dont le potentiel peut être cartographié (voir carte en page 10). La généralisation de la récolte de la menue paille en région pourrait générer des quantités collectées de l’ordre de 180 000 tonnes pour un potentiel énergétique d’environ 30 000 tep (350 GWh) d’énergie primaire. Récolte de menue paille Les autres résidus de culture utilisables en méthanisation sont les résidus de céréales (appelés aussi issues de céréales) qu’on retrouve au niveau des silos de stockage des coopératives ou des négociants, et les tourteaux de colza ou de tournesol. Ces matières trouvent pour le moment des débouchés essentiellement dans l’alimentation animale, mais il semble qu’environ 20 000 tonnes d’issues de céréales pourraient être disponibles pour la méthanisation, ce qui représente un potentiel énergétique de l’ordre de 5 000 tep (60 GWh). Compte tenu du nombre de silos présents en Poitou-Charentes (plus de 300 sites), la cartographie du gisement reste à précisée. De plus, certains tonnages sont déjà envisagés sur des projets d’unités de méthanisation. 5 Directive européenne de 1991 visant à limiter les nitrates d’origine agricole dans les eaux souterraines et superficielles. Le maintien au sol de couverts d’hiver figure parmi les mesures préconisées en zones vulnérables. 6 La menue paille est composée de débris de paille, des enveloppes qui entourent les graines de céréales, et de tiges et de graines de mauvaises herbes (adventices). Sa récupération peut donc s’avérer intéressante afin de minimiser l’emploi de produits phytosanitaires. 6 Les cultures dédiées Certaines cultures possèdent des potentiels méthanogènes intéressants et il peut paraitre légitime d’étudier leur incorporation dans le processus de méthanisation. Il est cependant nécessaire de bien évaluer les coûts engendrés par ces cultures au regard des bénéfices attendus et du bilan environnemental global. De plus, il convient de veiller à ne pas détourner l’utilisation des terres agricoles de leur fonction de production alimentaire vers un usage à des fins purement énergétiques. Par contre, l’introduction dans le méthaniseur de cultures intermédiaires « pièges à nitrates » (CIPAN), qui s’imposent aux exploitants agricoles dans le cadre de la Directive Nitrates, peut quant à elle s’avérer plus favorable. Etant donné que l’implantation de ces cultures dépend essentiellement des pratiques de chaque exploitant, le potentiel méthanisable que constituent les cultures intermédiaires ou énergétiques ne peut pas être cartographié. Il conviendra d’étudier cette possibilité au cas par cas lorsque la méthanisation est envisagée sur une exploitation agricole. Culture intermédiaire Les sous-produits des industries agro-alimentaires (IAA) Les sous-produits ou coproduits des industries agro-alimentaires peuvent, pour la plupart d’entre eux, alimenter une unité de méthanisation, hormis les déchets soumis à des éliminations réglementées du fait de leur caractère potentiellement contagieux sur un plan sanitaire. En Poitou-Charentes, une étude menée par le CRITT Agro-alimentaire en 2010 a montré que la plupart des volumes de biomasse générée par les IAA sont déjà valorisés, à part les sous-produits de la transformation des produits carnés qui constituent un gisement important avec un potentiel méthanogène intéressant. Les sous produits carnés mobilisables représentent environ 70 000 tonnes, soit un potentiel énergétique d’environ 10 000 tep (115 GWh). Une grande partie des vinasses de l’industrie vinicole est valorisée, par l’installation Revico à Saint Laurent de Cognac (Charente). Cependant, il en demeurerait des quantités non négligeables à traiter. Les volumes diffèrent selon les sources, et leur localisation ne peut pas être précise, même s’ils se situent dans le bassin de production du cognac. Pour les projets de méthanisation s’implantant sur ce territoire, il conviendra à chaque fois de prendre en compte, le cas échéant, ce type de sous-produits. En outre, la filière actuelle de valorisation du lactosérum issu de l’industrie laitière et fromagère, très énergivore, ne semble pas pérenne compte tenu de l’augmentation prévisible des coûts de l’énergie. Le potentiel méthanogène de ce produit n’est pas très élevé, mais le lactosérum se présente sous forme liquide, ce qui peut faciliter son introduction dans un méthaniseur et permettre la dilution des autres substrats présents. De plus, les besoins de chaleur généralement présents sur les sites de laiteries rendent les projets de méthanisation d’autant plus favorables pour ce type d’industries. Les quantités de lactosérum générées annuellement en région sont d’environ 150 000 tonnes, ce qui correspond à un potentiel énergétique voisin de 2 500 tep (30 GWh). Sur la carte présentée en page 10, ce sont les potentiels globaux des sous-produits de l’industrie de transformation des produits carnés et du lactosérum qui sont représentés. Il n’a en effet pas été possible d’identifier précisément les zones où d’autres formes de valorisation des sous-produits carnés sont d’ores et déjà effectives. 7 Les déchets ménagers et assimilés Parmi les déchets organiques assimilables aux déchets ménagers, les plus intéressants pour une utilisation en méthanisation semblent être les biodéchets de la restauration collective (restaurants scolaires, services hospitaliers, maisons de retraite, …) et de la grande distribution (déchets de fruits et de légumes notamment). Ces déchets ont été cartographiés, mais on note que mis à part sur les agglomérations de Niort et La Rochelle, leur gisement est si faible (ou le potentiel énergétique global est si bas) qu’il n’apparait pas. Ces substrats ne pourront donc pas être support d’une installation de méthanisation, mais il conviendra d’étudier à chaque cas les gisements localement mobilisables pour une éventuelle incorporation. Les déchets organiques produits par les ménages sont essentiellement les déchets de préparation de repas et les restes de repas : on les nomme biodéchets ménagers. La collecte de ceux-ci s’avère couteuse et la majorité des collectivités ayant mis en place un tel service l’a abandonné : le développement du compostage domestique présente un bilan environnemental et économique bien plus favorable. De ce fait, ce gisement ne peut absolument pas être disponible pour la méthanisation. Dans certains cas, on peut envisager l’incorporation de tontes de pelouse dans le procédé de méthanisation. Il s’agit alors de pouvoir mettre en œuvre un tri des déchets végétaux sur la déchèterie afin de séparer les branchages, impropres à la méthanisation. Pour le moment, ce service n’est pas mis en place sur les déchèteries de la région, les tontes et les branchages suivant principalement une valorisation par compostage. Mais les tontes de pelouses Tontes de pelouse des espaces verts des collectivités peuvent éventuellement être gérées séparément et dirigées vers un méthaniseur quand ce dernier se crée. La méthanisation des ordures ménagères résiduelles7 peut être envisagée comme moyen de leur traitement, mais cette technique pose le problème de la présence d’indésirables (plastiques, inertes, …) pour la bonne marche de l’installation, et de la valorisation du digestat issu de ce type de déchets à cause des divers polluants susceptibles de le contaminer. De plus, le code des marchés publics, ainsi que les délais de renouvellement des contrats, constituent des contraintes majeures pour leur prise en compte dans un projet privé. Un cas particulier : les boues de stations d’épuration Le gisement de boues de stations d’épuration est mal connu aussi bien en quantité qu’en qualité. Une étude afin de mieux le cerner est actuellement en cours. L’incorporation de boues dans un processus de méthanisation, même si elle peut s’avérer intéressante du fait de leur état liquide et de l’apport potentiel de bactéries, entraine des contraintes non négligeables, aussi bien sur la valorisation agronomique des digestats (présence éventuelle de polluants dans les boues) que sur la valorisation énergétique (pas de possibilité d’injection de biogaz épuré issu de boues de stations d’épuration sur le réseau de gaz naturel). Leur utilisation doit donc être étudiée au cas par cas. Il ne pourra s’agir que de boues activées issues des stations d’épuration les plus importantes. 7 Ordures ménagères présentées à la collecte après mise en œuvre de la collecte sélective. 8 Récapitulatif des principaux gisements disponibles en Poitou-Charentes Matières méthanisables Déjections animales Fumiers Lisiers Fientes Résidus de culture Menue paille Issues de céréales Sous-produits des I.A.A. Sous-produits de transformation de produits carnés > Lactosérum Déchets ménagers triés et assimilés Biodéchets des gros producteurs Tonnages régionaux Potentiel énergétique régional (en tep) 2 800 000 2 000 000 760 000 40 000 200 000 180 000 20 000 220 000 85 000 68 500 15 000 1 500 35 000 30 000 5 000 12 500 70 000 150 000 20 000 20 000 10 000 2 500 1 200 1 200 Le potentiel énergétique correspond à la quantité d’énergie contenue dans les gisements considérés (énergie primaire) Répartition géographique des gisements régionaux disponibles La carte présentée en page 10 met en valeur la présence d’importants gisements méthanisables sur le département des Deux-Sèvres, malgré les projets qui sont déjà identifiés. Le fort potentiel sur ce secteur géographique est dû à une pratique développée de l’élevage, et à l’implantation d’industries agro-alimentaires notamment dans le nord du département. L’est de la région (Montmorillonnais, Confolentais) constitue également une zone où le potentiel de méthanisation est intéressant, grâce à la présence de cheptels importants. Pour les autres territoires de la région, on remarque néanmoins, dans la plupart des cantons, des opportunités locales émanant de différents gisements considérés. 9 Source : AREC Les gisements mobilisés par les projets identifiés ne sont plus considérés comme mobilisables sur cette carte 10 Le portage de projet, une étape à ne pas négliger Le portage du projet est une étape prépondérante dans la réussite de l’implantation d’une unité de méthanisation. Mais elle est souvent longue et complexe à gérer pour les maîtres d’ouvrage, du fait des nombreux paramètres techniques qu’ils doivent maîtriser, et de l’importance de l’investissement financier. Il est donc indispensable que les porteurs de projet : s’entourent de structures pouvant leur apporter des conseils juridiques, techniques et financiers, fassent appel à des bureaux d’études spécialisés dans la technique de la méthanisation Il se passe généralement de l’ordre de 3 à 5 années entre le moment où le projet est évoqué et celui où il sort de terre. La longueur de la phase de montage de dossier, notamment du fait des études techniques et réglementaires, peut être mise à profit pour régler d’autres aspects liés à la bonne marche du projet, notamment la recherche de partenariats : pour la fourniture régulière de matières premières pour alimenter le digesteur pour la reprise et l’épandage des digestats pour la valorisation de l’électricité et de la chaleur produite pour le financement de l’investissement dans le cas des projets les plus lourds Afin d’assurer la pérennité de l’approvisionnement du méthaniseur et des débouchés de l’installation, il est fortement recommandé de mettre en œuvre une contractualisation avec les différents partenaires du projet. Dans certains cas, le partenariat peut même aller jusqu’à la participation des acteurs au capital de la société porteuse de l’unité de méthanisation, ce qui pérennise approvisionnement et débouchés sur le long terme. La nécessaire valorisation thermique du biogaz Comme il a été évoqué auparavant, l’optimisation de la valorisation thermique du biogaz permettra d’obtenir des prix de rachat de l’électricité plus intéressants. Il est donc indispensable de bien anticiper ce poste dès la phase de montage du projet, quitte à modifier le lieu d’implantation de la future unité pour augmenter la part d’énergie valorisée. Cet impératif devient d’autant plus prégnant que l’énergie thermique autoconsommée pour le maintien en température du digesteur ou la transformation des intrants n’est plus prise en compte dans le calcul du prix d’achat de l’électricité depuis mai 2011. Métha Bel Air (86) – Digesteur enterré – photo ADEME La valorisation thermique du biogaz en période estivale, et plus généralement la pérennité des débouchés pour la chaleur, semble être la contrainte principale pour rentabiliser les installations. En effet, les besoins de chauffage sont alors nuls. Il convient donc de s’orienter vers des solutions où les besoins de chaleur sont moins saisonniers, ou vers une diversification des débouchés thermiques en mixant par exemple chauffage de locaux en hiver et séchage (ou autre process industriel) en été, avec une production d’eau chaude sanitaire tout au long de l’année. 11 Des nouveaux tarifs de rachat attractifs Un arrêté ministériel paru le 21 mai 2011 fixe les nouveaux tarifs d’achat d’électricité issue du biogaz. Par rapport aux tarifs précédents, des avancées intéressantes peuvent être soulignées : a) Tout d’abord, le tarif de base a été réévalué de l’ordre de 20% en moyenne selon les cas de figure. b) La prime à la valorisation énergétique a elle aussi été augmentée, même si le calcul de cette prime devient moins favorable pour les exploitations, qui ne peuvent plus y inclure l’autoconsommation du procédé. c) Une prime pour le traitement des effluents d’élevage est créée, spécifiquement pour les petites installations (la prime devient nulle pour des puissances électriques supérieures à 1 MW). d) Métha Bel Air (86) – Cogénérateur – photo AREC Tarif de base : Puissance électrique installée (kWe8) P ≤ 150 300 500 1 000 P ≥ 2 000 Tarif de rachat (c€/kWh) 13,37 12,67 12,18 11,68 11,19 Les valeurs intermédiaires sont déterminées par interpolation linéaire Prime à l’efficacité énergétique : Valorisation énergétique VE ≤ 35% VE ≥ 70% Prime (c€/kWh) 0 4 Les valeurs intermédiaires sont déterminées par interpolation linéaire Le taux de valorisation énergétique caractérise l’énergie totale (thermique et électrique) nette valorisée (l’autoconsommation de l’installation ou la transformation des intrants n’est pas prise en compte) rapportée à l’énergie primaire du biogaz en entrée de centrale de cogénération. Prime pour traitement d’effluents d’élevage Puissance électrique installée (kWe) P ≤ 150 P ≥ 1 000 Prime (c€/kWh) 2,6 0 Les valeurs intermédiaires sont déterminées par interpolation linéaire La prime est maximale lorsque la proportion d’effluents d’élevage dans les matières entrantes est supérieure ou égale à 60%, et devient nulle quand elle est inférieure ou égale à 20%. Entre ces deux valeurs extrêmes, elle est calculée par interpolation linéaire. 8 Kilowatt électrique 12 Etude de cas : impacts du nouveau tarif sur les recettes liées à la vente d’électricité d’une unité de méthanisation Coûts d’investissements moyens constatés en France Les coûts d’investissements peuvent varier de 8 500 €/kWe pour une installation de 30 kWe à 5 000 €/kWe pour un méthaniseur de 100 kWe. En règle générale, plus la puissance installée est importante et plus le coût ramené à cette puissance est faible. Pour cette étude de cas, nous considérons un projet de méthanisation agricole, inspiré d’un cas réel, dont les principales caractéristiques sont les suivantes : Puissance électrique : 250 kWe Gisements mobilisés : 10 000 tonnes de matières brutes, dont : o Effluents agricoles : 6 500 tonnes (65%) o Intercultures : 2 000 tonnes o Issues de céréales : 700 tonnes o Déchets verts de collectivités : 800 tonnes Investissement prévisionnel : 1 200 000 € HT, soit 4 800 €/kWe (hors sujétions particulières) Production annuelle de biogaz : 925 000 Nm3/an représentant une énergie brute annuelle de 5 500 MWh Valorisation de l’énergie produite : o Valorisation électrique : 1 900 000 kWh/an o Valorisation thermique : 1 150 000 kWh/an o Autoconsommation en énergie thermique : 800 000 kWh/an a) Avec le tarif précédent, on obtenait un prix de rachat de l’électricité de 15,66 c€/kWh. La vente annuelle d’électricité représentait alors une recette de l’ordre de 297 500 €. b) Grâce au nouveau tarif, le prix de rachat de l’électricité passe à 18,31 c€/kWh, soit une augmentation de 17%. La recette annuelle pour vente d’électricité représente alors 347 900 €. La détermination de la rentabilité économique d’un projet de méthanisation nécessite une étude économique plus poussée pouvant être réalisée par des cabinets spécialisés. La possibilité d’injecter le biogaz dans le réseau de gaz naturel Réseau de biogaz Tout comme pour le rachat d’électricité produite à partir de biogaz, l’injection de biogaz directement dans le réseau fait l’objet d’un projet de tarification toujours à l’étude. Cette disposition pourra permettre une valorisation du biogaz pour les installations de méthanisation où la valorisation thermique n’est pas possible ou trop faible. Cependant, même si le projet de tarif prévoit que l’ensemble des unités de méthanisation pourront alimenter le réseau de gaz naturel, il semble bien que ce 13 Ré dispositif s’adresse en priorité aux installations les plus importantes, notamment celles dont la production de biogaz sera supérieure à 100 m3/h. Projet de tarif : Débit d’injection (m3/h) D ≤ 60 60 < D < 700 D ≥ 700 Tarif de rachat (c€/kWh) 10,3 Interpolation linéaire 5 Ce tarif doit compenser les coûts de production, d’épuration et d’injection dans le réseau du bio-méthane. Les coûts d’épuration et d’injection n’étant à ce jour pas suffisamment maîtrisés, il n’est pas aisé de se prononcer sur une rentabilité de cette technique. De plus, elle ne peut être mise en œuvre que sur des territoires où le réseau de gaz est présent, encore faut-il que ce réseau soit capable d’absorber la quantité de biométhane produite. Des digestats présentant des avantages, mais susceptibles d’engendrer des contraintes Par rapport à l’utilisation de déjections animales brutes telles que les lisiers ou les fumiers, l’épandage des digestats d’une unité de méthanisation peut proposer un certain nombre d’intérêts : D’un point de vue agronomique L’azote provenant de l’élevage est très bien valorisé du fait de sa bonne minéralisation. De plus, l’intégralité des éléments nutritifs est conservée. Sur le plan sanitaire Bionerval (85) – Citerne d’épandage du digestat – photo ADEME Les odeurs à l’épandage sont largement atténuées, et les germes pathogènes présents dans les matières premières sont le plus souvent détruits par hygiénisation lors de la phase de méthanisation. Bien que l’épandage du digestat apporte des avantages non négligeables, par rapport à un effluent d’élevage brut, en terme agronomique et sanitaire, la modification des matières à épandre est susceptible d’engendrer quelques difficultés qui doivent être analysées au cours de l’instruction du projet : La nature même de l’effluent (passage d’un effluent solide – type fumier – à un effluent liquide par exemple) peut nécessiter un changement de matériel, voire de mode de stockage. Il est alors nécessaire d’avoir recours à un pendillard ou un enfouisseur pour limiter les pertes d’azote sous forme ammoniacal et assurer ainsi un bilan positif en matière de rejet de gaz effet de serre ; La modification de sa composition peut aussi donner lieu à des changements agronomiques, notamment le décalage des périodes d’épandage Il convient donc, pour chaque projet, de prendre contact avec les techniciens des organisations professionnelles agricoles (chambres d’agriculture, coopératives, CUMA, …) concernées afin d’étudier les impacts de ces évolutions. 14 Des partenaires locaux pour vous aider a) Pour les conseils techniques et les aides financières L’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie) Direction Régionale de l’ADEME en Poitou-Charentes 6, rue de l’Ancienne Comédie – BP 456 86 011 POITIERS Cedex Tel : 05.49.50.12.12 La Région Poitou-Charentes Service maîtrise de l’énergie, énergies renouvelables, air 15, rue de l’Ancienne Comédie – BP 575 86 021 POITIERS Cedex Tel : 05.49.55.77.00 Ces deux organismes peuvent apporter des conseils techniques, des informations pratiques et des aides financières à travers le Fonds Régional d’Excellence Environnementale, les Fonds propres à l’ADEME et le FEDER. Les taux de subventions sont définis au cas par cas en fonction de la pertinence et de la rentabilité des projets, ainsi que de leurs performances énergétiques et environnementales. b) Pour l’accompagnement des maîtres d’ouvrage Le CRER (Centre Régional des Energies Renouvelables) Route de Benet 79 160 VILLIERS-EN-PLAINE Tel : 05.49.08.24.24 Le CRER peut accompagner les porteurs de projets en phase de réflexion, mais également réaliser des études de préfaisabilité afin de mesurer la viabilité des projets dans le cadre d’une mission d’accompagnement technique des maîtres d’ouvrage. Des bureaux d’études spécialisés peuvent également assurer ces missions d’accompagnement. c) Pour le raccordement électrique au réseau Selon l’implantation géographique du projet, le gestionnaire du réseau de distribution électrique peut être différent : Sorégies Réseaux Distribution (SRD) 78, avenue Jacques Cœur 86 068 POITIERS Cedex 09 Tel : 05 49 89 34 88 Pour les installations situées dans la plupart des communes de la Vienne 15 Gérédis Deux-Sèvres 18, rue Joule – BP 20 021 79 001 NIORT Cedex Tel : 05 49 08 54 12 Pour les installations situées dans la plupart des communes des Deux-Sèvres ErDF 2, boulevard Aristide Briand – BP 130 17 306 ROCHEFORT Cedex 01 Tel : 0 810 437 387 Pour les unités implantées dans toutes les autres communes de la région d) Pour la valorisation agronomique des digestats Afin de valider les modalités techniques et agronomiques d’épandage des digestats issus d’une unité de méthanisation, il est préconisé de prendre contact avec une des trois structures ci-dessous, présentes dans le département où est situé le projet : La Chambre Départementale d’Agriculture La Fédération Départementale des CUMA La Fédération Régionale des Coopératives Agricoles Ce document a été élaboré dans le cadre de la Mission d’Observation de la Biomasse développée au sein de l’Agence Régionale d’Evaluation environnement et Climat. Ont collaboré à sa rédaction : La Direction Régionale de l’ADEME La Région Poitou-Charentes La Chambre d’Agriculture des Deux-Sèvres La Chambre d’Agriculture de la Charente-Maritime La Fédération Régionale des CUMA Le Conseil Général des Deux-Sèvres Le Centre Régional des Energies Renouvelables La Fédération Régionale des Coopératives Agricoles Le CRITT Agro-alimentaire Poitou-Charentes Agence Régionale d’Evaluation environnement et Climat 6, rue de l’Ancienne Comédie – BP 452 - 86 011 POITIERS Cedex Tel : 05.49.50.12.12 – Fax : 05.49.41.61.11 www.arecpc.com 16
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