Concours Heidi Kabangu
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Concours Heidi Kabangu
«Prix Heidi Kabangu 2015» Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles » La croisée des ados C.E.G. 2015 «Prix Heidi Kabangu 2015» Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles » 24 bis, Av. Kimpese / Quartier Yolo-Nord Commune de Kalamu – Kinshasa Courriel : [email protected] Site Internet : http://cegazelles.net La croisée des ados Editions du Centre d’Enseignement «Les Gazelles» Kinshasa, 2015 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. ISBN papier : ............................. ISBN pdf : ............................. Dépôt légal : avril 2015 Editions du C.E.G. Imprimé à Kinshasa, R.D.C. 2015 Avant-propos Qui aurait pensé qu’à l’heure des SMS, des messages laconiques, insipides et très souvent incompréhensibles, il coulerait de la plume de nos jeunes talents une écriture limpide et fascinante, quoique naïve ? Qui aurait pensé qu’à l’heure des réseaux sociaux Facebook, WhatsApp, Twitter et autres, qui absorbent le précieux temps des jeunes, où l’on avance le visage masqué par toutes sortes de subterfuges, que les jeunes «gazelles» nous présenteraient dans la pureté, des récits qui mettent à nu l’intimité de leur vie ? Soixante-neuf élèves du Centre d’Enseignement Mboloko «Les Gazelles» ont donné la preuve que la littérature demeure encore un art auquel ils restent attachés malgré le mode de communication lapidaire que leur imposent les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Des soixante-neuf textes, douze ont retenu l’attention du jury et constituent le contenu du présent opuscule. Le parcours de ces douze récits permet d’explorer les méandres des intimités exprimées par ces courageux auteurs. Ils étalent à travers ces lignes, non seulement l’analyse, bien que naïve du vécu des Kinois en particulier, leur situation d’adolescent, mais aussi la perception qu’ils ont des problèmes politiques et sociaux de l’heure. Nous vous recommandons vivement la lecture de cet opuscule. Plein succès au Prix Littéraire Heidi Kabangu ! A la prochaine édition ! 03.04.2015 BOYI KIZITO, Préfet des Etudes Préface L’histoire se présente comme un ensemble d’événements réellement vécus par une communauté ou un individu. Elle se conte facilement au passé. Cependant, certaines personnes choisissent délibérément d’entrer dans l’histoire en concevant des projets et en les réalisant. Tant que cela demeure dans leurs cerveaux, l’on ne peut deviner à quoi ils rêvent. C’est à la réalisation ou à la matérialisation de ces projets que bon nombre d’autres personnes en prennent connaissance et, humilité oblige, reconnaissent par ci par là des actions susceptibles de figurer dans les pages destinées à la progéniture. Nous voici aujourd’hui, à un tournant décisif du Centre d’Enseignement Mboloko «Les Gazelles». Nous terminons la quatrième décennie de l’Institution. Celle qui avait pensé l’oeuvre se retire tout doucement des arcanes de sa direction. Que des réalisations n’ont marqué cette longue marche vers l’inconnu devenu histoire pour nous ! Oui, l’aventure de la petite gazelle dans la savane kinoise ressemble à celle de toutes les gazelles à travers le pays. Elle court au gré des vagues et des vents, sautant les obstacles, évitant les buissons dangereux et les fauves affamés. Elle cherche où mettre bas et se rassure de l’avenir de ses petits avant de les larguer dans la vie. Arrive un temps où la mère abandonne tout souci du petit devenu grand. Elle s’en va quérir ailleurs et les petits se doivent de poursuivre leur chemin sans les soins de la mère gazelle, perdue dans la nature. Certains petits refusent de rompre totalement. Comme des petits d’homme, ils vouent leur reconnaissance à celle qui les a engendrés et maintiennent les rapports francs, en dépit de la rupture du cordon ombilical. Il n’existe pas d’âge propice pour devenir orphelin. On s’accroche à la mère jusqu’au jour où le ventre de la terre la récupère paisiblement criblée de lunes et de soleils, plutôt qu’elle finisse sa course dans le ventre d’un fauve ou d’un chasseur impitoyable. Pour ne pas laisser la sienne dans les oubliettes, le C.E. Mboloko «Les Gazelles» a entamé le cycle de l’immortalisation. Une salle, celle qui accueille personnel et visiteurs de passage pour les récréations et formation en travaux manuels, a été dénommée «Salle Heidi ». Un simple baptême. Mais symboliquement, c’était déjà un premier pas vers la conservation de la mémoire maternelle. Le deuxième grand événement est ce concours d’écriture assorti d’une récompense aux auteurs : «Prix Littéraire Heidi Kabangu». Les thèmes exploités par les auteurs révèlent la face la plus illustrante de Heidi Kabangu : une femme à la vie ordinaire. Personne n’a pensé qu’en décrivant sa vie de tous les jours dans sa famille, dans son école ou dans sa classe, décrivait la vie quotidienne de Heidi Kabangu. Heidi aimait régulièrement demander aux élèves d’établir une relation avec soi-même : se regarder en face de la réalité et la décrire du mieux que l’on peut, sans crainte et en toute franchise. Elle avait une fois proposé que chacun dessine et décrive son ciel. Et une autre fois, c’était l’avenir ou la R.D. Congo dans les cinquante prochaines années qu’elle avait proposé aux élèves. La revue scolaire Mondo avait fait écho de ces productions. Et aujourd’hui, c’est la composition familiale et l’histoire récente de chaque famille qui est contée sans détour et qui confirme l’école «Les Gazelles» comme une école des familles. Avec l’instauration de ce prix littéraire «Heidi Kabangu», quel que minime qu’il soit, le Centre d’Enseignement Mboloko «Les Gazelles» démontre que l’esprit «Gazelles» demeurera inchangé tant que les initiés qui pilotent la barque tiennent le gouvernail de la bonne façon. Nous les en congratulons et souhaitons la poursuite de cette manifestation de la fécondité de la jeunesse, malgré le contexte austère de l’invasion du numérique. Gazelles, mars 2015 Pour la Rédaction Alphonse-Marie Bitulu Professeur Sommaire page Avant-propos par le Préfet des Etudes Boyi Kizito 5 Préface par le Rédacteur en Chef Alphonse-Marie Bitulu 6 Sommaire 8 01. «Hommage à Keren» par Bamba Matondo Tracy (6e Primaire) 9 02. «Ma vie de tous les jours» par Wenga Epanda David (6e Primaire) 23 03. «Les jeux vidéo, une passion» par Mundele N’Kosi Azgad (6e Primaire) 33 04. «La tourmente» par Olangi Di’Handju Keren (1ère Secondaire) 45 05. «La petite Véronique» par Banewa Marie-Jaëlle (1ère Secondaire) 61 06. «Formidable Grand-père» par Ntanga M. Béni-Scholas (1ère Secondaire) 73 07. «En route vers Luozi» par Makembo Matondo Mfumu Ruth (2e Secondaire) 119 08. «Escapade en Angola» par Mvemba Cunga Jonathan (2e Secondaire) 133 09. «Mes premières amours» par Tshimanga Nkongolo Théod. (2e Secondaire) 145 10. «Qui suis-je ?» par Mulanga Kalaala Celia (4e Humanités Pédagogiques) 83 11. «Un poème pour la vie» par Katompa Tshitenge Yoshua (4e Hum. Péda.) 95 12. «Callystia» par Kiangani Ndonga Callystia (4e Humanités Pédagogiques) 8 107 La croisée des Ados 01. Hommage à Keren BAMBA MATONDO Tracy 6e Primaire 2014 - 2015 Hommage à Keren Tous les jours, je vais à l’école, sauf le dimanche, le jour de détente et de vacances. Hier, 08 novembre 2014, c’était le jour de l’anniversaire de ma tante Divine. Chaque jour, nous avons des devoirs que je fais à la maison. Lorsqu’on nous donne le devoir samedi, je le fais directement le même jour pour être libre dimanche. Car dimanche, ma grand-mère me réveille très tôt le matin pour faire la vaisselle. Je trouve toujours une montagne d’assiettes et je les lave toutes. Comme je pars à l’église avec mon père, avec ma montagne d’assiettes, il m’arrive de ne pas terminer à temps, et je manque le culte. Mais je suis alors triste de manquer l’église. Samedi et dimanche, je vais souvent chez Pierrette, ma bellemère. Elle est très gentille. Elle habite avec son père, sa mère et ses trois sœurs. Les trois sœurs ont toutes des enfants. Nous jouons avec eux, c’est la joie. Chez eux, on rigole, on est heureux : on ne s’ennuie pas là-bas. C’est trop bien ! Mais chez nous, je m’ennuie car je n’ai personne avec qui jouer. Très souvent, nous connaissons des coupures d’électricité; c’est devenu régulier, le courant s’en va vers quinze heures et ne revient que tard la nuit. Chez nous, nous sommes abonnés à Canal plus. Chaque jour, quand je rentre de l’école, après avoir fait mes devoirs et pris le repas, je regarde la télévision. Des fois, je fais la sieste ; puis le soir, je n’arrive pas à dormir. Ma mère m’appelle alors, avec mes frères pour nous demander comment nous allons. Nous en profitons pour lui dire que nous l’aimons et nous lui demandons aussi quand elle viendra chez nous. Une fois, elle m’a répondu qu’elle viendra au mois de décembre. Je ne sais pas si c’est la vérité qu’elle viendra. Prix Heidi Kabangu 2015 11 Chaque fois quand je pars à l’école, le maître nous dit : vous devez être meilleurs élèves, vous de l’actuelle 6e primaire, que ceux qui sont présentement en 1ère année secondaire. Il nous rappelle souvent le TENAFEP (Test National de Fin d’Ecole Primaire) qu’on a changé en ENAFEP (Examen National de Fin d’Ecole Primaire) et il nous y prépare. Notre maître n’est pas méchant, mais il est très sévère. Il aime beaucoup chanter la musique chrétienne. Souvent, on parle de ma sœur Keren, je me souviens d’elle et je pleure. Parce qu’elle est décédée à l’âge de quatorze ans. Cela m’avait fait très mal. Je ne cesse de penser à elle. On était très proche l’une de l’autre. On jouait avec elle au battle, Stone, son frère, mon frère et moi. On chantait, on dansait ; c’était la joie. Mais maintenant, comme elle n’est plus là, ce n’est plus comme avant. Elle devrait être là, quand ils ont déménagé. On devait lui acheter le Canal Sat, mais comme elle n’est plus là, on l’a acheté pour le reste de la maison. C’était son père qui devait le lui acheter. Elle devrait être là le jour anniversaire de sa mère Antho. Nous pensons beaucoup à elle. Puis est survenu le décès de la mère de ma grand-mère, mon arrière-grandmère. A l’école, j’ai un voisin qui m’énerve. Il me provoque sans arrêt. Et je le tape tout le temps. Ce garçon s’appelle Ifanza. Lorsqu’on présente une interrogation, il est plutôt calme, gentil ; mais avec les autres travaux, c’est là qu’il commence à me provoquer. J’essaie de faire comme si je ne l’écoutais pas. Il me gâche tout le temps mon humeur et ma vie. Je suis fatiguée de lui. Je voudrais qu’il ne s’asseye plus sur le même banc que moi. C’est difficile de voir une personne que vous détestez s’installer à côté de vous. Cela fait péter les plombs. C’est ce qui m’arrive maintenant. Quand je suis en vacances, j’ai envie d’aller à l’école ; mais quand je suis à l’école, j’ai envie de rentrer en vacances. 12 La croisée des Ados Le Directeur Musu Karassa nous pose des interrogations difficiles. Mais on se débat, et on finit par réussir ou parfois, par échouer. Le maître nous dit toujours qu’il faut lire le grand cahier - des Sciences : Géographie et Histoire - tous les jours; mais nous ne respectons que parfois son conseil, et nous faisons la tête. Des fois, j’ai peur de me présenter pour le Tenafep. Je ne sais pas pourquoi. Les autres qui sont passés par là prétendent que c’est facile, qu’il ne faut pas avoir peur. Mais j’ai foi que je vais réussir et passer de classe. Papa sera fier de moi. J’aime beaucoup mes parents. Ils font beaucoup de sacrifices pour mes frères et moi. C’est grâce à eux que je suis venue au monde. C’est aussi grâce à Dieu. Je suis la cadette de notre famille. Je vis avec mes frères, mon père, mon grand-père et ma grand-mère. Mon père fait tout pour que mes frères et moi puissions étudier. Moi aussi, je dois lui montrer que je veux réussir, pour qu’il ne puisse pas dépenser son argent pour rien. A l’école, on nous a dit que nos parents font des sacrifices pour nous, même si c’est difficile. Ma mère aussi fait beaucoup de choses pour mes frères et moi. Car elle nous aime beaucoup. En classe, on nous a parlé des démunis, des pauvres et des orphelins. On nous a dit qu’on doit offrir des dons, surtout en ce moment. Ils ont aussi besoin de fêter Noel comme tout le monde. Ils doivent aussi être heureux ce jour-là. Alors, il faut les aider. Moi, j’ai promis au maitre que je ferai un don. Ces gens me font tous pitié. Nous devons les aider. Quand tu donnes aux pauvres et orphelins, Dieu te bénit et te donne encore plus que ce que tu as donné. Il y a beaucoup de gens qui souffrent. Mon frère ainé, quand il était parti au village, il avait trouvé des enfants dans une école où il manquait des crayons. C’était une sortie de classe. Il avait apporté pour ces enfants-là des crayons, des cahiers, des stylos à billes, des crayons de couleur, des feutres, etc. Prix Heidi Kabangu 2015 13 pour que ces enfants ne soient pas trop en difficulté. Parce que ces enfants souffrent terriblement. Alors, il les a aidés. Le maître nous a dit que donner est un sacrifice et que Dieu nous aime. C’est pour cela qu’il nous a donné son Fils unique. Il l’a même sacrifié pour nos péchés. J’aime beaucoup prier Dieu, car c’est lui mon créateur. Je l’aime beaucoup. Quand le maitre a parlé de cette compétition, j’ai voulu la gagner. Mais, j’ai un gros problème. Je dois me battre : les élèves volontaires de la première année secondaire, de la troisième jusqu’en sixième année secondaire sont tous invités, ainsi que nous de la sixième primaire. Peut-être que je gagnerai le prix Heidi Kabangu. Quand je passe une mauvaise journée, je rentre très triste à la maison. Mon père nous dit qu’il ne faut pas trop regarder la télévision. Et il dit vrai, il a raison. Il dit aussi que la télévision est une distraction, qu’on leur avait dit à la réunion des parents de ne pas laisser les enfants regarder la télévision tard le soir. Je pense qu’ils n’ont pas tout à fait raison. Parce que l’enfant peut s’ennuyer et les parents n’aiment pas cela. Les parents ne supportent pas de voir leurs enfants tristes ou ennuyés. C’est pour cela qu’ils les laissent suivre la télévision même si c’est une distraction. Le jour où mon grand-frère Rudy a menti qu’il n’avait pas fait ses devoirs, ma grand-mère, comme elle aime beaucoup accuser, est allée le dire à mon père. Cela m’avait énervée. Papa ne voulait plus qu’on puisse toucher à l’ordinateur samedi et dimanche. Le jour de Noel, je n’étais pas avec mon grand-frère Rudy puisqu’il était allé en vacances chez mes cousins. Pour moi, c’était une mauvaise fête. Je n’étais pas sortie, je ne m’étais pas amusée et ma grand-mère n’a fait que m’envoyer. Je n’avais même pas eu le temps de me reposer. On avait eu des invités, ce n’était pas trop bien parce que je ne parlais pas du 14 La croisée des Ados tout et je m’ennuyais. Je n’avais pas allumé des pétards, ni des feux d’artifice, ni des canons. Le soir, mon grand-frère ainé (Randy) m’a offert un sucré à boire. Puis, je suis allée chez ma belle-mère, maman Pierrette. Je me suis bien amusée parce que quand je suis là, je joue avec ses nièces et neveux. Ils sont tous très gentils avec moi. Puis, à zéro heure, ma grand-mère a appelé papa et lui a dit qu’il vienne rétablir le courant électrique. Nous sommes rentrés à la maison et nous avons trouvé le courant déjà rétabli. Je me suis dit que ma grand-mère nous avait menti. Papa m’a raccompagnée avec maman Pierrette. Puis, eux deux sont rentrés à Yolo-Sud. Moi, j’étais allée dormir. Lorsqu’on partait chez mes cousins sur l’avenue Nyemba, mon frère Rudy et moi, on ne s’ennuyait jamais. C’était très bien également. On jouait au lego, au ballon, à libérer ou au cache-cache. Ou encore à « maman que je vienne », un-deuxtrois soleils, Adam et Eve ; ou l’on suivait un film. Le soir, des fois, quand les parents partaient à un deuil, on allumait la télévision puis, on éteignait les lumières, puis on faisait comme si c’était dans une salle de cinéma. Avec nos cousins, on rigolait, on s’amusait et des fois, de petites disputes éclataient. Mais on se disputait rarement. On jouait beaucoup plus. Nous faisions aussi des batailles de coussins : chacun poursuit les autres … ils sont vraiment très gentils avec nous. Puis, ils ont quitté Nyemba pour aller habiter Bandalungwa. Un jour, nous sommes partis là-bas en vacances. C’était bien. On s’est amusé comme des fous. On sortait et allait à côté de la rivière. Il y avait de grandes flaques d’eau le long de la rivière. Dans ces flaques nageaient des têtards. On avait aussi vu un oiseau bizarre qui ressemblait à un toucan. Il était très beau et avait plein de couleurs. Après, nous avons pris une autre route pour rentrer. Ils ont profité pour nous faire visiter le quartier où ils habitaient. Ce séjour était inoubliable. Prix Heidi Kabangu 2015 15 Un soir, nous sommes sortis avec mes cousins, ma cousine, notre oncle (leur père). Nous sommes allés chez l’ami de mon oncle (Tonton Etienne) avec qui on avait fait des émissions à la radio Okapi. Ma cousine Kiriya et moi, faisions toujours des aller-retours aux toilettes. On avait tous pris de la bouillie puis nous sommes rentrés. On dormait en retard pour se réveiller à l’heure qu’on voulait. C’était très cool ! Le jour de la «Bonne Année» (Nouvel An 2015), ce n’était pas si mal. Même si nous n’étions pas sortis, je l’ai passé avec mes deux grands frères, ma grand-mère, mon père, la femme de mon père, mon cousin, mon grand-père, mon oncle et une parenté que je ne connaissais pas très bien. La nuit, nous sommes allés chez maman Pierrette. Nous nous sommes amusés, nous avons pris des photos avec l’appareil photo de mon père. Le jour de Noel et de la Bonne Année, ma mère n’avait pas appelé. Mais le jour de mon anniversaire, elle avait appelé. Cela m’avait fait du bien d’entendre encore une fois sa voix. Elle me manque beaucoup. Je l’aime tellement. Je sais qu’elle va rentrer à Kinshasa. Quand j’ai repris l’école, le maitre nous a dit qu’il avait passé trois jours à Boma dans le Bas-Congo. Il avait visité la maison de Stanley. Il nous a parlé de beaucoup de choses et il nous a même dit que Stanley habitait dans un arbre appelé baobab, qu’il était entré dedans et qu’il l’avait même filmé. Il nous a montré quelques photos de ce voyage mais nous voulions surtout voir ce qu’il avait filmé. Nous lui avons posé beaucoup de questions. Aujourd’hui, il n’y avait pas de courant. Je m’ennuyais. Je suis fatiguée et j’ai envie de dormir. Le maitre nous a dit qu’il fallait qu’on remette normalement la rédaction de vingt-quatre pages aujourd’hui. Je n’ai pas encore fini cela. Ça me prend beaucoup de temps. Mon grand-frère Rudy me rappelle souvent de me souvenir quand j’étais encore petite. On m’a dit que je n’aimais pas parler français. Je n’aimais que le 16 La croisée des Ados lingala. C’est ainsi que mon grand-frère m’imite en faisant zin-zin, juste pour me faire rire. On se dispute parfois à cause de cela car ça m’énerve de me rappeler ces étapes déjà passées. Demain, je ne sais pas ce qui m’attend après l’école. J’ai fêté Noel et Bonne Année 2015 souffrant de grippe jusqu’à ce moment. J’ai pris des médicaments qui n’ont pas réussi à me soigner. Je me rappelle qu’un jour, quand j’avais cinq ans, je n’étais pas allée à l’école. Des garçons sont venus avec trois chiots qu’ils vendaient et nous les avions appelés. C’était ma tante Divine qui est maintenant en Angola qui nous les avait achetés. Pendant qu’elle négociait, moi, je jouais avec les trois chiots. Notre chatte qui est déjà morte, en était jalouse. Elle venait pour les griffer. Je suis intervenue à temps pour sauver les chiots et les défendre. J’ai donné une baffe à la chatte et elle a pris fuite. Quand ma tante avait terminé de négocier, nous avons acheté uniquement deux au lieu de trois. Le chiot restant pleurait de ne plus jamais revoir ses frères ni moi non plus. Cela m’avait donné aussi l’envie de pleurer avec lui. Le premier chiot, nous l’avions appelé Rox et le deuxième Déaleur. Je me rappelle qu’un jour, l’eau chaude s’était déversée et avait brûlé les coussinets. Ils avaient rapidement guéri. Quand le premier chiot mangeait, si l’on servait le deuxième, le premier abandonnait son plat pour profiter de celui du second. Ce dernier grognait mais l’autre n’arrêtait pas de chercher à se disputer la nourriture de son frère. Je me fâchais et tapait sur la tête du premier pour qu’il arrête d’envier le plat d’autrui et reprenne le sien. Puis, un matin, nous n’avons pas retrouvé Rox. Nous l’avons cherché partout, mais il avait disparu pour de bon. Nous sommes restés avec Déaleur qui, entre-temps a grandi puis est mort. Nous l’avons enterré à côté de la poubelle de notre maison dans la parcelle. Ma grand-mère Prix Heidi Kabangu 2015 17 veut acheter encore un autre chien pour que les voleurs ne reviennent plus nous embêter. Papa m’avait inscrite à la catéchèse de la paroisse. J’ai rencontré d’autres enfants de cinquième primaire là-bas. A la catéchèse, si tu as un âge avancé, tu peux suivre la catéchèse avec des grands ou plus jeunes que toi. On n’y parle que de Dieu. C’est plutôt une bonne chose. A l’école, on nous apprend des tas de choses. En maternelle quatre ans, les enfants apprennent des chansons, ils font des marches en file indienne en chantant. Ils dessinent et font des coloriages. La maîtresse leur raconte des histoires, ils jouent à plein de choses. En maternelle cinq ans, on pratique des jeux différents, des dessins, des coloriages. On apprend des chansons et les maîtresses racontent des histoires plus intéressantes que celles de la première année de maternelle. En première année primaire, les enfants apprennent les chiffres, ils calculent, ils apprennent les sons et lisent. Ils font quelques bricolages et chantent. En deuxième année, ils apprennent d’autres calculs plus difficiles, dessinent, lisent, chantent et récitent à la fin du trimestre, des textes mémorisés sous forme de théâtre. En troisième primaire, c’est la grammaire, les récitations, etc. En quatrième, on fait beaucoup d’exercices de français et de calcul. On étudie aussi des cours de sciences, histoire, géographie, etc. En cinquième année, on reprend ce que l’on avait vu en deuxième et dans les autres classes intermédiaires, puis, on ajoute quelques petites nouvelles notions. Enfin, en sixième primaire, c’est la classe où je me trouve. On reprend tout ce qu’on a appris dans les classes précédentes. Puis, on ajoute quelques nouvelles notions. A la fin, c’est le test national de fin d’études primaires. 18 La croisée des Ados Le maître nous a demandé de faire des efforts pour que nos parents soient fiers de nous à la fin. Il rajoute aussi que l’on doit faire mieux que ceux de l’année passée qui se retrouvent en première secondaire. Pour eux, les autorités de la Sousdivision étaient venues proclamer les résultats à l’école même parce que c’était un exploit dans l’histoire de l’école. Je me suis mise alors au travail. Au premier trimestre, j’ai obtenu 72,2 % et je voudrais mieux faire. Je travaillerai beaucoup pour obtenir 80 % mais, c’est quand même difficile. Des fois, on m’accuse à tort de paresse. Avec mes cousins, on aime rire, mais non se disputer. Quand je pense à ma sœur défunte, cela me fait pleurer. Je vais vous raconter l’histoire de la mort de ma cousine Kerren. C’était une fille gentille. Elle et son frère (Stone) ne s’entendaient pas quelques fois. Un jour, quand elle était malade, elle souffrait des yeux, elle est allée en Inde pour le traitement. On a découvert qu’elle souffrait d’un cancer de cerveau. A son retour, la maladie n’était pas guérie. Elle est rentrée en Inde pour la deuxième fois. Cette fois encore, elle en est revenue sans grand changement. Elle a été acheminée à l’Hôpital Mama Yemo de Kinshasa. Elle était devenue aveugle et handicapée. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’est de sentir la présence des personnes qu’elle connaissait. Elle ne parlait plus beaucoup. Un jour, sa grand-sœur Stéphanie est venue lui rendre visite. Elle avait senti sa présence et l’avait reconnue et appelée par son prénom. Comme sa grande-sœur lui caressait le visage, elle avait attrapé sa main, l’avait serré très fort. Elle commençait déjà à voir ce que nous les hommes ne pouvons voir avec nos yeux. Elle disait : « Ya Stéphanie, ferme la porte, le chien va entrer dans la maison ». Puis, un soir, la même sœur rentre de sa visite à l’hôpital. Je ne sais pas ce qui s’était passé. Nous étions en vacances. Mon grand-frère et moi jouions : je peignais les cheveux de mon jouet. Tout d’un Prix Heidi Kabangu 2015 19 coup, on appelle ma grand-mère au téléphone et on lui annonce que Ya-Keren est décédée. Elle était avec tantine Brigitte. Toutes les deux commencèrent à pleurer. Je demandais à ma tante ce qui se passait. Elle me répondra que ma cousine Keren était décédée. Mon grand-frère Randy et le second, Rudy, me demandèrent pourquoi notre grand-mère pleurait. Je leur ai répondu que c’est parce que Ya Keren est morte. Ils croyaient que je plaisantais et ont préféré continuer à jouer. J’ai reposé la question à ma tante et elle m’a répondu la même chose. Mes frères m’interrogèrent à leur tour et de nouveau, je leur donnais la même réponse. Ils éteignirent alors l’ordinateur puis entrèrent en chambre pour commencer à pleurer. Nous avons ensuite appelé la sœur aînée de Keren la défunte, qui nous a demandé ce qui se passait. Nous lui avons annoncé la nouvelle et elle aussi a commencé à pleurer. Nous avons ensuite appelé la maman de Keren, puis son papa qui était en voyage. A son retour de voyage, nous lui avons annoncé la mauvaise nouvelle et il a commencé à pleurer. Et pourtant, il était fort ; mais c’était sa fille préférée. Les jours passèrent, puis vint le jour de l’enterrement. Le père de la défunte a tenu une brève allocution, puis, il a éclaté en sanglots. Ce jour-là, j’étais inconsolable avec mes autres cousins et cousines. Il ne servirait à rien de vouloir les consoler. J’étais abattue puis, à un moment, j’ai cessé de pleurer et me suis calmée. Quand j’ai vu le corps partir pour le cimetière, j’ai recommencé à pleurer. Chaque fois que je pense à elle, je pleure toujours : elle me manque tellement. Mais elle ne reviendra plus jamais. Je ne pourrai jamais l’oublier. On prétend qu’elle est au ciel et qu’elle nous voit. C’était les plus mauvaises vacances de ma vie. Elle était morte le jour de l’anniversaire de sa sœur Stéphanie. Quand elle est morte, elle avait pipi et caca en même temps. Elle est morte d’une manière cruelle. J’ai encore des souvenirs frais. Je l’aimais beaucoup et l’aimerai toujours. Dans le cercueil, c’était comme une autre personne et pas elle. Je n’arrivais pas 20 La croisée des Ados à croire qu’elle était morte. Je ne lui ai même pas dit que je l’aimais avant qu’elle ne meure. Que Dieu la protège. Quand j’avais postulé pour être cheffe de classe, on ne m’avait pas choisie. On avait retenu les candidatures de Kaluma, Etoko, Kwanzambi et Muntwambuka. Moi, j’avais voté pour Kalumba car Etoko allait être trop fière, si on la choisissait. Pour la même raison, même sa meilleure amie Mbombo n’a pas voté pour elle, ni Kapinga. Etoko était cheffe de classe et Kwanzambi l’adjoint. Kalumba a pleuré parce qu’elle tenait à être cheffe de classe ; nous l’avons consolée mais elle a refusé et a continué à pleurer. Nous lui avons dit : « Kalumba, ne pleure pas, nousmêmes ne sommes pas choisis, mais cela ne nous attriste pas. Toi, tu pleures ! Tu sais qu’être cheffe de classe est une grande responsabilité. Avec les dérangeurs de la classe, tu risques de souffrir. Sois tout de même contente ». Elle a continué à faire la tête et nous l’avons laissée tranquille. On avait élu Mbombo présidente de Primaire au niveau de la Direction. Les gens ont trouvé cela injuste parce que l’on n’a même pas fait un débat sur le choix. C’est difficile d’étudier. J’aime plutôt faire des bandes dessinées. D’ailleurs, j’ai produis une en ce moment et j’ai déjà terminé deux autres. J’en fabrique tout plein. Je n’ai jamais voyagé en dehors de Kinshasa. Je vis toujours à Kinshasa, capitale de mon pays. Je n’ai jamais emprunté ni avion, ni bateau, ni train, ni pirogue, ni camion, ni moto pour sortir de Kinshasa. BAMBA MATONDO Tracy 6e Primaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 21 02. Ma vie de tous les jours WENGA EPANDA David 6e Primaire 2014 - 2015 Ma vie de tous les jours Je m’appelle Wenga Epanda David, élève de la 6e année primaire. J’ai onze ans. Chaque matin, quand je me réveille, j’ai l’habitude de prier. Mes parents m’ont appris que si tu ne pries pas, le diable pourra facilement te détruire. Le matin, pendant mes prières, je demande à Dieu de me protéger, de me donner la sagesse, d’être avec moi pendant toute la journée. De donner à mes parents de l’argent pour qu’on ne soit pas dans les difficultés. Dès que je termine à prier, je sors de la chambre avec ma brosse à dents. Quand je sors, je dois saluer chaque personne que je rencontre, raison pour laquelle, je dois brosser les dents avant tout. Parfois, quand je sors avec la brosse à dents accompagnés de mes petits frères, nous croisons notre père qui nous demande de recommencer à brosser alors qu’on avait déjà terminé. Tout cela, pour que nos dents soient propres. Après quelque temps, nous demandons à notre père de l’argent pour acheter le pain et prendre le thé. Lorsque je vais acheter le pain, je mets entre vingt et trente minutes. Chez nous, pendant les vacances chacun prépare son déjeuner. Dès qu’on a fini de déjeuner, on nettoie soi-même son gobelet. Et nous avons un programme de dessin animé à suivre, pendant les vacances, tous les matins et tous les soirs. Vers vingt heures, papa rentre du service. Il se repose, il mange. Après quelque temps, il va chercher Maman sur l’avenue des Huileries où elle travaille. Prix Heidi Kabangu 2015 25 Bamba Stone et moi habitons près l’un de l’autre. Parfois, je vais chez eux, d’autres fois, c’est lui qui vient chez nous. Quand je joue avec mes frères, c’est bien, mais souvent, nous avons de petites disputes qui se terminent toujours bien. Mes frères et moi jouons plus au football qu’aux autres jeux. Je sors de la parcelle uniquement pour aller jouer au football ou si je suis envoyé. Maman n’aime pas qu’on sorte de chez nous. Pendant les vacances, mes frères et moi sommes partis chez notre grand-mère paternelle. C’est très bien là-bas. Il y a beaucoup d’espace pour jouer. Notre grand-père était décédé en 2009. Grand-mère vit seule. Chez elle, nous avons le droit de jouer quand nous voulons. Un de nos cousins habite avec grand-mère. Il exploite une cabine téléphonique et une playstation. On peut jouer le matin et le soir. La journée, les gens payent pour utiliser la play-station. Chaque soir, notre grand-mère nous achète le manioc frit. Quand je joue au play-station contre mon petit-frère, Daddy, c’est compliqué pour le battre. Une seule fois, j’ai réussi à le battre cinq à deux. Mais tous les autres matchs avant, c’était toujours soit match nul ou il gagnait. Mais le football est mon jeu ou sport préféré, j’en suis fanatique. J’aime aussi d’autres jeux : les constructions avec l’argile, le jeu de six, les cartes (inter), le jeu de dames, le domino… Quand je me dispute avec mes frères ou même si on joue, personne n’aime perdre : l’un fait comme l’autre, on se donne une petite tape que l’autre cherche à tout prix à venger. J’aime provoquer mes frères pour qu’ils me poursuivent. Mais à un moment, l’amour fraternel domine tout. Parlons de la nourriture. Mes frères et moi aimons manger des mets qui ont un bon goût. Parmi les fruits qu’on aime manger, nous avons l’orange, l’ananas, l’avocat, la banane, le mangoustan, la mangue, etc. Parmi les légumes : les feuilles de patate, les feuilles de manioc, le mfumbwa si ma mère le prépare. 26 La croisée des Ados Parmi les viandes : la viande de vache, les sabots (makoso), le poisson salé, les côtelettes, les chinchards, le poulet, les queues de vache, … A part ceci, j’aime manger le riz, le « nsaka-madesu » (ndlr : les feuilles de manioc mélangées aux haricots), les frites, les bananes plantains, le mosaka (pâte d’huile de palme), les œufs, le pain, le gâteau. Quand je mange le pain, j’aime le fourrer avec de la margarine, du beurre, du fromage, d’avocat. Mais je n’aime pas utiliser la mayonnaise dans les gâteaux. Ma mère sait préparer beaucoup de ces plats et d’autres : les gaufres, le samossa, le gâteau, les chips de banane, les pommes de terre sous toutes les sortes, les beignets. Quand ma mère prépare, elle aime toujours varier les mets. C’est pour cela que j’aime toujours manger ce qu’elle prépare. Quand ma mère prépare le « mfumbwa », c’est toujours très bon, mais quand grand-mère ou quelqu’un d’autre prépare ce plat, c’est comme s’il y manque quelque chose. Une fois, mes frères, notre cousin et moi avions demandé qu’on nous prépare le « nsaka-madesu ». J’aime bien le manger avec le poisson fumé et le riz. Si je trouve la nourriture froide, je n’ai pas envie de prendre le repas, j’ai la nausée. J’aime partager le repas avec mes frères. Des fois, ma mère copie des recettes présentées sur une chaîne de télévision qui parle de la cuisine. Maman aime beaucoup cette chaîne pour apprendre des nouvelles recettes de cuisine. Mon petit-frère Daddy aime m’énerver. Quand je lui reproche quelque chose de mal qu’il a fait, il ne comprend pas. Si tu es fâché contre lui, de son côté, il va aussi se fâcher contre toi, sans savoir que c’est lui qui a mal agi. Mais après un petit temps, nous nous remettons encore à jouer ensemble. Malgré les disputes, c’est toujours lui qui est le premier à venir me présenter son devoir pour que je l’aide. Ce sera encore lui qui viendra m’appeler pour jouer. Encore lui qui viendra vers Prix Heidi Kabangu 2015 27 moi pour tant d’autres petites choses. Je ne comprends pas pourquoi, si je suis fâché contre Daddy, après un court moment, on se réconcilie. « Parce que c’est mon frère ». On n’arrive pas à garder la colère l’un contre l’autre. Quand on joue au football, Daddy et Jacques forment équipe contre moi. Parfois, ce sont des matchs équilibrés. Mais ils sont jeunes par rapport à moi. Quand je suis malade ou même un de mes frères, notre papa obtient le bon pour se rendre à l’hôpital de leur société. Si c’est moi qui suis malade, après que mon père ait pris le bon, nous laissons passer quelques jours et puis nous irons à l’hôpital Abraham. Avant d’aller, papa ou maman me demandent de ne pas manger pour qu’on me fasse les examens de laboratoire. Après les examens, je peux manger. Parfois, cela me met en colère. Pour commencer, à l’hôpital, il faut aller se présenter chez l’agent chargé de recevoir les bons. Après, il faut qu’on fasse sortir le dossier de la famille et ma fiche personnelle. Et puis, on part chez le médecin pour la consultation et l’établissement du diagnostic. Ensuite, on va au laboratoire pour les prélèvements. Il faut attendre ou revenir à seize heures, pour retirer les résultats. Après, on va se présenter à la pharmacie. On remet le bon et l’on reçoit les médicaments. Ce n’est qu’à la fin de tout cela que je peux manger. Parfois, quand maman paie l’abonnement de la télévision, si je suis présent, c’est rare que je mette une chaîne de dessin animé. Je préfère suivre Discovery Sc ou Discovery Channel. Je suis le dessin animé. Si je suis avec mes frères, ils aiment suivre Télétoun Disney Channel, Manga. Ils n’aiment pas la chaîne Piwi. Lorsque je prends la télécommande, la première chaîne que j’aime suivre, c’est « Trace Sport Star ». Mais j’aime aussi suivre « Discovery Science et Channel, Disney Channel » et tous les « Trace » : Trace Sport, Trace Urban, Trace Africa ». 28 La croisée des Ados En plus, j’aime également des émissions des chaînes telles que Syfy, TFI, RTL 9, EI, MTV, Mtv Idol, Cuisine, D8, action, voyage, Canal Plus Centre, Canal Plus XJV, Familly, Canal Plus Foot, Canal Plus Sport, etc. Lors de l’émission Cuisine, par exemple, c’est seulement pour admirer les plats, mais ma mère, elle, suit attentivement pour reproduire quelques recettes qu’elle pourra préparer. Ma mère ne prend plus d’abonnement pendant les vacances. Pendant les vacances, j’ai l’habitude de rouler à vélo chaque jour. Chaque matin, vers huit heures, je sors avec mon vélo pour acheter le pain. Parfois, je fais exprès de prendre une route détournée pour rouler longtemps sur une longue distance. Pendant les vacances, également, j’aime qu’on m’envoie plusieurs fois, juste pour rouler à vélo en dehors de la parcelle. Quand je vais acheter quelque chose à vélo, je dépose celui-ci près de la boutique pour bien le surveiller. Parfois c’est dangereux : à Kasa-Vubu, on a beaucoup de gens qui ont des vélos semblables. La journée, je roule à vélo dans la parcelle. Ma mère n’aime pas que je roule dehors parce que notre avenue sert de garage et l’on y trouve beaucoup de véhicules en réparation. C’est seulement très tôt matin ou le dimanche que je peux rouler calmement dehors. Nous habitons près de notre tante. Quand nous allons chez elle, j’y vais toujours à vélo. En conduisant, je peux lâcher les mains du guidon ou encore relever la roue de devant jusqu’à une hauteur de soixante centimètres du sol sans perdre totalement l’équilibre. Mais c’est risqué. Vers la fin des vacances, j’étais chez notre grand-mère avec beaucoup d’espace pour jouer au football. Mais notre grandmère n’aime pas qu’on joue. Mais nous ne l’écoutons pas. Parfois, nous allons jouer dehors de la parcelle. La dernière semaine des vacances, nous sommes partis chez notre tante qui habite à Yolo-Nord. Nous y avons passé deux jours. Prix Heidi Kabangu 2015 29 Le premier jour passé chez la tante avant la rentrée scolaire, elle ne se sentait pas bien. Quand nous jouions, elle nous demandait d’arrêter de faire du bruit. La nuit, nous sommes allés nous laver avant de monter au lit pour dormir. Le deuxième jour, vers la matinée, notre mère a appelé notre tante pour lui demander de nous apprêter pour rentrer à la maison vers dix-huit heures. Vers cette heure, notre tante est partie se faire tresser les cheveux dans un salon. Quand papa est venu nous chercher, il ne l’a pas trouvée. Nous sommes repartis avec papa. Le premier jour de la rentrée des classes, nous avons retrouvés tous les vieux copains. Dans les classes, c’était les stagiaires qui ont enseigné, avec le directeur lui-même. Nous avons fait la grammaire. Le deuxième jour, le maître est revenu. On a observé une grande différence avec la manière d’enseigner des stagiaires. Avec eux, nous terminions les cours vers onze heures. Nous commencions par faire des concours et vite, c’était la fin des cours de la journée. A la sortie, je rentre toujours avec les copains de classe, Bamba, Ntoya, Mundele et son petit frère. Nous sommes de petits aventuriers. Nous préférons souvent aller à pied. En chemin, nous parlons de tout et de rien. Nous nous arrêtons très souvent. Quand nous faisons cela, nous perdons beaucoup de temps. C’est pour cela que parfois j’arrive à la maison vers quatorze heures. Après les cours, si nous prenons le transport en commun, nous nous mettons l’un sur l’autre pour n’occuper que deux places et payer quatre cents francs au lieu de huit cents, pour aller de Bongolo jusqu’à Victoire. Ainsi, nous épargnons un peu d’argent. Arrivés à Victoire, Mundele et son petit frère ainsi que notre ami Ntoya partent vers Matonge ; Bamba et moi continuons tout droit. Après, moi, je prends l’avenue Shaba Mangai et Bamba continue dans la même direction. 30 La croisée des Ados Pendant l’année scolaire, je fais des économies pour acheter des CD. Une fois en cinquième, j’avais fait des économies et j’ai totalisé six mille cinq cents francs congolais. Mais la personne qui gardait pour moi, cet argent l’avait utilisé. Elle a commencé à me rembourser petit à petit. La deuxième fois, j’ai fait garder mon argent chez ma mère. Jusqu’à cinq mille francs congolais. Après, ma mère m’a dit d’arrêter parce qu’elle-même allait m’acheter le jouet que je comptais m’offrir. Après quelque temps, c’est ma tante qui m’a acheté ce jouet. Au début du mois de septembre, j’étais malade. Je souffrais de maux de tête. Je suis parti à l’hôpital avec maman. On m’a examiné. Après, le docteur a prescrit les médicaments à prendre à la maison. La deuxième fois, nous sommes repartis pour qu’on m’extraie une dent qui avait la carie. Lorsqu’on se présente chez le dentiste, il faut prendre patience et attendre parce qu’il y a beaucoup de gens qui attendent chacun son tour. La première fois, le dentiste m’a fixé un rendez-vous. La seconde fois, quand nous sommes arrivés, nous avons attendu le dentiste pendant une heure de temps. Lorsqu’il est arrivé, il m’a appelé et nous avons parlé. Quand il a commencé à extraire la dent, je n’avais plus mal parce qu’on m’avait piqué l’anesthésie. Trois jours après la signature des bulletins et avant les vacances de Noël, nous n’étudions pas comme d’habitude. Nous travaillons sous forme de concours, des devinettes, des dessins, des jeux, etc. Le premier jour, on a fait le concours de mathématiques. C’est notre équipe qui avait gagné. Le deuxième jour, nous avons eu le concours de français. Notre équipe a, une fois de plus, gagné. Le troisième et dernier jour, nous avons fait le concours de devinettes. C’était l’autre équipe qui a gagné. Prix Heidi Kabangu 2015 31 Le samedi vingt décembre 2014, c’était la signature des bulletins. Le matin, nous avons prié, chanté. Ensuite, nous avons décoré la classe. Vers huit heures, le père de Siyangoli est venu assister aux leçons : c’était la journée « portes ouvertes ». Quand on a commencé les leçons, d’autres parents sont venus et sont restés jusqu’à dix heures. Après la récréation, l’école a organisé des manifestations devant les parents, dans la cour. La signature des bulletins a commencé à douze heures jusqu’à treize heures. Moi, j’ai obtenu quatre-vingt-et-un pourcents. Mon ami Bamba, soixante-dix-huit pourcents. J’étais premier de la classe. Après la signature, maman et moi sommes allés au Grand Marché. Maman m’a acheté un chapeau fermé, une montre, un polo et deux singlets pour mes frères et moi. Maman nous a acheté un ballon et une lampe-torche pour la maison. Après, nous sommes passés chez notre tante qui vend des habits. Nous avons consacré au moins trente à quarante minutes et puis, nous avons continué chez mon oncle, le grand-frère à mon père. Après toutes ces visites, nous sommes rentrés à la maison. Le vingt-deux décembre 2014, j’ai passé trois jours d’activités informatiques à l’école du vingt-deux au vingt-quatre. Le vingtcinq, nous avons fêté Noël chez notre grand-mère paternelle. Le Nouvel An, nous l’avons passé chez notre grand-mère maternelle. Après cela, le six janvier 2015, c’était la rentrée des classes pour le deuxième trimestre. WENGA EPANDA David 6e Primaire 2014 - 2015. 32 La croisée des Ados 03. Les jeux vidéo, une passion MUNDELE Azgad 6e Primaire 2014 - 2015 N’KOSI Les jeux vidéo, une passion Bonjour. Je m’appelle Mundele N’Kosi Azgad. Chaque matin, quand je me réveille, je prie. Je demande à Dieu de me protéger durant la route, de donner à mes parents de l’argent pour nous nourrir et de veiller sur ma famille partout où nous serons. Après la prière, je pars brosser les dents avec mon jeune frère. Quelques fois, c’est mon jeune frère qui me réveille. Quand nous finissons de brosser, nous nous lavons. Nous faisons au moins dix à quinze minutes dans la douche. Quand nous finissons de nous laver, nous rentrons nous habiller. Une fois que nous avons fini de nous habiller, nous préparons la table pour le petit déjeuner. Je lui demande d’aller chercher les tasses dans la cuisine. Je pars ensuite acheter les pains pour prendre avec le thé. Nous prenons ensuite l’argent déposé sur la table pour le transport et nous allons à l’école. Nous arrivons à l’école vers 06h45 ou 06h50. Nous nous débarrassons de nos sacs, nos cahiers et nous sortons. Mais avant de sortir de la classe, nous mettons nos sacs sur les étagères. Nous causons dans la cour avec des amis et nous jouons avant que le lokele ne rétentisse. Vers 07h25, on sonne et tout élève rentre dans sa classe. Chaque lundi, nous avons une leçon de thème. Nous formons des phrases en rapport avec les mots du thème. A dix heures, on sonne la récréation pour se reposer et se détendre. A dix heures trente minutes, la récréation touche à sa fin, nous retournons en classe et nous recommençons les activités. Lundi à11h45, nous faisons la gymnastique. A 12h30, c’est la fin des cours et nous rentrons à la maison. Prix Heidi Kabangu 2015 35 Arrivés à la maison, nous enlevons l’uniforme de l’école et nous la remettons à la femme de ménage pour qu’elle le lave. Nous portons les habits de la maison. Nous suivons la télévision pendant un moment, mon petit frère et moi ; et quelque fois, nous dormons quand il n’y rien d’intéressant à suivre à la télévision ou lorsqu’il n’y a pas d’électricité. A seize heures, nous faisons les devoirs avec notre oncle paternel. Nous travaillons d’abord dans les cahiers à domicile, ensuite, nous les recopions dans les cahiers de l’école. Après les devoirs, nous jouons au ballon. Quand je gagne, mon frère se fâche et joue à la provocation mais notre bonne vient toujours nous séparer. Souvent, mon frère aime se laver avec moi. Mais, moi, je refuse. C’est quand je finis de me laver que c’est au tour de Serezy, mon jeune frère. Nous attendons 18h30 pour suivre notre série « Mon oncle Charlie » qui est une très bonne série. Nous mettons aussi le dessin animé préféré dont le titre est « Les Simpson ». C’est l’histoire d’une famille de dingues. Ce dessin animé est l’un des meilleurs que je connaisse. Je suis cela presque chaque jour. Mais ce qui m’énerve le plus, c’est la coupure de l’électricité pendant que nous suivons le film. A 19h45, nous nous mettons de nouveau à table pour prendre un peu de lait et nous allons au lit. Le lendemain, à mon réveil, je prie, je me brosse les dents, je me lave et m’habille, puis je porte mes baskets. Je prépare le lait pour mon frère et moi, je cours acheter du pain à prendre avec le lait. Après le déjeuner, je débarrasse la table, et nous prenons le chemin de l’école. Lorsque nous arrivons à l’école, je me débarrasse de mon sac comme d’habitude, je cause avec les copains filles et garçons mêlés. Mais ces derniers temps, je m’étais disputé avec quelques-uns de ces amis. Je déteste me disputer avec les gens ; mais ce sont des choses qui arrivent dans la vie. 36 La croisée des Ados En classe, la matière que je préfère, c’est l’anatomie. Cette matière a pour but d’étudier et de connaître le corps humain et son fonctionnement. A la fin des cours, je prends mon petit frère et nous rentrons à la maison. Nous ne rentrons pas seuls. Nous avons des amis avec lesquels nous faisons route ensemble. Nous ne rentrons pas à pied. Nous prenons le transport en commun et nous nous séparons à la maison communale de Kalamu, chacun rentre chez soi. Avant, nous rentrions à la maison vers 14h30 ou 15h00. Papa n’était pas content du tout. Il nous avait demandé d’être toujours à la maison avant 13h30 ; sinon, il allait nous chicoter. Nous avons obéi à son ordre. Le seul jour où j’ai pu rentrer à 14h00, c’était quand le père d’un ami était décédé. Mais avant d’aller sur le lieu du deuil, j’avais prévenu à la maison et mon père le savait. Avant que ma mère ne voyage pour aller en Belgique, elle nous avait recommandé de toujours bien nous comporter en son absence. Il arrive que lorsque nous rentrons à la maison, si nous avons faim et que j’ai un peu d’argent, j’achète du pain et le jus pour calmer notre faim, en attendant le repas. Le soir, j’achète soit les gâteaux soit le pain en tige appelé « baguettes ». Après le souper, nous allons nous coucher immédiatement. Il m’arrive parfois de dormir sans prier, sans manger si je suis très fatigué. Le matin je regrette de n’avoir pas mangé. J’ai oublié de signaler que de 15h00 à 16h30, c’est alors que le repas est prêt. C’est en ce moment-là que nous le prenons en famille. Mais, il arrive aussi que certains jours, je dors d’abord sans manger, puis, je me réveille au beau milieu de la nuit, sans le vouloir et je ne me souviens de rien. On raconte que quand tu te réveilles à ce moment-là, il faut boire de l’eau, se soulager et se rendormir. Moi, quand cela m’arrive, je ne me souviens de rien au réveil, le matin. Il arrive des fois, quand je me réveille le matin, je me rappelle certaines choses. Il s’agit des rêves drôles que je fais la nuit. Prix Heidi Kabangu 2015 37 Comme hier c’était l’anniversaire de mon frère, mon père nous avait acheté des hamburgers et le jus pour fêter cet événement de mon frère : il totalisait dix ans. Mais ce n’était que pour nous calmer ; car la vraie fête devrait se dérouler le samedi soir. Pendant le week-end, les enfants de l’amie de ma mère viennent jouer avec nous pour passer le temps. Elles ne rentrent chez elles que le dimanche soir. Nous prions dans la même église. Dans ma vie de tous les jours, quand j’étais en cinquième primaire, mon père venait nous chercher au sortir des classes ; soit il envoyait le chauffeur. Je me rappelle même que ma mère suivait des cours d’auto-école avec notre chauffeur à cette époque. Mais elle avait arrêté. Maintenant, chaque dimanche, quand je reviens de l’église, mon frère et moi partons chez notre oncle pour leur rendre visite, lui et son épouse. Comme je suis chrétien, avant de prendre le repas chez eux ou chez nous à la maison, je remercie toujours mon Dieu pour le repas. De même, quand je finis de manger, je remercie ma mère ou la tante pour le bon repas nous offert. Chaque trimestre, mon grand-père voyage pour le village. Il passe plus de trois mois au village et quand il revient, il nous ramène toujours deux ou trois choses importantes. Je le remercie infiniment pour cela. Chaque fois que mon père voyage également – pour la France surtout – il nous ramène deux ou trois jeux vidéo pour mon frère et pour moi. Nous jouons ensemble parce que nous ne sommes que deux depuis que ma mère a voyagé avec mes deux petites sœurs. Le samedi soir, nous préparons les habits pour l’église le dimanche matin. Quand nous finissons de repasser les habits, je prépare les baskets que je porterai. Puis, je vais suivre la télévision. Pour bien suivre, j’éteins les lumières de la maison et celles de dehors. A la fin, j’éteins la télévision et le 38 La croisée des Ados stabilisateur, puis je vais dormir. Mais avant de dormir, je prie. Le dimanche matin, je me réveille vers 06h30. Une fois le bain fini, je porte les habits. Je demande de l’argent pour acheter le pain et préparer le lait. En chemin, lorsque je vais acheter le pain, il arrive qu’on ne trouve pas les vendeurs de pain. Je prends une autre direction à la recherche du pain frais. A mon retour, je continue à apprêter le lait. Je mélange du sucre, du « Nesquick » et un peu de café. Je garde de l’eau chaude et froide pour le lait ne soit pas très chaud. Quand j’ai fini de prendre le lait, j’allume la télévision. Sinon, je pars dans l’autre pièce de la maison pour jouer à ma « league master » en attendant que tout le monde termine de se préparer. Mon père m’appelle pour aller à l’église. En cours de route, mon père nous donne un peu d’argent, à mon frère et à moi, pour l’offrande à l’église « Vie Nouvelle », qui est notre lieu de culte. Elle est située à Kasa-Vubu, sur l’avenue Busu-Melo, n° 15. Dans notre église, il y a le grand temple et l’Ecodim. L’Ecodim se tient à quelques mètres de la grande église. Avant d’aller là, je priais à l’église « Sang Précieux », l’une des grandes églises que je connais. Lorsque nous terminons le culte à l’église, mon père nous envoie un de ses nombreux amis pour nous raccompagner à la maison. Je me mets de nouveau à suivre la télévision. Si le courant électrique s’arrête, je pars dans la chambre me reposer. Quand j’ai fini de me reposer, je me lève et je me lave le visage. Et si le courant n’est toujours pas rétabli, je pars chez mes cousins. Souvent, quand j’arrive chez eux, je les invite à aller avec moi dans une salle de jeux pour livrer un match. Une fois le match fini, nous rentrons chez eux pour rouler à la trottinette ou suivre la télévision s’ils ont du courant électrique. Prix Heidi Kabangu 2015 39 Lorsque je suis chez mes cousins et que le courant est rétabli chez nous, je les invite à venir jouer avec moi au football dans le Playstation. Lorsque je suis fatigué de jouer, je leur propose de jouer au vrai ballon, cette fois. Nous formons des équipes de deux personnes chacune. Quand je commence à jouer, je me mets toujours avec mon cousin Christian. Mais pendant le jeu, il évolue en égoïste. Il préfère jouer et conserver le ballon que former une équipe pour un jeu d’équipe. Il transpire alors beaucoup. C’est en ce moment que mon père revient de l’église, vers 13h00 ou 14h30. Quand il descend de la voiture avec sa veste, il me demande toujours si j’ai pris du lait et pourquoi je ne porte pas de babouches. Quand je finis de jouer au ballon, mes cousins et moi, nous rentrons jouer au Playstation 3. Quand ils rentrent chez eux, je remets le ballon à sa place. Je me lave les mains et je reviens jouer une fois de plus au Playstation. Dimanche, comme notre bonne ne travaille pas, c’est mon oncle paternel qui prépare et dresse la table pour nous. S’il a besoin d’aide, il m’appelle pour lui prêter main forte. Dimanche, c’est le jour que je préfère parce que c’est le jour où l’on prépare le riz aux haricots. C’est mon plat préféré. Vers 18h30, mes cousins rentrent chez eux, moi je pars me laver parce que je suis sale après les jeux. Après le bain, je prends mon pyjama et je le porte, comme chaque dimanche, avant de dormir. Durant ces vacances de Noël, chaque jour, avant de me lever du lit, je prie au moins cinq à dix minutes. Mais quand nous sommes en vacances, mon père continue à travailler tous les jours sauf le samedi. Ce jour-là, c’est son seul jour de la semaine pour le repos. Je lui demande toujours que nous puissions faire une petite promenade pour passer le temps. Il me répond souvent qu’il est fatigué. 40 La croisée des Ados On m’a toujours raconté, quand j’étais enfant, qu’il existait un « Père Noël ». Je croyais à cette histoire comme une vérité. Mais depuis que je suis grand, je n’y crois plus. Je sais que ce sont les parents qui nous achètent quelque chose pour nous faire plaisir et nous amuser en prétendant que c’est le « Père Noël » qui est venu le déposer pour nous. L’année passée, mon père m’avait offert un ballon. J’aime beaucoup les vacances de Noël parce que nous voyageons et nous partons chez ma tante à Brazzaville pour deux semaines. La première chose que je fais quand j’arrive à Brazzaville, c’est toujours d’aller visiter le stade nommé « 8 Mars ». On l’a ainsi nommé parce qu’il était inauguré le 08 mars. Quand je le visite, je pars derrière le stade pour voir si cela n’a pas changé. Mais quand nous arrivons à Brazzaville, mon cousin William n’est pas souvent là. Il sort beaucoup. Il est âgé de treize ans. Nous avons un écart d’une année. Nous partons à Brazzaville deux jours avant Noël parce que nous devons fêter là-bas. Chez ma tante, c’est bien parce que nous sortons presque tous les jours pour aller jouer. Nous nous lavons toujours en retard parce que nous jouons beaucoup. Quand j’ai fini de me laver, je sors de la douche et une autre personne me remplace. Si mes cousins âgés de 16 et 17 ans ne sont pas là, mes autres cousins plus jeunes et moi, nous allons jouer au Playstation 3. Mais quand les grands sont là, c’est difficile de nous laisser jouer tout le temps. Nous allons alors seulement suivre la télévision si notre série favorite passe. Toute la famille vient parfois suivre avec nous. Même ceux qui étaient dans la chambre pour se reposer sortent pour suivre. Avant de revenir à Kinshasa, on appelle un papa de la famille qui travaille à l’Onatra, plus précisément au Beach. Il est capitaine du bateau et c’est lui qui nous aide pour les démarches du voyage. Il remplit toutes les formalités pour Prix Heidi Kabangu 2015 41 nous et quand il a fini, il nous appelle pour nous informer d’être prêts pour le voyage-retour. Mais, le dernier jour, je choisis d’autres jeux comme ceux de mission. C’est pour me détendre en attendant que le papa capitaine vienne nous prendre pour rentrer à Kinshasa. Des fois, si la séquence de jeu est difficile ou compliquée, j’appelle mon petit frère pour m’aider. C’est en ce moment-là que le papa capitaine vient pour que nous puissions rentrer à Kinshasa. Je prépare vite mes bagages et je mets tout ce qui m’appartient dans un sac. Quand tout est prêt, il va chercher un taxi pour nous déposer au beach de Brazzaville. Pour rentrer à Kinshasa, nous prenons le canoë rapide afin d’arriver à temps. Nous arrivons à Kinshasa dans les aprèsmidis. Au Beach de Kinshasa, papa nous attend déjà dans sa voiture. Mais avant cela, nous l’appelons pour lui signaler de venir nous chercher. Il vient nous prendre et nous ramène à la maison. Chaque année, quand je voyage, à mon retour, ma mère me prépare de bons plats qui me font vite oublier le voyage. Mais elle n’est pas là pour l’instant, elle me manque. Maintenant, c’est la femme de ménage qui prépare pour nous. Quand mon père nous dépose, il nous donne à chacun un peu d’argent pour que nous puissions acheter du pain avec un jus. Chaque année, avant d’aller en vacances, l’école organise trois journées d’activités informatiques. On nous remet un communiqué à remettre aux parents et des membres de famille ou des amis proches qui voudraient venir assister à la fête de Noël à l’école. Ces journées d’activités ne sont pas gratuites. Il faut payer quelque chose pour les encadreurs. Avant, on payait deux mille cinq cents francs. Aujourd’hui, c’est trois mille par élève. Parfois on attend quelques jours avant d’aller à ces activités. 42 La croisée des Ados J’attends impatiemment le jour j. Une fois ce jour venu, je me réveille à 07h00 parce que cela commence généralement à 08h00. Dans tout ce que je viens de raconter, ma mère nous manque. Si elle était à Kinshasa, elle allait être fière de nous. MUNDELE N’KOSI Azgad 6e Primaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 43 04. La tourmente OLANGI DI’HANDJU Keren 1ère Secondaire 2014 - 2015 La tourmente Je suis Olangi Di’Handju Keren, élève de la première année secondaire aux « Gazelles ». Je suis aux Gazelles, cela fait déjà 9 ans. Née un certain 17 janvier 2002, je suis la fille de Lokale Olangi Nico et de Masengu Katana Anne. Je suis née dans une famille de quatre enfants, un garçon et trois filles dont je suis la troisième enfant. Nous habitons au n° 28 de l’avenue Bananier du quartier Kauka, dans la commune de Kalamu. Je suis heureuse dans ma famille : la paix règne dans notre maison et j’en suis ravie. Nous habitons Kauka, car il y avait du bon courant électrique. Mais maintenant, il n’y a plus rien. Il n’y a plus de courant : nous dormons dans le noir, nous nous réveillons dans le noir. Pourquoi ? Nous avons appris que la SNEL malgré ses gros ennuis depuis la centrale du barrage d’Inga à cause des turbines qui ont vieilli et sont débordées, nous envoie toujours du courant. Mais c’est à partir de la cabine que ce courant est trafiqué par les agents chargés du dispatching dans le quartier. Mais quand la facture vient, c’est toujours à un niveau élevé, même pour nous qui n’avons pas d’électricité. Et si vous refusez de payer, ils viennent couper le peu de courant en question. Comment les gens peuvent-ils bien vivre dans des conditions pareilles et surtout, se développer sans électricité ? Pour éviter les surcharges sur les transformateurs de basse tension, la SNEL pratique ce que les gens appellent «le délestage». Mais souvent, les agents se font corrompre et trafiquent avec l’alimentation en privilégiant certains quartiers. Ceci pousse certains ménages à pratiquer des raccordements frauduleux avec des risques d’électrocution qui arrivent souvent. Prix Heidi Kabangu 2015 47 Comme il n’y a pas de courant, les gens sont poussés à acheter des groupes électrogènes, à défaut des raccordements frauduleux. Les groupes électrogènes aussi sont dangereux. Ils peuvent exploser et c’est la maison qui prend feu.. Parfois, faute de courant, nous achetons souvent des bougies. Elles aussi créent des incendies dans les maisons. Finalement, qu’allons-nous faire ? Tout ce que nous achetons nuit ! Pendant ce temps, les Chinois envahissent le pays. Peut-être qu’il y a des gens qui achètent les lampes des Chinois mais comme ces lampes ne durent pas longtemps, alors ils préfèrent acheter les bougies. Les routes commencées par les Chinois ne sont jamais achevés. Le pays est plein d’objets fabriqués en Chine. Ces objets ne durent pas longtemps. Parfois, je me demande si ce pays nous appartient ou il est à eux. Car leurs magasins se multiplient de plus en plus, leurs restaurants également. Et ils sont toujours pleins de monde, comme eux-mêmes sont une multitude. Et alors, qu’est-ce qui manque pour qu’un jour, ils se retournent contre nous ? Je ne le souhaite pas mais, que manque-t-il pour que cela arrive un jour ? D’une part, nous leur faisons confiance, nous confions notre pays entre leurs mains, et nous leur donnons le travail que nous-mêmes nous devrions exécuter, comment pourrionsnous atteindre un avenir meilleur si ce sont des étrangers qui doivent tout faire pour nous ? Le chômage règne. C’est difficile de trouver de l’emploi. Et même si vous réussissez à vous en procurer un, le salaire vous octroyé est pitoyable. En disant ceci, je vois aussi les écoles. L’Etat ne paie pas bien les fonctionnaires, dont les enseignants. Et pourtant, ces derniers devraient être mieux payés car ils s’occupent de la jeunesse. Les jeunes sont l’avenir de demain. Ce sont eux qui défendront l’avenir. Ils ont l’avenir entre leurs mains. Si les enseignants ne sont pas bien payés, comment peuventils bien enseigner ou inculquer les bonnes manières dans les 48 La croisée des Ados têtes des enfants ? Ils prendront cela à la légère et pourtant l’avenir du Congo en dépend. Quant aux écoles d’aujourd’hui, n’en parlons même pas. Il n’y a plus rien de bon. Les enfants ne vont plus à l’école pour étudier mais pour s’amuser. L’enseignement est au point zéro. On engage n’importe qui pour enseigner et aujourd’hui, l’enseignement n’a plus sa place dans la vie des enfants. Car ce qu’on leur apprend à l’école ne veut rien dire dans le milieu où ils vivent, à la maison. Les parents ne renforcent pas ce que les enfants apprennent à l’école. Qu’adviendrait-il si l’école et les parents ne travaillent pas la main dans la main ? Quel Congo aurons-nous demain ? Vous, les parents, vous avez eu de bons parents qui vous ont instruits, un bon Président de la République, un beau pays, vous légué par les aînés depuis des années de votre jeunesse. Maintenant, ne pouvez-vous pas en faire autant pour nous ? C’est juste de l’égoïsme qui a atteint son comble dans les « Congolais ». Pourquoi parler de Congolais et non seulement de « Kinois » ? Parce que, c’est dans toutes les provinces de la R.D. Congo où règne cet égoïsme. Les Kinois qui vont travailler au Bas-Congo, à Lubumbashi, à Goma sont emprisonnés, maltraités. Pourquoi ? Parce que les provinces qui les reçoivent se considèrent comme propriétaires de la terre et les originaires chôment pendant que les étrangers viennent s’enrichir sur leur territoire. Qu’est-ce que tout cela signifie ? L’égoïsme. Le Congolais ne veut pas voir son frère, compatriote, s’enrichir pendant que lui-même croupit dans la misère. Mais il n’en est pas ainsi des Blancs ou des gens d’autres races. L’homme blanc, lorsqu’il voit son ami travailler et s’enrichir, il est heureux au contraire et cherche loyalement à l’égaler, voire le dépasser ; car il sait que la compétition, c’est pour le bien de son pays. Mais l’homme noir voit les choses autrement et il fera tout pour que ce travail puisse tomber. Prix Heidi Kabangu 2015 49 Une plaisanterie que j’entends souvent : « Si vous demandez à un Blanc, demande ce que tu veux qu’on fasse pour toi et cela sera le double pour ton frère, il dira : donnez-moi une voiture, pour que mon frère en ait deux. Mais si l’on pose cette même question à un Congolais, il répondra : « Crevez-moi un œil, comme cela, à mon frère, vous crèverez les deux ; lui deviendra aveugle et moi je continuerai à voir mais borgne ». Le manque d’amour dans le cœur des Congolais ! Le Congolais veut toujours lui, lui et lui seul. Pas une autre personne. Comment un pays peut avoir de tels citoyens et espérer se développer ? Ceux qui sont prêts à tuer leurs frères pour occuper leur poste. Mais arrivé à ce poste, ils n’arrivent pas à faire mieux et conduisent l’entreprise à la faillite et c’en est fini. Si c’était le cas dans toutes les entreprises, combien seraient rescapées aujourd’hui ? Il faut être rusé pour trouver du travail, souvent mal payé, du reste. Le salaire réel, pour beaucoup de travailleurs, donne à peine de quoi se nourrir. Il faut inventer des solutions pour se loger, s’habiller, se soigner, envoyer ses enfants à l’école. Que d’imagination ! Que d’astuces au quotidien, dans cette ville ! Les bons parents se débattent pour faire le nécessaire, mais d’autres croisent les bras et attendent jusqu’à ce que leurs enfants atteignent juste l’âge de treize ans pour les envoyer se débrouiller. C’est pourquoi nous pouvons voir les « kuluna », petits bandits mendiants, les jeunes prostituées. On trouve même de petits enfants qui vendent du pétrole, de la caillasse ou autres choses, pour gagner leur vie. C’est la raison pour laquelle, on peut trouver sur une avenue, cinq ou six étalages devant chaque parcelle. On y vend de la marchandise au détail. Cela pousse aussi au vol. Les jeunes volent, les enfants volent, les parents de même. Mais pourquoi ? 50 La croisée des Ados Selon moi, il y a deux raisons. D’abord parce qu’il y a la misère. On n’a rien à manger, pas de quoi se vêtir, en voyant l’autre dans la joie ou ayant quelque chose, cela pousse à le lui ôter. Je pense que parfois, ils n’ont pas tort, ces voleurs. Peut-être qu’ils auraient pu demander, mais on ne les a pas aidés les rares fois où ils ont osé. Alors ils se décident de voler, tout simplement. Deuxièmement, c’est la jalousie. Celle-ci est une mauvaise chose. Le fait d’être jaloux des biens d’autrui le pousse à envier, et après l’envie, c’est le vol ou le crime. Ce qui blesse dans tout ceci, c’est que ce sont les parents qui laissent leurs petits enfants de six à douze ans, se livrer à la vente de l’eau, du pétrole, de la caillasse ou tout bonnement, mendier. Pourtant ces enfants devraient aller à l’école. Pourquoi cette misère congolaise ? Quand le chômage domine, les gens sont prêts à tout faire pour gagner de l’argent. C’est à cause de cela qu’il y a la corruption. Il est maintenant difficile de trouver des gens intègres. Tous sont devenus corruptibles. Pourquoi ? Parce que l’on n’a rien à faire. Si l’on avait peut-être fait la technique, appris un métier, et que quelqu’un pourrait vous proposer quelque chose de mal à faire, on ne le ferait pas. Ceux qui travaillent et qui ne sont pas bien payés, se laissent facilement corrompre. Surtout les « Juges ». On peut dire qu’il n’y a plus de juges intègres. Tous, tous alors, sont corrompus. Les filles vendent leur corps à cause de cette souffrance. Un petit garçon va lui promettre 20 dollars et elle cède. Une fois elle se retrouve enceinte, le gars s’en va et elle reste souffrir seule avec son gosse. Nous vivons cela tous les jours. C’est pourquoi il y a maintenant des avortements clandestins avec tous les risques d’hémorrhagie, de contamination. Les filles jettent leurs enfants, les égorgent, les tuent, les noient … Prix Heidi Kabangu 2015 51 Pourtant, on trouve des femmes qui n’ont pas d’enfants et en recherchent par des jeûnes, des prières... Mais les jeunes filles, elles, s’amusent et quand elles sont enceintes, elles avortent, prennent des produits pour tuer leurs fœtus… Pourquoi ? Parce qu’elles cherchent de l’argent jusqu’au point de se prostituer. C’est pourquoi il y a des orphelins, des enfants de la rue, des mendiants… Parce qu’ils n’ont pas de parents responsables pour prendre soin d’eux. Souvent, quand il y a le jeu DV Lotery, il faut voir la foule qu’on trouve dans les cybercafés. Tout le monde veut voyager, quitter son pays natal. Mais ce qu’ils ne savent pas c’est qu’on n’est mieux que chez soi. Arrivés là-bas, c’est la misère qui commence. Comme un jeune père qui a joué et gagné. Arrivé sur place, il découvre qu’il n’y avait rien que la misère pour les Congolais de là. Il est revenu témoigner qu’il n’y avait rien de bon. Rien que la misère ! Les Congolais se laissent facilement emporter quand il s’agit de sortir ou de voyager à l’étranger. A qui allez-vous laisser votre propre pays ? Qui travaillera pour vous ? Qui développera votre pays ? N’est-ce pas vous ? Mais vous, vous en allez tous !!! Des paresseux ! Ils abandonnent leur pays pour aller donner leur talents, travailler pour ceux qui ne le méritent pas. C’est vraiment de l’ingratitude. Le Congo vous a reçus dès votre naissance. Le Congo vous a protégés, vous a nourris, mais vous refusez de travailler pour le remercier, pour le développer. Parfois, je suis d’accord qu’on refoule les Congolais. Ils n’ont aucun projet. Ce sont des gens sans objectif. Ce sont des hommes qui aiment la facilité en tout. Mais, il reste encore un espoir pour le Congo. Je le sais et le sens. Depuis ma naissance, c’est Kinshasa que je vois tous les jours. Parfois, j’ai envie de voyager, mais ce n’est pas encore le moment. Car s’il faut que je voyage, ce sera pour apprendre plus sur ce que je ferai dans la vie. 52 La croisée des Ados Si c’est possible, je ferai la médecine. La spécialisation en pédiatrie. J’irai développer mes connaissances en Suisse. J’aime bien la médecine. Surtout la pédiatrie. Toutes les personnes qui me connaissent bien me disent toujours, « tu dois faire la médecine ». Et je crois que c’est vrai. J’ai toujours aimé ce travail. Mais nos médecins d’aujourd’hui ne soignent plus bien. Ils cherchent l’argent. C’est pourquoi, si tu es pauvre, tu mourras sur ton lit d’hôpital, sans soins. C’est affreux. J’ai vu une petite fille mourir entre les mains des médecins parce que ses parents n’avaient pas d’argent pour les soins. Les pauvres, ils ont perdu leur fille à cause du manque d’amour des médecins. C’est pourquoi nous mourons comme des mouches. Je pense changer les choses une fois devenue médecin. J’aurai mon centre de santé. Je ferai tout pour que même si tu n’as pas d’argent, tu puisses d’abord recevoir les soins d’urgence. Je n’ai jamais pensé au mariage. Je ne sais pas pourquoi mais cette pensée ne m’est jamais venue. D’ailleurs, aujourd’hui, on ne parle plus du mariage. Il n’y a plus de mariage. Les parents vendent leurs filles. Je dis cela parce que je l’ai vécu. Mon oncle est allé dans la famille de sa femme pour demander la facture, mais il faut voir la liste. Là, je me demande si la fille se marie ou elle est vendue. On trouve dans la liste, des boîtes de lait, du sucre, un bidon d’huile, un réchaud, etc. Et en plus de tout cela, il y a l’argent en espèce fixé à cinq mille dollars américains (5.000 US$). Je comprends pourquoi les jeunes garçons préfèrent ce qu’on appelle en lingala « yaka tovanda » (ndlr : viens qu’on se mette ensemble - la cohabitation). Parce que s’ils veulent se marier, ils se butent à une liste kilométrique, ils sont découragés et abandonnent. Et là, ils vont seulement engrosser la fille et la prendre chez eux à la maison. J’en conclus que les parents n’aiment pas leurs enfants. Parce qu’en ce moment, le mariage est très difficile. Prix Heidi Kabangu 2015 53 C’est une chance de voir un jeune homme venir demander la main d’une fille. Au lieu de vous en réjouir et lui faciliter la tâche, vous le coincez au contraire. Et si un jour ils arrivaient à se marier, lorsqu’ils vont se disputer, la femme pourra dire « je rentre chez mes parents », et le mari rétorquera : « tu es à moi car je t’ai achetée chèrement des mains de tes parents ». Non, là, trop, c’est trop ! Les parents veulent maintenant s’enrichir à travers la dot. Et pourtant, la dot devrait être un symbole pour permettre à tous les jeunes gens, garçons et filles, de se marier. Une autre chose que je remarque à Kinshasa : le phénomène « sorcellerie » ou le « fétiche ». Les gens vont consulter un féticheur puisqu’ils ont perdu de l’argent, des provisions. Ils acceptent de sacrifier la vie des autres à cause de ces petites choses. Ils pratiquent cela sans savoir que l’on peut racheter tout ce qu’on a perdu, qu’on peut retrouver de l’argent ou un emploi ; mais que la vie humaine ne peut jamais s’acheter à prix d’argent. Pour beaucoup de Congolais, leurs biens valent plus que la vie humaine. Ils acceptent de perdre quelqu’un en le sacrifiant lorsqu’ils courent chez les féticheurs. Le sort qui attend tous ceux qui recourent à ces pratiques, c’est la mort subite ou la maladie qui les conduira à la mort. Les féticheurs détruisent la vie communautaire. Ils brisent des foyers, séparent des couples, tuent des gens … le tout pour gagner leur propre vie. Même les jeunes filles, vont consulter les féticheurs pour que les garçons tombent amoureux d’elles. Ou parce qu’elles sont amoureuses d’un homme marié. Elles vont tout faire pour séparer le couple et s’envoler avec l’homme. En faisant cela, elles ne regardent pas les conséquences qui en découleront. Quelquefois, quand les gens vont chez les féticheurs, le prix qu’on leur demande, ils n’arrivent pas à le payer. C’est alors le châtiment du sorcier ou féticheur qui devrait tomber sur 54 La croisée des Ados leurs victimes qui les emporte eux-mêmes. La majorité d’entre eux deviennent des fous sur la route. Pourquoi les gens ne savent pas pardonner ? Que vont-ils alors faire à l’église ? Je comprends maintenant que l’église n’est plus l’église. Elle est devenue un endroit où les gens viennent entendre un bon discours de bonnes aventures, ils viennent voir un faiseur de miracles et c’est tout. Aujourd’hui, les pasteurs ne prêchent plus sur le pardon. Dans leurs églises, c’est seulement des prières du genre : « Mon frère, si tu me donnes ton argent, tu iras aux Etats-Unis, ton argent augmentera, … ». A la fin, les gens sortent tout cet argent. C’est pourquoi les gens ne peuvent pas changer de conduite. L’église n’est plus l’église, mais un moyen de gagner le pain pour le pasteur. Une autre chose m’intrigue à Kinshasa : l’habillement immoral des femmes. Nos bonnes dames de Kinshasa s’habillent très très très mal. Elles laissent leurs seins dehors, leurs jambes nues et dehors. Selon elles, c’est cela la mode. Non, surtout si vous allez dans des fêtes, c’est vraiment pitoyable ! Elles veulent tout copier de la civilisation occidentale. Même en Europe, les dames ne s’habillent pas de cette façon. Notre propre civilisation est en train de disparaitre (mourir). C’est vrai, nous avons été colonisés par les Blancs, mais depuis 1960, nous avons eu notre indépendance. Nous sommes en 2014 (sic) et cela fait bien cinquante-quatre ans d’indépendance. Nos propres cultures sont en train de disparaître. Au contraire, elles se meurent toutes. Notre professeur d’histoire nous a toujours enseigné que chaque peuple a sa civilisation. Mais pourquoi copier les autres ? Un Kinois, pour ne pas dire un « Congolais », est comme un caméléon. Le caméléon prend la couleur de l’endroit où il se trouve. C’est pareil avec le Kinois. Quand il va peut-être aux Etats-Unis, il a honte de manger le fufu, le riz, … Il va s’adapter au mode de vie de là-bas. Parfois même, je les trouve drôles et maladroits dans leurs efforts d’adaptation. Prix Heidi Kabangu 2015 55 Ce n’est pas bien : si tu es kinois, manifeste cela partout où tu seras. Il faut être fier de ce l’on est et non de ce que tu as. Sinon, tu seras comme un caméléon : quand tu es en France, tu es français, en Belgique, tu deviens belge. Mais finalement, quelle est ta nationalité ? Soyez fiers de la personne que vous êtes, même si votre pays a une mauvaise réputation ; soyezen fiers. Sachez que malgré le fait que vous changez tout le temps de nationalité, vous demeurez toujours la personne que vous étiez. Cela ne change pas votre sang ni votre nature. La R.D. Congo a pour Président de la République, Joseph Kabila Kabange. Les gens disent du mal de lui. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que tout ce qu’ils disent n’empêche pas le Président d’accomplir son mandat. C’est pourquoi, tout ce temps qu’ils perdent ne servira à rien. Car c’est lui qui dirige le pays et les choses dans le pays. Les gens racontent qu’il n’y a pas de changement véritable : la pauvreté croît, les routes sont sales et pleines de nids de poules, il n’y a pas de travail, … tout cela est vrai. Mais il ne faut pas arriver au point d’insulter votre Président. Il faut au contraire le respecter, l’encourager, le remercier pour ce qu’il réalise ou a déjà réalisé pour son peuple. Au lieu de cela, on le déshonore tout le temps. Qui sait si c’est cette attitude méchante du peuple envers lui qui l’empêche d’agir autrement ? Vous parlez et critiquez bien, mais quand vous arriverez au pouvoir, vous ne ferez rien non plus, ni mieux. Le peuple devrait travailler la main dans la main pour préparer l’avenir du pays. Pour préparer le futur Président de la République, les futurs Ministres, les futurs citoyens. Au lieu de cela, c’est le désordre et l’égoïsme, «le chacun pour soi». Ce n’est pas une bonne manière pour développer un pays. La bonne manière pour développer un pays, c’est dans « l’union ». Car un proverbe dit : « l’union fait la force » et la Belgique en a fait sa devise. 56 La croisée des Ados Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. Si seulement nous pouvons nous lever et prendre la décision de rebâtir notre pays, je crois que ce sera un exploit. Le Congo est un pays très riche. Comme mon oncle dit toujours : « quand Dieu créa le monde, Il commençait à distribuer les richesses dans chaque pays. Arrivé en Afrique, précisément en R.D. Congo, il était très fatigué. Les richesses qui lui restaient entre les mains, il les a déposées sur le sol de la R.D. Congo et il est reparti. » Tout cela, pour dire que le Congo est très riche. Une fois, Mme Kabangu nous racontait l’histoire d’un homme pauvre qui était assis sur un coffre pour mendier. Un jour, un Blanc passait par là. Le mendiant tendit sa main pour recevoir quelque chose de la part du passant. Le Blanc se regarda et lui dit : que veux-tu que je te donne encore ? Tu es assis sur l’or et tu ne le sais pas. Le coffre lui-même qui lui servait d’escabeau était une grande richesse et contenait beaucoup de richesses. Cette histoire nous montre que nous avons de grandes richesses mais nous comptons parmi les pays les plus pauvres. Par contre, la Suisse, un petit pays qui n’a presque rien dans son sous-sol, est parmi les plus riches. Réveillons-nous ! Mme Kabangu nous disait aussi : si vous donnez la Suisse aux Congolais et le Congo aux Suisses, les Congolais détruiront la Suisse et les Suisses développeront le Congo. Il y a encore de l’espoir pour le Congo. J’y crois et j’y croirai toujours. Parlons enfin de moi-même. J’habite avec ma famille. Ma mère, est secrétaire au Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles ». Mon père, je ne sais pas vraiment quel titre lui donner mais je sais seulement qu’il va au Bas-Congo, après deux ou une semaines et il revient. Il passe trois jours avec nous et il repart. Ma petite sœur et moi, nous étudions aux « Gazelles », mon grand-frère étudie à l’I.T.I. Gombe (Institut Technique Industriel), ma grande-sœur à l’E.C.A.Mo.(Ecole Chrétienne Arche de Moïse). Prix Heidi Kabangu 2015 57 Je suis aux « Gazelles » depuis la deuxième année de maternelle. Je compte quitter en deuxième, mais je ne sais pas encore si cela sera réellement le cas. Je pense suivre la section scientifique, ensuite faire la médecine. J’ai l’intention d’avoir mon propre centre médical quand je serai grande. J’ai beaucoup d’amis aux « Gazelles ». Ce sont de bons enfants et je les aime bien. Mais y en avait une que j’aimais beaucoup mais qui est maintenant en France. Ce voyage brusque m’avait causé vraiment de la peine et brisé mon pauvre cœur d’enfant car je l’aimais bien. Cette fille, c’est Teka. Je rentrais avec elle, nous étions voisins. Leur avenue était en face de la nôtre. Elle a laissé un grand vide dans mon cœur. Mais j’ai d’autres bonnes amies qui ont réussi à me remonter le moral. C’est cela la vie. Certains s’en vont et d’autres les remplacent. Sans changement, il n’y a pas de vie ! Parmi les nouvelles amies, Banewa, je l’aime beaucoup. Je trouve en elle quelque chose de spécial, je ne sais pas quoi. J’aime beaucoup d’autres. Je fais de mon mieux pour vivre correctement avec elles. Bien que parfois, nous ayons de petits problèmes entre amies, dans l’ensemble, ça va. J’aime bien les taquiner quelque fois. Parce que si je reste calme ou seule, je pense à Teka et cela me donne l’envie de pleurer. Mais je sais qu’un jour, je la reverrai. Cela me redonne espoir. Mais tout se passe bien avec les nouvelles amies. Tous les professeurs sont gentils avec nous en classe. Je les aime tous. Car tous, ils contribuent à ma formation. Je les aime et j’essaie de faire un effort pour qu’ils soient fiers de moi. Comme moi aussi, je suis fière d’eux. Tous les jours, je vais à l’école, sauf le dimanche, les jours fériés et pendant les vacances. S’il y a quelque chose que je poursuis ici sur terre, pour lequel je me dépouille, c’est de devenir un grand médecin pédiatre et ophtalmologue. C’est la fille Olangi Di’Handju Keren, fille de Monsieur Nico Olangi Lokale et de Mme Anne Massengu 58 La croisée des Ados Katana, élève de la première secondaire aux « Gazelles » dont les titulaires sont Professeurs Kiyanze et Mpani. OLANGI DI’HANDJU Keren 1ère Année Secondaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 59 La petite Véronique BANEWA Marie - Jaëlle 1ère Secondaire 2014 - 2015. La petite Véronique Un certain mercredi du mois d’octobre 2014, je me suis réveillée. J’ai fait une petite prière dans laquelle j’ai demandé à Dieu de me protéger ainsi que toute ma famille. J’ai ajouté qu’il guide mes pas dès mon départ de la maison jusqu’à mon arrivée à l’école, et qu’il me garde également au retour à la maison. Après cela, j’ai pris ma douche et mon petit déjeuner. Puis, j’ai emprunté le chemin de l’école. Chaque mercredi, notre horaire est le suivant : les deux premières heures : Algèbre, troisième heure : Biologie, quatrième heure : Informatique, cinquième heure : Français et enfin la sixième heure : Musique. A l’heure d’Algèbre, nous avons présenté une interrogation. En Biologie, nous étions en train de parler des fleurs. Pendant le cours, nous étions surpris de voir le Professeur Kiyanze, le titulaire venir nous annoncer que l’école organise un concours littéraire dénommé «Prix Littéraire Heidi Kabangu». Il nous dicte quelques thèmes proposés parmi lesquels nous devrions choisir un. Quelques jours plus tard, le professeur Mpani nous a dit que le programme avait changé et que nous devions exploiter un seul thème tout le monde. Il s’agit de «Ma vie de tous les jours». Il a ajouté que l’on devait remplir un cahier de vingtquatre pages pour figurer parmi les candidats retenus. Surle-champ, il nous a remis ledit cahier approprié à chacun. J’étais étonnée car, ce que le professeur Kiyanze avait dit avait l’air plus facile. J’ai des difficultés à commencer, mais je réalise que le commencement, c’est moi-même. Je décide alors de parler de moi-même. Un certain deux juillet deux mil-deux, une très jolie petite fille est née entre les mains d’une femme appelée Bernadette et d’un homme appelé Jean-Paul Mosengo. Lorsqu’elle est Prix Heidi Kabangu 2015 63 née, son père et sa famille ont voulu qu’elle s’appelle Mavé, qui est le mélange du prénom de ses grands-mères maternelle et paternelle. Mais sa mère ne veut pas. Elle propose qu’on l’appelle Kethia. Ce que son père non plus ne veut pas. Whaou ! Quel bouleversement ? Une tante maternelle propose enfin le prénom de Jaëlle. Tous les deux parents tombent d’accord. Mais la famille de son père affiche toujours de la résistance contre ledit prénom. Les parents décident enfin de lui donner le prénom de Marie Véronique. La famille de son père persiste avec le nom de Mavé. Quel dommage ! Elle s’appellera finalement Banewa Marie-Véronique. Elle est issue d’une famille de sept enfants dont le premier s’appelle Popaul. Il est avocat. La deuxième s’appelle Jasmine. La troisième répond au nom de Tatyna. Elle est économiste de formation. La quatrième s’appelle Vanessa. Elle est en deuxième doctorat de médecine à l’Université Protestante au Congo (U.P.C.). Le cinquième de la famille est un garçon, du nom de Josué. Il fréquente l’Université Catholique du Congo (U.C.C.) en économie et développement. Il compte devenir docteur en économie. La sixième porte le prénom de Naomie. Elle est en cinquième littéraire. Je suis la septième de la famille, comme vous l’avez déjà appris. Voilà comment se compose donc ma famille. Je vais alors vous raconter mon histoire. Lorsque j’ai totalisé trois ans, il fallait que je parte à l’école. A cette époque, mes soeurs et mon frère étudiaient déjà aux Gazelles, à l’exception de Vanessa qui allait au Lycée Kabambare. Elle seule est allée ailleurs puisqu’elle voulait suivre les humanités scientifiques. Moi, je ne pouvais pas encore étudier aux Gazelles puisqu’il n’y avait pas de première année de maternelle. Mes parents se décident de m’inscrire à l’école Mont-Amba. Je commence là-bas. Je travaille bien, je suis intelligente. Une fois en pleine session d’examen, je suis tombée malade. Je ne partais plus à l’école. Lorsque j’étais guérie, il fallait que je récupère tous mes travaux non 64 La croisée des Ados effectués. Durant la récréation, lorsque les autres sortaient jouer, moi, je restais en classe pour récupérer certains travaux que je n’avais pas réalisés. Je me rappelle des fois où ma mère venait me chercher exprès en retard. Au Mont-Amba, si un parent vient chercher son enfant, il doit présenter à la dame qui enseigne le jeton que la Direction scolaire donne aux parents à l’inscription. Si par hasard elle a oublié le jeton, elle était obligée de rentrer à la maison pour le reprendre. Et si elle ne retrouve pas le jeton, elle est obligée d’attendre que l’on vienne récupérer tous les enfants. Alors seulement, elle pouvait m’amener. Les dames qui nous enseignaient lui reprochaient cela. Lorsque j’ai totalisé quatre ans, mes parents n’ont pas voulu que je continue à étudier au Mont-Amba. Ils se sont décidés que j’aille étudier avec mes sœurs et mon frère aux Gazelles. Quand ils m’ont appris la nouvelle, j’étais très contente parce que je ne voulais plus rester au Mont-Amba, toute seule. Plus tard, ma mère et moi étions venues prendre l’inscription aux Gazelles. J’étais retenue et je devais venir étudier aux Gazelles. Chaque année, aux Gazelles, les élèves de cette classe présentent un ballet et une pièce de théâtre à la fin de leur cycle primaire. Cette année, c’est mon frère Josué qui était l’acteur principal. Le jour de la présentation, ma mère m’a proposé d’aller l’accompagner et assister au spectacle. J’ai accepté. Nous sommes venues et nous étions très contentes de la manifestation. Tout le monde qui était présent également. A la fin, toute la classe de mon frère a dansé le ballet. Tout s’était très bien passé. Quand l’année scolaire 2006 - 2007 a commencé, j’étais admise en deuxième année de la maternelle. Le matin du jour de la rentrée, lorsque je suis arrivée, ma soeur Naomie m’accompagnait pour m’indiquer la classe. A mon arrivée, je suis entrée, il n’y avait qu’une seule personne. Je ne la connaissais pas. Quelques minutes plus tard, une dame est Prix Heidi Kabangu 2015 65 entrée et elle nous a salués. Elle nous a demandé de nous présenter. Quand c’est mon tour je me présente : «Je suis Jaëlle Banewa Marie-Véronique». La fille qui était assise près de moi s’est présentée, elle aussi : «Je suis Keren Olangi Di’Andju». Quelque temps après, d’autres élèves commencent à arriver. Lorsqu’on a sonné le début des activités, la dame qui était là s’est présentée sous le prénom d’Edwige. Puis, chacun à son tour s’est présenté à l’intention de tous. Après cela, la dame nous a appris une prière que nous avons continué à réciter toute l’année scolaire. J’étais habituée à me réveiller tôt. Je m’adaptais donc facilement aux exigences que l’on m’imposait à l’école. Je trouvais Gazelles un peu bizarre. A l’école d’où je venais, chaque classe a au moins deux dames. Et nous nous mettions sur des chaises en plastique, tandis qu’ici, on est assis sur des chaises en bois. Lorsqu’approche la Noël, il faut que nous fassions une saynète dans laquelle nous allons parler de la Nativité ou la Naissance de Jésus. La maîtresse me propose de jouer le rôle de Marie, la mère de Jésus et j’accepte. Les répétitions commencent et vont bon train. Je joue bien mon rôle. Arrivé le jour du spectacle, je tombe malade et ne peux aller à l’école. J’ai raté de jouer mon spectacle et je ne sais même pas comment cela s’était finalement déroulé. A part cette maladie, j’ai bien passé cette année scolaire. Quand l’année scolaire 2007 – 2008 a commencé, j’étais en troisième année de Maternelle. C’était la classe de Mme Tatiana et Mme Ntumba. Les deux dames étaient bien gentilles avec moi. Mais il y avait un enfant qui s’appelait Hervé. Nous nous disputions avec lui chaque jour. Si je fais un travail, il venait toujours le détruire. Je me fâchais quand il agissait ainsi. A mon tour, quand il terminait de réaliser quelque chose, je l’abîmais pour me venger. 66 La croisée des Ados Chaque année, les élèves qui arrivent à la fin de leur cycle des humanités pédagogiques présentent un stage de fin d’études dans les salles de classe. Dans ma classe, c’est ma sœur Tatyna qui est affectée pour enseigner. J’étais contente. Quelques semaines plus tard, c’est la fin de l’année et nous devons prendre les grandes vacances. Lorsque commence l’année scolaire 2008 – 2009, je suis en première année primaire. Là, j’ai rencontré des amis avec qui j’ai fait l’école maternelle. Lorsque le « lokele » a sonné la rentrée, je suis allée en classe. Là, j’étais très surprise de voir un homme m’enseigner. Il s’est présenté au nom de Kabitshwa Eric. Nous sommes allés ensuite dans les salles de classe où se trouvaient nos aînés et nous avons visité toute l’école. Quelques mois plus tard, c’était la signature des bulletins. Mes parents sont venus signer, j’avais réussi. Mais je n’arrivais pas tellement à bien m’adapter. J’avais quelques difficultés en lecture et en calcul. Jusqu’à présent, je n’avais pas pris des précautions utiles pour bien apprendre à lire et à calculer. Plus tard, j’ai fini par décider de tenter quelques techniques : chaque jour, je devais lire au moins deux pages du livre « Baba » à haute voix. C’est ainsi que j’ai appris à très bien lire. Concernant le calcul, je m’exerçais chaque jour avec les exercices résolus en classe ou non. C’est ainsi que j’ai évolué avec l’apprentissage du calcul et je suis parvenu à bien calculer. A part ces deux difficultés, je n’en avais pas d’autres qui me bloquaient. Mon année scolaire s’était bien passée. Quand je suis arrivée en deuxième année primaire, la dame qui nous enseignait s’appelait Kembo Nsele. Elle était gentille avec nous. La difficulté que j’ai rencontrée dans cette classe est la suivante : je n’arrivais pas à retenir les tables de multiplication. Je n’avais même pas envie de les retenir. Prix Heidi Kabangu 2015 67 Un jour, Mme Kembo nous a donné le devoir d’aller réviser les tables de multiplication puisque le lendemain, elle nous interrogerait sur cela. Je suis rentrée à la maison avec détermination de retenir cette table de multiplication pour ne pas échouer. Puis, je l’avais retenue, effectivement. Et le lendemain, à l’interrogation promise, j’avais réussi. Non pas seulement, j’avais retenu la table pour l’interrogation, mais, je l’ai fait pour la vie : je ne l’oublierai jamais. Ce que j’ai remarqué durant mon année scolaire en deuxième année primaire, Mme Kembo nous frappait. Quand il lui arrivait de me frapper, je pleurais très fort, et cela à chaque fois. A cause de ces pleurs abondants, elle m’avait surnommée « Gros bébé ». Quand vint le moment de signer les bulletins, mon père était venu. Il consulta mes résultats et il était très fier de moi. Mme Kembo lui a alors dévoilé que dans la classe, tout le monde m’appelle « Gros bébé ». De retour à la maison, papa a rapporté ce surnom à toute la famille, mes frères et sœurs ensemble. Depuis ce jour, mes frères et sœurs m’appellent de ce nouveau sobriquet. A part cela, mon année scolaire en deuxième année, s’est bien passée. Arrivée en troisième année primaire, c’est encore un homme qui revient comme enseignant. Il s’appelle Makembo. Il était très gentil. Mais s’il te voit déranger, il écrit dans ton journal de classe à l’intention des parents. Le lendemain, les parents doivent obligatoirement signer le communiqué avant que tu n’entres en classe. Au début de l’année, je m’asseyais avec Pauline. Lorsqu’on nous a changé de places, je me suis retrouvée avec Kabeya Tshimbombo. Avec lui, nous nous disputions trop. Une fois, il avait insulté mon frère. Pour l’énerver, j’avais insulté sa mère et nous étions tous deux fâchés l’un contre l’autre. La situation a perduré jusqu’à ce que nous sommes allés nous expliquer devant le maître. Pour éviter les problèmes, il 68 La croisée des Ados nous a changés de places. Il m’avait placée à côté de Kabamba. Une fois de plus, nous nous disputions tout le temps avec ce dernier. J’ai été placée à côté de Bomele, avec la permission du maître. Mais, là encore, c’était pire. Je me rappelle qu’un jour, nous en sommes venues à nous battre. Là, maître Makembo nous avait punies sévèrement. Puis, après, il m’a changée de place et je suis allée m’asseoir avec Mukendi. Enfin, je me sentais à l’aise ! Si l’on me demandait les difficultés rencontrées en troisième primaire, hormis celles du caractère belliqueux, je n’arrivais pas à bien faire les calculs. Ces difficultés ont perduré jusqu’à ce que le maître Makembo nous avait aidés à comprendre. C’est alors que j’avais commencé à me sentir à l’aise. C’est de cette façon que j’ai passé mon année scolaire en troisième. Arrivée en quatrième année primaire, c’était le maître Patrick Kabitshwa qui nous enseignait. Il était gentil avec nous. Il nous aimait beaucoup. Un jour, il avait posé une question à la classe et personne n’avait trouvé de réponse. Il s’était énervé et voulait frapper toute la classe. Comme il avait commencé au coin de la classe, les cinq premières étaient touchées plus fortement que les autres. Le maître était plus sévère que ceux des classes antérieures. Quand tu n’as pas fait le devoir à domicile, tu reprendras au triple la tâche. Sinon, si tu t’entêtes à ne pas le faire, tu auras deux ou trois jours de punition à rester à la maison. La quatrième était la seule classe où mes résultats n’étaient pas fameux, la seule où j’ai vraiment mal travaillé. Comme pour les années passées, ma difficulté résidait toujours en calcul : je n’arrivais pas à faire la division. Lorsque le maître enseignait, il avait remarqué que je ne suivais pas. A l’interrogation, j’avais quelque fois des zéros et je pleurais beaucoup puisque je ne comprenais pas que je puisse obtenir zéro. En fin de compte, j’avais pris la décision de comprendre Prix Heidi Kabangu 2015 69 le calcul. Cela avait bien marché et l’année s’était terminée sur de bonnes notes partout. Me voici en cinquième année primaire. C’est de nouveau maître Erick Kabitshwa qui nous rejoint. Il est venu remplacer maître Luntadila Nestor affecté en sixième année primaire après le départ de maître Mulumba. C’est ainsi que Mme Kabibi est restée seule en première année. Maître Erick était très gentil avec nous. Il nous aimait. Il nous aidait à comprendre toutes les leçons. Il ne frappait pas mais il punissait seulement. Au premier trimestre, toute la classe avait réussi. Malheureusement pour nous, au retour des vacances de Noël, on nous apprend qu’il a quitté. Nous étions tous très tristes. Un si bon maître était parti ! Pendant que l’école cherchait encore un enseignant pour le remplacer, Mme Françoise, la secrétaire de l’école, nous enseignait. Elle faisait l’effort de nous aider à comprendre. Mais quand elle enseignait, elle avait l’air de quelqu’un qui ne sait pas enseigner mais se dépense pour que les élèves parviennent à comprendre. Le jour où les candidats maîtres étaient venus passer leur test, ils étaient à quatre. A la fin, l’école n’avait retenu que deux candidats : Jean-Christophe et Modeste. C’est ainsi que les deux ont commencé à enseigner jusqu’à la fin de l’année scolaire. L’année s’est bien terminée et j’ai réussi. J’arrive en sixième année primaire. C’est maître Modeste qui nous enseigne. Il était bien gentil avec nous. Il nous aimait beaucoup. Il enseignait de tout son cœur. Il nous encourageait, nous fortifiait pour ce grand projet que nous avions à accomplir dans notre vie. Grâce à lui, nous avons récolté les meilleurs résultats de l’école primaire. La sixième année primaire nous a paru la classe la plus facile de l’école primaire. Durant toute l’année, il ne s’est rien passé de grave. 70 La croisée des Ados Maintenant, je suis en première année secondaire. Tout se passe plutôt bien. Je remercie Dieu de m’avoir protégée. Je remercie Madame Heidi Kabangu pour la belle initiative qu’elle a prise de créer cette école, pour l’avenir des jeunes qu’elle a forgés. Je remercie tou(te)s ceux et celles qui ont contribué à mon éducation jusqu’à ce jour. BANEWA Marie - Jaëlle 1ère Secondaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 71 06. Formidable Grand-père NTANGA MUKENDI Béni-Scholas 1ère Secondaire 2014 - 2015 Formidable Grand-père Je suis Béni-Scholas Ntanga Mukendi. Je suis née le 03 avril 2002, à Kinshasa, à l’hôpital « Clinique Ngaliema ». Mon père travaille à la Banque Commerciale du Congo (B.C.D.C.). Ma mère également. Je suis de la tribu luba. En 2002, nous habitions Ngiri-Ngiri. A l’âge de quatre ans, mon père a été muté à Lubumbashi. Nous étions restés seules, ma mère et moi. Puis, en 2008, ma mère a quitté le pays pour le Maroc pour des raisons de soins médicaux. Elle souffrait du cancer de kavounc. Là-bas, elle a suivi le traitement de chimiothérapie et radiothérapie. Elle est rentrée au pays en 2009. En 2010, elle a effectué un autre voyage pour son contrôle. Pendant toutes ces absences de ma mère, j’habitais avec mes grands-parents. Lors des réunions convoquées à l’école ou la signature des bulletins, c’est mon grand-père qui s’y rendait. Un jour, je me suis réveillée un peu triste, je ne sais pourquoi. En regardant la montre, je me suis aperçu qu’il n’était que 04 heures 45 minutes. J’ai commencé à réfléchir. Alors, j’ai pensé qu’une courte prière serait nécessaire. Dans ma prière, j’ai demandé à Dieu de guider nos pas et que la journée soit sans incident troublant. Depuis ma naissance, je n’ai jamais quitté ma ville natale, Kinshasa. Ni non plus mon cher pays, la République Démocratique du Congo. Mon père, profite de ses vacances annuelles pour nous rejoindre à Kinshasa. Il nous apprend que les habitants de Lubumbashi ont un esprit travailleur. Pour eux, la pluie n’est pas un argument valable pour manquer soit le travail, soit l’école. Mais à Kinshasa, il suffit qu’il pleuve pour que les employés et les élèves trouvent une bonne raison de s’absenter du service. Prix Heidi Kabangu 2015 75 Mon père est resté avec nous pendant deux semaines, puis, il a pris un vol à destination de Mbuji-Mayi. Il voulait rendre visite à des membres de famille. Tout au fond de moi, je regrettais que ma mère ne puisse effectuer ce voyage avec lui. Mon pays, que je n’ai jamais quitté, est indépendant depuis le 30 juin 1960. Son premier Président fut M. Joseph KasaVubu qui est mort le 24 mars 1969 dans sa ville natale, au Bas-Congo. Le deuxième Président fut Joseph-Désiré Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga. Sous son règne, le Congo fut appelé République du Zaïre. Il est décédé le 07 septembre 1997. La même année, Laurent-Désiré Kabila a pris le pouvoir soit le 17 mai 1997. Notre actuel Président, Joseph Kabila Kabange fut élu président en 2006. Il est au pouvoir jusqu’aujourd’hui après la réélection en 2011. Ce jour-là, après avoir quitté la maison dans une atmosphère joviale, j’arrive à l’école et trouve le professeur qui avait le visage renfrogné. J’ai deviné qu’il n’était pas de bonne humeur. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je me suis sentie aussi triste que tout le monde. J’ai toujours eu peur du regard foudroyant du Préfet et du Professeur Okitol. Ce dernier, est très exigeant mais il est en même temps gentil avec nous. Je déteste la tricherie comme de la peste. Pendant la récréation, nous nous sommes régalés en mangeant quelques quignons de pain et du fromage. Normalement, le lundi, nous avons deux gongs, mais je n’avais pas envie de rester à l’école. Alors, il fallait trouver un prétexte ou un motif valable pour quitter l’école. J’ai prétendu avoir mal à la tête. Le professeur a deviné que je ne voulais pas faire la gymnastique. Il m’a dit d’une voix blanche que si je lui avais dit la vérité, cela allait être normal ; mais comme j’avais prétendu avoir coute que coute mal, je dois rester faire la gymnastique. Avec consternation, je suis rentré à ma place. 76 La croisée des Ados Je me suis demandé ce qui m’a pris de mentir. Ma ferme résolution est que le mensonge n’est pas bon. Il faut toujours dire la vérité quelles que soient les circonstances. Etre en mauvais termes avec les amis est une circonstance inattendue qui fait souvent trahir. Ce lundi-là, c’était l’anniversaire de maman. Elle a totalisé quarante-cinq ans d’âge. Elle avait préparé seulement un peu de nourriture, des frites, des bananes plantains, des poulets, du riz, des petits pois, et par-dessus tout, une très appétissante soupe aux quetsches et aux prunes. Un vrai régal ! Lors de la proclamation des résultats de la première période, tout au fond de moi, je savais que je n’avais pas bien travaillé en classe. Car mes résultats des devoirs et interrogations ne pouvaient que confirmer mes craintes. Le matin du jour de la proclamation, le professeur Mpani nous conseilla et nous dit qu’il a été titulaire de première année secondaire depuis plus de cinq ans et c’est la première promotion où l’on rencontre un nombre aussi élevé d’échecs. Dès ce moment, j’ai commencé à avoir peur car je craignais d’être parmi ces élèves qui ont échoué. Quelle sera la réaction de maman, papa, grand-père et celle de tous les autres s’ils apprennent que j’ai mal travaillé à l’école. Cette journée se passa dans un calme inhabituel, tellement j’étais préoccupé par l’événement qui m’attendait. Même mes amis s’en rendirent compte et eux, à leur tour, ne firent que m’enfoncer dans le découragement en me taquinant de temps en temps. A la fin des cours, je me suis rendu directement à la maison parce que je n’avais pas envie que grand-père me gronde devant tout le monde. Après près de quarante-cinq minutes, grand-père arrive à la maison, l’air mécontent. Je m’attendais à un sérieux blâme, mais il s’assit calmement et me demande d’approcher. Arrivée près de lui, il me parle en ces termes : ce n’est pas fameux comme résultat en classe. Normalement, il a raison parce Prix Heidi Kabangu 2015 77 que la seule classe dont je me souviens des résultats de 71 % fut la cinquième primaire. En sixième primaire, au premier trimestre, j’ai obtenu 74 %, au second trimestre, j’ai atteint 76 %. Au troisième trimestre, c’est de nouveau 74 % que j’ai réalisé. Me voici en première année secondaire avec 71 %. Pour me punir, mon grand-père m’informe que je n’aurai plus qu’une heure pour suivre la télévision ; puis je dormirai désormais à vingt heures parce qu’avant, je dormais à vingt-et-une heures trente minutes. Quand ma mère est rentrée à la maison, c’est tout un discours et des tas de reproches. Pour ne pas entendre ces flots de paroles ennuyeuses, j’ai commencé à lire une bande dessinée qui m’a beaucoup émerveillée. Pendant ce temps, mon grandpère a commencé à me raconter une partie de sa vie au village. Après toutes ces histoires, je commençais à m’ennuyer. Je suis allé me placer devant le téléviseur et c’est à partir de là que j’ai vu sur la table un livre parlant des rats-trompettes. Pour moi, c’était la première fois que j’entendais ce nom et ce qui m’a beaucoup étonné. Le livre note qu’il est connu sous le nom scientifique de Galemys Pyrenaicus. L’auteur précise que cette espèce ne peut vivre que dans une eau pure. Pendant ces dernières années, la majorité des eaux sont polluées. C’est cela qui rend l’espèce de plus en plus rare. Car ils ne font que monter en altitude, à la recherche d’une eau pure. Les recherches se font dans la vallée de Turange. Par manque de temps, je n’ai pas pu finir mon livre. Le lundi matin, tout s’est déroulé normalement en classe, malgré que de temps en temps, l’on s’attire la colère du professeur. Souvent, en classe, tu peux entendre deux élèves se disputer ou encore se raconter des histoires pas agréables, mais que faire ? Après cela, ils ne se présentent même pas des excuses, et la vie continue. 78 La croisée des Ados Après cela, ma grand-mère est revenue de chez le médecin avec des nouvelles, pas très bonnes du tout, à en juger par les traits du visage de grand-père. Depuis plus de deux ans, ma grand-mère souffre d’hypertension artérielle. Elle appelle souvent cette maladie : « tueuse silencieuse ». je lui demande de m’en parler un peu puisque j’en entends parler souvent sans comprendre exactement de il s’agit. Elle m’apprend que plus de trente pour cents d’adultes africains souffrent d’hypertension artérielle. La majorité qui ne sait pas en détecter les symptômes peut être surprise par un accident cérébrovasculaire (avc), un infarctus, des maladies rénales, pour ne citer que ces quelques cas. L’hypertension est une maladie qui se manifeste par la présence d’une forte pression du sang dans les artères. Le cœur, qui est appelé à fournir de grands efforts pour véhiculer le sang à travers le corps, s’épuise rapidement. Aussi, les parois des vaisseaux sanguins sont endommagés. La médecine énumère des facteurs favorisant l’apparition de l’hypertension artérielle. Il s’agit entre autres d’une consommation excessive d’alcool, de boissons à base de caféine, de sel, … Par ailleurs, une trop faible consommation de fruits et légumes peut également être à l’origine de ce type d’hypertension. Outre une hygiène alimentaire insatisfaisante, le manque d’exercice physique, l’obésité et la cigarette constituent aussi des facteurs de risque. Passé la trentaine, il est conseillé de faire mesurer régulièrement sa tension artérielle. Aux premiers symptômes, le médecin pourrait prendre des mesures préventives combinant généralement régime alimentaire adapté et des exercices physiques. Je ne sais même pas de quoi parlait ma sœur, j’interviens : j’aimerais tellement aller sur Mars. Ma sœur répond : justement, aller sur Mars est une de ses chimères. Je lui demande alors ce que c’est qu’une chimère. Elle me répond qu’il s’agit d’un rêve impossible à réaliser. Prix Heidi Kabangu 2015 79 C’est alors que mon grand-père prend la parole et nous instruit que dans la mythologie grecque, la chimère était un monstre à tête et poitrail d’un lion, ventre de chèvre et queue de dragon. Il crachait des flammes. Je m’exclame : quel vilain être même s’il ne s’agit que du fruit de l’imagination de ne sais qui ! Se le représenter donne la chair de poule ! Ma mère me dit : l’école porte l’avenir. C’est pourquoi nos parents tiennent à ce que nous puissions étudier dans de bonnes écoles. Et c’est chaque jour qu’ils nous répètent que l’avenir appartient à ceux qui étudient. Ils insistent même que nous ne devons pas étudier pour l’école mais pour notre propre vie. Dès que j’ai fini mon récit, Molowayi Gaël, une amie de ma classe me rappelle que ces conseils que me prodiguent mes parents sont les mêmes que ceux de ses parents. Après l’école, je passe la plus grande partie de mon temps, à aider mes grands-parents à la vente dans la boutique. Bon, personne ne m’oblige à rester vendre, mais cela me plait beaucoup d’y rester. Pour dire vrai, les travaux ménagers ne m’arrangent pas vraiment. Pour moi, si l’on m’y oblige, je les traiterai de corvée. Laver la vaisselle, le plus souvent, m’ennuie. La lessive, c’est encore pire. Pour parler de mon pays, sur le plan économique, la R.D. Congo est membre de la CEAC (Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale) et du groupe des Etats de la Région Africaine des Grands Lacs. Mon pays a été victime de plusieurs maladies et épidémies, dont la fièvre hémorragique d’Ebola. Ce virus a encore sévi pour la troisième fois à l’Equateur, cette année. Je me suis alors demandé : « Congo, Congo, mon beau pays, pourquoi seulement toi ? » En guise de réponse, je me suis dit : Par manque d’hygiène, nous nous attirons toutes les maladies et épidémies. Bien que certains prennent considérablement des précautions, d’autres s’en foutent complètement. 80 La croisée des Ados En classe, le professeur de religion nous demande toujours d’être honnête et humble, car l’homme humble ne se vante point de ce qu’il possède, ne se gonfle pas d’orgueil et n’agit pas de façon inconvenable, ne cherche pas ses propres intérêts, ne s’irrite pas. Il ne tient pas compte du mal subi, il supporte tout, endure tout et l’amour dans son cœur ne disparait jamais. Mon école ne comporte que deux sections : la pédagogie générale et la technique Coupe et couture. Moi, j’aimerais bien faire la biologie-chimie et plus tard, à l’université, j’aimerais faire la médecine. Mais les gens me conseillent de faire la section littéraire. Ils disent que je parle beaucoup, vite et bien. Mes amis m’encouragent que je fasse vraiment la section littéraire et plus tard, à l’université, je pourrais étudier le droit pour devenir avocate. Tout au fond de moi, j’aimerais bien le journalisme. Quand je parle de journalisme, ce n’est pas pour passer à la télévision et donnes les bulletins d’information. En devenant médecin selon les conseils de mon père, je dois devenir un juste médecin. Je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Mais l’idée me vient de vouloir être dans une clinique et devenir spécialiste en chirurgie. Je ne suis pas de nature à avoir peur d’une intervention chirurgicale ; si c’est le seul moyen de sauver des vies humaines. Il existe des maladies comme des myomes, des fibromes, qui ne peuvent être soignées que par opération chirurgicale. Alors, que faire, à moins d’un miracle ? Mes professeurs de mon école sont les meilleurs qui soient. Ils s’époumonent chaque jour et viennent pour nous enseigner. Pour moi, il faut les respecter comme nous le faisons avec nos parents à la maison. En respectant les professeurs et les autorités, vous serez respectés aussi par Prix Heidi Kabangu 2015 81 vos amis et connaissances. Car le respect commence par soimême et qui aime bien châtie bien. Je trouve aussi que le Préfet est un homme juste, intègre et surtout, il est bon. NTANGA MUKENDI Béni-Scholas 1ère Secondaire 2014 - 2015. 82 La croisée des Ados 07. Qui suis-je ? MULANGA KALAALA Celia 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015 Qui suis-je ? Ma vie ? Pour avoir une vie, il faut être quelqu’un. Oui, le suis-je ? Ai-je réellement le droit de parler de moi avec un grand « JE » ? Je préférerai être anonyme dans mes récits. Mais, hélas ! Rester inconnue à mes lecteurs, hum ! Ecrire, c’est une de mes passions. L’écrit, c’est ma vie, c’est un de mes rêves. Mes écrits arriveront à se tailler un chemin. Quand il s’agit de moi, je baisse le ton et je deviens timide. Mes proches riront s’ils entendaient ce que je viens de dire. Ils s’écrieront sûrement : « c’est faux, elle fait la modeste ». je me lance, j’espère juste que vous ne vous fatiguerez pas en chemin. Et que vous aimerez cette balade. Avant de répondre à la question « qui suis-je ? », je devrai commencer par celle d’où je viens. Une personne sans origine n’existe pas. Mon père Kalaala Kadima Constantin est un luba. Il est de la province du Kasaï Oriental, du district de Tshilenge, du village de Luamwela. Il est de la tribu des Bakwa-Mukendi. Il est né le 12/10/1965 à Katanda. Mon grand-père paternel, qui était alors couturier, avait quitté son village pour s’installer à Katanda. Il avait épousé quatre femmes et à la naissance de mon père, il totalisait vingt-huit enfants. Il en a eu d’autres après pour totaliser trente-trois, à en croire les dires de mon père. Tout ce que je sais de mon grand-père, c’est que c’était un homme bon, qui accueillait chez lui tout le monde à bras ouverts. Qu’il comptait parmi les premiers hommes à avoir travaillé avec les Blancs dans la province. Il avait épousé ma grand-mère comme troisième femme alors que celle-ci n’avait Prix Heidi Kabangu 2015 85 que seize ans. Mon grand-père est mort suit à une maladie. Paix à son âme ! Revenons à mon père. Il a grandi et étudié à Katanda. A l’âge de huit ans, il est entré au couvent. Il a passé toujours sa jeunesse à l’église. Il grandit comme acolyte et élève en section littéraire au Petit Séminaire. Un jour, il a manqué une messe pour assister à un tournoi de football comme il aimait ce sport. Quand il est revenu, on lui signifié qu’il ne serait plus autorisé à continuer pour devenir prêtre. Après cette communication, mon père a effectivement plié ses bagages à destination de Kinshasa. Il est venu s’inscrire à l’Université de Kinshasa (UNIKIN, en sigles). Et le temps a passé. Faisons un recul dans le temps. Que le présent fasse une pause. Je ne vais quand même pas suivre mon père sur le banc des études sans parler de maman. Irène Meta Lubika, tout comme mon père est une Luba. Même province, même district, mais elle fait partie de la tribu des Bena-Kalala. Irène Meta est née le 02/04/1970 à Kinshasa. Elle est deuxième de sa famille, sur un total de onze enfants. Mon grand-père maternel était pilote de ligne et a travaillé à la Gécamines, à Lubumbashi. Ma grand-mère, quant à elle, était une ménagère et très bonne couturière. Maman a donc vécu entre deux grandes villes du pays : Kinshasa et Lubumbashi. Elle a fait des études commerciales. La vie ne lui a pas toujours été rose, mais elle s’est bien battue pour réussir. Elle commence les études supérieures à la faculté de Droit à l’Université de Lubumbashi (UNILU, en sigles). A cette même époque, Président Mobutu, suite à des troubles causés par les étudiants, avait fermé l’Université. Mon grand-père ne voulant pas que cela pèse sur les études de ses enfants dont ma mère, l’avait envoyée poursuivre sa formation à Kinshasa. 86 La croisée des Ados L’histoire peut à nouveau repartir avec mon père. UNIKIN avait connu des années de fermeture, des « années blanches ». et papa, depuis lors, n’avait pas encore terminé ses études. Maman, elle, de son côté, s’était inscrite dans la même faculté. Mais elle manquait des notes, vu qu’elle était venue au milieu de l’année académique. Papa était en période d’examens. Il passait dehors, sous un arbre. Maman était en ce moment-là au campus et cherchait à qui s’adresser pour demander les notes. Elle a remarqué un jeune homme assis sous un arbre et s’est avancée vers lui. Quand elle est arrivée à sa hauteur, elle l’a abordé pour poser son problème. Et le jeune homme de répondre : « Attends-moi, j’arrive ». Il était allé remettre son travail pratique (T.P.) puis est revenu. Ils ont fait route ensemble, et le jeune homme avait accepté de lui donner les notes qu’elle demandait. Il lui a proposé en plus son aide pour le reste. Les notes se sont transformées en amitié. L’amitié a engendré l’amour et ce dernier s’est concrétisé en mariage le 05 avril 1998. C’est de cette union qu’est née Celia Mulanga Kalaala. C’est moi. J’existe maintenant. Je suis née, un certain 29 juin 1999. On m’a dit que ce devait être un mardi. Je suis née à la Clinique Bondeko à 16h30. Je suis l’aînée. Après moi vient un garçon : Daniel. Il est né le 12 avril 2001. Avec mes parents, cela n’a pas toujours été la joie. Les disputes étaient fréquentes et nos pleurs aussi. Mais que pourrionsnous y changer ? Petite encore, j’étais très proche de mon père. Il m’emmenait avec lui partout où il allait. On allait jouer. Chaque fois qu’il revenait du service, il me rapportait quelque chose. Il me gâtait comme pas possible. Prix Heidi Kabangu 2015 87 A six ans déjà, j’avais déjà goûté à presque toutes les sucreries et friandises ; j’avais déjà vu une grande partie de Kinshasa, ma ville natale. Le temps est passé et j’ai grandi. A l’époque, je considérai ma mère comme mon bourreau. Il est vrai que je l’adorais, mais la peur dominait comme sentiment, quand j’étais avec elle. J’ai toujours eu l’impression que ma mère me voulait parfaite. Et à certains moments, je me disais qu’elle aurait préféré un autre enfant que moi, à cause de mes limites. Et que si le choix devait être effectué par les mamans pour les enfants à mettre au monde, j’étais convaincue qu’elle ne me prendrait aucunement avec elle. Mis à part cela, Maman m’a aussi beaucoup gâtée. Mais pas comme Papa. Avec Maman, il y avait trop de règles à suivre et des travaux à effectuer. Elle avait commencé à travailler avec moi dès mon plus jeune âge, pour m’initier au travail. Chaque période des vacances, elle ressortait mes cahiers des années précédentes pour m’obliger à étudier. A cette époque, c’était un véritable calvaire. Elle ne demandait pas mon avis ; elle disait : « travaille ! ». Et tu dois le faire immédiatement. L’amour de l’école était précoce chez moi. Je n’ai jamais eu à m’en plaindre. Et ma mère ne faisait que raviver cette flamme qui brûlait en moi. En fait, elle me préparait de très bonne façon. Et aujourd’hui, je la remercie du fond du cœur. Je sais me défendre et me battre pour tout ce que j’entreprends. J’ai également connu la lecture très tôt. Déjà avant que je ne fréquente la bibliothèque de l’école, Papa nous rapportait chaque mercredi et vendredi des revues qui variaient selon notre âge, mon frère et moi. J’ai donc lu une grande partie de Wapiti, Picsou Mag, Mickey. Et quand les numéros étaient «spécial-filles», j’avais droit à un exemplaire; Manon, Julie, Mimosa… Après cela, je me jugeais assez grande pour débuter la lecture des livres, j’avais alors neuf ans. Entre les heures de cours et 88 La croisée des Ados à mes heures libres, j’ai lu une grande partie de la Bibliothèque scolaire des Gazelles : toute la collection Alice (bibliothèque verte) qui, en ce moment-là, était mon héroïne. Lisez plutôt : j’adorais et j’adore encore. La lecture était devenue un sérieux problème. Quand je lis, je ne fais rien d’autre (et cela n’a pas changé malgré le temps qui s’est écoulé). Je finissais par me cacher afin de lire. Il n’y a que le sommeil qui m’arrêtait. Lire pour moi, c’est un moyen d’évasion. Je laisse mon imagination m’emporter. J’ai continué avec la bibliothèque verte jusqu’à ce que le professeur Mukendi me dise qu’il était temps que je change de rayon. C’est à partir de là que j’ai commencé avec les romans. Je devais avoir dix ans. Il m’avait remis deux romans, pour démarrer mon aventure : « Courage » de Danielle Steele et « La fille au pagne vert ». Si on me demandait de répondre à la question sur mon auteur préféré, je crierai Danielle Steele. « Courage » est donc le premier de ses romans que j’ai lus. J’ai aussi participé, qu’est-ce que je dis ? Je rectifie, j’ai fait partie d’une délégation qui a présenté l’émission « Excellence enfant ». J’y étais très active. Les débats politiques étaient ma préférence. Je n’ai jamais été pour la politique pratiquée dans notre pays. C’est une politique qui, sur le plan économique, empêche le pays d’aller de l’avant. Mais hélas, dans un pays comme le nôtre, la politique est considérée comme un sujet tabou. Pour en parler, il faut baisser le ton sous peine d’être arrêté. Et malgré tout cela, le pays s’appelle bien « République Démocratique ». Je suis en train de lire l’autobiographie de Aayan Hirsl Magan. Je trouve que son histoire a beaucoup de points communs avec la mienne. Surtout là où elle évoque le traitement des femmes à l’égard de la société. Prix Heidi Kabangu 2015 89 Dans la culture luba, les femmes ne sont pas traitées comme il se doit. Les méthodes sont semblables à celles des musulmans. La femme n’est en aucun cas considérée. C’est toujours le mâle qui dirige tout. C’est à lui qu’il faut rendre hommage et dont il faut chanter les louanges. A la femme, on confie les tâches ménagères et l’éducation des enfants. Pourtant, pour mettre au monde ces enfants, ils sont deux. Mais pour s’occuper de leur éducation et de leur vie, c’est à la mère qu’incombe le gros du travail, si pas tout le travail. Mes parents sont deux avocats. J’ai des oncles et des tantes avocats. Je vis donc dans un milieu de juristes, des personnes qui connaissent bien le droit. Mon choix personnel vacille entre le droit et le journalisme. Maman, elle, me verrait bien dans le marketing. Mais une chose est sûre : dans mon futur, je serai aussi célèbre par mes écrits. Mon rêve : arriver à la hauteur de Danielle Steele. La plupart des personnes que je fréquente me disent que j’agis souvent sans douceur. J’ai passé une partie de ma petite enfance avec des garçons. Sans oublier que j’ai un jeune frère. Comment puis-je écrire et oublier mon petit monstre adoré ? On s’adore mutuellement mais à notre manière. Les chamailleries ne manquent pas. Me provoquer est un des passe-temps favoris de Daniel, mon puiné. Quand cela nous prend, on peut se mettre à chanter toutes les chansons qui accompagnent les dessins animés qui passent à la télévision. Le rire est toujours près de nous. Nous partageons encore la même chambre. Cela me gêne parce que l’âge que nous avons tous deux, nous recherchons un peu d’intimité. Mais comme nous ne pouvons faire autrement, nous la partageons. On sait, quand l’un en a besoin, l’autre se retire momentanément. Quand je suis malade, il veille sur moi et m’aide avec les travaux. Le voir grandir me fait plaisir. Il s’épanouit et commence à agir comme un vrai garçon. 90 La croisée des Ados Son appétit s’est aiguisé et il mange beaucoup. C’est un bonheur. J’en avais marre de préparer sans pour autant qu’une personne ne mange de mes mets. Lorsque Maman est partie de la maison, je devais avoir onze ans. Il ne restait plus qu’un mois avant que je ne présente mon TENAFEP (Test national de fin d’études primaires) et que je totalise douze ans. Cela n’a pas été facile mais Dan (c’est comme cela que j’abrège son prénom), Dan n’a pas supporté et c’est pour lui que je ne me suis pas laissé abattre. A cette époque, j’ai commencé à me poser un tas de questions. Je ne dormais pas assez, je passais mon temps à travailler. Je n’avais jamais été le genre de personnes qui tombent souvent malade. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à souffrir fréquemment, ma santé s’est quelque peu détériorée. Je suis devenue fragile. Et je me suis mise à porter les lunettes. Evoquer d’ailleurs le mot lunettes devant mes parents m’effraie. Les dernières, je les ai encore cassées. Mais cette fois-ci encore, j’ai une bonne raison de me défendre, comme toutes les fois d’ailleurs. Sans lunettes, j’ai facilement mal à la tête. Mais bon, je l’ai bien voulu. Depuis toute petite, j’ai appris que je ne devais compter sur personne, si ce n’est sur moi-même. Maman me répétait souvent : la vie ne fait de cadeaux à personne. Elle m’a donné une éducation afin que je sois très vite indépendante. Quand je vois la vie de ma mère, je comprends qu’il faut se battre pour atteindre l’excellence, la bataille n’est pas facile vu que beaucoup la font pour le même but : réussir, se faire un nom, marquer l’histoire. Persévérer, avancer n’est pas chose facile. La vie est tellement complexe que l’on ne peut pas prévenir le lendemain. Et l’une des choses, les erreurs que tu commets, tu ne pourras en aucun cas retourner en arrière pour les effacer. Ce qui est fait est fait. Maman aime Prix Heidi Kabangu 2015 91 bien me dire : ne vis pas ta vie comme si c’était un brouillon ; n’oublie pas que ton histoire, tu la fais au propre directement. A des moments, je pense avoir raté de bons moments d’enfance. Et je me console en disant que je me devais de le faire pour affronter mon destin. J’ai toujours aimé avoir des amis près de moi. Mais plus le temps passe, plus je réalise qu’il est préférable d’être seule. On ne connaît rien du cœur de l’homme. Mais ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il est mauvais. Les amitiés qu’on a l’habitude de vanter sont celles qui nous poignardent dans le dos. Dans un des livres que j’ai lus intitulé : Lumière de femme, on dit : - Aime tes amis avec précaution parce qu’ils peuvent devenir tes ennemis. - Ne hais pas tes ennemis parce qu’ils peuvent devenir tes amis. En lisant ceci, je me suis remise en question. Et aujourd’hui, j’affirme que cela est vrai. Difficile de trouver un véritable ami ; si ce n’est Jésus. Lorsque l’on se met à discuter religion, les cœurs s’enflamment. Mais je suis chrétienne et je le crie tout haut. Ta manière de prier ne m’intéresse pas. Et je ne juge personne. Catholique, protestant ou membre d’une église de réveil, on est tous pareils devant le Saint Père. J’espère que je pourrai le voir et agir comme une vraie chrétienne. Je prie à l’Eglise « Le Saint-Esprit » à Bandalungwa, avec le Pasteur Elysée Bin Fota. La prière est quelque chose de sacré pour moi. Je ne la prends pas comme une partie de plaisir. J’ai certains principes auxquels je tiens absolument. Etre vierge jusqu’au mariage par exemple. Je ne peux accepter de donner mon être et ce que j’ai de plus précieux à une personne qui ne serait peut-être pas le père de mes enfants. Il faut une personne qui le mérite et pas une qui vient en profiter et disparaît dans la nature. 92 La croisée des Ados Le mariage ? Ça m’arrive d’y penser. Ses réalités ne sont pas toujours heureuses. Je n’ai qu’à voir ce que Papa a fait à Maman. Mais je crois que l’on peut tomber sur la bonne personne et fonder une belle famille, vivre heureux. Trouver le partenaire idéal est une quête difficile, mais l’on dit aussi : « qui cherche, trouve ! ». Mais le mariage ne fait pas partie de mes projets proches. Le plus important, c’est de finir mes études secondaires, commencer l’université et présenter le doctorat. Je compte travailler. Je ne ferai pas les mêmes erreurs que Maman. J’ai la vie devant moi et je compte bien en profiter. Chaque chose en son temps ! c’est important. La vie d’adolescente est une vie d’insouciance. On pense tout savoir alors qu’on a tort sur toute la ligne. Se faire gronder devient plus embêtant et honteux. Et on en veut toujours aux aînés. Les gens disent souvent : « les conséquences corrigent mieux que les conseils ». J’ai de la chance : Maman est toujours là pour me guider. Elle m’appelle : ma copine à moi. Elle me considère comme une grande fille. On passe du temps à parler. On se promène toujours main dans la main et vu qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau, on ne se lasse pas l’une de l’autre. J’aime Maman. Elle représente beaucoup pour moi. Les gens me reprochent de plus aimer ma mère que mon père. Avec Maman, je suis à l’aise. Mais avec Papa, je sens que ce qui nous reliait avant, s’est défait. C’est regrettable. Mais je ne peux rien faire. Ce n’est pas de notre faute si l’on est plus proche Maman et moi. Maman est une femme extraordinaire. C’est un modèle pour moi. Mais le point qui me fâche, c’est là où je vois qu’elle réclame que je sois parfaite. La perfection est une chose dure. A des moments, je veux juste être moi et échapper à toutes les responsabilités. Mais je sais que je ne peux le faire. La chose que je réclame de mes parents, c’est la confiance. Ils me la donnent sans problème. Et je fais en sorte de ne jamais la trahir. Papa et Maman ont difficile à me refuser quelque Prix Heidi Kabangu 2015 93 chose. Ils disent qu’ils sont fiers de moi. Et cela me suffit. Les rendre également fiers de moi. J’ai un petit problème. Quand j’ai une idée dans le crâne, il m’est difficile de l’abandonner. Et quand j’ai un objectif, je dois l’atteindre absolument. Je fais pareil en classe : même si je réduis les doses. Je suis les conseils de mon médecin : c’est triste, mais grâce à Dieu, je guérirai. Je vais vous avouer un truc, j’ai eu du mal à écrire. J’avais peur. Mais j’ai fini par le faire. J’espère que cela vous a plu de me lire. Que vous ne vous êtes pas trop ennuyé. Je vous ai ouvert la porte de ma vie sans me cacher. Maintenant, vous savez à quelque dixième près qui est Celia Mulanga Kalaala. Je n’ai pas évoqué tous les détails mais l’essentiel y est. Vous décevoir serait pour moi un sacrilège à mes propres yeux. Pour vous plaire, j’ai dû concentrer mon être. L’histoire de ma vie ne serait jamais bien connue que de moi seule. Je suis l’originale de mon autobiographie. J’ai une vie qui m’attend et pleins d’autres aventures à écrire. Je n’écrirai pas donc le mot fin parce que mon histoire ne fait que commencer et elle continue. J’espère juste que je pourrai partager avec vous la suite. Je ne vous dis donc pas au-revoir, mais à très bientôt. Big kiss à tous. A très bientôt ! MULANGA KALAALA Celia 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015. 94 La croisée des Ados 08. Un poème pour la vie KATOMPA TSHITENGE Joshua 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015 Un poème pour la vie Je suis à la quête de la vraie définition de la vie. Mais chacun me l’a définie selon ce qu’il vit. La vie sur terre. N’est pas terre à terre Car elle nécessite une prudence Plus que celle des personnes qui clament Le monde est vaste Mais tous les hommes ne sont pas chastes Le monde est plein de pièges Voilà pourquoi toutes les femmes ne sont pas vierges La terre est un satellite Mais nous ne sommes pas tous des élites. Garçon unique et aîné d’une famille chrétienne, j’ai quinze ans d’âge. Tout au long de cette histoire, je vous donnerai ma définition personnelle de la vie. Né en 1999, le 2 juillet, j’étais un enfant, pas du tout turbulent. Très timide en groupe ; on se serait demandé, si je savais parler. Mais quelle était la raison pour laquelle cela m’arrivait ? La première est que tous mes deux parents m’initiaient à parler seulement français. Malheureusement pour moi, mon entourage ne parlait que lingala. N’ayant jamais appris à parler cette langue, je ne comprenais absolument rien de ce qui se disait autour de moi. J’étais comme devant des personnes qui parlaient le chinois. Voilà pourquoi je donnais l’air d’être timide. Ma grand-mère ainsi que mes parents l’ayant remarqué, s’en sont inquiétés. Ma grand-mère la première, furieuse que mes parents m’aient appris seulement le français, se décide de ne me parler qu’en lingala. C’est de là que j’ai commencé, petit à petit, à comprendre le lingala et à le parler mais avec beaucoup de lacunes. Prix Heidi Kabangu 2015 97 Je n’étais pas le seul dans le cas. Ma sœur Julia était dans la même situation que moi. Laissez-moi vous dire à propos de ma sœur que, lorsque nous étions encore petits, elle était plus grande que moi. Actuellement, c’est encore le cas, mais l’écart se fait moins remarquer. Plus âgé qu’elle d’une année, dans notre tendre enfance, c’està-dire, entre deux et treize ans, ma sœur Julia était plus élancée que moi. Cette situation ne me plaisait pas du tout. Car elle était non seulement plus élancée, mais aussi plus grasse que moi. Tous ces deux aspects pourraient faire croire qu’elle était mon aînée. Alors, partout où j’allais avec elle, on me traitait de petit frère et elle de grande sœur. Ce constat m’énervait. Chaque fois, je faisais de mon mieux pour expliquer et convaincre toutes les personnes qui ne nous connaissaient pas que j’étais l’aîné et donc le grand-frère ; mais en vain. Je me rappelle même un jour, nous étions dans un taxi-bus : mon père, ma sœur et moi. Malheureusement, il ne restait plus que deux places assises alors que nous étions trois. Nous étions obligés d’occuper ces deux places. Par conséquent, une personne devait porter l’autre. Papa s’était assis correctement. Après lui, j’ai immédiatement suivi, en tant que grand-frère et je me suis assis pour porter ma sœur. Les autres passagers à bord étaient étonnés que moi, apparemment plus jeune, je porte ma sœur ; car ils estimaient que j’étais le petit frère de celle que je portais. Alors l’un d’entre eux, prenant son courage à deux mains m’interpelle en disant : « mais, toi petit, lève-toi pour que ta grande-sœur te porte ! ». J’ai piqué une grande colère et lui ai répondu presque en hurlant : « c’est moi le grand-frère ! ». Et tout le bus s’est mis à rire. Enervé, j’ai essayé de me justifier mais personne ne m’a pris au sérieux, personne n’a cru en ce que je disais. Pour tout le monde, l’évidence sautait à l’œil. Heureusement 98 La croisée des Ados pour moi que Papa était là. Il leur a tout expliqué pour les convaincre. On me disait que c’était parce que je ne mangeais pas assez. Mais, j’ai essayé de beaucoup manger, sans résultat palpable. Finalement, je me suis dit : « Ha, c’est sûrement Dieu qui a voulu que je sois petit de taille ! ». Tournons cette page, je voudrais revenir à l’essentiel, mes études. Très jeune encore, je ne cessais de m’entendre dire que si je créais une relation sérieuse avec les études, je deviendrai une grande personne, utile à la société. Suite à cela, mes parents ont décidé de m’inscrire dans une école afin que j’entame mes études. C’est en 2005, lors de mon premier jour de classe que ma relation avec les études a commencé. Comme dans toute relation, ce n’était pas facile au début. C’était plutôt timide et fragile. A cause de cette relation avec les études, j’étais dans l’obligation de changer de milieu, d’adopter un comportement autre que celui que j’avais à la maison, de respecter certains principes et d’être encadré par une personne inconnue qui semblait tout connaître : le maître. Cette métamorphose avait bouleversé ma vie. Raison pour laquelle il m’était difficile d’approfondir ma relation avec les études. Avec le temps, j’ai fini par améliorer cette relation. Je me suis habitué aux études et m’y suis attaché. Par conséquent, je réalisais un bon pourcentage et j’apprenais beaucoup de choses comme le dessin en particulier. Ma relation avec les études devenait encore plus passionnante juste à l’instant où, par elle, j’ai créé d’autres relations avec des enfants de mon âge. C’était vraiment extraordinaire. Cette relation s’était presque détruite à l’âge de huit ans, en troisième année primaire, suite à la baisse de mes résultats. Prix Heidi Kabangu 2015 99 Cela m’a interpelé, c’est ainsi que dès ce jour-là, j’avais repris conscience. Je ne savais pas encore ce que j’allais devenir. Je me suis mis à étudier sérieusement, espérant devenir une personne utile à la société. En quatrième primaire, j’ai vécu deux événements qui me sont restés mémorables. L’un est positif et l’autre négatif. Je commence par l’événement positif. Un bon jour, assis en famille, mon père a reçu un coup de fil de la part de mon oncle Michel. Celui-ci informe mon père qu’il y avait une publicité que Vodacom organise et qu’ils avaient besoin de moi pour rouler à vélo. Mon père était d’accord, mais nous devrions d’abord passer le casting. Heureusement, j’ai été retenu après le casting. C’était pour moi une expérience particulière. J’ai passé trois jours sans venir à l’école. Nous nous étions réunis à la Gombe. J’étais au milieu de personnes que je ne connaissais pas. Je me sentais gêné. Je me rappelle encore l’instant où nous étions en train de prendre le petit déjeuner. Pour la toute première fois, j’ai utilisé les cubes de sucre. Après cela, nous avons débuté les séances de répétition. C’était bien, sauf que je me voyais un simple figurant, sans rôle précis. Car le jour avant le casting, nous étions invités, mon père et moi, à un petit entretien. Mais mon père, épuisé, a décliné l’invitation en disant qu’il lui était impossible de se présenter. Par conséquent, j’ai raté de jouer mon rôle de rouler à vélo. Je n’étais qu’un figurant et cela ne me plaisait pas. Mais du moins, à la fin, j’étais satisfait car, à ma grande surprise, on m’avait remis 100 $ de récompense. Réflexion faite, je me suis dit que j’aurais pu avoir plus mais à quoi bon regretter. Le lendemain, je suis allé à l’école. A la première heure, Mme Masengu, chargée de percevoir les frais scolaires, est venue dans la classe munie d’une liste des élèves qui avaient des 100 La croisée des Ados dettes. Mon nom y figurait. Je ne sais ce qui m’a pris, j’ai décidé de payer ma dette avec mon propre argent. Donc, en quelque sorte, les 100 $ reçus de Vodacom ont été utilisés pour payer les frais scolaires. Et dire que je comptais acheter un vélo en souvenir de ce concours raté ! Après cet événement heureux, vient un autre, triste. Un jour après les cours, ma mère est venue nous chercher à l’école. Je ne me sentais pas bien. En ce temps, nous habitions encore à Kingabwa. Arrivés au niveau de Yolo-Médical, après la station d’essence, nous avons été renversés par un bus communément appelé « 207 », mes sœurs, ma mère et moi. Heureusement pour moi, cet accident n’était pas grave. Nous avons été transportés à l’hôpital Yolo-Médical. Quelques instants après, mon grandpère médecin est venu nous prendre pour nous emmener dans son hôpital. J’étais blessé à la tête, ma mère avait un choc au front, ma jeune sœur Julia avait une bosse à la tête et ma sœur Kethia était blessée au niveau des sourcils. Chose étonnante, ce jour-là, nous avons dormi à l’hôpital. Nous étions stupéfaits de ce qui venait de nous arriver ; mais le lendemain, nous n’étions pas allés à l’école. Alors que je me reposais sur mon lit, un rythme d’une chanson m’est passé à la tête. Je me suis attelé à y joindre des paroles que voici : « Sans toi, je ne peux vivre Sans toi, je n’ai plus rien Tu m’épargnes de mauvaises choses Même si j’ai péché Tu m’épargnes des accidents Même si j’ai péché Et alors tu me prouves vraiment Ton amour Seigneur Tu me prouves vraiment ton amour. ». Prix Heidi Kabangu 2015 101 C’était là ma première composition. Quelques jours plus tard, nous avons repris les cours. J’étais un élève moyen, mais je m’efforçais de me surpasser. Arrivé en première année secondaire, j’ai donné le meilleur de moi-même. Et comme par miracle, j’ai occupé la première place. C’était fantastique, comme un rêve qui devient réalité. Durant cette même période, un groupe de personnes est venues solliciter la participation des élèves des Gazelles à des émissions intitulées « Excellence enfant ». J’étais parmi les sélectionnés et j’ai participé à ces émissions. Comment se passaient ces dernières ? A chaque participant, on donnait un sujet à développer lors de l’émission. On choisissait la personne qui présenterait l’émission et celle qui exposerait le sujet du jour. Un jour, lors de l’audition, on m’a remis le sujet à développer : l’autosuffisance alimentaire. Je ne comprenais rien de ce sujet. Mais avec l’aide de certaines personnes, j’ai fini par le pénétrer. Permettez-moi donc de vous parler de l’autosuffisance alimentaire en R.D.C. Je souhaite expliquer tous les mots-clés de mon sujet pour une bonne compréhension. Autosuffisance : un pays qui produit assez pour sa population et qui n’a pas besoin d’importer. Alimentaire : propre à servir d’aliment. Le gouvernement congolais ne fait pas de l’autosuffisance alimentaire sa priorité puisque son économie est extravertie. Il dépense plus de quatre-vingts pourcents pour l’importation des aliments à la place d’investir beaucoup d’argent à la modernisation de l’agriculture, la pisciculture, l’élevage et la pêche, afin de les rendre industriels et modernes, en vue d’alimenter la population avec la production locale. 102 La croisée des Ados Par exemple : le lac Albert est le plus poissonneux de la République Démocratique du Congo, les poissons y meurent de vieillesse; tout cela parce que la pêcherie est toujours artisanale. A mon avis, il serait mieux d’acheter des bateaux de pêche pour la pêcherie au Congo. Cela nous permettra de nous auto-suffire pour ne pas importer de la nourriture comme le poisson et d’épargner des devises qui sont dépensées pour l’importation des denrées alimentaires ; Mais le gouvernement se contente de gaspiller de l’argent pour importer des produits alimentaires qu’on peut produire sur place. C’est vrai que l’autosuffisance est un niveau très difficile à atteindre ; mais avec toute cette richesse dans mon pays, nous pouvons quand même nous auto-suffire pour certains aliments. Ainsi, j’aime attirer l’attention sur les produits qui sont utilisés pour la conservation de ces aliments. Le formol par exemple est utilisé pour la conservation des cadavres humains et autres. A force de le consommer régulièrement au travers des vivres frais, nous ne savons pas à la longue quels dégâts ceci peut causer dans notre organisme. Les conséquences sont les suivants : cancer de peau, de sang, myome, cirrhose de foie et tant d’autres maladies. La République Démocratique du Congo est remplie de terres fertiles et arables, mais qui hélas, ne sont pas exploitées. Pourtant, nous pouvons cultiver des plantes de toutes sortes, faire de grands champs modernes pour alimenter des villes même étrangères. A l’époque, la République Démocratique du Congo comptait parmi les premiers pays exportateurs d’huile de palme et beaucoup d’autres produits agricoles. Mais actuellement, le pays importe même de l’huile de palme. C’est grave ! Prix Heidi Kabangu 2015 103 En guise de conclusion, importer de la nourriture fait courir de graves risques aux pays importateurs comme la République Démocratique du Congo, en cas de conflit par exemple. Etre autosuffisant pour son alimentation doit être un credo de chaque pays pour le rendre autonome sur le plan de la nutrition. Une des solutions pour notre pays est la suivante. La République Démocratique du Congo est capable de s’autosuffire à au moins soixante-dix pourcents, si le gouvernement modernisait l’agriculture, la pisciculture, l’élevage et la pêche. Cette industrialisation permettrait également d’exporter le surplus et construire des routes de desserte agricole qui faciliteront l’évacuation et la distribution rapides des aliments dans toute l’étendue du territoire national. Ceci permettrait d’économiser de l’argent destiné aux importations. Le jour où j’ai présenté cet article, tous étaient fiers de moi. Les autres membres de l’équipe s’étonnaient qu’un enfant comme moi tienne un tel raisonnement. J’étais devenu une sorte de vedette. On me respectait pour mon savoir. Je me rappelle encore un autre fait. En deuxième année secondaire, le professeur Mpani est entré en classe à l’heure de son cours de français. Il nous a posé cette question : « qui veut faire partie du club de lecture ? » C’est toute la classe qui est restée tranquille sans lever le doigt. Après un bref moment, l’élève Mulanga Celia a levé le doigt, suivie de Katamba. Puis, c’était mon tour de lever le doigt et d’autres élèves ont imité mon exemple. Finalement le Professeur Mpani n’avait besoin que de dix élèves pour constituer son club, avec dix autres de première secondaire. Il nous a réunis pour nous expliquer en quoi consistait la mise en œuvre de ce club. Voici la liste des membres : Katamba Grâce, Kamuleta, Bodi, Maleka, Kalaseke, Nginadio, Mulanga, Mabidi, Ilunga, Kiangani, Katamba Dorcas, Bosale, Lusanga, Banyama, Nganga, Malosa, Iliko, Bobunda, Mudosa et Siku. 104 La croisée des Ados Le Professeur Mpani nous a remis les livres qu’il fallait lire en totalité. La lecture n’est pas mon fort, mais je me suis efforcé de pouvoir parcourir toute la sélection. Je le faisais très lentement par rapport aux autres. Après les examens et les vacances de Noël, il nous informe que nous devons concourir avec une autre école un certain mercredi. J’ai eu peur car je savais que je ne m’étais pas bien préparé. La veille de ce jour, mardi, je cherche à lire rapidement quelques pages des livres non lus. A ce momentlà, le professeur Mpani vient nous informer que l’école adverse a désisté et on a déclaré forfait en notre faveur. Je suis content car je me disais que l’on pouvait perdre. Je profite alors de ce temps pour lire encore plus. Le mercredi de la semaine suivante, on nous annonce une autre école avec laquelle nous allons concourir. Là, c’est notre tour d’aller à leur encontre. Nous nous sommes déplacés, accompagnés du professeur Nkosekela, titulaire de la classe de deuxième secondaire. Il s’agissait du « Complexe Scolaire Cardinal Malula ». Arrivés là, on nous installe et l’on attend l’arbitre. Celui-ci arrive mais à nouveau, l’école qui devrait nous accueillir déclare forfait. Une fois de plus, nous sommes contents de remporter sans avoir combattu. Mon cœur se demande si l’on n’aurait pas perdu en les affrontant ! De retour à l’école, le professeur Mpani nous annonce la venue d’une autre école sur notre territoire, le prochain mercredi. A ma grande surprise, il me nomme chef du club avec comme assistante Katamba Dorcas, de ma classe. Après avoir concouru, nous réalisons un score égal, suite à un mauvais arbitrage. Le prochain match, nous nous déplaçons vers l’école « Kuntwala » avec laquelle nous réalisons un score de seize à trente-deux, en notre faveur. Nous passons à la demi-finale. Nous devons croiser le fer avec « Maendeleo », une école Prix Heidi Kabangu 2015 105 réputée très forte et de très bon niveau. Le score est serré. La dernière chance de victoire repose entre mes mains : soit je fais gagner mon équipe, soit je la fais perdre. Je siffle expressément dans la précipitation pour faire gagner mon équipe, selon le règlement du concours. Nous sommes qualifiés pour la finale qui a lieu à la Halle de la Gombe. Nous nous retrouvons là avec l’école qui avait réalisé un match nul contre nous, lors des éliminatoires de la compétition. Sans problème, nous les battons et remportons en guise de victoire un dictionnaire et trois livres chacun, dont deux bandes dessinées. Tout cela ne serait guère arrivé sans l’aide du professeur Mpani. Mais aussi, je réalisais que je n’avais pas été un mauvais chef d’équipe. Mais après ces expériences, j’ai encore une expérience particulière à l’église. Malgré mon jeune âge, le pasteur de mon église m’avait donné l’opportunité de prêcher lors d’une grande assemblée. Tout s’était très bien passé. Merci pour votre attention. KATOMPA TSHITENGE Joshua 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015. 106 La croisée des Ados 09. Callystia KIANGANI NDONGA Callystia 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015 Callystia Tous les jours de mon existence ont été particuliers. Je ne vais pas vous raconter combien de fois j’ai pleuré parce que je regrettais. Ni combien de fois je suis tombée en essayant de rouler à vélo. Mais je vais vous raconter qui j’étais, qui je suis et qui j’espère devenir. Je vous montrerai aussi mes origines et mes particularités. Précisément ce qui me différencie des autres personnes. Je suis Callystia Kiangani Ndonga et je vous invite à me connaître et à me comprendre. Callystia, un prénom hors du commun. C’est une œuvre de ma tante paternelle et de ma mère. Dans le calendrier ou agenda catholique, les dates ont chacune une fête de saint. Et le 14 octobre, c’est le jour où nous commémorons le Saint Calliste. Il fut un pape au Moyen-Age. Son nom provient du mot grec « kallistos » qui signifie le plus beau. Ma tante a proposé le nom à ma mère. Et celle-ci a voulu le féminiser en Callistia parce que je suis une fille. Et pour question de style, elle modifié le « i » en « y » pour faire Callystia. Ce n’est pas tout. Après est venu un pasteur que maman avait connu qui m’a encore nommée Sephora. Cela jusqu’aujourd’hui crée de la confusion à certaines personnes. Mais Maman a dit qu’après mon diplôme, dans certains de mes documents, en particulier, les documents à venir, nous mixerons les deux prénoms pour n’en faire qu’un. Kiangani vient de la langue de mes parents, le kikongo. C’est une des langues nationales en République Démocratique du Congo. « Kia » signifiant un bien, une chose, une richesse … n’importe quoi en fait. Et « Ngani » signifie autrui. Donc, lorsqu’on les mixte en « Kiangani », cela signifie « appartenant à autrui ». Prix Heidi Kabangu 2015 109 Le bon Dieu m’a donné une très belle famille. J’ai une mère qui nous aime beaucoup parce nous sommes les plus beaux êtres qu’elle n’ait jamais obtenus. Il s’agit de ma grande sœur Rogmar et de mon frère Christian, ainsi que de moi Callystia. Nous ne vivons plus avec notre père car il a divorcé d’avec notre mère quand j’avais à peine cinq ans. Ma mère s’appelle Fwansoni Malokele Marie-Georgine et mon père Roger Kadiamosiko. Je ne suis pas la seule qui connaît des problèmes avec les noms. Ma grande-sœur et mon grandfrère en ont aussi. Quelle famille bizarre !!! Mon grand-père maternel est un portugais d’origine mais résidant en Angola. Il est métis et est le seul de sa famille qui a épousé une Noire. Il s’appelle Montiro Kiangani Garcia. Je pense que c’est cela. Et ma grand-mère maternelle s’appelle Kindu Gracia. De leur union sont nés mon oncle et ma mère. Mon grand-père avait préféré rester en Angola. C’est pourquoi, pendant les vacances, je vais souvent en Angola. L’Angola, le Brésil africain. La première fois que je suis allée en Angola, j’avais quatre ans. J’étais allée parce que maman ne voulait pas que je puisse l’oublier dès qu’elle sera de retour comme ce fut le cas une année avant. Ce dont je me souviens durant le vol, c’est que le bracelet métallique que mon frère m’avait offert m’avait blessée dans l’avion. Parce que je n’arrêtais pas de le plier. Et je me rappelle aussi que mon grand-père avait des plantations de tomates dans la parcelle. Pendant cette période, je n’étudiais pas encore aux Gazelles. J’étudiais à Bongwana de Bandalungwa Moelart. Et je me souviens de notre maîtresse, Mme Rose qui nous avait appris une chanson concernant la tomate. J’espère que j’ai bien noté la partition : 110 La croisée des Ados Mon frère et ma sœur étaient restés à Kinshasa. On devait prendre le vol à dix-huit heures, le vingt-quatre décembre. Mais lorsque nous sommes arrivées à l’aéroport, ma mère et moi, on m’avait arrêtée parce qu’on n’avait pas une déclaration écrite de mon père. Ils ont insinué que ma mère m’avait volée. Et ils ont refusé de nous laisser partir. Ma mère leur a proposé deux cents dollars d’amende, mais ils ont refusé. Et nous avons raté le vol. Maman avait trouvé un de ses amis qui nous avait aidées à rentrer à Kinshasa. La deuxième fois, c’était durant les vacances de fin d’année scolaire passée 2013 – 2014. Mes vacances ? Plutôt bien passées. Au début, c’était un peu ennuyeux, mais vers la fin, elles étaient devenues intéressantes. Le premier jour de ma première communion, j’ai fait une fête à laquelle la plupart de mes invités ne sont pas venus. Juste deux amis étaient là. Mais ma fête s’était bien passée, très bien déroulée même. Les autres jours de mes vacances se sont aussi bien passés. Il y a eu des moments de tristesse et de joie, mais plus de joie que de tristesse. La plupart du temps, Prix Heidi Kabangu 2015 111 j’étais à la maison en train de regarder la télévision ou d’écrire de la musique. Parfois, j’allais rendre visite à mes amis et à certains membres de ma famille. Le mois de juillet s’était bien passé. Mais le mois d’août avait très mal commencé. Déjà le premier août, on m’avait appris une mauvaise nouvelle, celle de la mort d’une amie avec qui j’ai étudié depuis la maternelle. Lorsque Célia m’a mise au courant, j’avais beaucoup pleuré jusqu’à avoir mal à la tête. Parfois, les larmes sortaient de mes yeux, juste en pensant aux moments passés ensemble. Le jour de la sortie du corps, je n’étais pas là. Par contre, le jour de l’enterrement, j’étais présente. Le deuxième jour du deuil, j’étais là, on m’avait dit des choses réelles qu’il fallait accepter telles qu’elles se présentaient. Après cela, ma mère avait voulu que l’on voyage pendant les deux semaines restantes des vacances. J’ai accepté parce que j’avais envie de me dégourdir les jambes et cela faisait longtemps que j’avais vu mon grand-père. Lorsque nous sommes arrivées en Angola, ma mère et moi, j’ai vu mes cousines mais elles ne parlent que portugais. Elles balbutient quelque peu en lingala. Pendant ces vacances, j’ai appris beaucoup de choses : un peu de leur pays et du Royaume Kongo. Entre autres, cet arbre mystérieux dont il est interdit de toucher les feuilles ou les branches si elles ne sont pas tombées d’elles-mêmes. On raconte que dans le temps du Royaume Kongo, lorsqu’on voit une de ses parties tomber, automatiquement un malheur va s’abattre sur le village : un chef doit mourir. Et il est strictement interdit de couper une branche de l’arbre parce que l’arbre ne vivrait pas de sève mais du sang humain. La ville de Mbanza-Kongo est très mystérieuse. Il y a encore Kulumbimbi, une maison construite de soi, selon les 112 La croisée des Ados autochtones. Près de la maison sont enterrés les rois et les reines du Royaume Kongo. Ma vie a ses particularités. J’ai une mère qui m’aime comme personne au monde. Une sœur qui me dorlote malgré la distance qui nous sépare. Parce qu’elle vit à Montréal. Elle est partie quand j’avais douze ans et maintenant, j’en ai quinze. J’ai un frère qui m’encourage à poursuivre mes rêves. C’est une merveilleuse famille. J’aime la musique. C’est la plus belle chose qui me rend heureuse lorsque je me sens seule. Elle m’aide à comprendre qui est Callystia. La première fois que j’ai composé une chanson qui m’a dévoilée qui je suis, « Recto-verso », je n’avais que douze ans. C’est là que j’ai compris que j’étais en rancune avec moi-même. Je pouvais dire que rien ne ressemblait à la chanson que j’avais écrite. J’ai exprimé ce que j’avais dans le cœur d’une autre manière. Je sentais comme s’il y avait deux personnes en moi. Je n’arrivais pas à l’avouer à une personne en entièreté. J’en ai parlé à ma sœur, à ma mère et à mon amie Celia, comme si c’était une blague. Pourtant, c’était vrai. Mais Maman m’a aidée à être la fille qu’il fallait que je sois. Et c’est bien vrai. Lorsque j’ai commencé à composer, je n’avais pas assez de connaissances. Mon frère m’a aidée à connaître les vers, les rimes et autres. Comme tout le monde reconnaissait que j’aimais chanter, pour mon treizième anniversaire de naissance, on m’a offert une guitare et Maman m’a trouvé un professeur pour me l’apprendre. Ce jour-là, j’étais aux anges. J’étais très heureuse. Deux mois après, le professeur a commencé à venir à la maison. A l’école, je n’étais jamais aussi douée. J’ai commencé à faire au maximum soixante-dix pourcents parce que je me sentais aimée. Parce que je sentais que j’avais de l’importance aux yeux de certaines personnes, notamment mes professeurs. Prix Heidi Kabangu 2015 113 Pleurer, cela fait mal et le pire, c’est pleurer sans savoir pourquoi on pleure. Entre autres, la peur, la tristesse, … et tout à la fois. A cet instant, on a l’impression que l’on ne sert à rien, ni à personne. Déjà petite, j’avais de la trouille, j’avais peur d’attirer de l’attention sur moi dans des lieux publics. Je me rappelle, lorsque j’étais en maternelle, j’avais eu peur de lever le doigt et de dire à Madame Ntumba que mon frère était juste en face de moi. Vous connaissez la tradition aux Gazelles. Avant de passer pour aller au grand bâtiment, les élèves de la maternelle – cinq ans font le tour des classes supérieures. C’est durant cette journée pour ma promotion que c’était arrivé. Que dire de mon pays de naissance ? La République Démocratique du Congo est un pays de l’Afrique centrale. C’est le deuxième pays de l’Afrique par sa grandeur qui est de deux millions trois cent quarante-cinq mille quatre centdix kilomètres carrés, qu’on arrondit à deux millions trois cent quarante-cinq mille kilomètres carrés, ce qui, en réalité, n’est pas admis. La République Démocratique du Congo est un vaste pays qui a d’innombrables animaux. Nous avons même des espèces particulières d’animaux, ce qui veut dire, des animaux que l’on ne rencontre qu’en R.D. Congo. Il s’agit du rhinocéros blanc, du bonobo et de l’okapi. A l’Est du pays, nous avons des chutes et des montagnes, de très beaux paysages. Ces paysages sont composés d’animaux, d’arbres, de lacs, … Avec tout cela, le pays peut développer l’industrie touristique et s’enrichir sur cette base. Malheureusement, notre pays n’encaisse pas grand-chose en provenance du tourisme. Si nous ouvrions nos portes aux touristes pour leur montrer nos découvertes archéologiques, cela serait parfait. Nous pourrons devenir comme l’Egypte avec ses pyramides et autres. Nous, nous n’avons pas de 114 La croisée des Ados pyramides, mais nous pouvons exposer le baobab de Stanley, là où il a gravé son nom ; le bloc que chacun des anciens combattants avait ramené après la deuxième Guerre Mondiale. Tous ces blocs se trouvent à Faradje au Maniema. Beaucoup d’autres lieux peuvent également être visités. Au Katanga, on dit qu’il existe beaucoup de minerais. C’est vrai puisqu’on sait le voir à la télévision. On trouve des métaux rares comme le coltan et l’or dans la Province Orientale et ailleurs. Tout ce que je viens de citer n’existe qu’à l’Est, hormis le baobab de Stanley. A l’Ouest, nous avons un panorama tout aussi admirable. L’embouchure et le barrage d’Inga, l’île de Mangrove, etc. Mon pays est très riche mais ces richesses sont très mal exploitées. Elles sont même à la base du manque de paix. Qu’en est-il de la paix ? Depuis ma naissance, j’ai toujours entendu parler de la guerre à l’Est. Cette guerre n’a jamais pris fin. Parfois, les informations nous rapportent que tel commandant de l’armée nationale a aidé le pays en chassant les rebelles depuis la frontière. Mais après quelques jours, nous apprenons de nouveau qu’il y a eu des coups de feu et des morts à l’Est. Quel pays ? Je ne soutiens pas que le Président Mobutu était bon. Mais je pense qu’il a aussi aidé le pays à se moderniser un tout petit peu. Selon les informations nous transmises, il était ami du Président Kadhafi. Lorsque ce dernier a introduit le téléphone et la télévision en Afrique, Mobutu en a profité pour notre pays. Il a construit un grand stade et un pont, qui porte son dernier grade dans l’armée, et permet facilement d’aller de Matadi à Moanda. Malheureusement, vers la fin de son règne, la population ne voulait plus de lui parce qu’il se croyait le président parfait. Prix Heidi Kabangu 2015 115 Il avait supprimé le cours de civisme et de religion. Ces cours sont pourtant nécessaires pour le développement du sens civique dans une république. La conséquence actuelle : nous avons dans nos quartiers des jeunes qui ne connaissent pas leurs droits ni les droits de l’homme, en général. Aujourd’hui, j’habite à Yolo Sud, et c’est très calme depuis que le gouvernement a réprimé la majorité des jeunes qui avaient créé le phénomène « kuluna ». Les quartiers de Kalamu comptaient beaucoup de « kuluna ». Dès qu’il était vingt heures, si tu croises un groupe de ces bandits, mieux vaut pour toi entonner ta prière pour qu’ils ne te tuent pas. Ils étaient sans cœur et tuaient en cascade et sans remord. Le gouvernement en avait assez des plaintes de la population et il avait décidé d’éliminer ces jeunes. Personne ne savait que le gouvernement avait pris une telle décision, à l’exception des soldats qui l’exécutaient. Je me rappelle qu’un ami de maman qui est militaire lui avait communiqué que dans un mois, soit un mois avant les fêtes de fin d’année, tous ces jeunes dits « kuluna » allaient disparaître. Maman se demandait bien comment. Un jour, je revenais de l’école, j’ai vu une dame pleurer sur le pont Mompono parce que la police était partie avec son fils. Durant la journée, la police ramassait seulement ces jeunes, mais durant la nuit, elle tuait ces délinquants à domicile. C’est à cette époque que beaucoup de ces bandits avaient fui à Bazzaville et dans d’autres provinces du pays. Lorsqu’on les capturait la journée, il semble qu’on les exécutait la nuit en plein air et on jetait les cadavres dans le fleuve. La République Démocratique du Congo, un pays rempli de richesses, un pays qui a tant souffert… C’est même le pays qui paraît être à l’origine d’un virus mortel, celui du Sida et Ebola. Mais il restera le pays de ces Congolais qui ont appris à parler devant les gens après tant d’années. Il restera aussi le pays de cette fille Kiangani. Son pays natal, le pays qui lui 116 La croisée des Ados a donné la force d’affronter un public. L’intuition d’avoir confiance en elle-même, s’il semble être tard, même si le désespoir semble aussi figurer devant toi. Sois toi-même et aie confiance. Vous savez pourquoi l’on commet des fautes. C’est pour être sûr de soi qu’on a réussi après avoir trouvé la bonne réponse. Je vous confie quelque chose qui m’est cher : a) les cinq secrets qui m’aident à m’endormir en paix : 1. Lire la Bible 2. Lire la biographie de Miley Cyrus 3. Chanter 4. Savoir qu’on s’aime beaucoup, ma famille et moi 5. Lire les beaux messages que ma sœur m’écrit. b) les cinq projets que j’aimerais réaliser avant mes seize ans : 1. 2. 3. 4. 5. Réaliser mon rêve Rejoindre ma sœur et vivre tous en famille Avoir un animal de compagnie Devenir une Professionnelle en guitare et en chant Améliorer mes connaissances en Anglais c) les cinq obstacles qui m’empêchent de dormir en paix : 1. 2. 3. 4. 5. Ecrire une chanson Jouer de la guitare Penser à mon passé Imaginer comment je vais réaliser mon projet Chanter avec des dièses. KIANGANI NDONGA Callystia 4e Humanités Pédagogiques 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 117 10. En route vers Luozi M A K E M B O MATONDO MFUMU Ruth 2e Secondaire 2014 - 2015 En route vers Luozi Bonjour. Je m’appelle Makembo Matondo Mfumu Ruth et j’ai treize ans. Je suis née un certain mardi vingt-deux mai deux mille un, à douze heures. J’ai deux amis qui sont aussi nés le vingt-deux mai, mais d’une année différente. C’est Louison et Gradi, ils sont dans ma classe. J’étudie au Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles ». c’est une école de six bâtiments et dix-neuf salles de classes dont trois classes de maternelle, six de primaire, deux de secondaire, quatre des Humanités Pédagogiques et quatre de Technique Coupe et Couture. Notre école « Les Gazelles » est située à Kinshasa dans la commune aussi serrée et peuplée qu’est Kalamu, au numéro vingt-quatre bis de la rue Kimpese dans le quartier Yolo-Nord. « Les Gazelles » est une mignonne petite école. Elle a une cour et beaucoup d’arbres. Elle possède également un jardin, mais ce que j’aime le plus est sa bibliothèque. L’école a aussi un musée. Actuellement, notre école a atteint l’âge de trentehuit ans ; mais permettez-moi de vous brosser succinctement sa genèse. Nous sommes en dix-neuf cent soixante-seize, année où elle est créée par le couple Gilbert et Heidi Kabangu-Stahel. Elle commence dans la véranda de leur domicile familial. Ne fonctionnent que la première et la deuxième année primaire d’abord. En juin de cette année scolaire, dix-neuf cent soixante-sept, les quinze enfants viennent de terminer leur première année. Leurs parents sont contents du travail et veulent qu’on ouvre la deuxième et la troisième année primaire. Prix Heidi Kabangu 2015 121 Un enseignant est engagé et dans la même optique, la troisième, la quatrième, la cinquième et la sixième se sont ajoutées. En dix-neuf cent quatre-vingt-deux, « Les Gazelles » a ses premiers certificats d’école primaire. N’oublions pas que l’école quitte Limete pour Yolo en dix-neuf cent quatre-vingts. La première année secondaire est ouverte en dix-neuf cent quatre-vingt-deux. La deuxième année secondaire en dix-neuf cent quatre-vingt-quatre. En dix-neuf cent quatre-vingt-sept, l’école maternelle est ouverte. En dix-neuf cent quatre-vingtdix, l’école a ses premiers diplômes d’Etat des humanités pédagogiques. Pour revenir à moi, je suis troisième d’une famille de cinq enfants dont un garçon et quatre filles. Mon père s’appelle Makembo Mfumu Ansi. Il est professeur de dessin, esthétique et psychopédagogie au Centre d’Enseignement Mboloko « Les Gazelles ». Ma mère s’appelle Bazolele Mansiantima Claire. Elle est aussi enseignante mais de maternelle, au Complexe Scolaire la Brèche. J’aime beaucoup mes parents ainsi que mes frère et sœurs. L’aînée de la famille s’appelle Jenny Bavuidi. Elle étudie à l’Université Simon Kimbangu dans la commune de Kalamu, sur l’avenue Bongolo, au quartier Kauka. Elle est en premier graduat en Médecine. Le second s’appelle Elie Makembo. Il est élève aux Gazelles en cinquième des humanités pédagogiques. La troisième, c’est moi-même. J’étudie aux Gazelles en deuxième secondaire. Notre titulaire s’appelle Jean-Willy N’Kosekela Ntenday. Les deux dernières sont Joëlle et Daniela. Elles étudient aussi aux Gazelles, respectivement en deuxième et première primaire. Je vis à Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, dans la Commune de Kalamu, au quartier YoloNord, sur l’avenue Mayidi, numéro dix-neuf. Nous sommes originaires de la province du Bas-Congo, district 122 La croisée des Ados des Cataractes, territoire de Luozi, village de Mbanza-Mwembe. Nous sommes des Bakongo. Je dois beaucoup à la R.D. Congo. J’y vis et y poursuis mes études. Ma vie aux Gazelles La première fois que je suis venue aux Gazelles en tant qu’élève, c’était un lundi, quatre septembre, deux mille six. J’étais admise en troisième maternelle. Le jour de la rentrée, Mme Tatiana nous a raconté des histoires, nous avons chanté, prié, découpé et colorié ; bref, nous avons fait plein de choses. A trois ans, comme j’avais hâte d’aller à l’école et que les Gazelles n’avait pas encore de classe pour mon âge, la première et deuxième maternelle, ces deux classes, je les ai faites au Complexe Scolaire Molongi « Les Champions ». Mais à la deuxième année, un jour, les universitaires étaient venus menacer les professeurs et on était venu me chercher en retard. Depuis ce jour-là, je ne voulais plus aller à l’école. C’est ainsi que j’avais arrêté. L’année suivante, j’ai été inscrite aux Gazelles en troisième maternelle. C’est cette année-là qu’on a ouvert la deuxième année de maternelle. La première viendra beaucoup plus tard. Maintenant, je suis en deuxième année secondaire. J’ai beaucoup aimé la première année secondaire. Le titulaire en était Adrien Mpani et l’adjoint, Jean-Baptiste Kiyanze. Le jour de la rentrée, quelques élèves ont raconté leurs vacances. On a étudié des leçons de français, algèbre, technologie et le kikongo (Langues et Traditions Africaines). On enseigne déjà dès le premier jour. Comme c’est notre première année au secondaire, tous les professeurs sont nouveaux. Chacun s’est présenté et ensuite, le professeur Mpani a demandé aux élèves de se présenter à leur tour. Prix Heidi Kabangu 2015 123 Je ne connais pas tous les élèves. Il y a quelques nouveaux comme Fataki et Botha qui viennent de Lisanga, Kabamba Ruth qui vient de l’Emergence et enfin Ntieti qui vient d’ailleurs. Il y a également les doubleurs comme Kunsi, Ntumba, Luabeya, Kamulete et Ngbungbu. Nous sommes bien aux Gazelles. Chaque élève a le droit de s’exprimer comme il l’entend. Mais à présent, ce n’est plus totalement possible. Quelque fois, il arrive que nous n’ayons pas du tout le droit de contester le professeur, même s’il a tort. L’école a maintenant trente-huit ans et moi je suis au secondaire. J’ai beaucoup grandi. Quand je vois mes photos de la maternelle et celles d’aujourd’hui, je m’étonne beaucoup en les comparant. La vie à l’école n’est bonne que quelques jours. Après, on n’a plus tellement envie de venir à l’école. C’est normal, parce que nous n’avons plus le même élan que quand nous étions au primaire. Au primaire, l’école était bonne, mais maintenant, c’est nul. Nous devons quand même nous y faire parce que la vie n’est pas faite que de bons moments. Le plus mauvais jour de ma vie scolaire est arrivé quand j’étais en quatrième primaire, avec maître Kabitshwa Patrick. C’était pendant la gymnastique, quand une balle de tennis m’a prise à l’œil. Le lendemain, maman m’a emmenée à l’hôpital pour les soins appropriés. Tout s’est bien terminé après le traitement. Le plus beau jour vécu en première année secondaire, c’est celui où nous sommes allés chez Maître Liyolo Alfred. C’est un sculpteur congolais de grand renom. Chez lui, nous avions visité l’atelier et les belles œuvres de sa sculpture. Toujours en première année secondaire, nous avions effectué une sortie vers l’Académie des Beaux-arts. C’était très bien. 124 La croisée des Ados Nous avions vu beaucoup de chefs-d’œuvre des artistes parfois inconnus. Dans le cadre des excursions, en sixième primaire, nous étions allés au jardin botanique de Kinshasa. C’était une belle sortie également. Cette année scolaire, le jeudi dix-huit décembre deux mille quatorze, nous devons effectuer une sortie pour les musées nationaux. J’espère que ce sera une aussi belle sortie que les autres déjà effectuées avec la classe. Mon voyage à Luozi Mardi seize décembre deux mille quatorze. Je n’avais jamais quitté Kinshasa depuis ma naissance. Cette fois-ci, papa nous a annoncé que nous allions effectuer un déplacement vers Luozi, une ville de la province du Bas-Congo, dans le district des Cataractes. Papa ne nous a donné qu’une semaine pour nous préparer. Nous avons acheté des chaussettes, des couvertures (il semble qu’il fait très froid là-bas), des draps, des habits chauds, des médicaments de secours, etc. Samedi cinq juillet, deux mille quatorze, nous nous sommes réveillés très tôt et nous avons commencé à nous apprêter. Nous avons pris nos valises et papa a emmené un taxi-express à la maison qui nous a conduits au rond point Ngaba. Arrivés là-bas, nous avons pris place à bord d’un bus à destination de Kimpese. Papa nous a dit au revoir et il est rentré à la maison parce qu’il devait animer un séminaire pédagogique à l’école. Le bus a démarré à neuf heures. La route, de Kinshasa à Kimpese, est assez bonne puisque asphaltée. Mais elle est très serpentée. Quand nous sommes entrés dans la province du Bas-Congo, la première ville que nous avons traversée est Kasangulu. Nous sommes arrivés à Kimpese à treize heures, où nous avons pris un camion à destination de Luozi. Prix Heidi Kabangu 2015 125 C’est pour moi la première fois de monter dans un camion et d’y rester dans de telles conditions. Nous sommes montés dans le camion à treize heures, mais nous n’avons pris la route qu’à dix-huit heures parce qu’ils ont dû y charger des sacs de ciment et ceux de farine. Nous étions assis, perchés sur ces sacs. C’était vraiment pénible ! La route de Kimpese à Luozi n’est pas asphaltée et elle est très poussiéreuse. Nous sommes arrivés à Kimbemba à vingtdeux heures. C’est un village au bord du fleuve Congo, à la rive gauche. Luozi se trouve sur la rive droite. Nous avons passé la nuit à Kimbemba parce que nous devrions attendre le bac pour traverser le fleuve. Le trafic du bac s’arrête à seize heures. Le lendemain, je me suis réveillée à six heures et je suis allée contempler le fleuve dans lequel j’ai ramassé trois cailloux. Ma mère et mes sœurs ont rincé les pieds dans l’eau, mais moi je n’ai pas voulu enlever mes chaussures. Je me suis contentée de lancer au loin mes cailloux sur l’eau et admirer le jeu que cela provoquait. En attendant le bac, nous devions manger. Mais la nourriture que nous avions apportée de la maison était épuisée. Alors nous avons acheté des chikwangues et du poisson déjà préparé. J’ai beaucoup mangé au point d’avoir mal au ventre par la suite. Quand le bac est arrivé, il était dix heures. Le temps qu’on le décharge et ensuite, on le recharge ; nous montons à bord vers onze heures trente-cinq et nous sommes arrivés à Luozi à onze heures cinquante-et-une minutes. Donc, nous avons traversé le fleuve Congo en seize minutes. Arrivés sur place, nous sommes d’abord allés chez ma tante maternelle, puis chez ma grand-mère, car c’est là-bas que nous allions loger. J’ai passé beaucoup de moments agréables à Luozi avec ma famille. Un jour nous sommes allées aux champs avec ma tante et ma grande-sœur. Nous avons pris la route très tôt le 126 La croisée des Ados matin. Nous avons marché longtemps puis traversé la rivière Luozi. Ma tante me tenait la main lors de la traversée pour éviter que je ne tombe, car c’est la première fois que je traverse à pied une rivière qui m’arrive jusqu’à la hanche. De l’autre côté de la rivière, nous avons encore parcouru une bonne distance, le temps que ma tante cherche son champ parmi les autres. Elle a traîné puisque tous les champs se ressemblent et portent les mêmes cultures. Il est sept heures passées quand elle reconnaît son champ. Nous commençons à arracher quelques tubercules de manioc parce qu’il y en avait tout plein. Malheureusement, nous n’avions rien prévu pour en transporter une grande quantité. Nous étions venues juste pour payer le renouvellement du contrat de location terrienne. Nous sommes donc obligées de n’emporter comme manioc que ce que nos mains pouvaient contenir. Tous les trois ans, on doit payer le propriétaire des champs pour renouveler le bail. Si on ne s’acquitte pas, le lopin de terre est loué à quelqu’un d’autre. Les propriétaires des terres sont arrivés à douze heures. Ils commencent par prélever les dimensions des champs qui nous précèdent avant d’en faire autant du nôtre. C’est après ce mesurage que nous avons payé. Au retour du champ, nous avons emprunté une autre route. Nous sommes passées par le champ des cannes à sucre pour en couper quelques-unes. Cette fois-ci, nous avons traversé la rivière du côté qui n’est pas profond. Nous sommes aussi passées par la source où nous avons goûté un peu d’eau. Elle est bien bonne et plus limpide que l’eau de la Regideso. Nous sommes arrivées à la maison à treize heures et nous avons mangé du pain à la sardine. C’était bon ! Un matin, papa nous a téléphoné pour nous informer que ma grande sœur Jenny a réussi aux examens d’Etat avec soixante-neuf pourcents. Nous avons couru jusqu’au marché de Séraphin jeter de la poudre (talc) à notre grand-mère. Elle Prix Heidi Kabangu 2015 127 était tellement heureuse qu’elle s’est mise à danser devant tout le monde. En revenant de là, nous sommes passés chez le beau-frère de ma grand-mère, Naja, qui nous a offert un coq. Ma tante l’a tué et préparé. Quelqu’un d’autre – je ne me souviens plus très bien qui il est par rapport à nous – nous a offert des bananes plantains à cette même occasion. Ma sœur lauréate était pourtant un peu triste parce qu’elle avait prévu de sortir avec ses amies le jour où l’on proclamerait les résultats des examens d’Etat. Maintenant que nous nous retrouvons au fin fond du Bas-Congo, elle n’a aucune de ses amies avec qui se réjouir. Cela la rend triste. Le soir, nous avons démarré le groupe électrogène, et nous avons allumé la télévision. Une grande foule est venue suivre les émissions et nous étions obligés de sortir la télévision dans la cour de la parcelle. Ce n’est pas étonnant vu que làbas, il manque l’énergie électrique (il paraît qu’il existe un projet d’électrification) et les gens ne sont pas habitués à la télévision. Personne ne se rendait compte de l’heure qui passait. Heureusement que le réservoir du groupe s’est vidé et le groupe a coupé. Il était vingt-trois heures. C’est alors que les gens sont rentrés chez eux. Ce qui est bien là-bas, c’est que même dans la nuit profonde, on peut circuler dans la rue en toute sécurité. On ne vole pas, on ne s’attaque pas à autrui. A Luozi, j’ai appris à nourrir les chèvres, celles de ma grandmère. Chaque matin, nous devrions les conduire paître sur un pré et retournions les reprendre le soir. Il n’y avait pas de problème majeur, à part la puanteur. Cela nous amusait beaucoup. Chaque jour, après avoir conduit les chèvres, je rentrais vendre dans la boutique de ma tante Angèle. On y exposait des articles de première nécessité comme la pâte dentifrice, 128 La croisée des Ados le savon, les allumettes, les piles, le sucre, l’huile d’arachides, le sel, la margarine. La plupart de ces articles proviennent de Lufu, un marché situé à la frontière de l’Angola et de la R.D. Congo. D’autres articles proviennent de Kinshasa. En fin de compte, j’ai appris tellement de choses pendant ce voyage que je vais les appliquer progressivement. J’ai aussi gardé beaucoup de souvenirs du Bas-Congo. Les amis Quand je suis entrée en maternelle, j’ai rencontré une amie au nom de Boyi Ruth. C’est ma meilleure amie. J’en ai aussi d’autres que je considère bien : Mutombo Daniel et Mpani Tiskins. Ils sont gentils et aimables. En classe, j’ai d’autres copains sympathiques : Makwala Merveille, Mutiya Emmanuel, Matiti Ségolène, Mvemba Jo, Ntumba Gradi, Biduaya Jessica, Ngbungbu Rapaël, Fataki Emmanuel, Nzasa Salem et Mendes Angelo. Un ami, c’est une personne à qui on fait confiance. Quelqu’un à qui on fait part de ses idées, voire ses sentiments intimes, sans être embarrassé. Il est celui qui peut nous écouter ou nous aider lorsqu’on a besoin d’aide. Il doit être capable de nous dire la vérité, même s’il sait que cela peut nous faire mal. Il n’essaie pas de me changer, mais m’apprécie tel que je suis, avec mes défauts et mes qualités. Il doit être indulgent lorsque je commets des erreurs, me respecter et tenir compte de mon opinion ainsi que de mes goûts lorsque je planifie des activités avec lui. Moi, je pense que c’est possible d’être une fille et d’avoir des garçons pour amis car c’est aussi intéressant de parler avec un garçon qu’avec une fille. Je compte moi-même des garçons parmi mes amis avec qui je m’entends bien. Avec un garçon, tu rigoles plus et n’as pas besoin de tourner autour du pot pendant des heures. Prix Heidi Kabangu 2015 129 Les filles sont plus vicieuses et moins franches que les garçons qui me semblent moins hypocrites et plus décontractés. Je préfère donc être au milieu des garçons sans pourtant ressentir l’impression d’être un garçon manqué. Au positif des filles, elles sont plus compréhensives et plus douces que les garçons. Elles ont facilement pitié des gens en problème. L’amitié entre filles est donc aussi une bonne chose. On se raconte beaucoup de secrets. Mais attention : pas de commérage ! Ce dernier fait partie des plus grands vices des filles. Elles ont l’habitude de tout balancer après qu’elles aient appris quelque chose sur vous. Beaucoup de secrets ont été colportés par des « amies » à qui on les avait confiés. Mais il existe d’autres filles qui ne sont pas comme cela. Là alors, c’est bien d’avoir des amis de son sexe. C’est aussi bien d’avoir des amis qui sont différents de nous. Quand on a seulement des amis de même âge, même goût, même sexe que soi, c’est comme si l’on portait uniquement les mêmes vêtements de notre couleur préférée. Même si l’on aime beaucoup cette couleur, au bout d’un temps, on finira par s’en lasser. Une vraie amitié n’a pas d’intérêt. Un ami téléphone pour parler, échanger, venir vous voir parce qu’il en a envie. Et non pour combler un vide. Si un ami rabaisse ou dénigre toujours son ami, ou fait en sorte que son ami se sente mal à l’aise, sans jamais lui dire un mot gentil quand celui-ci en a besoin, cet ami n’en est plus un. Un ami doit encourager l’autre et l’aider à réussir, peu importe ce qu’il entreprend. Moi-même, je suis une vraie amie de mes amis. Je me soucie vraiment d’eux et je les aime bien. Je suis prête à donner de moi-même, de mon temps et de mes ressources pour mon véritable ami. Et pour finir, il y a une chose dont il faudra toujours se souvenir : pour avoir un vrai ami, il faut d’abord en être un soi-même. 130 La croisée des Ados Mardi 17 décembre 2014. Après l’école, si je n’ai rien à faire, je vais souvent chez mes amis. Quand je vais chez Tiskins, c’est pour jouer aux dames. Il joue très bien à ce jeu. Il bat même les grandes personnes. Un jour, je suis allée et nous avons beaucoup joué. Mais je n’ai pas su le battre une seule fois. J’ai juste réussi à battre son petit-frère. Chez eux, ils savent tous très bien jouer aux dames. D’autres fois, je vais chez Jo, chez Daniel. On suit la télévision. Mais je ne vais plus trop chez eux. Avant, j’allais chez mon amie Boyi Ruth ; mais depuis qu’ils ont déménagé, je ne suis pas encore allée la voir chez eux. Quand mes amis viennent chez nous, c’est pour faire les devoirs. S’ils ne comprennent pas une leçon, ils viennent chez moi pour que je la leur explique et je le fais à cœur joie. J’aime bien mes amis. A la maison, je passe mon temps à étudier, lire et dessiner. Dans notre famille, on sait dessiner. On le tient de notre papa. Il s’y prend très bien. MAKEMBO MATONDO MFUMU Ruth 2e Secondaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 131 11. Escapade en Angola MVEMBA CUNGA Jonathan, 2e Secondaire 2014 - 2015 Escapade en Angola Je suis Mvemba Cunga Jonathan, fils de Raoûl Mvemba Matondo et d’Isabelle Cunga Bençao. Je suis né en 2000, le 16 avril, à Luanda en Angola. Je vais vous parler de ma vie, de mon histoire. Mon grand-père paternel, José Raoûl Mvemba était fils d’un chef en Angola, dans le territoire de Zaïre, Province de MbanzaKongo, à San Salvadore. Mon grand-père fit ses études au Congo Belge et obtint son diplôme. Il décida de s’installer au Congo pour poursuivre ses études universitaires à Kisantu. Il épousa sa première femme du nom de Gracia. Il eut deux enfants, Philippe et Makiese. Quand il arrive à Kinshasa (Léopoldville), il travaille dans une entreprise de construction. D’après ce que m’a dit grand-mère, il était brillant et c’est pour cela qu’il est vite nommé conducteur des travaux. Mon grand-père a eu vingt-quatre enfants avec six femmes différentes. Ma grand-mère se nomme Germaine Shemisi Betutua Nzako. Elle est née à Inongo, village des ancêtres Bongobele dans la province du Bandundu, le 06 juin 1948. Elle est fille d’un menuisier. Son père fut arrêté pour avoir fabriqué un poussepousse avec le bois de son patron belge. Elle fait ses études primaires au Bandundu, et secondaire à Kinshasa. Elle se marie en 1965 et est mère de cinq enfants. Son premier enfant, c’est mon père. Cela fait douze ans qu’elle s’occupe de moi. Elle m’a toujours assisté. Elle aime beaucoup faire le ménage : je n’ai jamais vu une aussi bonne ménagère ! Ma grand-mère est une femme forte, sage, courageuse, chrétienne, charitable. Elle est pleine d’amour. Prix Heidi Kabangu 2015 135 A l’époque de Mobutu, pendant la guerre de 80 jours, tous les hommes d’affaires angolais furent arrêtés et mis en prison. Mon grand-père aussi fut du nombre. Grand-mère dût s’occuper de tous les vingt-quatre enfants de mon grandpère. Après cette période, plus précisément en 1985, le 30 juin, grand-père mourut. Mon grand-père maternel, comme je l’ai déjà dit, répond au nom de Joâo Cunga Bençâo. Il est né à Moxico en Angola. A seize ans, il commence le travail comme ouvrier dans un champ de café. Il était le seul de son village à savoir parler et lire le portugais. Il partit pour Luanda en 1954 où il se maria et eut treize enfants avec une seule femme. Ma mère est son cinquième enfant. Ma mère est donc angolaise. Je la vois pendant les grandes vacances, soit trois mois, quand je rentre en Angola. Elle est comptable et se débrouille aussi bien en Angola. Elle est forte et s’occupe bien de moi. Mon père se nomme Raoûl Mvemba Matondo. Fils de José Raoül Mvemba et de Germaine Shemisi Nzako, il est né le 05 août 1996 à Kinshasa. Il fit ses études primaires et secondaires à l’école Massamba. Ses études universitaires, il les fit à l’Université Kimbanguiste, ce qui m’étonne puisqu’il est chrétien et choisit d’étudier à cette Université. A vingt-cinq ans, il va en Angola pour chercher du travail et ses origines. Il rencontre sa famille paternelle et fait la connaissance de ma mère. Ils se marient et ils ont cinq enfants. Mon père est bon travailleur. Il se débrouille bien comme gérant de Socofires en Angola. C’est un homme calme, plein de passion, de bonté, de générosité. Il est tout ce qu’un homme doit être et il possède tout ce qu’il faut pour un homme. Il vit souvent en Angola, avec ma mère. Ils sont précisément à Luanda depuis 1993. Enfin, je vais vous parler de moi : Mvemba Cunga Jo, fils de Raoûl Matondo et d’Isabelle Cunga. Je suis un rêveur passionné de l’histoire antique. Je suis né à Luanda le 16 avril 2000. A deux ans, je quitte l’Angola pour la R.D. Congo. 136 La croisée des Ados Je suis venu à Kinshasa en 2002. Quand nous sommes arrivés, nous habitions à Limete, 9e Rue. Plus tard, quand mes parents sont rentrés en Angola, je suis restée avec grandmère Germaine chez elle à Yolo-Nord. Cela fait aujourd’hui douze ans que je vis à Kinshasa. Kinshasa est une ville pleine de vivacité, pleine d’histoires et de jeunes gens. J’aime Kinshasa pour ses qualités et ses défauts. Je réalise que j’ai passé la plus grande partie de mon enfance dans cette ville. Quand j’étais tout petit, mon père était pour moi un dieu. Après Dieu tout-puissant, c’était mon père. Pour moi, mon père était imbattable, le plus fort des hommes, le plus courageux, le plus grand. Lorsque l’oncle de mon père mourut, j’ai vu mon père pleurer. J’étais alors étonné de voir mon père verser des larmes. Moi aussi, je me suis mis à pleurer. Quand je tombe malade, mon père est toujours là pour m’assister. Un jour, c’est lui qui tomba malade. J’ai fait comme lui pour l’assister. A trois ans, j’étais un garçon plein d’imagination. Je jouais avec le bâton et le fil en me représentant la bataille des Grecs contre les Romains, dans les films que j’avais vus. Des fois, j’observais ma grand-mère qui cuisinait de bons plats. Je disais à cette époque à mon ami Rudy qui est encore mon ami jusqu’aujourd’hui : si je devais avoir une femme, elle sera comme ma grand-mère. Mon ami est un brave garçon, bon parleur, bagarreur, mais qui n’aime pas l’école. Aujourd’hui, par exemple, il n’est pas allé à l’école. Je me rappelle un jour, alors que nous avions deux ans, nous partions à l’école en voiture avec mon père. Une fois entrés dans un embouteillage, il a ouvert la voiture et s’est mis à courir. Un policier l’a rattrapé et ramené. Prix Heidi Kabangu 2015 137 A cette époque-là, j’avais des jouets préférés. Un d’entre eux était « Chico ». Je l’aimais un peu trop. Je le promenais un peu partout. Je dormais avec lui. Un jour, le chien l’a découpé. J’ai pleuré comme si j’avais un deuil. On m’a offert par la suite, un autre jouet appelé « Hercule ». Celui-là, je l’ai égaré. Je me rappelle aussi le chien que nous avions, Darling, un beau chien plein de poils. Mes sœurs, mon frère et moi l’avions pris en passion. Nous passions notre temps à jouer avec lui, tellement il était beau. Nous avions également une chienne du nom de Bradoc. On ne l’approchait pas. Elle nous faisait tous peur. Un jour, elle était sortie de l’enclos, les gens l’ont lapidée et blessée. Elle est rentrée nerveuse. Cela faisait pitié. Elle mit bas et l’un de ses petits que nous avions nommé « Bouboule » mourut après avoir bu de l’eau de javel. Revenons à mes études. Je suis arrivé aux Gazelles en 2005. J’avais cinq ans. A cette époque, j’aimais beaucoup l’école. Je la comparais à un paradis. Quand je rentrais à la maison, je parlais tout le temps de l’école. On chantait beaucoup et on dansait aussi. Mon père aimait chanter avec moi. Nous apprenions les noms des couleurs, les chiffres, … A cette époque, nous avions Mme Ntumba comme éducatrice. Un jour, elle nous avait demandé d’apporter un caleçon, une serviette et un savon de toilette. Elle avait demandé un volontaire pour se laver. Personne ne s’est présenté. Moi, j’ai eu le courage de me laver. C’était bien. Les autres se moquaient de moi et j’avais honte. Le lendemain, je ne voulais plus revenir à l’école. Mais, je me souviens bien du jour où on nous avait demandé d’apporter des fruits. J’avais emmené des bananes, une mangue, un avocat. Nous avons préparé la salade des fruits et j’avais beaucoup aimé. J’en parlais tous les jours à la maison. 138 La croisée des Ados Chaque soir, quand on n’avait pas d’électricité, mes sœurs et moi, chantons avec papa. J’aime mon père : il est un bon musicien. Il lui arrive de jouer de la guitare. Il le fait bien. J’aime le jazz et la rumba comme mon père. Je l’imitais en tout : je marche comme lui. Mon père est mon meilleur ami. A mon anniversaire, ma mère était venue d’Angola avec ma sœur Tiniga. Ce soir-là, il y avait toute ma famille, ma grande famille. Il y avait aussi un invité spécial, le frère à mon grand-père, nommé Nzakimuena, lui et ses fils. La nostalgie se lisait sur les visages. Il y a longtemps que mon grand-père et ses frères avaient quitté l’Angola pour le Congo. Grand-père Nzakimuena était rentré en Angola avec des mauvais souvenirs du Zaïre de l’époque. Lorsque j’avais six ans, il y avait le phénomène « kata-kata ». Personne à cette période ne sortait tard la nuit. Quand mon père sortait, je l’attendais impatiemment. Il m’arrivait de dormir sur le sofa en l’attendant. Et quand il revenait, je lui demandais de prier avec moi. Permettez-moi de vous parler maintenant de ma vision de Kinshasa. C’est une ville pleine de vie et de personnes actives. A Kinshasa, tout le monde est bricoleur. Les hommes savent comment se débrouiller. Mais je dois vous avouer une chose, Kinshasa comprend des gens qui cherchent du travail sans en trouver et d’autres qui sont purement et simplement paresseux. Tout ceci plonge la ville dans la misère. Mais cela n’empêche pas aux Kinois de s’amuser tout le temps, malgré qu’on ne trouve pas assez de parcs d’attraction. Les enfants jouent avec n’importe quoi qu’ils trouvent. C’est triste mais, c’est ça la réalité. A Kinshasa, je ne suis jamais allé au cinéma. On raconte que la ville a connu beaucoup de changements depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Kinshasa était l’une des plus grandes villes d’Afrique. Les gens quittaient Prix Heidi Kabangu 2015 139 leurs pays pour venir passer des vacances à Kinshasa. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Kinshasa est polluée et maltraitée par ses habitants. La ville est même insultée de par le monde, parce que les Kinois ne prennent pas soin d’elle. Pendant les grandes festivités à Kinshasa, le gouvernement organise des travaux d’assainissement pour rendre la ville propre. Malgré cela, elle reste toujours sale. Les Kinois mangent avec difficulté. Cela fait de la peine d’en parler, mais tellement la misère et le crime ont augmenté ! En 2013, je suis allé à Luanda, une petite belle ville en pleine construction. Les Luandais construisent leur ville au jour le jour. Ils agrandissent Luanda au point qu’elle est devenue une ville fêtarde et pleine de travailleurs. Après des années de souffrance causée par une longue guerre, Luanda et l’Angola toute entière se reconstruisent. Mais ce n’est pas le paradis sur terre. Les gens luttent pour survivre. Ils travaillent beaucoup, mais cela ne les empêchent pas de fêter, danser, se réjouir. A Luanda, très peu de gens ont fait des études. Même ma propre mère n’a pas fini ses études universitaires. Ce qui m’étonne, c’est le progrès de l’économie de la ville. Avec un petit boulot à Luanda, on gagne assez d’argent pour se nourrir. Même un laveur de voitures dans une station-service gagne mieux qu’un professeur à Kinshasa. Les enfants s’amusent beaucoup. Il y a beaucoup de parcs d’attraction et plein de salles de cinéma. Comment sont les Luandais ? Très accueillants, fêtards. Les gens sont toujours souriants. Les gens viennent de plusieurs pays africains : Sénégalais et Congolais sont majoritaires. Mais, à Luanda, on trouve beaucoup de soûlards. Les Luandais organisent des fêtes d’une manière traditionnelle et d’autres d’une manière moderne. Les mets sont souvent traditionnels. 140 La croisée des Ados Le gouvernement angolais est bien organisé. Il m’arrive d’aller à leur poissonnerie en compagnie de mon père. On mange près de la plage. Au bord de l’océan, on trouve de vilaines constructions en bois. Mais le gouvernement les détruit progressivement pour en construire d’autres. Les Luanda aiment étudier. J’avais vraiment aimé mes vacances à Luanda. Je voudrais maintenant, pour terminer, parler de mon histoire à l’école. J’ai commencé le jardin d’enfant à George Simenon, puis à l’Ecole Pilote. A cette époque, j’aimais l’école. Elle était pour moi un paradis. Il y avait des moments où je voulais rester à l’école. Puis, je suis arrivé aux Gazelles. J’ai déjà parlé de mes débuts aux Gazelles en maternelle. Je voudrais ajouter mon parcours au primaire. En première année, j’ai eu maître Kabitshwa Erick. Il nous faisait rire tout le temps. Il nous apprenait beaucoup de nouvelles choses chaque jour. Avec lui, on ne s’ennuie pas. Il était cool. Il lui arrivait de pincer les oreilles des élèves pour les corriger. Mais moi, jamais il ne m’a fouetté comme il le faisait avec tous les autres qui désobéissaient. Arrivé en deuxième année primaire, Mme Kembo tenait la classe. J’avais peur d’elle puisqu’elle était très sévère. Mais je l’aimais bien. En troisième année primaire, j’ai eu le professeur Makembo Mfumu Ansi comme enseignant. Certains jours, il ne nous enseignait pas. Alors, nous restions avec maître Constant Makembo. Ce dernier était un très bon dessinateur, mais nous ne l’aimions pas parce qu’il frappait les élèves à tout moment. Mais nous aimions bien ses dessins. Je me souviens qu’il avait dessiné un centaure et nous avait raconté son histoire. C’était pour la première fois qu’il nous faisait rire en classe. Pour dire la vérité, maître Constant racontait de belles histoires, des mythes et des légendes. Il lui arrivait aussi de nous parler de son enfance. En quatrième année primaire, mon maître, c’était Patrick Kabitshwa, un homme très souriant et gentil. Il faisait de Prix Heidi Kabangu 2015 141 son mieux pour nous faire comprendre les leçons. Avec lui, nous lisions beaucoup. Mais en réalité, j’avais des problèmes en lecture et en orthographe. Le maître nous faisait rire, chanter et danser avec lui. C’était une vraie joie de venir à l’école. Dans cette classe, nous apprenions la botanique et j’ai aimé ce cours. Je me disais même que je serai botaniste ; mais, plus maintenant. Nous étions allés un jour chez Madame Kabangu, à Limete. C’était un beau matin. Nous étions allés à pieds avec deux élèves stagiaires. En route, nous parlions de tout et de rien. Nous avions traversé la grand-route, puis les rues de Mombele. Je ne me sentais pas en sécurité, car à cette époque, on disait trop de mauvaises choses sur Mombele. On racontait entre autres qu’il y avait des brigands partout. Alors, pour me sentir en sécurité, je m’étais placé juste à côté du maître. Arrivé chez Mme Kabangu, elle nous donna du jus et de la tisane. Elle nous fit visiter la maison et nous montra son bureau, son salon, sa salle à manger et son garage. C’était ma première fois de voir aussi Mme Kabangu souriante et pleine de bonne humeur. Je voudrais dire un mot sur le trentième anniversaire de l’école. J’étais en première année primaire cette année-là. Nous avions porté l’uniforme un peu spécial en pagne. Toute l’école s’était réunie dans la cour avec la même tenue. Le matin, mes amis et moi courions dans la cour. Nous avions fait quelques corrections avant de sortir dans la cour pour la fête. Ce jour-là, c’était la première fois que je voyais les anciens des Gazelles réunis avec les nouveaux. La cérémonie a commencé à dix heures avec l’installation des élèves sur les bancs. Les élèves du secondaire nous intimidaient beaucoup. Moi, je n’avais pas peur d’eux. Je me plaignais simplement chez le maître. Nous avons chanté, 142 La croisée des Ados dansé, sauté. Je peux dire que nous étions tous en folie ! Mme Kabangu a prononcé un discours dans lequel elle racontait comment elle avait construit sa vie et son école. Après, c’était le Préfet Boyi qui avait parlé. Le professeur Mukendi faisait la modération et intervenait tout le temps pour présenter ceux qui allaient parler. Mais au début, il avait insisté que les études étaient la clé de l’avenir pour tout le monde. De tous ces discours, celui de Mme Kabangu ne m’avait pas touché sur place. C’est maintenant quand j’y pense que je le comprends. Je lui donne pleinement raison. C’est pour cela que cette journée m’est restée inoubliable. J’ai observé les anciens des Gazelles chanter, danser et je voulais être comme eux, c’est-à-dire terminer mes études et avoir un bon travail. Ce que je serai demain, seul Dieu le sait. Mais j’étudie et je travaille. J’apprends de mon mieux pour que je sache ce que je ferai, qui je serai et comment je serai. Je sais que le travail sera mon bouclier et mon savoir, mon glaive. C’est pour cela que j’étudie bien, malgré que je n’aie pas assez de pourcentage favorable. Je continue à me battre. Je me souviens d’une phrase du professeur Mukendi : on ne peut construire un bâtiment sans briques, ni diriger sans savoir. Alors, je fabrique mes briques et j’assoie en moi des connaissances pour produire un fruit qui sera ma fierté. MVEMBA CUNGA Jonathan, 2e Secondaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 143 12. Mes premières amours TSHIMANGA NKONGOLO Théodore 2e Secondaire Mes premières amours Bonjour, cher lecteur. On m’appelle Tshimanga Nkongolo Théodore, élève de deuxième année secondaire aux Gazelles. En voyant le nombre d’enfants que mon père a eu et la façon dont, parmi tous ces vingt-six enfants, il prend soin de ses deux derniers enfants, ma sœur et moi, je me réjouis d’une pareille chance. Mes frères n’ont pas eu la même chance que nous deux, d’aller à l’école en voiture. Mes grands-frères et grandes-sœurs ont atteint la majorité et certains sont déjà licenciés. Mon père a été dur avec eux et maintenant, ils travaillent déjà. D’autres ont fondé une famille. Actuellement, c’est ma sœur et moi seuls qui sommes encore aux études. Je ne sais pas si nous aurons la chance de terminer nos études après la mort de notre père ; car mes autres frères et sœurs ont été poussés et rassurés par papa. Maintenant, les voilà responsables. Est-ce que cela affectera mon avenir ? Celui qui me donne le courage de continuer, c’est le Seigneur Jésus. Je sais qu’avec Jésus à mes côtés, malgré mes innombrables péchés, il m’aidera à devenir l’homme que mon père voyait en moi sans lui. Cher journal, aujourd’hui a été une journée rude pour moi. Car les professeurs étaient absents et pour la classe, c’était une belle occasion de faire la foire. Un moment, de moi-même, j’ai décidé de comprendre pourquoi mes amis dérangeaient. Je n’ai pas eu de réponse. Puis, est arrivé le cours d’atelier duquel le professeur m’a exclu et mis en garde pour l’heure de gymnastique. Ma grande préoccupation est celle de mon avenir. Est-ce que le fait que je dérange influence mon avenir ? Je n’en sais Prix Heidi Kabangu 2015 147 rien, mais cette question me tourmente beaucoup alors qu’avec ma conscience, je dois me jurer d’essayer de prendre le bon caractère. Je sais que j’en suis capable. Il y a aussi autre chose qui me dérange : c’est mes amis du quartier. Ma mère ne les apprécie pas beaucoup, mais moi, je suis contre ma mère. Je me demande, est-ce qu’elle voit clair dans notre amitié ? Mes amis vont-ils me déconcentrer pour que je ne sois plus capable de réfléchir à l’école et à la maison ? Je n’en sais absolument rien. Mais toujours est-il qu’avec ma conscience, je saurai réussir en classe et à la maison. Ma nouvelle école « Les Gazelles » a un horaire vraiment différent de celui de mon ancienne école, vu que dans l’ancienne école, le samedi, nous n’allions pas à l’école. Donc, j’avais deux jours de repos, plus de temps pour m’amuser et aussi plus d’énergie pour aller à l’école, à l’église. Mais maintenant, c’est autre chose car nous finissons les cours, le samedi y compris, tard. Le temps de rentrer à pieds quelque fois, sous ce chaud soleil, et puis, la nourriture à consommer si elle est prête, il faut se reposer un peu et reprendre le travail vers 17 heures. Quand tu termines, tu es cassé, fatigué. Tu t’étales sur le fauteuil pour regarder la télévision et il n’y a souvent rien d’important. Tu cherches quoi faire et si tu trouves une activité, par exemple le dessin, tu te mets à dessiner de 20 heures à 22 heures. Puis tout à coup, les yeux deviennent lourds ; tu récites une courte prière avec maman quand elle a fini, et tu vas au lit. Et le dimanche, tu es tellement fatigué que tu n’arrives pas à te réveiller tôt pour aller à l’église. Il arrive qu’on se réveille à 12 heures. C’est trop tard pour aller à l’église. Cela fait déjà deux dimanches que je ne vais pas à l’église à cause de cette fatigue. Je ne sais pas quoi faire. Devrais-je commencer à dormir à 18 heures le samedi pour ne pas rater le culte et me lever plus tôt le dimanche ? 148 La croisée des Ados Bientôt, c’est la proclamation des points de la première période. Je suis conscient que j’ai des échecs. A cause de ces échecs, avec le petit travail de ma mère et son maigre salaire, ce sera amer de voir que dans certains cours je n’ai pas réussi, mais malgré ma distraction et tout le reste, mon but numéro un est de réussir. Donc, je ne baisse pas les bras car j’ai des capacités pour réussir et peut-être, figurerai-je parmi les cinq premiers de la classe. J’en ai la certitude et la volonté : je dois avoir un bulletin impeccable à la fin de l’année et ferai la fierté de ma mère et de mon père qui malheureusement n’est pas sur place. Je suis appelé à devenir un homme, un homme fort, respectable, courageux, honnête, franc, sympathique, charismatique, intellectuel, propre, discipliné, ordonné, débrouillard, compréhensif ; qui donne sans rien attendre en retour. Voilà tous les attributs que j’aimerais faire ressortir de ma personne. Mon seul et unique défaut, c’est la distraction. Je vais changer, je dois changer. Le mot changer, à présent, c’est ma devise car avec le changement en moi, tous ceux qui disaient du mal de moi changeront aussi à leur tour de langage. Mais ce dont je suis sûr, c’est que mon avenir sera fabuleux. Samedi 15 novembre 2014 a été pour moi un samedi très différent des autres car ce fut la proclamation des résultats de la première période. Ce fut catastrophique avec mes 54 % : « comportement médiocre », dit le professeur titulaire. Réaction à la maison : déception. Moi aussi, très déçu. Comme il est dit « dans une course, une chute ne t’oblige pas à repartir au début ». De même la lutte contre l’échec n’annule pas tes progrès. Déçu de ma conduite à l’école, cela ne m’a pas rendu faible. Au contraire, mon but prend déjà sa forme pour la deuxième période, lundi déjà, j’ai eu de bons résultats en Zoologie et en Anglais. A l’école, la classe de deuxième année secondaire est considérée Prix Heidi Kabangu 2015 149 comme la classe la plus mauvaise à cause du comportement de certains de mes condisciples vis-à-vis de leurs études. Ceci mène à leur échec et ce n’est pas bien ; car en ce moment de l’année, on ne peut pas blaguer avec les études. Hier mercredi 26 novembre 2014, des élèves de ma classe se sont entendus pour bloquer la serrure de la porte et nous avons passé toute la matinée à l’extérieur. Nous avons raté les cours d’algèbre et de géométrie. Moi qui suis faible dans ces matières, je n’ai pas pu poser mes problèmes au Professeur. Donc, j’ai encore beaucoup de lacunes en Mathématiques. Si l’on nous posait une interrogation en Mathématiques, je serai encore en échec et cela affectera mes points. Je n’aurai plus le temps d’assimiler la matière qui reviendra peut-être à l’examen et je risque d’échouer encore. Maintenant, je me prépare pour mon avenir. Il faut que je dispose d’une base solide en Mathématiques et dans d’autres branches. Mais le fait que j’ai raté deux heures de Mathématiques, est-ce que j’aurai ma base solide dans ladite branche ? L’influence des choses que certains élèves des Gazelles font, à mon avis, n’est pas bonne. Ils se montrent sans conscience. Chaque fois qu’un élève répond aux questions du professeur, si sa réponse n’est pas correcte, les amis se moquent de lui et les points en sont influencés. A tour de rôle, celui qui a donné une mauvaise réponse et dont les autres se sont moqués, profitera aussi de la mauvaise réponse des autres pour se venger en se moquant. Nous les nouveaux, à force de vouloir nous intégrer dans le groupe des dérangeurs et nous faire adopter, nous risquons de prendre de mauvaises habitudes et l’on peut grandir avec celles-ci. Je ne dois pas adopter ce mauvais exemple de me moquer des autres, car on est tous venus pour apprendre. Pour mon avenir, je décide de ne pas adopter ce comportement. Car il pourrait influencer mon avenir. 150 La croisée des Ados Autre chose : le téléphone. Pourquoi est-il interdit aux Gazelles ? La raison pour laquelle le téléphone est interdit me semble incompréhensible car nous sommes déjà assez responsables. Nous n’allons pas apporter le téléphone pour regarder la pornographie. Moi, je dérange certes, je commets beaucoup d’actes irresponsables, mais je ne serai pas si ignorant pour regarder les vidéos pornographiques en classe et encore moins avec ma voisine. Si j’apporte mon téléphone, c’est pour contacter ma mère au cas où il y aurait un problème ; pas pour n’importe quoi ! Ni n’importe qui, n’importe quand !!! Le 1er décembre 2014. Aujourd’hui, c’est la journée de lutte contre le Sida. Je ne le savais pas. Maintenant que le Préfet nous en a informés, je garde cela dans ma mémoire. Ce jour, peut-être dans l’avenir, je participerai à cette lutte contre le Sida. Mais réellement, ce qui m’importe en ce moment, c’est, premièrement les vacances. Car, peut-être, j’irai en Belgique. Si je reste à la maison, cela sera tout de même bien car mon neveu viendra et nous nous amuserons bien ; on dormira tard, on se réveillera tard, on fêtera Noël ensemble, une meilleure fête qui marquera certainement mes vacances. La première étape : reprendre ma télévision, récupérer ma console de jeux, arranger une place dans ma chambre pour recevoir mon neveu et enfin trouver 25 ou 30 $ nécessaires à l’achat d’une nouvelle batterie au cas où l’on ne m’enverrait pas celle que j’attends. De la sorte, je remettrai au réparateur de téléphone 20 dollars afin qu’il m’arrange mon deuxième appareil. Nous ferons plein de sorties si possible. Nous effectuerons même un déplacement à Kisangani pour une semaine avec mon oncle. Naturellement, sans oublier de faire des achats. Je vais payer des t-shirts, des culottes, des caleçons, des baskets, des sockets, des casquettes, une montre, des bracelets et un chapelet, pour que Dieu me protège contre tout mal. Prix Heidi Kabangu 2015 151 Cette année ne sera pas facile comme les autres années, car il y aura un brevet pour attester nos capacités dans les matières qu’on a étudiées. Après cela, nous aurons une sortie dans le cadre de l’école. Il nous sera permis d’accéder au téléphone à cette occasion. J’en profiterai pour noter le numéro de certains copains de classe, prendre des photos et des vidéos souvenirs, jouer à bon nombre de jeux, me connecter sur l’Internet. Grâce au skype, je montrerai à ma mère les vidéos, je lui présenterai mes amis et l’on pourra discuter avec elle en privé. Cher lecteur, j’aimerais parler de mon arrivée aux « Gazelles ». Au début, j’étais beaucoup isolé ; mais les personnes avec qui j’ai eu le premier contact, ce fut des filles. Certains garçons m’ont traité de gay et moi, à mon tour, je les ai traités d’immatures car, à la récréation, si je parlais à une fille, ils s’excitaient tous et moi j’appelle cela, avoir un comportement de gamin. Ce qui m’énervait le plus, c’est le fait que si tu ne réponds pas bien à une question du professeur en classe ou carrément, tu te trompes, les élèves te huent. Cela décourageait. Et des fois, on n’a pas trop envie de poser des questions au professeur ou de répondre aux siennes. Ce que moi, je reproche aux professeurs : il est interdit de taper un élève car il n’est pas ton fils ni ta fille. En plus, ils punissent quelques fois injustement. Une chose pour laquelle je m’en veux : je n’ai pas dit la vérité au sujet de mon ancienne école. En fait, je ne viens pas d’Eureka, mais du Lycée Prince de Liège (Ecole Belge). Je l’avoue maintenant de peur que le Préfet ne puisse le découvrir et me démasquer. La raison pour laquelle je n’ai pas dit la vérité est que, premièrement je suis luba. Et dans ma classe les baluba sont traités de vantards. Si je disais que je venais de l’Ecole Belge, cela allait en rajouter. 152 La croisée des Ados C’était dur pour moi de m’adapter au système congolais. Car cette année est ma première dans une école congolaise. Tout est différent. Mais je suis bel et bien luba. Mes copains oublient ceci sur les baluba : nous sommes courageux. Voilà pourquoi, après ma mauvaise note de la première période et ma conduite jugée mauvaise également, j’ai pris tout mon courage. Mon père me regarde de là-haut et me protège. Je viens à l’école pour redonner le sourire à ma mère car malgré les nombreuses fois où elle m’a insulté, puni, privé de dormir dans la maison et de passer la nuit dehors, je l’aime et je veux faire son honneur. Ce qui me préoccupe encore, dans ma classe, c’est le fait que mon voisin, Iyembela Ephraïm est absent depuis des semaines. Avec près d’un mois de retard dans tous les cours, comment va-t-il se rattraper ? Le système dans ma classe, c’est la solidarité : ne jamais dénoncer quelqu’un qui agit mal. Si tu oses, toute la classe te détestera, ne te parlera pas. Au contraire, tout le monde te trahira, même les filles. Imaginez un peut-être seul contre trente-neuf élèves !!! Le professeur que je plains le plus, c’est celui de musique. Personne n’aime suivre son cours. Il ne sait pas s’imposer. Mais maintenant que j’en prends conscience, je conseille au professeur de chasser ou punir les élèves. Mais il ne le fait pas. Cela me pousse à avoir pitié, car il peut être comme mon père et j’imagine mal les élèves qui ne l’écoutent pas. Je n’aimerai pas cela. Nous sommes le 09 décembre 2014. Les Mathématiques, c’est dur mais je dois m’y faire. Car, c’est l’une des matières les plus importantes du test que l’on devra passer en mai prochain. Je vais changer mon horaire des vacances en plaçant les programmes d’études en priorité et en diminuant le nombre de sorties à réaliser. Revoir quelques notes avec ma mère car elle est très forte en Math. Je ne mâche pas les mots, ma mère est très forte en Prix Heidi Kabangu 2015 153 Math et je pense qu’elle est la personne la mieux placée pour m’expliquer ce que je ne maîtrise pas. Avec ses explications, premièrement, je retiendrai pour longtemps le cours et deuxièmement, je saurai appliquer les principes afin de réussir. Toutefois, j’avoue que l’étude et l’école, cela prend du temps ; mais comme on le dit, la patience est une vertu. Puisque je dois étudier pendant quatorze ans, pourquoi ne pas me donner davantage pour ces quelques six mois qui restent de cette année ? Mine de rien, le temps passe vite, en voyant les petits de troisième année primaire, je me dis que moi aussi j’étais comme cela et maintenant j’ai grandi assez, je suis presque un adolescent, capable de rendre grosse une fille. Mais ce n’est pas cela qui importe pour l’instant. C’est d’abord mon Dieu et moi. Tout se joue sur la crainte que l’on doit avoir de Dieu. Comme le dit le quatrième commandement : honore ton père et ta mère, si je réussis, les parents sont honorés ainsi que les enseignants, le préfet et je crois, le directeur également. Ma fierté a aussi sa place parmi les personnes qui seront fières pour faire du bien autour de moi. Il faut mettre Dieu devant tous les projets. Car il n’est pas dit que pour entrer au paradis il faut être saint ; il faut poser des actes qui plaisent à Dieu. Pour oublier les souvenirs, ma mère désire vendre la maison où l’on a vécu avec notre père. Si cela vous tente, vous pourrez la visiter. Je vous indiquerai l’adresse. Voici d’ailleurs le numéro de téléphone de maman : 0898934289. C’est un numéro Tigo. Je vous en prie, venez visiter et vous vous entendrez bien avec ma mère ; car cela fait une année que l’on cherche des clients mais personne ne se présente ! Vous serez d’accord avec moi que l’on puisse changer d’atmosphère et se faire de nouveaux amis. 154 La croisée des Ados Que quiconque lira mon récit soit touché par le Saint-Esprit et sauve ma mère afin qu’elle puisse jouir de nouveau de la vie car elle est fatiguée de se battre ainsi. Même les sœurs religieuses n’ont pu rien faire pour la sortir de là. Je compte sur vous. Le 09 décembre 2014. Je m’ennuie beaucoup ces derniers temps vu que ma sœur est dame d’honneur au mariage d’une cousine alors qu’elle n’a aucune connaissance en danse. Je lui apprends à danser, surtout en ce qui concerne le jeu de hanches. Et puis, quand on finit l’entraînement, on mange un gros fufu avec le pondu préparé par ma sœur, cordon bleu. Maintenant que je suis arrivé à la fin de mon histoire, j’aimerais vous parler de ma vie amoureuse. S’il vous plaît, permettez-moi de citer le nom de celle que j’aime mais ne le dites pas à mes copains ; mais j’insiste, gardez-le secret : je l’aime et je suis tombé amoureux d’elle. Elle s’appelle Vicky. TSHIMANGA NKONGOLO Théodore 2e Secondaire 2014 - 2015. Prix Heidi Kabangu 2015 155