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60 TECHNIQUE TECHNIQUE 14 Moteurs électriques au banc d’essai Pour la première fois, 14 moteurs électriques hors-bord compacts de grande diffusion ont été testés et comparés en conditions d’utilisation réelle. Cet essai qui vous permettra d’y voir plus clair, réser ve quelques surprises. Guy Gorius ESSAIS : G GORIUS – J-PH ET D L AMOTTE TEXTE : J-PH L AMOTTE – G GORIUS PHOTOS : J-PH L AMOTTE n trouve ces moteurs dans la grande distribution ou auprès des petits revendeurs. Ne figurent pas dans cet essai les moteurs de type professionnel ou semiprofessionnel tels Propélec, Sol-air, Accumot, etc. qui appartiennent à une autre catégorie. O L’HOMME DE LA SITUATION Pour cet essai, il fallait rassembler tous les moteurs et les étudier sans a priori. Nous sommes allés voir Guy Gorius, ingénieur en électronique bien immergé dans le nautisme électrique, qui maîtrise la chaîne complète, de la conception à la vente en passant par Un système Min Kota pour coupler deux moteurs, revu et corrigé version Gorius. 61 la location. On ne compte plus ses adaptations spécifiques pour les professionnels du tourisme. Développeur du Lagon 45 d’Alizé Electronic, commandé par un mono levier de type Joystick vidéo, il est également à l’origine de plusieurs dépôts de brevets. C’est aussi le « Monsieur Électricité » du chantier Jeanneau. CIGALES, PÉTANQUE ET MOTEURS ÉLECTRIQUES Gréoux-les-Bains se niche au cœur de cette Haute-Provence célébrée par Pagnol, non loin du plateau de Valensole, couvert de champs de lavande à perte de vue. Sur les places ombragées des villages perchés à la crête des collines, on se demande toujours s’il vaut mieux tirer ou pointer. Et tant que les voitures resteront à l’entrée de certains de ces villages, le calme y régnera et internet n’y changera pas grand-chose. Les chaises de cuisine seront toujours sorties dans la rue pour d’interminables discussions. Seules les cigales troubleront l’environnement sonore. C’est dans cette Provence éternelle qu’ont été réalisés ces essais, dans les ateliers d’Alizé Electronic, et dans le cadre somptueux du lac d’Esparon, sur une des bases de location de bateaux électriques de Guy Gorius. Pour aller de Gréoux au lac, on emprunte une petite route au milieu de la garrigue sauvage. Dire qu’elle est sinueuse, est un doux euphémisme, car elle ondule dans les deux sens et y dépasser les 40 km/h serait suicidaire. Aucun plat ni aucune ligne droite sur neuf kilomètres. Soudain, au détour d’un virage, le regard plonge sur la vallée et le lac. Le spectacle est à couper le souffle, et un arrêt s’impose pour admirer le paysage. Si l’on descend de la voiture, à chaque pas, l’on s’enivre des effluves de thym sauvage et de romarin. En bas, au bord des eaux turquoise du lac, nous attendent les bateaux, les moteurs et les instruments de mesure. DEUX COQUES POUR UNE BATTERIE DE TESTS Contrairement aux moteurs hors-bord thermiques, on ne change pas la taille ou le pas de l’hélice. Seule la capacité de la batterie peut être modifiée. Pour cette raison, nous ne parlerons pas d’autonomie. Pour que les résultats soient significatifs, il fallait que tous les moteurs soient testés dans des conditions identiques, sur la même coque ou plutôt, chacun sur deux coques de caractéristiques différentes. Nous avons donc utilisé un Aquapêche 400 de chez Jeanneau. Cette embarcation, très populaire en rivière et en étang, est un Les deux barques d’essai de nature de taille et de poids différents. Le départ vers le ponton flottant isolé de la berge. roto moulé de 4,00 m et 150 kg à double paroi, un procédé initié avec le New Matic au milieu des années 70. C’est une coque plate à tableau arrière droit qui ne récupère pas la vague d’étrave, mais qui possède une grande stabilité initiale. L’autre coque était une barque en polyester simple paroi de 3,20 mètres et d’environ 50 kg. Le but était de vérifier in vivo les performances fournies par les constructeurs. Le résultat fut à la hauteur de ce que nous attendions, car les écarts sont parfois importants. Pour obtenir leurs chiffres, certains essais constructeurs 62 TECHNIQUE TECHNIQUE Le relevé des résultats au cours des essais. Le chargement des batteries chez Alizé Electronic. semblent avoir été réalisés à 14 volts. Tension qui ne peut être obtenue que sur secteur et redresseur, ou sur la batterie de démarrage d’un moteur thermique tournant au ralenti. Il fallait confronter ces chiffres à une utilisation en conditions réelles. Les tests ont porté sur les aspects suivants : •Vitesse de rotation hors d’eau : Pour cela, il a fallu monter un système avec un oscilloscope, un photo-transistor qui saisissait les éclats d’une lampe de poche à travers les pales des hélices en rotation. •Consommation et régime hors d’eau : essai et mesure sur support. C’est le potentiel de vitesse maxi du Le matériel de mesure présent aux essais, un vrai nid de puces. moteur si la coque le permet au niveau de l’écoulement dans les fluides. • Hélice bloquée : essai et mesure réalisés hors d’eau. L’hélice est maintenue bloquée quelques secondes. C’est l’intensité maximum du moteur. Les chiffres de cet essai n’ont de valeur que comparés avec la consommation pendant la navigation à pleine vitesse. Si elle est identique, cela signifie que le moteur peine, qu’il est poussé. C’est un peu comme si on montait une côte en 5e avec une voiture. Si l’intensité baisse quand le bateau prend de la vitesse, cela signifie qu’il y a de la réserve. Comme pour une voiture qui roule sur un rapport court, il y a de la marge. Plus l’écart est grand, plus le moteur est sain, sérieux et plus il durera longtemps. Aucun catalogue ne fournit ce genre de données. •Poussée statique et consommation bateau bloqué : le bateau tirait à pleine puissance sur un dynamomètre. L’un de nous lisait la valeur sur le dynamomètre et l’autre lisait la consommation sur l’ampèremètre du bateau. Si on compare le chiffre hélice bloquée avec la consommation bateau bloqué (mais avec l’hélice qui tourne), on saura si le moteur est poussé. Plus les chiffres sont proches l’un de l’autre, plus le moteur est poussé. •Vitesse maxi et consommation : essais réalisés face au vent, vent arrière et de travers. Les valeurs résultantes sont la moyenne. Chaque essai a été réalisé sur les deux coques. 63 FABRICANTS, DISTRIBUTEURS, VENDEURS : QUI SONT-ILS ? Il était inutile de tester deux moteurs identiques, bien que vendus sous des noms et des marques différentes. Il a donc fallu « démanteler » les réseaux commerciaux pour savoir qui vendait quoi, sous quelle marque, et quelle était l’origine des produits. L’année dernière encore, voici les marques que l’on trouvait sur le marché: Minn Kota – OMC – Yamaha – Thruster – Mercury – Mariner – Motor Guide. Si nous plongeons dans les ramifications de ce secteur, nous nous retrouvons avec deux firmes qui alimentent le marché : •Thruster : ces moteurs sont livrés avec les étiquettes Mariner ou Mercury. On colle sur la tête, celle que l’on souhaite. Les hélices portent parfois l’inscription Motor Guide. Ces moteurs peuvent également porter le nom de Mariner puisque Marine Power, c’est Mercury, Mariner Force et Mercruiser. En décryptant le tout, on comprend que Mercury/Mariner est le réseau de distribution. Thruster est le nom des moteurs et Motor Guide est le fabricant qui appartient maintenant au groupe Brunswick. Jusqu’à l’an dernier, on trouvait en France des moteurs de la Marque Motor Guide, mais sur une gamme de moteurs plus poussés. Aujourd’hui, Motor Guide semble se Mercury, Motor Guide et Mariner, on trouve les trois noms sur le même moteur. Selon les marques ou modèles, il peut y avoir de grandes différences dans l’échantillonnage des pièces. On le remarquera ici avec les rotors et surtout les charbons. Il y avait deux GPS qui se contrôlaient mutuellement. On trouve en France quelques versions des modèles qui tirent de l’étrave. Il y en a même un avec pilote automatique. Toutefois, le bloc moteur est toujours un modèle connu. redéfinir et il faudra attendre quelques mois pour en savoir plus. Ces moteurs sont assemblés au Mexique. •Minn Kota, est un constructeur américain installé à Mankato (Minnesota) où les moteurs sont assemblés. Jusqu’à l’an dernier, il fournissait en moteurs électriques OMC. Il fournit également Yamaha, mais les moteurs de cette marque sont personnalisés, c’est une 64 TECHNIQUE TECHNIQUE Le moteur de 36 volts ralentissait à peine dans les virages. fabrication particulière, bien que les blocs moteurs soient identiques. Nous disposions pour cet essai de neuf Minn Kota et de cinq Thruster, soit 14 moteurs de 12 et 24 volts. Avec ces 14 moteurs, on couvre donc les sept marques grand public du marché. Après avoir fait le ménage dans les marques, il fallait le faire dans les modèles pour ne pas tester deux fois le même. Nous avons recensé au total 27 modèles de moteurs électriques. Parmi ces modèles, certains sont équipés de pilote automatique, d’autres sont conçus pour tirer le bateau par l’étrave. Cette disposition est très prisée sur les lacs américains. On installe le thermique à l’arrière et l’électrique à l’avant. On trouve quelques-uns de ces moteurs en France, notamment chez Alizé Electronic, mais ce sont des moteurs déjà connus en montage classique qui ont été adaptés. Pour juger et comparer les moteurs entre eux, seuls les blocs moteurs et les variateurs sont importants. On se retrouve donc avec 15 modèles originaux. (L’un des moteurs est malheureusement arrivé à la fin des tests). GÉNÉRALITÉS SUR LES MOTEURS ET LES SÉRIES Un moteur poussé : en plaçant les aimants par rapport au bobinage, on modifie la vitesse. C’est un choix de construction. Plus un moteur tourne vite, plus il développe de puissance par rapport à sa taille, mais plus il vieillira vite. En usage intensif, ce moteur va chauffer, jusqu’à fondre le vernis des bobinages. Les fils seront alors en court-circuit et l’on dira que le moteur est grillé. La variation sur résistances : il y a un jeu de résistances de valeurs différentes. Quand on fait passer le courant dans l’une d’elles, c’est autant de moins pour le moteur qui alors ralentit. Il est bien évident dans ce cas, que le moteur tourne vite ou lentement, on consomme autant de courant. Cette régulation se fait par saut, d’une vitesse prédéfinie à une autre. Il y en a ainsi environ quatre ou cinq. Cependant, ces résistances, en consommant du courant, produisent de la chaleur qui doit être éliminée. La meilleure place était donc dans le bloc moteur, qui est immergé. Ce sont les moteurs de bas de gamme, car installer trois ou quatre résistances ne coûte pas cher du tout. La régulation électronique : dans cette configuration, tout le courant est absorbé par le moteur et utilisé pour la propulsion. La variation se fait en coupant et en remettant le courant de façon alternative (environ 30 000 fois par seconde). C’est le haut de gamme, et la régulation est très fine et progressive. Pour une charge de batterie donnée, l’autonomie est bien supérieure à la variation sur résistances. Nom et poussée statique: quand Minn 65 Kota nomme un moteur Endura 36, par exemple, cela veut dire 36 livres de poussée (une livre = 453 g). Le bruit : en règle générale, les Minn Kota, nous ont semblé plus silencieux que les Thruster. Ceci dit, les mesures au sonomètre ont été abandonnées, car étant donné les faibles niveaux sonores à mesurer, le vent et les vaguelettes d’étrave ne pouvaient que fausser les résultats. Nous avons également observé un phénomène de résonance, amplificateur du bruit pour certains moteurs sur la barque de trois mètres. Ce phénomène, dû à la différence de matériau, n’existait pas sur l’Aquapêche de chez Jeanneau. •Augmenter la force d’un moteur : pour simplifier, il y a deux solutions. On peut augmenter la longueur c’est ce qui coûte un peu moins cher et l’on peut augmenter le diamètre, c’est plus sérieux. encore bien poussé. C’est l’équivalent du 3 600 Thruster, mais il pousse plus fort avec10 Newton de plus. Peut-être poussera-t-il moins longtemps. Il consomme également 2 A de moins moteur bloqué. Pour être objectif, il faut dire que l’hélice a une pale de moins, ce qui justifie la consommation car les tripales consomment plus. Les trois pales justifient peut-être également la poussée supplémentaire. Souvent, les constructeurs font le choix de l’hélice trois pales pour obtenir un meilleur effet anti-herbes. •Endura 40 : Ce moteur est une nouveauté 2002. Il nous pose un problème au niveau des résultats qui sont similaires au précédent. En creusant un peu, toutes les pièces sont identiques au démontage des deux moteurs. Sur catalogue, les références des pièces sont également identiques. Selon Guy Gorius, le 36 semble un peu plus puissant que par le passé. Peut-être que pour des raisons de rationalisation, le 36 est monté avec les pièces du 40. Minn Kota TOUS LES MOTEURS DU MARCHÉ EN CHIFFRES Voici maintenant ce que nous disent les chiffres tirés de nos tests… et ce qu’ils ne nous disent pas : •Endura 30 : construction soignée, bien dimensionnée, il convient pour des barques jusqu’à 4 m. •Endura 36 : plus puissant et bien dimensionné, il donne cependant son maximum, ce qui veut dire qu’il est Bleu : variation sur résistances – Rouge : variation électronique 66 TECHNIQUE TECHNIQUE détient la clé de cette énigme. •Endura 46 : cette fois, c’est le diamètre du bloc moteur qui est supérieur, on est toujours en 12 volts et il tourne moins vite que le précédent. Ce moteur sera donc plus fiable et travaillera plus longtemps que le précédent. Sur ce moteur, on trouve une hélice deux pales spécialement profilée anti-herbes et les résultats des tests s’en ressentent. Il est plus nerveux, mais va moins vite, consomme moins, et est plus silencieux que le précédent. C’est un moteur pour gros bateaux. •Endura 50 : encore plus de couple, donc plus de résistance, notamment pour des bateaux à cabines ayant de la prise au vent, mais au détriment de la longévité. C’est le même bloc moteur que le précédent, mais par un calage des aimants différents, il tourne plus vite. C’est donc un moteur un peu plus poussé, plus puissant que le précédent sur un bloc identique. Il n’est pas très rapide, c’est donc bien du couple qu’on lui fait produire. C’est un choix du constructeur. •Endura 55 : c’est le plus puissant et le plus performant des moteurs 12 volts. Cette puissance est utilisée pour augmenter la vitesse en plus du couple. C’est le contraire du précédent. Il tourne vite, il a du punch et il ralentit à peine dans les virages. On s’amuse bien avec un budget modeste, mais attention, il est poussé et si on s’amuse bien, il ne faut pas s’amuser longtemps. Lancé, il consomme 45 A. Là encore, le résultat est obtenu par le calage des bobines et des aimants. •Maxxum 40 : c’est une version électronique de l’Endura 40 mais avec une hélice anti-herbes, ce qui se traduit par moins de couple, moins de vitesse, et un peu plus de consommation tout cela pour un régime maxi. Par contre, il convient fort bien pour la pêche à la traîne, et à cette vitesse, il retrouve toutes les qualités de la variation électronique. C’est le premier prix avec variateur électronique. •Maxxum 65 : premier 24 volts de la 67 marque. Ce moteur est rapide et puissant, presque trop rapide. Son exploitation à pleine puissance, pendant un trop grand laps de temps risque de l’endommager par échauffement des charbons. Ceci dit, il pousse fort. •Maxxum 74 : toujours en 24 volts, il est de construction bien dimensionnée, les charbons sont énormes, les roulements sont en conséquence et l’axe en 13 mm au lieu de 10 mm. C’est un moteur pour usage intensif qui pousse fort, très fort. L’exploitation à pleine puissance pour un usage intense sera mieux tolérée que sur le précédent. Évidemment, le prix est en rapport. Au niveau vitesse, l’essai n’est pas significatif, car la coque était en limite de vitesse critique. Le moteur ne pouvait plus s’exprimer à ce niveau. Sur une coque plus longue de 50 cm, il atteint les 10 km/h sans problème et ce n’est pas sa limite. •Riptide 101 : version Salt Water, c’est un moteur en 36 volts destiné à un usage marin. Très bonne construction. Ce moteur impressionne car il pousse fort. Là aussi, pour qu’il s’exprime, il lui faut une coque longue avec une bonne vitesse critique ou alors une coque lourde jusqu’à 2000 kg. Ceci dit, pour le faire tourner, il lui fallait trois batteries, soit 45 kg d’énergie dans la barque. On peut le considérer comme du semi-professionnel qui donne 29 kg de poussée avec 40 A/h en 36 volts, soit l’équivalent 120 A en 12 volts. •Thruster 2500 : ce bas de gamme est un premier prix qui est poussé. On lui fait donner le maximum, mais il vieillira vite. De plus, il est assez bruyant. •Thruster 3000 : bien que plus puissant que le précédent, ce moteur est encore poussé. •Thruster 3600 : la taille du bloc moteur est supérieure, comme les Endura 30 à 40. Hélice 3 pales et moins bruyant que le précédent. Un peu moins bon que l’Endura 36, il est également moins cher. Les crans de la commande de vitesse sont également moins nets que sur l’Endura. •Thruster 4800V : premier électronique de chez Thruster. Bien qu’ayant un couple comparable au Maxxum 65, il semble plus rapide. Il est plus nerveux et les chiffres indiquent clairement l’intérêt du variateur électronique. C’est un moteur qui s’adapte parfaitement aux bateaux un peu lourds et ravira les pêcheurs à la traîne car aux vitesses lentes de 2 à 3 km/h, nous avons mesuré des consommations ridiculement faibles. •Thruster 5000V : la puissance est au rendez-vous, c’est la classe au-dessus. Comparable au Maxxum 65 mais un peu plus lent, donc plus durable et avec un bon rendement. Il est un peu poussé mais c’est un gros moteur et, à pleine vitesse, on n’est qu’à 25 A. Lui aussi, en vitesse de traîne, ne consomme que 4 A. Avec un variateur à résistances, à la même vitesse, l’Endura 30 consommait 16 A. De plus, le 5000V est très silencieux. ■ NB : Les chiffres et les conclusions de cet essai ne sont valables que dans les conditions de nos essais que nous avons voulus les plus proches possible des conditions d’utilisation réelles.