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Communiqué de presse
À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux
4 octobre 2015 – 10 janvier 2016
Avec « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux », la Fondation Beyeler
célèbre un moment mémorable pour l’évolution de l’art moderne et contemporain. L’exposition « 0,10 »
a eu lieu en 1915 à Petrograd (nom que prit la capitale russe peu après le déclenchement de la
Première Guerre mondiale, pour remplacer celui de Saint-Pétersbourg, aux consonances germaniques)
et allait s’affirmer comme l’une des plus marquantes du XXe siècle. Saint-Pétersbourg est ainsi devenue
le berceau de l’avant-garde russe : avec « 0,10 », et après « Venise », « Vienne 1900 » et « Le
Surréalisme à Paris », la Fondation Beyeler poursuit sa série d’expositions consacrées à des villes qui
ont joué un rôle déterminant dans l’évolution de l’art moderne.
« 0,10 » marque un véritable tournant dans l’histoire de l’art moderne et incarne le moment historique
où Kasimir Malevitch a réalisé ses premières toiles non figuratives tandis que Vladimir Tatline se faisait
connaître du public par ses contre-reliefs révolutionnaires. La plupart des autres participants de
l’exposition originelle sont également représentés dans la version reconstituée de la Fondation Beyeler :
Natan Altman, Vassili Kamenski, Ivan Klioune, Mikhaïl Menkov, Vera Pestel, Lioubov Popova, Ivan
Pouni (Jean Pougny), Olga Rozanova, Nadejda Oudaltsova et Marie Vassilieff.
« À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » rend également hommage à
l’œuvre iconique de Kasimir Malevitch, « le Carré Noir » dont elle célèbre le centenaire. Cette toile
monochrome relevait de la pure provocation, car elle ne montrait qu’une surface noire légèrement
déformée, entourée de blanc. Lors de l’exposition d’origine, elle était de surcroît accrochée dans ce
qu’on appelait l’angle de Dieu, où se trouvaient traditionnellement les icônes qui décoraient la maison.
Sans compromis et énigmatiques, les œuvres du suprématisme imposèrent un brutal changement de
paradigmes sur la scène artistique.
Ces œuvres étant par ailleurs rarement prêtées, c’est la première fois qu’on pourra voir en Suisse une
aussi riche présentation d’œuvres suprématistes. Plusieurs années de recherches et de longs échanges
scientifiques avec des musées russes de renom ont précédé cette collaboration en cette année du
centenaire du Carré noir. C’est ainsi qu’ont eu lieu en Russie, dès 2008, dans le cadre de
collaborations de très grande qualité, de premières expositions individuelles consacrées à Alberto
Giacometti et Paul Klee (2013), cette dernière sous forme d’une coopération entre la Fondation
Beyeler et le Centre Paul Klee.
Ces œuvres et documents proviennent de musées, d’archives et de collections particulières. Outre la
galerie Tretiakov de Moscou et le Musée russe de Saint-Pétersbourg, 14 musées régionaux russes ainsi
que d’importants établissements internationaux comme le Centre Georges-Pompidou de Paris, le
Stedelijk Museum d’Amsterdam, le Musée Ludwig de Cologne, la Collection George Costakis de
Thessalonique, l’Art Institute de Chicago et le MoMa de New York ont contribué à cette exposition en
acceptant de nous prêter des œuvres rares et précieuses.
Pour la première fois de l’histoire des expositions russes et occidentales, ces œuvres remarquables
seront à nouveau rassemblées dans les salles de la Fondation Beyeler, complétées par des travaux des
mêmes artistes, datant de la même période, afin de redonner vie à l’atmosphère tout à fait singulière et
vibrante d’énergie du renouveau artistique russe des débuts du XXe siècle.
Le commissaire invité est Matthew Drutt, qui a déjà été responsable des grandes rétrospectives
Malevitch du Musée Guggenheim de New York et de la Menil Collection à Houston.
On pourra voir simultanément à la Fondation Beyeler l’exposition « Black Sun ». Celle-ci présente des
œuvres de 36 artistes des XXe et XXIe siècles qui utilisent des moyens d’expression aussi divers que la
peinture, la sculpture, l’installation et le film, sans oublier les interventions artistiques dans l’espace
public. Conçue comme un hommage à Malevitch et Tatline, « Black Sun » explore à partir d’une
perspective actuelle l’immense influence, encore sensible aujourd’hui, de ces deux représentants de
l’avant-garde russe sur la production artistique. Cette exposition a été réalisée en étroite collaboration
avec certains des artistes exposés.
*
L’exposition d’origine « 0,10 », organisée par le couple d’artistes Ivan Pouni et Xénia Bogouslavskaïa,
fut inaugurée le 19 décembre 1915 à Petrograd avec plus de 150 œuvres de 14 artistes de l’avantgarde russe, dont la plupart étaient des partisans de Malevitch ou de Tatline. Un tiers seulement des
150 œuvres exposées durant l’hiver 1915-1916 à Petrograd est parvenu jusqu’à nous. L’exposition se
tenait dans la Galerie de Nadejda Dobytchina, considérée comme la première galeriste de Russie. Dès
1911, elle avait converti plusieurs pièces de son spacieux appartement en salles d’exposition et était
très connue des milieux artistiques.
Le titre « 0,10 » (zéro-dix) n’est pas une formule mathématique mais un code reposant sans doute sur
une idée de Malevitch : le zéro devait symboliser la destruction de l’ancien monde – y compris celui de
l’art – en même temps qu’un nouveau départ. Le chiffre dix se réfère au nombre de participants
initialement prévu. Les adjectifs « dernière » et « futuriste » contiennent également un message
chiffré : il s’agissait de montrer que l’on cherchait à prendre ses distances avec l’influence du
futurisme italien et même à s’en libérer. Voilà qui donne la mesure de la rapidité avec laquelle les
différentes orientations stylistiques se succédaient : alors qu’au début de 1915, le futurisme
enthousiasmait encore, on prônait son abandon dès la fin de la même année. Des prises de position
passionnées et des débats houleux avaient agité les participants avant l’exposition, dont l’organisation
avait fait l’objet de modifications de dernière minute. C’est ainsi que le nombre définitif d’exposants
n’était pas celui qui était annoncé dans le titre. Certains artistes firent faux bond au dernier moment,
d’autres s’ajoutèrent à l’improviste. Finalement, 14 artistes exposèrent leurs travaux – 7 femmes et
autant d’hommes. Dans la Russie prérévolutionnaire, les organisateurs d’expositions tenaient en effet à
la parité des sexes.
Les travaux de deux participants tranchaient sur les autres en s’engageant dans des voies d’une
nouveauté et d’un radicalisme extrêmes qui allaient marquer durablement l’évolution artistique. Le
premier était Kasimir Malevitch qui, dans le cadre de La Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10,
explorait dans ses toiles entièrement abstraites, constituées de formes géométriques, une dimension
jusqu’alors inconnue des beaux-arts. Il inventa pour désigner ses créations le terme de
« suprématisme » (du latin supremus – « suprême »), exprimant ainsi sa volonté de jouer un rôle
majeur dans l’art. Le second était Vladimir Tatline qui, avec ses sculptures elles aussi abstraites créées
à partir de matériaux étrangers à l’art, proposait des solutions nouvelles pour une sculpture affranchie
de son socle classique. Même si l’exposition d’origine était loin d’être homogène – on y observait une
grande diversité de styles artistiques et de programmes esthétiques –, elle fit l’effet d’un véritable
électrochoc, sonna le glas du cubo-futurisme en tant que tendance dominante de la peinture russe et
ouvrit la voie à des expériences totalement inédites. Dès le lendemain de cette manifestation,
Malevitch et Tatline s’imposèrent comme les chefs de file de l’avant-garde européenne.
*
Le projet de la Fondation Beyeler ne peut évidemment pas prétendre proposer une reproduction fidèle
de l’exposition de 1915 – un grand nombre des œuvres exposées à cette occasion ont en effet disparu
ou ont été détruites –, mais on pourra y voir de nombreuses œuvres originales de cette exposition,
complétées par d’autres chefs-d’œuvre des mêmes artistes, datant de la même période. Les visiteurs se
feront ainsi une impression très concrète de l’énergie artistique débordante de la Russie du début du
XXe siècle.
Une deuxième exposition illustre l’influence que « 0,10 » exerce aujourd’hui encore sur les artistes :
« Black Sun » reconstituera à l’aide d’œuvres d’artistes contemporains le parcours de l’abstraction et
du noir, mystérieuse « non couleur ».
On pourra voir « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » et « Black
Sun » du 4 octobre 2015 au 10 janvier 2016 à la Fondation Beyeler.
L’exposition « À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux » a été réalisée
grâce au soutien de :
Presenting Partners
AVC Charity Foundation
Cahiers d’Art
Partner
Phillips est une plate-forme mondiale majeure d'achat et de vente d'art et de design des XXe et XXIe
siècles.
Images de presse : sont disponibles sous http://pressimages.fondationbeyeler.ch
Informations complémentaires:
Elena DelCarlo, M.A.
Head of PR / Media Relations
Tél. + 41 (0)61 645 97 21, [email protected], www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler : tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00
Communiqué de presse
À la recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de tableaux
4 octobre 2015 – 10 janvier 2016
« Lorsque l’esprit aura perdu l’habitude de voir dans un tableau une représentation d’un morceau de
nature, de Vierges et de Vénus impudiques, alors seulement nous pourrons voir une œuvre purement
picturale. » (Kasimir Malevitch)
Voilà les premières lignes d’une critique parfaitement typique de l’une des plus légendaires expositions
d’art moderne – « La dernière exposition futuriste de tableaux 0,10 » (Zéro-Dix) », inaugurée il y a un
siècle, le 19 décembre 1915, au « Khoudojestenoïe Biouro » (Bureau d’art) de Nadejda Dobytchina. Ce
« bureau » était situé au premier étage d’un immeuble résidentiel jaune comme il y en avait tant à
Petrograd, au centre de la ville, sur les rives de la Moïka et en face du champ de Mars, un terrain de
manœuvres où se déroulaient les parades militaires, non loin du somptueux Palais d’Hiver de la famille
du tsar. Cette exposition marque un véritable jalon de l’histoire non seulement de l’avant-garde russe,
mais de l’ensemble de l’art occidental depuis l’aube du XXe siècle.
On a eu tendance à considérer avant tout « 0,10 » comme un bras de fer entre deux exposants :
Kasimir Malevitch d’une part, qui présentait pour la première fois ses toiles non figuratives sous la
bannière du suprématisme, Vladimir Tatline de l’autre, dont les reliefs muraux picturaux faits de
matériaux quotidiens, réalisés un an et demi auparavant, s’imposèrent comme des œuvres captivantes,
de nature néo-constructiviste, qui remettaient radicalement en cause l’idée traditionnelle d’un objet
emprisonné dans un cadre ou assujetti sur une surface plane.
Cependant, même si « 0,10 » s’accompagna effectivement d’un affrontement entre ces deux géants de
l’art moderne, l’exposition ne se limitait pas à cela, et de loin. La moitié des exposants étaient des
femmes, dont quatre – Vera Pestel, Lioubov Popova, Olga Rozanova et Nadejda Oudaltsova –
comptaient parmi les plus remarquables représentantes de la peinture moderne russe, sinon de la
peinture moderne en général. Existe-t-il une autre exposition ou un autre mouvement de l’histoire de
l’art d’avant-guerre qui puisse se targuer d’une aussi forte présence de femmes artistes, parfaitement
de taille à se mesurer à leurs collèges masculins ? Malgré son nom, cette exposition marquait en outre
le début plus que la fin d’une certaine évolution. On continua en effet à peindre des tableaux cubofuturistes après la clôture de l’exposition en janvier 1916 ; de plus, celle-ci ne se limitait pas au
domaine de la peinture, comme le sous-entendait son titre, car de nombreux œuvres exposées se
livraient à des expériences de relief et de sculpture. Certaines se distinguaient nettement des
éphémères tentatives de création d’objets de Tatline.
Moscovites contre Pétersbourgeois (une rivalité traditionnelle qui persiste encore de nos jours),
partisans de Tatline (Pestel, Popova et Oudaltsova) contre amis, voire déjà adeptes de Malevitch,
auxquels s’ajoutaient des artistes indépendants de tout courant mais invités à participer parce qu’on
les considérait comme remarquables et exemplaires (Natan Altman, Marie Vassilieff, Vassili Kamenski
et Anna Kirillova). Dans ces relations, les intérêts personnels et professionnels, les liaisons amoureuses
et les conflits idéologiques étaient étroitement imbriqués. « 0,10 » est également l’histoire du couple
d’artistes formé par Ivan Pouni et Xénia Bogouslavskaïa, qui avaient émigré à Paris en 1914 pour
échapper aux débats houleux et interminables qui agitaient les différentes factions de l’avant-garde
russe. Cet exil fut cependant éphémère : ils furent en effet contraints de regagner Petrograd dès le
déclenchement de la Première Guerre mondiale ; les deux artistes – tous deux relativement aisés et
professant des idées plutôt idéalistes en raison de leur séjour à l’étranger – s’évertuèrent alors pendant
un an d’unifier la scène artistique russe divisée. « 0,10 » marqua le point culminant de leurs efforts.
Plusieurs raisons interdisent une reconstitution exhaustive et définitive de « 0,10 » : de nombreuses
œuvres ne portent pas de titres ou alors ceux-ci ont été modifiés par la suite par les artistes eux-mêmes
ou par les établissements ou particuliers à qui appartenaient ou appartiennent ces œuvres ; le
catalogue ne contenait pas d’illustrations ; enfin, nous ignorons aujourd’hui où se trouvent un certain
nombre des pièces exposées.
S’ajoute à ces problèmes un obstacle encore plus redoutable qui vient entraver les efforts de ceux qui
s’intéressent à l’art moderne russe. La Première Guerre mondiale, la Révolution d’octobre 1917, le
transfert imposé par l’État dans les années 1920 d’œuvres d’art conservées à Moscou et à Leningrad
(nom qu’avait pris alors la ville) vers les provinces afin d’éveiller la conscience d’une population
« moins cultivée » et, enfin, le bannissement des musées, sur ordre des autorités, à partir des années
1930 des œuvres modernes, alors jugé décadentes et sans valeur artistique : tous ces événements ont
fait de la recherche de certains objets précis un voyage menant souvent dans l’impasse. En effet, les
documents ou les œuvres elles-mêmes ont disparu à la suite de ces péripéties, ou sont conservés dans
des lieux inconnus. On a vu par ailleurs s’imposer immédiatement après la Révolution une coutume qui
a persisté jusque dans les années 1980 : les établissements – avec bien souvent l’approbation des
autorités de l’État – se sont défaites d’œuvres en leur possession pour dégager des moyens financiers
dont on avait le plus grand besoin dans une économie en faillite.
En 1915, la saison d’expositions de Petrograd fut inaugurée en mars par « La première exposition
futuriste de tableaux Tramvaï V », à laquelle participaient dix artistes qui exposeraient également dans
« 0,10 », auxquels s’ajoutaient Alexandra Exter et Alexeï Morgounov. Le 3 mars 1915, quelques
minutes avant l’arrivée du grand-duc Nicolas, un oncle du tsar venu voir une exposition très chic qui se
tenait dans une salle voisine, on déroula une gigantesque banderole portant la mystérieuse inscription
« Tramvaï V ». Tramvaï V ? Il n’existait dans tout Petrograd aucun tramway portant ce nom. C’était de
toute évidence d’une nouvelle provocation incompréhensible des futuristes. Plus de 2 000 visiteurs
affluèrent et le scandale fut complet.
Pareille anarchie artistique provoqua l’indignation de l’opinion publique et prépara le terrain au tapage
encore plus grand qu’allait susciter « 0,10 » à la fin de l’année. On ne peut qu’avancer des hypothèses
sur l’accrochage d’origine. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que les (plus ou moins) 154 œuvres
exposées étaient disposées dans cinq ou six des dix pièces que la famille Dobytchina habitait dans cet
immeuble. Certains chercheurs penchent pour trois salles seulement, mais ce chiffre paraît irréaliste.
L’exiguïté des locaux obligea un grand nombre des exposants de « 0,10 » à présenter leurs tableaux –
ainsi qu’on peut le voir sur la célèbre photo de l’installation de Malevitch – dans le style « salon »,
c’est-à-dire dans un accrochage très serré, conforme du reste à la mode de l’époque. En aménageant la
présente exposition, on en a en revanche privilégié une disposition qui mène, avec plus ou moins de
rigueur, des artistes indépendants aux suprématistes déclarés, juxtaposant Tatline et Malevitch, pour
s’achever par ceux qu’on appelait les « peintres professionnels » ; les salles d’exposition minimalistes,
baignées de lumière, de la Fondation Beyeler, ont permis d’éviter de couvrir intégralement l’un ou
l’autre mur de tableaux. L’exposition représente ainsi en définitive environ la moitié de celle d’origine,
pour des raisons de nécessité autant que de circonstances.
L’idée de zéro incarne, paraît-il, le désir de Malevitch de réduire à néant tout ce qui faisait l’art, avant
de pouvoir créer quelque chose de nouveau ; c’est ainsi que les futuristes italiens estimaient que seule
la destruction du passé permettrait de donner une base nouvelle au présent. Mais les futuristes
plaidaient pour une vraie destruction matérielle, alors que Malevitch considérait plutôt sa formulation
dans un sens philosophique et métaphysique. Il écrivait ainsi : « Dans la mesure où nous avons
l’intention de tout réduire à zéro, nous avons décidé de donner aussi ce nom, Zéro, [à la revue] et nous
dépasserons plus tard ce zéro. » Le 10 qui suit la virgule se réfère aux dix artistes qui avaient participé
précédemment à Tramvaï V et étaient également représentés dans « 0,10 », dont le nombre de
participants fut ultérieurement porté à quatorze. Bien qu’une des exposantes (Rozanova) se soit plainte
du manque d’intérêt du public, les 6 000 visiteurs qu’attira « 0,10 » représentait un chiffre plutôt
impressionnant pour une exposition ordinaire de 1915 – laquelle, qui plus est, suscita autant de
moqueries et de sarcasmes de la part de la presse et de l’opinion publique.
Abstraction faite de toutes les controverses secondaires et professionnelles, la salle consacrée aux
toiles de Malevitch représentait indéniablement un clou de cette exposition. On suppose (en se fondant
sur le catalogue) que cette salle contenait 39 œuvres, dont neuf portent des titres spécifiques, douze
figurent sous la catégorie Masses picturales en mouvement et dix-huit sont rassemblées collectivement
sous le titre de Masses picturales en deux dimensions à l’état de repos. Sur ce total, ont été retenues
27 œuvres comme candidates potentielles avant de limiter le choix finalement à 20, afin de ne pas
écraser les autres artistes sous la masse. C’était, et de loin, le plus grand nombre d’œuvres d’un seul
artiste présenté dans le cadre de « 0,10 », et ces travaux ont inspiré des commentaires acerbes,
élogieux ou instructifs non seulement de la part des contemporains de Malevitch mais aussi de celle
des générations suivantes de critiques, d’artistes, d’historiens de l’art et de mécènes, dont beaucoup
ne connaissaient initialement que la célèbre photographie publiée en son temps dans la presse sous
forme tronquée, puis sous forme d’extraits dans presque tous les ouvrages consacrés à l’avant-garde
russe.
Le Carré noir (1915) était exposé en haut dans un angle de la salle, à l’endroit traditionnellement
réservé à l’icône dans les demeures russes orthodoxes, entouré de nombreuses autres œuvres dans un
accrochage compact de type « salon ». Les murs étaient tendus de toile ou d’étoffe tandis que le mot
« Suprématisme » griffonné sur un morceau de papier était affiché sous les toiles du mur de gauche,
d’autres explications figurant au-dessus, à droite, tandis que le mur adjacent était couvert d’autres
messages et proclamations. Cette photographie était et reste l’iconographie historique associée à «
0,10 ». Sans doute les deux autres murs, dont il n’existe pas d’image, reprenaient-ils une disposition
identique. Dans le catalogue de « 0,10 », Malevitch affirmait : « En intitulant certains de ces tableaux,
je n'ai pas voulu laisser entendre qu’il fallait y chercher des formes particulières, mais montrer que je
considérais les formes réelles comme des accumulations de masses picturales informes, à partir
desquelles a été créée une peinture qui n’a rien de commun avec la nature. »
À en croire certaines anecdotes, Malevitch se présenta chez Mme Dobytchina en apportant de
nombreuses toiles dont la couleur n’était pas encore sèche, ce qui expliquerait les craquelures
marquées que l’on relève sur des toiles comme Carré noir, appartenant à la Fondation Beyeler, sur le
tableau du Musée Ludwig de Cologne et d’autres encore. Ces craquelures semblent en effet révéler que
la peinture a été appliquée sur d’autres couches de couleur, qui n’avaient pas eu le temps de sécher :
lorsque la couche inférieure a fini par sécher, des fissures sont apparues sur la couche supérieure. En
quoi est-ce important ? Parce que l’on sait que Malevitch procédait à des modifications de ses
compositions pendant qu’il peignait. Ces corrections sont souvent visibles, pour peu que l’on examine
le tableau sous une lumière rasante. Sous la surface du Carré noir, on distingue ainsi une multiplicité
fascinante de couleurs, qui correspondent à la palette que l’on rencontre dans les œuvres du
suprématisme dynamique exposées dans „ 0,10 ». Figuraient ainsi, au sein d’un seul et même objet, la
fin de quelque chose et le début d’autre chose, le zéro en même temps que l’infini. En l’étirant
latéralement, il se transformait en Plan allongé ; étiré vers le haut et vers le bas, il devenait une croix ;
peint en rouge et doublé par un autre carré noir, il provoque une sensation qui apparaît dans un monde
reproduit en notions abstraites. Et ainsi de suite…
Vera Pestel a raconté plus tard : « Mais il y a cet artiste, ce Malevitch, qui dessinait un simple carré, et
le peignait tout en rose, et une autre fois le peignait en noir, et puis ensuite de nombreux autres carrés
et triangles dans les couleurs les plus diverses. Sa salle était élégante, pleine de couleurs, et l’on
prenait plaisir à laisser son regard glisser d’une couleur à l’autre [un mot illisible] – toutes dans
différentes formes géométriques. C’était si apaisant de contempler ces différents carrés, sans penser à
rien, sans rien désirer. »
Dans sa transition entre art abstrait et art non figuratif, Malevitch faisait, on le sait, preuve d’une
certaine prudence ; il couvrit ainsi, paraît-il, les fenêtres de son atelier de journaux pour que personne
ne puisse voir à l’intérieur depuis la rue.
La première édition du manifeste de Malevitch, publié finalement en janvier 1916, était intitulée Du
futurisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural. Il s’agit en quelque sorte d’une version
brute, à l’instar de ses toiles récentes, encore humides de peinture. Cette version confirmait cependant
les soupçons de ses collègues quant à son intention d’en finir une fois pour toutes avec le futurisme :
« Je me suis transformé en zéro des formes et j’ai dépassé le 0 pour atteindre le 1. Selon moi, le cubo-
futurisme a accompli sa tâche ; je passe donc au suprématisme, au nouveau réalisme pictural, à la
création non figurative. »
Après la révolution d’octobre, les bolcheviks commencèrent par faire bon accueil à l’abstraction, moyen
d’expression universel dont leurs services de propagande et d’agitation (Agitprop) firent un outil de
propagande contre les idées bourgeoises ou capitalistes. Après que le réalisme socialiste stalinien de la
fin des années 1920 et des années 1930 l’eut condamnée à la poubelle ou aux placards des réserves,
l’abstraction a connu une véritable résurrection et est devenue, notamment grâce à l’exemple de
Malevitch, le glorieux symbole de la création russe et de la place dominante de ce pays dans l’invention
artistique.
L’exposition « À la recherche de „ 0,10 » – La dernière exposition futuriste de tableaux » a été réalisée
grâce au soutien de :
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AVC Charity Foundation
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Phillips est une plate-forme mondiale majeure d'achat et de vente d'art et de design des XXe et XXIe
siècles.
Images de presse : sont disponibles sous http://pressimages.fondationbeyeler.ch
Informations complémentaires:
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Head of PR / Media Relations
Tél. + 41 (0)61 645 97 21, [email protected], www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler : tous les jours 10h00–18h00, le mercredi jusqu’à 20h00
4 octobre 2015 – 10 janvier 2016
01 Kasimir Malevitch
Carré noir, 1929 (troisième version du Carré noir de 1915)
Huile sur toile, 80 x 80 cm
Galerie d’État Tretiakov, Moscou
03 Kasimir Malevitch
Suprématisme : Composition non figurative, 1915
Huile sur toile, 80 x 80 cm
Ekaterinbourg, Musée des Arts Figuratifs, avec le soutien du
Centre d‘Etat des Musées et des Expositions ROSIZO
02 « 0,10 – Dernière exposition futuriste de tableaux », Pétrograd, hiver 1915/16.
La salle consacrée à Malévitch avec le Carré noir et d’autres toiles suprématistes.
Archives d’État de la littérature et de l’art, Moscou
04 Kasimir Malevitch
Suprématisme avec huit rectangles rouges, 1915
Huile sur toile, 58 x 48,5 cm
Stedelijk Museum, Amsterdam, en possession
du musée à la suite d‘un accord avec les héritiers
de Malevitch, 2008
05 Vladimir Tatline
Contre-relief angulaire, 1914
Tôle, cuivre, bois, câbles et éléments de fixation, 71 x 118 cm
Musée russe, Saint-Pétersbourg
© 2015, State Russian Museum, St. Petersburg
Images de presse http://pressimages.fondationbeyeler.ch
Les documents iconographiques ne doivent être utilisés qu’à des fins de publication dans le cadre d’un compte-rendu de presse. La reproduction
n’est autorisée qu’en rapport avec l’exposition en cours et pendant sa durée exclusivement. Toute autre utilisation – sous forme analogique ou
numérique – nécessite l’autorisation des ayants-droit. Les utilisations purement privées sont exclues de ces dispositions. Nous vous prions de reprendre
les légendes et les mentions de copyright qui les accompagnent. Merci de nous faire parvenir un exemplaire justificatif.
FONDATION BEYELER
4 octobre 2015 – 10 janvier 2016
06 Kasimir Malevitch
Plan en rotation, dit Cercle noir, 1915
Huile sur toile, 79 x 79 cm
Collection particulière
Photo : Courtesy of Alex Jamison
07 Kasimir Malevitch
Composition suprématiste, 1915
Huile sur toile, 80,4 x 80,6 cm
Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Collection Beyeler
Photo : Robert Bayer, Basel
08 Kasimir Malevitch
Réalisme pictural d’un joueur de football : Masses de couleurs
dans la quatrième dimension, 1915
Huile sur toile, 70,2 x 44,1 cm
The Art Institute of Chicago, grâce à des dons antérieurs
de Charles H. et Mary F. S. Worcester Collection ;
Mrs. Albert D. Lasker à la mémoire de son mari Albert D. Lasker ;
et Mr. et Mrs. Lewis Larned Coburn Memorial Collection
Photo : © The Art Institute of Chicago
09 Kasimir Malevitch
Suprématisme, 1915
Huile sur toile, 87,5 x 72 cm
Musée Russe, Saint-Pétersbourg
© 2015, State Russian Museum, St. Petersburg
10 Lioubov Popova
Voyageuse, 1915
Huile sur toile, 158,5 x 123 cm
Musée national d’art contemporain, Thessalonique,
Collection Costakis
11 Vladimir Taline
Relief pictural, 1914–1916
Bois, métal, cuir, 62 x 53 cm
Galerie d’État Tretiakov, Moscou
Donation George Costakis, 1977
12 Olga Rozanova
Boîte à ouvrage, 1915
Huile sur toile, 58 x 34 cm
Galerie d’État Tretiakov, Moscou
13 Ivan Klioune
Ozonateur, 1914
Huile sur toile, 75 x 66 cm
Musée Russe, Saint-Pétersbourg
© 2015, State Russian Museum, St. Petersburg
14 Mikhaïl Menkov
Journal, 1915
Huile sur toile, 71 x 71 cm
Musée d’art régional, Oulianovsk avec le
soutien du Centre d‘Etat des Musées et des
Expositions ROSIZO
15 Affiche de l‘exposition « 0,10 – Dernière
exposition futuriste de tableaux »,
Pétrograd, 1915
Archives d’État de la littérature et de l’art,
Moscou
FONDATION BEYELER
Biographies des artistes
Natan Isaïevitch Altman
1889 à Vinnytsia (dans l’actuelle Ukraine) – 1970 à Leningrad
Altman a étudié la peinture et la sculpture de 1901 à 1907 à l’École d’art d’Odessa avant de
poursuivre ses études d’art entre 1910 et 1911 à Paris, dans un atelier privé ainsi qu’auprès de Marie
Vassilieff (future Académie Vassilieff), chez qui il a fait la connaissance de Vladimir Baranov-Rossiné. À
cette époque, il noue des contacts avec différents courants de l’art d’Europe occidentale et subit plus
particulièrement l’influence du cubisme. Il s’installe en 1912 à Saint-Pétersbourg, où il vit jusqu’en
1921. Il n’expose qu’une œuvre intitulée Nature morte (Facture, Espace, Volumes) à l’exposition 0,10.
Ce travail n’a pas été conservé. Après la révolution d’octobre, il travaille dans les services de politique
culturelle du nouveau régime, devient membre du collège artistique de l’IZO Narkompros (Division des
beaux-arts du commissariat du peuple à l’éducation) et enseigne à l’Inkhouk (Institut de culture
artistique). Entre 1921 et 1928, il vit à Moscou où il travaille comme décorateur de théâtre et
illustrateur. Il envoie en 1922 ses œuvres à la Première exposition d’art russe montée par la Galerie
van Diemen à Berlin. Il obtient en 1925 une médaille d’or à l’Exposition internationale des arts
décoratifs et industriels modernes de Paris. En 1928, à l’occasion d’une tournée du théâtre national
juif, il reste à Paris, mais regagne l’Union soviétique en 1935. La doctrine stalinienne du réalisme
socialiste dans l’art le contraint à renoncer à la peinture. Il travaille alors comme décorateur de théâtre,
illustrateur et sculpteur.
Xénia Leonidovna Bogouslavskaïa
1892 à Novgorod – 1971 à Paris
Bogouslavskaïa étudie la peinture vers 1910 à Saint-Pétersbourg puis, entre 1911 et 1913, à Paris
auprès de Marie Vassilieff. Pendant son séjour à Paris, elle dessine des tissus pour Paul Poiret. Après
son retour à Saint-Pétersbourg en 1913, elle épouse Ivan Pouni (dit Jean Pougny). Leur appartement
sert jusqu’en 1915 de lieu de rendez-vous aux artistes et écrivains avant-gardistes et futuristes. Le
couple soutient et finance différents projets d’expositions et des publications, tout en prenant un congé
à Paris en 1914. Bogouslavskaïa participe à des expositions à Moscou et à Petrograd. Avec son mari,
elle joue un rôle actif dans l’organisation de 0,10 où elle expose elle-même sept travaux qui n’existent
plus. Elle rédige avec Pougny une brochure sur l’exposition où elle réclame la « la liberté de l’objet par
rapport au sens ». En 1919, fuyant le régime bolchevique, elle se réfugie à Berlin en passant par la
Finlande. Elle dessine des couvertures de livres pour des publications allemandes et russes, et travaille
comme décoratrice de théâtre. Elle participe en 1922 à la Première exposition d’art russe à la Galerie
van Diemen de Berlin. En 1924, elle s’installe à Paris où Pougny et elle exposent dans des galeries.
Elle dessine des vêtements et des tissus pour différentes entreprises. Après la mort de Pougny en
1956, elle organise des expositions des travaux de son mari. Elle offre plus de soixante œuvres de
celui-ci au Musée national d’art moderne du Centre Georges-Pompidou à Paris.
Vassili Vassilievitch Kamenski
1884 près de Perm (Oural) – 1961 à Moscou
Kamenski part en 1906 pour Moscou, où il entreprend des études d’agronomie. Il devient rédacteur en
chef adjoint du périodique Vesna (Printemps), une des premières publications russes à publier des
poètes futuristes. À la fin de l’année, il commence à étudier la peinture auprès de Nikolaï Koubline.
Après avoir été admis dans les milieux des écrivains et peintres futuristes, qui lui donnent également
des cours de peinture, il continue à travailler comme auteur et critique, et participe à des expositions à
partir de 1909. Il se prend d’un intérêt accru pour l’aviation et effectue en 1911 un voyage qui le
conduit à Berlin, Paris, Londres, Vienne et Varsovie, pour apprendre à piloter. Il consacre le poème
Tango avec les vaches à un de ses instructeurs de vol. En 1913, il se lie aux poètes cubo-futuristes
moscovites, dont Vladimir Maïakovski et David Bourliouk, voyage avec eux dans plusieurs villes russes
où ils donnent des conférences et des lectures. Il s’impose rapidement comme une des principales
personnalités de la scène littéraire russe. Il participe à l’exposition 0,10 où il présente deux travaux
dont l’un est probablement un portrait de Nicolas Evreïnoff, metteur en scène de théâtre, artiste et
musicien franco-russe. Il publie en 1915 son premier roman Stenka Razine. Comme un grand nombre
de ses amis artistes, il accueille la révolution d’octobre avec enthousiasme. Il rejoint le groupe LEF
(Front de gauche des arts), dont la revue éponyme devient le porte-parole de l’aile gauche de l’avantgarde soviétique. Il se charge d’un travail d’information dans l’Armée Rouge. Il rédige en 1930 son
autobiographie qui n’est publiée qu’en 1968. Il perd ses deux jambes en 1930 à la suite d’une
phlébite. En 1948, un accident vasculaire cérébral le laisse paralysé jusqu’à la fin de sa vie.
Anna Mikhaïlovna Kirillova
1886 à Saint-Pétersbourg – 1967 à Leningrad
Kirillova grandit à Saint-Pétersbourg au sein d’une famille noble. Après avoir achevé ses études au
lycée de jeunes filles M. N. Stoïounina, un des établissements d’enseignement les plus progressistes
de la ville, elle est admise en 1906 à l’École supérieure des beaux-arts de l’Académie impériale des
arts, dont elle est exclue au bout de six mois pour ses mauvais résultats. Elle fréquente probablement
des ateliers privés de la ville. Après s’être présentée plusieurs fois à un examen pour devenir
enseignante d’art à l’Académie, elle obtient en 1915 l’habilitation à enseigner dans les écoles
supérieures d’art « inférieures ».
En 1913, elle fait ses débuts à l’exposition de la Société des Artistes indépendants de SaintPétersbourg, où elle présente dix-sept œuvres. Elle expose régulièrement à la galerie de Nadejda
Dobytchina. Elle est personnellement invitée à participer à l’exposition 0,10 par Malevitch qui confie
dans une lettre du 24 octobre 1915 adressée à Matiouchine, musicien et peintre d’avant-garde, son
désir de gagner cette jeune artiste pour son exposition. On peut supposer que Pouni et Bogouslavskaïa,
étroitement liés eux aussi avec la galerie Dobytchina, auront soutenu Malevitch. Aucune des quatre
natures mortes présentées à 0,10 n’a été conservée.
Après la révolution d’octobre, elle est membre de plusieurs associations d’artistes et participe à des
projets d’expositions. Elle passe la Seconde Guerre mondiale dans l’Altaï, où elle a été évacuée. Elle
regagne Leningrad après 1946, mais n’expose plus. Travaille comme choriste au Théâtre de la comédie
musicale. On ignore ce que sont devenues ses œuvres. La seule à être parvenue jusqu’à nous est
l’aquarelle Balle-jouet de 1921, conservée à la Bibliothèque nationale russe.
Ivan Vassilievitch Klioune (en réalité Kliounkov)
1873 Bolshie Gorki (gouvernement de Vladimir) – 1943 à Moscou
Klioune travaille encore comme comptable quand il entreprend des études de peinture. Il part en
1898 pour Moscou où il fréquente des écoles de peinture privées et fait la connaissance de Malevitch.
Ce dernier l’introduit dans le cercle des artistes russes d’avant-garde. À partir de 1913, il participe à
des expositions à Moscou et Saint-Pétersbourg ou Petrograd. Ses œuvres de l’époque – tableaux,
sculptures et reliefs – sont fortement influencées par le cubo-futurisme. Pour signer ses toiles, il
raccourcit son patronyme de trois lettres, obtenant ainsi Kliun (Klioune en français). Il présente à
l’exposition 0,10 dix-huit œuvres, en majorité des sculptures ou des reliefs, dont il n’existe
probablement plus que cinq, et apparaît comme coauteur d’un Manifeste du suprématisme. Après
l’exposition 0,10 et jusqu’au milieu des années 1920, sa peinture se caractérise par le renoncement à
la figuration. En 1916, il adhère au groupe d’artistes Supremus fondé par Malevitch. Après la
révolution d’octobre, il devient membre de l’IZO Narkompros (Division des beaux-arts du commissariat
du peuple à l’éducation). De 1918 à 1921, il est professeur aux Svomas (Ateliers d’art libres d’État,
futurs Vkhoutemas, Ateliers supérieurs d’art et de technique) à Moscou, et collabore à partir de 1920 à
l’Inkhouk (Institut de la culture artistique). À partir du milieu des années 1920, il se prend d’un intérêt
accru pour l’art français, notamment pour Pablo Picasso, Georges Braque et Juan Gris et surtout pour
Amédée Ozenfant. Il réalise des œuvres dans le style du purisme. À partir des années 1930, le
stalinisme l’oblige à se tourner vers le réalisme ; il réalise alors des paysages et des natures mortes
réalistes, qui ne remportent aucun succès. Il gagne sa vie en réalisant grand nombre de travaux de
commande insignifiants.
Kasimir Severinovitch Malevitch
1878 à Kiev – 1935 à Leningrad
Malevitch est l’aîné de quatorze enfants. Ses parents sont originaires de Pologne. En raison de leur
situation financière difficile, il ne suit qu’une scolarité rudimentaire. En 1895/1896, il suit des cours à
l’école de dessin de Kiev où il a Nikolaï Ivanovitch Murchako pour professeur. En 1896, sa famille
déménage pour Koursk, en Russie centrale, où il travaille comme dessinateur technique dans la société
de chemins de fer Koursk-Moscou. Pendant ses loisirs, il peint d’après nature et rassemble autour de
lui un cercle d’artistes partageant ses idées. Il part à Moscou en 1904 pour y étudier la peinture. Ses
tentatives d’admission à l’École de peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou échouent. Il vit
dans une commune d’artistes et entreprend en 1906 d’étudier la peinture dans l’atelier privé de Fiodor
Rerberg. Il participe à partir de 1907 à des expositions à Moscou et Saint-Pétersbourg, son travail étant
influencé alternativement par Paul Cézanne, le primitivisme et le futurisme. En 1913, il dessine les
décors et les costumes de l’opéra futuriste Victoire sur le soleil, où apparaissent les premiers éléments
suprématistes. Néanmoins, la plupart des œuvres réalisées entre 1913 et 1915 doivent beaucoup au
style cubo-futuriste et alogique. En 1914, il envoie trois œuvres au Salon des Indépendants à Paris ; il
illustre des livres futuristes, rencontre Filippo Tommaso Marinetti lors du séjour de ce dernier à Moscou
et organise une action futuriste. Dans le courant de l’année 1915, il élabore ses premières toiles
suprématistes qu’il présente à l’exposition 0,10. On peut voir sur la photographie historique vingt et un
des trente-neuf tableaux exposés au total dont onze ont été conservés. Le célèbre Carré noir a été
présenté dans le catalogue sous le n° 39 et sous le titre Quadrangle. Il apparaît comme auteur d’un
manifeste du suprématisme, également signé par Klioune et Menkov. Il publie à l’occasion de
l’exposition la brochure Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural. Il crée en 1916
le groupe d’artistes Supremus, que rejoignent de nombreux artistes. Après la révolution d’octobre, il
devient commissaire aux questions de préservation des monuments et bâtiments du passé ; il devient
en 1918 membre du collège artistique de l’IZO Narkompros (Division des beaux-arts du commissariat
du peuple à l’éducation) et dirige aux Svomas (Ateliers d’art libres d’État) de Moscou les ateliers
d’étude de l’art nouveau du suprématisme. En décembre 1919, il obtient une exposition individuelle à
Moscou Kasimir Malevitch. Son parcours de l’impressionnisme au suprématisme. Il est invité la même
année à Vitebsk (Biélorussie), pour enseigner à l’école d’art de la ville, dirigée par Marc Chagall. Il
fonde en 1920 le groupe UNOVIS (les Constructeurs d’un art nouveau). En 1922, il part avec quelques
élèves et membres de l’UNOVIS pour Petrograd, où il travaille au Musée de la culture artistique. Il
envoie quelques œuvres à la Première exposition d’art russe montée à la Galerie van Diemen de Berlin.
En 1923, il obtient une deuxième exposition individuelle à Moscou. Il réalise le triptyque suprématiste,
formé de neuf versions du Carré noir, de Croix noire et du Cercle noir, qu’il envoie en 1924 à la
Biennale de Venise.
En 1923, Malevitch est nommé directeur du Musée de la culture artistique, qui a donné naissance au
Ginkhouk en 1924 et qui a existé jusqu’en 1926. Il est alors relevé de ses fonctions. Les contributions
de cet établissement, prêtes à être publiées, restent donc inédites. Au printemps 1927, il entreprend
un voyage à Varsovie, où une exposition individuelle lui est consacrée. Il se rend ensuite à Berlin, où
une salle de la Grande exposition d’art de Berlin est réservée à ses œuvres. Il rend visite aux membres
du Bauhaus à Dessau, où il fait la connaissance de Walter Gropius et de László Moholy-Nagy. MoholyNagy publie une traduction allemande des écrits théoriques de Malevitch sous le titre Die gestandslose
Welt [Le monde sans objet]. Les pressions du gouvernement soviétique obligent Malevitch à
interrompre son voyage et à regagner la Russie. Il laisse en Allemagne les œuvres exposées à Berlin. En
1928, il travaille à l’Institut national d’histoire de l’art de Leningrad. En 1929, la galerie d’État
Tretiakov lui consacre une exposition individuelle pour laquelle Malevitch réalise la troisième variante
du Carré noir, dont la première version de 1915 était déjà en mauvais état. Plusieurs de ses œuvres
sont présentées à Zurich dans le cadre de l’exposition Peinture et sculpture abstraites et surréalistes,
ainsi qu’en 1939 aux expositions d’art soviétique de Berlin et de Vienne. En 1929, Malevitch est
congédié de l’Institut national d’histoire de l’art car il est « sans parti » (il n’est pas membre du parti
communiste), mais on l’autorise à enseigner deux semaines par mois à l’Institut d’art de Kiev. En
1930, il est arrêté comme « espion allemand » et détenu pendant plus de deux mois. Ses amis
détruisent une partie de ses archives par mesure de précaution. À partir de 1931, Malevitch est
autorisé à se remettre au travail : il conçoit les décors et les costumes du Théâtre Rouge de Leningrad
et dirige le laboratoire de recherche du Musée russe. Atteint d’un cancer, il meurt en 1933 à l’âge de
57 ans.
Mikhaïl Ivanovitch Menkov
1885 à Vilna (aujourd’hui Vilnius, Lituanie) – 1926 à Yalta
De 1912 à 1914, Menkov étudie la sculpture et l’architecture à l’École supérieure de peinture, de
sculpture et d’architecture de Moscou. En 1914, il part rejoindre sa famille dans le gouvernement de
Volhynie, dans le sud-ouest de la Russie où, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il
est admis dans une académie militaire qu’il fréquentera jusqu’en 1915. À partir de 1915, il participe à
presque tous les projets de Malevitch, tout en se consacrant à la photographie. Il fait ses débuts à
l’exposition 0,10 avec quatre œuvres, toutes intitulées Peinture dans la quatrième dimension. Quant à
savoir de quelques œuvres il s’agissait, on en est réduit à de pures hypothèses. Il rédige une
déclaration de quarante lignes, intégrée dans le manifeste du suprématisme qu’il publie avec Malevitch
et Klioune. Il rejoint le groupe d’artistes Supremus créé par Malevitch. Après la révolution d’octobre, il
travaille pour le Narkompros (Commissariat du peuple à l’éducation) et pour les Svomas (Ateliers d’art
libres d’État). En 1921, l’aggravation de la tuberculose dont il souffre le conduit à s’installer à Yalta,
où il meurt à 41 ans.
Nadejda Andreïevna Oudaltsova
1886 à Orjol – 1961 à Moscou
Oudaltsova étudie la peinture entre 1905 et 1908 dans l’atelier de Konstantin Youon et d’Ivan
Doudine à Moscou. Elle entreprend des voyages d’études en Allemagne et suit des cours de peinture
dans plusieurs ateliers privés. En 1912 et 1913, elle réside à Paris où elle fréquente avec Popova les
classes de peinture d’Henri Le Fauconnier et Jean Metzinger à l’Académie de la Palette. À son retour à
Moscou, elle collabore étroitement avec Tatline et participe à des expositions à partir de 1914. Sa
peinture de l’époque est fortement influencée par le cubisme français. Elle présente à l’exposition 0,10
dix tableaux dont la plupart ont pu être identifiés et ont été conservés. Elle rejoint en 1916 le groupe
d’artistes Supremus créé par Malevitch. Après la révolution d’octobre, elle devient membre de l’IZO
Narkompros (Division des beaux-arts du commissariat du peuple à l’éducation) et enseigne de 1918 à
1920 aux Svomas (Ateliers d’art libres d’État) de Moscou. En 1920 et 1921, elle est membre de
l’Inkhouk (Institut de la culture artistique). En 1922, elle participe à la Première exposition d’art russe
à la Galerie van Diemen de Berlin. Elle enseigne jusqu’en 1930 comme professeur de conception de
textiles aux Vkhoutemas (Ateliers supérieurs d’art et de technique, futur Vkhoutein) puis à l’Institut du
textile de Moscou. Elle est vertement critiquée dans le cadre de la campagne stalinienne contre le
formalisme dans l’art. En 1938, son mari, Alexander Drevine, est exécuté lors des « purges »
staliniennes. Elle commence à peindre des paysages naturalistes et réalise quelques expositions
individuelles dans les années 1940 et 1950.
Vera Efremovna Pestel
1887 à Moscou – 1952 à Moscou
Pestel fréquente de 1904 à 1906 les cours de peinture du dimanche de l’Établissement central
impérial technique et artistique Stroganov, une des principales écoles supérieures d’art russes. Entre
1906 et 1911, elle suit des cours privés dans différents ateliers d’artistes, dont ceux de Konstantin
Youon et Ivan Doudine ainsi que de Tatline. Elle se lie d’une étroite amitié avec Tatline, Popova et
Oudaltsova. En 1912, elle fait un voyage à Paris où elle étudie à l’Académie de la Palette auprès
d’Henri Le Fauconnier et de Jean Metzinger. À partir de 1910, elle participe à des expositions à
Moscou et Saint-Pétersbourg ou Petrograd. Elle est représentée à l’exposition 0,10 par quatre tableaux
dans le style cubo-futuriste, dont seule une œuvre est aujourd’hui connue, ou conservée. Après 1916,
elle se rallie brièvement au suprématisme et est membre du groupe d’artistes Supremus fondé par
Malevitch. À partir de 1918, elle travaille à la conception de décors et de costumes de scène. Elle
participe en 1922 à la Première exposition d’art russe à la Galerie van Diemen de Berlin ainsi qu’à
Amsterdam en 1923. À partir du milieu des années 1920, elle s’intéresse de plus en plus à l’éducation
artistique des enfants et renonce définitivement à la peinture au début des années 1930.
Lioubov Sergueïevna Popova
1889 à Ivanovskoïe près de Moscou – 1924 à Moscou
Son précepteur lui donne ses premiers cours de peinture quand elle est encore écolière. Elle fréquente
de 1908 à 1909 l’atelier de Konstantin Youon et d’Ivan Doudine à Moscou. En 1910 et 1911, elle
voyage à travers l’Italie et dans des villes russes médiévales. Elle est particulièrement impressionnée
par Giotto et par les anciennes icônes russes. De 1912 à 1913, elle séjourne à Paris où elle suit des
cours de peinture à l’Académie de la Palette auprès d’Henri Le Fauconnier et de Jean Metzinger. À son
retour à Moscou en 1913, elle collabore étroitement avec Tatline et Oudaltsova. En 1914, nouveaux
voyages en France et en Italie, où elle découvre le futurisme italien. À partir de 1914, son appartement
moscovite sert de lieu de rendez-vous à de jeunes artistes et écrivains. Elle participe à des expositions ;
ses œuvres de l’époque doivent beaucoup au style cubo-futuriste. Elle prend part à l’exposition 0,10
avec dix tableaux et deux reliefs. La plupart de ces travaux ont pu être identifiés et ont été conservés
jusqu’à aujourd’hui. À la suite de 0,10, elle réalise essentiellement des toiles abstraites, qu’elle
désigne sous le nom d’Architectonique picturale. Après la révolution d’octobre, elle est professeur aux
Svomas (Ateliers d’art libres d’État, futurs Vkhoutemas, Ateliers supérieurs d’art et de technique) de
Moscou, puis, à l’invitation du metteur en scène Vsevolod Meyerhold, au studio supérieur de théâtre
d’État. Elle renonce presque entièrement à la peinture et se consacre à la conception de livres et de
créations industrielles, notamment dans le domaine de la porcelaine et du textile. Entre 1920 et 1923,
elle conçoit des décors et des costumes pour des mises en scène de Meyerhold. Elle participe en 1922
à la Première exposition d’art russe à la Galerie van Diemen de Berlin. Elle meurt à 35 ans de la
scarlatine.
Ivan Albertovitch Pouni (Jean Pougny)
1892 à Kouokkala (aujourd’hui Repino près de Saint-Pétersbourg) – 1956 à Paris,
Issu d’une famille de musiciens originaires d’Italie, il prend ses premiers cours de peinture avec Ilia
Repine, principal représentant du réalisme russe. Sur les vœux de son père qui espère lui voir
embrasser une carrière militaire, il étudie entre 1900 et 1908 dans une académie militaire de SaintPétersbourg. De 1910 à 1912, il vit à Paris, où il prend des cours de peinture à l’Académie Julian. De
retour à Saint-Pétersbourg, il fait la connaissance de Malevitch ainsi que des poètes futuristes Vladimir
Maïakovski, David Bourliouk et Velimir Khlebnikov et épouse l’artiste Xénia Bogouslavskaïa. Il regagne
Paris en 1914 où il participe au Salon des Indépendants, présentant des travaux cubistes. L’année
même, il regagne Saint-Pétersbourg avec son épouse. Ils tiennent alors un salon d’artistes et de poètes
avant-gardistes et futuristes dans leur appartement commun. Il organise et finance plusieurs
expositions auxquelles il présente également ses propres œuvres. C’est également le cas de 0,10, où il
expose vingt-trois toiles et reliefs – le plus grand nombre d’œuvres après Malevitch –, qu’il qualifie de
sculptures picturales. Il publie avec Bogouslavskaïa une brochure sur le suprématisme. Après la
révolution d’octobre, il participe à la décoration de rues et de places publiques dans le cadre de
l’Agitprop à Petrograd. En 1918, il est professeur aux Svomas (Ateliers d’art libres d’État) de Petrograd
et en 1919 à l’école supérieure d’art dirigée par Marc Chagall à Vitebsk. En 1919, il émigre à Berlin en
passant par la Finlande et participe à des expositions d’avant-garde – il obtient ainsi une exposition
individuelle en 1921 à la galerie Der Sturm d’Herwarth Walden et participe en 1922 à la Première
exposition d’art russe à la Galerie van Diemen de Berlin. Il publie en 1923 Sovremennaïa jivopis’
(Peinture contemporaine), où il prend ses distances avec le suprématisme. En 1924, il s’installe avec
sa femme à Paris et change son nom en Jean Pougny. Il renoue avec la peinture figurative. Il obtient la
nationalité française en 1946, devient chevalier de la Légion d’honneur en 1947 et officier de la
Légion d’honneur en 1952.
Olga Vladimirovna Rozanova
1886 à Melenki près de Vladimir – 1918 à Moscou
Après ses études au lycée de jeunes filles, elle part pour Moscou en 1904 où elle étudie jusqu’en
1910 dans l’atelier de Konstantin Youon et d’Ivan Doudine. En 1910, elle se rend à Saint-Pétersbourg
où elle suit des cours dans une autre école d’art privée. En 1912, elle fait la connaissance d’Alexeï
Kroutchenykh. Elle vit en couple pendant de longues années avec ce poète futuriste, inventeur de la
langue « transmentale », auteur du livret de l’opéra futuriste Victoire sur le soleil (1913). Les
illustrations qu’elle réalise notamment pour les textes de Kroutchenykh sont considérées comme une
contribution unique à l’art du livre du XXe siècle. En 1914, elle fait la connaissance à SaintPétersbourg de Filippo Tommaso Marinetti, fondateur du futurisme italien, et participe à l’Esposizione
libera futurista internazionale de Rome. Entre 1911 et 1918, elle prend part à des expositions à
Moscou et Saint-Pétersbourg, ou Petrograd. Elle est représentée à l’exposition 0,10 par onze œuvres,
dont deux reliefs, qui ont été détruits. Sur les toiles exposées, six ont été conservées. En 1916, elle
rejoint le groupe d’artistes Supremus fondé par Malevitch ; le style cubo-futuriste de ses travaux
antérieurs cède la place à une complète abstraction. Elle rédige des poèmes en « langue
transmentale ». Après la révolution d’octobre, elle dirige avec Alexander Rodtchenko la sous-division
d’art et d’industrie de l’IZO Narkompros (Division des beaux-arts du commissariat du peuple à
l’éducation). Elle contribue à la décoration de rues et de places publiques de Moscou dans le cadre de
l’Agitprop. Elle participe à la mise en place des Svomas (Ateliers d’art libres d’État) dans plusieurs
villes. Elle publie également dans le journal Anarchie. Elle meurt de diphtérie.
Vladimir Ievgrafovitch Tatline
1885 à Moscou – 1953 à Moscou
Il quitte la maison familiale à 14 ans et prend la mer, d’abord comme mousse, puis comme aspirant
matelot. Il regagne sa ville natale de Moscou en 1901. Il est admis en 1902 à l’École supérieure de
peinture, de sculpture et d’architecture de Moscou, mais en est exclu deux ans plus tard pour
« incompétence » – comme il le reconnaît lui-même. En 1904, il s’engage comme matelot sur un
voilier école et fait le tour du monde. La thématique maritime de ses œuvres doit beaucoup à ces
années de navigation. Entre 1905 et 1910, il étudie la peinture à Pensa, capitale du gouvernement du
même nom située à quelque 600 km au sud-ouest de Moscou. Pendant ce temps, il entretient des
contacts réguliers avec Moscou et Saint-Pétersbourg et commence à participer à des expositions en
1909. Il regagne Moscou en 1911 et aménage en 1912 un atelier qui devient le lieu de ralliement des
jeunes artistes ; on y rencontre aussi fréquemment Popova et Oudaltsova. Il se sent très proche des
poètes futuristes. En 1914, il part pour Berlin et Paris, où il rend notamment visite à Pablo Picasso. En
mai 1914, il organise dans son atelier la première exposition de combinaisons de reliefs abstraits. Il
participe à l’exposition 0,10 où il présente plusieurs travaux : les treize numéros du catalogue
correspondaient, semble-t-il, à un plus grand nombre d’œuvres. Il publie à l’occasion de cette
exposition une brochure de quatre pages contenant une courte biographie et des photographies de
reliefs qui n’existent plus aujourd’hui. En 1918, il est nommé professeur aux Svomas (Ateliers d’art
libres d’État) de Petrograd où il dirige jusqu’en 1920 l’atelier Espace, Construction et Couleur. Des
musées russes, dont la galerie Tretiakov, achètent plusieurs de ses travaux. De 1919 à 1920, il conçoit
une maquette pour le Monument à la Troisième Internationale. En 1922, il organise au Musée de
culture artistique (futur Ginkhouk de Petrograd) la division de culture matérielle. En 1922, il envoie
plusieurs œuvres à la Première exposition d’art russe de la Galerie van Diemen à Berlin, puis, en 1924,
à la Biennale de Venise. En 1925, il participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs et
industriels de Paris où il présente la deuxième maquette du Monument à la Troisième Internationale
que le jury récompense d’une médaille d’or. Il enseigne de 1925 à 1927 à l’Institut d’art de Kiev, puis
au Vkhoutein (Institut supérieur d’art et de technique) de Moscou. En 1931, il est nommé « artiste
émérite de l’URSS ». Il présente en 1932 le Letatline, une machine volante actionnée par la force
musculaire. Il travaille comme décorateur et dessinateur de costumes pour des théâtres de Moscou et
de Leningrad. Après le début de la campagne stalinienne contre le formalisme dans l’art en 1936, il
fait partie des rares artistes à défendre publiquement ses idées artistiques. Dans les années 1940 et
1950, il continue à travailler pour le théâtre et comme illustrateur de livres.
Marie Vassilieff (Maria Ivanovna Vassilieva)
1884 à Smolensk – 1957 à Nogent-sur-Marne
Vassilieff étudie la peinture à l’Académie impériale des beaux-arts de Saint-Pétersbourg. En 1905, elle
obtient une bourse et part pour Paris, où elle étudie à l’Académie de la Palette dirigée par Henri Le
Fauconnier et Jean Metzinger ainsi qu’auprès d’Henri Matisse. À partir de 1910, elle dirige l’Ecole
Libre, appelée officieusement Académie Vassilieff, et participe à la fondation de l’établissement qui lui
succède, l’Académie russe, dont elle se sépare cependant rapidement. À partir de 1912, elle monte
dans son atelier sa propre école qu’elle appelle alors officiellement Académie Vassilieff. Altman et
Bogouslavskaïa figurent parmi ses élèves. Elle entretient d’étroites relations avec des artistes établis à
Paris comme Pablo Picasso, Georges Braque, Fernand Léger ou Amedeo Modigliani et expose
régulièrement au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants. Elle entretient également des
contacts suivis avec l’avant-garde russe et participe à des expositions en Russie. Pendant la Première
Guerre mondiale, elle travaille activement pour la Croix Rouge française. Elle tient dans son atelier
entre 1915 et 1918 une « Cantine des artistes » qui sert des repas pour quelques centimes. Elle
participe à 0,10 où elle présente six tableaux, dont l’un est intitulé Paysage espagnol. Vassilieff ayant
réalisé au cours de sa carrière un grand nombre de tableaux portant le même titre, il est impossible de
dire avec certitude duquel il s’agissait. À partir de 1916, elle réalise des marionnettes grotesques pour
le théâtre de marionnettes de Géza Blattner et travaille comme décoratrice de théâtre. En 1938, elle
part dans le sud de la France et regagne Paris en 1946.
Chronologie 1905–1936
1905–1907
Première révolution russe : à la suite de la défaite de la guerre contre le Japon et des événements du
« dimanche rouge » du 22 janvier 1905 où une manifestation pacifique a été violemment réprimée sur
ordre du tsar, on assiste à de nombreuses manifestations de masse et à des insurrections dans l’armée
et la marine. Ce climat d’agitation politique stimule les artistes. La période située entre 1905 et la
révolution d’octobre 1917 constituera les années déterminantes de l’avant-garde russe.
1909
Le Manifeste futuriste de Filippo Tommaso Marinetti, fondateur du futurisme italien, est publié à Paris
dans Le Figaro.
1912
Albert Gleizes et Jean Metzinger publient leur traité programmatique, Du Cubisme, qui impose
définitivement le concept de « cubisme ».
Publication à Moscou du manifeste futuriste de poètes russes, Une gifle au goût du public.
1912-1913
En Russie, le cubisme français s’associe étroitement aux éléments du futurisme italien. Le poète
Korneï Tchoukovski forge le terme de « cubo-futurisme ».
1913
Représentation de l’opéra Victoire sur le soleil, œuvre collective du compositeur Mikhaïl Matiouchine,
des poètes Alexeï Kroutchenykh et Velemir Khlebnikov ainsi que du plasticien Kasimir Malevitch au
Luna Park de Saint-Pétersbourg. Par ses nombreuses innovations dans les domaines de la musique, de
la poésie et de la conception des décors et des costumes, cet ouvrage incarne l’esprit et l’énergie
artistique de cette période.
1914
Filippo Tommaso Marinetti se rend en Russie au début de l’année.
Le Manifeste technique de la peinture futuriste d’Umberto Boccioni édité en 1910 est publié en
Russie.
Le 19 juillet, la Russie s’engage dans la Première Guerre mondiale. En raison de son nom aux
consonances allemandes, la capitale russe Saint-Pétersbourg est rebaptisée Petrograd.
1915
Au printemps s’ouvre à Petrograd la Première exposition futuriste de peinture Tramway W, organisée et
financée par Ivan Pouni (Jean Pougny) et Xénia Bogouslavskaïa. Outre ces deux organisateurs, elle
rassemble également Alexandra Exter, Ivan Klioune, Kasimir Malevitch, Alexeï Morgounov, Nadejda
Oudaltsova, Lioubov Popova, Olga Rozanova et Vladimir Tatline. Huit de ses artistes participeront à la
Dernière exposition futuriste 0,10. Tout l’éventail de la peinture futuriste et cubo-futuriste est présenté
au public.
1915/1916
La Dernière exposition futuriste de tableaux 0,10 se tient entre le 19 décembre 1915 et le 19 janvier
1916 à Petrograd, à la galerie de Nadejda E. Dobytchina. On peut y voir 154 œuvres de 14 artistes.
Par ce titre dont il est l’auteur, Malevitch appelle l’art russe à renoncer aux influences de l’Europe de
l’Ouest et revendique la création de nouveaux styles artistiques.
Malevitch fonde le groupe d’artistes Supremus, que rejoignent notamment Bogouslavskaïa, Klioune,
Menkov, Oudaltsova, Pestel, Popova, Pouni et Rozanova. Le projet de revue Supremus n’aboutit pas.
1916
Au printemps a lieu l’exposition Magazin, organisée par Tatline à Moscou. Les participants comptent un
certain nombre d’exposants de 0,10 : en plus de Tatline, Klioune, Popova, Oudaltsova et Pestel. Alors
que Tatline présente ses constructions en relief abstraites, d’autres artistes exposent des œuvres cubofuturistes. Malevitch, qui n’a pas été autorisé par Tatline à montrer ses travaux suprématistes, ne
présente aucune œuvre mais parcourt l’exposition avec un « 0,10 » peint sur le front.
1917
27 février : révolution de février. Le tsar Nicolas II abdique ; le pouvoir est exercé par un gouvernement
provisoire. Un syndicat regroupant l’ensemble des créateurs artistiques est fondé et appelle tous les
artistes à mettre leur travail au service de la révolution.
Les 25 et 26 octobre, le gouvernement provisoire est renversé par un putsch militaire des bolcheviks,
fraction d’extrême gauche du parti social-démocrate. Début de la « dictature du prolétariat ».
Fondation du Narkompros – le commissariat du peuple à l’éducation.
1918
En février, le calendrier julien jusque-là en usage est remplacé par le calendrier occidental (grégorien).
Mars : les bolcheviks font de Moscou la capitale du pays.
Fondation de la sous-division de l’IZO du Narkompros (Division des beaux-arts). De nombreux artistes y
obtiennent des postes de responsabilité.
Le 17 juillet, la famille du tsar est exécutée à Ekaterinbourg dans l’Oural.
À travers tout le pays, les écoles supérieures d’art sont réorganisées et rebaptisées Svomas (Ateliers
d’art libre d’État). En 1920, les Svomas de Moscou se transforment en Vkhoutemas (Ateliers
supérieurs d’art et de technique) puis en Vkhoutein (Institut supérieur d’art et de technique) en 1927.
Nombre d’artistes sont nommés professeurs dans différents Svomas.
Dans le Petrograd postrévolutionnaire, le Musée de la culture artistique devient une institution
artistique et culturelle majeure. Il est rebaptisé Ginchuk (Institut d’État pour la culture artistique). Le
Ginkhouk, où Malevitch et d’autres artistes ont été actifs, existe jusqu’à la fin de 1926.
1922
Le commissariat du peuple à l’éducationorganise la Première exposition d’art russe, qui se tient
d’octobre à décembre à la Galerie van Diemen de Berlin. Plusieurs centaines d’œuvres d’artistes russes
sont envoyées en Allemagne. L’exposition, qui dure dix semaines, attire 15 000 visiteurs.
1923
La Première exposition d’art russe se tient au Stedelijk Museum d’Amsterdam d’avril à mai.
1924
À la mort de Lénine, Petrograd prend le nom de Leningrad. Le pouvoir est exercé par Joseph Staline,
Lev Kamenev et Grigori Zinoviev.
1927
Staline est le seul dirigeant du pays. Début de la dictature totalitaire.
1932
Toutes les associations littéraires et artistiques existantes sont rassemblées au sein de l’« Union des
Artistes d’URSS » sur décision du Comité central, et sont désormais intégralement contrôlées par le
régime.
1936
Le gouvernement engage officiellement la « campagne contre le formalisme » dans l’art. Les « purges »
staliniennes prennent de plus en plus les artistes pour cibles. Tous les styles artistiques qui ne
respectent pas la doctrine du réalisme socialiste sont officiellement interdits.
IN SEARCH OF 0,10
THE LAST FUTURIST EXHIBITION
OF PAINTING
Edited by Fondation Beyeler, Riehen/Basel, Texts by Matthew Drutt,
Sam Keller, Anatolij Strigalev, Anna Szech, Maria Tsantsanoglou,
Graphic Design by Miko McGinty
English
2015. 280 pp, ca. 200 ills.
24,50 x 30,50 cm
clothbound
ISBN 978-3-7757-4033-3
This exhibition celebrates the historic moment in the history of
modern art when Kazimir Malevich debuted his new non-objective
paintings under the banner of Suprematism and Vladimir Tatlin
introduced his revolutionary counter-relief sculptures. They were
bitter rivals and diametrically opposed in their creative thinking, so
when an exhibition in which their new works appeared, entitled
0,10: The Last Futurist Exhibition of Painting and organized by
fellow artist Ivan Puni in Petrograd in 1915, the other 12 artists in
the show chose sides. It was a stylistically diverse exhibition, with
cubist-inspired works and the first non-objective paintings and reliefs.
The Beyeler’s presentation will include a large number of the works
from the original exhibition. The catalogue will include essays by
exhibition curator Matthew Drutt and other leading scholars, as well
as documents gathered together and translated for the first time.
The featured artists (selection): Nathan Altman, Xenia
Boguslavskaya, Vasily Kamensky, Anna Kirillova, Ivan Kliun, Kazimir
Malevich, Mikhail Menkov, Vera Pestel, Lyubov Popova, Ivan Puni, Olga
Rozanova, Vladimir Tatlin, Nadezhda Udaltsova, Maria Vasilyeva
Sales: Evelin Georgi
[email protected]
Presse / Press : Jozo Juric
0049 30 34 64 67 808
[email protected]
More information at www.hatjecantz.de
Communiqué de presse
Black Sun
4 octobre 2015–10 janvier 2016
À l’occasion du centenaire du Carré noir de Kasimir Malevitch, une icône de l’art moderne, la
Fondation Beyeler consacre à l’influence marquante de Malevitch une exposition qui se tient du 4
octobre 2015 au 10 janvier 2016. Elle présente de la peinture, de la sculpture, des installations et des
réalisations filmées ainsi que des œuvres d’art dans l’espace public à travers des créations de 36
artistes : Josef Albers, Carl Andre, Alexander Calder, Olafur Eliasson, Dan Flavin, Lucio Fontana,
Günther Förg, Felix Gonzalez-Torres, Wade Guyton, Damien Hirst, Jenny Holzer, Donald Judd, Ilya et
Emilia Kabakov, Wassily Kandinsky, On Kawara, Ellsworth Kelly, Yves Klein, Sol LeWitt, Agnes Martin,
Piet Mondrian, Jonathan Monk, Barnett Newman, Palermo, Philippe Parreno, Sigmar Polke, Ad
Reinhardt, Gerhard Richter, Mark Rothko, Robert Ryman, Richard Serra, Santiago Sierra, Tony Smith,
Jean Tinguely, Rosemarie Trockel, Andy Warhol et Lawrence Weiner.
L’exposition Black Sun, conçue comme un hommage à Malevitch, s’attache à mettre en relief les
rapports et les champs de tension entre des artistes remarquables et Malevitch. Elle prend pour point
de départ le Carré noir et, partant, la couleur noire, la réflexion sur l’art non figuratif ainsi que
l’aspiration au sublime. Malevitch écrivait ainsi à propos de la première présentation de son Carré noir
de 1915 : « Ce n’était pas un simple “carré vide” que j’avais exposé, mais plutôt la sensation de
l’absence d’objet. ». Bien que cette œuvre lui ait valu à l’époque bien des critiques et se soit heurtée à
une grande incompréhension, elle fit de lui un pionnier incontournable de l’art abstrait.
Différents aspects de l’art des XXe et XXIe siècles seront mis en lumière par rapport à Malevitch. Les
œuvres de Wassily Kandinsky (1866–1944) et de Piet Mondrian (1872–1944), réalisées entre 1910 et
1936, marquent des étapes majeures de l’évolution de la peinture non figurative. La recherche
d’immatérialité a conduit Yves Klein (1928–1962) à la monochromie, la réduction de la peinture à la
couleur pure. Au même moment en Amérique, l’expressionnisme abstrait donnait naissance à la
peinture de champs colorés, avec Mark Rothko (1903–1970) et Barnett Newman (1905–1970). Le
Minimal Art, apparu au début des années 1960 et présenté dans l’exposition Black Sun à travers
plusieurs représentants majeurs s’appuyait, à l’image du Carré noir de Malevitch, sur le refus de toute
signification. Les œuvres nées de ce courant étaient réalisées à partir de formes géométriques réduites,
reposant sur un processus de fabrication industriel et rationnel. Les années 1960 ont aussi vu
l’apparition de l’art conceptuel, qui considère l’idée comme l’élément primordial de l’art. Pour Sol
LeWitt (1928–2007), un des premiers théoriciens de l’art conceptuel, l’objectif de l’artiste conceptuel
est de « rendre [ses œuvres] intellectuellement intéressantes pour le spectateur, ce qui l’incite à
souhaiter que normalement, elles paraissent sobres, sèches même, d’un point de vue émotionnel. ».
Deux toiles d’Ellsworth Kelly (*1923), réalisées en 1953, renvoient directement au Carré noir de
Malevitch et portent également les titres de Black Square et White Square – Carré noir et Carré blanc.
Mais à la différence de Malevitch, Kelly ne s’intéresse pas tellement à la peinture non figurative dans
sa création artistique. Il cherche plutôt à saisir des détails du quotidien, à les réduire en formes
simples et à les mettre en relief par une luminosité colorée. Avec Black Square et White Square, Kelly
a traduit en peinture les proportions d’une fenêtre qui lui paraissaient parfaites, créant ainsi deux
œuvres qui, tout en se rapprochant du Carré noir de 1915, se distinguent de la non figuration de
Malevitch.
Richard Serra (*1939) réalise des sculptures d’acier minimalistes, efficaces par leur pure matérialité,
leurs dimensions et leur puissance présence spatiale, qui ne représentent rien et ne renvoient à rien. Le
spectateur est immédiatement inclus dans l’œuvre et éprouve ainsi une relation directe avec la
sculpture et l’espace. Les dessins de Serra n’exercent pas non plus une fonction de représentation
d’objets, et la matérialité de la surface y joue également un rôle essentiel. Depuis la fin des années
1980, l’artiste utilise ce qu’on appelle des paintsticks noirs, de la craie grasse à la cire, contenant des
pigments de carbone. Les formes sont intégrées dans les limites du papier, comme on peut l’observer
dans Cheever (2009), où un carré contient un cercle.
Les artistes allemands Gerhard Richter (*1932), Sigmar Polke (1941–2010) et Palermo (1943–1977)
ont fait connaissance au début des années 1960 à la Kunstakademie de Düsseldorf et sont devenus
d’excellents amis en même temps que des collègues. Ils figurent eux aussi dans l’exposition Black Sun.
Toute une salle est consacrée à Richter. On peut y voir l’ensemble Doppelgrau, des surfaces grises
monochromes, qui rendent perceptible sous un jour nouveau l’architecture environnante grâce à des
jeux de miroirs, ainsi que les quatre nouveaux Abstrakte Bilder de grand format, réalisés l’année
dernière. Une autre salle juxtapose des œuvres de Polke et de Palermo, qui nouent un dialogue avec un
tableau tricoté que Rosemarie Trockel (*1952) a réalisé en guise d’hommage à Malevitch.
Lawrence Weiner (*1942) est considéré comme un des fondateurs et un des principaux représentants
de l’art conceptuel. Il est particulièrement connu pour traiter le langage comme un matériau, à partir
duquel il réalise des œuvres qu’il qualifie de sculptures. Il s’agit de textes imagés et poétiques qu’il
rédige lui-même et dont les supports sont des murs, des sols ou des bâtiments. La sonorité et le rythme
de la langue jouent un rôle aussi important que la typographie et que l’intervention de couleurs et de
symboles. Ce ne sont pas les représentations de situations historiques ou sociales qui intéressent
Weiner, mais celles du substrat sur laquelle elles reposent. L’art est à ses yeux « une représentation
d’un fait empiriquement existant des relations d’êtres humains avec des objets, et d’objets avec des
objets en relation avec des êtres humains. »
L’art de Jenny Holzer (*1950) repose lui aussi sur le langage. À travers des textes au contenu souvent
désarmant, elle aborde des questions politiques et sociales, ainsi que de l’architecture ou la technique,
réalisant par exemple des installations à l’aide d’affichages LED ou de projections. Depuis 2004, elle
utilise des dossiers secrets déclassifiés du gouvernement américain comme support de peintures, dans
lesquelles les blocs noirs remplacent les passages de texte censurés. Ces œuvres ne sont pas sans
évoquer des compositions suprématistes.
Avec des installations d’Olafur Eliasson (*1967), Wade Guyton (*1972) et Jonathan Monk (*1969), le
Souterrain de la Fondation Beyeler est consacré à une nouvelle génération d’artistes qui se rattachent à
Malevitch par leur vocabulaire formel. Des formes géométriques, qui pourraient dériver du
suprématisme, semblent se mettre lentement en mouvement dans l’installation lumineuse d’Eliasson
Remagine (Large Version). Guyton imprime, quant à lui, des formes et des lettres noires sur des toiles à
l’aide d’imprimantes à jet d’encre. Dans son installation filmée From A to B and Back Again (2003),
Monk utilise avec le carré rouge et le cercle noir un vocabulaire pictural introduit par Malevitch dans
l’art moderne.
L’exposition se poursuit dans l’espace public. Dans le parc de la Fondation Beyeler, on peut voir les
œuvres d’Alexander Calder et d’Ellsworth Kelly appartenant à la collection permanente du musée,
complétées par le groupe de sculptures Ten Elements de Tony Smith (1912–1980), qui consiste en
grandes variations de formes géométriques. À Bâle, les affiches imprimées de noir de Santiago Sierra
(*1966) sont placardées sur des panneaux publicitaires et d’autres surfaces urbaines. On a pu
découvrir la série de Sierra intitulée Black Posters depuis 2008 dans des villes comme Berlin, Istanbul
et Londres. Cet admirateur déclaré de Malevitch consacre sa création à des thèmes sociaux et
politiques, dénonçant les abus et recourant pour ce faire à une esthétique minimaliste.
Les œuvres présentées ont été mises à la disposition de la Fondation Beyeler par les artistes, leurs
successions et les collections publiques et privées suivantes : John Cheim; Daimler Art Collection,
Stuttgart/Berlin; Daros Collection, Suisse ; Emanuel Hoffmann-Stiftung; Fondation Hubert Looser,
Zürich; Kunstmuseum Basel; Kunstmuseum Bonn; Kunstmuseum Liechtenstein, Vaduz; The Margherita
Stein Collection; The Museum of Modern Art, New York; Museum Tinguely, Bâle; Raussmüller
Collection, Bâle; Sammlung Froehlich, Stuttgart; Sammlung Hoffmann, Berlin; Staatliche Kunsthalle
Karlsruhe; Van Abbemuseum, Eindhoven. On peut également voir de nombreuses œuvres de la
Collection de la Fondation Beyeler et de la Collection Renard en rapport avec le thème de l’exposition.
L’exposition Black Sun a été réalisée grâce à une collaboration avec les artistes suivants : Olafur
Eliasson, Wade Guyton, Damien Hirst, Jenny Holzer, Ilya et Emilia Kabakov, Ellsworth Kelly, Gerhard
Richter, Richard Serra, Santiago Sierra, Rosemarie Trockel et Lawrence Weiner. L’ensemble du musée
est placé sous le signe de Malevitch, puisque se tient, parallèlement à Black Sun, l’exposition À la
recherche de 0,10 – La dernière exposition futuriste de peinture, consacrée à la légendaire exposition
0,10 de 1915 où Malevitch a présenté son Carré noir en public.
L’exposition Black Sun a bénéficié du soutien de :
Ringier Collection, Switzerland
Images de presse disponibles sous http://pressimages.fondationbeyeler.ch
Informations complémentaires :
Elena DelCarlo, M.A.
Head of PR / Media Relations
Tél. + 41 (0)61 645 97 21, [email protected], www.fondationbeyeler.ch
Fondation Beyeler, Beyeler Museum AG, Baselstrasse 77, CH-4125 Riehen
Heures d’ouverture de la Fondation Beyeler: tous les jours de 10h00 à 18h00, le mercredi jusqu’à 20h
Partenaires 2015
Fonds publics
Partenaires principaux
Partenaires
Fondations
ARTEPHILA STIFTUNG
AVC CHARITY FOUNDATION
AVINA STIFTUNG
ERNST GÖHNER STIFTUNG
L. + TH. LA ROCHE STIFTUNG
LUMA FOUNDATION
MAX KOHLER STIFTUNG
MONDRIAAN FUND
STAVROS NIARCHOS FOUNDATION
TARBACA INDIGO FOUNDATION
WALTER HAEFNER STIFTUNG