Ilot du verdelet - VivArmor Nature
Transcription
Ilot du verdelet - VivArmor Nature
2003 Les dossiers... ...de VivArmor L’îlot du verdelet et la pointe de Piégu L’îlot du Verdelet et la pointe de Piégu (Pléneuf Val-André) par Michel GUILLAUME A la pointe de Piégu, sur la commune de Pléneuf Val-André, se dresse un îlot nommé le Verdelet. Son nom lui vient-il de l’herbe qui pousse par endroits entre les chicots rocheux ? On ne le sait pas trop mais l’îlot est intéressant à plus d’un titre ainsi que la région alentour. Vivarmor a signé récemment une convention avec la commune de Pléneuf ValAndré concernant la gestion de cet îlot du Verdelet. Mais notre intérêt pour ce site est aussi vieux que l’association puisque dès 1975, nous avons travaillé avec une association locale de protection de la nature. Cette association qui avait d’abord pour nom “Association pour l’Etude et la Protection de la Nature et des Oiseaux (A.E.P.N.O.)” est devenue ensuite l’A.P.O.N. Fondée par de jeunes pléneuviens soutenus par le président du Syndicat d’Initiatives de l’époque, Edmond TRANIN, cette association avait réussi à obtenir de la municipalité de l’époque la mise en réserve de l’îlot avec interdiction de chasser aux alentours. En 1976 et 1977, le G.E.P.N. (c’était le nom de Vivarmor à l’époque) a organisé des soirées d’information et des expositions en liaison avec l’A.P.O.N., comme en fait foi l’article ci-dessous. Un premier problème s’est alors posé : l’îlot, devenu réserve pour la protection des oiseaux, ne figurait pas sur les plans cadastraux et n’avait pas de propriétaire. Le Verdelet était considéré de ce fait comme faisant partie du Domaine Public Maritime (D.P.M.). Dès 1982, la commune en revendique la propriété et la préfecture l’appuie mais rien ne se décide. En 1984, la commune, faisant comme si elle était propriétaire, publie un arrêté réglementant l’accès entre le 1er avril et le 31 août. Les choses restent en l’état pendant une dizaine d’années. L’association locale elle, se met par contre en sommeil, son président (J.P. COCHIN) étant devenu directeur de la Maison de la Baie. C’est dans ces conditions que la S.E.P.N.B. d’abord (en 1992), puis le Conservatoire du Littoral ensuite (1993), revendiquent la gestion de l’ilôt et des environs. Comme en témoigne l’article de presse ci- dessous (O.F.du 19 novembre 1993), la municipalité de Pléneuf en la personne de son maire, Guillaume GUEDO, monte au créneau, déclarant haut et fort qu’elle “ne se laissera pas déposséder de son îlot”. Un historien est alors appelé en renfort. Il s’agit de J. Pierre LE GAL LA SALLE. Son travail est publié en 1995 dans le bulletin de la Société d’Emulation des Côtes d’Armor. (Tome CXXIII - Mémoires de l’année 1994) Outre qu’elle apporte des précisions très intéressantes sur le plan historique (voir plus loin au chapitre histoire), cette publication met un terme à la polémique : la propriété de la commune de Pléneuf sur le Verdelet ne sera plus contestée. Une roche spéciale La géologie du lieu Formée par une roche appelée microdiorite, la pointe de Piégu protège au Nord-Est le site du Val-André. Cet éperon rocheux forme en effet écran dans le paysage. Une cale, construite perpendiculairement à son extrémité, forme abri à bateaux cependant que la partie de la plage qui lui est contiguë bénéficie d’une exposition plein Sud très appréciée des baigneurs. Dans microdiorite, il y a diorite. C’est le nom d’une roche qui est grenue comme le granite1 mais de couleur plus Quatre roches grenues de la région allant du granite au gabbro. Le magma originel est de plus en plus basique de gauche à droite. sombre que celui-ci (voir photo cicontre). La raison en est que le magma qui est à l’origine de la diorite est plus “ basique ”. L’adjectif basique utilisé en géologie signifie pauvre en minéraux siliceux (de couleur plutôt claire) et riche en minéraux ferro-magnésiens (de couleur plus sombre). La différence entre diorite et microdiorite vient de la mise en place du massif et du mode de refroidissement du magma qui en est à l’origine. Si le refroidissement se fait en un seul temps et à grande profondeur (plusieurs kilomètres), tous les cristaux formés seront gros car ils auront eu le temps de se développer et on aura une diorite. Par contre si, après formation des premiers cristaux de grande taille en profondeur, le magma monte rapidement vers la surface et s’arrête à seulement quelques centaines de mètres de celle-ci, Schéma établi d’après la carte géologique de Saint-Brieuc au 1/80.000 autrement dit s’il y a (sauf en ce qui concerne le Pentévrien) refroidissement en 2 temps, les derniers cristaux formés seront microscopiques et ( amphiboles sombres avec un aspect un peu formeront à l’œil nu une sorte de pâte verdâtre et feldspaths plagioclases blanchâtres) relativement homogène. noyés dans une sorte de ciment de couleur foncée C’est la présence de gros cristaux qui définit donc, à l’œil nu, une microdiorite. Par altération la couleur des feldspaths devient de plus en plus blanche car ils se transforment peu à peu en kaolin, cependant que les minéraux sombres (les ferro-magnésiens) donnent de la rouille (oxydes de fer) de couleur brune. L’âge de la microdiorite du Verdelet n’est pas connu avec précision (aucun minéral Une zone de failles sépare l’îlot du Verdelet de la pointe de Piégu. Plus altérée dans cette zone, la roche a été enlevée par érosion. La mer a repris les produits de cette érosion pour en faire du sable ou des galets. Les galets moins mobiles que le sable sont restés dans le secteur. A marée montante les courants poussent ces galets d’Ouest en Est. A marée descendante, la dérive littorale s’inverse et pousse les mêmes galets d’Est en Ouest. Prise entre ces deux dérives, la grande masse des galets a fini par former un amas ayant un peu la forme d’un “ S ” inversé dont les extrémités s’appuient sur les rochers les plus avancés de la pointe de Piégu, d’une part, et sur la partie de l’îlot du Verdelet la plus proche et la mieux abritée, d’autre part. Cela forme un tombolo simple2. Aspect de la microdiorite vue à l’oeil nu sur une cassure fraîche peu altérée radioactif contenu dans la roche n’ayant permis une datation en âge absolu). On peut seulement lui donner un âge relatif entre 608 millions d’années (âge du Briovérien d’Erquy qu’elle recoupe) et 472 millions d’années (âge de la série rouge d’Erquy-Fréhel qui la recouvre). Le Verdelet : îlot et tombolo Le tombolo se voit bien à marée basse et permet le passage sur l’îlot (voir photo cidessous). C’est dans sa partie centrale qu’il est le moins élevé et c’est donc cette partie qu’il faut surveiller car c’est elle qui découvre en dernier et recouvre le plus vite à marée montante. ______________________________ 1 Quand les géologues parlent de “ granite ”, ils y mettent une “ e ” car ils désignent ainsi une roche bien précise contrairement à l’usage courant où “ granit ” est pris dans un sens plus large comme par exemple quand on dit “ Bretagne, terre de granit ”. “ Granit ” désigne ainsi toutes les roches grenues, diorite comprise. 2 Il peut exister des tombolos doubles avec deux cordons de galets sensiblement parallèles Une photographie aérienne de la pointe de Piégu et de l’îlot du Verdelet Préhistoire : la région du Verdelet et de Piégu Si aucun reste n’a été trouvé sur l’ilôt luimême, les traces de passage et même de séjours prolongés d’hommes très anciens ne manquent pas dans les environs. Il y a d’abord eu la découverte d’un biface, c’est à dire d’un outil en pierre très primitif, dans l’anse du Pissot entre Pléneuf et Dahouet. Le site préhistorique de Piégu (Val-André) En 1987, une fouille de sauvetage1 a confirmé l’intérêt scientifique du lieu. Depuis plusieurs années déjà des indices et des découvertes éparses avaient attiré l’attention des universitaires concernés2. Le site fouillé se trouve entre deux pointes rocheuses dans un endroit (encore !) indemne de toute construction3. Il s’agit d’un placage de dépôts pléistocènes correspondant au Paléolithique moyen.4 Au cours de la fouille, une partie sableuse (reste d’une ancienne dune) fut d’abord enlevée. En dessous, plusieurs zones d’éboulis se sont avérées particulièrement riches en ossements divers appartenant, pour la plupart, à de grands mammifères. Biface en phtanite (dont la pointe est cassée) . Il a été trouvé en place juste au-dessus du reste d’une plage fossile à l’Est de l’Anse du Pissot Ce biface a été trouvé en place dans la falaise par Alain GUILLON. C’est l’un des plus vieux outils trouvés dans le département. Son âge a été estimé entre 300.000 et 400.000 ans. Il est en “phtanite” : un microquartzite riche en carbone (d’où sa couleur noire) une roche abondante dans le Briovérien de Lamballe. Dans les falaises de limon de la plage des Vallées, des restes de chevaux et de mammouths ont été trouvés. Ils étaient accompagnés de restes de bovidés (boeufs ou bisons) et aussi de renards et de fragments osseux ayant pu appartenir à un blaireau. Mais les découvertes les plus intéressantes et qui prouvent bien la présence prolongée de l’homme en ces lieux ont été faites sur la face Sud de la pointe de Piégu. Une partie de l’outillage en silex trouvé au niveau d’un sol d’habitat au pied de la falaise de Piégu (éclats, pointes,racloirs) Dans les couches les plus anciennes (en bas de la falaise, en dessous du niveau du quai), a été découvert un sol ancien avec un grand nombre de silex. On pense qu’il y a eu deux campements distincts : l’un au pied de la falaise (au niveau de la plage actuelle) et l’autre en hauteur d’où proviennent les ossements. Ces deux gisements sont en fait très différents et on ne sait pas s’ils sont contemporains ou non. Dans le cas où ils le seraient, on peut imaginer, en bas, le camp de base (habitat relativement permanent) et, en hauteur, un camp de débitage des animaux chassés (d’où proviennent les ossements par glissement le long de la pente).5 La région à l’époque Il n’est pas sans intérêt d’essayer d’imaginer comment se présentait la région à l’époque où les tout premiers hommes ayant vécu dans la région occupaient le site. Une première constatation s’impose : depuis 200.000 ans le climat a beaucoup changé. Lors des périodes les plus froides (maxima glaciaires), le niveau de la mer était plus bas. Les hommes de Piégu (vers - 200.000 ans) Au total, on pense à une occupation humaine vieille de 200.000 ans au moins (entre 250.000 et 150.000). La faune représentée comprend surtout des cerfs, des chevaux, des bovidés divers ainsi que des rhinocéros et des loups, ce qui indique un climat plutôt tempéré avec des forêts à proximité mais aussi des zones de steppe. Le gisement de Piégu présente un intérêt considérable pour la connaissance des plus anciens peuplements humains de Bretagne. Un projet du genre « site d’animation socioculturelle » avec une partie « éco-musée préhistorique » (utilisant les couches et gisements encore en place) serait donc la meilleure restauration de ce site, inutilement dénaturé et saccagé il y a une quinzaine d’années. ______________________________ 1 Une fouille de sauvetage est toujours un pis-aller. Celle-ci fut décidée à cause d’un projet de construction à cet endroit (projet incluant une base nautique). La végétation existante fut détruite et le site éventré. Près de 15 ans après… on discute toujours pour savoir si la base nautique en question est bien à sa place en cet endroit ! 2 Jean-Laurent MONNIER (Université de Rennes 1) et Bernard HALLEGOUET (Université de Bretagne Occidentale – Brest) principalement. 3 Il correspond sur le plan cadastral à la parcelle 340 ; il est encadré, en bas par le quai Célestin Bouglé et en haut par la rue de la Corniche, laquelle se trouve menacée (la zone déboisée et creusée étant devenue instable). 4 Il ne représente qu’une petite partie d’un site préhistorique beaucoup plus vaste mais détruit par la construction du Quai Célestin Bouglé et les aménagements divers effectués sur le D.P.M. dans toute cette zone. 5 Des traces de décarnation existent en effet sur beaucoup de ces os. Cette carte indique l’emplacement des rivages ainsi que les limites de l’énorme glacier qui s’étendait sur tout le Nord de l’Europe pendant la période la plus froide du Quaternaire (vers - 80.000 ans) ont dû connaître une région assez différente de la nôtre. Le climat plus froid que l’actuel (fin de période glaciaire) et donc le niveau marin inférieur à ce qu’il est aujourd’hui (sans être aussi bas cependant que celui qui est figuré ci-dessus) faisaient de la région une crête entre deux plaines . Le Verdelet n’était donc pas un ilôt séparé de Piégu comme aujourd’hui mais constituait sans doute un bon observatoire pour voir au loin les troupeaux de bovidés, de chevaux et de cerfs qui parcouraient à l’époque l’endroit devenu la baie de St-Brieuc. Quant à la partie Sud de Piégu, elle constituait un excellent emplacement, la haute falaise de microdiorite offrant un abri contre les vents du Nord avec un ensoleillement maximum en hiver. Déjà une “station climatique” en quelque sortepour les “ancêtres” pré-néanderthaliens ! Histoire : le Verdelet au cours des siècles Le Verdelet des moines Le premier document historique relatif au rocher nommé plus tard ilôt du Verdelet est une charte datée de 1132. Elle mentionne une “église St-Michel de la Roche Tanguy” donnée aux moines de Marmoutiers par l’évêque Jean de St-Brieuc. En 1216, une autre charte précise que “l’église St-Michel de la Roche” a été donnée aux bénédictins qui y auraient établi des pêcheries. Un lieu dit “la Moinerie” existe d’ailleurs entre Pléneuf et le Val-André. Jean Pierre LE GAL LA SALLE explique que cette “Roche Tanguy” doit correspondre au rocher du Verdelet pour 4 raisons: - le terme “acumine rupis” employé dans la charte de 1132 signifie “pointe du rocher” et notre ilôt est effectivement très pointu - la pointe de la Ville Pichard, face au Verdelet a toujours été nommée “Chateau Tanguy” - un aveu de 1585 mentionne sur “le rocher du Verdelay, une chapelle à présent en ruine...” dont on peut croire que les quelques substructures observées de nos jours font partie des fondations. - une carte marine de 1693, mentionne un bâtiment nommé “St-Michel du Verdelet” au sommet de l’ilôt. Le Verdelet féodal Un acte mentionne qu’en 1369, un certain Olivier du VAUCLERC tenait féodalement le Verdelet sous la seigneurie de Lamballe. En 1469, la propriété féodée est passée à la seigneurie pléneuvienne du GUEMADEUC. Elle tombe aux mains de la famille RICHELIEU pendant les guerres de la Ligue puis “est vendue en 1679 au sieur François BERTHELOT, Conseiller du Roi, Commissaire Général des poudres et salpêtres de France pour la somme de 100.000 livres”. L’îlot revient finalement à la famille du GUEMADEUC qui le revend à Etienne BAUDES, marquis de la Vieuville pour la somme de 257.000 livres cette fois ! Dans un document de 1722, il est mentionné : “Les isles et rochiers du Verdelet ou Verdelay auxquels il y avait autrefois forteresse, chapelle, garenne à connils qui sont maintenant ruinés”. Le même document mentionne aussi “le droit de pêcher aux environs d’iceux du poisson et prendre devoir de havagen sur tous ceux qui y pêchent et prennent du poissson”, “de lever une havée à deux mains sur tous ceux qui emportent des moules des rochers du Verdelet, passant par les graviers du Guémadeuc, depuis la Moinerie jusqu’au havre de Dahouet”. Arrive la révolution : “le 4 août 1789, l’Ordre de la Noblesse... propose l’abolition de la Féodalité...Le problème des anciens communs féodaux ne fut réglé que par la loi du 28 août 1792”. C’est alors que la commune de Pléneuf devint officiellement propriétaire des lieux. On voit toujours actuellement, sur l’estran rocheux entourant l’ilôt (comme le montre la photo ci-dessous) des restes de murets en “V” et des sortes de rectangles qui sont des restes d’anciennes pêcheries. Les murets en “V” canalisaient le poisson à marée descendante vers des nasses où il était piégé. Les enclos rectangulaires devaient constituer des réservoirs d’eau. Comme le montre l’étude de Jean- Les habitants de la Ville Pichard y envoyaient paître leurs moutons. “En 1834, 30 de ces animaux, saisis tout à coup d’une peur panique, se jetèrent à la mer et s’y noyèrent”. Nouvelle catastrophe en 1849: “Dans la soirée du jeudi 29 juin... 109 moutons... abandonnés depuis plusieurs jours voulurent tenter le passage à marée haute...” Photo prise en 2001 - sortie du Réseau des Naturalistes Plus dramatique encore : “Le premier avril 1862, huit jeunes gens de St-Aaron, venus cueillir des moules avec une charrette attelée de deux chevaux. Surpris par la marée, ils tentèrent de passer alors que la mer recouvrait déjà le pont (c’est à dire le tombolo). Trompés par la courbe de ce dernier, les chevaux tombèrent dans l’abime, entraînant avec eux la charrette et les personnes qui étaient dedans... Aucun ne savait nager, tous se noyèrent...” Plus cocasse : “un jour d’août, raconte notre historien, les herbes sèches du Verdelet s’enflammèrent. Une épaisse fumée s’éleva dans le ciel ; un journaliste, Théophile JANVRAIS, ne manqua pas de se lancer dans un article intitulé “une île en feu dans la baie de St-Brieuc”où il compara le Verdelet à un volcan en éruption !” Des pêcheries au Verdelet Pierre LE GAL LA SALLE, (voir document ci-dessous) ces pêcheries sont pour certaines d’entre elles très anciennes. A l’origine de la protection des oiseaux du Verdelet, cette lettre ouverte du 6 novembre 1972 de Monsieur Edmond TRANIN, Président du Syndicat d’Initiatives de Pléneuf Val-André Je vis sur un cap qui, d’Erquy à Bréhat domine - quel privilège - l’incomparable baie de SaintBrieuc. A portée de ma main (disons... à un demi mille nautique) émerge de la mer dolente ou coléreuse, une île rocheuse, Accessible à pied sec aux grandes marées basses, l’île est la propriété communale de Pléneuf Val André. Une herbe moussue, de teinte “verdelette” au printemps, emplit les creux du roc. Un ou deux milliers d’occupants ailés (1)s’y aménagent un nid distant de celui du voisin de deux fois la longueur du cou plus le bec. Pour la paix, chacun chez soi ! Dès avril (mi-mai pour certaines espèces) ils fondent une nouvelle famille : un oeuf chez le puffin, le guillemot, le pétrel, le pingouin torda ; deux chez le Cormoran huppé, la Sterne, le Goéland argenté, la mouette rieuse ; les Tridactyles préfèrent se grouper en petits clans et pondent deux oeufs dans des nids périlleusement plaqués au flanc des rochers abrupts battus par les vagues. 26, 31 et même 55 jours selon les espèces, s’écoulent avant que les poussins sortent de leur coquille. Les petits pingouins volettent au bord de l’eau une quinzaine de jours plus tard, mais six semaines s’écoulent avant que les jeunes cormorans esquissent leur premier envol. Je ne sais que dire du couple d’eiders arctiques et des non moins rares fous de Bassan (1) qui honoraient le Verdelet de leur présence : des chasseurs sont passés par là. Les oiseaux du Verdelet ne demandent rien aux humains sinon la paix, le respect de leur nid, la liberté de pêcher matin et soir la pâture que la mer leur offre depuis la naissance du monde. Mais certains hommes leur contestent ce droit pour le plaisir de “faire un carton”. Il y a cinquante ans, une affiche touristique vantant les plaisirs des vacances sur la côte bretonne, proposait “Chasse abondante aux oiseaux de mer”. Que les oiseaux se cachent dans leurs nids ou au soleil sur nos plages, la menace est constante ; elle ne vient pas que du progrès et d’un possible naufrage d’un autre Torrey Canyon mais de l’homme dont la méchanceté n’a d’excuse que l’imbécillité. Que dire de ces estivants croisant en bateau aux abords du Verdelet et tirant “au nid”, avec fusil à lunette et silencieux, 21 cormorans dont certains ne moururent que lentement vidés de leur sang ? Que dire de ces gens de Plougonven qui suspendirent par les pattes, à des piquets, en plein champ (pour servir d’épouvantails) cinq goélands qui moururent lentement... lentement, bêtement martyrisés ? Que dire de ces tirelots d’Hillion qui, le 24 septembre dernier, embusqués sur la grève de BonAbri (la mal nommée) fusillèrent à bout portant - pour “faire un carton”- cinquante sept oiseaux migrateurs venant du Grand Nord et se reposant sans méfiance dans une vasière déserte ? J’ai vingt autres exemples de cruauté ou de sottise. Trop d’espèces d’oiseaux sont en voie de disparition. L’Ouest est une terre privilégiée pour l’ornithologie. Par brume ou cie1 opaque, elle est l’étape de choix des grands migrateurs qui, de la Terre François-Joseph à la Terre de Feu, dit le Professeur Jean Dorst, franchissent 20.000 kilomètres en se repérant sur le mouvement des étoiles... Les Syndicats d’Initiatives de la baie de Saint-Brieuc se doivent d’instruire estivants et ignorants. A Pléneuf Val André, avec l’approbation du Maire, s’est créée une Association de “Jeunes amis des oiseaux marins” ; une infirmerie accueille, au château de Nantois, les blessés. Je demande au Préfet des Côtes du Nord de défendre la vie et la liberté des oiseaux du Verdelet en faisant sienne notre demande d’y créer une réserve protégée. Et les touristes lui en sauront gré ! Les oiseaux du Verdelet La protection de l’îlot : C’est l’intérêt ornithologique qui à permis dès 1973 sous l’impulsion de l’Association pour la Protection des Oiseaux et de la Nature (APON) et de Edmond Tranin (grand reporter) son classement en Réserve de Chasse Maritime. Le dos du goéland est de couleur gris argenté (d’où son nom), ses pattes sont couleur « chair ». Son bec jaune, comme la plupart des goélands (mais pas tous), est ornementé d’une tache rouge à son extrémité inférieure. Puis, en 1984, la commune de PléneufVal-André, propriétaire, prend un arrêté municipal afin d’interdire l’escalade de la partie supérieure de l’îlot entre le 1er avril et le 31 août afin d’éviter tout dérangement pendant la période de nidification des oiseaux. Plus tard, en 1989, il est également classé en Zone de Protection Spéciale (ZPS) au titre de la Directive européenne ‘’OISEAUX’’. Dernièrement, le Verdelet, à la demande de VivArmor Nature a été raccroché à la zone Natura 2000 ‘’baie de Saint-Brieuc’’. Période d’observation : Le goéland argenté : pattes rose chair - dos gris pâle Une multitude d’espèces d’oiseaux fréquente, à différentes périodes de l’année, l’îlot ou ses abords. Cependant la période la plus propice à l’observation des oiseaux est le printemps, période où l’activité va bon train sur le caillou. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce goéland était au début du XXème siècle un des oiseaux les plus rares de Bretagne. Puis, suite aux mesures de protection prises dans différents pays, suite aussi à l’apparition de nos décharges et à l’arrêt des prélèvements (œufs et individus), ses effectifs ont très nettement augmenté. Les différentes espèces nicheuses : Aujourd’hui, même si la répartition de l’espèce est importante et n’est plus cantonnée exclusivement au littoral (les Rennais par exemple ont aussi leurs colonies d’oiseaux ‘’urbains’’ nicheurs) la tendance s’inverse et, en dix ans, le nombre de goélands argentés costarmoricains a pratiquement diminué de moitié (49% d’après Bernard Cadiou dans ‘’Les Oiseaux Marins Nicheurs de Bretagne’’). Cinq espèces d’oiseaux marins nichent sur le Verdelet : 1 -Le goéland argenté : Très souvent confondu avec sa cousine la mouette rieuse, le Goéland argenté à la tête bien blanche tout au long de l’année alors que la mouette, elle, revêt au printemps un joli capuchon noir qui une fois la période de reproduction terminée s’effacera pour ne laisser alors qu’une simple tache noire au niveau de la tempe de l’oiseau. De régime alimentaire varié, le goéland argenté se nourrit aussi bien de restes de repas qu’il déniche dans nos poubelles, que de rejets de pêche, de vers de terre … autant dire qu’il est omnivore. 2 - Le goéland brun C’est le cousin migrateur des autres goélands. En effet, il vient sur le Verdelet pour se reproduire, ceci après un long séjour hivernal en Afrique du Nord ou dans le Golfe de Gascogne. un lourd tribut, en œufs et en jeunes, pour satisfaire son appétit. De taille proche (mais légèrement plus Le goéland marin : pattes roses - dos bien noir Le goéland brun : pattes jaunes - dos gris noir petite) que le goéland argenté, il s’en différencie par son dos gris-noir, et en vol l’extrémité des ailes est plus sombre que le manteau (partie supérieure des ailes). Ses pattes d’un joli jaune sont également un point clé de sa détermination. Bien qu’il soit omnivore, ce goéland-ci fréquente moins les décharges : les rejets de pêche constituent une part importante de son régime alimentaire. Cette espèce fréquente également, mais en nombre beaucoup moins important que le goéland argenté, les zones urbaines. 3 - Le goéland marin Le plus majestueux des goélands du Verdelet trône avec fierté à son sommet. Reconnaissable à son manteau uniformément noir et à ses pattes couleur « chair », c’est le plus grand des goélands. Magnifique, il l’est sans aucun doute, bien que cela dépende du point de vue où l’on se place : les autres goélands payent chaque année 4 - Le cormoran huppé LE SELF SERVICE DES GOELANDS Bien avant nos « fl…ch », nos « q…k » et autre trucs pas toujours très bons, les goélands ont inventé le self service. En effet, dans la plupart des espèces les goélands sont pourvus, à l’extrémité de la mandibule inférieure, d’une tache rouge. Rien n’est plus pratique que cette tache : qu’un des poussins ait une petite faim, il lui suffira de donner un coup de bec sur cette tache pour que l’adulte régurgite une bouillie nourricière. Après l’envol on observe encore régulièrement les jeunes, alors recouverts d’un plumage marron-gris (d’où leur nom de grisards), tenter d’obtenir quelque nourriture, mais à ce stade-là le self semble vide, le petit doit apprendre à devenir Plus connu sur les falaises de Fréhel, ce petit cormoran est aussi un des hôtes nicheurs du caillou. Reconnaissable pendant la période de reproduction à son apparat dressé sur la tête – d’où son nom de huppé – son noir plumage est uniformément noir à reflets métalliques verts. L’œil est d’un vert magnifique, et la Plus grand que le cormoran huppé, le grand cormoran s’en différencie aisément, en période nuptiale, par sa gorge blanche et les deux taches blanches de ses cuisses. Cette espèce est apparue (ou réapparue) sur le Verdelet en 1977, mais il faudra attendre août 1980 pour que les naturalistes de l’A.P.O.N. découvrent le premier nid. Cette découverte faisait de l’îlot du Verdelet le site de reproduction le plus occidental connu à cette date en Europe. Son régime alimentaire se compose en grande partie de poisson, qu’il pêche en eau peu profonde (moins de 10 mètres d’après Bernard Cadiou dans « Les oiseaux nicheurs de Bretagne ».) Un couple de cormorans huppés commissure du bec est jaune. Cette espèce est en règle générale exclusivement maritime. Les individus vivent, hors de la période de reproduction, à quelques dizaines de kilomètres des colonies. Ils se nourrissent essentiellement de vieilles et de tacauds qu’ils peuvent aller chercher jusqu’à 40 mètres de profondeur. 5 - Le grand cormoran Pour en savoir plus : Zoom sur le goéland par Yvon LE GARS Yvon LE GARS est un cinéaste animalier reconnu. Il est aussi conférencier, ornithologue, militant de la protection de la nature en Bretagne. Des cassettes de ses films (“Falaises vivantes”- “Chronique d’une falaise sans histoire” ) sont consultables à notre local. Les oiseaux marins nicheurs de Bretagne C’est une brochure de Bretagne Vivante - S.E.P.N.B. qui dresse un bilan des populations d’oiseaux marins de Bretagne.
Documents pareils
L`histoire de l`ilot du Verdelet - Réserve naturelle baie de saint brieuc
Un site convoité et protégé
En 1841, le Verdelet est inscrit au cadastre comme domaine public de la commune,
mais une modification du cadastre de 1954 omet le Verdelet. Il faudra attendre 1982,
su...