Ergothérapie et gestion de la douleur provoquée par les
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Ergothérapie et gestion de la douleur provoquée par les
Ergothérapie et gestion de la douleur provoquée par les techniques rééducatives Isabelle MARCHALOT-ARNHOLZ Ingénieur en formation Cadre de santé en ergothérapie. Institut de Médecine Physique et de Réadaptation Hérouville Saint Clair (14) L’ergothérapie est une thérapie qui utilise l’activité comme support. Elle postule comme élément de base que tout individu a des activités de vie personnelle (toilette, repas…), de production (travail, activité ménagère, activité scolaire) et de loisirs qui le représentent et le définissent. Ces activités peuvent être perturbées suite à un deuil, une situation de handicap… La perte de ces activités occasionne alors chez la plupart des individus une perturbation de sa façon de vivre et donc de sa qualité de vie. L’objectif de l’ergothérapie est de permettre à toute personne de maintenir une autonomie sociale, personnelle, professionnelle maximale. Afin d’être au plus près du contexte environnemental de la personne, l’ergothérapeute utilise les mises en situation. Il peut ainsi analyser le fonctionnement de la personne et les stratégies d’action qu’elle développe. Cette analyse permet un programme rééducatif personnalisé et adapté aux besoins de vie de chacun. Les mises en activité peuvent occasionner, voir majorer des douleurs, l’ergothérapeute est conscient de cette éventualité.. Comment gérer l’apparition de la douleur provoquée ou susceptible d’être provoquée par les mises en activité ? L’ergothérapeute se pose cette question en permanence. Il peut trouver réponse en s’appuyant sur deux modèles de pratique : - le modèle biomécanique - le modèle comportemental 1. Les modèles de pratique en ergothérapie 1.1 . Le modèle biomécanique C’est un modèle que le monde de la rééducation connaît bien. Il compare le fonctionnement humain à une mécanique. La restauration des activités se fait progressivement en regard de la douleur, des amplitudes articulaires et de la force musculaire. L’objectif est la récupération maximale de la mécanique humaine. Exemple : dans la rééducation du patient lombalgique, les thérapeutes rechercheront une baisse de la douleur parallèlement à un gain d’amplitude articulaire. Ce modèle a un atout : il recentre la rééducation sur une déficience (perte d’un secteur articulaire, douleur d’une zone, etc.) et donc dans un champ analytique. Cependant, la transposition de cet apprentissage analytique dans les activités fonctionnelles plus significatives (toilette, conduite, golf, etc.) s’avère parfois difficile voire impossible. Après plusieurs séances, la plupart des patients ressentent un bien être issu de la prise en charge mais une difficulté à transposer cet apprentissage dans les activités de la vie quotidienne. Certains patients choisissent de ne pas « s’écouter » et de maintenir leurs activités et le verbalisent : « de toute manière, j’ai toujours mal, alors… ». D’autres estiment ne plus pouvoir faire face à ces douleurs. Ils choisissent d’abandonner l’activité : « j’ai peur d’avoir mal, je préfère arrêter ». Dans les deux cas de figure est observée une insatisfaction du patient et une diminution de sa qualité de vie. Pour y remédier, l’ergothérapeute s’appuie sur un autre modèle. 1.2.Le modèle comportemental et cognitif. L’introduction de ce modèle en ergothérapie est plus récente. L’objectif est la remise en activité, avec apprentissage de sa gestion.. Ce modèle requiert des mises en situations proches du contexte environnemental. Il ne nie pas l’apparition des douleurs. La douleur est gérée à partir de la prise en compte des conséquences qu’elle occasionne sur l’activité. Pour reprendre l’exemple du patient lombalgique, il a pu rencontrer une « situation-problème » : « j’étais trop douloureux pour monter les deux étages pour me rendre chez ma fille ». Le modèle biomécanique orienterait vers un accroissement de la capacité à monter les escaliers. Le modèle comportemental en proposant de se rendre sur le lieu de vie et de trouver des solutions adaptées (barre, palier de repos) permet la réalisation de l’action souhaitée par le patient : se rendre chez sa fille. Il apparaît plus satisfaisant pour le patient d’apporter une réponse proche de sa réalité. Quelque soit le modèle, le travail en équipe est indispensable, il permet une complémentarité. L’essentiel reste de faire exister des ponts entre les modèles et l’ensemble des rééducateurs. 2. Quelle démarche en regard de ces modèles ? 2.1 . L’évaluation Pour évaluer la gestion de la douleur d’une personne remise en activité, il n’existe pas d’échelle spécifique ergothérapique. L’ergothérapeute doit davantage se recentrer sur l’activité et non la douleur. La compétence des ergothérapeutes est de pouvoir évaluer la gestion des activités d’une personne ayant un vécu douloureux. Ils peuvent utiliser la Mesure Canadienne de Rendement Occupationnel (MCRO). Cf annexe. « Occupationnel » est utilisé dans le sens anglo-saxon de « tout ce qui représente les occupations de vie d’une personne » c’est-à-dire ses activités de vie (personnelle, de production et de loisirs). La M.C.R.O identifie : - les « situations-problèmes » rencontrées par le patient dans ses activités de vie. - la capacité que le patient pense avoir à réaliser ses activités. - la satisfaction que le patient a eu à les réaliser. Ce type d’échelle permet à l’ergothérapeute de mettre en place des techniques rééducatives. 2.2. Les compétences de l’ergothérapeute Selon l’un ou l’autre des modèles, l’activité utilisée sera issue ou non du contexte environnemental. La compétence de l’ergothérapeute se retrouve principalement dans la décomposition des « situations problèmes », afin de les restructurer et les adapter. Les « situations problèmes » peuvent émaner du patient ou de l’environnement. L’amélioration des capacités du patient est du ressort de tous les professionnels. L’adaptation de l’environnement ou encore de l’activité est plus spécifiquement un acte ergothérapique. Quelle place l’ergothérapie donne t’elle à la gestion de la douleur provoquée par la mise en activité ? La compétence de l’ergothérapeute est de rechercher l’activité la plus pertinente qui tiendra compte des besoins de vie du patient tout en permettant une intégration fonctionnelle du gain mécanique obtenu. La remise en activité de vie permet la plupart du temps une rééducation concrète, dynamique qui accroît la motivation du patient. Le patient devenant acteur de sa prise en charge, réduit ce qu’il nomme « ses sensations douloureuses ». C’est une pratique qui décentre de «l’objet-douleur » pour se centrer sur le patient en tant que personne. A la frontière du médical et du social, l’ergothérapie trouve une place spécifique dans la prise en charge des patients douloureux. L’ergothérapie ne nie pas la douleur. Elle part du principe qu’il n’y a pas toujours un lien direct entre : douleur, lésion, incapacité et insatisfaction. « Etre en forme » ne signifie pas tant n’avoir aucune douleur que savoir maîtriser, gérer et contrôler son corps en activité, afin de maintenir une qualité de vie. Bibliographie Annequin D. – Gestion des actes douloureux. Approches thérapeutiques simples. 46e congrès de la SFAR. Avril 2004. Castes N. – Douleur induite par les soins. Mythe ou réalité pour le personnel soignant. 5e congrès annuel de la SFETD. 2005 Law M. – La Mesure Canadienne de Rendemment Occupationnel. Ottawa, 2000. Mallet D. – mais qu’est ce donc que la douleur. Soins. N°633. 1999 Morel F. – Place de la prise en charge comportementale et cognitive dans la rééducation des lombalgies chroniques invalidantes. 1995 Trudelle P. L’entretien avec le patient douloureux chronique. Kinésithérapie, les cahiers. 2001
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