Les Systèmes urbains français

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Les Systèmes urbains français
Les systèmes urbains français
SYNTHÈSE
Sandrine Berroir, Nadine Cattan, Marianne Guérois,
Fabien Paulus, Céline Vacchiani-Marcuzzo
TRAVAUX
EN
LIGNE n°10
L’Unité mixte de recherche Géographie-cités a été retenue par la Datar pour la réalisation de cette étude.
Le comité de pilotage réunissait :
Pour la Datar :
• Patrick Crezé, Directeur, Adjoint au Délégué interministériel
• Odile Bovar, Conseillère responsable de l’Observatoire des territoires
• Eliane Dutarte, Conseillère Région Capitale
• Pascal Mignerey, Conseiller Développement durable, Transports, Urbanisme
• Philippe Matheron, Chef de la mission Métropoles
• Marie-Hélène Kerouanton, Chargée de mission Observatoire des Territoires
et Fabien Ferrazza, Chargé de mission Métropoles, qui a assuré la coordination de l’étude pour la DATAR.
Pour l’Insee :
• Bernard Morel, Directeur de l’action régionale
• Christel Aliaga, Direction Régionale PACA
Pour l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Consignations
• Isabelle Laudier, Directrice de l’Institut
Cette étude ne représente pas nécessairement les positions officielles de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire
et à l’attractivité régionale. Elle n’engage que son ou ses auteur(s).
Délégation interministérielle à l’aménagement
du territoire et à l’attractivité régionale
8, rue de Penthièvre - 75 800 Paris Cedex 08
[email protected] | 01 40 65 12 34
Responsable des publications scientifiques :
Stéphane Cordobes
Coordination éditoriale :
Karine Hurel, Florian Muzard
Création graphique : Matthieu Renard
Couverture : Crédits photos - Phovoir
Réalisation maquette : Datar - Equipe Prospective & études
SOMMAIRE
LES DONNÉES DE CADRAGE // 4
Les institutions de la gouvernance / 5
Les bases d’information de l’aménagement du territoire en Allemagne / 9
LES TROIS THÈMES PRIORITAIRES // 12
La durabilité territoriale / 13
La compétitivité et l’attractivité des territoires / 14
La métropolisation / 14
LES AUTRES THÈMES // 18
La cohésion territoriale / 19
Les coopérations transfrontalière et transnationale / 21
Les zones défavorisées / 22
PRÉAMBULE DE LA DATAR
La Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale (Datar) a souhaité, en engageant cette étude, proposer une nouvelle lecture de la structuration du territoire, fondée sur les flux de personnes
et de biens entre les aires urbaines et non plus sur la géographie de l’urbanisation et la concentration des fonctions
socio-économiques, comme c’est habituellement le cas. Ce travail avait pour objectifs de comprendre en quoi ces flux
font système(s), comment « fonctionne » véritablement le territoire et d’apprécier le degré d’implication des flux constatés
dans les grands réseaux internationaux de la mondialisation.
L’unité mixte de recherche Géographie Cités a été retenue par la Datar pour réaliser cette étude, entre le début de l’année
2010 et mi 2011. Le travail s’est déroulé en trois phases correspondant aux objectifs du cahier des charges :
• identification des systèmes urbains constitués sur le territoire français, en précisant les modalités de cette identification et les concepts sur lesquels elle s’appuie au regard de la littérature existante;
• appréciation du degré de métropolisation éventuelle de ces systèmes urbains, en précisant les éléments constitutifs
des dynamiques considérées, les critères de mesure de leur intensité et de leur portée métropolitaine;
• au sein de chacun des systèmes les plus métropolisés, étudier les modalités d’organisation et de fonctionnement de
ses différents pôles ainsi que leurs effets d’entraînement respectifs.
En s’affranchissant des limites administratives pour l’appréciation des liens internes et externes qui caractérisent les territoires analysés et en révélant les interdépendances qui structurent ou pourraient structurer les dynamiques de développement à différentes échelles, cette étude renvoie à une perception nouvelle du territoire français et ouvre de nouvelles
perspectives pour le développement et l’aménagement du territoire national prenant en compte l’une des caractéristiques
majeures de ce début de 21ème siècle : l’accroissement de la mobilité des personnes et des biens.
Les enseignements de cette étude permettront d’apporter un éclairage nouveau pour la conduite de politiques publiques
prenant en compte l’interdépendance des territoires.
Le rapport complet sera publié à l’été 2012 dans la collection Travaux de la Datar, à La Documentation française.
SOMMAIRE
DES VILLES ET AGGLOMÉRATIONS AUX SYSTÈMES URBAINS // 7
UNE APPROCHE RELATIONNELLE ET GLOBALE DES
DYNAMIQUES TERRITORIALES // 8
LA FRANCE EN SYSTÈMES URBAINS :
LES TROIS ÉCHELLES D’INTERDÉPENDANCES // 10
Les systèmes urbains de proximité / 10
Les relations transversales inter-systèmes / 11
Les connexions à Paris / 11
DES SYSTÈMES URBAINS PLUS OU MOINS METROPOLISÉS // 12
PREMIERS ENSEIGNEMENTS DE CETTE ÉTUDE // 15
// 7
Des villes et
agglomérations aux
systèmes urbains
L’échange est une composante essentielle de l’organisation
des espaces par les sociétés. Sa croissance est incontestablement à la base des sociétés modernes. Tous les indicateurs prévoient le maintien, dans une certaine continuité,
de cette dynamique. Dans ce contexte, comprendre comment la mobilité et l’échange vont modifier les relations des
sociétés à l’espace est un enjeu déterminant pour concevoir le développement des territoires. Moteurs majeurs du
développement, les villes et en particulier les plus grandes
d’entre elles sont perçues comme des vecteurs incontournables de cette mise en réseau des territoires.
De nombreux travaux sur les villes françaises ont permis
d’accumuler des connaissances sur leurs forces et faiblesses dans un contexte d’européanisation et de mondialisation croissantes. Ces approches ont principalement mis
l’accent sur la concentration des populations, des activités
et des équipements dans ces espaces. Les perspectives
socio-économiques dominent largement les réflexions, et
les dynamiques territoriales sont appréhendées en termes
concurrentiels où seuls les processus de production des
richesses sont comptabilisés. Ces travaux viennent en
conséquence renforcer les théories autour de la hiérarchie
urbaine comme principe majeur d’organisation et de fonctionnement des territoires, conduisant invariablement à
reproduire les mêmes images toujours duales (relations de
« dépendances » des villes moyennes et petites par rapport
aux grandes, par exemple) des dynamiques territoriales et
urbaines.
Aujourd’hui pourtant tout concourt à montrer l’existence
de formes plus réticulées et plus polycentriques dans l’organisation des relations interurbaines soulignant le fait que
d’autres lieux et d’autres liens comptent et participent de
ce fait à la formation de systèmes territoriaux et urbains.
Ces configurations sont encore mal connues et restent difficiles à cerner pour des raisons variées qui vont de la difficile
collecte des informations relatives aux échanges, aux problèmes d’appréhension et de représentation de territorialités mobiles et des réseaux.
De plus, les analyses des relations entre les villes restent
souvent menées au prisme des infrastructures, ventilées
selon le mode de transport dominant qui les dessert, par
voie de mer, de terre ou d’air. Elles sont également dans
la majorité des cas saisies par la nature des biens et des
services échangés ou selon les types de populations effectuant ces mobilités.
8 //
Une approche
relationnelle et globale
des dynamiques
territoriales
Dans ce contexte, l’étude « Les systèmes urbains
français » 1 , réalisée pour la Datar, propose une approche
des dynamiques territoriales par l’analyse des relations
entre les espaces urbains qui met en évidence des fonctionnements multi-dimensionnels et multi-scalaires, qui se
définissent comme la combinaison du lieu et du lien, du
territoire et du réseau.
Cette étude a pris le parti de considérer l’ensemble des
aires urbaines 2 comme constitutives des systèmes urbains
français 3, parce que nous considérons que la capacité
à articuler des réseaux de relations ne tient pas exclusivement des grandes agglomérations. Les aires urbaines
constituent de plus en plus une unité de référence pour
définir ce qu’est une ville 4 aujourd’hui tant les mobilités
sont une dimension intrinsèque de l’urbain. Cette référence
s’inscrit aussi dans un contexte européen et international
qui privilégie l’aire fonctionnelle comme un territoire urbain
pertinent.
Cette étude développe une approche englobante des
territoires qui intègre un large spectre des modalités de
l’échange. En allant au-delà des visions segmentées et
sectorielles des dynamiques territoriales, elle révèle l’existence de réseaux « faisant système ». Il s’agit, dès lors,
de restituer la diversité de l’organisation spatiale des villes
en systèmes en termes de dimensions fonctionnelles,
d’échelles territoriales et d’appartenance aux réseaux.
Cette perspective a rarement été élaborée jusqu’à présent
dans les travaux de recherche.
1
Berroir S., Cattan N., Dobruszkes, F., Guérois, M., Paulus F., VacchianiMarcuzzo C., 2011. Les systèmes urbains français, Rapport de recherche
pour la Datar.
2
Dans la définition donnée par l’Insee, sur la base des périmètres définis en
1999, on dénombre 354 aires urbaines en France.
3
Les systèmes urbains français sont analysés dans le cadre national. Il
aurait été certes souhaitable d’intégrer les liens à l’international, notamment
l’échelle européenne, où les situations transfrontalières modifient et modèlent les configurations de certains systèmes urbains. Mais des difficultés de
disponibilité actuelle des données de l’échange à ces échelons ont empêché le développement de cette étude hors des frontières nationales.
4
Dans cette synthèse, on utilisera par convention de façon équivalente le
terme « aire urbaine » et « ville ».
Pour définir ces systèmes urbains, une sélection des
échanges et des mobilités qui font réellement système a
été faite. Les types de liens retenus reflètent, à la fois de
manière spécifique et complémentaire, les trois facettes
majeures des sociétés contemporaines :
• la société mobile et de loisirs constitue la première
facette et renvoie aux recompositions des temps
sociaux. Les mobilités des personnes, par la grande
variété des motifs, des durées et des fréquences des
déplacements qu’elles recouvrent, constituent un indicateur incontournable pour analyser l’intégration territoriale d’un ensemble de villes à différentes échelles,
allant du bassin de vie et d’emploi à des territorialités
plus vastes ;
• la société de la connaissance et de l’information, deuxième facette, peut être saisie par un ensemble de
flux emblématiques des nouvelles pratiques de communication et de recherche comme les partenariats
scientifiques qui se développent entre des institutions
de recherche et de développement ;
• la troisième facette concerne les aspects économiques et financiers qui donnent du sens aux flux
d’une société tertiaire mondialisée. Elle regroupe
par exemple les liens qui se tissent entre les différentes localisations des établissements d’une même
entreprise.
Dans ce cadre, les sept types de liens suivants (tableau 1)
ont été sélectionnés et pris en compte simultanément : les
mobilités domicile-travail, les mobilités de loisirs à travers
les résidences secondaires, les migrations résidentielles,
les liens de la société de la connaissance via les partenariats scientifiques, ceux de l’économie à travers les liens
entre sièges et établissements d’entreprises et la grande
vitesse avec un indice mixte train-avion.
Tableau 1. Les types de liens pour définir les systèmes urbains
Société mobile
et de loisirs
Société de la
connaissance et
de l’information
Mobilité domicile-travail
Migration résidentielle
Système Grande Vitesse
(offre aérienne + TGV)
Liens établissement(s)-siège dans les
secteurs technologiquement innovants
Partenariats scientifiques européens
Liens établissement(s)-siège dans
tous les secteurs d’activités
Liens résidences principalesrésidences secondaires
Indicateur déterminant
Indicateur important
Aspects économiques et
financiers
// 9
Figure 1. Les trois échelles des liens des systèmes urbains français
a. Les systèmes urbains de proximité
Intensité des liens
Note cumulée pour
7 indicateurs de liens
21.5
18
16
14
Forte
Moins forte
11.5
(au moins 3 indicateurs)
Système urbain de proximité de Paris
b. Les relations transversales inter-systèmes
Intensité des liens
Note cumulée pour
7 indicateurs de liens
25
Forte
16
Moins forte
12
(au moins 3 indicateurs)
c. Les connexions à Paris
Fait avec Philcarto - http://philcarto.free.fr
Intensité des liens
Note cumulée pour
7 indicateurs de liens
28
24
Forte
20
16
Moins forte
12
(au moins 3 indicateurs)
note < 12
Population totale des aires
urbaines en 2006
1748300
600000
100000
© UMR 8504 Géographie-cités (février 2011)
Sources : INSEE RP 2006, CLAP 2008, CORDIS, FILOCOM, SNCF/OAG 2010
10 //
Pour identifier concrètement les différents systèmes
urbains, la méthode retenue, celle d’un scoring valué 5, est
conçue au croisement de deux mesures complémentaires
des réseaux d’échanges. La première met l’accent sur l’ampleur des volumes échangés pour faire ressortir les liens les
plus massifs échangés entre les villes. La seconde met en
œuvre le principe d’attractivité préférentielle pour s’abstraire
des effets de taille dans une finalité de sélection des liens
plus spécifiques qui se développent entre les villes. Pour
qu’un lien entre deux aires urbaines soit considéré comme
constitutif d’un système urbain, il a été établi que le score
obtenu doit correspondre à plus de trois des sept modalités de l’échange, signifiant ainsi que les aires urbaines ont
des échanges effectifs dans plusieurs domaines socio-économiques. La robustesse des configurations des systèmes
urbains est ainsi attestée par ce cumul des modalités de
l’échange portant sur des domaines très différents.
La France en
systèmes urbains :
les trois échelles
d’interdépendances
L’apport majeur de cette étude réside dans la mise en évidence de réseaux d’interdépendances urbaines qui résultent du croisement de plusieurs modalités de l’échange.
Ces réseaux montrent que trois échelles sont constitutives
des systèmes urbains : les relations de proximité, les relations transversales inter-systèmes à l’échelle nationale et
les connexions à Paris 6 (figure 1).
Les systèmes urbains de proximité
26 systèmes urbains de proximité, hors aire urbaine
de Paris, ont été identifiés 7 (figure 1-a). Toutes les aires
urbaines françaises sont intégrées dans un système. Le
plus petit système regroupe 5 aires urbaines (système
d’Auxerre, avec 200 000 habitants), le plus grand 30 (système Lyon-Grenoble, avec 4 millions d’habitants).
Les configurations de ces systèmes de proximité mon5
Cette méthode simple de scoring a été choisie pour ses vertus pédagogiques. Des méthodes statistiques relevant de l’analyse des données ont
également été mobilisées et ont conduit à des résultats très similaires.
trent que les mises en réseau locales des villes françaises
s’inscrivent souvent dans les limites régionales, sans que
le modèle statistique ait influé a priori en ce sens. En effet,
la très grande majorité des liens connecte un ensemble
d’aires urbaines d’une même région : c’est le cas notamment dans les deux régions normandes, en Picardie et en
Lorraine. En Provence Alpes Côte d’Azur, en Bretagne et
en Rhône-Alpes, deux systèmes urbains restent bien identifiés au sein des régions.
Quelques exemples dérogent à ce constat : souvent des
petites villes localisées aux frontières régionales se rattachent au système urbain d’une région voisine. C’est le cas
par exemple des villes du sud de Poitou-Charentes comme
Angoulême et Royan qui se rattachent au système urbain
bordelais, des villes des Pays de la Loire comme Laval et
Mayenne qui rejoignent le système urbain rennais.
Compte-tenu de l’intensité des liens entre les grands pôles
urbains localisés dans deux régions différentes, deux systèmes urbains peuvent être qualifiés de transrégionaux :
celui de Besançon-Dijon, et, dans une moindre mesure,
celui du Mans-Alençon.
La variété des configurations spatiales de ces systèmes
locaux reflète des modalités de fonctionnement en réseau
très diversifiées. Le degré de polarisation8 fournit une image
synthétique des différentes modalités d’organisation de
chacun des 26 systèmes (figure 2).
Le système urbain de proximité de Bordeaux est le plus
polarisé suivi des systèmes toulousain, marseillais et lillois. A l’inverse, les systèmes de Lyon-Grenoble et de Nice
sont plus polycentriques. Globalement, cinq configurations
peuvent être distinguées. Avec un fonctionnement très
monocentrique les systèmes urbains de Limoges, Reims
et Clermont-Ferrand par exemple peuvent être figurés
par l’image de l’étoile. Le deuxième ensemble, avec par
exemple les systèmes de Marseille, Auxerre et Toulouse,
est également très polarisé par la grande ville principale
mais les autres villes du système échangent aussi significativement entre elles.
Les systèmes de Brest, Pau-Bayonne, Annecy et Caen
sont moyennement polarisés et développent des liens
forts sur des axes privilégiés entre au moins deux aires
urbaines du système. Le fonctionnement est plus polycentrique à Dijon-Besançon, Orléans-Tours, Lyon-Grenoble, et
Nantes-Saint-Nazaire par exemple. Les cinq systèmes de
6
Paris est entendu comme l’aire urbaine de Paris, dont le périmètre va audelà des limites administratives de la région Ile-de-France.
7
cf. en infra le cas du système urbain de proximité de Paris.
8
Issu de la théorie des graphes (indice de centralisation). Il varie de 0, ce
qui correspond à une faible polarisation du système, à 1 qui renvoie à une
polarisation maximale.
// 11
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
Bordeaux
Clermont-Ferrand
Reims
Limoges
Toulouse
Strasbourg
Montpellier
Auxerre
Marseille-Aix
Brest
Pau-Bayonne
Caen
Annecy
Lille
Rennes
Nantes
Lyon-Grenoble
Metz-Nancy
Besançon-Dijon
Orléans-Tours
Rouen
Troyes
Poitiers
Le Mans-Alençon
Nice
Amiens
Figure 2. La variété des configurations des systèmes urbains de proximité
0,8
0,9
Degré de polarisation des systèmes (valeur minimale 0, valeur maximale 1)
Faible
Fort
valeur moyenne
Nice, Amiens, Le Mans-Alençon, Tours et Poitiers se distinguent par un degré de polarisation très faible signifiant une
organisation polycentrique du système.
Lorsque l’aire urbaine de Paris est prise en compte dans
l’analyse, les configurations des systèmes urbains de proximité précédemment définies ne sont pas modifiées, sauf
pour les cinq systèmes de Rouen, Caen, Orléans-Tours,
Amiens et Le Mans-Alençon qui sont alors intégrés comme
constitutifs du grand système « parisien » qui compte ainsi
70 aires urbaines et totalise près de 17 millions d’habitants.
(cf. Figure 1a, encart système urbain de proximité de Paris)
Il est à noter que d’autres systèmes urbains de proximité
proches de la région capitale ne sont pas inclus dans ce
système. Il s’agit des systèmes d’Auxerre, de Reims et de
Troyes. Ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de liens (notamment des liens domicile-travail) mais que, par rapport au
modèle de caractérisation des systèmes, les villes de ces
systèmes ne présentent pas une diversité et une intensité
de liens avec Paris permettant de les considérer comme
intégrées au système parisien.
Les relations transversales inter-systèmes
Les systèmes urbains français ne peuvent se concevoir à
ce seul échelon de proximité. L’analyse a mis en évidence
la force des liens transversaux entre les pôles urbains
régionaux, les plus grands en particulier, mais des villes
moyennes sont également concernées (figure 1-b). Ces
liens sont encore très peu étudiés Pourtant ils constituent
une dimension majeure des systèmes urbains. L’étude a
montré que l’arrimage inter-systèmes est très robuste : il
porte en effet sur plus de quatre indicateurs de liens pour
un grand nombre de systèmes, comme à Marseille, Nice,
Bordeaux, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille, Strasbourg,
Lyon et Grenoble. Lyon, en particulier, et les grandes villes
du sud apparaissent comme des pivots majeurs de ces
relations transversales.
Cet arrimage transversal concerne également, mais dans
une moindre intensité et sur un nombre plus restreint d’indicateurs, les systèmes urbains de Tours-Orléans, ClermontFerrand, Dijon-Besançon. Ces structurations s’effectuent
dans une certaine réciprocité entre les différentes aires
urbaines, renvoyant ainsi à des processus d’intégration
de plus en plus réticulés et polycentriques à ces échelons
territoriaux.
Pour la plupart des systèmes urbains de proximité, la
grande majorité des liens transversaux s’effectue par la
plus grande ville du système qui peut ainsi être qualifiée de
« tête de pont » (figure 3). L’intensité de la polarisation par
la ville principale varie selon les contextes régionaux. LyonGrenoble qui déploie le plus grand nombre de transversales
(53 au total) se caractérise par une polarisation moyenne
de ses liens transversaux (un tiers issus de Lyon). MarseilleAix affiche également un indice de polarisation moyen pour
son arrimage transversal. Les cinq systèmes urbains de
Montpellier, Bordeaux, Nantes, Toulouse et Rennes, qui se
retrouvent en troisième position par l’importance de leurs
connexions transversales, affichent des modalités d’interconnexion contrastées. En effet, si les systèmes montpelliérain et rennais s’arriment à l’échelle nationale par plusieurs pôles constitutifs de leur système urbain, les trois
autres se connectent essentiellement par la plus grande
ville du système. Avec moins de 15 liens transversaux, les
autres systèmes présentent des arrimages contrastés, du
plus polarisé comme pour Metz-Nancy, Rouen, ClermontFerrand et Limoges, au plus diversifié comme pour Poitiers,
Le Mans-Alençon et Troyes.
Les connexions à Paris
La relation à l’aire urbaine de Paris est une dimension
constitutive de l’ensemble des systèmes urbains français.
Elle se fait le plus souvent par plusieurs pôles et non seulement par le pôle principal (figure 1-c). La forte intensité
12 //
Figure 3. Un arrimage transversal inter-systèmes très polarisé
50
Nombre de transversalités
40
Nombre de liens du système urbain de proximité
Nombre de liens polarisés par l’aire urbaine
principale du système urbain de proximité
30
20
10
0
Systèmes urbains de proximité
des liens qu’entretiennent les plus grands pôles urbains
de chacun des systèmes de proximité avec Paris ne doit
donc pas masquer les fortes interconnexions qui existent
également entre Paris et les villes moyennes, voire les
plus petites, de chacun des systèmes. Ainsi par exemple,
si Nantes entretient des liens avec Paris sur plus de cinq
types d’échanges, Saint-Nazaire, Cholet et La Roche-surYon sont aussi reliées à Paris par au moins quatre indicateurs différents.
Cinq systèmes urbains dérogent à cette règle d’arrimage
plus polycentrique à Paris : ce sont les systèmes niçois,
marseillais, toulousain, bordelais et caennais en particulier.
En effet, ces derniers sont principalement liés à Paris par le
pôle principal du système de proximité.
Des systèmes urbains
plus ou moins
métropolisés
Le deuxième volet de l’étude a consisté à évaluer un degré
de métropolisation des systèmes urbains de proximité.
Dans un très grand nombre de travaux, la métropolisation
est appréhendée par la capacité des villes à concentrer
des populations et des activités. Elle est également estimée par la nature et la qualité des fonctions présentes
dans ces villes. La capacité de commandement (administratif, économique et financier par exemple) et surtout une
offre d’emplois très qualifiée liée aux services avancés aux
entreprises sont souvent considérées comme les meilleurs
garants d’une visibilité européenne ou mondiale. Dans ces
approches, la taille des villes est perçue comme un prérequis : plus la ville est grande plus son potentiel métropolitain serait élevé.
Les dix dernières années ont pourtant montré que les
situations métropolitaines étaient beaucoup plus contrastées et que les effets d’une spécialisation raisonnée ainsi
que des effets de niches pouvaient contribuer à donner à
des villes de taille moyenne une visibilité à l’international.
Elles ont également montré combien la capacité d’insertion
et d’animation de réseaux sont, encore plus, des atouts
déterminants.
Dans cette perspective, l’étude a mobilisé quatre dimensions du développement territorial pour évaluer un degré
de métropolisation des systèmes urbains français. En cohérence avec l’approche par les flux qui fonde cette étude, il
s’agit d’aller au-delà des seules capacités de concentration
et de polarisation des villes et de prendre en compte explicitement les composantes de l’échange comme marqueurs
de la métropolisation :
// 13
• l’accumulation reste la première dimension à considérer pour évaluer le degré de métropolisation des
systèmes territoriaux. La population totale des villes
en constitue classiquement le marqueur principal.
Cette étude a préféré privilégier une entrée par la
richesse produite en mobilisant les salaires versés par
les établissements d’entreprises localisés dans ces
systèmes. Le volume de l’emploi est également une
mesure habituelle de la métropolisation. L’étude a fait
le choix de sélectionner l’emploi stratégique défini par
l’Insee et s’est donc focalisée sur la part des cadres
des fonctions métropolitaines ;
• l’attractivité, notamment internationale, est la deuxième dimension de la métropolisation. Elle est déclinée dans l’étude selon les quatre secteurs suivants :
le transport, les institutions (entreprises et organisations internationales), la recherche et le tourisme
afin de rendre compte de l’importance de certains
réseaux spécialisés. Dans la plupart des travaux,
cette capacité d’attraction est évaluée par le volume
des échanges et des liens. Cette étude a mis aussi
l’accent sur un aspect complémentaire qui relève de
la diversité et de la variété des partenaires. Pour en
donner quelques exemples le transport aérien, atout
d’une ouverture internationale réussie, est évalué par
l’éventail des destinations internationales et non par le
volume du trafic de passagers. Dans le même ordre
d’idée, l’étude mobilise l’éventail des pays étrangers
investisseurs dans le capital d’entreprises localisées
en France et non le volume des investissements
directs étrangers Le spectre géographique plus ou
moins large des partenaires scientifiques, abordé via
les programmes-cadres de recherche et développement européens, est aussi préféré au nombre de projets européens obtenus par les laboratoires français ;
• l’innovation est de plus en plus considérée comme le
marqueur de la compétitivité des villes dans leur mise
en concurrence à l’échelon mondial. Elle constitue la
troisième dimension de la métropolisation prise en
compte dans l’étude et, dans la lignée des travaux
sur la ville créative, a ici été évaluée par la proportion
des services à forte intensité de connaissances et des
industries de haute technologie dans l’emploi total, se
basant en cela sur les définitions de l’OCDE et d’Eurostat ;
• enfin, l’interconnexion, quatrième dimension, est un
aspect très original de l’évaluation de la métropolisation. Elle est pourtant imparfaitement prise en considération. L’étude fait l’hypothèse forte d’un lien entre
la capacité des systèmes urbains à animer et à fédérer, à l’échelon national, d’autres systèmes autour de
projets communs d’une part, et le positionnement de
ces systèmes dans les échelles de la mondialisation
d’autre part. Elle mobilise les réseaux nationaux multidimensionnels définis à la fois par les relations transversales entre les systèmes urbains et les relations
avec Paris.
Une analyse des 14 indicateurs mobilisés dans ces quatre
dimensions par une méthode d’évaluation qui s’assimile au
scoring permet d’attribuer un score global à chacun des
systèmes urbains de proximité. Sept groupes de systèmes
urbains ont alors été identifiés (figure 4).
Sans surprise, le système urbain de Paris se distingue très
fortement tant par son niveau de métropolisation que par la
diversité des dimensions présentes.
Le système urbain de Lyon-Grenoble se détache ensuite
nettement des autres systèmes urbains en émargeant sur
tous les indicateurs, révélant en cela un profil métropolitain
diversifié.
Les systèmes de Marseille-Aix, Toulouse, Nice et Strasbourg
arrivent en troisième position et présentent des modèles
de métropolisation très différenciés : relativement complet pour Marseille et plus spécialisé pour les trois autres.
Ce résultat montre que la construction d’une dynamique
métropolitaine peut aussi bien se jouer grâce à une stratégie de développement diversifié qu’avec une spécialisation
économique.
Les systèmes urbains de Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire
et Lille correspondent au quatrième groupe et affichent
des valeurs significatives sur plus de la moitié des 14
indicateurs.
Non loin derrière, le cinquième groupe, avec Rennes,
Orléans-Tours et Montpellier, se caractérise par des valeurs
moyennes sur l’ensemble des indicateurs et donc un degré
de métropolisation plus faible.
Les autres systèmes urbains sont encore plus faiblement métropolisés. Deux groupes peuvent cependant
être différenciés : le premier rassemble les systèmes de
Dijon-Besançon, Metz-Nancy, Annecy-Chambéry, Rouen,
Poitiers, Bayonne-Pau, Amiens, Le Mans-Alençon, Brest,
Clermont-Ferrand ; le second, avec les plus faibles scores,
comprend les systèmes de Caen, Troyes, Reims, Limoges
et Auxerre.
14 //
Figure 4. Le degré de métropolisation des systèmes urbains
Degré de métropolisation
des systèmes urbains
croisant 14 indicateurs
37
Forte
26
21
16
8
2
Faible
Le système urbain parisien (17 millions
d’habitants), hors échelle relativement au degré
de métropolisation, regroupe avec l’aire urbaine
de Paris, les systèmes de Rouen, Caen,
Orléans-Tours, Le Mans-Alençon et Amiens.
Population des systèmes
urbains en 2006
17000000
3879390
1500000
185965
Sources : INSEE RP 2006, CLAP 2008, LIFI 2008, ERASMUS, CORDIS, MAE, OAG - Fait avec Philcarto - http://philcarto.free.fr
Figure 5. Degré de métropolisation et taille des systèmes urbains
40
35
Sources : INSEE RP 2006, CLAP 2008, LIFI 2008, ERASMUS, CORDIS, MAE
Degré de métropolisation
30
25
20
15
10
5
0
0
1 000 000
2 000 000
3 000 000
Population des systèmes urbains de proximité
4 000 000
// 15
Dans les théories socio-économiques classiques, la population est souvent considérée comme un indicateur synthétique de la métropolisation. Cela signifie que, potentiellement, plus une métropole est grande plus ses capacités
d’accumulation, d’attraction internationale, d’innovation
et d’interconnexion nationale sont élevées. Cette lecture
macro-économique du processus est réductrice. Elle permet néanmoins de fournir un cadre de référence intéressant pour comparer les dynamiques de plusieurs systèmes
relativement à leur poids démographique.
Les huit systèmes urbains les plus métropolisés montrent,
en effet, que le poids démographique n’est pas suffisant
pour faire métropole (figure 5). En effet, Lille avec ses 3,3
millions d’habitants affiche un degré de métropolisation
équivalent à celui de Bordeaux et Nantes-Saint-Nazaire
pourtant bien plus petits (1,8 million).
A l’inverse, les trois systèmes urbains de Nice, Toulouse
et Strasbourg se distinguent par un fort degré de métropolisation par rapport à des systèmes de taille identique
comme respectivement Rouen, Bordeaux et Metz-Nancy.
Ces systèmes tirent parti d’une forte spécialisation, le premier grâce à son ouverture internationale liée notamment
au tourisme, le deuxième grâce à un profil spécifiquement
technopolitain, modelé par le poids des emplois dans les
industries aéronautiques innovantes et le troisième affiche
une métropolisation plus institutionnelle soutenue par la
forte présence d’organisations internationales.
Premiers enseignements
de cette étude
En adoptant une approche relationnelle englobante des
territoires, cette étude fait l’hypothèse forte que les liens
comptent autant que les pôles pour l’appréhension du
fonctionnement des territoires et de leurs dynamiques.
Les systèmes urbains sont alors appréhendés, de manière
pionnière, au croisement d’une large palette de liens. Les
modes de fonctionnement des territoires apparaissent
beaucoup plus diversifiés car ils intègrent les aspects multidimensionnels et multi-échelles des systèmes urbains.
Trois échelles sont partie prenante de l’organisation des
systèmes urbains français : les relations de proximité, les
relations transversales inter-systèmes, et les connexions à
Paris.
Ces nouvelles représentations des dynamiques territoriales soulignent combien il est nécessaire de prendre en
compte, au plan national comme local, toutes les échelles
auxquelles se déploient les interdépendances et les articulations entre les lieux. En intégrant conjointement la diversité des modes d’habiter, de produire et de circuler, les
systèmes urbains élaborés par cette étude définissent des
configurations pertinentes pour faire évoluer les politiques
d’aménagement et de développement des territoires et
penser de nouveaux modes de l’action publique territoriale.
Créée en 2011, cette collection à caractère scientifique entièrement numérique a pour objectif de rendre accessibles, certaines des études les plus récentes de la DATAR. L’intérêt est également de pouvoir proposer ces
travaux d’expertise ou de R&D confiés à des laboratoires de recherche ou à des cabinets de consultants dans
une version publique synthétique ou au contraire très complète, intégrant notamment le détail de la méthodologique et des annexes techniques complémentaires. Chaque numéro de cette nouvelle série est disponible
en téléchargement sur le site-portail de l’aménagement du territoire, www.territoires.gouv.fr, dans une version
maquettée facilement imprimable.
Ministère de l’agriculture,
de l’alimentation, de la pêche,
de la ruralité et
de l’aménagement du territoire
Datar • 2012