La drogue dans les relations Colombie-États-Unis

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La drogue dans les relations Colombie-États-Unis
alternatives sud, vol.
20-2013 / 81
La drogue dans les relations entre la Colombie et les États-Unis : bilan et perspectives
1
Arlene B. Tickner et Caroline Cepeda-Másmela2
Bien que son premier objectif fût le renforcement
de l’État colombien, le « plan Colombie » accordait
une place prioritaire à la « guerre aux drogues ».
Cette dernière n’a cependant eu qu’une efficacité extrêmement limitée, qu’on l’envisage sous
l’angle de la réduction du potentiel de production
de cocaïne ou sous celui de la disponibilité de la
drogue aux États-Unis. La Colombie doit profiter
de son expérience accumulée pour dynamiser les
débats autour de politiques alternatives.
Après dix ans et plus de sept milliards de dollars d’investissement, le plan Colombie est présenté par d’aucuns comme
un modèle de coopération bilatérale. Bien que formulé initialement
comme une version augmentée et améliorée de l’accord de coopération antidrogues existant entre Bogotá et Washington depuis
les années 1980, dans la pratique, le plan a pris essentiellement la
forme d’une stratégie de contre-insurrection et de renforcement de
l’État, à l’intérieur de laquelle la « guerre aux drogues » a occupé
une place prioritaire.
Bien qu’il y ait consensus entre partisans et adversaires du plan
Colombie quant aux transformations qu’a subies la Colombie depuis
2000 sur le plan du contexte interne de sécurité, le bilan en matière
1. Article paru dans l’ouvrage Políticas antidrogas en Colombia : éxitos, fracasos y extravíos (2011), Bogotá, Uniandes, sous le titre : « Las drogas ilícitas en la relación ColombiaEstados Unidos : balance y perspectivas ».
2. Respectivement professeure et assistante de recherche au département de sciences
politiques de l’Université des Andes (Bogotá).
82 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
de drogues illicites est moins clair. La réduction des cultures de coca
et du potentiel de production du pays depuis 2004 a amené certains
à affirmer que la Colombie était en train de gagner la « guerre aux
drogues », un front essentiel de la « guerre contre le terrorisme »
étant donné les liens entre acteurs armés et trafic de drogues en
Colombie. À l’inverse, le fait que la superficie totale des cultures
illicites en 2008 était comparable à son niveau de 1999 (d’après
les statistiques états-uniennes elles-mêmes), que la disponibilité, le
prix et la pureté de la cocaïne dans les rues états-uniennes avaient
peu évolué, et que plusieurs effets collatéraux – y compris l ‘« effet
ballon3 » – se manifestaient, sont considérés par d’autres comme
des preuves éclatantes de l’échec en matière de drogues.
Alors que le gouvernement Uribe n’a eu de cesse de réaffirmer
une politique de « tolérance zéro » contre toutes les formes de drogues illicites, en ce compris leur utilisation à des fins personnelles,
la tendance est tout autre aux États-Unis. Plus de quatorze États,
dont le district de la capitale, ont légalisé la marijuana médicale et
un nombre croissant de gens pense que la substance doit être réglementée et soumise à l’impôt, comme l’alcool et le tabac4. La crise
économique a mis en évidence le coût des politiques punitives. Et
bien que la question des drogues illicites soit toujours l’objet d’inertie bureaucratique à Washington, des indices montrent que tant l’administration Obama que le Congrès ont commencé à réévaluer une
politique officielle inchangée depuis près de quarante ans. Parmi
ces signes, notons la nomination de Gil Kerlikowske comme « tsar »
antidrogue, qui a appelé à abandonner l’expression « guerre contre
les drogues » ; le changement de position sur les stratégies telles que
l’éradication des cultures illicites en Colombie et en Afghanistan ; et
un projet de loi du congressiste Eliot Engel pour examiner la politique des drogues dans l’hémisphère occidental.
Le fait que le dixième anniversaire du plan Colombie ait coïncidé
avec un changement de gouvernement en Colombie et l’avènement
d’un climat d’évaluation et d’ouverture aux États-Unis offre l’occasion d’analyser rétrospectivement cette problématique au sein des
3. L’« effet ballon » est la tendance des cultures illicites et d’autres phases de la production
de drogues de passer à d’autres régions en réponse aux campagnes d’éradication.
4. Plusieurs sondages d’opinion comme Zogby, Gallup y Pew Research Center for the
People and the Press, suggèrent qu’environ 75 % des Américains sont favorables à la
vente et à l’utilisation de la marijuana à des fins médicales, et qu’entre 40 et 50 % estiment que la consommation devrait être légalisée complètement.
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relations bilatérales et d’envisager les scénarios futurs possibles.
La discussion développée ici mettra l’accent sur le volet « drogues
illicites » du plan Colombie et dans une moindre mesure sur les
autres composantes de l’initiative, telles que la contre-insurrection
et le renforcement des forces de sécurité (tout en gardant à l’esprit
que celles-ci étaient tout aussi, voire plus importantes pour le gouvernement colombien).
La « guerre aux drogues » : principes et présupposés
L’interprétation des drogues illicites comme une « menace » et
un « danger » a une longue histoire dans l’imaginaire social et politique des États-Unis (Campbell, 1992 ; Bewley-Taylor, 2001). C’est
en 1971 que le président Richard Nixon a déclaré qu’elles constituaient l’« ennemi public numéro un » contre lequel il fallait livrer une
« guerre ». La politique états-unienne était basée sur deux présupposés distincts mais complémentaires depuis le début du 20e siècle :
d’une part les drogues constituent un mal moral, d’autre part elles
représentent une menace à la sécurité.
Entre les traits qui ont déterminé « l’exceptionnalisme américain », le moralisme, qui dérive principalement de l’éthique protestante du travail, occupe une place prépondérante dans la politique
nationale et internationale des États-Unis (Campbell, 1992 ; BewleyTaylor, 2001). L’origine religieuse des attitudes états-uniennes visà-vis de questions telles que les drogues, la sexualité, le crime et
la punition expliquent en grande partie la nature des débats publics
sur ces thèmes (Kennedy, 2007). En plus de leur représentation
comme un « mal » face auquel les États-Unis ont le devoir moral
d’agir, la consommation de drogues est historiquement envisagée
comme un comportement « dépravé », qui s’inscrit en dehors des
limites « normales » de la société (Bewley-Taylor, 2001).
D’où également le présupposé, au départ duquel sont construites
la problématique des drogues comme les politiques devant les combattre, selon lequel ce mal trouve son origine à l’extérieur des ÉtatsUnis, dans les pays producteurs, ou à l’intérieur du pays, mais dans
des groupes sociaux indésirables, essentiellement les minorités raciales et ethniques (Campbell, 1992). Le fait que les drogues soient
interprétées comme un mal universel portant atteinte à la pureté
morale exerce aussi une influence restrictive sur le débat public.
Non seulement celui-ci est envisagé en termes rigides et dichotomiques (bien/mal, prohibition/légalisation), mais les innombrables
84 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
études provenant de disciplines multiples suggérant que la « guerre
aux drogues » n’a pas fonctionné sont ignorées ou délégitimées
en ce qu’elles n’ont pas comme axe central l’impératif moral qui
accompagne le problème.
Le moralisme n’est cependant pas la seule base des politiques
antidrogues états-uniennes, celles-ci se fondent également sur
l’identification des drogues illicites comme une menace à la sécurité. Le concept de « sécurisation » (securitización) souligne l’importance des discours engagés par les États lorsqu’il s’agit de justifier
leurs politiques (Wæver, 1995). À travers leurs discours, les acteurs
étatiques produisent effectivement des lectures des problèmes publics qui ne sont pas tant le produit d’évaluations objectives que
d’un ensemble de facteurs historiques, politiques, sociaux et culturels (Lipschutz, 1995). Dans le cas de la sécurité, le simple fait de
qualifier une question spécifique de menace à la sécurité produit
des effets politiques importants (Wæver, 1995), comme celui de
permettre aux représentants de l’État d’invoquer un état d’urgence
et de se donner le droit d’utiliser n’importe quelle stratégie pour lutter contre ce phénomène, y compris l’usage de la force. Par conséquent, la « sécurisation » permet à l’État de monopoliser le traitement de certains problèmes, en même temps qu’il les soustrait de
la sphère publique où ils pourraient être soumis à la dynamique du
débat démocratique et à la réflexion sur des politiques alternatives.
C’est donc cette combinaison de religiosité dans la compréhension du phénomène et de discours de sécurisation qui explique la
durabilité des politiques actuelles. Le paradigme prohibitionniste
que cette combinaison génère fournit une lecture spécifique des
drogues illicites – « elles sont mauvaises et il faut en finir avec
elles » –, de la source du problème – « elles sont trop bon marché
et faciles à obtenir » –, comme des solutions possibles – « punition,
coercition, prohibition » (Bertram et al., 1996). De cette manière le
paradigme trace les limites à l’intérieur desquelles le débat sur le
sujet, de même que les politiques à adopter, doivent être cantonnés.
Ces politiques consistent alors en une combinaison d’interdiction, d’éradication, de lutte contre les organisations de narcotrafiquants dans les pays producteurs, et de criminalisation et incarcération aux États-Unis pour régler le problème de la demande, avec
bien peu d’accent sur le traitement et l’éducation. « Si la guerre
contre l’offre cherche à dissuader la consommation en augmentant
le coût économique de l’utilisation des drogues, la guerre contre les
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consommateurs vise à augmenter le risque associé à la consommation en imposant des mesures punitives… » (Bertram et al., 1996).
Vu sa conception comme une réponse à une menace à la sécurité,
la « guerre aux drogues » suppose aussi une composante militaire
significative, la suspension du droit de la société de donner son avis
sur le traitement du sujet et des « dommages collatéraux ».
Au-delà de ces facteurs, signalons également l’existence d’une
inertie politique et bureaucratique à Washington qui renforce la résistance au changement en dépit de la reconnaissance croissante
du fait que la « guerre aux drogues » a été un échec. Bien qu’un
nombre croissant d’États-Uniens pense que la politique actuelle ne
fonctionne pas, seule une petite partie d’entre eux pense qu’il faut
sortir du paradigme punitif, sauf pour la marijuana (Naim, 2009).
C’est pourquoi le risque politique associé à la formulation de stratégies alternatives est élevé, en particulier dans le cas de la Chambre
des représentants, qui est renouvelée tous les deux ans. Le niveau
d’institutionnalisation bureaucratique produit par des décennies de
mise en œuvre d’une même politique constitue donc un obstacle
en soi.
Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 ont entraîné un
changement de forme dans la « guerre aux drogues ». À savoir, la
« guerre mondiale contre le terrorisme » est devenue la nouvelle
stratégie de sécurisation des États-Unis, qui lie dans un même cadre
d’analyse un ensemble de menaces mondiales, en ce compris le
trafic illégal de drogues et d’armes. La connexion entre le terrorisme
et la drogue, symbolisée par le nouveau concept de « narcoterrorisme », a permis de relier la sécurisation de ces deux problèmes
(Buzan, 2006). Qui plus est, comme cela s’est passé dans le cas
des drogues, le terrorisme a commencé à être envisagé à travers un
prisme moraliste, dont témoignent les expressions « axe du mal »,
« tolérance zéro » ou « justice infinie ».
La « terrorisation » de la « guerre aux drogues » a eu des implications importantes sur les politiques antidrogues des États-Unis
en Colombie, où la rupture du processus de négociation entre le
président Andrés Pastrana et les FARC a conduit à l’identification
de ces dernières comme un acteur terroriste5. L’insertion par le
5. Alors que les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie, extrême gauche),
l’ELN (Armée de libération nationale, extrême gauche) et les AUC (Autodéfenses unies de
Colombie, extrême droite) avaient déjà été classées comme des organisations terroristes
86 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
gouvernement colombien de ce conflit interne dans la guerre mondiale contre le terrorisme a influé sur les relations bilatérales entre
la Colombie et les États-Unis. D’une relation « narcotisée », où les
seules choses dignes d’intérêt pour les États-Unis en Colombie
étaient liées à la drogue, on est passé à une relation ayant le renforcement de l’appareil coercitif de l’État, principalement dans ses
fonctions de contre-insurrection, comme objectif fondamental.
Colombie-États-Unis : une relation « narcotisée »
Depuis le milieu des années 1980, les relations bilatérales entre
la Colombie et les États-Unis s’étaient « narcotisées », suite à l’expansion des organisations de trafiquants en Colombie et à la préoccupation croissante des États-Unis quant aux niveaux de consommation de drogues illicites sur leur sol et à la criminalité qui y était
associée (Tokatlian, 1995 ; Crandall, 2002). L’Initiative andine, mise
en place par la première administration Bush en 1989, à la fin de
la guerre froide, a donné à la Colombie une place particulière au
sein de l’agenda de politique étrangère des États-Unis au nom de la
lutte contre le narcotrafic. C’est à partir de ce moment que la façon
dont la « guerre contre les drogues » a été menée en Colombie a
dépendu dans une grande mesure de l’approche états-unienne du
problème6.
Le rôle des drogues dans les relations bilatérales a subi un
changement majeur après l’administration d’Ernesto Samper, suite
essentiellement à la mutation de l’économie politique du trafic de
drogues dans le pays et à ses synergies croissantes avec le conflit
armé (Tokatlian, 2000 ; Tickner, 2007a). Lorsque Samper a pris ses
fonctions en 1994, la division du travail à l’intérieur des filières de la
cocaïne était la suivante : le Pérou et la Bolivie produisaient l’essentiel de la matière première végétale et les cartels colombiens la transformaient et l’exportaient. Cette structure a changé au milieu des
années 1990, quand les campagnes d’éradication et d’interdiction
avant le 20 février 2002, ce n’est qu’à partir de cette date que le gouvernement colombien
commença à utiliser cette expression dans ses allusions publiques aux acteurs armés.
6. Pour autant, la violence libérée par les cartels de la drogue à la fin des années 1980
pour empêcher l’extradition de leurs membres vers les États-Unis avait amené le président Gaviria à changer de stratégie et à privilégier le processus judiciaire colombien.
Néanmoins, l’évasion de Pablo Escobar de la prison de la Cathédrale avait suscité un
regain de pression des États-Unis pour que le pays revienne à l’orthodoxie antidrogues
(Mathiesen, 2000).
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au Pérou et en Bolivie, ainsi que la rupture du pont aérien entre ces
deux pays et la Colombie, ont entraîné le déplacement des cultures
de coca en Colombie (« effet ballon »). La production colombienne
de coca a de ce fait augmenté d’environ 50 % entre 1996 et 1998
(GAO, 1999), de telle sorte que le pays est devenu le plus grand
producteur de coca au monde. Qui plus est, le démantèlement des
cartels de Cali et de Medellin au milieu de la décennie a créé un
vide de pouvoir qui a été rempli aussi bien par des mini-cartels que
par les acteurs armés illégaux, en particulier les paramilitaires et les
FARC. La participation de ces deux groupes aux différents maillons
de la chaîne de production leur a procuré une source cruciale de
revenus qui a accéléré leur expansion territoriale.
Quand Andrés Pastrana a été élu président, en juin 1998, la
Colombie fournissait 90 % de la cocaïne consommée aux ÉtatsUnis et une grande partie de l’héroïne vendue sur sa côte est. Le
nouveau chef d’État héritait qui plus est d’un pays au bord de l’effondrement : « Une convergence de facteurs de déstabilisation, dont les
drogues, les groupes armés illégaux, la faiblesse de la sécurité publique, la corruption officielle, l’escalade de la violence et une grave
récession économique, avaient entraîné une érosion dramatique
de l’autorité publique » (De Shazo et al., 2007). Pour le nouveau
gouvernement, un « plan Marshall pour la Colombie » – qui visait la
reconstruction du pays par la coopération internationale – était fondamental pour atteindre la paix. La lutte contre le narcotrafic n’était
qu’une dimension parmi d’autres de ce plan. Dans une première
version de ce qui deviendrait le plan Colombie, présentée en octobre 1998 par Pastrana, le développement alternatif était identifié
comme le premier de six objectifs, parmi lesquels la réduction de
l’offre (où l’éradication n’occupait qu’une place très secondaire), le
renforcement de la justice, la réduction de la demande, la protection
de l’environnement et la coopération internationale. Parallèlement,
le président colombien effectua plusieurs visites à la Maison Blanche
cette même année afin de convaincre son homologue Bill Clinton
que la fin du conflit armé était une condition nécessaire pour contrer
plus efficacement le trafic de drogues (Tickner, 2007a).
Malgré ses efforts pour se démarquer de la lecture états-unienne
du problème, il était clair pour le gouvernement Pastrana que le succès ou l’échec de sa « diplomatie de la paix » dépendait en grande
partie du soutien des États-Unis (du fait du manque d’intérêt des
autres donateurs) et que la source d’intérêt de Washington pour la
88 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
Colombie était toujours la « guerre aux drogues » (Arnson & Tickner,
2010). Pastrana chercha donc à assurer la participation des ÉtatsUnis en invoquant cette guerre. La version du plan Colombie déposée aux États-Unis intégrait donc un large éventail de problèmes
considérés importants, parmi lesquels la reprise économique, la
réforme de la justice, le développement et les droits humains, dans
le cadre d’une stratégie centrée sur les drogues illicites (Bureau du
président de la République, 1999).
Bien que dans sa conception d’origine le plan Colombie fût
conçu comme une politique complémentaire au processus de paix
avec les FARC, il a fini par être surdéterminé par sa composante
militaire et par le problème des cultures illicites dans le sud du pays,
où la présence des FARC rendait difficiles les activités policières de
lutte contre les stupéfiants. Par conséquent le premier paquet d’aide
américaine, soit 1 600 millions de dollars pour 2000 et 2001, s’est
concentré à 80 % sur le soutien à l’armée et, dans une moindre
mesure, à la police, et a pris la forme de livraisons d’hélicoptères,
d’entraînement de bataillons antidrogues et de soutien militaire aux
activités d’éradication et d’interdiction.
Néanmoins, considérer le plan Colombie comme simplement
« plus du même » dans la « guerre aux drogues » serait une erreur.
L’argument avancé par le gouvernement Pastrana dans le « plan
pour la paix, la prospérité et le renforcement de l’État » (Présidence
de la République, 1999) était que les drogues illicites constituaient
une menace pour la sécurité nationale colombienne essentiellement parce qu’elles servaient de carburant au conflit armé, et que
l’État était trop faible pour faire seul face au problème. La faiblesse
de l’État se conjuguait à son absence de monopole sur le territoire
colombien et sur l’usage de la force, empêchant la mise en œuvre
effective des politiques antidrogues dans les régions du sud où sont
concentrées les cultures de coca et qui sont justement contrôlées
par la guérilla. Ainsi, du point de vue colombien, le plan Colombie
remplissait une double fonction : renforcer l’État en améliorant ses
capacités militaires et isoler les FARC d’une de leurs principales
sources de revenus dans le sud de la Colombie, en particulier dans
le Putumayo, où les cultures avaient connu une croissance exponentielle (Présidence de la République, 1999).
Indépendamment de son succès en tant que stratégie antidrogues, le plan Colombie a satisfait les intérêts des deux pays,
qui n’étaient pas nécessairement les mêmes : dans le cas des
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États-Unis, il fallait faire preuve de détermination dans la « guerre
aux drogues », et dans celui de la Colombie, il fallait s’assurer du
soutien de Washington pour renforcer l’armée et réduire le contrôle
territorial des FARC dans les zones de culture de coca. Toutefois,
à mesure que les termes du débat bilatéral évoluaient avec l’exécution du plan, le principal objectif des États-Unis en Colombie –
réduire la quantité de stupéfiants qui rentrent sur leur sol – s’est vu
circonscrire au renforcement de l’État colombien et à la stabilisation
du pays (Wallace-Wells, 2007 ; Arnson & Tickner, 2010).
Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et le virage de
la politique étrangère états-unienne ont donné un nouveau tour
aux relations bilatérales avec la Colombie. Les FARC, l’ELN et les
AUC étant sur la liste des organisations terroristes du Département
d’État états-unien, la « guerre aux drogues » est largement devenue l’appendice de la « guerre mondiale contre le terrorisme. » Bien
que certains responsables du gouvernement états-unien parlaient
déjà du cas colombien en termes de « narcoterrorisme », ce n’est
que le 20 février 2002, lorsque le président Pastrana prit la décision
de mettre fin au processus de paix avec les FARC, que le gouvernement colombien fit sienne cette représentation. Il s’employa
dès lors à répandre l’idée selon laquelle le conflit colombien était la
plus grande menace terroriste de l’hémisphère occidental (Moreno,
2002), installant de la sorte la Colombie au cœur des nouvelles priorités états-uniennes.
Un effet quasi immédiat du changement dans le langage utilisé
par les deux pays fut la levée des restrictions liées à l’utilisation de
l’aide militaire américaine reçue dans le cadre du plan Colombie.
En mars 2002, le président George W. Bush demanda au Congrès
l’autorisation d’utiliser ces forces dans la lutte contre le terrorisme,
suite à quoi la distinction ténue que Washington avait cherché à
maintenir entre les activités de lutte antidrogues et de contre-insurrection se dissipa complètement.
Cette tendance s’est poursuivie et approfondie après l’élection
d’Álvaro Uribe en mai 2002. Dès ses débuts, le projet central de ce
gouvernement a été la définition et la mise en œuvre d’une politique de sécurité dont les deux axes principaux étaient la guerre
contre les groupes armés illégaux et la guerre contre le trafic de drogues. Malgré des différences marquées entre les gouvernements
Pastrana et Uribe, la « politique de défense et de sécurité démocratique » du second se basait largement sur le diagnostic de la crise
90 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
colombienne formulé par le premier au moment de l’élaboration du
plan Colombie avec les États-Unis. À savoir, que la faiblesse de
l’État colombien créait des conditions propices au développement
des groupes armés et du narcotrafic, et qu’une condition nécessaire
pour garantir l’État de droit et renforcer l’autorité démocratique était
de retrouver un contrôle public sur le territoire national (Présidence
de la République et ministère de la défense nationale, 2003).
La convergence dans l’analyse du problème, ainsi que dans
certaines des politiques nécessaires pour le résoudre – en particulier la professionnalisation et la modernisation des forces de sécurité publiques, un processus entamé sous Pastrana – a permis de
conserver un degré élevé de continuité dans la relation ColombieÉtats-Unis (Tickner & Pardo, 2003). Dans la mesure où Washington
se considérait comme un partenaire décisif pour la mise en œuvre
de la politique de sécurité démocratique, le maintien d’une relation
bilatérale « spéciale » et l’élargissement du rôle des États-Unis dans
le conflit interne est devenu l’objectif principal de la politique extérieure colombienne (Borda, 2007 ; Tickner, 2007b). Le durcissement
du discours antidrogues et antiterroriste de la part du gouvernement
Uribe a facilité ce processus en rapprochant encore les perspectives, stratégies et objectifs des deux pays.
Sur le thème spécifique des drogues, tandis que pour Pastrana
elles constituaient essentiellement un moyen de garantir la collaboration de Washington au renforcement de l’État afin de générer les
conditions de la paix, pour le gouvernement Uribe la « guerre contre
le narcoterrorisme » est devenue une fin en soi, à l’intérieur comme
à l’extérieur du pays. Ceci met en évidence une lecture distincte de
la crise colombienne et du rôle joué par le narcotrafic, qu’Uribe résumait régulièrement en disant que « la Colombie souffre toujours de
violence parce qu’il y a des drogues illicites7 » ; en d’autres mots il n’y
aurait pas de terrorisme s’il n’y avait pas de drogues. L’application
énergique d’une politique de « tolérance zéro » face à toute manifestation du problème des drogues, en ce compris la consommation,
peut être attribuée à ce changement d’approche.
La radicalisation de la « guerre aux drogues » s’est reflétée, notamment, dans la levée de toutes les restrictions aux épandages
aériens des cultures illicites ; dans l’augmentation exponentielle des
7. Discours d’Álvaro Uribe devant l’Assemblée générale des Nations unies, 24 septembre
2008.
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surfaces concernées ; dans la multiplication des saisies de pâte de
coca et de cocaïne, dans la destruction de laboratoires ; et dans
l’augmentation des extraditions de nationaux colombiens vers les
États-Unis.
Le démarrage du plan Patriote en 2003 entraîna un niveau plus
intense de coopération militaire entre la Colombie et les États-Unis,
avec l’objectif d’augmenter les capacités offensives des « Fuerzas
Armadas » colombiennes. Cette étape coïncidait avec la première
des trois phases de la stratégie de consolidation de la politique de
sécurité démocratique conçue conjointement avec l’administration
états-unienne, qui consistait à : 1) expulser les FARC de différentes
zones du territoire national pour y réinstaller le contrôle de l’État ; 2)
stabiliser les zones contrôlées à travers la présence permanente de
la puissance publique ; et 3) consolider la présence de l’État à travers un plan d’action intégral conjuguant les efforts militaires contreinsurrectionnels et antidrogues avec les activités civiles, notamment
le développement économique et l’administration de la justice.8 La
stratégie fut adoptée pleinement par le gouvernement Uribe à partir
de 2006, lorsqu’il créa le Centre de coordination de l’action intégrale
et veilla à la mise en œuvre des plans de consolidation intégrale en
divers centres régionaux, parmi lesquels Macarena et Montes de
Maria (Ministère de la défense nationale, 2007).
Un des enseignements de la mise en œuvre de la stratégie de
l’action intégrale en Colombie – surtout pour l’USAID, qui gère les
fonds de développement alternatif – est l’idée que l’accent mis sur
l’éradication de cultures illicites doit être remplacé par une politique
plus flexible (USAID, 2009), ce qui implique une variation dans
l’approche des États-Unis. Cette tendance a été renforcée par
des modifications de l’aide états-unienne pour la Colombie depuis
2008, qui ont réduit son volet assistance militaire, notamment pour
les épandages aériens, et revu à la hausse ses investissements
dans des activités comme le développement alternatif et la réforme
judiciaire.
8. La « doctrine de l’action intégrale » reflète les conceptions actuelles du secteur militaire
états-unien en matière d’opérations contre-insurrectionnelles. Elle insiste sur l’importance
de coordonner ces opérations avec les activités antinarcotiques et la présence civile de
l’État et d’accentuer l’ « engagement » auprès de la population civile (Marcella, 2008).
92 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
Bilan global de la « guerre aux drogues » dans la relation
bilatérale9
Les évaluations des succès et échecs du plan Colombie sont
nombreuses (GAO, 2008 ; Acevedo, Bewley-Taylor & Youngers,
2008 ; Mejía & Restrepo, 2008 ; De Shazo, Mendelson et McLean,
2009, Isacson & Poe, 2009 ; Felbab Brown et al., 2009). La majorité d’entre elles se penchant tant sur le volet sécuritaire que sur
le volet drogues, elles constituent une bonne base pour la réalisation d’un bilan de la « guerre aux drogues » dans la relation bilatérale Colombie-États-Unis. Ce bilan exige également de prendre
en compte les objectifs propres à chaque pays en matière de drogues illicites et d’analyser les statistiques disponibles en fonction de
ceux-ci. Pour les États-Unis, le principal objectif était de diminuer la
quantité de cocaïne entrant sur le territoire national, afin d’influer sur
sa pureté et son prix et de diminuer la consommation (laquelle est
bien entendue également dissuadée par des politiques punitives).
Pour l’exécutif colombien, il fallait réduire la production pour saper
les sources de financement des groupes armés illégaux.
Côté colombien
La Colombie, en particulier durant les deux gouvernements
Uribe, a inscrit la « guerre aux drogues » dans la perspective de la
« tolérance zéro » face à la production de cocaïne. Il s’agissait de
réduire les cultures de cocaïers, de démanteler les laboratoires,
de saisir la pâte base, la cocaïne et les précurseurs chimiques, et
d’augmenter le nombre d’extraditions. Pour autant, comme nous
l’avons signalé, l’intérêt pour la coopération militaire des États-Unis
dans la réalisation d’activités de contre-insurrection était tout aussi
grand, voire plus grand encore. Si le plan Colombie a contribué à
améliorer la sécurité interne en Colombie, il existe un consensus
selon lequel ses réalisations en matière de réduction des cultures
et de la production de cocaïne sont relativement éloignées des objectifs avancés (GAO, 2008 ; Acevedo, Bewley-Taylor et Youngers,
9. Depuis les années 1990 un grand nombre d’analyses ont été réalisées du modèle
prohibitionniste appliqué par les États-Unis et reproduit par des pays producteurs tels que
la Colombie, notamment de leurs déficiences principales. Pour des discussions représentatives, voir Clawson & Lee, 1996 ; Bertman et al., 1996 ; Thoumi et al., 1997 ; Vellinga,
2004 ; Youngers & Rosin, 2005 ; et Tokatlian, 2009.
la drogue dans les relations entre la colombie et les états-unis
/ 93
2008 ; DeShazo, Mendelson et McLean, 2009, Isacson & Poe,
2009 ; USAID, 2009).
Il y a bien eu une diminution générale des cultures de coca en
Colombie entre 1999 et 2008, mais il n’y a pas de convergence
entre les rapports du Département d’État et de l’ONUDC quant à
son envergure10. D’après le Département d’État, le nombre d’hectares cultivés en 2008 (119 000) était quasi équivalent à celui de
1999 (122 500), l’année précédant le démarrage du plan Colombie.
Par contre, les chiffres de l’ONUDC suggèrent que les superficies
cultivées ont baissé de moitié sur cette même période, passant de
160 100 à 81 000 hectares. Indépendamment de ces écarts, les
deux sources témoignent d’un mouvement pendulaire de hausse et
de baisse des surfaces cultivées, les hausses étant nettement plus
prononcées pour le Département d’État. Pour ce dernier comme
pour l’ONUDC, il n’y a pas de correspondance entre les taux de
réduction des cultures illicites et les efforts d’éradication adoptés
à partir de 2000. L’évolution de la réduction de ces cultures ne recoupe pas l’augmentation des efforts d’éradication et il y a même
des années où les surfaces cultivées ont augmenté alors que les
actions d’éradication redoublaient d’intensité. Ceci suggère non
seulement une grande capacité d’adaptation de la part des cultivateurs et de l’industrie en général, mais aussi un manque d’efficacité
de l’éradication comme stratégie prédominante dans la lutte contre
les drogues (Thoumi, 2009).
À partir de 2005, l’éradication manuelle des cultures illicites s’est
ajoutée à l’épandage aérien. Cette modalité n’a cessé de croître
jusqu’en 2008, lorsque 95 000 hectares de coca sur 229 000 éradiqués le furent à la main. Ce pic dans l’éradication manuelle a coïncidé avec la première réduction dans la superficie totale des cultures
rapportée par les États-Unis depuis 2003, ce qui a permis d’affirmer que cette stratégie était plus efficace que l’épandage aérien.
Néanmoins, d’après le bilan opérationnel de la Direction antinarcotiques de la police nationale, en 2009, l’éradication manuelle était
revenue à 60 000 hectares sur un total de 165 000, non seulement
parce qu’il s’agit d’un procédé plus lent et plus coûteux, mais parce
10. D’après les données de l’ONUDC, en 2009, les cultures de feuille de coca en
Colombie sont passées de 81000 à 68000 hectares. Cependant, comme cela s’est passé
entre 2007 et 2008, une part significative de cette réduction est due à la sécheresse qu’a
connue le pays et non à la politique d’éradication.
94 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
que les coupures dans l’assistance états-unienne ont surtout touché
les activités d’éradication.
Febalb-Brown et al. identifient trois facteurs ayant favorisé la
reprise de la coca en Colombie après les succès initiaux de 2001
et 2003 en matière de réduction : les stratégies d’adaptation des
paysans et des trafiquants, parmi lesquelles l’utilisation de plantes
à plus haut rendement, l’augmentation de la densité des cultures,
la réduction des tailles moyennes et l’adoption de techniques permettant de minimiser les effets des épandages ; l’existence d’obstacles culturels à l’abandon par les paysans des cultures illicites et
la politique de « tolérance zéro » du gouvernement Uribe face aux
cultures illicites, qui supprime l’aide officielle aux zones du pays
abritant des champs de coca. Par conséquent Febalb-Brown, tout
comme Acevedo, Bewley-Taylor et Youngers (2008), de même que
l’International Crisis Group (2008a) concluent à la nécessité de renouveler l’approche en s’attaquant aux causes structurelles de la
culture de la coca et en intégrant et synchronisant tous les éléments
de la politique antidrogues.
Bien que le nombre d’hectares cultivés en Colombie ait diminué, cela ne s’est pas traduit par une réduction proportionnelle du
potentiel de production de cocaïne, ni de sa disponibilité dans les
rues des États-Unis. Les données suggèrent qu’il y a eu une réduction dans le potentiel de production ces dernières années, mais
il n’y pas de relation directe, ni constante, entre la diminution des
cultures de feuilles de coca et la production de cocaïne. D’après le
gouvernement états-unien, les cultures illicites ont baissé de 2,8 %
entre 1998 et 2008 tandis que le potentiel de production se réduisait
de 44,3 %. Par contre, pour l’ONUDC, la réduction des cultures a
été plus importante que celle du potentiel de production de cocaïne,
soit 49,4 % et 36,8 % respectivement.
Cette relation asymétrique entre réduction des cultures et potentiel de production de cocaïne incite à penser que les innovations
technologiques dans l’industrie du narcotrafic ont permis de produire
plus de cocaïne avec moins de feuilles de coca (Mejía & Restrepo,
2010). Il n’y a cependant pas de consensus entre le Département
d’État et l’ONUDC sur ce point. Si pour 2008 l’ONUDC rapportait
81 000 hectare de coca en Colombie contre 119 000 rapportées
par le Département d’État, le potentiel de production de cocaïne
était plus élevé pour l’agence onusienne que pour le gouvernement
états-unien, 430 tonnes contre seulement 295. L’ONUDC attribue
la drogue dans les relations entre la colombie et les états-unis
/ 95
donc un plus grand rendement au cocaïer colombien. Le rapport
entre nombre d’hectares et potentiel de production est néanmoins
jugé très variable par les deux institutions. L’une comme l’autre estiment que les cultures tout comme le potentiel ont baissé entre 2000
et 2002, tandis qu’entre 2006 et 2007 les cultures ont augmenté
mais le potentiel a baissé11. Les donnés indiquent également que
les saisies de cocaïne ont progressivement augmenté en Colombie,
avec une légère baisse en 2006. La tendance est plus impressionnante encore en matière de destruction de laboratoires, les chiffres
étant passé de 347 en 2000 à 1 751 en 2008.
Une autre pierre angulaire de la politique antidrogues colombienne a concerné les extraditions, surtout durant les mandats
d’Àlvaro Uribe. D’après l’Observatoire des drogues de la Direction
nationale des stupéfiants, sur les 913 citoyens colombiens, dont
treize paramilitaires, extradés vers les États-Unis depuis 1997, 849
correspondent à la période 2002-2009. Ceci suggère que les extraditions ont cessé d’être une pratique exceptionnelle afin de remplir
une fonction dissuasive centrale dans la politique de « tolérance
zéro ». Cette stratégie soustrait du commerce un certain nombre de
chefs ou des seconds couteaux, mais leurs places dans les chaînes
de production sont rapidement occupées par d’autres et les conditions du trafic ne s’en trouvent donc pas affectées (FIP, 2010). De
même, l’extradition de leaders paramilitaires a eu un impact négatif
sur les processus de « vérité, justice et réparation » menés dans le
pays avec les groupes démobilisés12.
Côté états-unien
Le principal objectif des États-Unis dans la guerre aux drogues
était d’éviter que de plus grandes quantités de cocaïne pénètrent
le pays, en vue d’influer sur la disponibilité, le prix et la pureté de
la drogue (National Intelligence Center, 2007 ; 2008). Entre 2002
et 2006 on a pu observer une tendance claire à la diminution ou
au maintien du prix et à l’augmentation de la pureté de la cocaïne,
ce qui allait précisément à l’encontre des objectifs de la « guerre
11. La réduction de la productivité est attribuée à l’intensification des épandages, qui a
réduit l’âge moyen des plantes.
12. L’utilisation abusive de cet instrument est questionnée depuis 2009 par la Cour suprême de justice, qui a rejeté plusieurs requêtes d’extradition sur base de l’argument
selon lequel les crimes de lèse-humanité sont au-dessus des crimes de narcotrafic.
96 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
aux drogues13 ». Cette tendance s’est légèrement inversée au début
de l’année 2008, le niveau de pureté baissant de 63 % en 2007 à
56 % d’après le National Drug Intelligence Center, tandis que le prix
montait légèrement, de 121 à 124 dollars. Mais d’un autre côté il y
a eu un manque significatif de cocaïne sur les trente-six marchés
états-uniens en 2007, qui n’a pourtant pas eu d’impact sur les prix
(qui auraient dû grimper), la pureté (qui aurait dû baisser) et la distribution. Ceci indique que la moindre entrée de cocaïne n’a pas un
effet immédiat sur la pureté et les prix.
Et pourtant les données de 2007 et 2008 ont été interprétées
de manière optimiste par le gouvernement Bush, qui a vu dans ces
légers changements les preuves du succès des politiques d’interdiction et d’éradication. Cette interprétation a rapidement été battue
en brèche par plusieurs organisations états-uniennes, qui ont estimé qu’il s’agissait d’un changement passager sur le marché de la
cocaïne, similaire à d’autres cycles (1999 et 2001), qui ne démentait
en rien la tendance claire à la diminution des prix et à l’augmentation de la pureté (Walsh, 2009). Ces fluctuations doivent davantage
être interprétées comme des moments cycliques de reconfiguration
de la structure même du narcotrafic qui, après avoir été frappé, se
réadapte et se réorganise rapidement pour continuer le commerce.
Les modèles de la consommation de cocaïne aux États-Unis
n’obéissent pas non plus aux attendus du paradigme punitif. Car
bien que la cocaïne ait été présente en plus grande quantité et à
un prix moindre dans les rues états-uniennes, on n’a pas constaté
d’augmentation significative de la consommation durant ces
années, ce qui suggère que la relation « disponibilité de cocaïneconsommation » n’est pas directe. En effet, d’après les rapports
2008 et 2009 du National Drug Intelligence Center, la consommation
de cocaïne est restée stable depuis 2003, malgré une diminution du
prix et une augmentation de la pureté.
Le problème de la consommation a été abordé par le biais de
programmes de prévention et de traitement, mais aussi et surtout à
travers la poursuite et l’emprisonnement des trafiquants, dealers et
consommateurs. La composante punitive de la politique de réduction de la demande a été problématique pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la rigueur des peines, le niveau élevé d’emprisonnement, les coûts élevés pour le système carcéral et la discrimination
13. De même, entre 1997 et 2007, les prix de l’héroïne ont baissé de 30 %.
la drogue dans les relations entre la colombie et les états-unis
/ 97
raciale en matière d’emprisonnement (ICG, 2008b ; Bewley-Taylor,
Hallam & Allen, 2009). Si l’on compare les montants investis dans
l’éducation et la prévention et les dépenses d’emprisonnement pour
crimes liés aux drogues – 4,6 milliards de dollars pour l’éducation
(en 2008) contre 12,3 milliards pour l’emprisonnement (ICG, 2008b)
– on constate un clair déséquilibre qui invite à réfléchir à une reformulation de la politique de lutte contre les drogues.
Les effets collatéraux
En général, les bilans de la « guerre aux drogues » dans la relation bilatérale partagent la conclusion suivant laquelle les grandes
réussites du plan Colombie ne sont pas à chercher dans la réduction
des superficies de coca et de la production de cocaïne en Colombie,
ni dans la diminution de la consommation aux États-Unis, mais
dans l’augmentation de la sécurité, l’affaiblissement des groupes
armés illégaux, la modernisation de la justice et la réduction des
cultures de pavot, dont l’évolution a été distincte de celle de la coca
(Acevedo, Bewley-Taylor & Youngers, 2008 ; Mejía & Restrepo,
2008 ; DeShazo, Mendelson et McLean, 2009 ; Felbab Brown et al.,
2009). En plus de ne pas avoir répondu positivement au problème
qui a justifié sa création, cette politique s’est avérée extrêmement
coûteuse par rapport aux bénéfices produits. Mejía et Restrepo
(2008) trouvent par exemple une relation déficiente entre les ressources investies dans le plan Colombie par les gouvernements
colombien et états-unien et les résultats en termes de réduction des
cultures, de potentiel de production et de prix de la cocaïne.
La lutte contre les drogues en Colombie s’est également répercutée négativement sur les cultures de coca et la production de cocaïne dans les deux autres pays producteurs, le Pérou et la Bolivie,
qui ont connu une augmentation ces trois dernières années du fait
de l’« effet ballon ». Les cultures de coca ont légèrement diminué
dans l’ensemble de la région andine entre 1999 et 2008, bien que
les chiffres du Département d’État suggèrent qu’elles soient restées
quasi inchangées. Le potentiel de production de cocaïne dans les
Andes aurait légèrement reculé – 925 à 845 tonnes – sur la même
période d’après l’ONUDC.
D’autres dommages collatéraux se sont manifestés dans les
domaines de l’environnement, des droits humains, de la démocratie et de la violence. Les effets environnementaux, économiques,
politiques et sociaux de l’éradication par épandage aérien sont :
98 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
les dommages à la santé humaine, à la végétation, à la faune et à
l’eau ; la perte de cultures légales ; les déplacements de population
des aires aspergées et l’intensification du conflit armé (Sicard et
al. 2005 ; Codhes, 2004). Par ailleurs la militarisation des politiques
antidrogues a généré des effets négatifs sur le respect des droits
humains et la démocratie (Youngers & Rosin, 2005 ; ICG, 2008).
Et même en matière de sécurité, où le consensus sur l’impact
positif du plan Colombie est le plus grand, la corrélation entre la
coopération états-unienne et l’amélioration de la sécurité citoyenne
est loin d’être clair. La réussite de la stratégie intégrale actuellement
mise en œuvre dépend davantage du renforcement de la présence
civile de l’État et de la mise en œuvre de projets socio-économique,
en l’absence desquels la légitimité de l’État dans les zones reprises
aux acteurs armés illégaux risque de vaciller (Isacson &Poe, 2009 ;
USAID, 2009).
Débat interne aux États-Unis : apprentissage graduel ?
Le paradigme prohibitionniste est en perte de vitesse depuis les
années 1990 aux États-Unis. La dépénalisation de la consommation de cannabis, sa légalisation à des fins médicales et l’opposition
aux politiques d’incarcération ont joué un rôle central dans cette
évolution. Dans quatorze États et dans le district fédéral l’usage médicinal du cannabis a été légalisé. Peut-être plus significatif encore
est le fait que le gouvernement Obama ait abandonné la politique de
poursuite des consommateurs de cannabis dans les États où son
usage médicinal est légal ou sa consommation dépénalisée. Par
ailleurs le sénateur démocrate Jim Webb a introduit en 2009 une
initiative de réforme de la justice criminelle14.
Des signes indiquent que cette tendance pourrait s’accentuer.
Parmi ceux-ci, la désignation de l’ex-chef de la police de Seattle,
Gil Kerlikowske, comme tsar antidrogues et les changements qui
s’observent dans la politique de lutte contre les drogues dans des
pays comme l’Afghanistan ou la Colombie. En mai 2009, le nouveau
tsar a appelé à mettre fin à la « guerre aux drogues » (Wall Street
Journal, 2009), une expression dont l’invocation a joué un rôle fondamental dans la « sécurisation » de la lutte contre les drogues. Ceci
14. Les États-Unis abritent 5 % de la population mondiale mais 25 % de la population
carcérale mondiale, dont un cinquième est enfermé pour des crimes non violents associés
aux drogues.
la drogue dans les relations entre la colombie et les états-unis
/ 99
a été interprété comme un changement dans le mode d’analyse du
problème par l’administration Obama. La drogue devient un enjeu
de santé publique davantage qu’une menace à la sécurité et les
traitements et la réduction des risques doivent donc primer sur l’incarcération. Le fait que le directeur adjoint du Bureau de la politique
nationale de contrôle des drogues, A. Thomas McLellan, ait été un
pionnier de la recherche sur les addictions et la réhabilitation renforce cette hypothèse.
D’un autre côté, la transformation du débat public sur les drogues aux États-Unis a commencé à avoir des effets sur le Congrès,
où l’inertie prédomine traditionnellement sur ce thème. Le congressiste Eliot Engel a avancé le Western Drug Policy Commission Act
of 2009, dont l’objectif est de réviser et d’évaluer la politique antidrogues des États-Unis, en particulier dans l’hémisphère occidental,
et de proposer des alternatives en vue d’améliorer les politiques
actuelles (Chambre des représentants, 2009)15.
Le gouvernement Obama a également fait preuve de sa disposition à apprendre des échecs des politiques appliquées jusqu’à aujourd’hui en Afghanistan et en Colombie. En Afghanistan, pays test
pour la nouvelle politique antinarcotiques des États-Unis d’après
Felbab-Brown (2010), un terme a été mis à la lecture conventionnelle
en termes de narcoterrorisme, selon laquelle le principal objectif de
la double guerre contre les drogues et le terrorisme est de saper les
sources de revenu des groupes armés, et la priorité est accordée
à la sécurité citoyenne et au développement alternatif au détriment
des campagnes d’éradication du pavot. Le raisonnement est que ce
sont les conditions d’insécurité dont souffrent plusieurs régions du
pays qui entraînent le développement de cultures de pavot, et non
le contraire (Nordland, 2010). Les forces militaires états-uniennes
ne participent donc plus aux activités d’éradication en Afghanistan16.
Dans le cas colombien, l’USAID (2009) a estimé que la politique
de « tolérance zéro » du gouvernement Uribe face à la coca a réduit
la capacité de l’État à travailler avec les communautés locales et à
15. Il est cependant trop tôt pour évaluer l’impact réel que pourrait avoir cette révision
sur la politique états-unienne. La loi qui l’introduira n’a toujours pas été ratifiée au Sénat
et la prise de contrôle de la Chambre des représentants par les Républicains après les
élections du 2 novembre 2010 pourrait entraîner un nouveau durcissement, au moins
rhétorique, dans l’approche des drogues illicites.
16. Cette politique n’a pas été exempte de polémiques. La Russie en particulier, premier
pays consommateur d’héroïne dans le monde, a accusé les États-Unis et l’Otan de tolérance face à la production de pavots en Afghanistan.
100 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
promouvoir leur transition vers une économie licite. L’agence a donc
insisté sur la flexibilisation de la politique suivie et sur la nécessité
d’un changement d’approche qui subordonne l’objectif d’éradication
à ceux d’augmentation de la présence institutionnelle de l’État et de
multiplication des opportunités économiques alternatives. Dans le
même sens, Stepanova (2010) suggère que les conflits armés et le
narcotrafic ne devraient pas être conçus comme des problèmes purement militaires pouvant être résolus simultanément, mais comme
des phénomènes de longue durée devant être abordés dans le
cadre de stratégies plus globales de construction d’États démocratiques, notamment à travers le développement et l’intégration des
populations et des zones géographiques marginalisées.
Recommandations
Le consensus croissant au sein des gouvernements comme
des populations de la Colombie et des États-Unis suivant lequel
la « guerre aux drogues » a été un échec ouvre un espace politique considérable pour des propositions alternatives. Comme déjà
signalé, la « sécurisation » des drogues, en particulier par le biais
de catégories telles que le « narcoterrorisme », s’est traduite par la
militarisation de la lutte antinarcotiques dans des pays comme la
Colombie, tout en établissant une fausse dichotomie – légalisation
vs prohibition ou répression vs permissivité – qui a empêché une
discussion publique plus ouverte. En collant à cette vision restrictive, le gouvernement Uribe a creusé un fossé entre la Colombie et
les États-Unis (et a fortiori l’Europe) et a laissé passer l’opportunité
du débat bilatéral sur les drogues illicites. Une opportunité que le
président Juan Manuel Santos paraît déterminé à saisir.
Les conditions sont aujourd’hui réunies pour que le pays assume
la conduite de ce débat. Non seulement il a accumulé l’expérience
et l’autorité morale pour imposer un débat franc sur la « guerre aux
drogues », mais la conjoncture hémisphérique est favorable à la
remise en question de cette politique.17 Comme nous l’avons dit, les
termes du débat se flexibilisent aux États-Unis, notamment du fait
des coûts économiques et sociaux induits par la politique actuelle.
L’inauguration en octobre 2010 d’un « dialogue de haut niveau » sur
les droits humains, la démocratie et la bonne gouvernance, l’énergie, la science et la technologie entre la Colombie et les États-Unis,
17. Sur ce sujet, voir commission Drogues et démocratie pour l’Amérique latine (2009).
la drogue dans les relations entre la colombie et les états-unis
/ 101
dont l’objectif principal est d’analyser l’état de la relation bilatérale
et d’élargir les collaborations, offre l’opportunité d’introduire une discussion parallèle sur la politique antidrogues.
Le climat est bien différent de celui qui prévalait lors de la commission Colombie-États-Unis de la fin des années 1990, créée pour
évaluer la qualité de la relation bilatérale, au sein de laquelle les
drogues occupaient une place prépondérante. Douze ans après la
publication de ses conclusions (Commission Colombie-États-Unis,
1998), il est frappant d’observer qu’elle contenait déjà les principales
composantes d’une approche alternative du problème de la drogue,
bien que la majorité de ses propositions n’aient pas été appliquées :
évaluation permanente de la politique antidrogues pour établir son
efficacité ; analyse objective des coûts et bénéfices des politiques
d’épandage aérien ; plus grande attention aux étapes de la chaîne
de production autres que la culture et la distribution ; suivi systématique du débat sur les drogues dans les pays consommateurs et
rejet d’une orientation militaire comme solution au problème.
Sur la base de l’analyse exposée dans les pages précédentes,
nous avançons les recommandations suivantes en guise de
conclusion :
1) La Colombie doit profiter de son statut actuel pour impulser
une révision large, avec la participation des secteurs représentatifs
des deux pays (ainsi que d’autres pays fortement affectés par le
narcotrafic, comme le Mexique ou le Brésil), du rôle que les drogues
ont joué dans les relations interaméricaines et bilatérales ainsi que
des coûts, résultats et effets négatifs de la « sécurisation ». Bien que
le Conseil de sécurité des Nations unies ne constitue pas l’espace
adéquat pour réaliser cette discussion – justement parce qu’il renforce l’association, indésirable, entre les questions de drogue et de
sécurité – le siège occupé par la Colombie pourrait être utilisé positivement pour avancer ce thème auprès des autres pays membres
de l’organisation.
2) La Colombie devrait diversifier sa stratégie diplomatique actuelle, qui se concentre sur la relation entre Bogotá et Washington,
afin d’entamer des dialogues directs avec les États qui ont adopté
des politiques distinctes de la prohibition et de la pénalisation, en
vue d’apprendre de leurs expériences et de créer des alliances stratégiques. Ce rapprochement devrait inclure les gouvernements locaux des régions les plus affectées par le phénomène du narcotrafic.
102 / narcotrafic : « la guerre aux drogues » en question
3) Dans le même sens, le gouvernement colombien devrait avoir
un dialogue régulier avec les ONG et les institutions académiques
qui se consacrent à la recherche sur les effets de la prohibition en
Colombie comme aux États-Unis, afin de disposer des principaux
éléments d’analyse à l’heure de considérer les stratégies alternatives dans la lutte contre les drogues.
4) Sur base des recommandations de l’USAID comme de l’expérience de la coalition en Afghanistan, les gouvernements colombien
et états-unien devraient canaliser davantage de ressources de la
coopération bilatérale vers des stratégies de développement alternatif et le renforcement de l’État en termes non militaires. Pour que
ces politiques soient durables, il est indispensable qu’elles soient le
produit de négociations et de consensus avec les gouvernements
locaux et les communautés affectées, depuis l’identification du problème à résoudre jusqu’à la conception et la mise en œuvre des
politiques.
5) Le gouvernement colombien doit prendre conscience du
fait que, bien qu’il existe une interdépendance significative entre
les drogues illicites et le conflit armé, le narcotrafic ne dépend pas
exclusivement du conflit, et vice et versa. Des politiques distinctes
doivent donc être adoptées pour aborder ces deux phénomènes,
non seulement dans leurs effets tangibles, mais aussi dans leurs
causes profondes. Aussi, comme la militarisation de la lutte contre
les drogues peut empirer la situation en termes de droits humains,
toute nouvelle stratégie pour combattre le narcotrafic doit intégrer
une proposition explicite permettant de surmonter cette dissonance.
Traduction de l’espagnol : Carlos Mendoza
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