Sports et grossesse

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Sports et grossesse
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Sports et grossesse
Sports et grossesse
Moins de risque qu'on ne le pense ?
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DR JACQUES PRUVOST*
SOMMAIRE
Introduction
● Les modifications anatomiques
et physiologiques de la grossesse
(page 14)
● Les effets de l'activité physique
sur le fœtus
(page 16)
● Les effets bénéfiques de l'activité
physique chez la femme enceinte
(page 17)
● Grossesse, sports interdits
et sports déconseillés
(page 19)
● Les sports à conseiller,
modalités de pratique
(page 20)
● La reprise du sport
après accouchement
(page 23)
Mots-clés
* Médecin du Sport,
Praticien attaché des Hôpitaux
de Marseille, CHU Salvator
Grossesse, Sport, Fœtus,
Diabète, Accouchement
MÉDECINS DU SPORT
13
N°94-MARS/AVRIL 2009
< Dossier >
Sports et grossesse
Probablement du fait de leur culture méditerranéenne, les médecins du sud de l’Europe hésitent à
recommander les activités physiques ou sportives
pendant la grossesse. Cette frilosité ne se justifie pas,
d’autant que, en cas de grossesse normale, de nombreux arguments plaident pour la poursuite des
sports pratiqués ou la mise en place d’une activité
physique régulière et adaptée dont les effets métaboliques et cardiorespiratoires sont largement bénéfiques sur l’état de santé de la femme enceinte. Nos
confrères nord-américains et scandinaves ont
apporté, ces dernières années, d’importantes modifications aux recommandations concernant l’activité
physique durant la grossesse.
© Fotolia VI
INTRODUCTION
Remerciements au Pr Yves Aubart, service de gynécologie
obstétrique du CHU de Limoges, pour ses orientations pédagogiques et bibliographiques.
�
L
a grssesse entraîne des modifications anatomiques et physiologiques de l’organisme maternel.
Quelles en sont les implications pratiques dans la mise en place et la surveillance d'activités physiques ?
■A - Prise de poids pendant
la grossesse et activités
physiques
Pendant la première moitié de la grossesse, la majeure partie de la prise de
poids se situe, chez la mère, sous la
forme de réserves lipidiques. Cette prise
de poids est également le fait d’une
augmentation importante du volume
plasmatique. Pendant la deuxième
moitié de la grossesse, la prise de poids
se situe en priorité au niveau du placenta et du fœtus. En fin de grossesse,
la prise de poids considérée comme
idéale est d’environ douze kilos. Deux
tiers de la prise de poids totale est alors
le fait du placenta, du liquide amniotique et du fœtus. Un tiers est le fait
des dépôts lipidiques de réserve et du
volume sanguin circulant.
L’ensemble des études concernant
l’activité physique pendant la grossesse montre que les patientes pratiquant une activité sportive régulière,
adaptée et raisonnable, ne dépassent
pas cette prise de poids de douze kilogrammes, considérée comme idéale
(1-4).
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Les modifications anatomiques
et physiologiques de la grossesse
■ B - Modifications
morphostatiques et
ostéoligamentaires :
les risques de blessures
traumatiques
La prise de poids et les modifications
morphologiques s’accompagnent, du
fait de la protrusion de l’utérus gravide, de modifications morphostatiques :
• hyperlordose lombaire,
• cyphose dorsale,
• antéversion du bassin.
Ces différentes modifications impliquent un déplacement du centre de
gravité pouvant expliquer les troubles
de l’équilibre et être responsables de
la grande fréquence des lombalgies
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Les femmes enceintes pratiquant une activité
physique adaptée ne dépassent pas la prise
de poids idéale de 12 kg.
N°94-MARS/AVRIL 2009
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chez les femmes enceintes (1, 4-6).
En raison des modifications hormonales liées à l’augmentation de la
sécrétion des hormones stéroïdes
(progestérone, estrogène) pendant la
grossesse, une hyperlaxité ligamentaire et une augmentation des amplitudes articulaires surviennent
régulièrement dès le premier trimestre de la grossesse (1, 2, 6, 7).
Cette souplesse peut favoriser la réalisation de mouvements de grande
amplitude et être bénéfique pour la
pratique d’activités comme la gymnastique artistique. L’amélioration de
la souplesse maternelle pendant le
premier trimestre de la grossesse
pourrait avoir été utilisé dans le sport
de haut niveau pour améliorer les
performances des gymnastes à l’occasion de compétitions internationales (7).
Les troubles de l’équilibre associés à une
hyperlaxité ont-ils un impact réel sur
l’augmentation des blessures musculosquelettiques chez les femmes qui poursuivent une activité physique pendant
la grossesse ? De nombreux auteurs ne
relèvent pas une augmentation de l’incidence des blessures lors de la pratique
sportive pendant la grossesse, mais
considèrent que les patientes enceintes
souhaitant poursuivre les activités à
risque sur le plan traumatologique
(sports collectifs, course à pied, ski alpin,
tennis) devraient être informées des
risques possibles de traumatismes articulaires (1, 2, 5, 6).
■ C - Modifications
cardiovasculaires et
surveillance de la fréquence
cardiaque
Du fait de l’augmentation régulière
du volume sanguin, de profondes
modifications hémodynamiques vont
être induites par la grossesse :
• augmentation du volume d’éjection
systolique,
• augmentation du débit cardiaque,
• augmentation de la fréquence cardiaque.
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Chez les femmes enceintes actives
physiquement, Clapp et Capeless ont
décrit une augmentation significative
du débit cardiaque tout au long de
la grossesse (8). L’augmentation du
débit cardiaque de repos et du
volume d’éjection systolique se fait
progressivement mais rapidement.
Ainsi, le débit cardiaque de repos est
augmenté de 10 % à la fin du premier trimestre, puis augmente de
20 % pendant le second trimestre
pour atteindre son maximum dès la
moitié de la grossesse et se stabiliser
ensuite. Cette augmentation est en
relation avec l’augmentation de la
fréquence cardiaque qui augmente
régulièrement, surtout à partir du
deuxième trimestre. La fréquence cardiaque augmente de 20 % au cours
du deuxième puis du troisième trimestre, pour atteindre son maximum
à la trente-deuxième semaine d’aménorrhée. En fin de grossesse, la
fréquence cardiaque est en
moyenne augmentée de 30 à
50 % par rapport
à la fréquence
cardiaque de
repos habituelle.
Après l’accouchement, la fréquence cardiaque de repos
revient rapidement aux fréquences d’avant
la grossesse. Mais
Les modifications respiratoires pendant la grossesse sont importantes.
le volume d’éjec-
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Sports et grossesse
tion systolique revient beaucoup plus
lentement à son niveau initial, et peut
rester significativement plus élevé que
celui d’avant la grossesse, ceci pendant une période qui peut durer un
an (8, 9).
La baisse des résistances périphériques
s’accompagne d’une pression artérielle qui diminue jusqu’au milieu du
second trimestre, puis augmente
régulièrement pour revenir dans les
dernières semaines à un niveau comparable à celui qui précède la grossesse (1, 2, 4, 6).
Enfin, une augmentation de la pression veineuse au niveau des membres
inférieurs est présente dès le premier
trimestre. En décubitus dorsal, la compression du retour veineux et de la
veine cave par l’utérus gravide peut
être à l’origine de malaises et de
chutes tensionnelles. De ce fait, et ceci
dès la fin du premier trimestre, les
sports et les exercices en décubitus
dorsal doivent être proscrits chez la
femme enceinte (1, 2, 6, 10).
■ D - Modifications
respiratoires et surveillance
de la dyspnée
Les modifications respiratoires pendant la grossesse sont importantes.
La fréquence respiratoire est pratiquement augmentée de 50 % avec,
pour résultat, une hyperoxie associée
à une hypocapnie et une alcalose respiratoire. De plus, du fait de la pression de l’utérus sur le diaphragme, le
volume résiduel et le volume de
réserve expiratoire sont très largement diminués dès le deuxième trimestre (1, 2, 6).
L’essoufflement doit être un critère
essentiel de surveillance de toute
activité physique chez une femme
enceinte, la dyspnée étant un excellent indicateur du niveau de l’intensité d’entraînement. Le test de la
parole, c’est-à-dire la possibilité pour
la patiente de tenir une conversation pendant l’exercice, est largement utilisé au Canada pour
déterminer le niveau d’intensité
acceptable (6, 10).
■
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Sports et grossesse
Les effets de l'activité physique
sur le fœtus
■ A - Troubles de
la thermorégulation
et effets tératogènes
Chez l’animal, de nombreuses études
ont mis en évidence l’effet tératogène
de l’augmentation de température
interne chez la mère. Chez la femme
enceinte, aucune étude n’a pu démontrer l’effet tératogène imputable
à une température corporelle interne
élevée au stade précoce du premier
trimestre (1, 5, 6, 11). Il n’est donc pas
justifié d’interdire le sport pour les
femmes enceintes sous le prétexte
d’effets tératogènes ou d’anomalies
génétiques possibles (10).
L’exercice physique prolongé en
atmosphère chaude ou froide doit
cependant être toujours proscrit,
notamment au cours du premier trimestre, du fait de la possibilité de
souffrances fœtales (1, 2, 4-6).
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■ B - Exercice physique
et fausses couches
Certains auteurs ont étudié l’incidence
des fausses couches, avec ou sans
aberrations chromosomiques, et montré que les femmes qui pratiquaient
une activité physique pendant la grossesse présentaient un risque nettement moindre de fausse couche sans
anomalies chromosomiques (12). Une
méta-analyse a été menée au Dane-
mark pour examiner les relations
entre exercice physique et fausse
couche chez plus de 92 000 femmes,
entre 1996 et 2002 (13). Cette étude
révèle que le risque est significativement plus important chez les femmes
qui pratiquent plus de sept heures de
sport par semaine dans les 18 premières semaines de gestation, a fortiori s’il s’agit de sports avec un haut
niveau d’impact (jogging, sports collectifs). En revanche, après le cinquième mois de grossesse, aucune
relation entre pathologies gravidiques et activités physiques n’a pu
être démontrée (13).
■ C - Exercice physique,
circulation fœto-maternelle
et retard de croissance intrautérin (RCIU)
Les effets de l’activité physique sur
la redistribution du débit sanguin,
et notamment de la circulation utérine et placentaire, sont discutés. Au
cours de l’exercice physique, la redistribution sanguine utérine et
placentaire, vers les muscles squelettiques, ne pourrait-elle pas être à
l’origine de souffrance fœtale (6) ?
Webb a démontré que la réponse
habituelle à l’activité physique chez
le fœtus était une augmentation de
10 battements par minute de la fréquence cardiaque pendant l’exercice.
Le retour à la fréquence cardiaque
fœtale de base se faisant en 10 à 20
minutes après la fin de l’exercice
(14). La circulation fœto-maternelle
et la circulation fœtale ont été étudiées par Doppler à l’occasion d’activité de pédalage sur bicyclette
ergométrique (15). Les résultats ont
été comparés chez des femmes
enceintes de fœtus normaux et chez
des femmes enceintes avec retard de
croissance intra-utérin. L’exercice
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© Mohamed El Hajjami - Fotolia
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physique n’altère pas les résultats
des Dopplers utérins et ombilicaux
des mères avec fœtus normaux ou
hypotrophiques, mais entraîne une
augmentation des résistances aortiques chez les fœtus hypotrophiques. Il est légitime d’envisager
que, si l’exercice physique n’a pas
d’impact sur la circulation fœtomaternelle, en cas de RCIU, l’activité
physique pourrait avoir un effet
délétère sur la circulation fœtale et
ne devrait pas être recommandée
(15).
■ D - Exercice physique
et poids de naissance
Peu d’études permettent d’évaluer
réellement l’impact de l’activité physique sur le poids de naissance de
l’enfant. Même s’il existe une relation
significative et inverse entre le poids
de naissance et l’intensité de l’activité physique, la réduction du poids
de naissance est généralement expliquée par une diminution de la masse
grasse chez le nourrisson à la naissance (11, 16). Aucune étude ne permet d’affirmer que l’activité physique
raisonnée et raisonnable puisse être
seule responsable d’une hypotrophie
ou d’un petit poids de naissance (2,
4, 11). Il semble cependant souhaitable d’éviter les efforts intenses et/ou
prolongés qui peuvent toujours
induire une souffrance fœtale aiguë
ou chronique (2, 4).
■
N°94-MARS/AVRIL 2009
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Les effets bénéfiques de l'activité physique
chez la femme enceinte
P
our toutes les femmes enceintes, l’activité physique
adaptée et individualisée
avant et pendant la grossesse améliore de nombreux paramètres dans
les domaines physique et psychologique.
■ A - Activité physique
et qualité de vie pendant
la grossesse
Chez la femme enceinte, l’activité
physique adaptée concernant le renforcement musculaire lombo-abdominal permet de diminuer l’incidence
des lombalgies (2, 4, 6).
L’activité dynamique améliore le
retour veineux et diminue l’incidence
des varices, des thromboses veineuses
et des œdèmes des membres inférieurs (1, 2, 4-6, 16).
L’activité physique permet aussi à la
femme enceinte de garder son autonomie et, par là, de maintenir son
bien-être psychologique en sauvegardant image et estime de soi (17).
Les troubles de l’humeur qui peuvent
accompagner la grossesse (anxiété,
dépression) sont atténués par la pratique d’une activité physique régulière et adaptée, notamment pendant
le troisième trimestre (17).
■ B - Activité physique et
limitation de la prise de
poids pendant la grossesse
L’activité physique avant et pendant
la grossesse peut être considérée
comme la meilleure prévention d’une
prise de poids excessive. Ce fait est
souligné par l’ensemble de la littérature scientifique concernant le sujet.
La limitation de la prise de poids se
fait essentiellement aux dépens de la
masse grasse, la masse musculaire
étant préservée chez les femmes
actives et sportives (1-6, 16).
Une étude montre que l’activité physique poursuivie au cours du dernier
trimestre a un impact important sur
la prise de poids de masse grasse.
Clapp compare l’évolution du poids
total et de la masse grasse dans deux
groupes de femmes sportives (3). Le
premier groupe poursuit les activités
sportives tout au long de la grossesse
alors que le second groupe arrête
toute activité physique au début de
la grossesse. Pendant le premier et le
second trimestres, il n’existe aucune
différence significative entre le
groupe de sportives assidues et le
groupe de femmes inactives quant à
l’augmentation du poids et de la
masse grasse. Par contre, la différence
apparaît au cours du troisième trimestre car le groupe qui poursuit les
activités physiques présente, à la fin
de la grossesse, une prise de poids
moyenne de 13 kg alors que le
groupe ayant cessé toute activité physique présente une prise de poids de
16,3 kg (3).
Nous pouvons conclure que, pour les
femmes qui désirent reprendre rapidement leur poids d’avant la grossesse, comme pour les sportives
intensives, professionnelles ou de haut
niveau, il est essentiel de poursuivre
une activité physique adaptée lors des
trois derniers mois de grossesse.
Enfin, en permettant la reprise rapide
de toutes les activités, l’exercice physique facilite le retour au poids antérieur à la grossesse (1, 6, 16).
casion d’une grossesse. L’incidence
du diabète gestationnel se situe
autour de 4 % en population générale, mais peut évoluer jusqu’à 18 %
chez les Indiens d’Amérique du nord
(16, 18).
De nombreuses publications établissent que la pratique régulière d’une
activité sportive avant et pendant la
grossesse diminue l’incidence du diabète chez les patientes de poids normal, en surpoids ou obèses (1, 2, 5,
16, 18, 19).
Dempsey montre que l’incidence du
diabète gestationnel est inférieure
de 50 % chez les femmes ayant pratiqué dans l’année précédant la grossesse une activité modérée
(supérieure à 4 heures par semaine)
par rapport aux femmes ayant pratiqué une activité faible (inférieure
à 4 heures par semaine) (18). Le
risque de diabète gestationnel est
inversement proportionnel à la per-
© anna Fotolia
�
Sports et grossesse
■ C - Activité physique
et diabète gestationnel :
un intérêt préventif
et thérapeutique
Le diabète gestationnel est défini
comme une intolérance au glucose
reconnue ou diagnostiquée à l’oc-
MÉDECINS DU SPORT
17
L’activité physique durant la grossesse
prévient des prises de poids excessives.
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Sports et grossesse
ception de la difficulté des exercices
réalisés par les femmes dans l’année
précédant la grossesse (19). Ces deux
études s’accordent à montrer que
l’exercice pratiqué de manière modérée ou intensive dans l’année précédant la grossesse est protecteur
quant à la survenue d’un diabète
gestationnel.
L’incidence du diabète gestationnel
chez les patientes enceintes et de
poids normal diminue aussi en cas
d’activité physique régulière. Ainsi,
l’activité physique pendant les vingt
premières semaines de la grossesse
permet de diminuer de 60 % l’incidence de survenue d’un diabète gestationnel chez les femmes actives par
rapport aux femmes inactives (16, 18).
Les différentes études invoquent la
préservation de la masse musculaire
par l’activité physique pour expliquer
la prévention du diabète gestationnel (1, 5, 16, 18, 20). Certaines études
précisent que les exercices à proposer doivent être prioritairement des
exercices d’endurance réalisés à une
intensité faible située entre 30 et
55 % de la VO 2max (1, 5, 16). Une
autre étude montre que les exercices
de renforcement musculaire et de
musculation sont les plus efficaces
pour faire baisser les marqueurs de
l’insulinorésistance et le taux de glucose sanguin (20).
En cas de survenue d’un diabète gestationnel, les activités physiques et
sportives ne doivent pas être déconseillées car elles ont un réel intérêt
thérapeutique sur la prise en charge
de cette pathologie.
■ D - Activité physique
et pré-éclampsie :
un intérêt préventif
La diminution de l’incidence de la
pré-éclampsie chez les patientes
ayant une activité physique en cours
de grossesse a été démontrée dès la
fin des années 80. Les différentes
recommandations internationales
insistent sur le fait que l’activité physique modérée, avant et pendant la
grossesse, prévient la survenue de
Les contre-indications.
Les sociétés savantes internationales décrivent précisément les différentes
contre-indications médicales ou obstétricales absolues et relatives à la
pratique de toute activité physique ou sportive en cas de grossesses à
risque ou de grossesses pathologiques (1, 5, 6). Cette liste, qui ne se veut
pas exhaustive, correspond aux situations pathologiques les plus
fréquentes.
Les contre-indications absolues :
• Cardiopathie avec retentissement hémodynamique
• Insuffisance respiratoire
• Béance cervico-isthmique
• Grossesses multiples
• Antécédents d’accouchement prématuré
• Hémorragies génitales
• Placenta praevia après 26 semaines d’aménorrhée
• Cerclage du col utérin
• Menace d’accouchement prématuré
• Rupture prématurée des membranes
• Pré-éclampsie
Les contre-indications relatives :
• Anémie sévère
• Arythmie maternelle
• Bronchite chronique
• Diabète de type 1 mal contrôlé
• Obésité
• Sédentarité ancienne et majeure
• Pathologies articulaires avec limitation importante de la mobilité
• Anorexie et maigreur avec IMC inférieur à 12 Kg/m2
• Retard de croissance intra-utérin
• HTA mal contrôlée
• Tabagisme important
• Maladie thyroïdienne mal contrôlée
• Epilepsie mal contrôlée
American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG 2002 et 2003) ;
Sports Medicine Australia (SMA 2002) ; Académie Canadienne de Médecine du Sport
(ACMS 2003).
pré-éclampsie (1, 6). Une étude
montre que l’activité physique en
début de grossesse diminue le risque
de pré-éclampsie de 35 % (24 % si
activité faible, 54 % si activité
moyenne) (21). Cette même étude
révèle que l’activité physique dans
l’année qui précède la grossesse
diminue également de 30 % le
risque de pré-éclampsie.
Les mécanismes invoqués sont les
MÉDECINS DU SPORT
18
suivants : amélioration du développement du placenta et de sa circulation, réduction du stress oxydatif,
diminution de l’inflammation et
réduction des maladies associées à
la dysfonction endothéliale (16).
Par contre, toute activité sportive
doit être proscrite en cas de prééclampsie avérée et non stabilisée
par les thérapeutiques (1, 2).
■
N°94-MARS/AVRIL 2009
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Sports et grossesse
Grossesse, sports interdits
et sports déconseillés
Quels sont les risques de la plongée
pendant la grossesse ? La grossesse
ne semble pas augmenter les risques
d’accidents de décompression chez la
femme enceinte. Les risques se situent
essentiellement au niveau de la circulation materno-fœtale. La possibilité de mort fœtale in utero peut
survenir, soit à l’occasion d’embolies
gazeuses chez le fœtus lors d’une
remontée trop rapide de la mère qui
n’aurait pas respecté les paliers de
décompression, soit du fait d’hématome rétro-placentaire du à l’accumulation de bulles. Ce dernier risque
est présent dès le début de la grossesse (1, 2, 22).
En cas d’embolie gazeuse chez la
mère, le passage en caisson hyperbare reste la seule thérapeutique à
proposer (22).
Les sports sous-marins sont classés
dans les sports à risque par l’arrêté
du 28 avril 2000 fixant la liste des disciplines sportives pour lesquelles un
examen médical approfondi est
nécessaire. La commission médicale
de la Fédération Française d’Etudes
et Sports Sous-Marins (FFESSM) a élaboré plusieurs certificats de non
contre-indication à la pratique des
activités subaquatiques correspondant aux différents niveaux de pratique. Pour chacun de ces certificats,
la liste des contre-indications à la
plongée en scaphandre autonome est
imprimée au verso de l’imprimé standard. La grossesse apparaît à la
rubrique «gynécologie : contre-indication temporaire».
En pratique, faut-il envisager une
interruption de grossesse chez les
femmes qui ont pratiqué les activités
sous-marines en méconnaissant leur
grossesse ? Cette préconisation semble
non justifiée en cas d’absence d’anomalies fœtales à l’échographie (2).
© Nanou - Fotolia
■ A - La plongée sous-marine
avec scaphandre autonome
La pratique de la plongée en apnée n’est pas
conseillée durant la grossesse.
■ B - Grossesse et plongée
en apnée
Du fait du blocage respiratoire prolongé et des impacts sur la ventilation
et les gaz du sang, la plongée en apnée
n’est pas recommandée pendant la
grossesse (1). Des malformations chez
les fœtus dont les mères ont continué
à plonger à des profondeurs supérieures à 35 mètres pendant la grossesse
ont été rapportées : arthrogrypose,
coarctation aortique, hypotrophie (2).
La pratique palme-masque-tuba (PMT)
est peu abordée par les différents
auteurs, mais ne devrait pas justifier de
contre-indications si la sportive évite les
plongées en apnée répétées ou profondes.
■ C - Les sports déconseillés
• Les sports de combat, les sports collectifs (basket-ball, handball, rugby,
football), les sports mécaniques, le ski
MÉDECINS DU SPORT
19
alpin après le troisième mois de grossesse, et le canyoning ne sont pas
recommandés en raison des risques de
contusion abdominale.
• La gymnastique artistique, l’équitation, le ski alpin, le cyclisme en ville et
sur route, le VTT, le patinage et le roller
ne sont pas recommandés du fait des
risques de chute.
• Le plongeon, le ski nautique, le surf,
le kitesurf ne sont pas recommandés
du fait des risques de traumatisme
abdominal et de pénétration brutale
d’eau dans les voies génitales.
• Les sports de montagne, comme le
ski de fond ou la marche avec
raquettes, doivent être pratiqués
après un temps d’adaptation adéquat
à l’altitude. Les recommandations
internationales précisent que toute
activité au-delà de 2 500 mètres d’altitude ne doit être pratiquée que par
des sportives expertes et bien adaptées à l’altitude (1, 5, 6).
■
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Sports et grossesse
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Les sports à conseiller, modalités de pratique
■ A - Les sports recommandés
Les différentes recommandations
internationales s’accordent pour signifier que les sports à recommander
pendant la grossesse sont en général
les sports qui sollicitent la filière aérobie : jogging en début de grossesse,
marche, vélo d’appartement, natation, ski de fond.
La natation est très souvent citée
comme le sport à pratiquer en priorité pendant la grossesse. Il s’agit en
effet d’une activité d’endurance
dont l’intensité de pratique est facilement régulable par le rythme respiratoire. Cette activité "portée" est
non traumatisante sur le plan ostéoligamentaire. L’habituelle élévation
de la température corporelle déclenchée par l’effort est régulée par le
milieu aquatique. Les œdèmes périphériques sont améliorés par le
milieu aquatique qui draine les
liquides extra-vasculaires vers la circulation sanguine, d’où la baisse de
la tension artérielle systolique et
diastolique (1).
L’association des différents sports d’endurance dont l’impact est surtout cardiorespiratoire à un sport plus global sur
le plan du renforcement musculaire ne
peut être que bénéfique. Ainsi, par
exemple, le tennis, le golf, la gymnastique douce et adaptée, l’aquagym, le
tai-chi-chuan sont des pratiques sportives intéressantes à associer aux sports
d’endurance pour développer ou entretenir la composante musculaire squelettique. La gymnastique de renforcement musculaire lombo-abdominal est toujours intéressante mais la
possibilité d’un diastasis des grands droits
doit être pris en compte à travers des
exercices statiques et en évitant les exercices dynamiques en concentrique (1, 4).
En cas de grossesse chez une pratiquante assidue de la musculation, les
différents exercices peuvent être poursuivis mais avec des charges moins
importantes et des répétitions moins
longues. Les exercices isométriques pouvant être responsables d’une augmen-
tation de la pression artérielle, les exercices dynamiques doivent être proposés prioritairement en évitant tout
blocage respiratoire (1).
■ B - Intensité de l'exercice
physique
Lors de la grossesse, l’intensité de l’exercice est sans doute le paramètre le plus
important à respecter, mais aussi le plus
complexe à contrôler. Fréquence cardiaque, évaluation de l’effort perçu
(EEP) par l’échelle de Borg, test de
conversation sont les trois éléments qui
permettent de vérifier que l’intensité
de l’exercice se situe dans des zones non
dangereuses.
Dans le cadre de la promotion de la
santé, les recommandations internationales situent l’intensité de l’activité
physique entre 60 et 90 % de la fréquence cardiaque maximale, soit entre
50 et 80 % de la VO2max. En cas de
grossesse, ces recommandations pondèrent largement l’intensité de l’exercice puisque les activités devraient se
situer entre 60 et 70 % de la fréquence
cardiaque maximale, soit 50 à 60 % de
la VO2max.
Les intensités et les fréquences cardiaques sont donc basses et, sans outils
de suivi, les femmes enceintes risquent
de largement dépasser les limites indiquées. Il paraît donc très recommandable d’utiliser les cardiofréquencemètres et d’éviter tout essoufflement
important pour ne pas dépasser les
limites fixées de 70 % de la fréquence
cardiaque maximale. Ainsi, les zones
cibles pour les fréquences cardiaques à
ne pas dépasser sont les suivantes :
• 140-155 batt/min pour une femme
âgée de moins de 20 ans ;
• 135-150 batt/min entre 20 et 29 ans ;
• 130-145 batt/min entre 30 et 39 ans ;
• 125-140 batt/min à 40 ans et plus.
Le test de la parole permet de ne pas
travailler trop intensément, l’activité
étant probablement d’intensité trop
élevée si la femme ne peut tenir une
MÉDECINS DU SPORT
20
conversation pendant l’exercice (1, 4, 5).
L’échelle de Borg est peu utilisée en
France alors qu’elle est considérée
comme un indice très fiable de l’intensité de l’activité physique par les auteurs
nord-américains ou scandinaves. Ceuxci suggèrent de situer la plage d’intensité entre modérée et assez forte, et de
ne pas dépasser le niveau 14 pendant
la grossesse.
■ C - Durée de l'exercice
Les recommandations internationales
concernant la durée de l’activité physique à pratiquer sont les suivantes : au
moins trente minutes et, si possible, une
heure d’affilée. En cas de grossesse, ces
recommandations sont de moindre
durée puisque le temps total recommandé est de trente minutes par jour
d’exercice continu. Pour les femmes
n’ayant pas pratiqué régulièrement
d’activités physiques ou sportives avant
la grossesse, il est recommandé de fractionner cette demi-heure en deux
périodes de 15 minutes d’affilée. Ces
périodes courtes d’exercice sont recommandées pour ne pas altérer la thermorégulation, permettre l’hydratation
et éventuellement la nutrition.
■ D - Fréquence de l'exercice
Les femmes n’ayant pas pratiqué régulièrement une activité physique avant
la grossesse ne doivent pas envisager
de commencer un programme d’exercices physiques avant le second trimestre. Les femmes ayant pratiqué un
sport ou une activité physique avant la
grossesse peuvent continuer un entraînement régulier durant la grossesse,
soit trente minutes au minimum cinq
jours par semaine. Il faut envisager la
diminution du nombre de séances au
cours du deuxième, puis du troisième
trimestre. Au cours du troisième trimestre, il semble raisonnable de limiter l’activité physique à trois séances
par semaine pour les femmes qui pra-
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tiquent dans un cadre de santé ou de
loisir, et à cinq séances pour les sportives intensives.
■ E - Conseils nutritionnels
En cas d’exercice pendant la grossesse,
les conseils nutritionnels ne semblent
pas très différents des conseils habituels
prodigués pour la pratique du sport
dans la population générale. Du fait du
risque d’hypoglycémie pour la mère et
des risques de l’hypoglycémie maternelle pour le fœtus, les repas doivent
être fractionnés et adaptés à la durée
et à l’intensité de l’activité physique. Les
séances d’activités physiques doivent
être régulièrement interrompues pour
permettre à la mère de s’hydrater et
d’ingérer une collation mixte associant
différents types de glucides (1, 2, 5, 6).
En cas de diabète gestationnel, les recommandations nutritionnelles sont les suivantes : fractionnement de l’alimentation
en quatre repas minimum, augmentation de la ration alimentaire en fibres,
élimination des sucres rapides, ingestion
de portion d’hydrates de carbones à
chaque repas. La collation avant, ou en
cours d’exercice, devrait être surveillée
par une analyse de la glycémie (16).
■ F - Conseils en fonction
du niveau pratique
En fonction du niveau de pratique,
nous pouvons dégager trois types de
patientes aux comportements différents
et pour lesquelles les conseils doivent
être adaptés.
●
La débutante
Cette patiente souhaite débuter les activités physiques et profiter de la grossesse pour prendre des habitudes de
vie saine afin de protéger et de favoriser le développement de son enfant.
Les recommandations internationales
précisent que ce type de patiente
devrait attendre la fin du premier trimestre de grossesse pour débuter les
activités physiques. Les messages de prévention concernent en priorité une alimentation adaptée et la pratique
régulière d’activités physiques d’intensité modérée. Cette patiente devrait
être confiée à un éducateur sportif ou
médico-sportif qui surveillera les adaptations cardiovasculaires et respiratoires.
Le bénéfice des activités physiques sera
sans doute suffisant avec trois séances
de trente minutes par semaine.
● La sportive de loisir
ou la sportive confirmée
Cette patiente est une sportive qui pratique son sport de manière régulière et
autonome, en connaît les bienfaits et
souhaite poursuivre son activité pendant
la grossesse. Si les sports à déconseiller
sont nombreux, les interdictions doivent
toujours être pondérées en fonction du
degré d’expertise de la sportive dans sa
discipline. Il est cependant légitime d’exclure les sports à fort risque de contusion abdominale (sports collectifs, sports
de combat) et les sports avec risque
important de chute (VTT, équitation).
Les informations essentielles concernant les fréquences cardiaques à ne pas
dépasser et le fractionnement des
temps d’activité physique doivent être
délivrées. La patiente doit être informée du rapport entre bénéfices et
Sports et grossesse
risques des différents types d’activités
physiques qu’elle pratique.
La sportive experte
ou compétitrice
●
Cette sportive pratique le sport de
manière intensive, ou la compétition
de haut niveau, et peut être considérée comme une professionnelle du
sport. Généralement, cette sportive
souhaite avant tout revenir le plus
rapidement possible à un très bon
niveau sportif après l’accouchement.
En l’absence de contre-indications
médicales ou obstétricales, une excellente condition physique peut être
maintenue pendant les deuxième et
troisième trimestres de la grossesse par
des exercices d’intensité sous-maximale
et maximale, et par du travail d’endurance aérobie prolongé. Ce type de
patiente doit être encadrée par un
réseau de professionnels de santé correspondant régulièrement avec l’entraîneur et le préparateur physique de
la sportive. Il s’agit en général de sportives exceptionnelles et très motivées
qui, dans ce cas, peuvent reprendre
rapidement le sport à un très bon
niveau après la grossesse.
■
Obligations d’informations
Le praticien a pour obligation d’informer par tout moyen sa patiente des dangers qu’elle encourt à pratiquer une activité physique, éventuellement en lui
donnant un imprimé les détaillant. Les recommandations internationales insistent sur le fait que la femme enceinte doit connaître les différents signes qui
imposent un arrêt immédiat de l’exercice et lui imposent de consulter immédiatement un professionnel de santé (1, 2, 6, 10).
Les signes imposant un arrêt de l’exercice doivent être connus des éducateurs
sportifs ou médico-sportifs qui encadrent les femmes enceintes poursuivant
une activité physique ou sportive :
• saignements vaginaux ;
• essoufflement important ;
• maux de tête ;
• douleurs thoraciques ;
• sensation de faiblesse musculaire ;
• œdème des membres inférieurs ;
• contractions utérines ;
• diminution des mouvements fœtaux ;
• perte de liquide amniotique.
MÉDECINS DU SPORT
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Sports et grossesse
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Une étude norvégienne qui fait voler en éclat les idées reçues.
Kardel KR. Effects of intense training during and after pregnancy in top level athletes. Scand J Med Sci Sports
2005 ; 15 : 79-86.
groupe HEG), une journée avec une séance d’interval training (deux fois 10 minutes par séance pour le groupe MEG,
deux fois 15 minutes par séance pour le groupe HEG) et
une journée de préparation physique (72 minutes pour
les deux groupes).
Le programme hebdomadaire sur 6 jours associait deux
journées d’endurance (90 et 150 minutes par séance), deux
journées avec séances d’interval training (deux fois 10 et
15 minutes par séance) et deux journées de préparation
physique (72 minutes par séance).
Les sportives n’ont pas été pas obligées de poursuivre le
programme dans les six semaines suivant l’accouchement
mais devaient le reprendre à partir de la septième semaine
jusqu’à la douzième semaine après l’accouchement.
Une étude réalisée par Kristin Kardel sur des sportives norvégiennes intensives et de haute performance nous paraît
assez exemplaire pour être détaillée dans la revue Médecins du Sport.
41 sportives expertes dans leurs sports respectifs et motivées pour suivre pendant leur grossesse un programme
très contraignant ont été incluses dans cette étude. Toutes
ces femmes pratiquaient le sport depuis plusieurs années
avant leur grossesse, certaines à un niveau national ou
international. Deux groupes ont été créés : un groupe de
21 femmes (dont 19 primipares) intitulé MEG, devant suivre
un programme standardisé développant un volume moyen
d’entraînement, et un groupe de 20 femmes (dont 14 primipares) devant suivre un programme avec un haut niveau
d’entraînement, nommé HEG. Les 41 sportives ont eu la
possibilité de choisir le programme d’entraînement qui
leur paraissait le mieux adapté au regard de leurs aptitudes physiques.
• Les tests médicaux et physiologiques
Ils ont été réalisés à la dix-septième, trentième et trentesixième semaine d’aménorrhée, ainsi qu’à la sixième semaine
et la douzième semaine après l’accouchement. Ont été suivis : le poids total et le poids de masse grasse, la fréquence
cardiaque de repos, les fréquences cardiaques à l’effort sur
bicyclette ergométrique (50 W, 100 W, 150 W, puissance
max), la VO2max et les lactates sanguins à l’effort.
• Le programme d’entraînement
Ce programme consistait en trois types de séances d’entraînement : des séances de renforcement musculaire avec
préparation physique générale, des séances d’interval training, des séances d’entraînement aérobie.
Le programme de préparation physique générale était le
même pour les deux groupes et consistait en une série de
18 exercices de renforcement musculaire au niveau des
membres supérieurs, inférieurs et du tronc. L’ensemble de
cette séance était programmé pour durer 72 minutes.
Les séances d’interval training consistaient à réaliser des séries
à haute intensité puisque les fréquences cardiaques à
atteindre se situaient entre 170 et 180 batt/mn. La première
série consistait à alterner 15 secondes d’activité intense avec
15 secondes de repos. Seule la durée est différente : deux
fois 10 minutes entrecoupée de 5 minutes de repos pour le
groupe MEG, deux fois 15 minutes entrecoupée de 5 minutes
de repos pour le groupe HEG. La seconde séance d’entraînement consistait en une plage de 45 secondes d’activité
intense suivie de 15 secondes de repos, et ceci pendant deux
fois 10 minutes pour le groupe MEG, deux fois 15 minutes
pour le groupe HEG. Ces séances d’interval training étaient
organisées sur bicyclette ergométrique mais, si les sportives
le souhaitaient, pouvaient être réalisées en extérieur, en
course à pied, en marche rapide sur terrains variés ou en ski
de fond.
Les séances d’endurance aérobie mises en place devaient
atteindre une durée de 90 minutes pour le groupe MEG
et 150 minutes pour le groupe HEG.
Les femmes pouvaient choisir, soit un programme sur
4 jours par semaine, soit un programme sur six jours par
semaine. Le programme hebdomadaire sur 4 jours associait deux journées d’endurance (90 minutes par séance
pour le groupe MEG, 150 minutes par séance pour le
MÉDECINS DU SPORT
• Les résultats
Dans les deux groupes, les sportives ont toutes poursuivi
l’entraînement jusqu’au minimum cinq jours avant l’accouchement. Trois sportives du groupe MEG et sept sportives du groupe HEG ont arrêté l’entraînement seulement
la veille de l’accouchement…
Malgré les quantités d’entraînement et leur intensité,
aucune des sportives n’a rencontré de problèmes médicaux ou obstétricaux.
Aucune souffrance fœtale n’a été décrite, les enfants sont
tous nés à terme sans problème.
Sur le plan de la prise de poids total pendant la grossesse,
ainsi que sur le pourcentage de masse grasse, les deux
groupes sont très comparables.
Dans le groupe MEG, la VO2max est restée stable entre la
dix-septième semaine d’aménorrhée et la douzième
semaine après l’accouchement. Par contre, dans le groupe
HEG, la VO2max a évolué très significativement de 9 %
dans le même temps.
• En conclusion
Cette étude prouve qu’une excellente condition physique
peut être maintenue pendant la grossesse, que les femmes
enceintes correctement entraînées et suivies peuvent continuer à effectuer des exercices à des intensités sous-maximales et maximales sans craindre de complications
médicales, obstétricales ou périnatales.
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Sports et grossesse
La reprise du sport après accouchement
■ A - Quand reprendre
les activités physiques ?
La plupart des modifications physiologiques et morphologiques induites par
la grossesse persistent 4 à 6 semaines
après l’accouchement. En l’absence de
contre-indications médicales (césarienne, épisiotomie, incontinence urinaire), la reprise de l’activité physique
ne doit pas être différée puisqu’aucune
complication maternelle n’a été associée à la reprise de l’entraînement sportif. Si la reprise d’une activité physique
doit toujours être progressive, certaines
femmes vont pouvoir reprendre le
sport plus rapidement que d’autres,
parfois même dans les jours qui suivent
l’accouchement (1).
■ B - Allaitement
et activité physique
Chez une mère active, une perte de
poids modérée pendant l’allaitement
ne semble pas compromettre la prise
de poids du nourrisson. S’il advient une
baisse de sécrétion de lait maternel,
elle est généralement imputable à une
hydratation ou à une ration calorique
maternelle insuffisante plutôt qu’à une
activité physique trop importante.
Pour éviter les problèmes désagréables
engendrés par l’engorgement mammaire, il est recommandé de programmer les tétées ou le tirage du lait
avant l’exercice. Cette dernière recommandation devrait être appliquée
avant tout exercice intensif car celui-ci
peut être responsable d’une élévation
du taux sanguin d’acide lactique et
donc d’une acidité du lait maternel (1).
■ C - Dépression du postpartum
Les femmes qui ont eu une activité
physique régulière pendant la grossesse, et l’ont poursuivie lors du troisième trimestre, sont moins fatiguées
et manifestement plus énergiques dès
le quatrième ou cinquième jour après
l’accouchement (17). Le retour à une
activité physique d’intensité adaptée
et bien conduite été associée à une
baisse de l’incidence de la dépression
du post-partum (1).
■ D - Incontinence urinaire
d'effort
Grossesse et accouchement peuvent
être des facteurs d’apparition ou d’aggravation d’une incontinence urinaire
d’effort, notamment chez la primipare.
Parmi les différents facteurs de risque,
l’apparition d’une incontinence dès le
deuxième trimestre et la prise de poids
supérieure à 13 kilogrammes sont souvent citées. La détection des troubles
urinaires et leur prise en charge par une
rééducation périnéale adaptée sont
nécessaires avant toute reprise sportive.
En cas d’épisiotomie ou de césarienne,
la reprise du sport ne peut être envisagée dans les six semaines après l’accouchement et doit toujours être précédée
d’une rééducation périnéale préventive
parfaitement comprise (4).
■
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