L`alcool, un danger mortel sur la route
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L`alcool, un danger mortel sur la route
L’alcool, un danger mortel sur la route Patrick MURA Chef du service de Toxicologie et Pharmacocinétique Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers Membre titulaire de l’Académie Nationale de Pharmacie Le constat Nombre de personnes tuées dans les accidents avec un conducteur 2000 2005 2010 2011 2012 Alcoolémie > 0,5 1616 1355 963 964 925 Alcoolémie < 0,5 3639 3342 2160 2168 2064 Alcoolémie connue 5255 4697 3123 3132 2989 Taux d’implication de l’alcool dans les accidents : une constante Mortalité dans les accidents avec conducteur à alcoolémie > 0,5 g/L par rapport à la mortalité dans les accidents Au taux d’alcool connu 2000 2005 2010 2011 2012 30,8 % 28,8 % 30,8 % 30,8 % 30,9 % La sécurité routière en France – bilan 2012 - ONISR Le constat 1ère cause de mortalité chez les jeunes En 2012 : 752 jeunes de 18 à 24 ans tués dans un accident Chez 25% d’entre eux, l’alcool est présent. L’alcool est souvent associée à d’autres facteurs : Vitesse excessive Stupéfiants (12%) Absence de ceinture (30,4%) 5240 accidents corporels en 2012 avec au moins un conducteur ayant une alcoolémie > 0,5 g/L Pourquoi ??? DA Circuit de la récompense Voie hédonique Cannabis + 45% Alcool + 30% Alcool Cannabis DA DA Matthes et al., Nature 1996 Maldonado et al., Nature 1997 Ledent et al., Science 1999 Plaisir Bien-être Lobe occipital (Vision) (Concentration mentale) Hypothalamus DA Hippocampe (Mémoire) Bulbe Centres vitaux Cervelet (Coordination) (Equilibre) • Diminution des réflexes • Augmentation des temps de réaction • Rétrécissement du champ visuel • Mauvaise appréciation des distances • Hypersensibilité à l’éblouissement • Diplopie • Surestimation des capacités • Levée des inhibitions • Baisse de la concentration • Pertes de mémoire à court terme • Somnolence à endormissement Incapacité à réaliser des actes complexes Inaptitude à conduire un véhicule en toute sécurité Evaluation du sur-risque d’accident lié à l’alcool Prévalence de l’usage récent de psychotropes licites et illicites chez 900 conducteurs accidentés : comparaison avec 900 témoins. [2000 – 2001] P. Mura, JP Goullé, M. Lhermitte et coll. Forensic Science International 2003 ; 133 : 79-85 Analyses SANG CPG-FID Alcool CPG-SM Opiacés Cannabis Amphétamines Cocaïne HPLC-BD Screening : médicaments psychoactifs Identification et dosage Estimation du risque relatif (conducteurs moins de 27 ans) 5 4 4,8 3 2 3,8 2,5 1 0 THC seul Alcool seul Alcool + THC Etude SAM Stupéfiants et Accidents Mortels Alcoolémies > 1,6 g/L O.R. = 32 Plos One Août 2012 KPC Kuypers et coll. Alcool + cannabis O.R. = 12 Alcoolémies > 1,2 g/L O.R. = 89 Fréquent ou pas ? Prévalence de l’alcool et des stupéfiants chez 503 conducteurs décédés dans un accident de la voie publique en 2010 et 2011 en France P. Mura et coll. Ann Toxicol Annal 2012, 24 • 16 départements du Sud-Ouest et du Centre-Ouest • 503 conducteurs DCD dans un AVP • Cannabis, opiacés, amphétamines et cocaïne par GC-MS • Alcool par GC-FID-HS Tous conducteurs 503 Conducteurs < 30 ans 194 THC 12,9 % 21,6 % THC-COOH 15,5 % 27,3 % Alcool 24,2 % 28,8 % Nombre Moyenne : 1,84 g/L (S.D. = 0,86) La lutte contre l’alcool au volant Les seuils en Europe Seuil g/L Pays 0 0,2 Hongrie, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie Estonie, Pologne, Suède 0,4 0,5 Lituanie Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Finlande, France*, Grèce, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Slovénie Irlande, Luxembourg, Malte, Royaume Uni 0,8 * • 0,5 : contravention • 0,8 : délit • 0,2 : transport en commun Faut-il changer le seuil en France ? 0,5 0,2 g/L ? Difficile à gérer par les conducteurs Pas de facteur de sur-risque (O.R. = 1) 0,1 à 0,5 g/L O.R. = 0,97 0,5 à 0,8 g/L O.R. = 2,23 0,8 à 1,2 g/L O.R. = 10,91 1,2 g/L O.R. = 88,5 Plos One août 2012. Kuypers et al. Une récente méta-analyse de 554 publications confirme l’influence de l’alcool sur la sécurité routière à partir de 0,4-0,5 g/L Canfield DV et al. Alcohol limits and public safety. Forensic Science Review 2014; 26: 10-19 Alcool et restitution du permis de conduire Visites médicales d’aptitude à la conduite / médecins agréés Utilisation de marqueurs biologiques de l’alcoolisme Marqueurs indirects VGM, Gamma-GT, ASAT ASAT mitochondriale Transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) Marqueurs directs Ethanol Ethyl glucuronide (EtG) Esters éthyliques d’acides gras (FAEE) Phosphatidyléthanol Marqueurs indirects VGM peu sensible et nombreux faux positifs Sensibilité : 50 – 60 % Spécificité : 40 – 90 % Macrocytose : carence en vit B12, en folates, troubles lignée érythroblastique Gamma-GT mauvais indicateur et nombreux faux positifs Sensibilité : 70 – 80 % Spécificité : 50 – 90 % Faux + : Diabète, obésité, hyperthyroïdie, etc… Enzyme inductible par l’éthanol, mais aussi par des médicaments (barbituriques, phénytoïne, imipraminiques, antihypertenseurs, contraceptifs oraux …) Transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) La transferrine, synthétisée par le foie, possède 2 chaînes polysaccaridiques plus ou moins ramifiées (n= 0 à 6) La forme tetrasialo est majoritaire Les formes asialo, monosialo et disialo représentent environ 1 – 2 % En cas d’exposition prolongée à l’éthanol, les formes asialo, mono et disialo sont augmentées alors que la quantité totale de transferrine n’est pas affectée Transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) Spécificité : 97 % (non influencée par pathologies pancréatiques, cardiaques, diabètes, médicaments inducteurs enzymatiques) Une désialylation partielle apparaît à partir de 50 à 80 g d’alcool pur par jour (0,75 l de vin) sensibilité : 82 % (faible chez la femme et l’adolescent) 1/2 vie de la transferrine = 7 jours. La transferrine désyalilée n’est pas éliminée grâce aux récepteurs hépatiques des asialoglycoprotéines Demi-vie CDT : 14 à 17 jours (retour à la normale entre 2 et 4 semaines) Transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) Diagnostic précoce (après 1 mois) de l’alcoolisme chronique Suivi du sevrage alcoolique et contrôle de l’abstinence Mais Faux positifs : Insuffisance hépatocellulaire secondaire à une cirrhose biliaire primitive, cirrhose auto-immune ou virale, hépatite chronique active, .. Tabac, obésité, hypertension Anomalies congénitales de la glycosylation protéique Sujets avec hypoferritinémie et hypotransferrinémie Marqueurs directs Ethanol Esters éthyliques d’acides gras (FAEE) Formés en présence d’éthanol à partir d’acides gras libres, triglycérides …. Mauvaise corrélation avec la consommation alcoolique Ethylglucuronide Formé à partir d’acide glucuronique et d’éthanol Après ingestion d’éthanol, l’éthylglucuronide est détectable pendant plus de 12 heures dans le sang et 5 jours dans les urines. Aucun faux positif Ethylglucuronide dans les cheveux Pousse des cheveux = 1 cm par mois Prélèvement d’une mèche de cheveux Segment 0 à 3 cm ou 0 à 6 cm Si EtG > 30 pg/mg consommation chronique excessive (> 60 g d’éthanol pur par jour) Une simple mèche de cheveux orientée permet donc de déterminer une consommation chronique excessive d’éthanol Dans le cadre de la sécurité routière, quel intérêt de mettre en évidence une consommation chronique excessive ? Axiome Consommation chronique excessive ↑ Occasions de consommation excessive d’alcool ↑ Risque de conduite sous influence ↑ Risque d’accident de la route Conclusions Depuis une quinzaine d ’années, la prévalence des conducteurs alcoolisés (> 0,5 g/L) impliqués dans les accidents mortels de la route reste constante à 30 % le combat continue ! A partir d’une alcoolémie à 0,5 g/L, le sur-risque d’accident croît de manière exponentielle en fonction du niveau d’alcoolisation, pouvant atteindre des valeurs faramineuses (> 1,20 ; O.R. = 89) Le seuil de 0,5 g/L est parfaitement adapté Dans le cadre de la restitution du permis de conduire, De nombreux marqueurs biologiques sont aujourd’hui disponibles et utilisables par les médecins agréés pour les permis de conduire parmi lesquels les CDT et l’éthylglucuronide méritent toute leur place pour mieux apprécier l’état de dépendance du conducteur. Dans les cas de suppression du permis de conduire pour des durées de 3 mois ou plus, l’analyse de l’éthylglucuronide dans les cheveux devrait être envisagée comme cela est pratiqué dans plusieurs pays européens (Allemagne, Suisse, Italie …) Je vous remercie de votre attention
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Sang : qq heures
Urine : qq jours
Cheveux : qq mois