Revue belge de numismatique et de sigillographie

Transcription

Revue belge de numismatique et de sigillographie
.
REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
LES AUSPICES DE LA SOCIETE ROÏâLE DE NUMISMATIÛDE.
DIRECTEURS
:
MM. MAUS,
V*» B.
DE JONCHE ET CUMONT.
189S
QUARANTE-HUITIÈME ANNÉE
BRUXELLES,
J.
GOEMAERE, IMPRIMEUR DU ROL
Tiue de
la Limite, 2
1892
1
252
UN JETON D^OR INÉDIT
PIERRE D'ENGHIEN, SEIGNEUR DE KESTERGAT.
y a deux ans, en i88g, un terrassier qui
déblayait les anciennes fortifications de BoisIl
le-Duc (Brab.
sept.)
trouva
le
très intéressant
jeton que nous allons décrire.
Ce jeton
fut acheté
consentit à le
par un jeune
bourgmestre de
de notre Société
;
donc dans
c'est
collection de jetons de cet
cette pièce
—
qui
la
magnifique
amateur distingué que
hors ligne repose aujourd'hui.
Voici sa description
Droit.
homme
Van Dyk van Matenesse,
Schiedam et membre honoraire
céder à M.
:
Entre deux cercles perlés concen-
triques, la légende
:
253
lECTOIRS .:. POVR
D KEST'GATE.
•^.:.
LE
.->
SEIGHR'
.:.
;
Jeton pour
Au
le
seigneur de Kestergat
centre, les lettres majuscules
(i).
P
et
M
unies
par un lacs d'amour.
— Entre deux cercles perlés concentriques,
Rev.
légende
la
:
QVI .f. BIE' .:. lETTERA .;. LE
COMPTE .:. TROVVERA.
un balancier d'horloge avec
Au centre
.^.
:
deux contre-poids, accosté à droite de
.f.
ses
la lettre
majuscule S, entre deux fleurons composés de
cinq points, et à gauche, de la lettre majuscule R,
du
aussi entre deux fleurons
Remarquons d'abord
même
genre.
l'analogie de
ces deux
légendes avec celles d'un jeton du seigneur de
Beersel
p.
340
(2),
laaTOIRS
^
^ Qvi
*
Bie:n
>f
Dans
(1)
La
époque
;
Van
dessiné dans
Mieris
(3),
tome
I,
:
le
fleur
*
POVR
*
Le
*
Bie:' ^ leccrreiRA *
—
*
S6IGRGVR
son aomprre:
^^
trow^rtî.
champ, séparées par
de
lis
est
ce jeton pourrait
la
les insignes
marque monétaire de Bruges
donc avoir
été frappé à la
à
Monnaie de
de
celte
cette
ville.
(2)
Beersel-sur-Senne, dans l'arrondissement de Bruxelles.
(3)
Voy. aussi,
t.
1,
pp. 210
provinces des Pays-Bas, par
ANNKii 1892.
et 228, le
le D''
Jeton historique des dix-sept
Dugniolle.
i8
254
Toison d'Or, les lettres majuscules
Henri de Witthem, seigneui
de Beersel, et d'Isabelle van den Spout, sa femme.^
l'ordre de la
et
I^
initiales de
I,
En-dessous,
Un
le
millésime
le
i5oi.
:
autre jeton de ce seigneur de Beersel port
millésime de i5o5. (Voy. Dugniolle,
t. I,
p. 22I
n° 8o3.)
La mode
de réunir par un lacs d'amour les ini-
des prénoms des époux était très répandue
tiales
commencement du
à la fin du xv^ siècle et au
xvi^ siècle. Plusieurs jetons
Beau
le
Nous
de
du règne de Philippe
(1482-1506) montrent cet arrangement.
citerons seulement un jeton pour le bureau
madame
l'archiduchesse d'Autriche, duchesse
de Bourgogne, décrit par M. Dugniolle,
et dcvssiné pi. III. n° 604; le revers
p. 175,
de ce jeton, qui
beaucoup de ressemblance avec
offre
1. 1,
le
droit du
jeton de Kestergat, porte les lettres majuscules
P
et I jointes
Castille
par un lacs d'amour
de Philippe
initiales
Beau
le
et
ce sont les
;
de Jeanne de
(ij.
C'est un jeton à compter destiné au bureau de
l'Archiduchesse.
De même,
le
chancelier de l'Ar-
chiduc avait un jeton pour son usage particulier
(1)
Vqy. encore, Dugniolle,
dans VAN MiERis,
réunies par
Philippe
n" 601.
le
un
Beau
t.
lacs
:
t.
p. 294. n"
I,
I,
1,
p. 174, n^ 600
d'amour, ce sont
Qui
;
le 11° 636,
porte au revers les lettres
les
initiales
voudt^a. Vqy. Dugniolle,
t.
I,
de
la
;
gravé
Q et V
devise de
pp. 167 et 174,
255
de
même,
il
y avait des jetons pour les seigneurs
des finances. {Voy. Dugniolle,
n°^457 et 461,
t. I,
455.) D'autres dignitaires et fonctionnaires
possé-
daient aussi des jetons à compter rappelant leurs
titres.
Lesgrands seigneurs, à l'imitation du prince,
faisaient frapper des jetons, portant leurs initiales
ou leurs armoiries, pour établir
de leur maison
(i).
Dans
les
comptes
cette catégorie
de jetons
servant aux affaires privées rentrent évidemment
les
jetons ci-dessus mentionnés des seigneurs de
Beersel et de Kestergat. Les légendes de ces pièces
disent clairement qu'il s'agit de jetons à compter.
Les seigneurs
et les riches
bourgeois se servi-
fréquemment de jetons en argent, surtout à
partir du xvi^ siècle. Ils en firent frapper aussi en
rent
mais c'étaient plutôt des pièces de parade, de
cadeau ou de récompense que des instruments de
or,
maire
calcul. Ainsi, le
offrirent à
et les
échevins de Tours
Louis XII soixante gettoirs ou pièces
de plaisir en or, à son entrée solennelle dans cette
ville,
en 1498. Charles
le
Téméraire avait cepen-
dant des jetons d'or pour son usage particulier
(1)
Les seigneurs n'ayant plus
monnaie,
satisfaisaient
le
droit
ou
la
licence de
(2).
frapper
aussi leur vanité en faisant faire des jetons à
donner
leurs armoiries et devises, ce qui pouvait leur
l'illusion
d'une
monnaie émanant d'eux.
(2)
«
Là
(en la
se cloent nuls
chambre des
finances) vient le
comptes sans luy
et
bout du bureau, jecte et calcule
en eux,
et iceluy exercice,
duc bien souvent,
sans son sceu.
comme
sinon que
le
Luy mesmes
il
et
ne
sied au
les autres, et n'y a différence
duc
jecte
en
jecttoirs d'or et les
,
256
Le nombre des jetons
nos jours
d'or conservés jusqu'à
est très restreint, d'abord, parce qu'ils
n'ont été fabriqués qu'en petite quantité
et,
ensuite,
parce qu'ils ont été généralement transformés en
bijoux, en vaisselle,
ou en monnaies
(i).
La
valeur
du métal dont étaient faits ces jetons hâtait leur
destruction. Il n'est donc pas étonnant que les
jetons d'or du xv^ et du xvi^ siècles soient raris-
Le jeton du seigneur de Kestergat tire par
conséquent une très grande valeur non seulement
simes.
du
fait qu'il est
unique jusqu'à maintenant, mais
aussi de la nature
du métal dont
il
est fait.
Ce jeton ne portant aucun millésime, nous
essayerons de déterminer son âge par d'autres
indications.
Les deux jetons du seigneur de Beersel, mentionnés ci-dessus, ont été frappés en i5oi et i5o5,
pendant la majorité de Philippe le Beau (1494-1506)
les lettres des légendes ont le même caractère que
;
les lettres des inscriptions
prince
des monnaies de ce
(2).
Durant la minorité de Charles-Quint (i5o6-i5i5)
les légendes des monnaies sont encore d'un
alphabet en grande partie gothique.
autres en jecttoirs d'argent. » (Olivier de la Marche, Estât du duc
de Bourgogne ; Glossaire de M. La Borde, p, 329.)
(1)
Vojr.
une excellente étude sur
les jetons par
M
.
A. de Schodt,
Revue belge de numismatique, iSjS, pp. 518-544.
(2)
ment
Voy. Van der Chus, Monnaies de Brabant,
le
no 17.
pi.
XXII
et
notam-
257
Ce n'est qu'à sa majorité qu'on vit le grand
empereur, se laissant entraîner par le mouvement
de la Renaissance, émettre des monnaies avec des
légendes composées d'un alphabet franchement
romain. Or,
le
jeton du seigneur de Kestergat pré-
monnaies de
sente cette analogie avec les
rité
la
majo-
de Charles-Quint.
Nous pouvons en conclure
qu'il est po§térieur
à i5i5.
Cela étant bien
nom
le
établi,
il
sera facile de trouver
du personnage qui
était
de
seigneur
Kestergat après cette date. Cette détermination
sera d'autant plus
aisée,
que
deux
les
lettres
majuscules réunies par un lacs d'amour sont cer-
tainement
les initiales des
prénoms de mari
et
femme.
Mais avant de tirer parti des renseignements que
notre savant collègue à la Société d'archéologie
de Bruxelles, M. Th. de Raadt, a bien voulu nous
donner avec son obligeance habituelle
et
sa
grande expérience en héraldique, disons quelques mots de la seigneurie de Kestergat.
Cette seigneurie était
et
composée
:
i°
d'une maison
enclos situés en la seigneurie de Leerbecque ou
Leerbeek, en Brabant
(lettres
du i5
février 1449).
Cette partie est appelée Resterg at~Brabant dans le
dénombrement de
(1)
1752, et relevait
Les seigneurs de Kestergat devaient
de Brabant. Kestergat- Brabant était
fief
le
fief lige.
ample, sans obligations personnelles
du Brabant
service militaire au
Kestergat-Hainaut
ni militaires.
(i)
;
duc
était
258
2°
d'un
certain
de juridiction sous la
circuit
paroisse de Castre (dénombrement de 1752), sei-
gneurie d'Enghien, relevant du Hainaut. Cette
partie du territoire de Castre
ample en 144g (i). Kestergat
cette juridiction du Hainaut.
une
juridiction sur
en
fut érigée
relevait
Le
fiel
Cour féodale de Hainaut,
cartulaire de la
rédigé en 1473,
210
II, fol.
t.
cependant
dit
v'',
:
«
Messire Jehan d'Enghien, seigneur de Kestre-
«
gâte, chevalier, tient de ladite seignourie d'En-
«
ghien ung
«
comprent en
«
basse dudit lieu, et poelt valloir par an.
plus)
fief
appellet le Kestreghate, qui se
moyenne
haulte justice,
le
une
Bosmans, puisque
ne relevait pas du Hainaut.
erreur, selon
le dit lieu (Kestergat)
Le
M.
J.
cartulaire, qui n'avait pas à s'occuper de
Kestergat-Brabant, ne pouvait donc
juridiction
(1)
V.
une partie du
sur
La féodalité au pays d' Enghien
qui a eu Tobligeance
ci
d'Enghien,
Ce
le fief
t.
de Kestergat,
les
la
viser que
de
territoire
par M. Jules Bosmans
les
(p. 71),
renseignements
seigneurie de Kestergat. Voir
Annales du Cercle archéologique
I,pp. i42etss.
registre se trouve
aux Archives du royaume à Mons.
seule mention qui s'y trouve de ce
la
,
communiquer
de nous
-dessus indiqués, sur l'étendue de
encore sur
(2)
(Sans
»
(2).
C'est
la
et
fiet,
au xv^
Cour féodale d'Enghien, au nombre de
35,
siècle.
C'est la
Les registres de
que possède
le
dépôt de
Mons, ne commencent qu'en i582,
Voy. encore
le cartulaire
aux archives du royaume
l'inventaire
Kestergat.
imprimé.
Il
y
;
de
la
Cour féodale de Hainaut de
Chambre des Comptes,
est
n^
question d'un relief de
un ou
la
1
i5o2,
1
12
de
seigneurie de
239
Castre qui relevait de la seigneurie d'Enghien.
A
la
du
fin
xv-
au commencement
et
xvi^ siècle, la seigneurie de
du
Kestergat obéissait à
Louis d'Enghien, qui était aussi vicomte de Grim-
Wambrouck,
berghe, seigneur de
eut pour
Il
femme Marguerite
de Santberghe, Beauvolers, etc.
Wencelin, seigneur des
mêmes
etc. (i).
(2)
dame
d'Oisy,
(fille
du chevalier
lieux, et de Cathe-
Vaernewyck (3) ).
Louis d'Enghien mourut avant
rine de
(n.
st.)
puisque
,
ce jour-là
obtint l'investiture
ci-dessous).
nom
du
Il
du
fief
sa
le
25 mars i5i5
Catherine
fille
de Haeren {voyez note
laissa, entre autres enfants,
un
i
fils
de Pierre,
Celui-ci fut chevalier et seigneur de Kestergat,
de
Wambrouck ou Wannenbrouck, etc.
plit,
Il
rem-
en i522,les fonctions d'échevin de Bruxelles,
en i53i,
et,
—
achever
le
désigné
fut
comme
mandat de Bernard
Bigard, mort
le
Pierre eut pour
femme
pour
Estor, seigneur de
février de la
i^""
échevin,
même
année.
Marguerite van de Velde,
van den Velden, ou van Velden, appelée aussi des
(1)
Louis d'ÏLnghien reçut
en 1480;
c'est
son père,
il
du moins
d'un
fut investi
en 1451, après
le
le 2
la
seigneurie de Kestergat probablement
octobre de cette année que (par
Haertn que ce dernier
fief à
Non
(3)
Voy
pas Marie
.
comme
18, fol.
elle est
sacré,
II,
389;
ils
192 v».)
appelée dans
l'épitaphe de ces derniers
Grand Théâtre
mort de
décès de sa mère Elisabeih de Hertoghe (Tshertogen).
(Cour féodale de Brabant, reg, n»
(2)
la
avait relevé
les généalogies.
époux dans Jacques le Roy,
gisent dans l'église de Santberghe.
26o
Champs,
au témoignage de Laurent Le Blond
qui,
{Quartiers généalogiques des illustres
d'Espagne,
«
et
337) portait
édition in-8°, p.
etc.,
nobles familles
:
de sinople au chef d'argent, semé de lys de
gueules
».
D'après ce
même
auteur, Pierre aurait écartelé
d'Enghien plein avec
qui sont
armes de sa mère, Oisy,
les
d'argent, au croissant de gueules.
:
mourut le 12 septembre 1540.
Le jeton d'or trouvé à Bois-le-Duc convient
donc parfaitement à Pierre d'Enghien, seigneur
Pierre
de Kestergat;
il
porte, au droit, les initiales de
Pierre et de Marguerite, sa femme.
Ce jeton
est postérieur,
avons-nous démontré,
à i5i5. Vers cette époque, Pierre venait de succéder
à son père dans la seigneurie de Kestergat.
Nous pouvons donc
affirmer que ce jeton a
été frappé entre i5i5 et 1540.
forme à celui des monnaies
époque.
Il
et
Son
con-
style est
des jetons de cette
a peut-être été frappé en i522, année
où Pierre devint échevin de Bruxelles peut-être
encore, à l'occasion du mariage de Pierre avec
Marguerite van de Velde, mais nous n'avons pu
;
trouver la date de ce mariage. Ce sont là du reste
de simples conjectures.
Les d'Enghien de Kestergat sont, à n'en pas
douter, issus des anciens seigneurs d'Enghien,
dont
ils
étaient,
affirme
M.
J.
Bosmans
,
une
branche bâtarde.
Ceux de Kestergat combinaient
les
emblèmes
.
26l
des d'Enghien
de différentes façons
(i)
écu d'argent à trois fleurs de
sable
(2).
Tantôt,
:
avec un
au pied coupé, de
portaient ce dernier écu avec
ils
Enghien en franc-quartier
et vice-versâ, tantôt, ils
scellaient d'un écu écartelé,
aux
lis,
2^ et 3^ les fleurs
de
aux
i^''et4^
d'Enghien,
lis (3 et 4).
C'est sous cette dernière forme que Louis porses armoiries {voy, le sceau apposé par lui,
tait
en 1495, à l'aveu qu'il
Une damoiselle
(1)
de son
flt
sert de tenant
Wambrouck,
à Haeren).
(5).
comme successeur
Pierre d'Enghien eut
seigneur de Kestergat,
fief,
Jean-Hercule, chevalier,
qui acheta la vicomte de
etc.,
Grimberghe à Agnès de Vooght, veuve de son oncle Louis d'Enghien.
Il
bourgmestre de Bruxelles
fut
mourut comme
et
tel
en
juillet i554.
Sa sœur Barbe épousa Jean Hinkaert, chevalier, seigneur d'Ohain,
(2)
Les armes
étaient, dit
M.
d'argent à trois fleurs de
:
Bosmans,
J.
seel, à laquelle appartenait
enfant
bâtard,
et
même
celles de la famille
la
etc.
au pied coupé, de sable,
lis,
de Lier, dite d'Immer-
qui eut de Walter d'Enghien un
fille
adultérin,
auteur
des
d'Enghien de Kes-
tergat
Les brisures adoptées par ceux-ci sont expliquées dans
d'héraldique, de
M.
(3)
sable
les
Traité
les
armes pleines d'En-
ce qui constituait
une brisure moins
Les d'Enghien Kestergat ont parfois porté
ghien avec un cimier différent
apparente que
le
J. Bosmvns, pp. 192 et 193.
:
les autres brisures
Gironné d'argent
et
rapportées ci-dessus.
de sable de dix pièces, chaque giron de
chargé de trois croisettes recroisetées, au pied
fiché,
d'or,
pieds dirigés vers le centre de l'écu.
(4)
Comp. Henné
et
Wauters, Histoire de Bruxelles,
armoriées; J.-Th. de Raadt,
Keerbergen
(5)
Aveux
n» 2329.
et ses seigneurs;
et
les
Seigneuries du
les
planches
Pays de Malines,
Armoriai général, de Rietstap, 1881.
dénombrements
de
la
Cour féodale de Brabant,
202
Reste à expliquer l'instrument qui figure au
revers du jeton de Pierre
deux
lettres
droite,
majuscules S
l'autre à
gauche de
de Kestergat,
R
et
et
les
placées l'une à
la tige
de cet instru-
ment.
Dire à quoi celui-ci avait servi n'était pas
Nous nous
facile.
étions vainement adressé à plusieurs
antiquaires, lorsque M. Henri
Hymans, conser-
vateur des Estampes de la Bibliothèque royale,
nous engagea à consulter M. Eugène Wehrle,
horloger, 2, place du Petit-Sablon, à Bruxelles,
grand amateur
et excellent
connaisseur d'horlo-
Ce fut un très bon conseil non
seulement M. Wehrle nous reçut avec la plus
grande amabilité mais aussitôt que nous lui
gerie ancienne.
:
,
eûmes montré le revers du jeton de Kestergat, il
nous déclara, sans hésitation, que l'instrument
figuré sur ce revers était un balancier d'horloge
ancienne. Il nous fit voir une horloge munie d'un
balancier analogue. Il eut l'obligeance de nous
expliquer
les
représenté sur
lère
diverses
le
jeton
:
de l'instrument
parties
1° le
balancier à crémail-
avec ses deux contre-poids qu'on rapprochait
ou qu'on éloignait suivant que
devait être accéléi'é ou ralenti
;
le
mouvement
2" la tige
ou verge
ayant à son extrémité supérieure un anneau par
lequel passait la ficelle qui servait à suspendre
cette tige
avec son balancier;
3° sur cette tige,
vers la droite et vers la gauche, et à une certaine
distance l'une de l'autre, les deux palettes d'échap-
263
pement destinées à régulariser le mouvement de
la roue d'échappement (i).
M. Wehrle m'a assuré que les horloges ayant ce
genre de balancier ont été employées au xiv%
au xv^ et jusqu'au commencement du xvi® siècle,
époque où
nous
Il
sur
le
en usage
elles cessèrent d'être
fit
remarquer que
(2).
balancier dessiné
le
jeton de Kestergat était très perfectionné, ce
qui indique la dernière période de son emploi.
Les
S et R, placées à droite et à gauche
du balancier, sont les initiales d'une
lettres
de la tige
devise ayant rapport aux fonctions de ce balancier
celui-ci est l'emblème, à côté se trouve la
;
devise adéquate.
légende du jeton, est
(1)
M.
C.
comme
langue française,
Cette devise, en
:
«
Sans Repos
»,
la
par allusion
Picqué a montré au Congrès international de numis-
tenu à Bruxelles à l'occasion du So^ anniversaire de
matique,
la
fondation de notre Société, une médaille du peintre François Floris,
faite
par Conrad
emblèmes,
offre
Bloc, dont
expliqué cet instrument
tenir à
le
revers, au milieu de divers autres
aux yeux un balancier semblable.
et a
M
.
Picqué n'a pas
conjecturé qu'il pouvait peut-être appar-
une clepsydre.
Après avoir reçu un
savant collègue
signaler, dans
tiré
à part delà présente notice, notre dévoué et
M. Ed. Van den Broeck
Van Loon
.
édit. franc.,
t.
eut
I,
l'obligeance de nous
p. 5o,
un
jeton de Maxi-
milien de Berghes, évéque et duc de Cambrai, jeton de i56i, dont
le
revers porte une horloge avec un balancier semblable à celui du jeton
de Pierre d'Enghien.
Berghes
:
Nec
cito
La légende
est
nec temere. Van
la
Loon
devise de Maximilien de
ajoute que, d'après Guic-
ciardin, ce genre d'horloge a été inventé dans les Pays-Bas.
(2)
Voy. cependant
le
jeton de Max. de Berghes, qui est de i56i.
264
au mouvement perpétuel du balancier
du personnage
vité infatigable
et à l'acti-
de la famille
et
qui avaient adopté cette devise.
Nous avions envoyé à notre savant
M. E. Matthieu,
du Cercle archéolo-
secrétaire
gique d'Enghien, un
tiré
collègue
à part de la présente
notice où figurait déjà l'explication du balancier
ci-dessus indiquée, mais où la devise
considérée
était
lettres
S
et
R
comme
le
sans repos
«
»
sens probable des
du revers du jeton.
M. Matthieu eut
la
grande obligeance de nous
adresser les lignes suivantes, qui tranchent défini-
tivement
la
question
:
Dans un manuscrit du
«
xvii^ siècle,
Descente de la maison d'Enghien
»,
intitulé
:
qui est déposé
au Cercle archéologique d'Enghien, existe une
vignette exactement conforme au revers du jeton.
Voici un passage de ce manuscrit qui vous expli-
quera un point que vous avez regardé
douteux
comme
:
«
Ce messire Jean (d'Enghien, dit de Kestergat)
a esté un personage doué de plusieurs belles
qualités, mesmement d'un grand scavoir qu'il
«
ont avancé à plusieurs honeurs
«
l'an 1430
«
duc Philippe... (suivent deux pages sur sa vie)...
«
puis
«
et
«
en Syrie, Jérusalem,
«
chevalier de
«
«
le
il
fut faict
chambellan
ms. continue
:
charges;
et
et conseiller
du
Outre plusieurs voyages
ambassades es pays divers
fut
par deux fois
Mont Synay où
Saincte Caterine et
il
fut faict
comme
tel
265
«
timbroit d'une roue et porloit
«
(c'est-à-dire le collier de cet ordre) et en consi-
le colier
d'agné
donna pour
un mouvement d'orloge, sans repos,
«
dérations de ses siens .travaux,
«
devise
«
qu'ont depuis continué ses successeurs
» f°
74, v".
Ce manuscrit a dû appartenir aux d'EnghienKestergat, car on a ajouté au titre la mention::
«
Sans
Il
repos,
Enghien, 1611
résulte de ce texte
(grand père de Pierre),
que ce
le
rait sur la verrière dont
adopta l'emblème
jeton
et
».
fut
même
il
va
Jean d'Enghien
dont
nom
le
figu-
être question, qui
et la devise reproduits sur le
sur cette verrière.
M. de Raadt eut l'amabilité de nous signaler
dont plusieurs copies existent dans
cette verrière
un manuscrit
(n° i565)
du Fonds Goethals, à
la
Bibliothèque royale.
En
effet
un recueil d'épitaphes
des églises des Pays-Bas
même
coloriés d'une
placée au-dessus du
l'église des
(i)
et d'inscriptions
renferme trois dessins
verrière
qui se trouvait
chœur du
scapulaire, dans
Grands-Carmes, à Bruxelles,
détruite lors
bombardement de
du
et qui fut
Bruxelles,
en 1695. Cette verrière, établie en 1639, en l'hon-
(t)
Recueil d'épitaphes et d'inscriptions des églises et autres lieux
des Pais-Bas pour la plus
grande partie authentiquée,
dessinée et coloriée entre lesquelles
il
se
très
trouve un grand nombre
bien
qui
existèrent avant les troubles de ces Pais et qui périrent par le bombar-
dement de Bruxelles
en
1695
—
recueilli
F. C. G. comte de Cuypers de Rvmenam,
etc.,
et
ms.
mis en ordre
t.
II.
par
266
neur d'Englebert, de Jean
et
de Louis d'Enghien,
seigneurs de Kestergat, portait au-dessus de ces
personnages, un emblème analogue à celui qui
figure sur le jeton
;
seulement, cet emblème est
plus ou moins fidèlement reproduit par
sinateur et la lettre
R de la
des-
le
devise est transformée
en un B, ce qui est évidemment une erreur
le vitrail
étant sans doute placé très haut,
;
le
pu facilement confondre un R enjolivé
d'ornements avec un B. C'est tellement vrai que
copiste a
l'emblème dessiné sur
leure
:
première copie
la
(la
meil-
conforme par J.-B. An-
elle est certifiée
sems, abbé de Saint-Donat, protonotaire apostolique, 1694) est figuré ainsi
:
tandis que sur
troisième
la
copie, le ba-
lancier de-
jy
vient
croix.
clair
premier dessin
est seul
3
B
une
Il
est
que
le
conforme à
'>-^
la réalité.
Le
croissant, sur lequel repose la tige du balancier,
est peut-être
un emblème destiné à rappeler
les
voyages de Jean d'Enghien, en Orient, ou bien
est-ce simplement le croissant de gueules des
armoiries de Marguerite d'Oisy?
(i)
Le manuscrit
intitulé
«
(i).
Descente de la maison d'Enghien
•>
porte
267
Au-dessus des femmes, sont disposées
lettres suivantes
E
Ce sont les initiales des prénoms des
femmes des trois seigneurs d'En-
M
M
les trois
:
ghien-Kestergat précités
:
Elisabeth de Hertoghe, Marie de Mol et Marguerite d'Oisy.
Terminons en transcrivant
était
sous cette verrière
l'inscription
qui
:
D. G. M.
ET MEMORISE ILLVSTRIVM EQVIT.
ENGELBERTI, lÔS, ET LVDGVICI D'ENGHIEN D.D. DE
KESTERGATE VICECOMITVM DE GRIMBERGHE ^
QVORVM PRIOR CVM ANTONIO BRAB. DVCE IN
PVGNA D'AZINCOVRT OCCVBVIT A» 1415.
ALTER CYPRII ORD. xMIL. AC PHIL. ET CAROLI BVRG.
ET BRAB. DVCVM ŒCONOMVS. ET POSTREMVS PAIRl IN DIGNITATE SVCCESSOR OÊS FAMILIARI HOC
VIRTVTE ET AMORE AVIO CLARVS P. P. A« lôSg.
Voilà, pensons-nous, plus qu'il ne faut pour
expliquer .un jeton.
G. CUMONT.
en regard d'une de ses pages
des
initiales S. et
la tige
Au
R.
un balancier d'horloge en
:
or, accosté
l'une d'un côté, l'autre de l'autre côté, en noir,
du balancier reposant sur un croissant de gueules.
dessus du texte sont les armoiries de Pierre d'Enghien
cpous-.;
Marguerite van Velden
Pierre: écartelé, au
1
et
et
de son
:
4 d'Enghien plein; au
2
et 3
d'argent au
croissant de gueules.
Marguerite
:
de sinople au chef d'argent semé de croix de gueules.
Ces dernières armoiries ne sont pas tout
décrit Laurent
Le
Bhmd
(i^o//-
ci-dessus).
à fait
conformes
à celles
que