Recueil L`avenir
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Recueil L`avenir
BNLMTL 2014 La LaBiennale Biennale de deMontréal Montréal L’avenir oo kin wa g rd) 1 BNLMTL 2014 La Biennale de Montréal BNLMTL 2014 est une réalisation de La Biennale de Montréal en coproduction avec le Musée d’art contemporain de Montréal 1 Ce livre est publié suite à la présentation de BNLMTL 2014, l’édition 2014 de La Biennale de Montréal, du 22 octobre 2014 au 8 février 2015. BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward), est une réalisation de La Biennale de Montréal en coproduction avec le Musée d’art contemporain de Montréal. Commissaires Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone et Mark Lanctôt extrait quelconque de cet ouvrage, par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, en particulier par photocopie ou par microfilm, est interdite sans l’autorisation écrite de La Biennale de Montréal. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Vedette principale au titre : This book is published following the presentation of BNLMTL 2014, the 2014 edition of La Biennale de Montréal, from October 22, 2014 to February 8, 2015. Bibliothèque et Archives nationales du Québec and Library and Archives Canada cataloguing in publication BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward), is presented by La Biennale de Montréal and co-produced with the Musée d’art contemporain de Montréal. L’avenir = (Looking forward): BNLMTL 2014 Curators: Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone and Mark Lanctôt Catalogue of an exhibition held in Montréal from October 22, 2014 to February 8, 2015. Text in French and English. ISBN 978-2-9814722-0-5 Editor: Sylvie Fortin Copy Editors: Susan Le Pan and Judith Terry French Translators: Érik Bordeleau, Monica Haim, Colette Tougas and Michèle Veubret Translation Editors: Magalie Bouthillier, Sylvie Fortin, Colette Tougas and Laetitia Baya Yantren Proofreaders: Susan Le Pan (English) and Colette Tougas (French) Intern: Caroline Thérien Graphic Design: Uniform Printing: Quadriscan Direction : Sylvie Fortin Révision anglaise : Susan Le Pan et Judith Terry Traduction : Érik Bordeleau, Monica Haim, Colette Tougas et Michèle Veubret Révision des traductions : Magalie Bouthillier, Sylvie Fortin, Colette Tougas et Laetitia Baya Yantren Révision d’épreuves : Susan Le Pan (anglais) et Colette Tougas (français) Stagiaire : Caroline Thérien Conception graphique : Uniform Impression : Quadriscan L’avenir = (Looking forward) : BNLMTL 2014 Œuvres © les artistes, 2014 Textes © les auteurs, 2014 Publication © La Biennale de Montréal, 2015 N6496.3.C3M6 2015c 709.05’1207471428 C2014-942091-9F Artworks © the artists, 2014 Texts © the authors, 2014 Publication © La Biennale de Montréal, 2015 Dépôt légal Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015 Bibliothèque et Archives Canada, 2015 Distribution La Biennale de Montréal CP 39074, Succursale Saint-Alexandre Montréal, QC H3B 0B2 Canada www.bnlmtl.org [email protected] Legal Deposit Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2015 Library and Archives Canada, 2015 Tous droits de reproduction, d’édition, de traduction, d’adaptation, de représentation, en totalité ou en partie, réservés en exclusivité pour tous les pays. La reproduction d’un Main entry under title: Catalogue d’une exposition tenue à Montréal du 22 octobre 2014 au 8 février 2015. Texte en français et en anglais. ISBN 978-2-9814722-0-5 1. Art - 21e siècle - Expositions. I. Beech, Amanda. II. Fortin, Sylvie, 1963- . III. Biennale de Montréal. IV. Titre : Looking forward. All rights reserved. No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording or otherwise, without written permission of La Biennale de Montréal. 1. Art, Modern - 21st century Exhibitions. I. Beech, Amanda. II. Fortin, Sylvie 1963- . III. Biennale de Montréal. IV. Title : Looking forward. N6496.3.C3M6 2015c 709.05’1207471428 C2014-942091-9E Distribution La Biennale de Montréal P.O. Box 39074, Saint-Alexandre Montréal, QC H3B 0B2 Canada www.bnlmtl.org [email protected] Introduction Sylvie Fortin 8 13 L’œil ouvert 24 Sur Miranda libre 32 La sensation présente : l’art contemporain et la question du temps 42 Peggy Gale Mark von Schlegell Erik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski, Alanna Thain Futur impossible? Penser l’image sans crise Amanda Beech 58 Gean Moreno + Benjamin H. Bratton L’avenir (looking forward) Gregory Burke Chaque accident amène une nouvelle technologie 50 Notre dernier plus grand espoir 70 Commissaires et auteurs Illustrations Œuvres Artistes 78 82 212 228 Partenaires 232 Richard Ibghy + Marilou Lemmens Introduction Sylvie Fortin 144 Every Accident Produces a New Technology 190 Our Latest Greatest Hope 200 Curators and Authors Illustrations Works Artists 206 82 220 228 Partners 232 Gean Moreno + Benjamin H. Bratton L’avenir (looking forward) 149 Wide Eyes 160 A Free Miranda 166 The Present Feeling: Contemporary Art and the Question of Time 174 Future Impossible? Thinking the Image without Crisis 182 Gregory Burke Peggy Gale Mark von Schlegell Erik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski, Alanna Thain Amanda Beech Richard Ibghy + Marilou Lemmens Introduction Sylvie Fortin Je suis heureuse de vous trouver ici. J’espère que vous avez pu faire l’expérience de L’avenir (looking forward), édition 2014 de La Biennale de Montréal (BNLMTL 2014), commissariée par Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone et Mark Lanctôt. La présente publication est une extension de leur projet vital et stimulant. Ce livre est, dans le temps, le dernier d’une série de publications imprimées et en ligne constituant le riche univers discursif de BNLMTL 2014. Celles-ci comprennent le site Web de BNLMTL 2014 (www.bnlmtl2014.org), nos réseaux sociaux et nos canaux vidéo, où vous pouvez visionner plusieurs conférences et tables-rondes. Cette publication poursuit et bonifie le guide de la Biennale où l’on peut trouver de brèves descriptions du ou des projets de chacun des artistes, des biographies fouillées et des images. En fait, le guide et le présent recueil ont été conçus en complémentarité. Puisque BNLMTL 2014 a présenté en première 22 nouvelles œuvres, plusieurs achevées juste à temps pour le vernissage, une approche distribuée et séquentielle de publication nous a semblé le mieux refléter notre souci d’excellence, d’expérimentation, d’accessibilité et de partage des savoirs. S’il ne vous a pas été possible d’être avec nous à Montréal, vous pouvez tout de même vous faire une bonne idée de l’expérience – et de certains des enjeux théoriques et conceptuels soulevés par les œuvres – en lisant les textes qui suivent et en vous plongeant dans la section des illustrations. Cette publication présente une suite soigneusement agencée de textes, allant de l’essai de commissaire au texte d’artiste, en passant par la nouvelle, l’entrevue et le texte collectif. Pour un impact maximal, je vous invite à les lire dans leur ordre de présentation. Ce sont les textes des commissaires Gregory Burke et Peggy Gale, les concepteurs de L’avenir (looking forward), qui arriment l’ouvrage. Dans leurs fines analyses, ils proposent des conceptions très différentes du thème et de l’exposition, démontrant ainsi que les projets vitaux produisent nécessairement des expériences et des lectures variées. Vient ensuite la fiction de Mark von Schlegell, qui nous transporte dans un avenir rapproché où le genre, le sexe, le territoire et l’appartenance transitent par divers concepts d’autodétermination. Puis le texte stimulant de l’artiste et théoricienne Amanda Beech, incluse dans BNLMTL 2014, précède l’appel tout aussi investigateur lancé par les chercheurs montréalais Erik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski et Alanna Thain dans leur texte collectif. Ces deux critiques habiles et mesurées nous enjoignent, urgemment, à revoir les revendications souvent ineptes faites au nom du présent et de la capacité d’action de l’art. S’ensuit une discussion rythmée 8 et de vaste portée entre l’artiste et commissaire Gean Moreno et le théoricien culturel Benjamin H. Bratton, durant laquelle les mégadonnées sont disséquées en plusieurs strates, opération qui fait ultimement un solide plaidoyer en faveur d’une révision de nos vocabulaires de design, de politique, d’art et d’économie. Enfin, les artistes montréalais Richard Ibghy et Marilou Lemmens projettent l’économie en orbite. Leur exploration des ressources, de la dépense, de la dette et de la valeur croise en partie le territoire couvert par les textes de Mark von Schlegell et de Moreno/ Bratton. Elle contextualise également leur récente installation vidéo The Golden USB, une commande de La Biennale de Montréal pour BNLMTL 2014 présentée en collaboration avec VOX, Centre de l’image contemporaine. La section des illustrations a également été méticuleusement montée. Faisant des allers et retours à partir de la page centrale, elle joue et dépasse le rôle documentaire traditionnel des illustrations dans un catalogue d’exposition. Surtout, elle emprunte à l’essai photographique pour se rapprocher de l’intensité d’une exposition déployée dans plusieurs sites. À partir de la rotonde du Musée d’art contemporain de Montréal, le site principal de BNLMTL 2014 et son partenaire de coproduction, les illustrations suivent le déploiement de l’exposition dans les salles, évoquant les manières dont les œuvres se nourrissent et se modulent l’une l’autre, et vous invitent à leur emboîter le pas. Une manifestation de l’envergure de L’avenir (looking forward) ne saurait avoir lieu sans l’apport de plusieurs partenaires, de personnes passionnées et d’institutions dévouées. J’aimerais, en premier lieu, remercier les auteurs qui ont répondu à notre invitation avec autant d’audace et d’enthousiasme, ainsi que les artistes qui ont accepté de partager leurs œuvres et leurs idées avec nous. Je remercie aussi les commissaires de BNLMTL 2014 pour leur engagement dans ce projet, et pour l’ouverture d’esprit, la patience et l’intelligence dont ils ont fait preuve. Merci, finalement, à notre photographe Guy L’Heureux pour la sensibilité de son travail et aux réviseurs et traducteurs talentueux qui ont contribué au présent ouvrage. Ma gratitude va également aux nombreuses agences internationales qui ont fait d’importants investissements dans La Biennale de Montréal : la Danish Arts Foundation pour le soutien à l’installation d’Ann Lislegaard ; Goethe-Institut Montréal, le ministère des Affaires étrangères d’Allemagne et le Consulat général d’Allemagne à Montréal pour la présentation des projets de Hito Steyerl et de Klara Hobza et pour notre programmation commune autour de La Maison Fontaine; la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia pour sa contribution aux présentations d’Ursula Biemann, de Thomas Hirschhorn et de Basim Magdy ; Creative New Zealand – Arts Council of New Zealand Toi Aotearoa pour son généreux soutien de l’installation de Simon Denny ; et l’Australia Council for the Arts pour son appui à l’œuvre de Susan Norrie. Plusieurs institutions ont également participé à BNLMTL 2014 en prêtant généreusement leurs œuvres. Je remercie de tout cœur The Abraaj Group, Dubaï, pour le prêt du film The Dent de Basim Magdy ; 9 l’Art Gallery of Alberta, à Edmonton, pour le prêt de l’œuvre A Sign in the Northwest Passage de Kevin Schmidt ; le Hammer Museum, à Los Angeles, pour la disponibilité de Manifestos 1 de Charles Gaines ; la Mendel Art Gallery, à Saskatoon, pour le prêt de (And) Other Echoes de Raymond Boisjoly ; la Pomona College Collection, à Claremont (Californie), pour le prêt du dessin #justiceforjanedoe, Anonymous Women Protestors, Steubenville Rape Case, March 13 – 17, 2013 d’Andrea Bowers ; et la Vancouver Art Gallery dont la collaboration a permis la présentation d’une version de TIME TO LET GO… de Babak Golkar si rapidement après la fin de l’exposition vancouvéroise. Nous remercions chaleureusement les collectionneurs Paul Baker, Michael Rothfeld et Erica Shuttleworth et Tytus Hardy qui ont accepté de se départir de leurs dessins de Kevin Schmidt, au grand plaisir des visiteurs de La Biennale. Je suis infiniment redevable à notre partenaire de coproduction, le Musée d’art contemporain de Montréal, à son directeur général John Zeppetelli, à ses commissaires respectés Lesley Johnstone et Mark Lanctôt, à son conseil d’administration et à toute son équipe, pour leur générosité et leur dévouement, et pour le talent, les connaissances et la passion qu’ils ont injectés dans cette nouvelle coentreprise. Plusieurs autres organismes, institutions et corporations se sont ralliés autour de La Biennale de Montréal pour faire de BNLMTL 2014 une réalité. Leur appui a joué un rôle significatif dans notre entreprise. Nous remercions nos partenaires d’exposition – la Fonderie Darling, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Partenariat du Quartier des spectacles, SBC galerie d’art contemporain et VOX, Centre de l’image contemporaine –, de même que nos collaborateurs aux expositions, soit Arsenal Art contemporain, la Gare centrale, Parisian Laundry, la Place Ville Marie et le Quartier de l’innovation. Nos ambitieux programmes publics ont aussi bénéficié d’un soutien très vaste et nous sommes reconnaissants de la collaboration de la Canadian Art Foundation, du Centre Canadien d’Architecture, de l’Université Concordia, du Musée McCord et de l’Université du Québec à Montréal. Finalement, nous souhaitons remercier tout particulièrement notre Partenaire majeur UBS et tous nos généreux donateurs et commanditaires qui nous ont fourni un soutien crucial et qui sont mentionnés à la fin du présent ouvrage. Le conseil d’administration de La Biennale de Montréal et moimême leur sommes profondément reconnaissants pour leur apport et leur collaboration. À l’approche de la fin du périple de BNLMTL 2014, j’aimerais vous remercier, lecteurs et lectrices, de vous être aventurés dans l’orbite imaginaire dessiné par ce livre. J’espère que vous apprécierez ce voyage autant que nous avons eu du plaisir à lui donner forme. Sous le commissariat de Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone et Mark Lanctôt, L’avenir (looking forward) était présentée du 22 octobre 2014 au 5 février 2015. 10 Gregory Burke r i n e v ’L a (loo forw 12 13 oking ward) L’avenir (looking forward) examine la relation qu’entretiennent les pratiques en art contemporain avec la spéculation, la notion de futur et son histoire, de même qu’avec l’exercice de projection dans l’avenir. La question « Qu’est-ce qui nous attend ? » propose un cadre à partir duquel il est possible d’observer notre condition actuelle de divers points de vue : géopolitique, environnement, technologie, science, société, culture, idéologie, économie, éthique et métaphysique. Elle offre également l’occasion d’interroger la capacité d’action de l’art aujourd’hui, son potentiel transformationnel et son aptitude à influencer l’avenir. Le projet a été conçu en 2011, soit trois ans après le plus grand bouleversement dans le système financier mondial depuis les années 1930, au moment où la crise de la dette en zone euro menaçait de faillite plusieurs pays et que les gouvernements conservateurs de droite se faisaient élire les uns après les autres. En parallèle, et également en réaction à ces développements, partout sur la planète se répandait le mouvement « Occupy » qui dénonçait l’écart de plus en plus important entre les riches, soit 1% de la population mondiale, et le reste du monde qui, selon le mouvement, faisait face à des niveaux de plus en plus élevés de pauvreté et de misère. Les conflits idéologiques et la guerre perduraient dans les points chauds du globe, alors que les désastres naturels et ceux liés au climat atteignaient un nombre jamais vu, et que plusieurs pays étaient confrontés à des événements dont la destructivité était ��������������� sans ��������� précédent. Dans ce contexte, l’anticipation se trouvait évidemment mitigée, et elle continue à l’être. 15 Bien que la menace d’un effondrement économique mondial se soit atténuée, cela n’a diminué en rien l’anticipation d’un avenir sans crise. Les diktats économiques ayant mené à la crise sont toujours là, intacts, et les pouvoirs conservateurs continuent à nier l’impact de la société industrielle sur l’environnement, malgré l’accumulation des arguments scientifiques prouvant le réchauffement climatique et l’augmentation des désastres naturels qui lui est associée. De nouveaux conflits mondiaux ont émergé et le mouvement Occupy s’est dissipé, cristallisant ainsi, aux yeux de plusieurs, le sentiment d’un échec de la gauche et celui d’une victoire incontestée de l’ordre du jour économique du néo-libéralisme mondial. Si une perte de la notion de futur semble caractériser le moment présent, l’impression existe également que nous avons atteint un point de non-retour. Conséquemment, l’angoisse et, au mieux, l’espoir ont remplacé l’optimisme et le désir dans le discours sur les avenirs possibles. Pour une bonne part, les études critiques récentes ont abordé les crises qui nous attendent en posant un regard rétrospectif sur le parcours de la modernité et ses échecs. Au cours des quinze dernières années, l’art contemporain s’est penché sur cet enjeu en retournant à plusieurs moments clés de l’activisme et de l’utopisme qui ont nourri les aspirations modernistes. Il y a cinq ans, le critique et commissaire Dieter Roelstraete a qualifié de « tournant historiographique en art1 » le discours entourant ces pratiques artistiques et commissariales portant sur le souvenir et l’oubli, la nostalgie, l’archive et la reconstitution, tout en suggérant de « récupérer l’avenir en vue de produire une théorie du présent ». Depuis 2010, artistes et critiques ont en effet recommencé, en nombre croissant, à regarder devant eux, à fouiller l’avenir pour mieux aborder les défis auxquels fait présentement face l’humanité. Plusieurs le font avec appréhension, décortiquant les conditions et les hypothèses qui militent contre le changement, engendrent l’inertie et créent un sentiment d’impuissance devant un inévitable avenir prescrit. L’avenir (looking forward) réunit diverses de ces positions artistiques. Certaines abordent ou projettent directement des avenirs possibles, alors que d’autres le font implicitement ou en les suggérant. Certaines œuvres s’attaquent à la contingence des histoires modernistes en les redistribuant et en les réinterprétant dans un contexte expansif qui, en fait, retourne l’objectif vers le monde tout juste devant soi. Le projet trouve son ancrage dans la ville de Montréal et s’inspire de son contexte actuel et de son histoire. De ce point de vue, les années 1960 sont une référence pour plusieurs des artistes participants ; en effet, durant cette époque, on a imaginé Montréal comme une ville axée sur l’avenir, comme le suggérait le thème de l’Expo 67, Terre des Hommes/Man and His World, titre emprunté à l’ouvrage autobiographique de l’écrivain et aviateur Antoine de Saint-Exupéry qui y expose ses rêves et ses espoirs pour l’avenir. Des conceptions de progrès étaient incarnées à l’Expo 67 dans le pavillon des États-Unis, un dôme géodésique conçu par Buckminster Fuller, qui présentait deux capsules spatiales ainsi que la technologie issue du programme Apollo qui allait mener les astronautes sur la Lune. En parallèle à cet optimisme à l’égard du 16 17 futur, les activités du Front de libération du Québec durant toute la décennie mèneraient ultimement, en 1970, au déploiement de chars d’assaut dans les rues de Montréal et à une vague de relocalisation d’entreprises anglophiles. Cet activisme local se voyait reflété à l’échelle internationale, de la guerre d’Algérie et des soulèvements de Mai 68 en France jusqu’aux mouvements pour les droits civils et contre la guerre du Vietnam aux États-Unis. Les enjeux locaux et l’internationalisme, c’est-à-dire l’immédiateté d’un combat local et le sentiment plus abstrait de participation à un mouvement de libération international, souvent d’inspiration marxiste, avaient le même poids. La dichotomie ici c’est que, malgré l’agitation sociale, ce fut la période la plus optimiste du 20e siècle dans les pays développés. Les taux de prospérité étaient à la hausse, alors que le fossé entre riches et pauvres était historiquement à son niveau le plus bas. Si Montréal traçait en fait un trait d’union entre les discours activistes issus de l’Amérique du Nord et de l’Europe, la ville était également le foyer d’une lutte pour l’indépendance du Québec face au Canada. Plusieurs artistes abordent cette période de turbulence et ses implications contestées pour l’avenir. Dans son œuvre Space Fiction & the Archive (2012), la Montréalaise Jacqueline Hoang Nguyen se penche sur le Centenaire du Canada et sur la politique d’immigration de 1967, basée sur un système de points, qui a défini le Canada moderne et transform��������������������������� é�������������������������� le portrait de l’immigration en changeant les paramètres de l’accueil. D’autres artistes, comme Adaptive Actions, Emmanuelle Léonard et Isabelle Hayeur, parlent directement du présent en interpellant des communautés et des sites particuliers à Montréal et en les intégrant à leurs projets. Les Situationnistes ont eu beau dire que « l’avenir ne contiendra que ce que nous y mettrons maintenant », force est d’admettre que l’avenir est inévitablement infléchi par l’interaction de forces locales, nationales et mondiales. Conséquemment, à partir de ce contexte montréalais, les commissaires ont porté leur regard plus loin, sur les enjeux mondiaux qui influencent les avenirs possibles et leurs intersections avec le local. À cet égard, un point d’ancrage important pour le projet est l’Arctique canadien, région à laquelle fait référence Matthew Buckingham dont la pratique, souvent basée sur la recherche, vise à révéler les motivations d’actions passées afin d’en comprendre l’impact et la signification aujourd’hui. Il lui arrive fréquemment de s’intéresser à un site particulier pour insinuer une série d’interconnexions historiques, lesquelles renvoient en retour à des forces qui continuent à produire de futures issues. Son œuvre intitulée Northwest Passage (2002) souligne la recherche par Henry Hudson d’une route plus rapide de l’Europe à l’Asie au début des années 1600 et la manière dont ses premiers voyages commerciaux ont ouvert la voie à la colonisation de l’Amérique. Fait important, il souligne également comment les entreprises et les gouvernements s’associent maintenant pour acheter des terres autour du passage du Nord-Ouest, au moment même où les changements climatiques le transforment en potentiel couloir de navigation maritime et où de nouvelles technologies sont développées pour procéder à l’extraction des ressources naturelles. Ursula Biemann aborde les conséquences mondiales des changements climatiques 18 19 dans Deep Weather (2013), une vidéo qui relie l’extraction des ressources dans le Nord du Canada et les niveaux de plus en plus élevés de la mer au Bangladesh. Ces œuvres mettent en lumière nos dilemmes contemporains : les actions individuelles et communautaires visant à limiter les émissions de carbone sont neutralisées par des forces multinationales qui spéculent lucrativement sur les aléas et les récompenses du réchauffement climatique. L’impression que nous vivons à une époque ayant atteint un point de non-retour est aggravée par l’inquiétude que notre monde n’ait dépassé un point critique en ce qui a trait au réchauffement climatique. Cette dégradation environnementale est toutefois sous-tendue par des enjeux géopolitiques et par l’omniprésence d’un système d’économie de marché de plus en plus dominant, basé sur la spéculation, la stratification sociale, la croissance soutenue et, conséquemment, une consommation accrue des ressources. Contre cette toile de fond, certains artistes dans l’exposition abordent de manière oblique les ratés du modernisme, avec les années 1960 comme point de référence commun, et considèrent les implications pour le présent de modèles sociétaires utopistes qui ne se sont jamais réalisés. D’autres artistes mettent en relief les limitations structurelles émergentes qui, inhérentes à la condition mondiale, œuvrent contre une vision de l’avenir démocratiquement déterminée. Dans « M&A » avec Jo Randerson (dramaturge), Paul Leong (banquier d’affaires), Ybodon (informaticien), Anna Heymowska (scénographe), Johan Hjerpe (designer graphique) et Gerard Harris / Patrice Martre (acteurs) (2013/2014), Goldin+Senneby met en lien une forme spéculative de théâtre et le monde de la finance mondiale où les échanges commerciaux, de plus en plus automatisés et instantanés, sont coupés de la production, de l’emplacement, de la communauté et du travail. Puisque la durée d’emploi de l’acteur dans « M&A » est complètement dépendante de la performance d’un programme algorithmique automatisé exécutant une stratégie d’échange boursier, l’œuvre non seulement souligne l’éthique douteuse qui sous-tend le monde irréel du trading virtuel, mais elle implique aussi le milieu de l’art dans un système mondial. La question intéresse de nombreux artistes étant donné l’explosion récente du marché de l’art contemporain et son lien avec la croissance d’un surplus de richesse aux mains de quelques-uns. Dans son livre de 1967 intitulé La Société du Spectacle, Guy Debord écrivait : « Avec le développement du capitalisme, le temps irréversible est unifié mondialement. […] Le temps irréversible unifié est celui du marché mondial, et corollairement du spectacle mondial2. » Plusieurs artistes dans la Biennale résistent à l’idée d’un temps irréversible unifié. Des états de temporalité mutable sont évoqués par la notion « d’anticiper l’avenir » inhérente à l’expression looking forward du titre de BNLMTL 2014, qui évoque une action s’engageant simultanément dans le présent et dans l’avenir. L’heure avance, le temps est partout et il est vécu de différentes manières. Conséquemment, notre projet oscille dans le temps, ses principaux points de contact étant le début des années 1600 et les moments révolutionnaires du 20e siècle : Northwest Passage de Buckingham ; le film La Linea Generale [La ligne générale] d’Oleg Tcherny 20 21 (2010), qui emprunte son titre à l’œuvre réalisée en 1926 par Sergeï Eisenstein et qui contient un extrait du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, ouvrage de Galilée publié en 1632, lu par le philosophe contemporain italien Giorgio Agamben ; et 2084: a science fiction show (2012-2014) de Pelin Tan et Anton Vidokle, qui projette soixante-dix ans dans l’avenir certaines théories en circulation durant la révolution russe. Il est important de noter que les stratégies consistant à transférer la fixité de l’objet à la temporalité et à miser sur l’intangibilité et l’impermanence sont utilisées par plusieurs artistes dans la Biennale pour manœuvrer parmi les restrictions du marché, s’engager socialement et réaffirmer le potentiel catalytique de l’art. De plus en plus, les pratiques artistiques s’attaquent au potentiel de récents développements sociaux et technologiques, et l’exposition inclut donc des artistes qui investiguent l’impact de la technologie sur l’interaction sociale et la production d’images. Les possibilités positives offertes par ces développements sont perceptibles dans la Biennale dans des œuvres créées par des artistes comme Raymond Boisjoly et Skawennati qui insèrent des voix ethnique et sousculturelle dans le domaine des univers numérique et virtuel, notamment celles de Premières Nations du Canada – identités autrefois éliminées des discours dominants de la modernité. L’impact de la technologie sur la transformation de l’identité est traité dans l’exposition, à la fois comme potentialité et menace, tout comme l’oblitération de l’intimité dans un monde de plus en plus sous surveillance. Ce méta-univers, qui alimente les plateformes basées sur le web et les médias sociaux et qui s’en alimente en retour, est également étudié au regard d’enjeux comme la dématérialisation croissante de la société contemporaine, la virtualisation du travail et les transactions occultes qui font de plus en plus partie de l’économie en réseau mondial. Dans l’histoire, les artistes ont élaboré des avenirs fictionnels, souvent dans le but d’offrir une loupe pour observer le présent, et ils sont encore nombreux à le faire aujourd’hui. Si certains artistes participant à la Biennale esquissent une vision dystopique de ce qui nous attend, l’approche de plusieurs d’entre eux est ouverte, puisant dans un discours sur l’avenir pour examiner la condition du présent. Ultimement, notre exposition cherche à regarder en arrière, à partir de ces avenirs possibles, pour considérer le présent et aborder, dans ce contexte, la connexité entre local et mondial. Anticiper l’avenir suppose qu’on imagine un moment à venir, processus qui examine la relation entre regard et conscience, son rôle à la fois de témoin du présent et d’idéateur de l’avenir. Cependant, L’avenir (looking forward) ne fournit pas de réponse facile à la question « Qu’est-ce qui nous attend ? ». Si certaines œuvres peuvent être plus facilement identifiées à des sujets de l’heure, toutes comportent différents niveaux de références et chacune est diversement en relation avec les autres. L’exposition ratisse large en ce qui concerne ses points de contact philosophiques ; elle s’efforce d’atteindre une philosophie pratique et basée sur l’éthique qui ne submerge pas l’individualité dans l’action collective. 22 23 Traduit de l’anglais par Colette Tougas. 1 Dieter Roelstraete, « After the Historiographic Turn: Current Findings », e-flux journal #6 (mai 2009), e-flux. com/journal/after-the-historiographic-turn-current-findings. 145, édition électronique réalisée par Yves Le Bail, à partir de la 3e édition des Éditions Gallimard (1992), en coopération avec Bruno Mouchelet, dans le cadre de la collection « Les classiques des sciences sociales ». http://www.uqac.ca/Classiques des sciences sociales/. 2 Guy Debord, La Société du Spectacle, paragraphe Peggy Gale t r e v u o l i L’œ « L’avenir » n’est plus ce qu’il était, on le sait. Aujourd’hui, il reste peu de l’optimisme de l’aprèsDeuxième Guerre mondiale dans lequel j’ai grandi, et se fier au confort du capitalisme et à la continuité de la croissance est aujourd’hui devenu malavisé, voire impossible. On n’imagine plus un avenir où chacun aurait son réacteur dorsal et où un système de transport aérien traverserait des gratte-ciel rutilants au grand bonheur de tous. Dans l’esprit de nombreux Occidentaux, « l’avenir » équivaut à « la fin ». Pour BNLMTL 2014, nous avons été à l’affût d’œuvres axées sur l’avenir, qui anticipent de nouvelles avenues et qui évoquent un moment ou une période de changement. L’exposition réunit des œuvres qui sont socialement sensibles, mais qui ont également une résonance personnelle pour le créateur et, donc, pour le spectateur. L’expérience humaine est en cause, de même que l’histoire récente et ce qu’elle met en lumière. Plus que jamais, les populations se déplacent, délaissant foyers et usages traditionnels afin d’améliorer leur sort : être en sécurité, avoir la liberté de penser et d’agir, atteindre le bien-être par l’éducation et l’emploi. Plus de 50 millions de personnes dans le monde sont maintenant définies comme des réfugiés. Même si l’on reste « chez soi », cet endroit va aussi changer, modulé par la diversité grandissante des populations, par la multiplicité des langues et des religions, et par les nouvelles offres en termes de divertissement, de nourriture et de musique. Pour chacun d’entre nous, quoique plus profondément pour les jeunes générations, le monde de l’information – image et opinion – est ouvert et fluide, traversant les frontières nationales et culturelles. Convictions et impressions sont sujettes à des remises en question. La curiosité peut être satisfaite ou le désir de changement, attisé. Les secrets ne sont plus à l’abri avec l’omniprésent internet. L’art est une forme de production et de partage de savoir. Les commissaires, les conservateurs et les musées s’occupent de gestion de savoir. Pour L’avenir (looking forward), nous avons choisi des œuvres qui illustrent, prolongent, inspirent et interprètent la production actuelle du savoir. Délaissant les plaisirs et les défis de la mémoire et le rôle de l’archive, nous avons cherché des artistes qui posent comme principe ce-qui-est-à-venir. Dans la plupart des cas, 25 il ne s’agit pas de « prédictions », pas plus qu’il n’est question de clairvoyance. C’est plutôt une expérience qui nous est proposée. L’avenir sera différent. Ou peut-être pas. Le « résultat logique » des actions d’aujourd’hui sera une répétition du même, mais probablement davantage, une extrapolation qui ne sera pas nécessairement logique. La dégradation de l’environnement et les changements climatiques semblent évidents aux yeux de plusieurs, mais ils sont tout aussi nombreux à les nier. Les gouvernements agissent dans le court terme, tout comme les entreprises. À leurs yeux, une élection imminente ou la ligne des résultats d’un bilan trimestriel semblent compter davantage qu’une reconnaissance dans le Grand livre de l’Histoire. Pensons-nous vraiment aux enfants de nos enfants ou à la septième génération par les temps qui courent ? Pas si l’on se fie aux grands titres du jour où cupidité, brutalité et coercition sont monnaie courante. Mais les vagues ne durent pas indéfiniment ; une « correction » finit par se produire, tout comme un changement de temps ou de saison. De nouvelles voies s’ouvrent. L’énergie, l’ambition, le désir, l’optimisme et la colère sont tous autant de combustibles. Plutôt que de tenter de changer le monde, on pourrait plutôt le penser, considérer ses qualités et les possibilités qui s’offrent à nous. On pourrait songer à détourner les événements actuels ou la réalité récente. La réflexion, l’examen, la discussion et l’imagination peuvent aussi être des agents actifs menant à de nouvelles perspectives et à la croissance. S’il existe un point de non-retour, alors n’est-il pas raisonnable de le contourner, de chercher ou d’approcher un avenir plus lointain, lui-même toujours en mouvement. Feu follet ou ignis fatuus : évasif, trompeur, fallacieux. Mais en marche. Pour une population vieillissante et témoin de guerres qui s’intensifient et se répandent, et de la prolifération actuelle du cancer et du sida, la mort peut être personnelle et imminente, ou lointaine et expansive. Lisa Steele et Kim Tomczak reconnaissent le passage du temps et l’inévitabilité de la perte ; les corps vieillissent puis défaillissent, mais ce n’est pas la « fin » après tout. Anticiper l’avenir peut être porteur de chagrin et de larmes de désespoir, mais qu’en est-il de la constance, de la persistance? Qu’en est-il de l’espoir ? Dans une période de malaises nationaux et internationaux et d’instabilité économique, anticiper l’avenir est inévitablement chargé d’incertitude. Hajra Waheed pense à ces « choses qui tombent du ciel », qu’il s’agisse de bombes, de drones ou des plus nombreux projectiles conventionnels. La tranquillité est fugitive et les familles sont menacées. Bien qu’elle soit née à Calgary, Waheed a passé les premières années de sa vie avec sa famille dans l’enclave résidentielle de la Saudi Aramco Oil Company et ses champs de pétrole, où l’utilisation de caméras ou d’appareils photo par des civils était 26 jugée « dangereuse ». Le secret et l’isolement lui ont laissé une impression persistante qui a mené à sa fascination pour les instruments de guerre et de surveillance. Personne n’était à l’abri du soupçon et du guet. Il semble donc naturel que Waheed donne discrètement forme à ses angoisses dans de petits dessins de mosquées historiques et dans des interprétations de rapports d’identification d’avions. Elle a déjà indiqué comment certains corpus antérieurs « signalent [son] intérêt pour les codes et les opérations de sécurité, de surveillance, de profilage et de déshumanisation en temps de guerre1 ». Le cadeau inattendu de vieilles photos en noir et blanc s’est avéré une source de renseignements sur son histoire familiale. Elles lui servent maintenant à construire des paysages à récits tacites où les fragments recadrent des histoires ni vraies ni fausses. Avec leurs vêtements démodés et leurs paysages « étrangers », ces nouveaux composites – photocollages, dessins, albums – deviennent ses propres images et traitent d’une nouvelle réalité postcoloniale. Comme nous le rappelle Taysir Batniji, « aucune condition n’est permanente ». Ayant quitté Gaza en 2006 et n’ayant pu y retourner que des années plus tard, il comprend la précarité de l’autodétermination, de la sécurité (culturelle) personnelle et nationale. Ses matériaux sont souvent éphémères et emblématiques. Ce dicton, que connaissent bien les Palestiniens – leur servant à la fois d’avertissement et de réconfort –, a été sa première proposition alternative pour BNLMTL 2014. Ainsi, les mots « aucune condition n’est permanente » devaient être gravés en arabe sur des savonnettes offertes gratuitement aux visiteurs. Avec l’ajout d’eau et « d’huile de coude », de simples savonnettes peuvent devenir d’impressionnants agents de changement. L’eau joue un rôle central dans un autre projet de Batniji. Pour sa performance Comme de l’eau (2008), dans le cadre de l’exposition Water: Misery and Delight à la galerie IFA de Stuttgart, Batniji trace au sol les 109 mots qui désignent l’eau en arabe2. Ces mots se volatilisent alors même qu’ils sont lus : c’est un lieu autre, un entre-deux évanescent, essentiel, dont le statut est inconnu et l’avenir, incertain. L’eau est un leitmotiv dans la présente exposition. En 2007, pour une exposition à Genève, Batniji s’est servi d’une autre phrase connue. Pour L’homme ne vit pas seulement de pain, c’est l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, en français, qui a été moulé dans du chocolat suisse : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » Les visiteurs pouvaient manger les lettres à leur guise. Même si le passé contient des souvenirs amers, les droits de la personne sont des certitudes éventuelles qui doivent être savourées et consommées. 27 Skawennati nous fait voir un avenir complètement autre, où les peuples autochtones retrouvent déjà en ligne, dans Second Life, le succès et le bonheur tant attendus. Les jeux vidéo sont « ludoéducatifs » au lieu de simplement tuer le temps ; grâce au système TimeTravellerTM, les personnages de Skawennati visitent des événements affreux du passé et passent ensuite à un avenir enchanté. Un pow-wow intergalactique se déroule en 2112 au Stade olympique de Winnipeg où, dans une séquence, des « Jingle Dancers » (danseuses à clochettes) rivalisent pour de fabuleux prix. Le personnage principal, Hunter, excelle au tir traditionnel et aux épreuves de force, mais il trouve le bonheur et une grande richesse grâce à son énergie, à sa curiosité et à sa prévoyance. C’est une histoire qui finit par « et ils vécurent heureux », un conte de fée pour avatars, mais c’est aussi une prescription pour un possible futur qui, par l’imagination et la recherche, échappe à un présent terne et accablant avec ses problèmes systémiques, au profit de l’autodétermination, de l’honneur et de l’accomplissement. L’histoire est souvent peu clémente. On connaît trop bien les nouvelles quotidiennes : la récurrence des populations fuyant des menaces diverses, la discrimination pour motif sexuel, religieux ou racial, les guerres et les bouleversements. En même temps, le milieu de l’art s’est grandement élargi. Les biennales et les foires d’art internationales ont proliféré de manière exponentielle, leurs contenus et leurs préoccupations reflétant la redistribution en cours de la richesse et des occasions de réussite, une société de spectacle et de spéculation. La temporalité occupe une place manifestement centrale dans notre projet ; ainsi, les œuvres performatives et axées sur le temps, dont le cinéma et la vidéo, y abondent – preuve de la fluctuation et du mouvement dans le temps et la matière. On peut élaborer un plan puis le mettre en œuvre. Dans son projet à long terme intitulé Diving Through Europe (2010–v. 2040), Klara Hobza assume des risques personnels et investit un énorme effort physique et logistique pour traverser l’Europe en plongée, partant des eaux du Rhin, dans la mer du Nord, en passant par le Main et le Danube, jusqu’à la mer Noire. Il lui faut éviter les tankers, les porte-conteneurs et les dépôts de polluants dans les courants et les canaux, répondre aux nouvelles exigences administratives et faire face à de nombreux imprévus. Son projet de plongée d’une durée de trente ans est étrangement optimiste : il est ouvert au hasard et a recours à l’expérience pour confirmer l’hypothèse d’un possible. Chaotique et fragmentée, provocatrice et introspective, la conversation évoque les préoccupations des jeunes intellectuels de Beijing aujourd’hui. • L’avenir (looking forward) est finalement un commentaire sur ici et maintenant. Plutôt que de poser la question « d’où venons-nous », BNLMTL 2014 redirige le regard. Il est probablement impossible d’être totalement ouvert quand on crée une exposition – en se demandant simplement ce qui est « intéressant » aujourd’hui –, puisqu’on porte en soi un bagage de données et d’opinions. Pourtant, commencer par une thèse ou un thème entièrement développé comporte son lot d’inconvénients : une exposition qui ne ferait qu’illustrer l’idée de départ du commissaire limiterait ce dernier et restreindrait les artistes potentiels. Réagir à des directions et à des perspectives nouvelles est toujours désirable. L’avenir (looking forward) chevauche ces deux approches. En septembre 2000, j’ai été commissaire de La Biennale de Montréal dans sa première mouture et, comme nous changions de millénaire, j’avais choisi comme thème le Temps. L’année précédant l’ouverture de l’exposition, le passage informatique à l’an 2000 (Y2K) avait suscité beaucoup d’anxiété, mais c’était certainement très différent du tournant de l’an 1000 quand les Européens chrétiens avaient craint le second avènement du Christ et la fin littérale du monde. Avec l’an 2000, l’anxiété était plus pragmatique puisqu’elle reposait sur l’effondrement possible, partout dans le monde, des ordinateurs dont les calendriers numériques n’avaient pas été prévus pour une modification à quatre chiffres. Les machines avaient été programmées sans anticiper la quantité astronomique de données qui allaient proliférer partout dans le monde pour répondre à des besoins liés à la comptabilité, aux services bancaires, au commerce, aux communications, aux déplacements – à tout, pratiquement. Avec les vieux codes toujours en place, des missiles intercontinentaux seraient peut-être lancés par accident, provoquant une « destruction mutuelle assurée » (en anglais, MAD ou Mutually Assured Destruction). En informatique, l’année du millénaire fait déjà partie de l’histoire ancienne et, pour la relance de La Biennale de Montréal, L’avenir (looking forward) semblait fournir un titre d’exposition inspiré. Sur un autre continent, Li Ran crée un avenir en mots, où il émet des hypothèses sur les conditions de la création artistique en tant que telle. Dans Before Indulgence, After Freedom (2013), une vidéo d’un peu plus de 15 minutes, un groupe de jeunes hommes parle argent et politique, déduction et désir, dans une tentative de définir une réalité meilleure et d’y avoir accès. Avec son site principal au Musée d’art contemporain de Montréal et ses nombreux projets hors site, BNLMTL 2014 a pris beaucoup d’ampleur en termes d’échelle et de portée géographique. Au Canada, les origines nationales et les langues parlées ne reflètent plus simplement « deux solitudes ». À Toronto, par exemple, après l’anglais, la langue la plus couramment utilisée est le chinois, soit une combinaison du mandarin et du cantonais à l’image des différentes vagues d’immigration dans la ville. Sur la scène internationale, les artistes continuent à migrer dans les grands centres culturels, mais leurs décisions 28 29 de relocalisation peuvent maintenant être motivées par une nécessité politique plutôt que par l’attrait d’un loyer plus modique, de conversations stimulantes ou de l’accès à des galeries et à des musées. De manière plus générale, ce microcosme reflète la croissance, la diversification et la prolifération du milieu de l’art. Ainsi, le nombre et les emplacements des biennales et des foires d’art témoignent directement du fait que l’Asie et l’Afrique sont des producteurs et des consommateurs actifs, que les artistes, partout, sont en marche. Les conflits politiques et la répression, de même que les désastres écologiques, ont obligé les artistes, comme les autres travailleurs, à se relocaliser dans de nouveaux centres, et ont transformé la palette des références propices à la création. L’avenir (looking forward) traduit cette réalité, dans la mesure permise par une exposition, et ses inévitables contraintes de temps et de ressources. Ces œuvres fines et humaines s’emploient à montrer leur considération de l’histoire, la petite comme la grande, et ses effets plus larges sur les personnes et la société. Intelligentes et précises, ces œuvres ont été réalisées par des artistes, à titre individuel ou en collaboration, qui ont un message à livrer. Traduit de l’anglais par Colette Tougas. 1 Hajra Waheed, citation tirée d’une déclaration inédite de l’artiste. 2 Les mots ont été établis par l’éminent poète palestinien Mahmoud Darwish (1941-2008). Voir Mahmoud Darwish, Une mémoire pour l’oubli, Paris, Actes Sud, 1994. 30 Mark von Schlegell Sur Mir and a libr e Dans la file d’attente des Arrivées et Décontamination, Maudeleine de Lions remuait les lèvres en synchro presque parfaite avec les paroles de Mrs. Z., qu’elle connaissait par cœur. Le discours lui rappelait de vieux souvenirs. Imaginez une sphère noire constituée de tout le temps et de tout l’espace de l’univers. Le second temps est la surface de cette anti-sphère qui se reflète à l’envers. Une partie de nous-mêmes, la partie inconsciente, réussit à apercevoir les formes et les idées reflétées sur la coquille vide que nous imaginons comme les confins de notre univers. Et c’est vrai. Là, l’Intelligence Artificielle peut percevoir tout flux, et tous les flux à l’intérieur du flux, mais seulement après le fait. Une machine ne peut pas lire l’avenir. Seuls les écrits des humains peuvent scruter l’avenir, exactement comme en politique seule l’action humaine directe peut prouver une idée... Maudie était sous contrat secret avec le nouvel organe de presse informatique de Mulligatawny City, le Mulligatawny Blues, qui enquêtait sur des rumeurs au sujet d’une éventuelle présence de Marena Zitzko sur Miranda. Et voilà que Maudie – elle avait encore du mal à y croire – était à présent sur Miranda, sachant pertinemment qui elle n’y trouverait pas : Marena Zitzko. S’il restait une infime chance que Mrs. Z. ne soit pas morte ou régénérée, si elle avait survécu à sa disparition, plus de dix ans auparavant, elle ne se serait certainement pas cachée sur Miranda, une communauté de Spacers féministes radicales si petite et vulnérable. Miranda était directement rattachée à la Station Uranus de l’Autorité Globale, pourvue d’une troupe de Marines A. G. Quelle Spacer libre aurait accepté la lourde responsabilité de lui donner asile aujourd’hui ? Lorsqu’un des isolatos qui avaient détruit la Station Terre et l’Ascenseur C. Clarke avait dénoncé Zitzko comme étant une instigatrice de cette destruction, et ceci pour des raisons personnelles des plus scandaleuses (hétérosexuelles), sa réputation avait été détruite parmi les féminautes. La plupart pensaient que Zitzko avait été appréhendée à la deuxième Station Mars en 2134, livrée aux autorités par ses propres camarades déçues, lesquelles avaient cependant fait 33 le nécessaire pour effacer leurs noms de l’histoire. La culture Spacer se nourrissait beaucoup de la rumeur. Il y avait toujours des histoires qui circulaient dans le Système quant à la survie de Zitzko, mais aucune d’elles n’avait encore jamais été vérifiée. C’était une mission chimérique, au mieux. Pourtant Maudie devait bien l’admettre, même coincée dans la queue des Arrivées sur Station Uranus, ce job ravivait beaucoup de choses en elle. Elle se sentait redevenue une Spacer. La seule voie autorisée conduisant sur Lune Miranda était tapissée de miroirs, sans fenêtres, rectangulaire et d’une esthétique utilitaire des plus grossières. À l’aspect et à l’odeur on pouvait penser qu’elle allait prochainement être transformée en transport de céréales. Mais la présence d’avocatiers et la gravité, légère et absurde, à peine suffisante pour maintenir le haut et le bas au gramme près, donnait déjà à l’ensemble une qualité magique, presque féerique. Elle ne portait pas de casque, n’ayant quasiment aucun souvenir de sa première visite là plus de dix ans auparavant, quand il n’y avait pas autant de mesures de sécurité. Dans le miroir sans tain au-dessus du poste de garde, elle détonnait comme étant la plus âgée parmi les Spacers bigarrées qui dormaient entassées, mais seulement au second regard. Il fallait regarder de près ce visage ravagé par le temps pour se rendre compte du réel défi que Maudie vous posait. Sa coupe de cheveux était jeune et simple, avec une frange très courte teinte d’un bleu-vert éclatant. Que les autorités A. G. se préparent, une féminaute 1-Gen arrivait ! Elle avait choisi une combinaison spatiale une-pièce noire, enfilée sur un sous-vêtement avec circuit électrique intégré de couleur or, taillé sur mesure, et de grosses bottes spatiales qui lui éviteraient des bonds intempestifs. Elle portait ses pare-ombres. Elle arrivait en secret, comme une colon potentielle. Elle pensait qu’elle donnait l’air d’une personne capable de travailler, de contribuer. Effectivement, elle le pouvait. Maudie était restée robuste après avoir passé une année sur Europe en résidence parmi les BAF, Brigades anti-fuites, en tant que conteuse en résidence. Cette expérience l’avait beaucoup aidée à se défaire des diverses caricatures de Spacers auxquelles elle avait failli succomber : la Condamnée à perpète de Luna City, la Jeune fille de la Lune, Celle-qui-fut-jadis-une-épouse. par des mineurs chinois du côté obscur, dont la dure vie de labeur n’était éclairée que par l’amour de la culture écossaise. Sans aucun doute, ses parents étaient pauvres et simples. Elle ne leur avait pas parlé depuis des années, mais ils semblaient l’avoir respectée et aimée. Les bébés de l’Espace en bonne santé, à cette époque (il y a un demi siècle) avaient droit à un voyage gratuit sur la Terre, pour que leur ossature se développe. Maude-Lynne fut envoyée en bas par l’Ascenseur, puis par avion jusqu’à New Zed, où survivait quelque chose ressemblant peut-être à la culture écossaise. Somme toute, son enfance fut plutôt heureuse dans ce dernier bastion de la culture occidentale pré-effondrement. Maudie avait conservé un souvenir de Sœur Agnès, sa tutrice et sa meilleure amie à cette époque, dans le médaillon qu’elle portait à son cou. Maudie avait ensuite remonté l’Ascenseur, en 2132, avec un cadre freelance local qu’elle avait épousé juste pour ce voyage. Elle divorça sur la Station Luna, en conservant son nom, de Lions, ainsi que les sept caisses de livres et d’objets personnels qu’elle l’avait obligé à monter en plus de ses propres bagages. Désormais et pour toujours une Spacer libre, elle traita de Lions plutôt cruellement. Il se dirigeait vers Concern. Elle ne regarda jamais en arrière. « Laissez les cartes à ceux qui voudraient découper l’univers, » avait dit Mrs. Z. dans les Dômes danois. « Laissez-les vendre leurs cartes en masse. Nous ne correspondons plus à leurs illusions ; nous construisons chacun de nos itinéraires. Nous sommes dans un monde si fragile que chaque minute qui passe pourrait être la dernière. Nous fabriquons nos jours. Nous inventons notre présent, indifférenciable de la survie de nos amis et de nos semblables dont nous dépendons pour chaque chose qui puisse exister. Il n’y pas un seul d’entre nous aujourd’hui qui ne soit ici parce que d’autres personnes étaient prêtes à������������������������������������������������������������������������ donner leur vie pour nous. Dans l’Espace les vies changent, les personnalités se redéfinissent pour survivre. L’Espace exige le changement. Nous graverons nos initiales sur la surface du second temps, nous dirons en face à l’Histoire que NOUS SOMMES LÀ. » Jusqu’ici, Maudie avait survécu seule dans le Système de Sol. Elle n’avait pas peur de le montrer. Les premiers jours de l’Espace n’avaient été faciles pour personne. À la fin des années 2120, pour une raison quelconque, Maudie avait adopté le Point Six des Spacers : le Droit à la Régénération. À une date maintenant inconnue, elle intégra une unité expérimentale de re-génération (re-gen) autogérée par les Spacers, l’Orangerie. Ne conservant que l’un des personnages qu’elle avait joué dans un monde’ouf du côté obscur, la Lyonesse, Maudie refit surface en 2133 avec un nouveau corps, un nouveau nom, un nouveau passé, que son soi précédent, aujourd’hui oublié, lui avait visiblement créés au prix de gros efforts. Née Maude-Lynne MacScallion, elle fut adoptée Aujourd’hui en 2145, ses recherches sur Zitzko et les premiers jours de la Conscience Spacer faisaient en sorte que le Système externe lui semblait petit, à peine vivant. Cependant, là, sur Lune Miranda, Maudie constatait, non sans surprise, la révolution en marche, la promesse régénératrice de l’Espace. Parmi les officiers visibles aux Arrivées et Décontamination se trouvaient les troupes de Miranda en costume blanc, avec l’image des sundogz verts sur la poitrine, officiers municipaux armés de Verona Polis. Les Marines A. G., également présents avec leurs casques-bulles, montraient des signes de tension. Deux d’entre eux discutaient avec des soldats et arrêtaient la progression de la file. Maudie ne doutait pas, en montant le volume de ses écouteurs, que ces jeunes soldats étaient prêts à mourir pour la cause. Malgré la contre-révolution du vieillissement, où Maudie avait depuis longtemps appris à se préserver, raisonnablement, au moindre coût, l’Espace de Zitzko était un rêve, auquel une 34 35 grande part d’elle-même croyait toujours. Ici c’était bien terminé. Les soldats en costume blanc de Miranda étaient déjà une organisation professionnelle, postrévolutionnaire. Des hommes et des femmes avec un travail, un rôle à jouer dans leur communauté, ils étaient les égaux des A. G., constata-t-elle, des autorités sciemment habilitées. Plusieurs d’entre nous venus dans l’Espace partagions un désir, dont on parlait rarement. De quelle nature était ce désir ? Nous ne l’avons certainement jamais définie. Ce n’était pas seulement le désir de s’échapper, puisque nous nous étions déjà échappés, et que le désir subsistait. Et, en vivant, en extirpant la vie de la roche et des rayons à la disposition des audacieux, un code durement gagné a émergé, grâce auquel nous avons pu commencer à rendre rationnelles les limites de ce désir. Nous sommes prêts à inscrire notre propre code sur les mécanismes de l’histoire. Nous sommes 3 000 unis, et nous faisons la liste de ces droits, les Sept des Spacers : 01 Le droit de Décision Sentimentaux ? Romantiques ? Ni l’un ni l’autre. Nous vivons nos vies uniquement en accord avec les principes du sens pratique. Suivant ce « Droit de Décision » nous rejetons toute autorité judiciaire qui ne soit pas la nôtre et celle de nos voisins – en attendant le « Test du véritable étranger » de Bender. À ces mots, la foule se mit à rire. Maudie aimait toujours entendre ces rires, symbole du véritable fusionnement de la conscience Spacer que Zitzko représentait à cette époque. La Terre elle-même se dressait fièrement dans le ciel derrière elle. Sous ce Dôme spectaculaire, la diaspora en ébullition n’était qu’un simple fœtus astral dans les mains de la Représentante du Syndicat de l’Ingénierie. 02 Le droit de Demeurer On l’appelle le droit des « demeurés » (éclats de rires). Nous rejetons le droit de l’Autorité Globale de nous arracher du trou, quel qu’il soit, que nous avons réussi à occuper. Pourquoi les logements sur Mars ne sont-ils pas habités comme le voulaient leurs planificateurs���������������������������������������������������� ? Parce que nous����������������������������������� ne les avons pas construits ! (applaudissements de plus en plus en plus nourris) troisième droit. Mais ce fut dans ces bonnes dispositions d’esprit que Maudie s’attendit à ce que son droit d’asile de visite soit reconnu sur Verona Polis. Dans le tube des Arrivées, elle le savait, il y avait toutes sortes de Spacers en cavale. Comme la propre histoire de Maudie pouvait en témoigner, la postéconomie du Système Espace donnait droit à de nombreux avantages auparavant uniquement accordés à l’élite du côté Terre et au Spacer occasionnel. La prolongation de la vie, une ingénierie psycho et/ou bio radicale sans limite de copyright, était accordée en simple échange d’honnêtes services. Même une relative vie privée, tant que l’on ne menaçait pas directement le statut quo local, était désormais devenue réalité. La plupart des habitations réussies du Système Espace étaient dues à des innovations locales et à une recherche poussée, selon des lignes très spécifiques adaptées en fonction des occurrences propres à leur environnement. Sur des lunes comme Miranda, les problèmes majeurs – poussière, énergie, atmosphère, radiation – avaient été résolus par une multitude de nouvelles inventions locales ingénieuses, dont la plupart n’étaient que partiellement comprises par les étrangers. Les métaux rares servaient généralement de devise, avec des stocks répartis et maintenus par des confréries minières, qui alimentaient directement tout le système de krédit avec des valeurs solides. La surveillance de l’A. G., dans ces conditions, était un obstacle à la la survie facile. Pendant que la Terre continuait de se détériorer et que l’A. G. perdait de sa cohérence interne, son architecture 1-Gen fabriquée par les Spacers (largement construite par les 3 000 eux-mêmes) fonctionnait toujours. Les balises tapissées en miroir, les satellites en faisceaux et l’Intelligence Artificielle assuraient toujours un bon système de transport inter-Système, et la survie des colonies jusqu’à Neptune. La dernière génération de l’I. A., qu’on appelait les « Extroardinaires », était issue de mondes’ouf de jeux orbitaux, et semblait très sympathisante envers la politique radicale des Spacers. Le droit de décamper fut l’un des plus controversés parmi les Sept, car il impliquait un monde où aucune colonie ne serait immune à une éventuelle re-colonisation. Zitzko ne recula devant rien pour en défendre le principe. Nous revendiquons les droits d’admission dans n’importe quel monde visitable où il y a du travail pour nous et où notre propre travail sera rémunéré. Comme Zitzko l’avait dit, après un premier boom inévitable, peu de Spacers revendiquèrent ce Dans le Système, une majorité pensait que l’insécurité sexuelle avait causé la chute de Marena Zitzko. Elle-même auteure d’histoires de sexe (elle y gagnait souvent sa vie), Maudie savait reconnaître quand une histoire n’était pas authentique d’une manière ou d’une autre. Il ne faisait aucun doute que c’était en raison de ses écrits (Les aventures de Lyonesse) que Mr. Egge, du Mulligatawny Blues, avait d’abord abordé Maudeleine de Lions. Il pensait certainement qu’elle avait des contacts sexuels à Miranda. Malheureusement Maudie appartenait à cette minorité qui jugeait que ce scandale était probablement une fiction nécessaire et pratique, concoctée par l’une des diverses parties intéressées. Il y avait bien sûr déjà eu des rumeurs au sujet des activités amoureuses de Marena Zitzko avant les années 2130. Mais Maudie avait étudié Marena plus que n’importe qui au fil des années. Elle avait la nette impression que Mrs. Z. était une femme du genre mainstream. Aguichante, très belle dans le genre russe, mais essentiellement conventionnelle. Il était particulièrement étrange que tout le monde soit prêt à la croire capable des faits qui lui avaient été 36 37 03 Le droit de Décamper De même qu’aucun Spacer n’est obligé de partir, on ne peut l’obliger à rester. Nos colonies, nos corps et nos esprits voyagent en toute liberté. Nous, les Spacers, lutterons contre tout, contre tous, où nous voulons et quand nous voulons, afin d’atteindre notre destination choisie... imputés plus tard. Certes, la prose de Zitzko possédait une indéniable qualité perverse, ce qui incitait les lecteurs à croire à l’histoire. Souvent, à son niveau le plus métaphorique, elle présentait une intensité anale. Maudie sentit son cœur se serrer. « J’ai des objets de grande valeur personnelle dans mes bagages... » « J’ai dit que vous pouviez passer. » Le soldat s’était éloigné. On se réveille écrasés dans la boue. Sous une énorme dalle. Immobilisés par la dalle. Dans la boue. Conscient de la dalle. Dans la boue, on nous parle des cieux au-delà de la dalle, de l’espace ouvert et des prairies sans fin, et de l’immense libéralité qui englobe la dalle. Dans la boue. Du côté Terre, ils luttent au quotidien. Dans la boue. En dépensant plus d’énergie qu’ils en ont à dépenser, ils soulèvent légèrement la dalle, et quelques-uns d’entre nous s’échappent. La dalle retombe et les enfonce plus profondément dans la boue. Mais pas toi, Spacer. La dalle a toujours été ton seul héritage. Cette même énorme masse d’histoire nous a maintenant tous fixés, aplatis selon son empreinte immédiate ? Dans l’espace elle ne pèse rien. La boue ? Tu respires de la boue, littéralement si tu le dois. Obligé à ne recourir qu’à la raison, tu es depuis longtemps devenu un vers. N’acceptant que le destin, tu t’enfonces encore plus profondément dans le limon boueux et visqueux. Avec la boue tellement compressée par le poids de la dalle, c’est un dur travail. Un travail dur et sale. Pendant ce temps, puisqu’il y a d’autres personnes, tu bâtis une ruche. Regarde : les autres t’aident à creuser ton trou. Jusqu’à quel degré sera-t-il étroit, sale et profond ? À quel point la dalle, vaste et immaculée, te colle-t-elle à la peau ? L’Espace c’est la dalle, Spacer. Nous te recommandons vivement de commencer à creuser. Maudie, qui avait fait l’expérience de choses comme celles-ci, montées en épingle dans le scandale à son époque, n’était pas convaincue. En fait, elle avait toujours pensé que Zitzko avait elle-même créé ces rumeurs, qu’elle avait délibérément déclenché le scandale et ses grabuges. De quelle autre façon provoquer la rupture ? Quelle meilleure façon d’abdiquer et de disparaître que de se murer dans la honte ? En fait, elle avait l’intention de mettre cette idée au centre de la pièce qu’elle devait écrire sur Miranda. Elle n’en avait pas parlé à Mr. Egge. Les directeurs de publication n’appréciaient pas que l’auteur ait déjà pris sa décision. Quand ce fut enfin le tour de Maudeleine de Lions de passer aux Arrivées et Décontamination, deux Marines A. G. beaux gosses et un officier de Verona Polis, jeune boutonneux de 17 ans, efflanqué et souple, vérifièrent ses bracelets électroniques. « Bienvenue sur Miranda libre », dit le garçon. « Mais votre destination a été modifiée. » Maudie resta ferme. « Y a-t-il un problème ? » « Vous êtes admise, c’est certain. Mais on dirait juste que votre hébergement n’est plus valable. Un correspondant vous attend à l’extérieur. Si vous voulez bien passer. » 38 Maudie pénétra dans le nettoyeur et l’espace d’un instant elle crut être dehors, à New Zed – ainsi elle n’avait pas oublié cela ? – avec les grands arbres et les nuages qui filaient joyeusement à toute allure, et la rivière en contrebas qui coulait comme un serpent doré. Mais ce fut sur une rampe faite d’un amalgame de roches lunaires qu’elle posa le pied. Aucun rev���� êtement n’isolait les bottes de Maudie de la surface ancienne de Miranda. Le tube de verre était si transparent qu’elle se crut un instant dehors sur la surface d’un ballon rocheux, surmonté de blanc, resplendissant de signes de vie et de chaleur. La faille béante était totalement recouverte d’une générosité invitante. Bleuté, Uranus occupait un immense ruban de la Voie lactée noire et étoilée au-dessus – à côté de Jupiter d’où elle arrivait, il paraissait doux et féminin. De ce dôme partaient de nombreux tubes d’accès qui ondulaient sur la surface rocheuse lisse dans diverses directions, comme au hasard. Il y avait un café, de vrais arbres, des étangs en certains endroits. Partout des jardins, où les roses prédominaient. L’air était humide, riche, frais et pur. Il y avait même des abeilles ! L’espace tout entier sentait les fleurs, la vie. Maudie sourit aux étrangers, grisée par la sensation féerique de la gravité dans ses orteils. Il lui sembla qu’elle se souvenait de cet endroit depuis sa dernière visite. Mais il paraissait plus grand aujourd’hui, plus grouillant de vie. « Maudeleine ? » Elle avait déjà repéré ce soldat de loin, mais elle l’avait pris pour un homme. Avec un ceinturon fonctionnel, décontractée, sa vaporette aux lèvres, les mains dans les poches de son costume blanc débraillé, le regard plus appuyé sur la scène qu’on aurait pu le croire, elle possédait l’assurance naturelle d’une personne depuis longtemps dans le service d’ordre. Elle reconnut Maudie cependant, et s’approcha avec un grand sourire. Peut-être une fan, sait-on jamais ? Quelque chose retint l’attention de Maudie dans ce coup d’œil à la fois malicieux et sombre ; quelque chose qui sortait de l’ordinaire et qu’elle connaissait. C’était une travailleuse Spacer classique. Le casque accroché à l’épaule, avec une coupe de cheveux courte grise tendance, de forte carrure, elle fixait Maudie avec une bienveillance qui semblait sincère. Si dans le cratère de Parsons ou autres endroits semblables on n’aurait pas hésité une seconde à reconnaître une telle lesbienne, ici on hésitait. « Désolée pour les ennuis, » dit la������������������������������������������������������������������� soldate. « Il y a eu un changement dans les affectations. Nous allons prendre vos bagages et je vous conduirai à votre résidence. Je suis Morrigan. » « Moi c’est Maudie » répondit-elle, reconnaissant immédiatement une véritable amie, comme on apprenait à le faire dans l’Espace. Maudie savait que c’était idiot, qu’il y avait même là quelque chose d’embarrassant. Elle 39 fut conduite, comme si elle était une personne importante, vers un tube avec un tapis roulant activé par les pas des utilisateurs, jusqu’au module des Arrivées. Là, elles contournèrent la file d’attente et (sur un simple signe de Morrigan) se retrouvèrent en tête. Cette première rencontre dans le Système U, cette irruption de Morrigan dans sa vie l’émut profondément. « Sur Miranda libre » est extrait de Sundogz qui sera publié par Semi(o)texte en 2015. Traduit de l’anglais par Michèle Veubret. 40 Érik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski, Alanna Thain : e t n e s é ain r p r n o o p i t a tem n s o n i n e o st s c e a t L ar qu s l’ t la mp e u te d Attends. Que ressens-tu en ce moment ? « En ce moment » désigne davantage une sensation de présentéité que le présent en tant que tel, lequel est déjà passé. Pense le présent non pas comme un moment distinct qui suit chronologiquement tant d’autres moments, mais comme une interpénétration affective de nappes de temps en continuelle co-composition. Ce que nous appelons le présent est un mélange d’innombrables temporalités : le passé immédiat qui oscille à même le présent ; des réminiscences lointaines qui viennent colorer l’instant ; le rythme circadien qui suit son cours à travers toi comme une expression incorporée de la rotation de la Terre ; sans oublier les heures de travail qui appellent à l’action efficace, les rêves qui densifient le réel atmosphérique, l’histoire qui se profile comme une autorité en arrière-plan, l’attente qui trace et préfigure le temps à venir… Considère le contemporain comme la juxtaposition enchevêtrée de toutes ces temporalités : le con-temporain en tant qu’« être-avec » texturé des temps. Porte attention au relief inhérent à cette conjoncture expérientielle. Éprouve en cet instant même le futur dans son immédiateté sensible. Vois comme il est loin, comme il est proche, comme il est autre que toi, comme il est topologiquement intime avec lui-même. Maintenant, imagine le futur comme tout ce qui pourrait émerger de ce subtil mélange, comme le potentiel de tout ce qui vibre et s’assemble dans cet être-avec. Ce qui pourrait advenir fait toujours encore partie prenante de l’enchevêtrement des temporalités. Ce potentiel – la futurité – ne peut qu’être ressenti. Dans le présent. Participer de cet enchevêtrement, c’est assister au jaillissement de mondes issus du contact furtif entre temporalités hétérogènes. Et puisque ce qui pourrait advenir concerne potentiellement tout le monde, cette perception enveloppe en elle-même la sensation d’une collectivité à venir. Une con-temporanéité est toujours une expérimentation collective dans l’événement du temps. Telle est l’invitation au pragmatisme spéculatif comme nous le concevons : un pragmatisme qui perçoit dans le présent la promesse d’un à-venir. Cet à-venir n’existe pas en vertu d’un commun préexistant, comme si la collectivité était composée d’avance. C’est un à-venir immanent à la composition d’une présentéité toujours à définir collectivement, un devenir-autre dans le temps, ensemble. Quelles sont les conditions qui permettent une telle ouverture sur l’expérience dans l’événement ? L’art contemporain – l’art de la con-temporanéité – n’est-il pas une machine destinée à engendrer et à fabriquer de telles conditions ? Attends. Que ressens-tu en ce moment ? Entre ce moment-ci et ce moment-là ? Quel est le mode, la texture de ce qui s’insinue entre eux deux ? Il est impossible qu’une œuvre d’art, que l’art de l’existence soit « à l’heure ». Trop tard pour ceci, trop tôt pour cela, une œuvre d’art a quelque chose d’essentiellement 43 inactuel : on ne peut qu’éprouver si elle réussit effectivement à produire ses effets. Et par là, il résulte que ce qui fait œuvre dans l’œuvre d’art ne réside pas dans son utilité. Voilà donc la conception d’un art qui n’est au service de rien ni de personne, qui ne poursuit aucun but, même pas le tien : un art qui n’est ni à l’heure ni hors du temps, mais dans la sensation présente – dans le temps. La question n’est plus « Qu’est-ce que ça veut dire ? », mais « Qu’est-ce que ça fait ? » « Qu’est-ce que ça fait������������������������������������������������������� ? » ne renvoie pas à une idée étriquée de la fonctionnalité. C’est une question qui invite plutôt à usiner l’à-venir du potentiel. À son meilleur, l’art active l’ouverture à l’inactuel – à l’intempestif – en tant qu’il souligne l’être-avec du temporaire, le temps du pas-encore. Ce pas-encore existe affectivement dans le ce-qui-ne-peut-qu’être-éprouvé de l’expérience. S’il est éprouvé, c’est grâce à son aptitude à simultanément envelopper la contemporanéité de l’art et à développer la futurité qu’est le potentiel de l’art, le tout se voyant redoublé par la promesse d’autre chose encore : un en-plus à venir. Plus l’art active ce devenir-avec de la con-temporanéité du présent, plus sa participation à la futurité enchevêtrée est intense. Autrement dit, il y a une primauté de la relation. Une œuvre d’art – son faire-œuvre – est une aptitude à plier le temps de manière à faire ressentir la relation émergente qui naît entre ce maintenant-ci et ce maintenant-là. Le con-temporain, c’est donc la primauté ressentie de la relation, présente en potentiel. L’art capable d’engendrer ce type de contemporanéité se constitue ainsi comme une sorte de machine à voyager dans et entre les temps. L’affect d’une œuvre d’art con-temporaine insiste sur le sentiment du temps vécu. Comment ce sens du temps comme dimension affective de l’œuvre donne-t-il prééminence à la relation ? Certainement pas en la représentant, non plus qu’en la signifiant ou en la présentant comme contenu. En vérité, le sens du temps affirme la primauté de la relation en la faisant sentir, ou plus précisément : en en faisant ce qui ne peut qu’être senti dans un devenir-en-plus, dans un devenir-autre, dans un élargissement de l’expérience au nom du faire œuvre ou de l’œuvréité. Nous parlons d’œuvréité afin de mettre en évidence que, dans la situation perceptive que nous cherchons ici à décrire, nous ne nous situons pas au niveau de l’objet, mais plutôt en rapport au façonnage [crafting] du temps. L’art du temps active l’expérience en train de se faire : il fait ressentir comment ce qui fait œuvre compose avec le plus-que de la présentéité que l’art est en mesure de créer. L’œuvréité renvoie à ce que l’art peut faire quand il compose avec un temps à venir. Si l’art contemporain se définit par l’élaboration de telles conditions de création, le sens affectif du temps lié à l’œuvre d’art ne constitue dès lors ni un référent ni une signification, mais plutôt une qualité qui s’exprime dans la propension à se connecter au temps de l’événement. Cette propension ne peut être réduite au contenu apparent d’une œuvre. L’œuvréité, c’est le potentiel de l’œuvre d’art, dans l’acte. Lorsqu’une œuvre fait œuvre avec le contemporain entendu 44 comme être-avec du temps, le comment de son avènement redouble le quoi de son contenu et le répand à travers le temps. Mais comment en vient-on à percevoir l’être-avec du temps ressenti ? Il serait facile d’attribuer cette sensation exclusivement au sujet humain, mais cela nous confinerait à une position qui sous-estimerait le potentiel de l’événement en propre. Lorsque l’événement se teinte de tout ce qui pourrait advenir, la perception se met à se mouvoir au gré de forces qui brouillent et font perdre la sensation claire et distincte des contours de notre moi. La perception individuelle se disperse alors dans une écologie des sens et de la perception. Pour prendre les choses d’un autre angle, le contemporain déborde de toute part la mesure du temps humain. Il se meut selon des vitesses et des grandeurs variables de l’expérience qui incluent l’humain mais en aucun cas ne s’y limitent. Voilà ce qui importe : le contemporain est plus qu’humain, et la vocation de l’art consiste précisément à faire ressentir cet état de fait. Quoi d’autre peut advenir ? Est-ce que l’événement de l’expérience est tenu ensemble par une matrice expérientielle pré-établie qui commence et se termine avec le contour de nos corps ? Qu’arriverait-il si la question du contemporain était posée en vertu d’un plus-que qui nous inclut alors même qu’il outrepasse le « nous » que nous nous imaginons être ? Et si tel était effectivement le cas, quoi d’autre peut-il bien arriver ? Ce quoi d’autre s’est fait sentir durant la grève étudiante de 2012. Là où des corps humains se sont réunis pour manifester, nuit après nuit, quelque chose d’autre s’est indéniablement produit. Pendant ces mois de rassemblements, conversations, performances, projets d’art, séminaires, publications, manifestations et cacerolazos, quelque chose s’est peu à peu esquissé qui ne se limite pas à la forme humaine. Dans ce quelque-chose-de-plus, on retrouvait bien sûr des femmes, des hommes et des enfants bras levés contre la hausse des frais de scolarité, des êtres qui refusaient de laisser le tournant néolibéral détruire la possibilité du collectif. Mais il s’agissait encore d’autre chose, quelque-chosede-plus qui comporte une tonalité affective singulière, une expérience de la présentéité infléchie par l’événementialité d’un futur déjà en train de se moduler ; une sensation du contemporain comme force du temps traversant les individus et les collectifs réunis dans l’actualité de ce moment donné, mais qui invariablement la dépasse. Cette force est une insistance de potentiel tirant la manche de l’oubli et réitérant, irrésistible : est-ce bien tout ce qu’il y a, ici et maintenant ? Peu importe leur âge, leur sexe, leur classe sociale ou leur communauté d’appartenance, les manifestants pressentaient qu’autre chose était en jeu, qu’autre chose était à-venir au-delà de notre condition humaine actuelle, et que cet autre chose à venir pouvait faire la différence. Que nous résistions à la hausse des frais de scolarité ou que nous fêtions le Jour de la Terre, les manifestations étaient massives, bruyantes et engagées. Le plus-que de nos corps collectifs résidait dans le sentiment, partagé 45 dans le champ émergent de l’expérience, de l’urgence de cet intempestivité que nous créions collectivement, une inactualité qui nous a puissamment intégrés dans le mouvement. C’était là de l’œuvréité en acte : une proposition ouverte visant à la politicalité du temps. « La jeunesse, quel que soit l’âge de ceux qui en sont investis, ne défend pas, elle attaque1. » La grève étudiante québécoise n’a rien eu à voir avec l’imagination utopique d’un monde lointain et inaccessible. Elle concernait le rapport des gens à leurs perspectives d’avenir ou en d’autres mots, la manière dont ils éprouvent le futur dans son immédiateté, au présent. Avant la grève, les gens se sentaient enchaînés à la dépotentialisation de leur présent découlant de leur passé hérité. C’était un présent qui appauvrissait son propre avenir à travers le mécanisme de l’endettement. La dette condamne le débiteur à la répétition éternelle du même : le travail (jour après jour), les exigences du marché de l’emploi (toujours plus contraignantes), l’entreprise et la réalisation de profits (pour payer ses dettes). Une fois le mouvement mis en branle par les manifestations, performances et autres pratiques d’imagination active du futur, de nouvelles possibilités sont apparues dans différents recoins du champ social, lesquelles n’auraient jamais vu le jour autrement. Les flux de désir bloqués et redirigés devaient trouver de nouveaux canaux d’expression, et ils n’ont pas manqué de le faire. Face à une idée de l’avenir étrangère à la nôtre et risquant de l’étouffer, un désir collectif pour une politique à venir est né. Devenir-jeune, devenir-enfant, c’est s’ouvrir à l’à-venir du plus-qu’humain de l’expérience – c’est épouser le mouvement propre à la force du temps. L’œuvréité invente des futurs capables d’entretenir le potentiel. Elle ne se défend pas contre le temps : elle attaque avec la force du temps. Car devenir-enfant, ce n’est pas nier son âge : c’est célébrer la complexité des temps dans la durée d’une vie encore à inventer. Si l’enfant est « le devenir-jeune de chaque âge », c’est que, comme l’écrivent Deleuze et Guattari, « savoir vieillir n’est pas rester jeune, c’est extraire de son âge les particules, les vitesses et les lenteurs, les flux qui constituent la jeunesse de cet âge2. » Une fois la grève finie et la vie revenue à la « normale », certains n’ont pu s’empêcher d’éprouver la fin de cette période de fluctuation et de radicalité intempestive comme une perte. En cela réside peut-être une leçon : le temps ne revient jamais en arrière, et ce qui est éprouvé comme étant la norme s’oriente toujours vers une différentiation potentielle. C’est pour ça que nous devons demander avec insistance : « quoi d’autre ? » Qu’est-il arrivé d’autre ? Un clivage est apparu dans notre expérience qui nous a fait sentir que la vie de tous les jours, qui porte toujours en son sein l’inactualité de ce qui est à venir, peut être peuplée d’autres possibles. Mais on est toujours tenté de grandir trop vite, d’abandonner sa jeunesse, de devenir adulte. N’est-ce pas pour plusieurs ce que signifie devenir responsable ? On voit souvent des jeunes qui font vieux. C’est qu’ils ont grandi à la vitesse que le néolibéralisme leur a dictée. Ils se sont rendus trop utiles, trop tôt. Agissante dans la contemporanéité de l’activité artistique, l’œuvréité se réapproprie le clivage pour nourrir un potentiel collectif. Cela exige une sorte de voyage dans le temps qu’il ne faut pas confondre avec le déplacement utopique d’un individu suivant une chronologie linéaire (ma dette – mon travail – ma prospérité). L’œuvréité refuse de contempler le futur de loin comme si on pouvait le tenir à portée d’évaluation et le rapporter au déjà connu. L’œuvréité déploie plutôt des trésors d’inventivité à même un rythme qui s’accorde à l’urgence d’un temps en train de se faire. Quelle était la cause de cette éruption de la jeunesse québécoise qui a incité à redécouvrir l’à-venir d’une société ? La jeunesse éprouve-t-elle plus intensément le futur ? Voit-elle avec plus de clairvoyance à travers les plis du temps ? Estelle plus investie dans l’avenir ? Quantitativement, la jeunesse a devant elle plus de temps à venir ; qualitativement, elle en est plus vivement affectée. Dans ces temps d’austérité capitaliste post-crise, les jeunes voient la myriade de vies qu’ils pourraient vivre s’effondrer pour se résumer à quelques désastreuses perspectives. L’avenir gris qui attend les vieux est noir comme poix pour les générations montantes. Pouvons-nous au contraire concevoir la responsabilité comme une sensibilité au contemporain, c’est-à-dire comme une capacité à répondre ? Répondre avec à-propos au monde en devenir, c’est être capable de résonner avec la futurité qui fait événement dans le présent. N’est-ce pas la plus éthique des postures, devenir avec ce qui se déroule dans l’inactualité de l’encore-à-venir ? Être souple, élastique, plastique, et ainsi se ressourcer à même l’événement contemporain en ce qu’il ne peut faire l’objet d’un calcul préalable ? Ne nous rendons pas utiles. Devenons ingouvernables ! Restons incompétents face au non-réalisé en potentiel. Devenons compétents dans la seule mesure où nous nous efforçons d’inventer des techniques qui favorisent l’expérience vécue. C’est, à ne pas en douter, une compétence fragile et incertaine ; pragmatique, mais spéculative, qui se tient à distance des tentatives d’instrumentalisation. 46 La politicalité de l’art L’œuvréité déborde les frontières de l’événement artistique ponctuel tel qu’une biennale ou une quelconque exposition. Elle crée une machine à voyager dans le temps, une invitation à se laisser porter par les flots du désir, du désir de quelque chose d’autre. C’est l’occasion d’un faire-autrement, de plonger dans le plus-que, de laisser place à un queering de nos expériences. Qu’en est-il dès lors de l’art politique ? Doit-on lui assigner la tâche de faire éclater les conceptions normatives du futur ? De s’exclamer « no future ! » et 47 de surenchérir de radicale négativité ? Ou serait-ce que la vocation de l’art est davantage spéculative que déconstructionniste, en ce qu’elle ouvre la voie au potentiel du présent à chaque croisée des chemins rencontrée, vécue et créée ? Comment l’art peut-il spéculer de manière telle qu’il n’enferme ni ne surdétermine ou n’instrumentalise le futur ? Le capitalisme financier ne nous a que trop bien montré comment tout, incluant le futur, peut faire l’objet de spéculation : les esprits, les corps, les gens, la terre, les idées, la communication. Qu’en serait-il si, pour éviter de mettre le futur en boîte, nous parlions non pas d’art politique mais plutôt de la politicalité de l’art ? L’œuvréité de l’art est une force qui est potentiellement politique en son essence même. Ainsi conçue, la politicalité de l’art ne permet-elle pas d’infléchir en défamiliarisant et diversifiant [queering] l’expérience en vue d’une politique à venir ? Un art qui est politique en puissance propose des conjonctions émergentes plutôt qu’une perpétuelle autoreproduction. Imaginons un instant que l’art ne pourrait plus se reproduire lui-même, qu’il ne pourrait plus transmettre ses modes d’intelligibilité, ses façons d’être lu, ses clichés et son héritage historique. Dans un tel cas, ne devrait-il pas générer de nouveaux modes d’évaluation afin de continuer d’avoir un sens dans le monde et de lui en donner ? Est-ce que l’art ne deviendrait pas ainsi un vecteur de queering de l’expérience véritablement à la mesure de son faire-œuvre ? Le queering de l’expérience au nom de ce qui fait œuvre propulse l’art vers une inutilité portée à son plein potentiel. Là, dans le domaine du pas-encoredécouvert, l’œuvréité n’est pas harnachée par un autre projet qui aurait son propre programme et son propre calendrier. Cela ne veut pas dire que l’art doit être « nouveau » au sens dont nous en faisons les frais en régime capitaliste. Bien au contraire : un art qui se veut inutile peut mettre en relief le geste œuvrant au sein du déjà-vécu, lequel tend toujours, subtilement, imperceptiblement, vers la différence. Les gestes qui font œuvre ne sont pas grandioses. Ce sont des gestes mineurs qui donnent une texture singulière au temps en train de se faire. Inutile parce qu’il ne sait pas encore ce qu’il provoquera. L’art de la futurité, ou la futurité dans l’art, est intimement lié à un noyau d’inutilité, un noyau que l’art protège contre toute forme d’instrumentalisation. Tout art a quelque chose d’inutile, même celui qui a été le plus utilisé. Car même l’art « utile » demeure toujours inutile lorsque envisagé depuis la perspective du pas-encore-provoqué – le quoi-d’autre comme ingrédient d’un mélange encore inédit. Comment penser alors la relation entre ce que l’art provoque, par son événementialité, et ce à quoi il finit par servir ? Où se situe la ligne de démarcation ambiguë entre l’art qui déclenche un mouvement à même sa propre existence et l’art qui est créé en vue d’une valeur d’usage ou marchande ? L’inutile et l’utile se 48 conjuguent dans la plupart de situations où l’on trouve de l’art. La question qui importe n’est donc pas nécessairement ce que l’art peut faire, mais ce que la force du temps dans l’art, ou l’œuvréité, peut faire sentir dans sa capacité à exfolier le présent. Il n’y a pas d’idée générale dans et de l’œuvréité. Ce qui fait œuvre le fait, voilà tout, en résistant à s’engager dans une écologie qui n’est pas la sienne. En ce sens, le faire-œuvre est toujours singulier, rigoureux et techniquement précis. Il est spécifique à l’aptitude de l’œuvre à être elle-même, ainsi qu’à son aptitude à devenir autre. L’œuvréité est un geste mineur qui, de l’intérieur, met en valeur le processus artistique. Il crée donc de la valeur, faisant sentir de façon immanente la pressante importance de l’inutile. L’inutile engendre de nouveaux modes, inactuels, d’existence, des nouvelles qualités de vie – de nouvelles valeurs. La critique immanente Tout cela soulève immédiatement une série de problèmes concernant le rôle de la critique, du critique et de ce qui s’écrit sur l’art. Comment peut-on écrire sur l’art et préserver, dans toute son inutilité, sa manière de tendre vers l’avenir et d’en prendre soin? L’écriture n’est pas extérieure à l’œuvréité telle qu’ici décrite. C’est aussi un art au sens où elle co-compose avec l’art du temps activé par l’être-avec de l’œuvre. Écrire-avec est une pratique de la critique immanente ; c’est être ouvert à ce à quoi tend l’œuvréité et à ses singularités. Écrire avec la force de l’œuvréité est une sorte de pensée dans l’acte. Un tel mode de pensée ne peut être réduit ni aux formes normatives de la critique ni à celles de l’historiographie de l’art. Bien que l’œuvréité soit consciente des traditions artistiques en constante invention d’elles-mêmes et co-compose avec elle de façon singulière, elle ne peut pas leur être subordonnée. Le geste de la critique immanente prend cela très au sérieux en insistant sur le fait que ce qui fait œuvre dans l’œuvre d’art ne peut pas être ramené à une comparaison, une évaluation ou un jugement. Ce que l’art peut faire est toujours question d’un « quoi d’autre » du potentiel dans un temps qui lui est propre et qui est inséparable de son événement, incorporé non dans un objet, mais dans les techniques qui favorisent et font sentir la force du temps. La critique immanente consiste, en somme, en un soin du contemporain. Traduit de l’anglais par Erik Bordeleau. 1. Hubert Aquin, « La jeunesse, quel que soit l’âge de ceux qui en sont investis, ne défend pas, elle attaque. » dans Comprendre dangereusement (1961), http://quebec.synergiescanada.org/culture/ liberte1026896/liberte1026915/30104ac.pdf 2. Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux (Capitalisme et schizophrénie 2), Paris, Les Éditions de Minuit, 1980, p. 340. 49 Amanda Beech Futur impossible? Penser l’image sans crise Notre incapacité de prévoir et de savoir, avec certitude, si nos actions donneront forme à une société future qui, par sa nature progressiste, sera différente de la nôtre, fait jouer à l’art, qui se dit politique ou critique, le rôle du héros tragique. Héritier des ambitions de la Gauche plutôt qu’architecte d’une différence réelle, cet art est le témoin de son propre échec. Tombé dans le « piège de la conscience de soi », il mesure de l’intérieur son propre manque face au « futur impossible ». Cette manière de concevoir le futur est pathologique, naïve et contradictoire. Car, le futur est considéré, d’une part, comme n’ayant aucun rapport au présent, comme un lieu que nous ne pouvons ni connaître ni prévoir par la raison. D’autre part, la connaissance cartographie et surveille l’espace du futur comme s’il était étranger et en interdit l’accès. De manière suspecte, cette connaissance ne sait que trop bien que nos actions ne sont pas porteuses de garanties transcendantales et qu’il n’y a pas de raisons probantes à partir desquelles nous pouvons construire un avenir. En faisant de la conscience de soi un paradigme principal de la méthodologie de l’art contemporain, la crise de l’art a donné lieu à une crise de la vie artistique et politique qui, à son tour, a engendré une crise de la crise. Même si cette introspection s’est révélée capable d’une valeur économique et critique, elle est particulièrement défaillante lorsqu’il s’agit de concevoir et d’exécuter une action visant un but précis. Au regard d’un telos, d’une finalité, tout ce que l’introspection peut proposer c’est une image narcissique et figée qui exprime cette incapacité par 51 un discours sur l’étendue de notre connaissance de ce que nous ignorons, prononcé dans un paysage d’incertitude et de doute. Cet idiome tragique ne peut qu’engendrer un art veule qui naturalise les formes que prend le pouvoir et anéantit la possibilité même d’autres paradigmes de production artistique. Au cœur de cette dynamique de la connaissance et du temps se trouve un art réifié par son irrationalité : sa valeur est calculée en fonction de ce qu’il a d’ineffable et son intérêt politique se résume à sa résistance « innée » à la raison explicative. Le mythe de l’abstraction alimente toujours la croyance que l’art a le pouvoir de maintenir ouvert un espace discursif où tout peut arriver, autrement dit, d’enfoncer de nouvelles portes de la perception. Cependant, cette abstraction n’a aucun effet sur les principes du capital, lequel exprime cet espoir justement comme un espoir et rien de plus. Dans ce cas, l’espoir de « quelque chose » se réduit à des expressions personnelles de liberté individuelle et au culte de la différence comme nouveauté. Cela étant, on pourrait dire que, de nos jours, la crise véritable c’est l’idéalisation de notre nonrapport au futur. Ce « futur impossible » remplit les galeries, les musées, les foires et les discours sur la scène artistique internationale et nourrit un art qui est comme une vieille machine brisée, impuissante devant ces vecteurs complexes que sont les forces systématiques du pouvoir. Le retrait de l’art dans une réflexion sur sa propre finalité (ou manque de finalité) est à voir dans les pratiques qui recourent à l’ironie à des fins critiques aussi bien que dans celles qui misent sur la dimension sociale de la participation. Il est également décelable dans la thèse selon laquelle la fiction serait le lieu de rédemption d’un avenir politique, simplement parce que la fiction est essentiellement aporétique. Un tel art est perverti, veule et contradictoire : assez lâche pour reculer devant l’affirmation de son propre pouvoir et suffisamment hautain pour présumer qu’il a le choix de se retirer de l’exercice du pouvoir. Ce renoncement au pouvoir de l’art et à ses possibilités en tant que langage fonctionnel est démontré par l’attention que l’art porte aux « résultats » empiriques, obtenus à courte échéance, dans un endroit donné, et qui font état d’une amélioration des conditions économiques, sociales ou scolaires – faible instrumentalisation de la sécurité sociale ou de l’action caritative bénévole, qui soulignent, de façon naïve, les horreurs de la pensée économique de Milton Friedman et de Friedrich Hayek. Ceux qui n’investissent pas dans des placements à court terme portant un taux de rendement appréciable peuvent toujours se ranger du côté de la métaphysique et prétendre que l’art n’exerce aucune influence saisissable sur la société, que son inutilité résulte d’une force qui n’est qu’abstraite. L’esthétique du sublime qui en résulte réunit l’art et le réel. Qu’il s’agisse d’une métaphysique de l’art comme altérité radicale ou d’une vision empirique de l’affect causé par l’art ���������������������������������������������������� en ce qui a trait au rapport entre le particulier et l’abstrait, l’un comme l’autre acceptent le statut quo du capitalisme et de l’art puisque l’un et l’autre soutiennent les conditions d’accumulation du capital. 52 53 L’art a clairement renoncé à sa capacité d’agir. Toutes les démarches que je viens de citer se méfient, de façon significative, du pouvoir de la représentation. Dans les cas qui nous occupent, la représentation promet le pire des avenirs : une sorte de réalisme social terrifiant qui conduit droit au totalitarisme et exclut ainsi l’espoir d’une démocratie à venir. Cette méfiance paralysante est étayée par l’esthétique théiste dominante aujourd’hui, dans l’art et ses discours, qui louvoie entre deux catégories : le représentationisme et le non-représentationisme, ce qui illustre l’équation erronée obtenue par la greffe d’une issue à des mauvaises formes de domination sur une sortie par la mécanique même de la communication. Les tentatives de « gérer » le pouvoir de la représentation sont évidentes dans le fervent plaidoyer des œuvres phénoménologiques en faveur d’expériences perceptuelles « sans médiation » tels que la dialectique de l’ambigüité ; l’antiréalisme qui rejette l’hégémonie de la représentation ; les démarches ironiques privées de sens et de responsabilité, ainsi que la croyance du poststructuralisme intégriste qui, au nom de l’« ouverture », accrédite le mythe des caprices de l’« interprétation » en défendant l’idée que le langage est un champ d’interprétation sans fin. Les thèses des différentes philosophies affiliées au réalisme spéculatif ont suscité une crainte encore plus grande des possibilités de la représentation, puisque tout rapport au futur est « déstabilisé » de façon radicale. Dans Après la finitude, Quentin Meillassoux expose, en termes très clairs, cette non-relation au futur1. Sa théorie de la contingence absolue dans « un monde sans nous », c’est-à-dire sans la corrélation qui préside à l’accès des humains au réel et le rend possible, signifie que la contingence n’est pas un objet avec lequel nous pouvons organiser un rapport, compte tenu du fait que l’acteur humain ne se trouve pas au centre des processus de changement et que les changements se produisent le plus souvent au-delà de la perception humaine. Cette théorie s’oppose à l’hubris qui standardiserait, sans réserve, une esthétique de l’inconfiance ; elle rejette la prétention de la modernité d’avoir un projet d’émancipation et désavoue le futur comme tâche à accomplir. Mais qu’est-ce que cette non-relation au futur ? Il ne suffit pas que notre projet vise à démanteler et à anéantir les fantasmes trompeurs de l’art, les mauvaises habitudes sur lesquelles il s’est appuyé, ainsi que les idéalismes anémiques dont il a fait des croyances, parce que ces mauvaises habitudes risquent de reproduire les pathologies liées à l’intériorisation de la conscience de soi. Nous devons plutôt élaborer des concepts qui aient un objectif, des concepts qui aillent au-delà des principes de l’art tel que nous le connaissons. Il ne s’agit pas de craindre l’avenir, car l’avenir n’est pas une chose, mais plutôt de concevoir notre pratique comme progrès. Toutefois, sans un avenir centré sur l’action humaine, quelles seraient les conditions et les exigences d’un tel projet? La question de la raison est de prime importance ici. La théorie de Meillassoux repose sur le fonctionnement de la pensée : bien que nous ne 54 55 puissions pas avoir accès au réel, nous pouvons le penser. Comment l’image, en tant que représentation, pourrait-elle prendre part aux opérations de la raison ? Dans Après la finitude, cette question n’est pas développée en priorité puisque l’imagination, l’image et le langage sont mis de côté afin d’exploiter la capacité de la raison. (On semble considérer ces derniers comme appartenant au domaine problématique d’une imagination par trop humaine.) Ainsi, la question qui nous reste à considérer est celle de la rencontre de la raison et de l’imagination comme faculté propositionnelle de l’art. Afin de penser l’image, c’est-à-dire notre articulation linguistique des objets dans le monde, nous devons comprendre la fonction des images que nous produisons et utilisons. Si nous donnons suite à quelque possibilité d’une raison qui est opératoire, mais non instrumentale, nous devons savoir que nos descriptions et comptes rendus d’objets sont des croyances régies par des myriades de possibilités empiriques changeantes dont le fonctionnement est sujet à des règles. Qui plus est, le fonctionnement de ces possibilités produit de l’ordre. En empruntant cette approche « scientifique », nous faisons deux paris qui demandent réflexion. Nous soutenons que nos explications de notre réalité peuvent contrer les conditions habituelles forgées par le néolibéralisme qui, aujourd’hui, a réduit à néant l’égalitarisme et nous affirmons que les représentations de la réalité ne mettent pas en regard la représentation et la réalité, comme elles ne prétendent pas que l’image est une manifestation idéale du réel. Si nous pouvons envisager les images comme des représentations fonctionnelles, nous pouvons aussi repenser un futur non relationnel sans crise. Nous pouvons tout de suite exiger un art qui nous astreigne à de strictes méthodes non idéologiques, où la justesse donne l’impulsion à une organisationreprésentation qui survit aux règles. Ceci représente la destruction de l’art tel que nous le connaissons, ainsi que celle de ses idéaux et des esthétiques qui le définissent. Une image juste, un matérialisme de l’image, c’est ce que l’on exige de l’art aujourd’hui : un avenir sans mythologies et sans identités, un avenir libéré des mélodrames caducs de la crise de la critique. Ce nouveau matérialisme exige que l’art se mette au travail. Il ne s’agit pas d’abdiquer devant le manque d’avenir, mais d’entreprendre véritablement de penser la réalité, elle-même, parce que c’est cela l’avenir. L’art est-il égal à cette tâche ? 56 57 Final Machine, 2013, l’installation vidéo d’Amanda Beech, était présentée au Musée d’art contemporain de Montréal dans le cadre de BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward). Traduit de l’anglais par Monica Haim. 1. Quentin Meillassoux, Après la finitude. Essai sur la nécessité de la contingence, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2006. Un entretien de Gean Moreno avec Benjamin H. Bratton t n e d i c c a e u q a h C ne une è m a e l l e v e u i o g n o l o n h c te (cloud computing), les villes intelligentes, l’informatique ubiquitaire, les systèmes d’adressage massifs, les nouvelles générations d’interfaces, les utilisateurs non humains et ainsi de suite – comme des types différents ou des espèces particulières d’informatique, chacun agissant à sa manière dans son coin, nous devons les concevoir comme les strates d’un métasystème unifié. Dans mes écrits, j’explique cela de bas en haut, du niveau de la planète à celui de l’utilisateur. L’énergie puisée à des sources planétaires sert de moteur à l’infonuagique, et ses plateformes mondiales forment de nouvelles topologies politiques. Les villes sont animées de l’intérieur par ces plateformes nuagiques qui, en organisant des objets adressables et des événements en régimes d’interfaces, ouvrent, pour les utilisateurs, une fenêtre sur tout le système. Dans mes écrits, je les traite comme les strates particulières d’une structure plus grande, la Pile. Cette mégastructure est fortuite. Toutefois, si nous la considérions comme une totalité, nous pourrions peut-être la concevoir mieux que si nous envisageons chaque strate de manière isolée. La notion de Pile met en évidence une géopolitique verticale à plusieurs strates qui est basée sur l’entrecroisement de souverainetés superposées plutôt que sur les subdivisions en États que montrent les cartes. La Pile est un modèle pour penser de manière cohérente la disposition technique de l’informatique à l’échelle de la planète de même qu’un modèle conceptuel pour réfléchir sur les espaces complexes et contradictoires que cette informatique a créés à son image. C’est à la fois un schéma qui renvoie à un système technique et un Gean Moreno La figure de la Pile est l’un des modèles qui ressortent le plus nettement de vos analyses. Commençons donc par l’examiner plus en détail. Benjamin H. Bratton La Pile renvoie à certaines transformations de l’infrastructure technique des systèmes informatiques mondiaux. L’informatique à l’échelle planétaire a si profondément et si totalement transformé la logique de la géographie politique à son image que cette dernière a fini par engendrer de nouvelles géographies et de nouveaux territoires, qui s’imposent assez fortement. À la différence de la géographie moderne qui n’établit que des divisions sur les cartes horizontales, la géographie de la Pile superpose aussi des strates d’espace. Il y a donc des espaces étatiques (comme la Chine) et des espaces non étatiques (comme Google). Nous devons pouvoir expliquer ces géographies et ces territoires mixtes, mais nous n’avons pas encore de théorie adéquate pour le faire. Je crois que cela est dû en partie au fait que ces géographies et ces territoires obéissent à une logique géopolitique de plateformes. Mais puisque les plateformes sont des bases techniques et institutionnelles qui ne peuvent être ramenées à une opposition États/marchés, elles ne peuvent être intégrées dans des entités établies. Il en résulte que nous percevons parfois comme une exception bizarre ce qui peut en fait constituer une nouvelle norme. Un second aspect de la notion de Pile, c’est qu’au lieu de percevoir les diverses formes d’informatique à l’échelle de la planète – l’infonuagique 59 système technique qui exige de nous diverses formes d’interprétation. La Pile est aussi un système descriptif et une maquette qui peut nous orienter dans une autre direction que la configuration actuelle. et c’est ainsi qu’elle fonctionne le mieux. Le mot géopolitique désigne donc les efforts qu’une société déploie pour s’unir, pour penser ses modalités, son éthique, ses modes de fonctionnement, sa logique de la valeur en rapport avec la situation de son perchoir sur la planète. Ce second sens sert à moduler le premier dans l’espoir de permettre de comprendre le rapport qui existe entre de nouvelles réalités politiques en fonction d’un ensemble plus vaste qui comprend la géopolitique, la géographie, la géologie, la géoscopie, et ainsi de suite. Une bonne partie de mon travail récent se concentre sur l’importance grandissante des plateformes nuagiques et sur la manière dont ces plateformes ont assumé toutes les compétences que le traité de Westphalie attribuait jadis à l’État – le statut juridique, la monnaie, la cartographie, le contrôle de l’information, etc. – sans qu’un quelconque décret soit officiellement adopté. Un des résultats de cette situation c’est que les termes suivant lesquels l’État exerce son autorité, les technologies de l’autorité, dans le sens foucaldien, sur lesquelles il l’assoit, deviennent de moins en moins clairs. D’une part, les plateformes nuagiques assument davantage de responsabilités qui incombaient à l’État et, d’autre part, l’État, le véritable corps de l’État, les fonctions de l’État, migrent vers des plateformes nuagiques, comme l’affaire Snowden vient de le démontrer. Les États deviennent des plateformes nuagiques et vice versa. Cela provoque, évidemment, des tensions bien réelles. En Russie, par exemple, la déstabilisation de l’autorité souveraine de l’État-nation traditionnel causée par les plateformes planétaires donne lieu à un repli GM La « géopolitique » verticale que vous postulez comme une exigence des infrastructures à l’échelle de la planète et des plateformes logistiques massives entretient un rapport d’orthogonalité avec la géopolitique moderne des frontières et des territoires disposés horizontalement. BHB C’est exact. Parfois les deux se suivent d’assez près ; parfois pas du tout. J’emploie le terme géopolitique dans un double sens. D’une part, c’est une allusion au Grossraum, le Grand Espace, de Carl Schmitt, c’est-à-dire, grosso modo, un espace supranational, mais essentiellement régional, gouverné par une autorité souveraine à l’instar de ce que préconise la doctrine Monroe. Certains critiques y voient un ordre multipolaire idéal pour des entités politiques mondiales et pour des empires, mais pas moi. Aujourd’hui, quand l’espace mondial fait l’objet de nouvelles revendications – celles du nuage en sont un exemple – comment peuton situer ces revendications dans la généalogie de la géopolitique moderne en général ? Qu’advient-il de la forme de l’État alors qu’elle se développe par rapport à ces autres formes ? D’autre part, mon emploi du terme géopolitique renvoie au concept de « géophilosophie » élaboré par Deleuze et Guattari, à savoir que la pensée est toujours rattachée à sa situation planétaire (ou postplanétaire). Elle ne peut s’en détacher 60 conservateur délibéré. La menace est à la fois réelle et perçue comme telle à divers degrés, mais la réaction n’est pas surprenante. C’est une évidence sociologique que la montée des intégrismes qui, en apparence, se veut une réaction à la mondialisation et se caractérise par une résistance atavique à cette dernière est, en fait, causée par la mondialisation elle-même. Les États affichent cette même tendance. Sur chaque continent on résiste à la perte de souveraineté des États-nations (et des autres structures traditionnelles d’autorité). Cela constitue non pas une exception à la géopolitique de la Pile, mais, de bien des façons, une conséquence directe. Par ailleurs, on ne peut garantir une issue positive ou négative à cette dynamique ; il n’y a aucune raison a priori de favoriser les plateformes plutôt que les États et vice versa. Par exemple, le « féodalisme nuagique » (Cloud Feudalism), ce terme que j’ai inventé, laisse entendre que les technologies avancées ne correspondent pas à des politiques progressistes, et vice versa. Des systèmes technologiques fortement avancés peuvent coexister avec des systèmes politiques extrêmement conservateurs, archaïques et réactionnaires. De diverses manières et jusqu’à un certain point, la Chine et les États-Unis le démontrent clairement. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’on associe les technologies avancées avec des politiques rétrogrades et le primitivisme avec la justice. La politique localiste, horizontaliste et artisanale ne m’intéresse pas. Sur ce point, je suis absolument d’accord avec Alex Williams et Nick Srnicek1. En ce qui me concerne, c’est la géo-ingénierie ou rien. GM Vous avancez que les plateformes nuagiques et, de manière plus générale, la Pile remettent la question de la « souveraineté » à l’ordre du jour. De quelle façon ? BHB D’une part, il y a la souveraineté d’une certaine aire géographique ou politique et, d’autre part, il y a l’autonomie de l’individu ou de l’utilisateur. Parfois, il existe entre eux un lien direct ; parfois, ils n’ont que très peu en commun. Les plateformes nuagiques agissent sur les deux. En matière de géographie politique, la souveraineté est menacée par les diverses façons qu’a l’informatisation de la planète de redessiner les lignes de division et de subdivision qui font qu’une entité politique est limitrophe d’une autre, s’y superpose, en est séparée ou s’entremêle avec elle. Tout ce qui est contenu par ces subdivisions – espaces, populations, infrastructures – est alors soumis jusqu’à un certain point à l’autorité souveraine d’une plateforme étatique ou non étatique qui est en mesure de dessiner ces lignes et de les faire respecter. Du point de vue de la Pile, l’autonomie de l’utilisateur est pensée en fonction des diverses manières dont sa participation à des systèmes de plateformes produit des formes de subjectivité actives indifférentes à d’autres types d’identité politique, comme la citoyenneté ou même l’espèce. Dans certaines circonstances, cela peut permettre un plus grand accès et une capacité accrue d’agir que ce qui aurait été autorisé d’ordinaire. Mais, dans d’autres circonstances, cela peut donner lieu à de nouvelles formes de contrôle qui réduisent 61 la capacité d’agir. Par exemple, un migrant sans papiers peut avoir accès à des interfaces de plateformes, à des systèmes et à des infrastructures qui lui permettent de nouer des relations économiques et politiques d’une façon plus libre et personnelle que celle qui est offerte par l’État. On peut même imaginer une situation où les citoyens d’un endroit auraient moins de liberté que ceux qui ne le sont pas parce que les systèmes qui régissent cet endroit auraient été calibrés et ajustés afin d’en contrôler les citoyens et non pas tous les utilisateurs possibles. D’autre part, si on prend l’affaire Snowden/NSA, on constate que nos interactions avec les plateformes nuagiques peuvent contribuer à créer des inférences à notre sujet, à nous catégoriser et à nous attribuer des identités non désirées. Elles peuvent permettre de nous localiser, de nous surveiller et de nous mettre en corrélation en tant que sujets d’intérêts souverains d’une manière qui n’est pas souhaitée. Pour l’utilisateur individuel, l’autonomie est à double tranchant : elle peut donner la capacité d’agir de manières qui n’étaient pas à la portée de la subjectivité moderne, d’obédience libérale, fondée sur les droits. Elle peut aussi, pour cette raison même, autoriser un contrôle plus étendu et plus direct qu’auparavant. Ces deux formes différentes de souveraineté – la géographique et l’individuelle – peuvent être dissociées. Ceci est un point important. Il est probable que chacun d’entre nous doit s’occuper des deux en même temps – il est possible qu’un système exige de nous certaines choses tandis qu’un autre exige autre chose – et il peut arriver que ces exigences soient irréconciliables. Cette inconciliabilité est la base sur laquelle sont fondées les configurations et les formes de tension������������������������������� géopolitique les plus intéressantes avec lesquelles nous devrons nous débattre. GM Qu’en est-il de la dissolution qui menace la subjectivité et des nouvelles voies qui mènent à la reconstitution subjective dans un univers habité par l’informatique à l’échelle planétaire, alors que d’une part nous avons des tendances telles que le Quantified Self (la quantification de soi) et, de l’autre, une facilité accrue d’endosser le rôle de la version bêta de quelque chose qui est à venir ? BHB Ou d’une version de quelque chose qui est déjà là, mais que nous ne reconnaissons pas encore. Il ne faut pas imaginer que cette « autre chose » est forcément « le spectre du salut » ou la « communauté qui vient2. » Quant à la dissolution de la subjectivité, je suis moins inquiet que d’autres, et ce pour plusieurs raisons que j’expliquerai en établissant quelques distinctions entre leur pensée et la mienne. Une des façons de réfléchir à cette question part du postulat de Paul Virilio : l’invention de toute nouvelle technologie est l’invention d’un nouveau type d’accident3. Selon Virilio, c’est cela qui est le problème de la technologie. Pour des gens comme Virilio et, peut-être, Bifo 4, la mondialisation et l’infrastructure planétaire qu’elle offre représentent une totalité synthétique ou une contrefaçon de la totalité. Virilio est catholique et, pour lui, c’est une fausse totalité parce que la seule vraie totalité est celle de la communauté du Christ. Il déplore les façons dont la technologie a éclipsé des concepts 62 comme l’immanence, la transcendance et la communicativité – tout ce que Dieu était censé offrir. Pour lui, la fin du monde que l’eschatologie chrétienne prévoit pour la société humaine d’après la chute se passe maintenant à un autre niveau, à savoir celui des plateformes informatiques à l’échelle de la planète, et cela revient sans cesse dans son travail. Cela étant dit, je lis toujours Virilio avec plaisir parce que ses descriptions lascives de ce qui le scandalise sont tellement juteuses et bien observées. En revanche, Bifo est à mon avis un guide assez mal informé sur la réalité actuelle et sur ce qu’il faut faire. Pour certains, son travail exprime une résistance courageuse à la violence du statut quo. En ce qui me concerne, je trouve son œuvre ennuyeux, mélancolique et immobiliste. C’est non seulement moralisateur et réducteur, mais cela semble aussi exprimer un désir d’échec et d’une fin qui justifierait que l’on se retire du monde – je suppose que c’est la seule conclusion possible lorsque ce genre d’interprétation se rend compte de son manque de pertinence. Je viens de lire sur Google sa brochure pour la biennale du Whitney Museum, que Semiotext(e) a éditée5. C’est à la fois triste et sénile cette idée que nous sommes menacés de toute part par une autorité œdipienne absente, par un impénétrable souverain maléfique qui a fermé toutes les issues possibles, et que cet état des choses est proprement impardonnable. C’est le genre de discours qui dit que, si vous êtes une personne morale, vous ne devez pas vous laisser tenter d’entrer en communication directe avec l’univers de Google parce que votre amour sera exploité. Au nom de la « joie perdue » et de la totalité authentique, le monde tel qu’il est doit être rejeté. En ce qui me concerne, c’est non pas du militantisme, mais un psychodrame réactionnaire, un cul-desac. Ce n’est même pas du nihilisme, car le nihilisme peut engendrer de merveilleux désenchantements. Peut-être devrions-nous inverser le postulat de Virilio : chaque accident amène une nouvelle technologie. N’est-ce pas précisément les risques et l’inconnu qui rendent les situations difficiles intéressantes et qui demandent un peu de courage ? Nous ne savons pas ce que sont ces choses, nous ne savons pas vers où elles se dirigent, nous ne savons pas ce qui se prépare pour nous, nous essayons de concevoir une chose et cela donne le contraire de ce qu’on attendait. Nos meilleures intentions tournent mal, et ce qui nous semblait être le pire finit, au bout de quelques décennies, par donner quelque chose de bien. Il faut donc que nous restions éveillés et que notre pensée demeure flexible. C’est le caractère imprévisible des systèmes technologiques (le pharmakon, si vous préférez) qui leur confère un aspect politique. C’est leur caractère fortuit qui mérite toute notre admiration. Donc, il est assez clair que, pour le meilleur et pour le pire, l’éthique des individus – qu’ils soient progressistes ou radicaux – n’a aucune emprise sur ce qui peut en résulter. Dans mon travail, j’essaie parfois d’identifier des choses qui, d’un point de vue donné, semblent représenter les pires développements possibles parce qu’ils freinent tout progrès possible. Puis j’essaie de voir comment ils pourraient accomplir le contraire de ce qu’ils semblent faire. Prenons l’exemple du mouvement 63 Quantified Self (quantification de soi), que vous avez évoqué6. À court terme, ce mouvement peut être une façon pour un sujet néolibéral hypertrophié de prendre part à des scénarios impliquant les mégadonnées (Big Data) et ainsi créer la caricature la plus précaire et la plus ridicule de l’homo economicus qui soit. C’est peut-être exactement le cas, surtout pour les libertaires de Californie. Mais, à long terme, quand le miroir commencera à renvoyer à l’utilisateur de plus en plus de données – des données écologiques et épidémiologiques ainsi que des informations sur les systèmes locaux – et au fur et à mesure que la granularité des données extrinsèques qui donnent forme au sujet réfléchi s’enrichira et que leur portée et leur profondeur s’agrandiront, le processus finira par accomplir le contraire de ce qu’il faisait à l’origine. Avec le flot d’une quantité grandissante de données, l’image du sujet que l’utilisateur y trouvera projetée sera celle d’un sujet qui s’est dissous dans le flux du monde. En radicalisant ses conditions, le Quantified Self pourrait, à la longue, finir par rendre encore plus improbable l’existence d’un sujet néolibéral, humaniste et rationnel. Si on examine attentivement l’histoire de l’interaction de la société et de la technologie, ce sont les revirements produits par la radicalisation qui sont les plus décisifs, pour le meilleur ou pour le pire. Ce sont ces revirements-là que nous voulons multiplier, ces stratégies-là sur lesquelles nous voulons miser. En revanche, la résistance militante et le déni tendent à nier la possibilité de cette stratégie particulière. GM Qu’en est-il des formes traditionnelles de résistance lorsqu’il s’agit de la Pile ? BHB Il est à espérer que par « résistance » on entend un pas vers une composition à venir, le rapprochement d’un espace avec un autre. Peut-être que je ne saisis pas ce que vous entendez exactement par les formes « traditionnelles » de résistance, mais je dirais que tout est perdu si le repli et la négation constituent le seul cadre conceptuel d’une philosophie politique. C’est de la théologie pour adolescent qui finit par donner un tas de garçons et de filles ennuyeux et violents. Ce n’est pas pour moi. Pour revenir à votre question, la Pile pourrait paver la voie à des conditions très maniables. Je peux vous en citer quelques-unes, mais je suis sûr que d’autres auront des idées différentes. Pour ce qui est de la géopolitique au sens où nous l’entendons d’habitude, je me concentrerais sur l’absorption par l’infonuagique, à l’échelle mondiale, de certaines formes de gouvernance qui auparavant étaient le monopole de l’État et sur la manière dont les États se transforment en plateformes nuagiques. Nous savons que ce processus est en marche parce que nous le voyons à l’œuvre tous les jours, mais nous ne savons pas quoi en penser. Nous assistons à une juxtaposition de différentes logiques géopolitiques. Certaines sont imposées par les États, d’autres par des plateformes laïques, d’autres encore par une vision atavique et religieuse. La superposition de ces logiques crée de nouveaux motifs géométriques. Mais cela n’est que l’une des formes, qu’une échelle de la politique, ce qui 64 veut dire que lorsque nous concevons les compositions auxquelles nous voudrions nous rallier, nous devons concevoir la Pile strate par strate. Pour la strate nuagique, par exemple, les possibilités diffèrent en fonction des contextes politiques des États. Le potentiel politique de la strate nuagique n’est pas le même en Californie, dans l’ouest de la Chine et dans les zones rurales de l’Amérique du Sud. Toutefois, la coordination de la participation et les dispositions prévues par certaines formes de l’identité transactionnelle peuvent doter les gens de la capacité d’entreprendre d’autres formes d’action politique, qui s’ajouteraient à celles qu’ils ont déjà ou qui les remplaceraient. Il va de soi, que l’on peut refuser d’agir et, dans bien des cas, pour de très bonnes raisons. Mais, quelle que soit la tactique adoptée, elle est toujours adoptée par rapport à la Pile. La politique des plateformes nous laisse encore perplexes. Une énigme réside dans la tendance de l’économie des plateformes à consolider les premiers « gagnants », qui fixent et appliquent les conditions de la participation. Moi, je voudrais voir un jour un plus grand nombre de puissances nuagiques. Car il est possible qu’à l’avenir il n’y ait, dans le monde, que trois ou quatre plateformes nuagiques et quatre ou cinq puissances politiques régionales qui se disputeront la coordination de toute la planète, ce qui est loin d’être idéal. On souhaite l’apparition de nouvelles plateformes qui finiront par détrôner celles avec lesquelles nous travaillons aujourd’hui. Quant à la strate de la ville, la question est de savoir comment les interfaces physiques et virtuelles produisent des sujets urbains. J’ai évoqué tout à l’heure le cas du travailleur sans papiers qui a accès à certaines infrastructures parce que celles-ci n’attachent aucune importance à son statut juridique. Pour elles, il est un « utilisateur ». Comme je l’ai déjà dit, il est possible que les non-citoyens finissent par avoir une plus grande liberté de mouvement et davantage de « droits à la ville », dans le sens où l’entendait Henri Lefebvre7, que les citoyens parce que les infrastructures locales, pour lesquels les non-citoyens demeurent invisibles, sont pensées en fonction de la gouvernance et du contrôle des citoyens. Par conséquent, la capacité de fonctionner de manière autonome pourrait avoir à faire davantage avec le statut technique d’un individu qu’avec son statut juridique, et la technologie urbaine peut lui ouvrir la voie. Pour nous qui sommes une espèce surtout urbaine, cela voudrait dire que la notion de cosmopolitisme renverrait aux droits à l’ensemble du système urbain à l’échelle planétaire, relié comme un réseau discontinu, et non pas aux droits en vigueur dans une ville en particulier. Cette notion renverrait donc à une participation à des infrastructures communes bien plus qu’à un statut juridique. Pour ce qui est de la strate adressage de la Pile, l’enjeu le plus clair est celui de la transformation de l’échelle temporelle et spatiale naturelle – notre façon d’appréhender une chose ou un événement – par de nouvelles manières de les établir et de les identifier. Nous travaillons maintenant avec des systèmes d’adressage 65 massifs et universels capables d’assigner des adresses à un nombre d’objets beaucoup plus grand que ceux que nous pouvons utiliser. Une communication réelle d’informations peut s’établir à une échelle microscopique ou macroscopique, sans intervention humaine. Au fur et à mesure que se multiplient ces entités, qui agissent sur l’ensemble du système, il devient de plus en plus compliqué de définir qui est ou ce qu’est un utilisateur autonome. L’interface est probablement la strate où la militance et la résistance se jouent de la manière la plus évidente, mais pas toujours de la meilleure façon. Sur certaines interfaces, particulièrement celle de la réalité augmentée, des signes sont superposés à des objets connus de sorte que la perception de l’utilisateur opère un amalgame qui abolit toute distance symbolique entre ce que l’interface donne à voir et la chose qui est donnée à voir. L’interface devient simplement réelle – elle « sous-titre » le monde. Une des fonctions des interfaces est de donner une image complète et cohérente de chaînes d’assemblage qui sont, en fait, invisibles et non contiguës. La production, la distribution et la consommation mondiale des objets qui nous entourent, de même que leur origine, sont devenues opaques. Les systèmes dont nous faisons partie sont nébuleux. Obéissant à une logique de diagramme, l’interface fait un résumé de la totalité et raconte ce à quoi ressemblent ces assemblages et ces liens en réalité. Chaque régime d’interface décrit le monde d’une manière différente, et pour chacun de ces régimes il y a une interface différente. Chaque régime d’interface peut indiquer la même chose, mais la façon dont chaque interface choisit de narrer cette chose, à travers ses diagrammes, lui attribue une signification différente pour un univers différent. L’interface dresse une carte du monde qui dessine son contour et lui donne forme et cohérence tout en étant l’instrument dont nous nous servons pour agir sur ce monde. Peu importe ce que l’interface représente, elle impose sa description du monde, quelle que soit la manière dont on l’utilise. En réagissant à quelque chose à travers une description donnée, on reproduit cette description. On constate aujourd’hui que les régimes d’interfaces peuvent agencer à la fois des formes descriptives et projectives de l’imaginaire politique, car ils ont la capacité de combiner le fonctionnalisme et l’utopie dans un seul instrument-image. Du fait que les interfaces telles que la réalité augmentée font percevoir ce qu’elles montrent comme « réel », l’un de leurs usages suprêmes sera de raviver des formes d’intégrisme politique et religieux. Le sous-titrage littéral et la surimposition de descriptions sur ce qui est perçu – propre et malpropre, à nous et pas à nous, ami et ennemi – fait qu’il sera beaucoup plus difficile pour un utilisateur de maintenir la distance critique nécessaire face à une doctrine. Donc, au lieu de voir, dans la militance des mouvements politiques sectaires, un acte de résistance face à de tels régimes d’interfaces, ce que l’on verra plutôt avec la maturation de ces régimes c’est un accroissement de la militarisation de la perception et des interactions. Cela mènera évidemment à la création de nouvelles entités politiques, plateformes, marques, religions et ainsi de suite, qui se superposent. 66 Au niveau de la strate utilisateur, la possibilité d’innover réside surtout dans la redéfinition du sujet politique lui-même. Je voudrais établir clairement que les scandales entourant les fuites d’information orchestrées par Edward Snowden n’ont pas autant d’importance que l’on a voulu nous le faire croire. Le respect de la vie privée et la protection des individus contre la surveillance de l’État ne peuvent être le fondement éthique d����������������������������� ’après lequel on juge la géopolitique de l’informatique à l’échelle de la planète. C’est tout simplement impossible. C’est trop tactique. Cela dépend trop de l’individualité du sujet humain, sur les plans tant psychologique qu’économique, pour présenter des possibilités réellement nouvelles à l’échelle mondiale. Les innovations que nous devrions favoriser en ce qui a trait à l’utilisateur sont celles où l’ensemble des logiciels conçoit, d’un seul et même coup, chaque utilisateur par rapport à tous les utilisateurs. Nous ne pouvons pas nous contenter d’innovations qui protègent les pensées et les vies des individus contre des abus injustifiés. Ce que nous devons viser ce sont les innovations qui permettent de créer des solidarités efficaces entre utilisateurs. Ce type d’innovations comprendrait certainement un nombre important d’utilisateurs non humains. L’évolution la plus intéressante de la strate utilisateur, c’est le remplacement de l’humain comme sujet politique prédominant. C’est non pas en termes de post-capitalisme que je pense tout cela d’abord et avant tout (bien que ce qui à la longue apparaîtra, du point de vue d’aujourd’hui, comme la réalisation du post-capitalisme ne sera probablement que le résultat direct de parvenir à quelque chose d’intéressant), mais en termes de postanthropocène. Du post-anthropocène nous ne pouvons pas savoir grand-chose d’avance à cela près que ce sera une ère où l’humain ne dominera plus la géologie de la planète – et, donc, vraisemblablement, son économie. Une telle ère peut arriver soit parce que nous nous entre-tuerons, soit parce que quelque chose qui n’est pas « humain », dans le sens ordinaire du terme, se sera emparé de la composition actuelle de cette mégastructure fortuite qu’est la Pile. Les questions géopolitiques que je trouve les plus intéressantes sont celles qui se situent à ce genre d’échelle spatiale et temporelle, ne serait-ce que parce qu’elles nous obligent à nous « dé-familiariser » avec nousmêmes et à tenter de nous organiser par rapport à de nouveaux critères. Par exemple : aujourd’hui, nous avons, à l’échelle planétaire, un système de détection et de gouvernance qui à la fois altère les écosystèmes – en produisant des changements climatiques – et nous met au courant de ces altérations. Cela étant, espérons que nos vocabulaires en matière de design, de politique, d’art et d’économie seront révisés en conséquence. Traduit de l’anglais par Monica Haim. 67 1 Nick Srnicek et Alex Williams, « #Accelerate: Manifesto for an Accelerationist Politics », dans #Accelerate: The Accelerationist Reader, Falmouth, Royaume-Uni, Urbanomic ; Berlin, Merve Verlag, 2014. 5 Franco « Bifo » Berardi, Neuro-Totalitarianism in Technomaya Goog-Colonization of the Experience and Neuro-Plastic Alternative, Los Angeles, Semiotext(e), 2014. 6 Le Quantified Self est un mouvement qui prône l’emploi de diverses technologies permettant d’effectuer un suivi de soi-même au quotidien en recueillant, en archivant et en analysant, en continu, des données allant de nos cycles du sommeil à notre insulinémie, et ce, dans le but de s’améliorer et d’augmenter son bien-être. 2 Giorgio Agamben, La communauté qui vient. Théorie de la singularité quelconque, traduit de l’italien par Marilène Raiola, Paris, Seuil, coll. « La librairie du xxe siècle », 1990. 3 Paul Virilio, L’accident originel, Paris, Galilée, coll. « L’espace critique », 2005. 7 Henri Lefebvre, Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968. 4 Franco « Bifo » Berardi, The Soul at Work: From Alienation to Autonomy, traduit de l’italien par Francesca Cadel et Giuseppina Mecchia, Los Angeles, Semiotext(e), 2009, et « Time, Acceleration, and Violence », e-flux journal #27 (septembre 2011), http://www.e-flux.com/journal/timeacceleration-and-violence/. 68 Richard Ibghy et Marilou Lemmens Notre dernier plus grand espoir Parmi les innombrables photographies prises aux confins de l’univers et montrant des planètes mystérieuses et des nébuleuses belles à couper le souffle, il peut être surprenant – ou pas – que ce soit une représentation crue, non censurée et totalement frontale d’une Terre illuminée qui a le plus captivé l’imagination humaine. Prise en 1972 par l’équipe d’Apollo 17 – comme si la Terre avait tendu un bras en la personne d’un astronaute –, La Bille bleue est l’un des premiers et plus dispendieux égoportraits jamais réalisés. Cette image est devenue le symbole puissant d’un nouveau type d’humanisme, accueillant chaque personne, nonobstant rang ou origine, dans la grande « f��������������������������������������������������� amille humaine ». Pour les activistes environnementaux, l’image montrait clairement que ce qui semblait n’être qu’un ensemble disparate de fleuves, de forêts, de blocs continentaux et d’innombrables formes de vie composait, en fait, un seul écosystème : une entité précaire et isolée nichée dans l’immensité de l’espace. La Bille bleue disait aux humains que la Terre est leur seul et unique chez-soi, leur seul et unique espoir, et qu’ils doivent en prendre soin et la protéger. Rétrospectivement, puisqu’il précède la vague des néolibéralismes qui a déferlé sur le monde, ce symbole de la Terre en tant que petit domaine interconnecté, sans limites ni frontières, est devenu un présage des décennies de mondialisation économique qui ont suivi. Aujourd’hui, cette image saisissante pourrait également servir à illustrer tout bonnement la couverture d’un rapport de l’OMC, si ce n’est déjà fait. La planète est devenue un endroit où tout et n’importe quoi – terre, eau, air, végétaux et animaux, mais aussi les produits 71 de notre culture, notre patrimoine, notre savoir-faire, nos pensées les plus intimes et nos combats les plus féroces – sont également à vendre au plus offrant pour être transformés, reconditionnés, revendus, et pour divertir. Comme la carte du prospecteur, l’image reflète un désir d’expansion et de développement sans limites. Au fur et à mesure que grandira l’économie mondiale, les demandes en ressources de la planète augmenteront de manière exponentielle. L’extraction se fera davantage invasive, employant des méthodes plus sales aux effets de longue durée. Ce qui nous attend, c’est une pollution accrue, des changements climatiques anthropogéniques, des réactions en chaîne dans les écosystèmes, l’effondrement d’une grande partie de la biodiversité sur Terre et la diminution de l’eau douce, du sol et des minéraux. Pour faire face à ces défis, une autre image de la Terre, celle-ci prise en 1990 au moment où Voyager 1 s’apprêtait à quitter le système solaire, peut nous éclairer sur la manière dont la logique qui nous a mis dans ce bourbier sert maintenant à tenter de nous en sortir. Plutôt que de présenter la Terre au devant de la scène, comme le faisait La Bille bleue, Le Point bleu pâle fait de notre planète une tache dans un océan de bruit galactique. Si vous la voyiez sur votre écran d’ordinateur, vous pourriez penser qu’il s’agit d’un pixel mort. La tache ne pourrait être plus petite, mais le message ne saurait être plus clair : « Il y a beaucoup d’espace dans ce monde et c’est à vous de le prendre. » Extraction lunaire, exploitation minière des astéroïdes et colonisation de l’espace : la commercialisation de l’espace est in. La Chine a déjà envoyé une sonde sur la lune à la recherche d’hélium 3 et quelques milliardaires américains se préparent à exploiter l’astéroïde (3554) Amun, l’un des 9000 astéroïdes évoluant à proximité de la Terre, dont les métaux précieux pourraient résoudre certains enjeux actuels sur notre planète, sans parler de leur contribution significative au PIB mondial. L’économie mondiale, telle que nous l’entendons aujourd’hui, est limitée par la géographie et l’écologie de la Terre, ne prenant aucunement en compte l’existence de ressources extraterrestres. La commercialisation de l’espace est le prolongement logique, dans l’avenir, de la conception économique d’une planète sans frontières ni limites, autrement dit, le capitalisme mondial. Et c’est là notre dernier plus grand espoir. Cependant, pour ceux et celles d’entre nous qui ne croient pas que la remise en scène de l’expérience humaine dans une épopée interstellaire puisse nous acquitter de notre devoir de résoudre nos problèmes ici sur Terre, qui pensent que le réel enjeu est plus près de nous, il existe un autre espoir, tout petit. C’est toutefois plus compliqué que de faire l’exploitation minière des astéroïdes. L’obsession pour l’accumulation et la croissance trouve ses racines dans une conception moderne, relativement récente, de l’économie. Ce qu’on appelle communément « l’économie » a émergé comme sphère distincte de la vie sociale au moment où se sont développés les mécanismes de marché. Auparavant, on considérait les marchés comme de simples accessoires de la vie économique, laquelle s’inscrivait dans 72 73 des traditions sociales, des croyances religieuses et des pratiques politiques. On dit souvent que ce qui distingue une économie de marché des marchés traditionnels, c’est la croyance selon laquelle elle serait autorégulatrice, que ses mécanismes transcenderaient l’intervention humaine. En vertu du principe du prix flottant, on s’attend à ce que le marché contrôle et dirige le cours constant des matières, des énergies et des désirs qui entrent dans la production, la distribution et la consommation de tout. En percevant l’économie comme étant désincorporée de la vie sociale, nous l’avons autorisée à s’immiscer dans des territoires qui échappaient autrefois à sa portée et, ce faisant, à élargir sa sphère d’influence. Les conséquences de cet expansionnisme deviennent claires lorsque, par exemple, les effets nets d’un déversement accidentel de pétrole dans le golfe du Mexique peuvent être ramenés à ce que son nettoyage a injecté dans l’économie ou lorsqu’on peut avancer que la diminution de population entraînée par les avortements légaux aux États-Unis depuis 2000 représente une réduction de 1,7 trillion de dollars en rendement économique. Le langage de l’économie a également infiltré d’autres aspects plus intimes de nos vies. Nous avons tellement intégré sa logique que les limites entre travail et non-travail se sont évaporées. Les relations sociales, les investissements affectifs, l’éducation, la santé, les capacités intellectuelles, nos curiosités, voire nos plaisirs, sont rationalisés en termes de performance, d’entrée et de sortie, d’efficience et de maximisation. Nous avons volontairement fait de nous-mêmes des projets qui exigent d’être super- visés 24 heures sur 24 pour faire en sorte que notre temps passé sur Terre demeure productif, que nous ne stagnions pas de crainte que nos vies ne se concluent dans l’échec. Bref, nous sentons à��������������������� notre tour��������� la pression d’élargir, de croître et de nous développer. L’économie s’est indubitablement avérée un instrument très puissant de maximisation, mais ce ne sont pas tous les aspects de la vie qui ont besoin d’être maximisés. La plupart requièrent un autre instrument, proportionné au défi à relever, qu’il soit politique, éthique, social ou affectif. Notre tout petit espoir consiste à inverser le paradigme actuel : mettre l’économie au service de la vie et non le contraire. Plutôt que d’être pensée comme un ensemble de lois régissant les échanges humains, l’économie devrait être conçue comme une forme de rationalité qui donne aux actions humaines une structure de vie particulière. Pour déterminer comment de nouvelles formes d’économie peuvent appartenir à la vie, nous devons d’abord résoudre une question cruciale. Quel mode de vie souhaitons-nous ? Si nous en avons assez de nous lever tôt et de nous coucher tard, cessons donc d’être de bons consommateurs et de bons travailleurs. Soyons inutiles, paresseux, comblés et profonds. La vie ne se mesure pas en centièmes de milligramme. Pour faire de l’économie un champ d’action humaine, il faudra la re-politiser. Comment se fait-il que la valeur économique soit devenue sacrée? Nous devons faire descendre le marché de son piédestal. Nous devons profaner l’économie. Nous devons retourner à un usage commun ce que le marché a consacré. 74 75 Quelles opérations collectives nous y mèneront ? Quels parcours individuels pouvons-nous tracer sur cette paille grise qui nous a été léguée? Plutôt que d’aller plus loin, nous devons changer de direction. Nous écarter de la production, de l’investissement et de la détermination des coûts. Et si profaner l’économie s’avérait trop difficile, ou que nous nous inquiétons que cela est mauvais pour l’économie, nous pouvons toujours opter pour notre dernier plus grand espoir. Traduit de l’anglais par Colette Tougas. 76 Commissaires et auteurs L’artiste et auteure Amanda Beech vit et travaille à Los Angeles où elle est doyenne au Département des études critiques du California Institute of the Arts (CalArts). Ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions individuelles et collectives, notamment à Xero, Kline & Coma à Londres (2014) ; dans le cadre de EVA International, la biennale d’art contemporain d’Irlande (2014) ; à Lanchester Gallery Projects à Coventry au Royaume-Uni (2013) ; à la Beaconsfield Gallery à Londres (2013) ; à Hå Gamle Prestegard, en Norvège (2013) ; au Center for Living Arts à Mobile (Alab.) aux États-Unis (2013) ; à Banner Repeater à Londres (2012) ; et à Spike Island à Bristol (2010). Elle a récemment publié Final Machine (Urbanomic, 2013) et des chapitres dans les ouvrages Realism, Materialism, Art (Sternberg Press, 2014), Speculative Aesthetics (Urbanomic, 2014) et The Flood of Rights (Merve, 2013). www.amandabeech.com Benjamin H. Bratton est un théoricien dont la réflexion englobe la philosophie, l’art et le design. Il enseigne à la University of California, à San Diego, où il est professeur associé d’art visuel, directeur du programme de MFA et directeur du Center for Design and Geopolitics. Il enseigne également à la European Graduate School, à Saas-Fee, en Suisse. Ses recherches se situent à la croisée de la pensée politique et sociale et des questions liées à l’informatique comme médium d’expression et son infrastructure, à l’architecture, à l’urbanisme et aux considérations politiques entourant les écologies et les biologies synthétiques. Son travail actuel porte sur la géopolitique de la nuagique, sur les systèmes hautement granulaires d’adressage universel et sur des modèles alternatifs de gouvernance écologique. Son ouvrage The Stack : On Software and Sovereignty paraîtra sous peu chez MIT Press. Érik Bordeleau est chercheur postdoctoral au Département de philosophie de l’Université libre de Bruxelles. Erin Manning est titulaire d’une chaire de recherche en philosophie et art relationnel de la Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia à Montréal. Brian Massumi est professeur titulaire au Département de communication de l’Université de Montréal. Toni Pape est chercheur postdoctoral affilié à The SenseLab, Université Concordia, Montréal. Ronald Rose-Antoinette est candidat au doctorat à l’U.F.R. Art, Philosophie et Esthétique à l’Université Paris VIII. Adam Szymanski est candidat au doctorat en Film Studies à l’Université Concordia, Montréal. Alanna Thain est professeure de Cultural Studies et de World Cinema au Department of English à l’Université McGill, Montréal. Gregory Burke est co-commissaire de BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward), et directeur général de la REMAI MODERN Art Gallery of Saskatchewan, à Saskatoon, depuis 2013. Conservateur chevronné, il a été directeur du Power Plant à Toronto de 2005 à 2011 et directeur de la galerie d’art Govett-Brewster en Nouvelle-Zélande de 1998 à 2005. Au cours des 26 dernières années, il a organisé plus de 90 expositions et publié plus de 100 articles. Il a organisé des projets de premier plan avec, entre autres, les artistes Rosemarie Trockel, Christopher Williams, Sam Durant, Pae White, Marcel Odenbach, Lee Bul, Fiona Banner, Rafael Lozano-Hemmer, Simon Starling, Francesco Vezzoli, Scott Lyall, Candice Breitz, Ian Wallace, Michael Snow, Lawrence Weiner, Andrea Bowers, Goldin+Senneby, Iñigo Manglano-Ovalle, Thomas Hirschhorn, Derek 78 Sullivan, Peter Campus et Sharon Lockhart. Il a aussi organisé les expositions collectives Feature: Art, Life and Cinema (2001), Extended Play: Art Remixing Music (2003), Bloom: Mutation, Toxicity and the Sublime (2004), Auto Emotion (2007) et Universal Code: Art and Cosmology in the Information Age (2009), désignée « l’exposition de l’année » de l’Association ontarienne des galeries d’art en 2009. Il était co-commissaire de l’exposition Len Lye – Motion Sketch présentée au Drawing Center à New York en avril 2014. Il a également organisé de grandes expositions d’art asiatique, dont Mediarena: Contemporary Art from Japan (2004) et Transindonesia (2005). Il a été conservateur du pavillon inaugural de la Nouvelle-Zélande à la Biennale de Venise en 2001 et commissaire du pavillon de la Nouvelle-Zélande à la Biennale de Venise en 2005. Il a collaboré à Art & Australia, Art + Text, Art Asia Pacific et Artforum. 1983), Video re/View: The (best) Source for Critical Writings on Canadian Artists’ Video (avec Lisa Steele, 1996) et Artists Talk 1969-1977, publié par The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, Halifax (2004). Elle a été recherchiste en chef et auteure principale pour Video Art in Canada, un site web bilingue lancé en février 2006 et développé l’année suivante dans le cadre du Musée virtuel du Canada, maintenant logé à Vtape. Conservatrice indépendante depuis le milieu des années 1970, Gale a organisé de nombreuses expositions, dont la première Biennale of the Moving Image (Madrid, 1990), Tout le temps/Every Time (La Biennale de Montréal, 2000) et Analogue: Pioneering Video from the UK, Canada and Poland 1968-88 (co-conservatrice, exposition itinérante de 2006 à 2008). Archival Dialogues: Reading the Black Star Collection, une exposition qu’elle signe avec la co-conservatrice Doina Popescu, inaugurait le Ryerson Image Centre à Toronto en septembre 2012. Membre depuis plusieurs années de l’Association internationale des critiques d’art et de The Writers’ Union of Canada, elle a reçu en 2000 le Toronto Arts Award for Visual Art et, en 2006, le prix du Gouverneur général en arts visuels et médiatiques. Peggy Gale, conservatrice indépendante et critique dont les articles sur l’art contemporain, en particulier les vidéos d’artistes, sont devenus des points de référence, est co-commissaire de BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward). Elle a étudié l’histoire de l’art à l’Université de Toronto et à l’Università degli Studi à Florence. Ses textes ont été largement publiés. Elle a notamment contribué aux anthologies Video By Artists (1976, 1986), Mirror Machine: Video and Identity (1995), et Lectures obliques (1999) et à plusieurs catalogues de musées. Videotexts, un recueil de ses essais autour des questions de narration dans les vidéos d’artistes, a été publié en 1995 par Wilfrid Laurier University Press et The Power Plant. Entre autres ouvrages, elle a édité Museums by Artists (avec AA Bronson, Œuvrant en collaboration depuis 2002, les artistes Richard Ibghy et Marilou Lemmens ont élaboré une pratique basée sur la recherche qui allie une approche minimaliste et un désir de rendre visibles les idées. Leurs travaux ont été présentés dans de nombreux événements et expositions sur la scène internationale, entre autres le 27e Images Festival, Toronto (2014) ; la Manif d’art 7 – Biennale de Québec (2014) ; La Filature, Scène nationale – Mulhouse, France (2013-2014) ; Henie Onstad Kunstsenter, Høvikodden, Norvège 79 d’évaluation des arts visuels du Conseil des arts de Montréal, sur les jurys des projets d’art public à la Ville de Montréal et du programme d’intégration d’art à l’architecture au ministère de la Culture et des Communications. Elle a été membre des conseils d’administration du Centre d’information Artexte de 1987 à 2008 et de la Fondation des Jardins de Métis/Festival international de jardins de 2007 à 2010. (2013) ; Centre for Contemporary Arts, Glasgow (2012) ; et la 10e Biennale de Sharjah, Émirats arabes unis (2011). Leurs œuvres ont fait l’objet d’expositions individuelles à Trinity Square Video (2014) et à la G Gallery à Toronto (2012), et à Monte Vista Projects, Los Angeles (2012). Ils vivent et travaillent à Montréal et à Durham-Sud (Québec). www.ibghylemmens.com Co-commissaire de BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward), Lesley Johnstone est conservatrice au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) depuis novembre 2007. Auparavant, elle a été directrice artistique du Festival international de jardins aux Jardins de Métis de 2003 à 2007, chef des publications au Centre canadien d’architecture de 1998 à 2003 et longtemps associée au Centre d’information Artexte à Montréal. Johnstone s’intéresse aux artistes dont la démarche est empreinte d’un esprit de recherche et d’approfondissement, qui inscrivent leurs œuvres dans un contexte historique et qui en tirent une réflexion sensible sur la société. Au musée, elle a été notamment co-commissaire de La Triennale québécoise 2011, ainsi que commissaire d’expositions individuelles des artistes Eve Sussman (2013), Tino Sehgal (2013), Valérie Blass (2012), Luanne Martineau (2010), Francine Savard (2009) et Lynne Marsh (2008). L’exposition collective Les Lendemains d’hier (2010), regroupant artistes québécois, canadiens et internationaux, témoigne de son intérêt pour des approches conceptuelles et interdisciplinaires. Elle a également œuvré comme commissaire indépendante, contribué à plusieurs catalogues d’expositions et dirigé de nombreuses publications sur l’art contemporain canadien, dont Formes hybrides. Redessiner le jardin contemporain; Réfractions : Trajets de l’art contemporain au Canada ; et Studiolo : The Collaborative Work of Martha Fleming and Lyne Lapointe. Membre du jury du Prix Sobey 2010, Lesley Johnstone a siègé sur le comité Né à Montréal en 1974, Mark Lanctôt détient une maîtrise en histoire de l’art de l’Université de Montréal (2002). Il est co-commissaire de BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward) et conservateur au Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) depuis octobre 2006. Avant de se joindre au MAC, il a été commissaire indépendant et directeur de l’Association des galeries d’art contemporain (Montréal). Ses textes sont parus dans Canadian Art et esse art + opinions, entre autres magazines. Au MAC, il a coordonné la présentation de l’exposition de l’artiste israélien Guy Ben Ner (2007), de Arnaud Maggs : Nomenclature (2008) et de Beat Nation : Art, Hip Hop et culture autochtone (2013). Il a été commissaire des expositions individuelles consacrées à Yannick Pouliot (2008), Tacita Dean (2009), Marcel Dzama (2010), Runa Islam (2010), Daniel Young & Christian Giroux (2011), Pierre Dorion (2012) et Michel de Broin (2013) ; et co-commissaire des deux premières éditions de La Triennale québécoise (2008 et 2011) et de la rétrospective Claude Tousignant (2009). Il a également signé une exposition d’œuvres de la Collection, soit …autres espaces (2009). il a fondé [NAME] Publications. En 2012, l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Étienne, en France, a publié Notes sur la maison moirée (ou un urbanisme pour des villes qui se vident), un recueil d’essais qu’il a écrit en collaboration avec Ernesto Oroza. Gean Moreno est chargé de la direction artistique de Cannonball, une résidence d’artistes / école alternative, à Miami. L’auteur américain Mark von Schlegell a contribué à Spark! de Komar & Melamid en 1991. Depuis, ses textes de science-fiction et de critique culturelle sont fréquemment publiés dans des revues, des zines et des chapbooks. Il a aussi contribué à plusieurs expositions, films et catalogues. Il est l’auteur des romans de science-fiction Venusia (2005) et Mercury Station (2009) publiés chez Semiotext(e), du roman-catalogue d’exposition New Dystopia (Sternberg, 2011) ainsi que de deux volumes de théorie littéraire, Realometer (2009) et Dreaming the Mainstream (2013), publiés chez Merve Verlag. Il dirige le séminaire « Pure Fiction » à la Städelschule de Francfort depuis 2012. Son dernier roman, Sundogz, sera publié chez Semiotext(e) en 2015. Gean Moreno est artiste et écrivain. Il habite à Miami. Ses œuvres ont été exposées au North Miami Museum of Contemporary Art, North Miami ; Kunsthaus Palais Thurn & Taxis, Bregenz, Autriche ; Institute of Visual Arts, Milwaukee ; Haifa Museum, Israel ; Arndt & Partner, Zurich ; Invisible-Exports, New York ; et Manif d’art 5, Québec. Ses écrits sont parus dans plusieurs revues et catalogues d’exposition. En 2008, 80 81 Étienne Tremblay-Tardif Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot Jillian Mayer 400 Nudes 82 83 Amanda Beech Final Machine Klara Hobza Diving Through Europe 84 85 Basim Magdy The Dent haut, de gauche à droite / top, left to right: Ryan Gander Tomorrow’s Achievements 86 Basim Magdy vue de l’installation, 11 dessins / installation view, 11 drawings 87 bas / bottom: Basim Magdy Every Decade Memory Poses as a Container Heavier than Its Carrier avant / front: Ryan Gander Tomorrow’s Achievements arrière, de gauche à droite / back, left to right: John Massey Auto; Now; Grind; Futurissimus 88 John Massey Now 89 haut, de gauche à droite / top, left to right: Abbas Akhavan Fatigues Taysir Batniji Interface Nicolas Grenier Promised Land Template Richard Ibghy + Marilou Lemmens The Prophets Raymond Boisjoly (And) Other Echoes 90 bas / bottom: Nicolas Grenier Promised Land Template Nicolas Grenier Incoming Flux 91 Richard Ibghy + Marilou Lemmens The Prophets Ursula Biemann Deep Weather 92 93 Taysir Batniji Interface 94 95 Matthew Buckingham Self-Determination haut, de gauche à droite / top, left to right: Andrea Bowers Courtroom Drawings (Steubenville Rape Case, Text Messages Entered As Evidence, 2013) 96 Dominique Gonzalez-Foerster Return to Noreturn 2 97 bas / bottom: Dominique Gonzalez-Foerster Noreturn de gauche à droite / left to right: Arctic Perspective Initiative (Kallitaq) [Thunder/Lightning] Design Evaluation Structure; Circumpolar-Phoenix; 98 Place names (Nunavut); CDPDU – Common Data; Processing and Display Unit David Tomas This is Tomorrow 99 Susan Norrie Rules of Play Hito Steyerl Liquidity Inc. 100 101 Suzanne Treister HEXEN 2.0/Historical Diagrams/ From MKULTRA via the Counterculture to Technogaianism haut, de gauche à droite / top, left to right: Suzanne Treister HEXEN 2.0/TAROT; HEXEN 2.0/Historical Diagrams 102 bas, de gauche à droite / bottom, left to right: Suzanne Treister 2.0/Cybernetic Séance; HEXEN 2.0/TAROT 103 Simon Denny All You Need Is Data: The DLD 2012 Conference REDUX Rerun Skawennati Time Traveller™ 104 105 de gauche à droite / left to right: Jacqueline Hoang Nguyen 1967: A People Kind of Place; Aerial View of St. Paul (flown 01-09-67); Slide avant / front: Nicolas Baier Eternity 106 arrière / back: Abbas Akhavan Fatigues 107 de gauche à droite / left to right: Susan Turcot Hide and Seek Suzanne Treister HEXEN 2.0/TAROT 108 Susan Turcot Automobility Simone Jones + Lance Winn End of Empire 109 haut / top: Ann Lislegaard Dobaded bas, de gauche à droite / bottom, left to right: Ann Lislegaard Dobaded; Time Machine 110 Thomas Hirschhorn Touching Reality 111 haut, de gauche à droite / top, left to right: Isabelle Hayeur Bayou Terrebonne 01; Bayou Terrebonne 02 Suzanne Treister HEXEN 2.0/Historical Diagrams/From ARPANET to DARWARS via the Internet bas / bottom: Isabelle Hayeur Bayou Terrebonne 02 112 Isabelle Hayeur Aftermaths 113 Althea Thauberger ˇ ´ Preuzmimo Bencic Anton Vidokle + Pelin Tan 2084: a science fiction show 114 115 Oleg Tcherny La Linea Generale haut / top: Emmanuelle Léonard Postcard from Bexhill-on-Sea 116 bas / bottom: Emmanuelle Léonard La Providence 117 haut / top: Lisa Steele + Kim Tomczak ... before I wake bas / bottom: Abbas Akhavan Fatigues haut, de gauche à droite / top, left to right: Mikko Canini Untitled (Lecture); Untitled (Interview) 118 bas / bottom: Mikko Canini Untitled (Lecture) 119 haut, gauche et bas / top, left and bottom: Hajra Waheed KH-21 haut, droite / top, right: John Massey Grind 120 Charles Gaines Manifestos 1 121 Babak Golkar TIME TO LET GO... haut / top: Edgar Arceneaux A Nobel Prize and a Bible 122 bas / bottom: Dave Dyment A Drink To Us (When We’re Both Dead) 123 Goldin+Senneby « M&A » avec Jo Randerson (dramaturge / playwright), Paul Leong (banquier d’investissement / investment banker), Ybodon (informaticien / computer scientist), Anna Heymowska (scénographe / set designer), Johan Hjerpe (graphiste / graphic designer) et / and Gerard Harris / Patrice Martre (acteurs / actors) 124 125 Richard Ibghy + Marilou Lemmens The Golden USB 126 127 Li Ran Pretty Knowledge Li Ran Before Indulgence, After Freedom 128 129 Shirin Neshat Illusions & Mirrors Lynne Marsh Anna and the Tower 130 131 Kelly Richardson Orion Tide Kevin Schmidt A Sign in the Northwest Passage 132 133 Edgar Arceneaux A Time To Break Silence Adaptive Actions (AA) Heteropolis. Sous la surface / Below the Surface 134 135 Lawrence Weiner A NATURAL WATER COURSE DIVERTED REDUCED OR DISPLACED Lawrence Weiner THE ARCTIC CIRCLE SHATTERED 136 137 Lawrence Weiner AN ABRIDGEMENT OF AN ABUTMENT TO ON NEAR OR ABOUT THE ARCTIC CIRCLE Krzysztof Wodiczko Homeless Projection: Place des Arts 138 139 Isabelle Hayeur Murs aveugles 140 141 Arctic Perspective Initiative Circumpolar-Phoenix 142 143 Introduction Sylvie Fortin I’m glad you landed here. I hope you had a chance to experience L’avenir (looking forward), the 2014 edition of La Biennale de Montréal (BNLMTL 2014) curated by Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone and Mark Lanctôt. This publication extends their vital and thought-provoking project. This book is, temporally, the last of a series of print and online publications that constitutes BNLMTL 2014’s rich discursive universe. These include BNLMTL 2014’s website (www.bnlmtl2014.org) and social media and video channels, where you can watch many talks and panels. This publication also follows and supplements the Biennale guide, which provides short descriptions of each artist’s project(s), extended biographies and images. In fact, the guide and this reader were conceived as companion publications. Since BNLMTL 2014 premiered 22 new works, many completed just in time for the opening, a distributed publishing approach seemed to best reflect our commitment to excellence, experimentation, accessibility and knowledge-sharing. If you could not join us in Montréal, you can still get a sense of the experience – and of some of the theoretical and conceptual issues raised by the works – as you read the texts that follow and delve into the illustrations section. This publication presents a carefully crafted succession of texts, spanning genres from the curatorial essay and the artist’s text to short fiction, the interview and collective authorship. For maximum impact, I invite you to read them sequentially. Curatorial texts by Gregory Burke and Peggy Gale, who initially conceptualized L’avenir (looking forward), anchor the book. Their insightful analyses provide very different approaches to the theme and to the exhibition, demonstrating that vital projects necessarily produce diverse experiences and interpretations. Mark von Schlegell’s fiction follows, transporting us to a near future where gender, sex, land and belonging shuttle between different concepts of selfdetermination. From there, BNLMTL 2014 artist and theorist Amanda Beech’s provocative text precedes the equally probing call issued by Montréal scholars Erik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski and Alanna Thain in their collectively-authored essay. Both of these deft and sober critiques beg us, urgently, to revise the often-inane claims made for the present and for the agency of art. A fast-paced, farreaching discussion between artist/ curator Gean Moreno and cultural theorist Benjamin H. Bratton follows, dissecting Big Data into a series of layers to ultimately make a strong case for the revision of our vocabularies of design, politics, art and economics. Last but not least, Montréal artists Richard Ibghy and Marilou Lemmens launch economics into orbit. Their 144 exploration of resource, expenditure, debt and value traverses some of the territory covered by Mark von Schlegell’s and Moreno/Bratton’s texts. It also contextualizes their recent video installation The Golden USB, commissioned by La Biennale de Montréal for BNLMTL 2014 and presented in collaboration with VOX, Centre de l’image contemporaine. The illustrations section has also been carefully montaged. Spreading back and forth from the centrefold, it fulfills and exceeds the traditional documentary function of illustrations in an exhibition catalogue. More importantly, it borrows from the photo essay to approximate the intensity of the multi-venue exhibition. Starting in the rotunda of the Musée d’art contemporain de Montréal, BNLMTL 2014’s main venue and co-production partner, the illustrations follow the exhibition’s unfolding across galleries, translating the ways in which artworks inform and inflect each other, and inviting you to follow them on this journey. An endeavour of the magnitude of L’avenir (looking forward) requires the talents and contributions of many partners: passionate individuals, dedicated institutions and committed supporters. First of all, I’d like to thank the authors for responding to our invitation so fearlessly and enthusiastically and the artists for their willingness to share their work and ideas. Thanks also to BNLMTL 2014’s curators for their commitment to this project and the openness, patience and intelligence they have brought to its realisation. Thanks, finally, to our photographer Guy L’Heureux for his perceptive work and to the talented editors and translators who contributed to this publication. My gratitude also extends to the many international agencies that have made significant investments in La Biennale de Montréal: the Danish Arts Foundation for its support of Ann Lislegaard’s installation; Goethe-Institut Montréal, the Ministry of Foreign Affairs of Germany and the Consulate General of Germany in Montréal for their joint support of the presentation of projects by Hito Steyerl and Klara Hobza and for our programming collaboration around the Fountain House; the Swiss Arts Council Pro Helvetia for its contribution to the presentations of Ursula Biemann, Thomas Hirschhorn and Basim Magdy; Creative New Zealand, Arts Council of New Zealand Toi Aotearoa for its very generous assistance for Simon Denny’s installation; and the Australia Council for the Arts for its support of Susan Norrie’s work. Many institutions also contributed to BNLMTL 2014 by generously lending their works. I sincerely thank The Abraaj Group, Dubai, for the loan of Basim Magdy’s film The Dent; Art Gallery of Alberta, Edmonton, for the loan of Kevin Schmidt’s A Sign in the Northwest Passage; Hammer Museum, Los Angeles, for making available Charles Gaines’ Manifestos 1; Mendel Art Gallery, Saskatoon, for the loan of Raymond Boisjoly’s (And) Other Echoes; Pomona College Collection, Claremont, CA, for lending us Andrea Bowers’ drawing #justiceforjanedoe, Anonymous Women Protestors, Steubenville Rape Case, March 13 – 17, 2013; and the Vancouver Art Gallery for their collaboration, which allowed us to present a version of Babak Golkar’s TIME TO LET GO… so quickly after 145 the exhibition’s closing in Vancouver. Warm thanks to collectors Paul Baker, Michael Rothfeld and Erica Shuttleworth and Tytus Hardy who agreed to part with their drawings by Kevin Schmidt for the enjoyment of Biennale visitors. Finally, my infinite gratitude goes to our co-production partner, the Musée d’art contemporain de Montréal, and to its Director John Zeppetelli, its respected Curators Lesley Johnstone and Mark Lanctôt, its Board and its entire staff, for their generosity and dedication to our shared project, and for the talent, knowledge and passion they have contributed to our joint venture. Many other organisations, institutions and corporations rallied around La Biennale de Montréal to make BNLMTL 2014 a reality. Their support gave meaning to our endeavour. We thank our exhibition partners – the Darling Foundry, the Montréal Museum of Fine Arts, the Quartier des Spectacles Partnership, SBC Gallery of Contemporary Art, and VOX, centre de l’image contemporaine – as well as our exhibition collaborators, Arsenal Contemporary Art, Gare Centrale, Parisian Laundry, Place Ville Marie and the Quartier de l’Innovation. Our ambitious public programs also benefited from broadbased support and we gratefully acknowledge the collaboration of the Canadian Art Foundation, the Canadian Centre for Architecture, Concordia University, the McCord Museum and the Université du Québec à Montréal. Finally, we wish to extend special thanks to our Major Partner UBS and to all our generous donors and corporate sponsors who provided crucial support and are acknowledged at the end of this publication. La Biennale de Montréal’s Board of Directors and I are most grateful for their input and collaboration. As we reach the end of the BNLMTL 2014 journey, I’d like to thank you, our readers, for venturing into the outer orbit drawn up by this book. I hope you enjoy the voyage as much as we enjoyed its making. Curated by Gregory Burke, Peggy Gale, Lesley Johnstone and Mark Lanctôt, L’avenir (looking forward) was on view from October 22, 2014 through February 5, 2015. 146 147 Gregory Burke r i n e v ’L a (loo forw 148 149 oking owking a r d ward)) L’avenir (looking forward) examines the relationship of contemporary art practices to speculation, futurity and its history, as well as the currency of projecting into the future. The question of “what is to come” provides a framework for considering our present condition from diverse perspectives, including geopolitics, the environment, technology, science, society, culture, ideology, economics, ethics and metaphysics. It also offers an opportunity to interrogate the current agency of art, its transformational potential and its ability to influence the future. The project was conceived in 2011, three years into the largest upheaval of the global financial system since the 1930s, when the Eurozone crisis was threatening many countries with bankruptcy and when conservative, right-leaning governments were winning one election after another. In parallel, and also in response to these developments, the “Occupy” movement was taking root across the globe, focused on the massive growth in the wealth gap between the top 1% and the rest of the world’s population, who, the movement asserted, faced increasing levels of poverty and hardship. Ideological conflict and war continued in world hotspots while natural and weather-related disasters were at an all-time high, with many countries confronting events of record-breaking destructiveness. In this context, anticipation of what is to come was obviously tempered, and continues to be so. While the threat of global economic collapse has lessened, this has done little to avert a crisis-free vision of the future. The economic dictates that led to the crisis remain intact and conservative forces continue to deny the impact of industrialized society 151 on the environment, despite mounting scientific evidence of global warming and the associated rise in natural disasters. New global conflicts have emerged and the Occupy movement has dissipated, cementing, for many, the sense of the failure of the left and of the uncontested victory of the neoliberal global economic agenda. If a loss of futurity seems a defining characteristic of the current moment, there is also a sense that we have gone beyond a point of no return. As a result, anxiety and, at best, hope are replacing optimism and desire in discourses surrounding possible futures. Much recent critical enquiry has treated impending crisis by looking back and re-examining the course of modernity and its failures. Over the last fifteen years, contemporary art has reflected this concern by returning to many key moments of activism and utopianism that drove modernist aspirations. Five years ago, critic and curator Dieter Roelstraete synthesized the discourse around these artistic and curatorial practices, which focus on remembering and forgetfulness, nostalgia, the archive and re-enactment, as the “historiographic turn in art.” In response, Roelstraete proposed “recovering the future with a view to producing a theory of the present.”1 Since 2010, a growing number of artists and critics are indeed beginning to look forward again, excavating the future in order to address the challenges that currently face humanity. Many do so with trepidation, while questioning conditions and assumptions that militate against change, produce inertia and engender a sense of paralysis in front of the inevitability of a prescribed future. L’avenir (looking forward) brings together a broad range of these artistic positions. Some works address or project possible futures directly, while others do so implicitly or suggestively. Some approach the contingency of modernist histories by recasting and interpreting them within an expansive framework that in effect turns the lens back onto a world just ahead. The project is rooted in the locality of Montréal and draws inspiration from the city’s current and historical context. From this position, the 1960s is a reference point for a number of the participating artists, a time when Montréal was being imagined as a future-focused city, as suggested by the theme of its Expo ’67, Terre des Hommes/Man and His World. The title borrowed from the memoir of author and aviator Antoine de Saint-Exupéry, which outlined dreams and hopes for the future. Ideas of progress were epitomized at Expo by the United States pavilion: the Buckminster Fuller geodesic dome and its display of Apollo space capsules and technology that would take astronauts to the moon. In parallel with this future optimism were the activities of the Front de libération du Québec throughout the decade that led ultimately, in 1970, to tanks rolling into Montréal and a wave of relocation by Anglophile corporations. This local activism saw itself mirrored internationally from the Algerian War and the Paris uprisings of 1968 to the civil rights and Vietnam War protests in the United States. Local issues and internationalism – which is to say, the immediacy of the local struggle and the more abstract sense of participation in an international movement of liberation often inspired by Marxist theory – carried equal weight. The dichotomy here is that, despite social unrest, this was the most optimistic chapter in the twentieth 152 153 century for developed nations. Levels of prosperity were rising and the gap between rich and poor was at historically low levels. While Montréal was in effect a nexus for both North American and European activist discourses, it was also the centre of the struggle for Québec’s independence from Canada. A number of artists address this turbulent history and its contested implications for the future. In her work Space Fiction & the Archive (2012), Montréal-born Jacqueline Hoang Nguyen focuses on Canada’s Centennial and the 1967 immigration policy’s point-base system, which defined modern Canada and shifted the pattern of migration, clearly defining the parameters of welcome. Other artists, such as Adaptive Actions, Emmanuelle Léonard and Isabelle Hayeur, address the present directly by engaging with specific Montréal sites and communities as an integral aspect of their projects. The Situationists may have claimed that “the future will only contain what we put into it now,” but it is also inevitably inflected by the interaction of local, national and global forces. Consequently, from a focus on the local context of Montréal, the curatorial remit ripples out to consider global issues influencing possible futures and how they intersect with the local. In this respect an important anchor in the project is the Canadian Arctic, a region referenced by Matthew Buckingham, whose practice is often research based and aimed at disclosing motivations for past actions as a means to understand their ongoing impact and significance. He frequently focuses on a particular site to suggest a series of historical interconnections, which in turn allude to forces that continue to drive future outcomes. His work Northwest Passage (2002) outlines Henry Hudson’s pursuit of a faster route from Europe to Asia in the early 1600s and how his initial trade-focused journeys opened the way for the colonization of America. Importantly, he also outlines how corporate and government interests are colluding to buy land around the Northwest Passage as climate change transforms it into a potential sea lane and new technologies are developed for resource extraction. Ursula Biemann addresses the global consequences of climate change in Deep Weather (2013), a video that links resource extraction in Northern Canada to rising sea levels in Bangladesh. These works point to our contemporary dilemma: individual and community actions to limit carbon emissions are counteracted by multinational forces that lucratively speculate on the risks and rewards of global warming. The sense that we are in an epoch that has gone beyond a point of no return is compounded by concerns that our world has gone beyond a tipping point in global warming. However, underscoring such environmental degradation are issues of geopolitics and the ubiquity of an ever dominant market economy system that is based on speculation, social stratification, constant market growth and the consequent increased consumption of resources. Against this backdrop, some artists in the exhibition obliquely address the failures of modernism, with the 1960s being a common reference point, and consider the implications for the present of utopian models of society that were never realized. Other artists highlight emerging structural limitations inherent in the global condition that work against a democratically determined vision of the future. 154 155 In “M&A” with Jo Randerson (playwright), Paul Leong (investment banker), Ybodon (computer scientist), Anna Heymowska (set designer), Johan Hjerpe (graphic designer) and Gerard Harris / Patrice Martre (actors), (2013/2014),Goldin+Senneby link the speculative form of theatre to the world of global finance where trades, increasingly automated and instantaneous, are severed from production, locality, community and labour. Given that the continuance of the actor’s employment in “M&A” is completely dependent on the performance of an automated algorithmic program implementing a trading strategy, the work not only underscores the questionable ethics involved in the unreal world of virtual trading, it simultaneously implicates the art world within a global system. This issue is of concern to many artists given the recent mushrooming of the contemporary art market and its link to the growth of surplus wealth held in the hands of relatively few. In his 1967 book La Société du Spectacle, Guy Debord noted: “with the development of capitalism, irreversible time is ‘unified on a world scale’... unified irreversible time is the time of the world ‘market’ and, as a corollary, of the world spectacle.”2 Many artists in the Biennale resist the idea of a unified irreversible time. States of mutable temporality are evoked in the project title and the idea of “looking forward,” which involves an action that simultaneously engages both present and future. Even though the clock is ticking, time is everywhere and experienced differently in multiple ways. Consequently, the project oscillates temporally, with the early 1600s and revolutionary moments in the twentieth century being key touch points; from Buckingham’s Northwest Passage to Oleg Tcherny’s film La Linea Generale [The General Line] (2010), which cites Eisenstein’s film The General Line (1926) as well as an excerpt of Galileo’s 1632 Dialogue Concerning the Two Chief World Systems narrated by contemporary Italian philosopher Giorgio Agamben, and to Pelin Tan and Anton Vidokle’s 2084: a science fiction show (2012–2014), which projects theories circulating during the Russian revolution seventy years into the future. Significantly, a transfer from object stasis to temporality and a focus on intangibility and impermanence are strategies employed by many artists in the Biennale as means to manoeuvre within the strictures of the market, engage socially and reassert art’s catalytic potential. Increasingly, art practices are engaging the potential of recent social and technological developments, and the exhibition includes artists who investigate the impact of technology on social interaction and image making. The positive potential of these developments can be seen in the Biennale with works by artists such as Raymond Boisjoly and Skawennati that insert ethnic and sub-cultural voices into the domain of digital and virtual worlds, not least those of Canada’s First Nations; identities that were previously suppressed in the dominant discourses of modernity. Technology’s impact on the transformation of identity is addressed in the exhibition, in terms of both potential and threat, as is the obliteration of privacy in an increasingly surveilled world. This meta-world, which feeds into and is fed by web-based platforms and social media, is also examined in terms of issues such as the growing immaterialization of contemporary 156 157 society, the virtualization of labour and the hidden transactions that have increasingly become part of the global network economy. Historically, artists have postulated fictional futures, often to provide a lens through which to view the present, and many continue to do so. While some artists in the Biennale may infer a dystopian vision of what is to come, the approach of many is openended in drawing on a discourse of futurity to examine the condition of the present. Ultimately, our exhibition aims to look backward from possible futures to consider the present and to address the connectedness of the local to the global in that context. To look forward implies picturing a future moment, a process that examines the relationship of sight to consciousness and its role in both witnessing the present and imaging the future. However, L’avenir (looking forward) provides no easy answers to the question of “what is to come.” While some works can be more readily identified with hot issues, all are layered in their points of reference and each work connects with others in multiple ways. The exhibition ranges in terms of its philosophical touch points but strives for an ethics-based and practical philosophy that does not overwhelm individuality within collective action. 1 Dieter Roelstraete, “After the Historiographic Turn: Current Findings,” e-flux journal #6 (May 2009), e-flux.com/journal/after-the-historiographicturn-current-findings 2 Guy Debord, Society of the Spectacle, London: Rebel Press - Aim publications, 1987, paragraph 145. First published as La Société du Spectacle, Paris: Éditions Buchet-Chastel, 1967. 158 Peggy Gale We know that “The Future” is not what it used to be; today there is little of the post-WW2 optimism I grew up with, and reliance on comfortable capitalism and constant growth is unwise, even impossible. We don’t picture a future with personal jetpacks or aerial transit systems passing through clean and shining skyscrapers that make everyone happy. We discovered that The Future is equated with The End in many Western minds. s e y E e d i W For BNLMTL 2014 we sought future-oriented works, “looking forward” to new openings, evoking a moment or period of change. This exhibition includes work that is socially responsive, but also personally relevant for its maker and thus, for the viewer. Human experience is at issue, along with (and in light of) the facts of recent history. Now, more than ever, populations are on the move, leaving behind traditional homes and customs to seek improved opportunities – safety, freedom of thought and action, well-being through education and employment. There are now more than 50 million people defined as refugees in the world. And if you stay “at home” that very place will be changing too, responding to the growing diversity of populations, multiple languages and religions, new distractions, foods and music. For everyone, though more profoundly for younger generations, the world of information – image and opinion – is open and fluid, crossing national and cultural boundaries. Convictions and impressions are open to review. Curiosity can be satisfied or desire for change inflamed. Secrets are hardly safe with the Internet everywhere. Art is a form of knowledge production and sharing. Curators and museums deal in knowledge management. For L’avenir (looking forward) we have selected works that exemplify, expand, inspire and expound on current knowledge production. Turning away from the pleasures and challenges of memory and the role of the archive, we have sought out artists who postulate what-is-to-come. In most cases, these are not “predictions” nor do they propose clairvoyance. They offer experience. The future will be different. Or perhaps not. The “logical result” of today’s actions will be more of the same but probably more so, an extrapolation not necessarily logical at all. Environmental degradation and climate change seem evident to many and yet are denied by many as well. Governments act 161 for the short term, as do corporations. The election on a nearby horizon or the quarterly bottom line count for more than possible gold stars in The Big Book. Do we really think of our children’s children, or the seventh generation, these days? Not on the evidence of current headlines, where greed, brutality and coercion are common and familiar. But trends do not last indefinitely; a “correction” arrives, like a change in the weather or a seasonal shift. New paths open. Energy, ambition, desire, optimism and anger are all combustible fuels. Rather than attempting to change the world, one might reflect on it, consider its qualities and possibilities. One might think of deflecting current events or recent reality. Considering, reviewing, discussing and imagining may also be active agents leading to insight and growth. If there is a point of no return, then reasonably one passes it by, in seeking or approaching a more distant future that is itself always already moving forward. Will o’ the wisp, ignis fatuus : elusive, deceptive, misleading. But continuing. For an aging population witnessing widespread, escalating wars as well as the ongoing proliferation of cancer and AIDS, death can be both personal and imminent, or more distant and larger in scale. Lisa Steele and Kim Tomczak recognize time’s passing and the inevitability of loss; bodies age, then fail, yet this is no “end” after all. Looking forward may contain grief and desperate tears, but what of constancy, carrying on? What of hope? In a period of national and international unease and financial instability, looking forward is inevitably weighted with uncertainty. Hajra Waheed thinks of “things that fall from the sky” – be they bombs, drones or more numerous traditional projectiles. Tranquility is elusive and families are in danger. Though born in Calgary, she spent her early years with her family in the gated community of Saudi ARAMCO and its oilfields, where civilian use of cameras was deemed “dangerous.” Secrecy and isolation made an early and ongoing impression, leading to her fascination with the tools of warfare and surveillance. Anyone could be marked for suspicion and scrutiny. How natural that Waheed would quietly mark her anxieties in small drawings of historic mosques, and in renderings of telltale aircraft identifications. She has written how earlier bodies of work “point to my interest in the codes and operations of security, surveillance, profiling and wartime dehumanization.”1 The unexpected gift of a cache of old black-and-white photographs offered documentation of family history, now used to construct landscapes with unspoken narratives where the fragments reframe stories neither true nor fictive. With the outdated clothing and “foreign” scenery, these new composites – photo-collages, drawings, scrapbooks – become her images speaking to a new, post-colonial reality. 162 As Taysir Batniji reminds us, “No condition is permanent.” Having left Gaza in 2006 and able to return only years later, he understands the fragility of self-determination, of personal and national (cultural) safety. His materials are often ephemeral and emblematic. The dictum, familiar to Palestinians – both warning and comfort – was his earlier, alternate proposal for BNLMTL 2014: “No condition is permanent” to be engraved in Arabic on bars of soap and freely taken away. By adding water and “elbow grease,” simple bars of soap can be impressive agents of change. Water itself has provided Batniji a further focus. For his performance Like Water (2008), Batniji wrote the 109 words designated for water in Arabic2 on the floor as part of “Water: Misery and Delight” at the IFA Gallery in Stuttgart. We see the words disappear into the air as we read: evanescent, essential, another in-between place with unknown status and uncertain future. Water is a leitmotif throughout this exhibition. In 2007, Batniji used another familiar saying for an exhibition in Geneva. For L’homme ne vit pas seulement de pain, Article 13 from the Universal Declaration of Human Rights was moulded (in French) in Swiss chocolate, “Everyone has the right to freedom of movement and residence within the borders of each state. Everyone has the right to leave any country, including his own, and to return to his country.” Visitors ate the letters as they wished. Though the past may hold bitter memory, human rights as eventual certainties are to be savoured and consumed. Skawennati portrays an altogether different future, where Native peoples find success and long-awaited happiness as already depicted online in Second Life. Video games are “edutainment” instead of time-fillers; through the TimeTravellerTM system her characters visit ugly events from history then move to a delightful future. An intergalactic powwow takes place in 2112 at the Olympic Stadium in Winnipeg, where in one scene Jingle Dancers vie for fabulous prizes. The central character Hunter excels at traditional marksmanship and tests of strength, but finds happiness and vast wealth through his own energy, curiosity and planning. This is Happily Ever After, a fairy tale for avatars, but also a prescription for possible futurity – through imagination and research – that escapes a dismaying and lacklustre present with daunting systemic problems in favour of self-determination, honour and fulfilment. History is often unkind. We are all too aware of the daily news – the prevalence of flight from personal threat, sexual or religious or racial discrimination, wars and desperate upheaval. At the same time, the art world itself has expanded vastly. International biennales and art fairs have proliferated exponentially while their contents and concerns reflect shifting wealth and opportunity, an environment of spectacle and speculation. 163 Temporality is evidently central to our project, thus performative and time-based works including film and video proliferate here, evidence of flux and movement through time and matter. would be launched inadvertently for Mutually Assured Destruction. In computing terms that millennial year is already ancient history, and for a new and re-launched Biennale, L’avenir (looking forward) seemed an inspired exhibition title. One may conceive a plan and then follow it through with action. In her long-term proposal Diving Through Europe (2010-c.2040), Klara Hobza takes on personal danger and enormous physical and computational effort to dive through waterways from the Rhine at the North Sea, via the Main and Danube Rivers, all the way to the Black Sea. There are tankers and container ships to avoid, the sludge of pollutants in currents and canals, novel administrative details to accommodate, and all the yet-unknowns. Hobza’s thirty-year diving project is strangely optimistic, welcoming chance and applying experience to confirm an assumption of the possible. With its main site as the Musée d’art contemporain de Montréal and its numerous off-site projects, BNLMTL 2014 has broadened significantly in scale and geographical scope. Within Canada, national origin and traditional language groups no longer reflect a simple Two Solitudes. In Toronto, for example, after English, the most common language is Chinese, a combination of Mandarin and Cantonese reflecting different waves of immigration to the city. Internationally, artists continue to migrate to major cultural centres, but now decisions for relocation may come from political necessity rather than simply cheaper rent, congenial conversation or access to galleries and museums. Further afield this microcosm plays out as well, with the art world showing similar growth, diversification and proliferation. The current number and location of biennales and art fairs offer immediate testimony that Asia and Africa are active producers and consumers, and that artists everywhere are on the move. Political strife and repression, along with ecological disaster, have relocated artists as well as other workers to new centres, and changed the palette of references suitable to art making. L’avenir (looking forward) reflects this reality to the extent possible in a single exhibition with the usual constraints of time and resources. On another continent, Li Ran creates a future in words, where Before Indulgence, After Freedom (2013) conjectures circumstances for the creation of art itself. In his quarter-hour video, a group of young men talk money and politics, deduction and desire, as they seek to define and enter into a better reality. The conversation is rambling and fragmented, provocative and introspective, an evocation of concerns for young intellectuals in Beijing today. • Looking forward is, finally, a comment on here and now. Rather than asking “Where have we come from?” BNLMTL 2014 redirects the gaze. Thoughtful and human works ply a concern for history in micro and macro terms, and its broadest effects on individuals and society. Intelligent and precise, these works are made by individuals or collaborations with a message to impart. One can hardly be utterly open when originating an exhibition – asking simply “what is interesting now?” – since a personal history of information and opinion is always there first. Yet starting with a fully developed theme or thesis has its own drawbacks, limiting the curator and restricting the artists in an exhibition that merely illustrates the curator’s first idea. Response to new directions and opportunities is always desirable. L’avenir (looking forward) straddles both approaches. In 2000, I was curator for La Biennale de Montréal in its earlier incarnation – and facing the millennium I chose Time as my theme. There had been lively anxiety about Y2K as the End of Time in the year preceding the exhibition that opened in September 2000, but it was surely unlike the first millennial rollover of 1000 AD when the literal end of the world was widely feared by European Christians in a Second Coming of Christ. With Y2K the anxiety was more pragmatic, based on the potential for worldwide crashing of computers unprepared for a change of four-figure numbers in their digital calendars. Machines had been programmed without anticipating the astronomical scale of information that had proliferated everywhere for necessities of record-keeping, banking and the market, communication, travel and virtually everything else. With old codes still in place, perhaps intercontinental missiles 164 1 Hajra Waheed, from an unpublished artist statement. 2 As established by distinguished Palestinian poet Mahmoud Darwish (1941−2008), referred to as “Memory for Oblivion” by Taysir Batniji. See Mahmoud Darwish, Memory for Forgetfulness: August, Beirut, 1982, Berkeley, Calif.: University of California Press, 1995. http://ark.cdlib.org/ ark:/13030/ft1z09n7g7/ 165 Mark von Schlegell AF ree Mir and a Waiting in line for Arrivals & Decontamination, Maudeleine de Lions almost lip-synched as she listened to Mrs. Z. She knew all those words by heart. They brought back old feelings. Imagine a dark sphere that is all the time and space in the universe. Second time is the entire surface of this anti-sphere reflected backwards. Part of us, the unconscious part, can glimpse the forms and ideas reflected on the hollow shell we imagine as the edge of our universe. And it’s true. Here an Artificial Intelligence can perceive any stream, and any stream within a stream, but only after the fact. A machine cannot read the future. Only human writing observes what the future may be, just as in politics only direct human action proves an idea... She was under a secret contract with Mulligatawny City’s new tablet organ, Mulligatawny Blues, investigating rumours of Marena Zitzko’s possible presence on Miranda, and, look at her, now she was on Miranda itself. Maudie knew this much: Marena Zitzko would not be on Miranda. If by some slim possibility Mrs. Z had not died or re-generated, if she had survived the ten plus years of her disappearance, she would certainly not hide out in such a small, vulnerable community of radical feminist Spacers as Miranda. Miranda was directly corded to the Global Authority’s Uranus Station, equipped with a troop of G.A. Marines. What free Spacer would suffer the hard work of sheltering her now? When one of the isolatos who destroyed Earth Station, and the C. Clarke Elevator with it, named Zitzko as a conscious enabler of that destruction, and for the most scandalous of personal (heterosexual) reasons, her reputation among feminauts was destroyed. Most agreed that Zitzko was actually apprehended at Second Mars Station in ’34, turned in by her own disillusioned comrades who since made sure nonetheless to erase their names from history. Spacer culture very much thrived on rumour; there were always stories crossing back and forth across the System as to Zitzko’s survival. Nothing real had ever come of any one of them. 167 This was a quixotic assignment at best. But Maudie had to admit, even stuck in an Arrivals queue on Uranus Station, this job had brought things alive again for her. She felt like a Spacer again. The single legitimate route onto Moon Miranda was mirrored, windowless, rectangular, and of the most rugged utilitarian aesthetics. It looked and smelled very much like it could soon be converted into a grain hauler; but the avocado trees and the tiny, absurd gravity – exactly enough to keep up up and down down, and not a measurement more – already gave everything a magical, fairy-like quality. She went helmet-less, remembering almost nothing from her first visit here over ten years ago, when such security would not have been in force. In the two-way mirror above the guard station, she stood out against the motley Spacers from the sleeper-stacks as one of the oldest, but only on second glance. Only if you saw that time-ravaged face up close would you get a sense of the real challenge Maudie posed to your authority. Maudie’s short-short bangs were cut young and simple, dyed a popping aqua-blue. Let the G.A. authorities have time to prepare; a 1-Gen feminaut was arriving. She’d chosen a black one-piece over her gold privosuit, and big spaceboots that were sure to keep her pinned from leaping unexpectedly about. She wore her shadescreens. She was coming here undercover, as a potential colonist. She believed she looked as if she could work, contribute. Which she could. Maudie was still robust after the year on Europa among the Leakfixers, as a resident storyteller. That experience had helped her through the various Spacer caricatures to which she’d almost succumbed: the Luna City Lifer, the Moonmaid, the Wife-who-once-was. Maudie had survived this far alone in the System of Sol. She wasn’t afraid to show it. The early days of Space were easy for no one. In the late 2120s life, for whatever reason, Maudie had embraced the Spacer’s Sixth: The Right of Re-Generation. She entered a Spacer-run experimental re-gen unit, The Orangerie, at a now-unknown date. Keeping only a character she had played in a darkside weirld, the Lyonesse, Maudie emerged in 2133 with a new body, name and past, which her previous, now-forgotten self had apparently worked hard to create for her. Née Maude-Lynne MacScallion, she found herself the foster-daughter of darkside Chinese miners whose lives of industrial drudgery were only relieved by a love of the culture of Scotland. Her parents were poor and unsophisticated, no doubt about it. She hadn’t spoken to them in years. But they seemed to have cherished and respected her. Healthy Space babies in those days (half a century ago) got a free ride to Earth, so their bones could grow properly. Maude-Lynne was sent down the Elevator, and flown to New Zed, where something resembling Scottish culture may have survived. Indeed a happy enough childhood was spent in that surviving outpost of pre-Collapse Western culture. Maudie still kept something of Sister Agnes, her tutor and best friend of those days, in the locket around her neck. 168 Maudie rode the Elevator up again in ’32 with a local freelance executive she’d married just for that ride. She divorced him on Luna Station, keeping his name, de Lions, and the seven crates of her own books and belongings she’d forced him to bring up with his things. Now and forever a free Spacer, she treated de Lions rather cruelly. He was Concern bound. She never looked back. “Leave the maps to those who would carve up the universe,” said Mrs. Z in the Danish Domes. “Let them sell their maps away. We no longer describe their illusions; we build any route we make. We stand in a world so fragile that every minute – this minute – might be our last. We make our days. We invent our indistinguishable now from the survival of our friends and fellow creatures on whom we depend for every single thing that can ever be. There is not one among us today who is not here because others were willing to give their lives for us first. In Space lives change, selves re-define to survive. Space demands change. We shall scrawl upon the face of second time our own initials, tell History to its face WE ARE HERE.” Today, in 2145, researching Zitzko and those first days of Spacer Consciousness made the Outer System seem small, barely alive. Yet here on Moon Miranda Maudie certainly, even surprisingly, recognized the living revolution, the re-generating promise of Space. Among the officials visible at Arrivals & Decontamination were white-suited Miranda Regulars, green sundogz imaged on their breasts, armed municipal officers of Verona Polis. The bubble-helmeted G.A. Marines also present were in a state of tension. Two were arguing with Regulars now and holding up progress in the line. Maudie did not wonder, as she turned the volume up, that those young Regulars would be ready to die for the cause. Despite the counter-revolution of aging, wherein Maudie had long learned to preserve herself at the easiest, most sensible cost, Zitzko’s Space was a dream a rich part of her still believed in. Out here it was old news. The white-suited Miranda Regulars were already a professionalized, post-revolutionary organization. Women and men with jobs, roles to play in their community, they were very much the G.A.’s equals, she saw, clearly feeling themselves entitled to their authority. There was a desire that many of us who came to Space shared but rarely spoke about. What was the nature of this desire? Certainly we never defined it. It was not merely to escape. For we had escaped, and the desire remained. And as we lived, as we forced life out of the rocks and rays available to the bold, a hard-won code emerged by which we could begin to make rational the limits of that desire. We are ready to inscribe our own code onto the mechanism of History. We 3,000 united list these rights, these Spacer’s Seven: 01 The Right to Reason Sentimentalists? Romantics? Neither. We live our lives only according to principles of practical sense. In pursuit of this “Right to Reason” we reject all judicial authority but our own and that of our neighbours – pending Bender’s Test of the True Stranger. There was laughter here from the mob, and it 169 always pleased Maudie to hear it, the true fusion of Spacer consciousness Zitzko represented at that time. Earth herself hung brave in the sky behind her. Under that spectacular Dome the boiling diaspora was one single starchild in the Engineering Union Representative’s hands. 02 The Right to Roost The Right to Roast we call it [much laughter]. We reject the right of the Global Authority to pluck us out of any hole we have worked to occupy. Why are the Mars Flats not yet settled as their planners intended? Because we have not built them! [Cheers here, rousing cheers.] 03 The Right to Roam As no Spacer is bound to leave, no Spacer is bound to stay. Our colonies, our bodies and our minds travel unfettered. We Spacers shall grapple with what, whom, where and when we please, in our efforts to get where we choose... The Right to Roam was one of the most contested of the Seven, for it suggested a world where no colony would be free from re-colonization. Zitzko went to great lengths to defend the general here. We claim rights of admittance to any visitable world where work for us is wanted or we can make our own work pay. As Zitzko had predicted, after a first and necessary boom, few Spacers claimed the Spacer’s Third. But it was in that fine spirit that she herself expected to be granted visiting asylum in Verona Polis. In those crowding about her in the Arrivals tube, Maudie knew, were all sorts of Spacers on the run. As Maudie’s own history could testify, the post-economy of System Space opened up many of the advantages previously only granted to the Earthside elite and to the casual Spacer. Extended life, radical bio- and/or psycho-engineering with zero limits on copyright came in simple exchange for honest service. Even relative privacy, as long as one did not directly threaten the local status quo, was now a reality. Most successful Outer System habitats depended on local invention and advanced research along singularly specific and accidental lines peculiar to their local environment. On moons like Miranda, the big problems – dust, energy, atmosphere, radiation – had been overcome by a multitude of ingenious new local inventions, many of which were only partially understood by those off-world. Rare metals usually settled as the currency, with stocks divided and maintained by mining guilds, supporting the kredit system at large with direct hard value. G.A. oversight, under such conditions, proved an impediment to smooth survival. As Earth continued to deteriorate and the G.A. lost its inner coherence, its Spacer-made 1-Gen architecture (most of it built by the 3,000 themselves) still functioned. The mirror-buoys, beam satellites and A.I.’s still supported convenient inter-System travel and settlements as far out as Neptune. The latest generation of A.I.’s, the so-called “Extroardinaires,” had emerged out 170 of orbital gaming weirlds, and apparently showed clear sympathy for radical Spacer politics. Most of the System believed it was sexual insecurity that brought down Marena Zitzko. As a sex writer herself (Maudie often did it for a living), she could recognize when a story wasn’t somehow real. Doubtless it was because of her writing (Adventures of Lyonesse) that Mr. Egge of Mulligatawny Blues sought out Maudeleine de Lions to begin with. He probably believed she had sex contacts on Miranda. Unfortunately Maudie was among that minority who deemed it likely the entire scandal was a necessary, convenient fiction – concocted by one of various possible parties. There had of course already been rumours about the amorous activities of Marena Zitzko before the 2130s. But Maudie had studied Marena Zitzko more than most over the years. She had the distinct impression Mrs. Z was a mainstream sort of woman. Smoldering, some said, very good looking in a Russian sort of way, but essentially vanilla. It was odd how readily everyone believed her capable of the things ascribed to her later. There was a perverted quality to Zitzko’s prose, certainly. That’s why people believed the story. Often, at its most metaphoric, it displayed an anal intensity. We awaken to find ourselves crushed in mud. Beneath an enormous slab. Pinned by slab. In mud. Aware of slab. In mud, we are told of the skies beyond slab, of the open space and endless meadows and the true bounty everywhere surrounding slab. In mud. Earthside they struggle everyday. In mud. Expending more energy than is theirs to spend, they lift slab a nudge: a few of us escape. Slab falls and flattens them deeper in mud. But not you, Spacer. Slab was always your only inheritance. That same enormous mass of history holding all of us fixed, flattened to its immediate imprint? In space it weighs nothing. Mud? You breathe mud: literally if you must. Forced to only reason you have long become worm. Accepting only fate, you burrowed down even deeper in the mudpacked slime. With the mud so compacted by the slab’s great weight, it’s hard work. Hard and dirty work. In the meantime, since others are about, you establish a hive. Look here; others are helping you dig your hole. How narrow, filthy and deep will it go? How wide, immaculate and close upon you is slab? Space is slab, Spacer. We very much recommend you start digging. Maudie, who had experienced things like those outlined in the scandal in her day, was not convinced. In fact it had always made sense to Maudie that Zitzko would have created these rumours herself, that she herself forced the mayhem of that scandal. How else really to force the break? What better way to abdicate and disappear than cloaked in shame? She planned in fact to make this idea the centre of the piece she wrote on Miranda. She hadn’t told Mr. Egge. Editors didn’t like to know one’s mind was already made up. When it was finally Maudeleine de Lions’ turn to pass through Arrivals & Decontamination, two hunky male G.A. Marines and an official 171 from Verona Polis, a male, a pimply youth all of seventeen, long-boned and limber, checked her tags. “You’re welcome to a Free Miranda,” said the boy. “But there’s been a change with your destination.” Maudie stood firm. “Is there a problem?” “You’re admitted, sure enough. Seems like your accommodation is no longer available, is all. There’s a party waiting for you outside. If you’ll just pass through.” “I’m Maudie,” she answered, trusting a new friend immediately, as you learned to do in Space. Maudie knew it was foolish, even something to be embarrassed by, but somehow as a first meeting of System U, she found the sudden coming of Morrigan into her life, now leading her as if she was a person of importance to a track-tube actually powered by those walking along it, presently to the Arrivals module, and there around and past the front of the line (it only took a nod from her), especially moving. “A Free Miranda” is an excerpt from Sundogz, forthcoming from Semiotext(e), 2015 Maudie’s heart sank. “My luggage contains items of great personal value .” “I said you’re through.” The Miranda Regular had moved on. Maudie stepped through the cleanser. For a moment she had the feeling of being outdoors, New Zed – had she remembered that? – with the grand trees and the happy scudding clouds, and the river down below curling like a snake of gold. But it was down a ramp of melted moonrock she stepped. No shellac or coating came between Maudie’s boots and Miranda’s ancient surface. The tube-glass was so clear that for a moment it seemed she was out of doors on the surface of a white crested, rocky ball, gleaming with signs of habitation and warmth. The open cranny was domed with a wide generosity. Half-blue Uranus occupied a great swath of the black, spangled Milky Way above, but next to Jupiter from where she’d come, it seemed gentle and feminine. This dome hubbed a number of track-tubes, curving into the rock-ice surface in seemingly haphazard directions. There was a café, veritable trees, pools in some parts. Greenery was all about, roses predominating. The air was moist, rich, cool and clean. There were bees! The whole space smelled like flowers, like life. Maudie smiled at strangers, giddy with the fairy feel of the gravity in her toes. She believed she remembered this spot from her last visit. But it seemed larger now, more bustling with life. “Maudeleine?” She had noticed the Regular from afar, but thought her a man. Utilitybelted, vaping casually, hands in pockets of her scruffy white suit, eye more carefully on the passing scene than might at first appear, she had the casual confidence of a long-time lawperson. She recognized Maudie, however, and now approached with a big grin. Perhaps a fan; who knew? Something familiarly out of the ordinary caught Maudie’s eye, in that quick and darkly humorous glance. This was a classic working Spacer. Helmet hanging lazily askew, hair a buzzcropped grey, stocky and strong, she focused on Maudie with apparently genuine good will. Though in Parson’s Crater or places like that you wouldn’t think twice about the sight of such a lesbian, here you did. Twice positively. “Sorry for the bother,” the Regular said. “There’s been a change in accommodations. We’ll get your luggage and I’ll take you to your place. I’m Morrigan.” 172 173 Érik Bordeleau, Erin Manning, Brian Massumi, Toni Pape, Ronald Rose-Antoinette, Adam Szymanski, Alanna Thain g n i l e t e r F A t y n e rar ion s e o st r p P e u m e Th onte he Q C dt e an Tim of Wait. What are you feeling right now? Right now is a feeling of presentness more than it is the present as such, which has already passed. Think of the present not as a discrete instant following so many others on a straight timeline but as an affective overlay, a feeling of sheets of time in continuous co-composition. What we call the present is a remix of countless temporalities: the immediate past as the swing of the present, distant memories that return to colour the mix, the circadian rhythm that courses through you as an embodied expression of the earth’s rotation, including working hours as the call for efficient action, dreaming as a thickening of the atmospheric real, history as an authority looming in the background, expectation as time traced ahead ... Think of the contemporary as the commingling of all these temporalities: the con-temporary as the textured “withness” of times. Feel the textures inherent to this conjuncture of experience. Feel how immanent a future is in this moment, feel how far, how close, how else it is to your self, how topologically intimate it is to itself. Now, imagine the future as anything that could come out of the mix, as the potential of all that vibrates and comes together in withness. What could come is always still in the mix. This potential – futurity – can only be felt. In the present. To be in the mix is to feel worlds spark from the glancing touch of one temporality on another. And since what might come potentially concerns one and all, enveloped in the perception is the feeling of a collectivity to come. A contemporariness is always a collective experimentation in the event of time (not outside it, looking in). An invitation to a speculative pragmatism: the production of a pragmatism that perceives in this present a promise of a future to come, an à-venir. This à-venir exists not in the name of the common, as though the collective were already composed. It is an à-venir immanent to the composition of a presentness still to be defined, a becoming-other in time, together. What are the conditions for such an opening onto experience, in the event? Is not contemporary art – the art of the con-temporary – a machine for the fabrication of such conditions? Wait. What are you feeling right now? Between that now and this now? What is the mode, the texture of existence of what lurks in between? There is no way that a work of art, that the art of existence could be on time. Too late for that, too soon for this, a work of art has something of the inactual: you can only feel whether it is successful in its effects. Then, what makes an art artful is not that it was useful. An art at no service, following no purposes, not even your own: an art that isn’t on time, nor out of it, but in time. In the feeling. 175 We no longer ask “What does it mean?” but “What does it do?” What else can happen? “What does it do?” is not a question of function. It is a question of machining the à-venir of potential. At its best, art activates an opening toward an inactuality – an untimeliness – that emphasizes the withness of the temporary, the time of the not-yet. This not-yet, active in the working of the work, exists affectively: in the can-only-be-felt of experience. When it works, it is through its capacity to simultaneously fold in on art’s con-temporaneity and fold out toward the futurity that is art’s potential, redoubled by the promise of something else: a more to come. The more art activates this becoming-with of the present’s con-temporaneity, the more intensely it is in the mix with futurity. To put it another way, there is a primacy of relation. The work of art – its working or its faire-œuvre – is a capacity to fold time, making felt the emergent relation between this and that now. The con-temporary is the felt primacy of relation, present in potential. Art that creates this con-temporaneity is a kind of timemachine. Is the event of experience held together by an already-composed experiential matrix that begins and ends with the contours of our own bodies? What if the question of the con-temporary were asked in the name of the more-than that includes us even as it exceeds the “us” we imagine ourselves to be? And if so, what else can happen here? The affect of a con-temporary artwork is a lived sense of time. How does the sense of time as an artwork’s affect foreground the primacy of relation? Not by representing it. Not by signifying it. Not by presenting it as its content. Rather, by making it felt, by making it what can only be felt, in a becoming-more, a becoming-other, a widening of experience in the name of the artful. Artful because here we are no longer in the object. We are instead in the crafting of time. The art of time activates experience in the making, it makes felt how the artful composes with the more-than of the presentness that art is capable of activating. Artfulness is what art can do when it composes with a time to come. If con-temporary art is the machining of such conditions, the artwork’s affective sense of time is not a referent or a meaning, but rather a quality expressing itself in a propensity to connect in the time of the event. This propensity to connect cannot be reduced to the apparent content of a work. Artfulness is the work’s potential, in the act. When a work works with the con-temporary as the withness of time, the how of its happening doubles the what of its content, and disperses it across time. How is the withness of felt time perceived? It would be easy to put this feltness in the human subject, but this would be to underestimate the potential of the event. When the event is coloured by everything that could happen, perception begins to move with these forces and we lose a clear sense of the edges of our selves. Individual perception disperses into a perceptual ecology. In other words, the con-temporary exceeds the measure of human time. It moves at the speed of shifting magnitudes of experience that include the human but are in no way reducible to it. This is important: the con-temporary is more-than human, and to make this felt is a vocation of art. 176 The what else was felt in the Printemps érable of 2012. Here, where human bodies congregated to demonstrate, night after night, something else occurred. Over the months of gatherings, conversations, performances, art projects, teach-ins, publications, marches and casseroling, over all these months something more than the human form came to definition. This something-more included the woman, the man and the child raising their arm against raising fees for education, against allowing the neoliberal turn to destroy the possibility of the collective, but it also exceeded it. This something-more was an affective tonality, a felt experience of presentness tweaked toward the eventness of a future already in modulation: a feeling of the con-temporary as the force of time, running through the individuals present and the collectivities they presently composed, but irreducible to their current forms. This force was an insistence of potential tugging at the sleeve of forgetfulness: is this all there is, here, now? There was a presentiment, felt across ages, across genders, across class, across constituencies, that something else was at stake, still-to-come in excess over our present human condition, and that this something else could make a difference. The demonstrations were large and loud and engaged, whether we were holding out against increased tuition or whether we were celebrating the earth on Earth Day. The more-than of our collective bodies was the feeling, shared in the emergent field of experience, of the urgency of the untimeliness we were collectively creating, an untimeliness that also forcefully included us in the movement. This was artfulness: an open proposition about the politicality of time. What made the youth of Québec erupt, prompting a rediscovery of society’s to-come? Do the youth feel the future more intensely? Do they see through the folds of time with the eyes of the clairvoyant? Do the youth have more invested in the future? Quantitatively, the youth have more future to deal with. Qualitatively, the future is more forcefully felt relative to youth. In this era of post-crisis austerity capitalism, the youth see the million lives they could have lived collapse onto a few dire prospects. A grey future for the old is pitch black for the young. “Youth, no matter the age of those possessed of it, does not defend: it attacks.”1 To become-young, to become-child, is to be open to the à-venir of the morethan human in experience, following the movement of the force of time. Artfulness invents futures capable of holding onto potential. It does not defend itself 177 against time: it attacks, with the force of time. To become-child is not to deny age, it is to celebrate the complexity of times in the duration of a life yet to be invented. To become-child, as Gilles Deleuze said, is to invent the youth of this age (every age).2 But there is always a temptation to grow up too quickly, to abandon one’s youth, to become-adult. Isn’t this where responsibility lies? It is not uncommon to see young people who are old in their ways. They grew up at the speed neoliberalism told them to. They make themselves too useful too soon. Can we instead imagine responsibility as a sensitivity to the con-temporary: as an ability to respond? To respond ably with the world in the making is to align oneself eventfully with the futurity in the present. Is this not the more ethical stance, to become-with that which unfolds in the untimeliness of the yet-to-come? To be flexible, elastic, plastic, to be energized in the con-temporary event that cannot be calculated in advance? Let us not be made useful. Let us remain incompetent in the face of the unrealized in potential, competent only insofar as we strive to invent techniques that facilitate lived experience. A tenuous competency, uncertain. Pragmatic yet speculative. Beyond instrumentalization. The Québec student strike wasn’t a utopian imagining of a far-off world. It was about how the prospects of the future make people feel now; about how the future is felt, immediately, in the present. Before the strike, people felt bound to the depotentializing of their present by its inherited past. This was a present impoverishing its own future through debt. Debt, chaining its debtors to an eternal repetition of the same: labour (day after day), the demands of the job market (forever clamping back down), enterprise and earning (to stay ahead on debt). As the movements were activated by demonstrations, by performances and future-imaginings, new possibilities arose in corners of the social field that could not otherwise have existed. The blocked, re-directed desire had to flow somewhere, and flow it did. Up against someone else’s idea of the future bearing down on ours came a collective desire for a politics to come. For some, the untimeliness and the temporariness felt like a loss once the strike ended and things returned to “normal.” But this is perhaps the lesson: that time never returns, and that what is felt as the norm is always tweaking itself toward a potential differentiation. So we have to ask “what else?” What else happened? A schism was created in experience that makes felt what else can inhabit the everyday, an everyday that always includes the untimeliness of what is to come. my labour – my prosperity). Artfulness refuses to hold the future at a distance as though it could be held up for evaluation, measured against the already-known. Artfulness instead invents in a rhythm with the urgency of a time in the making. The politicality of art The artful exceeds the bounds of the punctual art event, such as a biennale or any exhibition. It creates a time machine, it is an invitation to travel with the flow of desire, the desire for something else. It is an invitation to make-other, to move into the more-than, an opening toward a queering of experience. Where does this leave political art? Must we assign to these artistic sensibilities the duty to smash normative conceptions of the future? To proclaim “no future!” and to bathe in all the exclamation’s radical negativity? Or is art’s vocation speculative rather than de(con)structive, in that it opens the way toward the potential of the present at each juncture that is encountered, lived and created? How can art speculate in a way that doesn’t box in, overdetermine or instrumentalize the future? We know all too well from contemporary finance capitalism that everything, including the future, is already speculated upon: minds, bodies, people, land, ideas and communication. What if, to avoid boxing in the future, instead of talking about political art, we speak of the politicality of art: that the artful within art is a force that is potentially political to the core, queering experience in the name of a politics to come? Art that is political in potential proposes emergent conjunctions rather than self-reproduction. What if art could no longer reproduce, pass on its forms of intelligibility, its way of being read, its clichés, its historical lineage? If art could not reproduce, wouldn’t it then have to generate new modes of valuation, in the absence of the possibility of reproducing old ones, in order to make sense in and of the world? Would this be a queering of experience in the name of the artful? A queering of experience in the name of the artful propels art toward the useless, felt in all its potential. Here, in the realm of the as-yet-undiscovered, the artful is not yet strapped to another project for the future with its own agenda and timeline. This is not to say that art needs to be “new” in the way we experience it in the capitalist regime. Quite the opposite: art that is useless is capable of foregrounding the artful gesture within the already-experienced that always, quietly, subtly, tweaks toward difference. Artful gestures are not grand. They texture time in the making, as a minor gesture. Artfulness, active in the con-temporary of art’s activity, reclaims the schism for collective potential. This requires a kind of time travel that is different from the utopian displacement of one self on a linear timeline (my debt – 178 179 Useless because it doesn’t yet know what it’ll stir up The art of futurity, the futurity in art, is bound to a kernel of uselessness, a kernel that art maintains in the face of all manners of instrumentalization. All art has a useless quality, even art that has been made the most use of. Because even such “useful” art is still useless from the perspective of the not-yet-stirred up: the what-else in the mix. 1 Hubert Aquin, “La jeunesse, quel que soit l’âge de ceux qui en sont investis, ne défend pas, elle attaque.” in Comprendre dangereusement, 1961, http://quebec.synergiescanada.org/culture/liberte1026896/liberte1026915/30104ac.pdf 2 Gilles Deleuze and Félix Guattari, Mille plateaux, Paris: PUF, 1980, 340. How then do we conceive of the relationship between what art stirs up – eventfully – and what it comes to be used for? What is the ambiguous dividing line between art that stirs up movement in the midst of its own existence and art that is created and deployed for its use-value? Or market-value? Uselessness and usefulness co-compose in most situations where art is encountered. The generative question is therefore not necessarily what can art do, but what can the force of time in art, or the artful, make felt in art’s undoing of the present. There is no general idea in artfulness, or of it. It does just what it does, and resists the need to commit to an ecology not its own. In this sense, the artful is always singular, rigorous and technically precise. It is specific to the work’s capacity to be itself and to the work’s capacity to become other. Artfulness is the minor gesture that values the artistic process from within. It creates value, immanently, making felt the pressing importance of the useless. Out of the useless come new, untimely modes of existence, new qualities of life – new values. Immanent critique This immediately invokes a set of problems about the role of the critic, the role of critique, and the role of writing about art. How can we write about art and allow art to maintain, in all uselessness, its future tending? Writing is not outside the artfulness described here. It is also an art in the sense that it co-composes with the art of time activated by the work’s withness. To write-with is to practice immanent critique, to be open to the tendencies of the artful and to its singularities. Writing with the force of the artful is a kind of thinking in the act. Such a thinking cannot be reduced to normative forms of either critique or the historiography of art. The artful, while it appreciates traditions of art as they invent themselves and singularly co-composes with them, cannot be reduced to them. The gesture of immanent critique takes this seriously, insisting that the artful not be reduced by comparison, evaluation and judgment. What art can do is always a question of the “what else” of potential in a time of its own making, inseparable from its event, embodied not in an object but in the techniques that further and make-felt the force of time. To practice immanent critique is to care for the con-temporary. 180 181 Amanda Beech Future Impossible? Thinking the Image without Crisis Our inability to predict and know with certainty if our actions can give form to a future society that is progressively different from our present one has profoundly cast an art that would call itself political or critical as tragically heroic. This art, inheriting the ambitions of the left instead of planning for real difference, witnesses its own failure in the “selfconsciousness trap” of internally assessing its own lack in the face of the “future impossible.” This articulation of the future is pathological, naïve and contradictory. On the one hand, the future is held in a radical non-relation to the present, it is a place that we cannot know or reason. At the same time, knowledge maps and guards this space of the future as alien, preventing access to it. This knowledge suspiciously knows all too well that we have no transcendental guarantees for our actions, and that there are no ascertainable grounds from which we can build a future. Taking this self-consciousness as a key paradigmatic method of contemporary art, the crisis of art has resulted in a definition of political and artistic life as a crisis of crisis. Notwithstanding, this self-reflection has proven itself to be valorized as economically and critically valuable, but it is significantly weak in the context of projecting or constructing action with direction. Rather, in this telos, the most we can do is express this condition in a narcissistic and static image. This image professes how much we know about what we do not know in a vista of uncertainty and doubt. This tragic parlance can only yield weak art that naturalizes given forms of power and nullifies the possibility of any other paradigms of production. 183 At the centre of this time-knowledge dynamic dwells an art that is reified by its irrationalism; its value is configured upon its ineffability and its political traction is situated in its innate resistance to explanatory reason. The myth of abstraction supports a faith in art’s power to maintain an open and discursive space where anything might happen, the belief that art can crowbar open new doors of perception. However, this abstraction has no traction upon the principles of capital, which manifest this hope as just that, hope. In this case, hope for “the anything” turns out to be private expressions of individual freedom and the cult of difference as novelty. Given this, we could say that our real crisis today is the idealization of our non-relation to the future. This “future impossible” fills galleries, museums, fairs and the discourses of the international art scene, sustaining art as a collapsed and antiquated machine that cannot match up to or contend with the complex vectors that are the systematic forces of power. Art that withdraws to this self-conscious assessment of its (lack of) purpose is seen as much in critical ironic practices as in those of social participation; it is seen in claims that fiction is the redemptive space for a political future simply because fiction is essentially aporetic. This art is corrupt, weak and contradictory. It is cowardly enough to retreat from its own assertions of power and hubristic enough to assume that it can choose to withdraw from the exercise of power. This giving up on the power of art, and on the possibility of art as a form of functional language, is demonstrated in art’s attention to empirical short-term and local “results” that demonstrate change through improvements in economic, social and educational power – weakly instrumentalized social care or goodwill charitable action, which naïvely underscores the horrors of Milton Friedman and Friedrich Hayek-style economics. As for those who are not staking out shortterm investments and visible returns, there is always the metaphysical claim that art has no measurable social impact at all, that art’s uselessness dwells within abstract force. This is where art coalesces with the real as a form of sublime aesthetic. Both a metaphysics of art as radical alterity and an empiricist view of art’s causal affect accept the status quo of capital and art since both support the systematic conditions of capitalist accumulation from the standpoint of the correlation between the particular and the abstract. Art clearly has given up on its operative capacity. Significantly, the approaches that I have described all share a distinct wariness of representational power. Here, representation promises the very “worst” future: a dreaded form of social realism that inevitably leads to totalitarianism, and thus forecloses the hope for a democracy to come. This kind of crippling suspicion is supported by the predominant theistic aesthetic schemas in art and art-talk today, which navigate between the aesthetic categories of representationalism and non-representationalism. Here we see the misguided equation that grafts an exit from bad forms of dominance upon an exit from the mechanics of communication itself. Attempts to “manage” representational force are evident in the strong advocacy of phenomenological works that deliver “unmediated” perceptual 184 185 experiences: the dialectics of ambiguity; antirealist disavowals of a representational hegemony; ironic practices that withdraw both meaning and responsibility; and the fundamentalist poststructuralist investment in the mythos of the caprice of “interpretation,” which, in the name of the “open,” champions the vista of language as the field of infinite interpretation. The claims made in the varying philosophies associated with Speculative Realism have generated more fear over the possibilities of representation, since the security of any relation to the future is now destabilized in a radical sense. Quentin Meillassoux’s After Finitude delivered this non-relation to the future in clear terms.1 His theory of absolute contingency in “a world without us,” or in other words, without the correlation that enables or resides upon human access to the real, means that contingency is not an object that we can organize a relationship with or to, because the processes of change are not configured with human actors at their centre, and change takes place more often than not beyond human perception. This theory antagonizes the hubris that would confidently standardize an aesthetics of inconfidence, it dispossesses Modernity’s claims to a project of emancipation, and it disavows the future as task. But what is this non-relation to the future? It is not enough for our project to seek to dismantle and annihilate art’s beguiling fantasies, the bad habits it has relied on and the weak idealisms it has distilled into beliefs because these risk reproducing the pathologies of self-conscious internalization. Rather, we must construct concepts that have direction, concepts that exceed the principles of art as we know it. This is to not fear the future, for the future is not a thing, but to understand our practice as one of progress. However, without a future that is centred around and upon human action, what are the conditions and requirements for this project? The question of reason is paramount here. Meillassoux’s theory hinges upon the operations of thought: whilst we cannot access the real, we can think it. How might the image qua representation participate in these operations of reason? In After Finitude this is not fleshed out as a priority, since the topics of the imagination, the image and language are pushed to one side in order to harness the capacity of reason. (These elements seem to be cast as the site of a problematic and all too human imagination.) Thus, this conjunction of reason with imagination as a propositional capacity for art is a question left for us to consider. If we are to think the image, that is, our linguistic articulation of objects in the world, we must understand the functionalism of the pictures we produce and use. If we are to pursue any possibility for a noninstrumental but operative reason, we must know that our descriptions and accounts of objects are beliefs, governed by empirical and shifting bundles of possibilities, whose function is subject to rules. What’s more, their operation produces order. With this “scientific” approach, we wager two bets that also demand some work. We assert that our explanations of our reality can counter the habitual conditions of neoliberalism, which presently nullify political egalitarianism. We also put forth that representations of reality neither oppose 186 187 representation to reality, nor claim the image as an ideal manifestation of the real. If we can think of images as functioning representations, then we can also rethink a non-relational future without crisis. We can put forth some immediate demands for art that compels us toward strict non-ideological methods, where correctness is the organizational-representational impulse that lives through rule. This is the destruction of art as we know it, its ideals and defining aesthetics. A correct image, a materialism of the image, stands as the demand for art now, for a future without mythology and without identity, a future that is free of the now-dead melodramas of critical crisis. This new materialism is a demand for art to go to work; this is no surrender to the lack of future, but rather a real enterprise that requires us to think reality proper because this is future. Is art up to this task? Amanda Beech’s three-channel video installation Final Machine (2013) was presented at the Musée d’art contemporain de Montréal as part of BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward). 1 Quentin Meillassoux, After Finitude: An Essay on the Necessity of Contingency, tr. Ray Brassier, London and New York: Continuum, 2008. 188 Gean Moreno and Benjamin H. Bratton t n e d i c c A w e y r N Eve uces a d o r P nology h c e T meta-system. I write about it from the bottom up, Earth layer up to User layer. Energy drawn from planetary resources drives cloud computation, and its global platforms organize new political topologies. Cities are animated by those cloud platforms from within, organizing addressable objects and events into interfacial regimes that provide a window into the whole system for users. I write about these as sectional layers of a larger apparatus – “the Stack.” This megastructure is accidental. Nevertheless, if we saw it as a totality, we could perhaps design it better than if we conceived every layer in isolation. The concept of the Stack foregrounds a vertical and multilayered political geography, based on layered interweaving sovereignties rather than subdivided states on a map. The Stack is a model for thinking the technical arrangement of planetary computation in a coherent way, and a conceptual model for thinking about the contradictory and complex spaces that have been produced in the image of planetary computation. It is both a schema that refers to a technical system, and a technical system that demands different kinds of interpretive schema from us. The Stack is equally a descriptive system and a design model that may point us in a different direction than its current configuration. Gean Moreno The figure of “the Stack” is one of the more prominent models in your analyses. Let’s begin by fleshing it out. Benjamin H. Bratton The Stack refers to a certain transformation in the technical infrastructure of global systems. Planetary-scale computation has so thoroughly and fundamentally transformed the logics of political geography in its own image that it has produced new geographies and new territories that enforce themselves quite strongly. Unlike modern political geography, which divided up horizontal maps, Stack geography also vertically layers many spaces on top of one another. Some of these are State spaces (such as China) and some are non-State spaces (like Google). These mixed geographies and territories need to be accounted for, but we don’t have a good theory for them. I think that is partially because they represent a geopolitical logic of platforms, and since platforms are technical and institutional forms that are not reducible to states vs. markets, they don’t easily fit into established positions. The result is that we sometimes see things as weird exceptions while they actually represent new norms. A second aspect of the notion of the Stack is that, instead of seeing all the various forms of planetaryscaled computation – cloud computing, smart cities, ubiquitous computing, massive addressing systems, next generation interfaces, non-human users, and so on – as different genres or species of computing, each off doing its own thing, we should think of them as layers of a consolidated GM The vertical “geopolitics” that you describe as demanded by planetary-scale infrastructures and massive logistics platforms maintains an orthogonal relation to the modern geopolitics of horizontal borders and territories. 191 control over information, and so on – have, without any formal decree, been assumed by Cloud platforms. One result is that the terms of authority of the State, its technologies of authority in a Foucauldian sense, become less clear. On the one hand, Cloud platforms take on more State responsibilities. On the other, states – the real body of the state, the functions of the state – move into the Cloud, as demonstrated by the Snowden affair. States become Cloud platforms, as much as the inverse. This is not without real tensions. In some cases, as in Russia for example, we see a destabilization of the traditional sovereign authority of nation-states by global platforms, which is met with concerted conservative retrenchment. The threat is both real and perceived-to-be-real in unequal measures, but the reaction is not surprising. It is a sociological axiom that globalization itself produces the forms of fundamentalism that appear in response to it and that define themselves as atavistic resistance. States exhibit this tendency too. On every continent, there is pushback against the removal of sovereignty from nation-states (and other traditional structures of authority). This is not an exception to the geopolitics of the Stack, but in many ways a direct function of it. Furthermore, there is no guaranteed positive or negative outcome from this dynamic; there is no a priori reason to champion platforms over states or vice versa. For example, the imagery drawn by my term “Cloud Feudalism” suggests that there is no correspondence between advanced and progressive technologies and advanced and progressive politics, BHB Yes, that’s right. Sometimes the two align rather closely, and sometimes not at all. My use of the term “geopolitics” is also twofold. It references Carl Schmitt’s term Grossraum, “the Large Space,” which is roughly a regional, supranational domain of sovereign control, like the Monroe Doctrine. For some critics, this suggests an ideal multipolar arrangement for global political entities and empires (though not for me). Today, as new claims on global space are made, for example by the Cloud, how are we to locate them within the genealogy of modern geopolitics in general? What is happening to the shape of the State as it evolves in relation to these other forms? The second sense of “geopolitics” is related to Deleuze and Guattari’s notion of “geophilosophy,” which suggests that thought is always tied to its planetary situation (or post-planetary situation). It can’t be otherwise and it works best when undertaken accordingly. “Geopolitics” then names the ways in which a society attempts to assemble itself, thinks its own terms, its own ethics, its own models of operation, its own logics of value, in relation to how it is situated on its planetary perch. This second connotation is used as a way to modulate the first, so as to hopefully understand the relationship between new political realities as within a longer arc of geopolitics, geography, geology, geoscopy, and so on. Much of my recent work focuses on the emerging predominance of Cloud platforms, and how things that were once the normal purview of the Westphalian state – legal identity, currency, cartography, 192 nor the inverse. Extraordinarily advanced technological systems can co-exist with a completely reactionary, archaic and conservative political system. To a certain degree, both China and the United States make this clear, in differing ways. This does not, however, mean that we then link advanced technology with retrograde politics and primitivism with justice. I have no interest in localist, horizontalist, artisanal politics. On this point, I strongly agree with Alex Williams and Nick Srnicek.1 For me, it’s geo-engineering or bust. participation in platform systems produces forms of active subjectivity that are agnostic to other kinds of political identities, such as citizenship or even species. Under certain circumstances, this may allow for more access and more agency than would otherwise have been permitted. And in other circumstances, it produces new forms of control over agency. For example, an undocumented migrant may have access to platform interfaces, systems and infrastructures that allow him or her to enter into economic and political relationships in ways that are perhaps more free and self-directed than those that would have been available from the State. We can even imagine a situation in which formal citizens of a particular location will have less freedom than those who are not, because the systems that govern that site have been calibrated or modulated to govern its citizens, not all of its possible users. On the other hand, if we look at the Snowden/NSA prism, there are ways in which our interactions with Cloud platforms may interpolate us, organize us and give us unwanted identities. They may trace, track, and correlate us as subjects of a “sovereign” interest in unwished-for ways. Sovereignty cuts both ways at the level of the individual user. It can provide forms of agency that modern Liberal, rights-based subjectivity did not make available. At the same time, because it does this, it also allows for broader and more direct governance of our interactions than in the past. These two different forms of sovereignty – geographic and individual – can be de-linked from GM You argue that Cloud platforms, and the Stack more generally, reanimate the question of “sovereignty.” How so? BHB There is the sovereignty of a certain geography or polity on the one hand, and the sovereignty of a person or user, on the other. They are sometimes directly linked, sometimes they have little to do with each other. Cloud platforms work on both. For political geography, the challenge to sovereignty has to do with the ways in which planetary-scale computation redraws the lines of division and subdivision whereby one polity is adjacent to, superimposed on, separated from or interwoven with another. Whatever is seen to be contained within those subdivisions – spaces, populations, infrastructures – is then under some degree of sovereign control by some State or non-State platform that can draw and enforce these lines. For the Stack, individual user sovereignty, on the other hand, is construed through the ways in which 193 one another. This is a key point. Each of us is likely negotiating both at the same time. One system may be trying to make claims on us in one way, while the other is making claims on us in a different way. These are perhaps irreconcilable. That irreconcilability is the basis of the most interesting forms of geopolitical tension and design with which we will have to wrestle. because the true totality is the Community of Christ. He laments the ways in which technology has overtaken the terms of immanence, transcendence and communicativity – all of the things that God was supposed to provide. The Christian eschatological logic of an immanent doom that is hard-wired into a postlapsarian human society is shifted onto a different plane, namely global information platforms, from where it feeds back into his work over and over again. That said, I have long enjoyed reading Virilio because his prurient descriptions of all that scandalizes him are so keen-sighted and luscious. I will say that Bifo, on the other hand, is a rather uninformed guide to the present reality and what to do about it. Some may see his work as articulating some courageous resistance to the violence of the status quo. I read it as dreary, melancholic and immobile. It is not only moralistic and reductive, it also seems to express a desire for defeat and for a closure that could justify withdrawal from the world. I suppose that is the only conclusion possible when this mode of interpretation realizes its own irrelevance. I just read his pamphlet on Google published by Semiotext(e) for the Whitney Biennial.5 It is both sad and senile, menaced through and through by some absent Oedipal authority, some illegible evil sovereign who has closed off every possible line of flight. And for this, the world itself can never be forgiven. In this genre, the ethical person must not be tempted to communicate with the world of Google directly because his love will only be exploited. Instead, in GM Let’s talk about both the threat of subjective dissolution and the new vectors that open up to other kinds of subjective reconstitution in a world of planetary-scaled computation. There are, on the one hand, things like the Quantified Self. On the other, we see a newfound ease with casting ourselves as the beta version of something that is coming. BHB Or version of something that is already here but that we don’t yet recognize, yes. That “something other” doesn’t have to be imagined in terms of some kind of “haunting salvation” or “coming community” however.2 Subjective dissolution is something I’m less worried about than are some others, for a number of reasons, and I can explain this by drawing some distinctions between my thinking and theirs. One way to think about this is through Paul Virilio’s axiom: The invention of any new technology is the invention of a new type of accident.3 For him, this is what is wrong with technology. People like Virilio (and perhaps Bifo, for example4) view globalization and the global infrastructure it provides for as a synthetic or counterfeit totality. For Virilio, as a Catholic, it’s a counterfeit totality 194 the name of the Lost Joy and the authentic totality, the world-as-it-is must only be refused. To me, this isn’t militancy; it is reactionary psychodrama, a dead end. It’s not even nihilism, which obviously can yield beautiful disenchantments. Perhaps we should invert Virilio’s axiom: every accident produces a new technology. Isn’t it precisely the riskiness and darkness of any predicament that makes it interesting and demands a modicum of courage? We don’t know what these things are, we don’t know where they are going, nor do we know what they hold for us; we try to design one thing and the opposite happens. Our best intentions sour into the worst things, and other things that seemed to be the worst, decade after decade, somehow bloom into something good. This demands that we remain alert and able to rearrange our thinking. It’s the unpredictability of technological systems (pharmakon, if you like) that gives them any politics at all. It is their accidental quality that demands our most creative admiration. It also makes clear, for better or worse, how insignificant personal individual ethics – Liberal or radical – are to eventual outcomes. In my own work, I sometimes identify things that, from one perspective, seem like the worst possible developments in that they foreclose all possible progress, and then work out how they might actually accomplish the opposite of what they seem to be doing. Let’s take the Quantified Self movement as an example, since you mentioned it.6 In the short term, the Quantified Self movement may be a way in which a hypertrophic, neoliberal subject plugs into Big Data scenarios to produce the most egregiously fragile and stupid cartoon of homo economicus. Perhaps especially for California Libertarians, it does exactly that. But in the long term, as the mirror starts to reflect more and more data back to the user – ecological data, epidemiological data, local systems data – and as the granularity, scope and depth of the extrinsic data that gives form to the reflected subject become more and more overlaid, the whole process ends up doing the opposite of what it did initially. In the confluence of more and more data, the resulting image shown back to the user is of a subject that has dissolved into the flux of the world. In time, and by the radicalization of its own terms, the Quantified Self may make the very possibility of the coherent humanist, neoliberal subject more untenable. If you look closely at the interweaving history of technology and society, these reversals-by-radicalization are the most decisive, for good and for ill. These are the kinds of things that we want to exacerbate, these are the kinds of strategy in which we want to invest. Militant resistance and existential negation, on the other hand, have a tendency to foreclose the possibility of this particular strategy. GM In terms of the Stack, what do we do then with “traditional” forms of resistance? BHB Well, hopefully, by “resistance” we mean a move toward some composition-to-come, a leveraging of one space toward another. Perhaps I don’t know what you mean exactly by “traditional” forms of 195 resistance, but I’ll say that when withdrawal and negation become the conceptual criterion for political thought from beginning to end, then it’s lost. Then it’s teen theology, and eventually full of violent and boring boys and girls. Not for me. More to the point of your question, however, the Stack might point toward some highly leverageable conditions. I would only offer a few, but I’m sure that other people will have further ideas. For “geopolitics,” as we normally think of it, I would focus on global Cloud platforms’ absorption of certain forms of governance that were previously monopolized by states, and how states are transforming themselves into Cloud platforms. We know this because we see it happening every day, but we don’t know what to make of it. We are seeing a juxtaposition of different logics of political geography, some driven by states, some driven by secular platforms, some driven by atavistic religious imaginaries. They are all superimposed in novel geometric patterns. But that’s only one kind and scale of politics, and so, when we draw the compositions we may want to rally for, we should think about the Stack layer by layer. For example, at the Cloud layer, the options play out differently, depending on the political context of a given State location. The political potential of the Cloud layer is different in California, western China or rural South America. Nevertheless, the coordination of participation, and the provision of certain forms of transactional identity, can allow people to manage other forms of political agency and ability, additional to or instead of those they already may wield. Anyone can of course refuse this position, and for good reason in many cases. Even then, however, this tactic is undertaken in relation to the Stack. Platform politics still confuse us. One conundrum is that platform economy tends to consolidate early winners that entrench and enforce the terms of participation. Ultimately, I would like to see many more Cloud powers. Three or four global Cloud platforms and four or five regional political powers fighting with each other for the coordination of the entire planet is one possible and far-from-ideal future. One hopes for new platforms that ultimately displace those with which we work today. At the city layer, the issues have to do with the way in which physical and virtual interfaces produce urban subjects. We mentioned the case of the undocumented labourer who has access to a certain infrastructure because the infrastructure doesn’t care about his legal status, because it only refers to him as a “user.” As I suggested already, it may be that non-citizens will end up with more freedom of movement and “rights to the city,” in Henri Lefebvre’s sense,7 than formal citizens, because local infrastructures are tuned to the governance and control of citizens, but not non-citizens, whom they can’t see in the first place. If so, then functional sovereignty may be more about technical status than legal status, and urban technology may lead the way. It might mean that for our predominantly urban species, the idea of “cosmopolitanism” would refer, not to rights within one particular city but, rather, to the en196 tire global urban apparatus, linked as one discontinuous framework. It would refer to common engagement with common infrastructure more than to legal identity. At the address layer of the Stack, what is most clearly at stake is the transformation of natural temporal and spatial scale – what we understand a thing or event to be – by new ways of marking and identifying them. We are now working with massively ubiquitous addressing systems that can assign real addresses to far more objects than we can possibly use. Real communication of information can happen across multiple scales, microscopic to macroscopic, in ways that don’t require human interference. As more of these addressed entities act on the system as a whole, it becomes much more complicated to define who or what is a sovereign user. The interface layer is perhaps where militancy and resistance get played out in the most pronounced manner – and not always in a good way. For some interfaces, particularly augmented reality, signs are superimposed onto the objects of the world and blended with perception in such a way that the user loses any allegorical distance between what the interface signifies and the thing that is being signified. The interface just becomes real – a subtitling of the world. Part of the work that interfaces do is to provide a coherent and total picture of what are otherwise invisible and discontiguous chains of assemblage. The global production, distribution and consumption of objects around us, and their origins, are rendered opaque. The systems in which we are embedded are unclear. The diagrammatic logics of the interface provide a reductive summary for a totality and give a narrative structure of what these assemblages and links actually look like. There are different interfaces for how different interfacial regimes describe the world. They may point at the same thing, but the ways in which they choose to narrativize that thing through their diagrams give it different significance for a different world. Not only does the interface map the world, drawing it into itself and giving it shape and coherence, but the interface is also the instrument we use to affect that world. Whatever the interface may represent, your negotiation of that interface also enforces its description of the world. By acting back on a thing through a particular description, you are reproducing that description. Today, we are seeing a potential for interfacial regimes to organize both descriptive and projective forms of a political imaginary. They can blend functionalism and utopia into a single image-instrument. Now, because they make the interface perceived as “real,” one of the ultimate uses of interfaces like augmented reality will be a revitalization of forms of political and religious fundamentalism. With the literal subtitling and superposition of descriptions onto what is perceived – clean and unclean, ours and not ours, friend and enemy – it will be much more difficult for users to maintain the interpretive distance that is necessary to negotiate doctrine. Instead of seeing the militancy of motivated political movements as something that is operating in resistance to such interfacial regimes, the maturation of these regimes will 197 amplify the militarization of perception and interactions. Obviously, this would also generate brand new polities, platforms, brands, religions, and so on, spinning out on top of one another. At the user level, the potential for innovation lies most importantly in the redefinition of the political subject itself. I would want to make clear that the scandals around the Snowden leaks cannot hold all the weight that has been placed on them. The privacy of the individual and its safety from public scrutiny can’t be the foundational ethos by which a geopolitics of planetary-scale computation is scaled. It just cannot. It’s too tactical. It’s too beholden to the psychological and economic individuality of the human subject to provide any really new options at a global scale. The innovations that we might want to encourage, at the user level, are the ones where the software landscape as a whole construes any one user in relation to “all users at once.” We need to aim for innovations that allow users to enter into effective solidarities and not merely provide for how individual thoughts and lives can be protected from unwarranted molestation. This would certainly include a lot of non-human users as well. The most interesting developments at the user layer may have to do with the displacement of the human as the predominant political subject. I think of all this not first and foremost in terms of “postcapitalism” (though, in the long term, the accomplishment of what would look like post-capitalism from today’s perspective is probably a direct result of getting anywhere interesting) but rather in terms of the post-Anthropocene. The “post-Anthropocene” is of course something that we can know very little about in advance, other than it will be a time when humans are no longer the dominant geological actor on the planet – and one assumes, therefore, not the dominant economic actor as well. This may be because we kill each other off, or because the ongoing composition of the accidental megastructure of the Stack is taken over by something that simply isn’t “human” in the normal sense. For me, the most interesting geopolitical questions work at these kinds of spatial and temporal scales, if for no other reason than that they force us to “un-recognize” ourselves and to try to organize ourselves in relation to new criteria. For example, we now have a planetary sensing and governing apparatus that is at once distorting the ecology – producing climate change – while, at the same time, it is itself the means through which knowledge of that distortion is available to us in the first place! One would hope that our vocabularies of design, politics, art and economics would revise themselves in relationship to this fact. 198 1 Nick Srnicek and Alex Williams, “#Accelerate: Manifesto for an Accelerationist Politics” in #Accelerate#: The Accelerationist Reader, Falmouth, UK and Berlin: Urbanomic and Merve Verlag, 2014. 5 Franco “Bifo” Berardi, Neuro-Totalitarianism in Technomaya Goog-Colonization of the Experience and Neuro-Plastic Alternative, Los Angeles: Semiotext(e), 2014. 6 Quantified Self is a movement that advocates for the usage of different technologies to track one’s everyday life – from sleep patterns to insulin levels – in order to continuously acquire, archive, and analyze data in an effort to self-improve and expand well-being. 2 Giorgio Agamben, The Coming Community, Minneapolis: University of Minnesota Press, 1993. 3 Paul Virilio, The Original Accident, Cambridge, UK: Polity, 2007. 4 Franco “Bifo” Berardi, The Soul at Work: From Alienation to Autonomy, Semiotext(e), 2009; and “Time, Acceleration, and Violence,” e-flux journal # 27 (September 2011), http://www.e-flux.com/ journal/time-acceleration-and-violence/ 7 Henri Lefebvre, Writings on Cities, Oxford, UK: Blackwell Publishers Inc., 1996. 199 Richard Ibghy and Marilou Lemmens Our Latest Greatest Hope Out of countless photographs of mysterious planets and breathtaking nebulae taken from the distant reaches of outer space, it is both surprising and unsurprising that it is a graphic, uncensored, fullfrontal representation of a fully illuminated Earth that has most captured the human imagination. Snapped in 1972 by the crew of Apollo 17 – as if the earth had extended an arm in the form of an astronaut – Blue Marble is one of the earliest and most expensive selfies ever taken. This image became the powerful symbol of a new brand of humanism, inducting every individual, regardless of class or origin, into the “Family of Man.” For environmental activists, the image made it clear that what appeared as a disparate collection of rivers, forests, land masses and countless varieties of life formed one interdependent ecological system – a precarious and isolated entity cast amidst the vastness of space. Blue Marble presented Earth back to humanity as its one and only home and hope – to be nurtured and protected. In retrospect, coming as it did just prior to the wave of neoliberalisms that swept the world, this symbol of Earth as a small, interconnected realm without boundaries or borders can be seen as a harbinger of the decades of economic globalization that followed. Today, this startling image could easily be put to use as a banal cover of a WTO report – if it hasn’t already. The planet has become a place where everything and anything – land, water, air, plants, animals but also the products of our culture, our heritage, our know-how, our innermost thoughts and our most violent struggles – is up for sale to the highest bidder for transformation, 201 re-packaging, re-selling and entertainment. Like a prospector’s map, the image reflects the desire for boundless expansion and development. As the global economy continues to grow, there will be exponential increases in demands upon the planet’s resources. Extraction will become more invasive, utilizing dirtier methods that bring longer-lasting effects. What is to come is increasing pollution, anthropogenic climate change, ecosystem cascade events, the collapse of much of the earth’s biodiversity, and the depletion of fresh water, soil and minerals. As we attempt to meet these challenges, another image of Earth, this one taken in 1990 just as Voyager 1 was set to leave the solar system, can provide some insight into how the very logic that got us into this mess is now being used to try to get us out of it. Instead of presenting Earth – as Blue Marble does – at centre stage, Pale Blue Dot locates our planet as a tiny speck amidst a sea of galactic noise. If you were looking at it on your computer screen, you’d think it was a dead pixel. The speck couldn’t be smaller but the message couldn’t be clearer: “There’s a lot of space out there and it’s yours just for the taking.” Lunar extraction, asteroid mining and space colonies: commercializing space is where it’s at. China has already sent a rover to the moon on the lookout for Helium-3, and a couple of American billionaires are getting set to mine 3554 Amun – one of about nine thousand near-Earth asteroids – whose precious metals would resolve outstanding issues on our home planet in addition to making a significant contribution to global GDP. What we understand today as world economy is bound by the geography and ecology of the earth and excludes any consideration of extraterrestrial resources. The commercialization of space is the logical extension into the future of the economic conception of a planet without boundaries or borders, in other words, of global capitalism. And that is our latest greatest hope. But, for those of us who don’t believe that recasting the human experience as an interstellar epic absolves us from having to face our problems here on Earth, or who feel that the real problem is perhaps closer to home, then there is another, smaller, lesser hope. It is, however, more complicated than mining asteroids. The obsession with accumulation and growth is rooted in the relatively recent, modern conception of economy. What is commonly referred to as “the economy” emerged as a distinct sphere of social life with the development of the market mechanism. Before that, markets were considered little more than accessories to economic life, which, in turn, was embedded in a web of social customs, religious beliefs and political practices. It is often stated that what distinguishes a market economy from traditional markets is the belief that it is self-regulating – that its mechanisms transcend human agency. By virtue of a floating price principle, the market is expected to control and direct the constant flow of materials, energies and desires that go into the production, distribution and consumption of everything. 202 203 By perceiving the economy as disembedded from social life, we have empowered it to trespass territories that previously lay outside its scope and, in so doing, to expand its sphere of influence. The consequences of this expansionism become clear when, for example, the net effects of an oil spill in the Gulf of Mexico can be reduced to how much its clean-up has injected into the economy, or when it can be argued that the population decrease caused by legal abortions in the United States since 2000 amounts to a $1.7 trillion reduction in economic output. The language of economy has also permeated other, more intimate, aspects of our lives. We have internalized its logic to the extent that the boundaries between work and non-work have dissolved. Social relations, affective investments, education, health, intellectual abilities, our curiosities and even our pleasures are rationalized in terms of performance, input and output, efficiency and maximization. We have wilfully turned ourselves into projects that require round-the-clock supervision to ensure that our time spent on Earth remains productive, that we don’t stagnate lest our lives end in failure. In short, we too feel the pressure to expand, grow and develop. While the economy has undoubtedly proven to be a very powerful instrument of maximization, not all aspects of life need to be maximized. Most require a different instrument, commensurate with the challenge at hand, be it political, ethical, social or affective. Our smaller, lesser hope involves inverting the present paradigm: placing the economy at the service of life and not the other way around. Rather than thinking about it as a set of laws that govern human exchange, we should conceive of the economy as a form of rationality that structures human actions into a particular way of life. To determine how new forms of economy may belong to living, we must first resolve how it is we wish to live. If we are tired of rising early and staying up late, let’s stop being good consumers and workers. Let’s be useless, lazy, full and profound. Life cannot be measured in centimilligrams. To cast the economy as a realm of human agency, it will need to be re-politicized. How is it that economic value has become sacred? We need to bring the market down from its lofty position. We need to profane the economy. We need to return to common use what it has consecrated. What collective operations will take us there? What individual paths can we trace on this grey stubble that has been left for us? Instead of going further, we need to go in another direction. Away from production, investment and cost calculation. Then again, if profaning the economy proves too difficult, or if we’re worried that this would be bad for the economy, we can always opt for our latest greatest hope. 204 205 Two works by artists Richard Ibghy and Marilou Lemmens were included in BNLMTL 2014 L’avenir (looking forward): The Golden USB at VOX, centre de l’image contemporaine and The Prophets at the Musée d’art contemporain de Montréal. Curators and authors Amanda Beech lives in Los Angeles where she is Dean of Critical Studies at the California Institute of the Arts (CalArts). Her work was featured in solo exhibitions at Xero, Kline & Coma, London (2014); Lanchester Gallery Projects, Coventry, UK (2013); Banner Repeater London (2012); and Spike Island, Bristol, UK (2010). It has also been exhibited in numerous group shows, including EVA International, Limerick, Ireland (2014); Asymmetrical Cinema, Beaconsfield Gallery, London (2013); The Objects of Culture, Ha Gamle Prestagard, Norway (2013); and (Past Present) Future Tense, Center for Living Arts, Mobile, AL (2013). Her recent publications include Final Machine, Urbanomic (2013) and essays in Realism, Materialism, Art, Sternberg Press (2014); Speculative Aesthetics, Urbanomic (2014); and The Flood of Rights, Merve (2013). www.amandabeech.com for Design and Geopolitics at the University of California, San Diego. He is also Professor at the European Graduate School in SaasFee, Switzerland. His research is situated at the intersections of contemporary social and political theory, computational media and infrastructure, architectural and urban design problems, and the politics of synthetic ecologies and biologies. His current work focuses on the political geography of cloud computing, highly granular universal addressing systems and alternate models of ecological governance. His next book, The Stack: On Software and Sovereignty, is forthcoming from MIT Press. Gregory Burke is co-curator of BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward) and Executive Director/CEO of the REMAI MODERN Art Gallery of Saskatchewan. He was Director of The Power Plant in Toronto (2005–2011) and Director of the Govett-Brewster Art Gallery in New Zealand (1998–2005). A seasoned and internationally respected curator and writer, Gregory Burke has curated over 90 exhibitions and published over 100 texts over the last 27 years. He has done major projects with artists such as Rosemarie Trockel, Christopher Williams, Sam Durant, Pae White, Marcel Odenbach, Lee Bul, Fiona Banner, Rafael Lozano-Hemmer, Simon Starling, Francesco Vezzoli, Scott Lyall, Candice Breitz, Ian Wallace, Michael Snow, Lawrence Weiner, Andrea Bowers, Goldin+Senneby, Iñigo Manglano-Ovalle, Thomas Hirschhorn, Derek Sullivan, Peter Campus and Sharon Lockhart, as well as the group exhibitions Feature: Art, Life and Cinema (2001), Extended Play: Art Remixing Music (2003), Bloom: Mutation, Toxicity and the Sublime (2004), Auto Emotion (2007) and Universal Code: Art and Cosmology in the Information Age (2009), which won the Ontario Érik Bordeleau is a postdoctoral researcher in the Philosophy Department at the Free University of Brussels. Erin Manning is Research Chair in Art and Relational Philosophy, Fine Arts, at Concordia University in Montréal. Brian Massumi is Professor in the Department of Communication at the Université de Montréal. Toni Pape is a postdoctoral researcher affiliate with The SenseLab, Concordia University, Montréal. Ronald RoseAntoinette is a PhD candidate in the Department of Art, Philosophy and Aesthetics at the University of Paris-8. Adam Szymanski is a PhD candidate in Film Studies at Concordia University, Montréal. Alanna Thain is Professor of Cultural Studies and World Cinema in the English Department at McGill University, Montréal. Benjamin H. Bratton is a theorist whose work spans philosophy, art and design. He is Associate Professor of Visual Arts and faculty coordinator of the MFA program, and Director of The Center 206 Association of Art Galleries’ “Exhibition of the Year” award. His exhibition Len Lye – Motion Sketch was on view at The Drawing Center, New York, in April 2014. Burke has also organized major exhibitions of Asian art, such as Mediarena: Contemporary Art from Japan (2004) and Transindonesia (2005). He was the Curator for New Zealand’s inaugural pavilion at the Venice Biennale (2001) and Commissioner for New Zealand’s pavilion at the Venice Biennale (2005). He has written for Art & Australia, Art + Text, Art Asia Pacific and Artforum. exhibitions including the inaugural Biennale of the Moving Image (Madrid, 1990), Tout le temps/Every Time (La Biennale de Montréal, 2000) and Analogue: Pioneering Video from the UK, Canada and Poland 1968-88 (co-curator, touring 2006-2008). Archival Dialogues: Reading the Black Star Collection, co-curated with Doina Popescu, inaugurated the Ryerson Image Centre (Toronto, 2012). A long-time member of the International Association of Art Critics and The Writers’ Union of Canada, she was honoured with the Toronto Arts Award for Visual Art (2000), followed by the Governor General’s Award in Visual and Media Arts (2006). Peggy Gale, an independent curator and critic whose texts on contemporary art, especially artists’ video, have become artistic benchmarks, is co-curator of BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward). She studied art history at the University of Toronto and the Università degli Studi in Florence, and has published extensively, with essays in Video By Artists (1976, 1986), Mirror Machine: Video and Identity (1995), Lectures obliques (1999) and many museum catalogues. Videotexts, her series of essays on narrative issues in artists’ video, was published in 1995 by Wilfrid Laurier University Press and The Power Plant. She was editor of Museums by Artists (with AA Bronson, 1983), Video re/View: The (best) Source for Critical Writings on Canadian Artists’ Video (with Lisa Steele, 1996), and Artists Talk 1969-1977, from The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, Halifax (2004). Gale was also lead researcher and principal writer for Video Art in Canada, a bilingual website launched in February 2006 and expanded the following year as part of the Virtual Museum of Canada, now housed at Vtape in Toronto. An independent curator since the mid-1970s, Gale has organized many Working collaboratively since 2002, artists Richard Ibghy and Marilou Lemmens have developed a research-based practice that combines a minimalist approach to the form and construction of the art object with a desire to make ideas visible. Their work has been presented in numerous events and exhibitions internationally, including the 27th Images Festival, Toronto (2014); Manif d’art 7: Québec City Biennial, Québec City (2014); La Filature, Scène Nationale, Mulhouse, France (2013-2014); Henie Onstad Kunstsenter, Høvikodden, Norway (2013); Centre for Contemporary Arts, Glasgow (2012); and the 10th Sharjah Biennial, Sharjah, UAE (2011). Recent solo exhibitions were held at Trinity Square Video, Toronto (2014), G Gallery, Toronto (2012), and Monte Vista Projects, Los Angeles (2012). They live and work in Montréal and Durham-Sud, QC. www.ibghylemmens.com Lesley Johnstone, co-curator of L’avenir (looking forward), joined the Musée d’art contemporain de Montréal (MAC) as a curator in 2007. She was previously Artistic Director of the International 207 Garden Festival at the Jardins de Métis from 2003 to 2007 and Head of Publications at the Canadian Centre for Architecture from 1998 to 2003, and was long associated with Artexte Information Centre. Johnstone’s particular focus is artists for whom research is central to their practice, who set their works within a historical context and whose art offers an examination of society. At the Musée d’art contemporain de Montréal, she was co-curator of The Québec Triennial (2011), as well as the curator of solo exhibitions by Eve Sussman (2013), Tino Sehgal (2013), Valérie Blass (2012), Luanne Martineau (2010), Francine Savard (2009) and Lynne Marsh (2008). Her group exhibition Yesterday’s Tomorrows (2010) brought together Québec, Canadian and international artists who revisit Modernist architecture and design. She has worked as an independent curator, written many catalogue texts and edited a number of critical anthologies and monographs on contemporary Canadian art, including Hybrids: Reshaping the Contemporary Garden in Métis, Sight Lines: Reading Contemporary Canadian Art, and Studiolo: The Collaborative Work of Martha Fleming and Lyne Lapointe. A member of the jury for the Sobey Art Award in 2010, Lesley Johnstone was also a member of the Visual Arts advisory committee of the Conseil des arts de Montréal and a juror for many public art projects for the City of Montréal and the Programme d’intégration d’art à l’architecture of the Ministère de la Culture et des Communications. She was a member of the Board of Directors of Artexte Information Centre from 1987 to 2008 and of the Foundation of the Jardins de Métis/International Garden Festival from 2007 to 2010. He previously worked as an independent curator and was Director of the Contemporary Art Galleries Association (Montréal). He has published articles in Canadian Art and Esse: Art + Opinions, among other magazines At the MAC, he coordinated the exhibitions Guy Ben Ner (2007), Arnaud Maggs: Nomenclature (2008) and Beat Nation: Art, Hip Hop and Aboriginal Culture (2013). He curated solo exhibitions of Yannick Pouliot (2008), Tacita Dean (2009), Marcel Dzama (2010), Runa Islam (2010), Daniel Young & Christian Giroux (2011), Pierre Dorion (2012) and Michel de Broin (2013). He also co-curated the two editions of The Québec Triennial (2008 and 2011) and the Claude Tousignant retrospective (2009). He was also responsible for … other spaces (2009), an exhibition of works from the collection. Station (2009), published by Semiotext(e), the novel-as-exhibition-catalogue New Dystopia (Sternberg, 2011) and two volumes of literary theory, Realometer (2009) and Dreaming the Mainstream (2013), published by Merve Verlag. He has been director of the Pure Fiction Seminar at the Staedelschule in Frankfurt since 2012. His new novel, Sundogz, will be published by Semiotext(e) in 2015. Gean Moreno is an artist and writer based in Miami. His work has been exhibited at the North Miami Museum of Contemporary Art, North Miami; Kunsthaus Palais Thurn & Taxis, Bregenz, Austria; Institute of Visual Arts, Milwaukee; Haifa Museum, Israel; Arndt & Partner, Zurich; Invisible-Exports, New York; and Manif d’art 5, Québec City. He has contributed texts to various magazines and catalogues. In 2008, he founded [NAME] Publications. In 2012, Notes sur la maison moirée (ou un urbanisme pour des villes qui se vident), a book of essays co-authored with Ernesto Oroza, was published by the École Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Étienne, France. He is Artistic Director at Cannonball, an artists’ residency and alternative school in Miami. American writer Mark von Schlegell first published in Komar & Melamid’s Spark! in 1991. Since then, his science fiction and cultural criticism have appeared regularly in periodicals, zines and chapbooks, and he has also contributed to exhibitions, films and catalogues the world over. He is the author of the scifi novels Venusia (2005) and Mercury Born in Montréal in 1974, Mark Lanctôt completed his Master’s in art history at the Université de Montréal in 2002. He is co-curator of BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward) and has been a curator at the Musée d’art contemporain de Montréal since October 2006. 208 209 s e r v u Œ rks o W 210 211 Liste des œuvres Matthew Buckingham, Northwest Passage, 2002, épreuve noir et blanc avec texte, 100 x 121 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Murray Guy, New York Nicolas Baier, Eternity, 2014, acier inoxydable, 3 x 7,6 x 2,6 m, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Division, Montréal et Toronto d’encre, installation : 2500 x 4000 x 5 cm, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative * produit par La Biennale de Montréal pour BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward) * Adaptive Actions (AA), Heteropolis. Sous la surface, rencontres dans les lieux de travail de la ville souterraine de Montréal, photographies, imprimés et rencontres avec les artistes, lieux et dimensions variables, avec l’aimable permission d’Adaptive Actions Arctic Perspective Initiative, API Systems Schematic, 2010-présent, impression au jet d’encre, dimensions variables, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, BRAMOR UAS, 2007/2014, appareil à corps et aile modulaires mixtes, senseur modulaire, lien vidéo sans fil, lumière électro-optique visible, imagerie multispectrale et hyperspectrale, 65 x 96 x 230 cm, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative * Abbas Akhavan, Fatigues, 2014, animaux empaillés (renard roux d’Amérique, petit-duc maculé, pic flamboyant, cerf de Virginie, viréo aux yeux rouges, porc-épic d’Amérique du Nord, paruline à joues grises et paruline à gorge orangée)��������������������������������������� et ateliers éducatifs, lieux et dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste, de The Third Line, Dubaï, et de la Galeri Mana, Istanbul Arctic Perspective Initiative, CircumpolarPhoenix, 2010-présent, drapeaux en nylon, impressions au jet d’encre, tablette, dimensions et configurations variables, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Edgar Arceneaux, A Time To Break Silence, 2013, vidéo monocanale avec son, 64 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste et de Susanne Vielmetter Los Angeles Projects Arctic Perspective Initiative, CDPDU – Common Data Processing and Display Unit, 2010-présent, composantes et logiciel sur mesure, ordinateur, données « open source », 50 x 135 x 44 cm, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Edgar Arceneaux, A Nobel Prize and a Bible, 2014, sept parties : peinture sur verre mirorisé, cadre en acier fabriqué à la main, ampoules rouges et vertes, 108 x 592 x 3,8 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Susanne Vielmetter Los Angeles Projects Arctic Perspective Initiative, Placenames (Nunavut), 2010-présent, peinture murale avec vinyle, interface, dimensions et configurations variables, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, ᑲᓪᐃᑕᖅ (Kallitaq) [Thunder/Lightning] Design Evaluation Structure, 2010-présent, bois, Teflon, corde, composantes électroniques, 20 x 6,6 x 1,5 m, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, Phoenix Declaration, 2010-présent, texte sur panneau, dimensions variables, avec l’aimable permission d’Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, ᐃᒃᐱᒃ / ᐃᒡᓗᓕᒃ (Ikpik/ Iglulik), 2010, 98 orthophotographies aériennes : impressions au jet 212 Taysir Batniji, de la série Interface, 2014, 11 de 79 impressions au jet d’encre sur papier, 53 x 80 cm (chaque), avec l’aimable permission de l’artiste, de la Sfeir-Semler Gallery, Hambourg, Allemagne/ Beyrouth, Liban et de la Galerie Éric Dupont, Paris; une commande du ministère de la Culture du Bahreïn, 2013 Matthew Buckingham, Self-Determination, 2014, feutre industriel, œillets, bois et pigment, deux sections : 216 x 216 x 140 cm (chaque), installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de Murray Guy, New York Mikko Canini, Untitled (Interview), 2011, projection : 80 diapositives 35 mm, avec l’aimable permission de l’artiste Amanda Beech, Final Machine, 2013, installation vidéo à trois canaux avec son, 45 minutes, installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste Mikko Canini, Untitled (Lecture), 2012, projection : 80 diapositives 35 mm, avec l’aimable permission de l’artiste Ursula Biemann, Deep Weather, 2013, vidéo monocanale avec son, 8:58 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste Simon Denny, All You Need Is Data: The DLD 2012 Conference REDUX Rerun, 2012, installation : 90 épreuves au jet d’encre sur toile, 160 x 110 x 1,8 cm (chaque), métal et texte en vinyle, installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Petzel Gallery, New York Raymond Boisjoly, (And) Other Echoes, 2013, installation : 12 impressions au jet d’encre à résolution écran montées derrière acrylique teinté gris, 91,5 x 122 cm (chaque) et texte en vinyle, installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver ; collection de la Mendel Art Gallery, Saskatoon Dave Dyment, A Drink To Us (When We’re Both Dead), 2008, coffret en bois de sapelli évidé, boîte recouverte de lin, contrat, carte et autres documents, installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de MK127, Toronto Andrea Bowers, Courtroom Drawings (Steubenville Rape Case, Text Messages Entered As Evidence, 2013), 2014, 56 dessins, feutre sur papier, 101,6 x 83,8 cm (chaque), installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de Susan Vielmetter Los Angeles Projects Dave Dyment, Timeline, 2010/2014, vidéo, 78 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste et de MK127, Toronto Andrea Bowers, #justiceforjanedoe, Anonymous Women Protestors, Steubenville Rape Case, March 13 – 17, 2013, 2014, graphite sur papier, 76,2 x 57,2 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Susan Vielmetter Los Angeles Projects ; Pomona College Collection, Claremont, CA Charles Gaines, Manifestos 1, 2008, installation : quatre vidéos monocanales et quatre dessins ; vidéos : 32 minutes ; Manifestos: Black Panther (1966), 2008, graphite sur papier, 158,8 x 115,6 cm ; Manifestos: Zapatista (1993), 2008, graphite sur papier, 192 x 114,3 cm ; Manifestos: Conscious Changes (1961), 2008, graphite sur 213 papier, 179,1 x 113,1 cm ; Manifestos: Socialist Congress (1917), 2008, graphite sur papier, 179,1 x 113,1 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Susan Vielmetter Los Angeles Projects ; collection du Hammer Museum, Los Angeles, achat permission de l’artiste et de la Galerie Art Mûr, Montréal Isabelle Hayeur, Aftermaths, 2013, installation vidéo monocanale avec son, 14:45 minutes, remerciements : A Studio In The Woods / Tulane University, Nouvelle-Orléans, et Blase Pezold, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Division, Montréal et Toronto * Ryan Gander, Tomorrow’s Achievements, 2014, quatre rideaux motorisés et processeur, 4,6 x 11 x 8 m, avec l’aimable permission de l’artiste, de gb agency, Paris, de Lisson Gallery, Londres et de TARO NASU, Tokyo Goldin+Senneby, « M&A » avec Jo Randerson (dramaturge), Paul Leong (banquier d’investissement), Ybodon (informaticien), Anna Heymowska (scénographe), Johan Hjerpe (graphiste) et Gerard Harris / Patrice Martre (acteurs), 2013/2014, répétitions théâtrales et spéculation financière, avec l’aimable permission de Goldin+Senneby Babak Golkar, TIME TO LET GO..., 2014, récipient en terre cuite et sacs de sable en jute, contenant : 183 x 74 cm ; installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et The Third Line, Dubaï ; collection de la Vancouver Art Gallery Dominique Gonzalez-Foerster, Return to Noreturn 2, 2014, installation incluant deux composantes : Dublinesca, 2012/2014, 8 lits superposés (4 bleus, 4 jaunes) et livres ; Noreturn, 2009, vidéo monocanale avec son, 19 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste et d’Esther Schipper, Berlin Nicolas Grenier, Promised Land Template, 2014, installation architecturale : bois, acrylique, matériaux de construction, lumière, filtres, trois tableaux et un cactus, 366 x 366 x 650 cm ; Promised Land Template, 2014, huile et acrylique sur toile, 183 x 122 cm ; Resurfacing Sediments (II), 2014, huile et acrylique sur bois, 91 x 61 cm ; Incoming Flux, 2014, huile et acrylique sur bois, 56 x 41 cm, avec l’aimable 214 * Richard Ibghy et Marilou Lemmens, The Golden USB, 2014, installation vidéo à multiples canaux avec son et sculpture, dimensions variables, avec l’aimable permission des artistes Isabelle Hayeur, Bayou Terrebonne 01, 2013, photographie, 102 x 213 cm, remerciements : A Studio In The Woods / Tulane University, Nouvelle-Orléans, et Blase Pezold, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Division, Montréal et Toronto Richard Ibghy et Marilou Lemmens, The Prophets, 2013, installation : technique mixte, table : 125 x 1300 x 81 cm, avec l’aimable permission des artistes Isabelle Hayeur, Bayou Terrebonne 02, 2013, photographie, 102 x 213 cm, remerciements : A Studio In The Woods / Tulane University, Nouvelle-Orléans, et Blase Pezold, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Division, Montréal et Toronto Simone Jones et Lance Winn, End of Empire, 2011, sculpture cinétique/installation vidéo, 15:30 minutes, appareil : 1,82 x 3,66 x 0,92 m, installation : dimensions variables, assistance technique : Wild Rhombus Software, Maxwell Design et Creative Post, avec l’aimable permission des artistes et de Ronald Feldman Fine Arts, New York * Isabelle Hayeur, Murs aveugles, 2014, projection vidéo architecturale in situ, muet, 15:20 minutes, remerciements au Partenariat du Quartier des spectacles, Montréal, avec l’aimable permission de l’artiste Emmanuelle Léonard, La Providence, 2014, installation vidéo monocanale avec son, 29 minutes, voix : Aleck Guès, avec l’aimable permission de l’artiste Thomas Hirschhorn, Touching Reality, 2012, installation vidéo monocanale, muet, 4:45 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste, de la Marian Goodman Gallery, New York, et de la Galerie Chantal Crousel, Paris Emmanuelle Léonard, Postcard from Bexhill-onSea, 2014, installation vidéo monocanale avec son, 15 minutes, voix : Édith Paquet et Pierre Étienne Rouillard, avec l’aimable permission de l’artiste * Klara Hobza, Diving Through Europe – Immersion Series, 2014, installation vidéo monocanale avec son, 8 minutes, musique : Klaus Janek, avec l’aimable permission de l’artiste et de Soy Capitán, Berlin et de Galerie für Landschaftskunst, Hambourg Li Ran, Before Indulgence, After Freedom, 2013, installation vidéo HD monocanale avec son, 15:50 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste * Klara Hobza, Diving Through Europe – Signals, 2014, installation vidéo à dix canaux avec son, vidéos : entre 30 et 90 secondes (chaque), Ann Lislegaard, Dobaded, 2014, projection vidéo monocanale (animation 3D), 11 minutes, installation : dimensions variables, remerciements à Jesper Carlsen pour l’animation 3D et au Danish Arts Council, avec l’aimable permission de l’artiste, de Murray Guy, New York, et de la Paul Andriesse Gallery, Amsterdam musique : Klaus Janek, installation : dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de Soy Capitán, Berlin et de Galerie für Landschaftskunst, Hambourg Ann Lislegaard, Time Machine, 2011, boîte en miroir, projection vidéo monocanale avec son, 11 minutes, boîte : 125 x 94 x 94 cm, installation : dimensions variables, remerciements spéciaux à Jesper Carlsen pour l’animation 3D, à Joshua Mittleman pour la voix, à Stefan Pedersen pour l’ingénierie sonore et au Danish Arts Council, avec l’aimable permission de l’artiste, de Murray Guy, New York, et de la Paul Andriesse Gallery, Amsterdam Basim Magdy, A Monument for Our Short-Sighted Heroes, 2011, aquarelle et peinture en aérosol sur papier, 45,5 x 61 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, An Eavesdropper Lurks in the Shadows of Your Thought, 2010, peinture en aérosol, acrylique et gouache sur papier, 64 x 103 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, Bringing the Sun Back to Earth on a Blue Day, 2011, peinture en aérosol et acrylique sur papier, 33 x 43 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, Every Decade Memory Poses as a Container Heavier than Its Carrier, 2013, peinture en aérosol et acrylique sur papier, 70 x 100 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de hunt kastner, Prague Li Ran, Pretty Knowledge, 2012, installation vidéo à deux canaux avec son, 6:27 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste et de Wang Bing, foundateur de la New Century Art Foundation, Pékin Basim Magdy, Expanding the Universe, 2008, acrylique, peinture en aérosol et gouache sur 215 papier, 38 x 51 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de hunt kastner, Prague Lynne Marsh, Anna and the Tower, 2014, installation vidéo à trois canaux avec son, 20:24 minutes, une commande du Goethe-Institut Toronto et du Toronto International Film Festival, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Donald Brown, Montréal Basim Magdy, Luck Takes An Unidentifiable Form At Sunrise, 2011, gouache, peinture en aérosol et collage sur papier, 38 x 50,5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York John Massey, Auto, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste Basim Magdy, Our Spies Saw an Early Pollination Season on the Horizon, 2013, peinture en aérosol, gouache, acrylique, crayon de couleur et collage sur papier, 47 x 64,5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de hunt kastner, Prague John Massey, Futurissimus, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste John Massey, Grind, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste Basim Magdy, Reenacting Lost Civilizations to Prevent an Impending Apocalypse, 2012, peinture en aérosol et acrylique sur papier, 50 x 65 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de hunt kastner, Prague John Massey, More, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste Basim Magdy, The Dent, 2014, film super 16 mm transferé en vidéo HD, 19:02 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste ; une commande du Abraaj Group Art Prize 2014, Dubaï John Massey, Now, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste Basim Magdy, The Only Memory I Have of my Past Life is the Uniformity of the Circumstances, 2010, peinture en aérosol et acrylique sur papier, 70 x 100 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York John Massey, One, 2012-2014, épreuve numérique, 162,4 x 162,4 x 5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste * Jillian Mayer, 400 Nudes, 2014, égoportraits trouvés, modifiés et présentés sous forme de cartes à emporter et site internet, cartes : 12,7 x 8,9 cm (chaque), 400nudes.com, avec l’aimable permission de l’artiste et de la David Castillo Gallery, Miami Basim Magdy, They Come In Threes Like Fireworks, 2011, aquarelle, peinture en aérosol et collage sur papier, 30,5 x 40 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de Marisa Newman Projects, New York Shirin Neshat, Illusions & Mirrors, 2013, installation vidéo HD monocanale avec son, 13:22 minutes, réalisé avec le soutien de Dior, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Gladstone Gallery, New York et Bruxelles Basim Magdy, They Endorsed Collective Failure as the Dawn of a New Renaissance, 2013, acrylique, peinture en aérosol et aquarelle sur papier, 45,5 x 60,5 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de hunt kastner, Prague 216 Jacqueline Hoang Nguyen, 1967: A People Kind of Place, 2012, films Super 8, 16 mm et 35 mm transféré en vidéo SD, 19:11 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste Kevin Schmidt, For the Hunter and Cook Auction, 2010, aquarelle sur papier, 39,4 x 48 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver ; collection de Michael Rothfeld et Erica Shuttleworth, Toronto Jacqueline Hoang Nguyen, Aerial View of St. Paul (flown 01-09-67), 2012, épreuve au jet d’encre pigmentée sur support archival, 127 x 213 cm, avec l’aimable permission de l’artiste Kevin Schmidt, For Tytus, 2010, aquarelle sur papier, 39,4 x 48 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver ; collection de Tytus Hardy, Whitehorse, YT Jacqueline Hoang Nguyen, Immigration Policy (point system), 2012, six feuilles d’acrylique gravé, 61 x 46 x 0,5 cm (chaque), avec l’aimable permission de l’artiste Skawennati, TimeTraveller™, 2008-2013, machinima avec son, 75:43 minutes, produit par « Aboriginal Territories in Cyberspace » avec le soutien du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche sur la société et la culture, de Hexagram Research Institute, du Conseil des arts du Canada et de l’Université Concordia, Montréal, avec l’aimable permission de l’artiste Jacqueline Hoang Nguyen, Slide, 2012, boîte lumineuse avec film imprimé au jet d’encre, pigménté sur sa surface avant et rétro-éclairé, 91 x 91 x 15 cm, avec l’aimable permission de l’artiste * Susan Norrie, Rules of Play, 2009-2014, installation vidéo HD monocanale avec son, 17 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste Lisa Steele et Kim Tomczak, ... before I wake, 2001-2012, installation vidéo avec son, 21 minutes, dimensions variables, avec l’aimable permission des artistes Kelly Richardson, Orion Tide, 2013-2014, installation vidéo HD à deux canaux avec son, 20 minutes, avec le soutien du Conseil des arts du Canada, du Arts Council England, d’Artpace San Antonio et de NewTek, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Robert Birch Gallery, Toronto Hito Steyerl, Liquidity Inc., 2014, installation vidéo HD monocanale avec son, 30 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste et de Wilfried Lentz, Rotterdam Kevin Schmidt, A Sign in the Northwest Passage, 2010-2012, installation multimédia, dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver ; collection de l’Art Gallery of Alberta, Edmonton, achetée grace à la contribution du John and Maggie Mitchell Endowment Fund et avec le soutien du programme d’aide aux acquisitions du Conseil des arts du Canada Oleg Tcherny, La Linea Generale [La ligne générale], 2010, installation vidéo monocanale avec son, 16 minutes, remerciements à Giorgio Agamben, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Miguel Abreu Gallery, New York Althea Thauberger, Preuzmimo Bencic [Reprends Bencic], 2013-2014, installation vidéo monocanale avec son, 57:14 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste, de Musagetes et de la Susan Hobbs Gallery, Toronto Kevin Schmidt, For Paul, 2010, aquarelle sur papier, 39,4 x 48 cm, avec l’aimable permission de l’artiste et de la Catriona Jeffries Gallery, Vancouver ; collection de Paul Baker, Carcross, YT David Tomas, This is Tomorrow, 2014, installation : 9 impressions au jet d’encre 217 sur toile, bibliothèque cellulaire, haut-parleur et composantes électroniques, installation : 3,7 x 7,3 x 6,1 m, un projet soutenu, en partie, par une bourse PAFARC de l’Université du Québec à Montréal, modelling Maya : Catherine Béliveau, recherche supplémentaire : Catherine Lescarbeau, avec l’aimable permission de l’artiste projections vidéo et éléments sculpturaux, dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Cybernetic Séance, 2011, vidéo monocanale avec son, 15 minutes, avec l’aimable permission de l’artiste, d’Annely Juda Fine Art, Londres et de P.P.O.W., New York Susan Turcot, Hide and Seek, 2012, 21 dessins : fusain sur papier, 38 x 53,5 cm (chaque), avec l’aimable permission de l’artiste et de la Galerie Ursula Walbröl, Düsseldorf * Susan Turcot, Automobility, 2014, pneus, acier, boue et bois, 3,5 x 5 x 5m, avec l’aimable permission de l’artiste Krzysztof Wodiczko, Homeless Projection : Place des Arts, 2014, projection vidéo avec son sur le Théâtre Maisonneuve, 14:45 minutes, coproduction : Musée d’art contemporain de Montréal, Partenariat du Quartier des spectacles et Centre Phi, en collaboration avec la Mission St. Michael pour BNLMTL 2014 ; collection du Musée d’art contemporain de Montréal * Anton Vidokle et Pelin Tan, 2084: a science fiction show, 2012-2014, installation vidéo à trois canaux avec son ; chaque épisode : 22 minutes, avec l’aimable permission des artistes Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams, 2009-2011, 5 épreuves giclées archivales sur papier Hahnemuhle Bamboo, 29.7 x 42 cm (chaque), avec l’aimable permission de l’artiste, d’Annely Juda Fine Art, Londres et de P.P.O.W., New York Hajra Waheed, KH-21, 2014, installation : œuvres sur papier et sculpture sonore, dimensions variables, remerciements à Laurel Sprengelmeyer et Jacques Gallant, avec l’aimable permission de l’artiste et de Experimenter Gallery, Kolkata Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams/From ARPANET to DARWARS via the Internet, 2009-2011, crayon feutre et aquarelle sur mur, dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste, d’Annely Juda Fine Art, Londres et de P.P.O.W., New York Lawrence Weiner, A NATURAL WATER COURSE DIVERTED REDUCED OR DISPLACED, 1969, langage + matériaux reférencés, dimensions et placements variables, avec l’aimable permission de l’artiste, de la Marian Goodman Gallery, New York et Paris, et de la Lisson Gallery, Londres Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams/From MKULTRA via the Counterculture to Technogaianism, 2009-2011, crayon feutre sur mur, dimensions variables, avec l’aimable permission de l’artiste, d’Annely Juda Fine Art, Londres et de P.P.O.W., New York Lawrence Weiner, AN ABRIDGEMENT OF AN ABUTMENT TO ON NEAR OR ABOUT THE ARCTIC CIRCLE, 1969, langage + matériaux référencés, dimensions et placements variables, avec l’aimable permission de l’artiste, de la Marian Goodman Gallery, New York et Paris, et de la Lisson Gallery, Londres ˇ ´ ˇ ´ Lawrence Weiner, THE ARCTIC CIRCLE SHATTERED, 1969, langage + matériaux référencés, dimensions et placements variables, sous la responsabilité de Lucy Lippard, avec l’aimable permission de l’artiste, de la Marian Goodman Gallery, New York et Paris, et de la Lisson Gallery, Londres Suzanne Treister, HEXEN 2.0/TAROT, 2009-2011, 78 épreuves giclées archivales avec aquarelle sur papier Hahnemuhle Bamboo, 21 x 29,7 cm (chaque), avec l’aimable permission de l’artiste, d’Annely Juda Fine Art, Londres et de P.P.O.W., New York Étienne Tremblay-Tardif, Matrice signalétique pour la réfection de l’échangeur Turcot, 20092020, installation : impressions numériques sur tissus et portfolio ouvert d’estampes, 218 219 List of works Mikko Canini, Untitled (Interview), 2011, projection: 80 35 mm slides, courtesy of the artist Hamburg, Germany/Beirut, Lebanon, and Galerie Éric Dupont, Paris ; commissioned by the Ministry of Culture of Bahrain, 2013 Arctic Perspective Initiative, API Systems Schematic, 2010-present, inkjet print, dimensions variable, courtesy of Arctic Perspective Initiative * produced by La Biennale de Montréal for BNLMTL 2014, L’avenir (looking forward) * Adaptive Actions (AA), Heteropolis. Below the Surface, 2014, workplace encounters in Montréal’s underground city, photography, printed matter and artists’ talks, location and dimensions variable, courtesy of Adaptive Actions Arctic Perspective Initiative, BRAMOR UAS, 2007/2014, blended wing body modular airframe, modular sensor payload, wireless video link, electro-optical visible light, multispectral and hyperspectral imaging, 65 x 96 x 230 cm, courtesy of Arctic Perspective Initiative * Abbas Akhavan, Fatigues, 2014, taxidermy animals (American Red Fox, Screech Owl, Northern Flicker, White-tailed deer, Red-eyed Vireo, North American Porcupine, Nashville Warbler, Blackburnian Warbler) and educational workshops, location and dimensions variable, courtesy of the artist, The Third Line, Dubai, and Galeri Mana, Istanbul Arctic Perspective Initiative, CDPDU – Common Data Processing and Display Unit, 2010-present, custom software/hardware, computer, open source data, 50 x 135 x 44 cm, courtesy of Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, CircumpolarPhoenix, 2010-present, nylon flags, inkjet prints, tablet computer, dimensions and configuration variable, courtesy of Arctic Perspective Initiative Edgar Arceneaux, A Nobel Prize and a Bible, 2014, seven parts: painting on mirrored glass, handcrafted steel frame and red and green light bulbs, 108 x 592 x 3.8 cm, courtesy of the artist and Susanne Vielmetter Los Angeles Projects Arctic Perspective Initiative, Phoenix Declaration, 2010-present, text on panel, courtesy of Arctic Perspective Initiative Edgar Arceneaux, A Time To Break Silence, 2013, single-channel video with sound, 64 minutes, courtesy of the artist and Susanne Vielmetter Los Angeles Projects Arctic Perspective Initiative, Placenames (Nunavut), 2010-present, wall painting with vinyl, custom interface, dimensions and configuration variable, courtesy of Arctic Perspective Initiative Arctic Perspective Initiative, ᑲᓪᐃᑕᖅ (Kallitaq) [Thunder/Lightning] Design Evaluation Structure,, 2010-present, wood, composites, Teflon, rope, electronics, 20 x 6.6 x 1.5 m, courtesy of Arctic Perspective Initiative Nicolas Baier, Eternity, 2014, stainless steel, 3 x 7.6 x 2.6 m, courtesy of the artist and Galerie Division, Montréal and Toronto Arctic Perspective Initiative, ᐃᒃᐱᒃ / ᐃᒡᓗᓕᒃ (Ikpik/ Iglulik), 2010, 98 aerial orthophotographs: inkjet prints, installation: 2500 x 4000 x 5 cm, courtesy of Arctic Perspective Initiative Taysir Batniji, from the series Interface, 2014, 11 of 79 inkjet prints on paper, 53 x 80 cm (each), courtesy of the artist, Sfeir-Semler Gallery, 220 Mikko Canini, Untitled (Lecture), 2012, projection: 80 35 mm slides, courtesy of the artist Amanda Beech, Final Machine, 2013, threechannel video installation with sound, 45 minutes, installation: dimensions variable, courtesy of the artist Simon Denny, All You Need Is Data: The DLD 2012 Conference REDUX Rerun, 2012, 90 inkjet prints on canvas, 160 x 110 x 1.8 cm (each), metal and vinyl text, installation: dimensions variable, courtesy of the artist and Petzel Gallery, New York Ursula Biemann, Deep Weather, 2013, singlechannel video with sound, 8:58 minutes, courtesy of the artist Raymond Boisjoly, (And) Other Echoes, 2013, installation: 12 screen-resolution lightjet prints face-mounted to grey acrylic glass, 91.5 x 122 cm (each) and vinyl text, installation: dimensions variable; collection of the Mendel Art Gallery, Saskatoon Dave Dyment, A Drink To Us (When We’re Both Dead), 2008, empty sapele wood container, linen box, contract, map and other ephemera, installation: dimensions variable, courtesy of the artist and MK127, Toronto Dave Dyment, Timeline, 2010/2014, video, 78 minutes, courtesy of the artist and MK127, Toronto Andrea Bowers, Courtroom Drawings (Steubenville Rape Case, Text Messages Entered As Evidence, 2013), 2014, 56 drawings, marker on paper, 101.6 x 83.8 cm (each), installation: dimensions variable, courtesy of the artist and Susan Vielmetter Los Angeles Projects Charles Gaines, Manifestos 1, 2008, installation: four single-channel videos and four drawings; videos: 32 minutes; Manifestos: Black Panther (1966), 2008, graphite on paper, 158.8 x 115.6 cm; Manifestos: Zapatista (1993), 2008, graphite on paper, 192 x 114.3 cm; Manifestos: Conscious Changes (1961), 2008, graphite on paper, 179.1 x 113.1 cm; Manifestos: Socialist Congress (1917), 2008, graphite on paper, 179.1 x 113.1 cm, courtesy of the artist and Susan Vielmetter Los Angeles Projects; collection of the Hammer Museum, Los Angeles, Purchase Andrea Bowers, #justiceforjanedoe, Anonymous Women Protestors, Steubenville Rape Case, March 13 – 17, 2013, 2014, graphite on paper, 76.2 x 57.2 cm, courtesy of the artist and Susan Vielmetter Los Angeles Projects; Pomona College Collection, Claremont, CA Matthew Buckingham, Northwest Passage, 2002, black-and-white print with text, 100 x 121 cm, courtesy of the artist and Murray Guy, New York * Ryan Gander, Tomorrow’s Achievements, 2014, 4 motorized curtains and processor, 4.6 x 11 x 8 m, courtesy of the artist, gb agency, Paris, Lisson Gallery, London, and TARO NASU, Tokyo Matthew Buckingham, Self-Determination, 2014, pigment, industrial felt, grommets, wood, two sections: 216 x 216 x 140 cm (each); installation: dimensions variable, courtesy of the artist and Murray Guy, New York Goldin+Senneby, “M&A” with Jo Randerson (playwright), Paul Leong (investment banker), Ybodon (computer scientist), Anna 221 Heymowska (set designer), Johan Hjerpe (graphic designer) and Gerard Harris / Patrice Martre (actors), 2013/2014, theatrical rehearsals and financial speculation, courtesy of Goldin+Senneby In The Woods / Tulane University, New Orleans, and Blase Pezold, courtesy of the artist and Galerie Division, Montréal and Toronto * Isabelle Hayeur, Murs aveugles, 2014, site-specific architectural video projection, silent, 15:20 minutes, thanks to the Quartier des Spectacles Partnership, Montréal, courtesy of the artist Babak Golkar, TIME TO LET GO..., 2014, terracotta vessel and burlap sandbags, vessel: 183 x 74 cm; installation: dimensions variable, courtesy of the artist and The Third Line, Dubai; collection of the Vancouver Art Gallery Thomas Hirschhorn, Touching Reality, 2012, single-channel video installation, silent, 4:45 minutes, courtesy ������������������������������������ of the artist, Marian Goodman Gallery, New York, and Galerie Chantal Crousel, Paris Dominique Gonzalez-Foerster, Return to Noreturn 2, 2014, installation including two components: Dublinesca, 2012/2014, 8 bunk beds (4 blue, 4 yellow), and books; Noreturn, 2009, single-channel video with sound, 19 minutes, courtesy of the artist and Esther Schipper, Berlin * Klara Hobza, Diving Through Europe – Immersion Series, 2014, single-channel video installation with sound, 8 minutes, music: Klaus Janek, courtesy of the artist, Soy Capitán, Berlin and Galerie für Landschaftskunst, Hamburg Nicolas Grenier, Promised Land Template, 2014, architectural installation: wood, acrylic, construction materials, light, filters, three paintings and a cactus, 366 x 366 x 650 cm; Promised Land Template, 2014, oil and acrylic on canvas, 183 x 122 cm; Resurfacing Sediments (II), 2014, oil and acrylic on wood, 91 x 61 cm; Incoming Flux, 2014, oil and acrylic on wood, 56 x 41 cm, courtesy of the artist and Galerie Art Mûr, Montréal * Klara Hobza, Diving Through Europe – Signals, 2014, ten-channel video installation with sound, videos: between 30 and 90 seconds (each), music: Klaus Janek, installation: dimensions and duration variable, courtesy of the artist, Soy Capitán, Berlin and Galerie für Landschaftskunst, Hamburg * Richard Ibghy and Marilou Lemmens, The Golden USB, 2014, multi-channel video installation with sound, sculpture, dimensions variable, courtesy of the artists Isabelle Hayeur, Aftermaths, 2013, singlechannel video with sound, 14:45 minutes, thanks to A Studio In The Woods / Tulane University, New Orleans, and Blase Pezold, courtesy of the artist and Galerie Division, Montréal and Toronto Richard Ibghy and Marilou Lemmens, The Prophets, 2013-2014, installation: mixed media, table: 125 x 1300 x 81 cm, courtesy of the artists Isabelle Hayeur, Bayou Terrebonne 01, 2013, photograph, 102 x 213 cm, thanks to A Studio In The Woods / Tulane University, New Orleans and Blase Pezold, courtesy of the artist and Galerie Division, Montréal and Toronto Simone Jones and Lance Winn, End of Empire, 2011, kinetic sculpture/video installation, 15:30 minutes, apparatus: 1.82 x 3.66 x 0.92 m, installation: dimensions variable, technical assistance: Wild Rhombus Software, Maxwell Isabelle Hayeur, Bayou Terrebonne 02, 2013, photograph, 102 x 213 cm, thanks to A Studio 222 Basim Magdy, An Eavesdropper Lurks in the Shadows of Your Every Thought, 2010, spray paint, acrylic and gouache on paper, 64 x 103 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Design and Creative Post, courtesy of the artists and Ronald Feldman Fine Arts, New York Emmanuelle Léonard, La Providence, 2014, single-channel HD video installation with sound, 29 minutes, voice: Aleck Guès, courtesy of the artist Basim Magdy, Bringing the Sun Back to Earth on a Blue Day, 2011, spray paint and acrylic on paper, 33 x 43 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Emmanuelle Léonard, Postcard from Bexhillon-Sea, 2014, single-channel HD video installation with sound, 15 minutes, voices: Édith Paquet and Pierre Étienne Rouillard, courtesy of the artist Basim Magdy, Every Decade Memory Poses as a Container Heavier than Its Carrier, 2013, spray paint and acrylic on paper, 70 x 100 cm, courtesy of the artist and hunt kastner, Prague Li Ran, Before Indulgence, After Freedom, 2013, single-channel HD video with sound, 15:50 minutes, courtesy of the artist Basim Magdy, Expanding the Universe, 2008, acrylic, spray paint and gouache on paper, 38 x 51 cm, courtesy of the artist and hunt kastner, Prague Li Ran, Pretty Knowledge, 2012, two-channel video installation with sound, 6:27 minutes, courtesy of the artist and of Wang Bing, founder of the New Century Art Foundation, Beijing Basim Magdy, Luck Takes An Unidentifiable Form At Sunrise, 2011, gouache, spray paint and collage on paper, 38 x 50.5 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Ann Lislegaard, Dobaded, 2014, singlechannel HD video projection (3D animation), 11 minutes, installation: dimensions variable, special thanks to Jesper Carlsen for 3D animation and the Danish Arts Council, courtesy of the artist, Murray Guy Gallery, New York, and Paul Andriesse Gallery, Amsterdam Basim Magdy, Our Spies Saw an Early Pollination Season on the Horizon, 2013, spray paint, gouache, acrylic, coloured pencil and collage on paper, 47 x 64.5 cm, courtesy of the artist and hunt kastner, Prague Ann Lislegaard, Time Machine, 2011, mirrored box, HD video projection with sound, 11 minutes, mirrored box: 125 x 94 x 94 cm, installation: dimensions variable, special thanks to Jesper Carlsen for 3D animation, Joshua Mittleman for voice, Stefan Pedersen for sound engineering and the Danish Arts Council, courtesy of the artist, Murray Guy Gallery, New York, and Paul Andriesse Gallery, Amsterdam Basim Magdy, Reenacting Lost Civilizations to Prevent an Impending Apocalypse, 2012, spray paint and acrylic on paper, 50 x 65 cm, courtesy of the artist and hunt kastner, Prague Basim Magdy, The Dent, 2014, super 16 mm film transferred to full HD video, 19:02 minutes courtesy of the artist, commissioned by the Abraaj Group Art Prize, Dubai Basim Magdy, A Monument for Our Short-Sighted Heroes, 2011, watercolour and spray paint on paper, 45.5 x 61 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, The Only Memory I Have of my Past Life is the Uniformity of the Circumstances, 223 Shirin Neshat, Illusions & Mirrors, 2013, single-channel HD video projection with sound, 13:22 minutes, realized with the support of Dior, courtesy of the artist and Gladstone Gallery, New York and Brussels 2010, spray paint and acrylic on paper, 70 x 100 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, They Come In Threes Like Fireworks, 2011, watercolour, spray paint and collage on paper, 30.5 x 40 cm, courtesy of the artist and Marisa Newman Projects, New York Basim Magdy, They Endorsed Collective Failure as the Dawn of a New Renaissance, 2013, acrylic, spray paint and watercolour on paper, 45.5 x 60.5 cm, courtesy of the artist and hunt kastner, Prague Lynne Marsh, Anna and the Tower, 2014, three-channel HD video installation with sound, 20:24 minutes, co-commissioned by the Goethe-Institut Toronto and the Toronto International Film Festival, courtesy of the artist and Donald Brown Gallery, Montréal Jacqueline Hoang Nguyen, 1967: A People Kind of Place, 2012, Super 8, 16 mm and 35 mm films transferred to SD video with sound, 19:11 minutes, courtesy of the artist Kevin Schmidt, For the Hunter and Cook Auction, 2010, watercolour on paper, 39.4 x 48 cm, courtesy of the artist and Catriona Jeffries Gallery, Vancouver; collection of Michael Rothfeld and Erica Shuttleworth, Toronto Jacqueline Hoang Nguyen, Aerial View of St. Paul (flown 01-09-67), 2012, pigmented inkjet on archival media, 127 x 213 cm, courtesy of the artist Kevin Schmidt, For Tytus, 2010, watercolour on paper, 39.4 x 48 cm, courtesy of the artist and Catriona Jeffries Gallery, Vancouver; collection of Tytus Hardy, Whitehorse, YT Jacqueline Hoang Nguyen, Immigration Policy (point system), 2012, six etched acrylic sheets, 61 x 46 x 0.5 cm (each), courtesy of the artist Skawennati, TimeTraveller™, 2008-2013, machinima with sound 75:43 minutes, produced by Aboriginal Territories in Cyberspace, with generous funding from Social Sciences and Humanities Research Council, Fonds de recherche sur la société et la culture, Hexagram Research Institute, Canada Council for the Arts and Concordia University, Montréal, courtesy of the artist John Massey, Auto, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist Jacqueline Hoang Nguyen, Slide, 2012, light box with pigmented inkjet on front-printed backlit film, 91 x 91 x 15 cm, courtesy of the artist John Massey, Futurissimus, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist * Susan Norrie, Rules of Play, 2009-2014, single-channel HD video installation with sound, 17 minutes, courtesy of the artist John Massey, Grind, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist Kelly Richardson, Orion Tide, 2013-2014, twochannel HD video installation with sound, 20 minutes. with support from the Canada Council for the Arts, Arts Council England, Artpace San Antonio and NewTek, courtesy of the artist and Robert Birch Gallery, Toronto John Massey, More, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist John Massey, Now, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist Kevin Schmidt, A Sign in the Northwest Passage, 2010-2012, multimedia installation, dimensions variable, courtesy of the artist and Catriona Jeffries Gallery, Vancouver; collection of the Art Gallery of Alberta, Edmonton, purchased with funds from the John and Maggie Mitchell Endowment Fund and with the support of the Canada Council for the Arts Acquisition Assistance Program John Massey, One, 2012-2014, digital print, 162.4 x 162.4 x 5 cm, courtesy of the artist * Jillian Mayer, 400 Nudes, 2014, modified found selfies presented as takeaway cards and website, cards: 12.7 x 8.9 cm (each), www.400nudes.com, courtesy of the artist and David Castillo Gallery, Miami 224 Kevin Schmidt, For Paul, 2010, watercolour on paper, 39.4 x 48 cm, courtesy of the artist and Catriona Jeffries Gallery, Vancouver; collection of Paul Baker, Carcross, YT David Tomas, This is Tomorrow, 2014, installation: 9 inkjet prints mounted on canvas, cellular bookcase, speaker and electronics, installation: 3.7 x 7.3 x 6.1 m, project funded, in part, by a PAFARC grant from the Université du Québec à Montréal, modelling Maya: Catherine Béliveau, supplementary research: Catherine Lescarbeau, courtesy of the artist Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Cybernetic Séance, 2011, single-channel video with sound, 15 minutes, courtesy of the artist, Annely Juda Fine Art, London and P.P.O.W., New York Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams, 2009-2011, 5 archival giclée prints on Hahnemuhle Bamboo paper, 29.7 x 42 cm (each), courtesy of the artist, Annely Juda Fine Art, London and P.P.O.W., New York Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams/From ARPANET to DARWARS via the Internet, 2009-2011, marker on wall, dimensions variable, courtesy of the artist, Annely Juda Fine Art, London and P.P.O.W., New York Lisa Steele and Kim Tomczak, ... before I wake, 2001-2012, video installation with sound, 21 minutes, dimensions variable, courtesy of the artists Suzanne Treister, HEXEN 2.0/Historical Diagrams/From MKULTRA via the Counterculture to Technogaianism, 2009-2011, marker on wall, dimensions variable, courtesy of the artist, Annely Juda Fine Art, London and P.P.O.W., New York Hito Steyerl, Liquidity Inc., 2014, singlechannel video installation with sound, 30 minutes, courtesy of the artist and Wilfried Lentz, Rotterdam Suzanne Treister, HEXEN 2.0/TAROT, 20092011, 78 archival giclée prints with watercolour on Hahnemuhle Bamboo paper, 21 x 29.7 cm (each), courtesy of the artist, Annely Juda Fine Art, London and P.P.O.W., New York Oleg Tcherny, La Linea Generale [The General Line], 2010, single-channel video with sound, 16 minutes, thanks to Giorgio Agamben, courtesy of the artist and Miguel Abreu Gallery, New York Étienne Tremblay-Tardif, Signage Matrix for the Refection of the Turcot Interchange, 20092020, installation: digital prints on fabrics and open print portfolio, projections and sculptural elements, installation: dimensions variable, courtesy of the artist Althea Thauberger, Preuzmimo Bencic [Take Back Bencic], 2013-2014, single-channel video with sound, 57:14 minutes, courtesy of the artist, Musagetes and Susan Hobbs Gallery, Toronto 225 * Susan Turcot, Automobility, 2014, tires, steel, mud and wood, 3.5 x 5 x 5m, courtesy of the artist Michael’s Mission for BNLMTL 2014; collection of the Musée d’art contemporain de Montréal Susan Turcot, Hide and Seek, 2012, 21 drawings: charcoal on paper, 38 x 53.5 cm (each), courtesy of the artist and Galerie Ursula Walbröl, Düsseldorf * Anton Vidokle and Pelin Tan, 2084: a science fiction show, 2012-2014, three-channel video installation with sound; each episode: 22 minutes; total duration: 66 minutes, courtesy of the artists Hajra Waheed, KH-21, 2014, mixed media installation: works on paper and sound sculpture, installation: dimensions variable, thanks to Laurel Sprengelmeyer and Jacques Gallant, courtesy of the artist and Experimenter Gallery, Kolkata Lawrence Weiner, A NATURAL WATER COURSE DIVERTED REDUCED OR DISPLACED, 1969, language + the materials referred to, dimensions and placement variable, courtesy of the artist, Marian Goodman Gallery, New York and Paris, and Lisson Gallery, London Lawrence Weiner, AN ABRIDGEMENT OF AN ABUTMENT TO ON NEAR OR ABOUT THE ARCTIC CIRCLE, 1969, language + the materials referred to, dimensions and placement variable, c���� ourtesy of the artist, Marian Goodman Gallery, New York and Paris, and Lisson Gallery, London Lawrence Weiner, THE ARCTIC CIRCLE SHATTERED, 1969, language + the materials referred to, dimensions and placement variable, under the responsibility of Lucy Lippard, c���� ourtesy of the artist, Marian Goodman Gallery, New York and Paris, and Lisson Gallery, London Krzysztof Wodiczko, Homeless Projection: ˇ ´ with Place des Arts, 2014, video projection ´ sound on ˇThéâtre Maisonneuve, 14:45 minutes, co-produced by the Musée d’art contemporain de Montréal, the Quartier des Spectacles Partnership and the Phi Centre, in collaboration with St. 226 Artistes / Artists Adaptive Actions Jean-Maxime Dufresne & Jean-François Prost Fondé en 2007 ; basé à Montréal / Founded in 2007; based in Montréal Taysir Batniji Né en 1966 à Gaza, Palestine / Born in 1966 in Gaza, Palestine Vit et travaille à Paris et en Palestine / Lives and works in Paris and Palestine adaptiveactions.net/information taysirbatniji.com Abbas Akhavan Né à Téhéran, Iran / Born in 1977 in Tehran, Iran Vit et travaille à Toronto et Istanbul / Lives and works in Toronto and Istanbul Amanda Beech Née en 1972 à Cheshire, Angleterre / Born in 1972 in Cheshire, England Vit et travaille à Los Angeles / Lives and works in Los Angeles abbasakhavan.com Edgar Arceneaux Né en 1972 à Los Angeles / Born in 1972 in Los Angeles Vit et travaille à Los Angeles / Lives and works in Los Angeles amandabeech.com Ursula Biemann Née en 1955 à Zurich / Born in 1955 in Zurich Vit et travaille à Zurich / Lives and works in Zurich vielmetter.com/artists/edgar-arceneaux geobodies.org Arctic Perspective Initiative Matthew Biederman & Marko Peljhan Fondé en 2006 ; basé au Canada et en Slovénie / Founded in 2006; based in Canada and Slovenia Biederman : Né en 1972 à Chicago Heights, IL / Born in 1972 in Chicago Heights, IL Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal Peljhan : Né en 1969 à Šempeter pri Gorici, Slovénie / Born in 1969 in Šempeter pri Gorici, Slovenia Vit et travaille en Slovénie, aux États-Unis et en Latvie / Lives and works in Slovenia, the United States and Latvia Raymond Boisjoly Né en 1981 à Langley, C.-B. / Born in 1981 in Langley, BC Vit et travaille à Vancouver / Lives and works in Vancouver arcticperspective.org Mikko Canini Né en 1975 à Guelph, ON / Born in 1975 in Guelph, ON Vit et travaille à Toronto / Lives and works in Toronto Babak Golkar Né en 1977 à Berkeley, CA / Born in 1977 in Berkeley, CA Vit et travaille à Vancouver / Lives and works in Vancouver babakgolkar.ca Simon Denny Né en 1982 à Auckland, Nouvelle-Zélande / Born in 1982 in Auckland, New Zealand Vit et travaille à Berlin / Lives and works in Berlin Dominique Gonzalez-Foerster Née en 1965 à Strasbourg, France / Born in 1965 in Strasbourg, France Vit et travaille à Paris et Rio de Janeiro / Lives and works in Paris and Rio de Janeiro petzel.com/artists/simon-denny/ Dave Dyment Né en 1970 à Toronto / Born in 1970 in Toronto Vit et travaille à Toronto / Lives and works in Toronto www.dgf5.com Nicolas Grenier Né en 1982 à Montréal / Born in 1982 in Montréal Vit et travaille à Montréal et Los Angeles / Lives and works in Montréal and Los Angeles davedyment.com Charles Gaines Né en 1944 à Charleston en Caroline du Sud / Born in 1944 in Charleston, SC Vit et travaille à Los Angeles / Lives and works in Los Angeles nicolasgrenier.com Isabelle Hayeur Née en 1969 à Montréal / Born in 1969 in Montréal Vit et travaille à Rawdon, QC / Lives and works in Rawdon, QC paulacoopergallery.com/artists/CGA isabelle-hayeur.com raymondboisjoly.com Ryan Gander Né en 1976 à Chester, Royaume-Uni / Born in 1976 in Chester, UK Vit et travaille à Londres et Suffolk, Royaume-Uni / Lives and works in London and Suffolk, UK Thomas Hirschhorn Né en 1957 à Berne, Suisse / Born in 1957 in Bern, Switzerland Vit et travaille à Paris / Lives and works in Paris lissongallery.com/artists/ryan-gander gladstonegallery.com/artist/thomas-hirschhorn Matthew Buckingham Né en 1963 à Nevada, IA / Born in 1963 in Nevada, IA Vit et travaille à New York / Lives and works in New York Goldin+Senneby Plateforme de collaboration créée en 2004 par Simon Goldin et Jakob Senneby / Framework for collaboration founded in 2004 by Simon Goldin and Jakob Senneby Basée à Stockholm / Based in Stockholm Klara Hobza Né en 1975 à Pilsen, République tchèque / Born in 1975 in Pilsen, Czech Republic Vit et travaille à Berlin / Lives and works in Berlin matthewbuckingham.net goldinsenneby.com Andrea Bowers Née en 1965 à Wilmington, OH / Born in 1965 in Wilmington, OH Vit et travaille à Los Angeles / Lives and works in Los Angeles vielmetter.com/artists/andrea-bowers/ Nicolas Baier Né en 1967 à Montréal / Born in 1967 in Montréal Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal klarahobza.com Richard Ibghy et Marilou Lemmens Ibghy : Né en 1964 à Montréal / Born in 1964 in Montréal nicolasbaier.com 228 229 Lemmens : Née en 1976 à Ascot Corner, QC / Born in 1976 in Ascot Corner, QC Vivent et travaillent à Montréal et à Durham-Sud, QC / Live and work in Montréal and Durham-Sud, QC Vit et travaille à Londres, Berlin et Montréal / Lives and works in London, Berlin and Montréal Étienne Tremblay-Tardif Né en 1984 à l’Isle-aux-Coudres, QC / Born in 1984 in Isle-aux-Coudres, QC Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal works in Berlin and Vancouver catrionajeffries.com/artists/kevin-schmidt lynnemarsh.net ibghylemmens.com Simone Jones et Lance Winn Jones : Née en 1966 à Haliburton, ON / Born in 1966 in Haliburton, ON Vit et travaille à Toronto / Lives and works in Toronto Winn : Né en 1970 à Kansas City / Born in 1970 in Kansas City Vit et travaille à Wilmington, DE / Lives and works in Wilmington, DE John Massey Né en 1950 à Toronto / Born in 1950 in Toronto Vit et travaille à Toronto / Lives and works in Toronto Skawennati Née en 1969 à Kahnawake, QC / Born in 1969 in Kahnawake, QC Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal johnmassey.ca skawennati.com Jillian Mayer Née en 1984 à Miami / Born in 1984 in Miami Vit et travaille dans le sud de la Floride / Lives and works in South Florida Lisa Steele et Kim Tomczak Steele : Née en 1947 à Kansas City / Born in 1947 in Kansas City Tomczak : Né en 1952 à Victoria, BC / Born in 1952 in Victoria, BC Vivent et travaillent à Toronto / Live and work in Toronto jillianmayer.net Shirin Neshat Née en 1957 à Qazvin, Iran / Born in 1957 in Qazvin, Iran Vit et travaille à New York / Lives and works in New York simonejones.com Emmanuelle Léonard Née en 1971 à Montréal / Born in 1971 in Montréal Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal gladstonegallery.com/artist/shirin-neshat etiennetremblaytardif.com Susan Turcot Née en 1966 à Montréal / Born in 1966 in Montréal Vit et travaille à Whitstable, Royaume-Uni et Kamouraska, QC / Lives and works in Whitstable, UK and Kamouraska, QC susanturcot.info Anton Vidokle et Pelin Tan Vidokle : Né en 1965 à Moscou / Born in 1965 in Moscow Vit et travaille à New York et Berlin / Lives and works in New York and Berlin Tan : Née en 1974 à Hilden, Allemagne / Born in 1974 in Hilden, Germany Vit et travaille à Istanbul et Mardin, Turquie / Lives and works in Istanbul and Mardin, Turkey steeleandtomczak.com Hito Steyerl Née en 1966 à Munich / Born in Munich in 1966 Vit et travaille à Berlin / Lives and works in Berlin emmanuelleleonard.org Jacqueline Hoang Nguyen Née en 1979 à Montréal / Born in 1979 in Montréal Vit et travaille à Stockholm et Montréal / Lives and works in Stockholm and Montréal Li Ran Né en 1986 à Hubei, Chine / Born in 1986 in Hubei, China Vit et travaille à Pékin / Lives and works in Beijing jacquelinehoangnguyen.com Oleg Tcherny Né en 1973 à Minsk, Biélorussie / Born in 1973 in Minsk, Belarus Vit et travaille à Paris, Venise et Princeton, NJ / Lives and works in Paris, Venice and Princeton, NJ Susan Norrie Née en 1953 à Sydney, Australie / Born in 1953 in Sydney, Australia Vit et travaille à Sydney / Lives and works in Sydney Althea Thauberger Née en 1970 à Saskatoon, SK / Born in 1970 in Saskatoon, SK Vit et travaille à Vancouver / Lives and works in Vancouver scanlines.net/person/susan-norrie susanhobbs.com/artist/30059278-althea- thauberger Kelly Richardson Née en 1972 à Burlington, ON / Born in 1972 in Burlington, ON Vit et travaille à Whitley Bay, Royaume-Uni / Lives and works in Whitley Bay, UK David Tomas Né en 1950 à Montréal / Born in 1950 in Montréal Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal Hajra Waheed Née en 1980 à Calgary / Born in 1980 in Calgary Vit et travaille à Montréal / Lives and works in Montréal li-ran.org Ann Lislegaard Née en 1962 à Tønsberg, Norvège / Born in 1962 in Tønsberg, Norway Vit et travaille à Copenhague et New York / Lives and works in Copenhagen and New York hajrawaheed.com Lawrence Weiner Né en 1942 dans le Bronx, NY / Born in 1942 in The Bronx, NY Vit et travaille à New York et Amsterdam / Lives and works in New York and Amsterdam lislegaard.com Basim Magdy Né en 1977 à Assiut, Égypte / Born in 1977 in Assiut, Egypt Vit et travaille au Caire et à Bale, Suisse / Lives and works in Cairo and Basel, Switzerland kellyrichardson.net basimmagdy.com Kevin Schmidt Née en 1972 à Ottawa / Born in 1972 in Ottawa Vit et travaille à Berlin et Vancouver / Lives and Lynne Marsh Née en 1969 à Vancouver / Born in 1969 in Vancouver 230 lissongallery.com/artists/lawrence-weiner Krzysztof Wodiczko Né en 1943 à Varsovie, Pologne / Born in 1943 in Warsaw, Poland Vit et travaille à New York et Cambridge, MA / Lives and works in New York and Cambridge, MA davidtomas.org Suzanne Treister Née en 1958 à Londres / Born in 1958 in London Vit et travaille à Londres / Lives and works in London galerielelong.com/artist/krzysztof-wodiczko suzannetreister.net 231 BNLMTL 2014 est présentée par La Biennale de Montréal et co-produite par le Musée d’art contemporain de Montréal. / BNLMTL 2014 is presented by La Biennale de Montréal and co-produced with the Musée d’art contemporain de Montréal. Partenaires publics / Public Partners Présentateur / Presenting sponsor Partenaire majeur / Major Partner Partenaires internationaux / International Partners Grands partenaires / Distinguished Partners Partenaires médias / Media Partners Partenaires institutionnels / Institutional Partners UNE PRODUCTION DE GALERIES MONTRÉAL Partenaires d’événements / Event Partners 232 233 Adaptive Actions Abbas Akhavan Edgar Arceneaux Arctic Perspective Initiative Nicolas Baier Taysir Batniji Amanda Beech Ursula Biemann Raymond Boisjoly Andrea Bowers Matthew Buckingham Mikko Canini Simon Denny Dave Dyment Charles Gaines Ryan Gander Goldin+Senneby Babak Golkar Dominique GonzalezFoerster Nicolas Grenier Isabelle Hayeur Thomas Hirschhorn Klara Hobza Richard Ibghy et Marilou Lemmens Simone Jones et Lance Winn Emmanuelle Léonard Li Ran Ann Lislegaard Basim Magdy Lynne Marsh John Massey Jillian Mayer Shirin Neshat Jacqueline Hoang Nguyen Susan Norrie Kelly Richardson Kevin Schmidt Skawennati Lisa Steele et Kim Tomczak Hito Steyerl Oleg Tcherny Althea Thauberger David Tomas Suzanne Treister Etienne Tremblay-Tardif Susan Turcot Anton Vidokle et Pelin Tan Hajra Waheed Lawrence Weiner Krzysztof Wodiczko 234 ( (f l ol f o ro ro w BNLMTL 2014 est une réalisation de La Biennale de Montréal en coproduction avec le Musée d’art contemporain de Montréal 235