travailler les emotions avec des adolescents autistes

Transcription

travailler les emotions avec des adolescents autistes
Université de Rouen
UFR de Psychologie
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Diplôme
Universitaire Autisme et troubles envahissants du
développement
2005-2007
TRAVAILLER LES EMOTIONS AVEC DES
ADOLESCENTS AUTISTES
Soizic MAINGANT
Educatrice spécialisée
Résumé
Ce mémoire est un travail sur l’apprentissage des émotions, réalisé auprès d’un
groupe de cinq adolescents présentant un trouble envahissant du développement,
au sein d’un institut médico-éducatif.
Il présente les différents programmes d’apprentissage existants, les prises en
charges spécifiques autour des émotions réalisées au sein de différents
établissements ainsi que l’atelier mis en place au sein de l’IME. Les évolutions ont
montrées que ce travail pouvait se faire auprès de personnes de niveau de
développement faible. Les résultats, non quantitatifs, montrent des progrès au
niveau des mimiques faciales, de l’expression verbale, de la régulation intra
émotionnelle. Ces résultats sont à pondérer par la modification de l’environnement
au sein de L’IME.
Mots clés : émotions, adolescents, TED, apprentissages
-2-
SOMMAIRE
INTRODUCTION
1. Les difficultés des personnes autistes ........................ 5
2. Les difficultés sociales et émotionnelles dans l’autisme .. 7
3. Les programmes d’apprentissage des émotions............. 8
3-1 Le programme de S. E. Gustein : Relationship development
intervention with young children
3-2 Le programme de J. MacAfee : Navigating the social word
3-3 L’approche ABA : Applied Behavior Analysis (analyse appliquée du
comportement)
4. Un exemple de prise en charge globale adaptée .......... 11
5. Le travail des émotions ......................................... 13
6. Le tour de France ................................................ 16
6-1 L’association Autisme 76
6-2 Le SESSAD Paris 13ème
6-3 Le foyer de vie « l’abri montagnard »
7. Les évolutions ....................................................... 18
7-1 L’atelier
7-2 Le groupe
8-Discussion ............................................................. 23
8-1- Les jeunes
8-2- L’atelier
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
-4-
INTRODUCTION
L’autisme est un trouble envahissant du développement (TED) répertorié
dans deux classifications la C.I.M. 10 (Classification Internationale des Maladies,
10ème version, 1994) de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et le D.S.M. IV
(Diagnostic and Statistical of Mental disorders, DSM IV-TR 2002) de l'association
américaine de psychiatrie.
Les troubles envahissants du développement sont caractérisés par une altération
qualitative de la communication verbale et non verbale, une altération qualitative
des interactions sociales et des centres d’intérêt restreints et stéréotypés. Les TED
entraînent, chez les personnes qui en sont atteintes, des difficultés spécifiques qui
nécessitent une prise en charge adaptée.
Les personnes présentant des TED ont des déficits dans les domaines sociaux et
émotionnels. Cette particularité m’a amené à mettre en place un atelier sur
l’apprentissage des émotions au sein de l’institution. Aujourd’hui, après quatre ans
d’existence, cet atelier a évolué. Ces modifications me posent question quant à la
généralisation, dans la vie quotidienne, du travail d’apprentissage des émotions
réalisé en atelier.
11.. LLeess ddiiffffiiccuullttééss ddeess ppeerrssoonnnneess aauuttiisstteess
Les difficultés spécifiques des personnes autistes sont expliquées par trois courants
de
pensée
principaux.
Chaque théorie met en évidence les altérations
psychologiques prédominantes dans les troubles envahissants du développement.
-5-
1-1 Altération des processus de pensée et de traitement de
l’information
Selon Leslie (1987), les déficits des personnes autistes au niveau de la
socialisation, de la communication, de l’imagination s’expliqueraient par une
incapacité à former des métareprésentations de la réalité. C'est-à-dire une
incapacité à mentaliser ou à lire dans l’esprit d’autrui. La capacité à réaliser des
métareprésentations permet d’accéder aux jeux de faire semblant qui sont, selon
Leslie,
des
précurseurs
de
la
théorie
de
l’esprit.
Les
mécanismes
de
métareprésentations entrent également en jeu dans les comportements d’attention
conjointe.
Baron-Cohen (1989) explique le déficit de théorie de l’esprit chez les
personnes autistes par une altération du fonctionnement du « détecteur de la
direction du regard ». En effet, les personnes autistes ne parviendraient pas à
décoder, ni les intentions, ni les buts d’autrui en raison d’une mauvaise
interprétation du regard de l’autre.
Selon FRITH (1989), le déficit principalement en cause dans l’autisme serait
celui de « l’unité de cohérence centrale », c'est-à-dire l’incapacité pour les
personnes autistes à créer du lien en utilisant le contexte.
Selon Ozonoff (1994), l’altération psychologique des personnes autistes
s’explique par un processus cognitif déviant : le « fonctionnement exécutif », c'està-dire la planification de stratégies visant à atteindre des buts. Cette hypothèse
permet d’éclairer certains troubles spécifiques des personnes autistes comme les
intérêts restreints, la résistance au changement et les îlots de compétences. Ce
déficit spécifique de la planification conduirait à l’altération de la théorie de
l’esprit.
-6-
1-2. Altération du contact affectif
Hobson (1993) s’inspire des travaux de Mead, Stern et Trevarthen pour
envisager les difficultés spécifiques des personnes autistes comme résultant d’une
altération innée de la capacité à percevoir les affects d’autrui. Cette altération
entraînerait une incapacité à participer aux interactions sociales. L’évolution vers
des interactions sociales plus élaborées comme la théorie de l’esprit est donc
freinée. Hobson étaye son hypothèse par les difficultés des personnes autistes à
évaluer l’expression des émotions des visages, à avoir un contact affectif et social
adapté.
1-3. Altération de la régulation de l’attention
Cette hypothèse, émise par Wing, explique les difficultés des personnes
autistes par une hyper sélectivité de leur environnement. Cette hyper sélectivité
de l’attention entraînerait des difficultés d’ordre social et cognitif ayant une
incidence sur la compréhension des situations sociales.
22.. LLeess ddiiffffiiccuullttééss ssoocciiaalleess eett éém
moottiioonnnneelllleess ddeess ppeerrssoonnnneess
aauuttiisstteess
Selon Hobson, les personnes autistes ont des difficultés pour associer des
expressions faciales avec d’autres émotions faciales correspondantes ainsi qu’avec
des gestes, des vocalisations, des contextes à valeur émotionnelle. Ces dernières
présentent selon lui une incapacité innée à comprendre les émotions, Hobson
reprend ici la théorie de Kanner.
-7-
Les personnes autistes montrent de l’intérêt pour les signaux émotionnels
d’autrui (Nadel et al. 2000), mais ont des difficultés pour produire simultanément
les mimiques en relation avec leurs émotions (Brun, Nadel, Mattlinger, 1998).
Elles ont des difficultés spécifiques pour lire et comprendre les expressions
faciales (Brun, Nadel, 1998), et pour partager avec autrui un vécu émotionnel
(Sigman et Capps, 2001).
33.. LLeess pprrooggrraam
mm
meess dd’’aapppprreennttiissssaaggee ddeess éém
moottiioonnss
3-1 Le programme de S. E. Gustein : Relationship development
intervention (RDI) with young children
Le but du programme RDI est de rendre les personnes présentant des TED
enthousiastes à l’idée d’élargir leur monde environnant au lieu de le craindre.
Trouver ce qui motive ces personnes pour développer les relations. Dans le cadre
d’une prise en charge globale. Le programme RDI est riche en objectifs « nonsociaux ». Il inclue également la pensée flexible, le changement rapide de
l’attention, le fonctionnement exécutif et la régulation émotionnelle.
L’apprentissage autour des émotions se fait sous forme d’étapes successives, sur le
même modèle que les étapes du programme de MacAfee.
-8-
3-2 Le programme de J. MacAfee : Navigating the social word
Ce programme s’adresse plus particulièrement aux personnes présentant un
autisme de haut niveau ou un syndrome d’Asperger. Il se découpe en trois niveaux
d’apprentissage :
Niveau 1 : reconnaître une émotion simple et rediriger les pensées négatives
Dans ce niveau on travaille les émotions une à une et plus particulièrement les
émotions positives. Il doit permettre à la personne d’identifier et de nommer des
émotions positives. Elle va se constituer un carnet d’émotions et réaliser des
apprentissages à partir de scénarii sociaux positifs.
De plus la personne doit apprendre à contrôler ses émotions négatives. Notamment
à l’aide d’activités calmes et apaisantes.
Enfin, elle doit apprendre à susciter des états émotionnels positifs.
Niveau 2 : reconnaître et nommer une gamme d’émotions
Dans ce niveau, les apprentissages s’appuient sur des associations de photos et de
vocabulaire, sur la création de liens entre des indices émotionnels non verbaux et
contextuels, sur la mise en application des nouvelles connaissances émotionnelles à
travers des jeux de rôle, ou le commentaire de films émotionnels. La personne
présentant un TED doit apprendre à reconnaître et à nommer une émotion
présentée dans des intensités différentes.
Niveau 3 : exprimer des émotions et situer les intensités émotionnelles sur un
continuum d’émotions
L’objectif de ce niveau est d’apprendre à la personne à percevoir des degrés
d’intensité émotionnelle et à leur attribuer une valeur appropriée, de l’aider à
-9-
manifester verbalement ou non ses états émotionnels, et à contrôler ses
comportements face à une émotion intense.
3-3 L’approche ABA : Applied Behavior Analysis (analyse
appliquée du comportement)
L’approche ABA, est un programme d’intervention intensive et précoce qui permet
d’améliorer le langage, la sociabilité, l’autonomie et le jeu. L’enseignement se fait
par essais distincts multiples :
« - décomposer la compétence à acquérir en plusieurs étapes ;
- enseigner chaque étape jusqu’à sa maîtrise parfaite ;
- permettre la pratique répétée sur une période de temps précise ;
- proposer de l’aide et estomper cette aide dès que possible ;
- utiliser des procédés de renforcement » (Leaf, McEachin, 1999) ;
L’apprentissage des émotions se fait sous la forme de dix étapes.
- appariement d’émotions semblables sur des images différentes ;
- compréhension d’un mot désignant une émotion à l’aide d’image ;
- formulation du mot désignant une émotion à l’aide d’images ;
- représenter une émotion ;
- reconnaître les émotions exprimées par quelqu’un d’autre en direct ;
- formuler ses propres émotions ;
- comprendre la cause d’une émotion ;
- faire en sorte que quelqu’un se sente d’une certaine façon (agir sur la personne
pour provoquer une émotion);
- généralisation à des situations naturelles ;
- 10 -
- empathie ;
Le programme doit être adapté à l’âge de développement de l’enfant.
44.. U
Unn eexxeem
mppllee ddee pprriissee eenn cchhaarrggee gglloobbaallee aaddaappttééee
L’institut médico-éducatif « Notre Ecole » est géré par l’association AIDERA
(association d’île de France pour l’éducation et la recherche sur l’autisme).
L’établissement accueille les jeunes du lundi au vendredi de 9H à 16H00 et 196
jours par an. L’I.M.E. « Notre Ecole » accueille 30 enfants et adolescents âgés de 5
à 20 ans présentant des troubles sévères du développement et de la
communication. L’agrément permet à l’établissement d’accueillir des enfants dès
l’âge de 3 ans. Les groupes sont constitués de 5 jeunes, la répartition se fait par
âge. L’établissement est composé de deux sites, l’un accueille trois groupes, les
plus jeunes, l’autre site accueille les trois groupes d’adolescents.
Il paraît important de préciser la place de la formation continue dans cet
établissement, en effet chaque professionnel est appelé à se former dans sa
catégorie.
L’établissement s’inspire du programme TEACCH (Treatment and Education of
Autistic and related Communication handicapped CHildren) : Aménagement de
l’environnement spatiotemporel pour le rendre compréhensible par la personne,
amener cette dernière à un plus grand niveau d’autonomie, enseigner un moyen
alternatif de communication (si nécessaire), améliorer les habiletés cognitives en
développant certaines acquisitions qui sont la base des apprentissages ultérieurs.
Ce programme de prise en charge individualisée de la personne dans son
environnement global a été mis en place en Caroline du Nord (USA) par E. Schopler
dans les années 70. Les finalités de la prise en charge sont d’apporter les aides
- 11 -
éducatives, médicales et psychologiques, visant à un épanouissement personnel, à
une vie affective et relationnelle aussi satisfaisante que possible au sein de leur
famille, et à une recherche d’autonomie permettant un accès à la vie sociale.
Les prises en charge éducatives, pédagogiques, et thérapeutiques (psychomotrice,
orthophonique) pour chaque enfant sont définies lors de l’élaboration du projet
éducatif individualisé (PEI).Chaque groupe établit chaque année un programme de
groupe, auquel s’ajoutent pour chaque enfant les prises en charge individuelles.
Chaque groupe travaille de façons différentes mais selon la philosophie de
l’établissement. Certains jeunes bénéficient d’une prise en charge scolaire avec
une institutrice spécialisée.
L’approche éducative est structurée, elle tient compte du fait que l’autisme est un
trouble global du développement qui se caractérise par des difficultés cognitives,
des troubles socio-relationnels avec autrui, des retards et des déficits de
communication et un intérêt exagéré pour le maintien d’un environnement
immuable et identique. Il est impératif de structurer l’environnement pour le
rendre compréhensible et accessible.
L’environnement physique est organisé en espaces délimités :
-
aire de jeux ;
-
espace de travail individuel ;
-
espace d’activités de groupe ;
-
espace de collation ;
L’environnement temporel est organisé, l’enfant peut se repérer sur son
programme (photos, dessin, pictogrammes…). Le programme est réalisé en fonction
du niveau de l’enfant. En effet, certains ont besoin d’un programme en photos,
d’autres en dessin, d’autres encore seulement écrit.
- 12 -
La famille est très active dans la prise en charge de son enfant, elle est invitée à
donner ses objectifs. Ainsi chaque membre de la famille est pris en compte dans
l’élaboration du PEI. Les parents peuvent rencontrer les éducateurs, l’institutrice,
les psychomotriciennes… Ils peuvent également rencontrer le psychiatre et/ou la
psychologue. Les contacts avec la famille sont réguliers, d’abord à travers le carnet
de correspondance, ensuite lorsque les parents viennent chercher leur enfant, et
enfin lors des bilans de réajustement des PEI.
J’ai travaillé dans cet établissement pendant cinq ans et je suis à l’initiative du
travail sur les émotions.
55.. LLee ttrraavvaaiill ddeess éém
moottiioonnss
Il s’agit ainsi de présenter les raisons de cet atelier, sa construction et pour qui il a
été mis en place.
Le groupe d’adolescents est constitué de garçons et de filles âgés de 13 à 18 ans.
Cet atelier fait suite à un questionnement sur la sexualité. En effet, les adolescents
autistes ressentent des pulsions sexuelles comme leurs pairs. La mixité sur le
groupe nous a permis d’observer des comportements « amoureux » semblables à
ceux des adolescents ordinaires. Des difficultés affectives et cognitives interfèrent
avec les conduites sexuelles : lecture inefficace des intentions, des émotions fines
et complexes des autres, incompréhension des codes sociaux, faiblesse des
habiletés sociales, incompréhension des relations interpersonnelles, et troubles de
la perception sensorielle.
Aborder la sexualité avec des adolescents autistes, c’est d’abord s’assurer de la
compréhension de leur corps, mais aussi de ce qu’ils ressentent.
- 13 -
En effet, comment peut-on aborder la sexualité si on ne comprend pas ce que l’on
ressent ou si on ne comprend pas l’expression d’autrui ?
Nous avons donc décidé de parler de sexualité en commençant par travailler les
émotions.
L’atelier a été mis en place en équipe. Un travail de recherche de photos et
d’images représentant les trois émotions primaires (joie, colère, tristesse), parmi
les quatre (peur) a été réalisé. Il est mené par les éducatrices du groupe, des
stagiaires E.S. (éducateur spécialisé) du groupe ou la psychologue stagiaire.
La structuration est inspirée du programme TEACCH. Les personnes autistes
ont besoin de repères, la prévisibilité des évènements les aide. Les jeunes sont
avertis dès le matin par leur programme de cette activité. Il a toujours lieu le
même jour de la semaine et au même moment. Il se déroule toujours sur le groupe
à la table. L’atelier comporte cinq étapes représentées par cinq boîtes à la vue des
jeunes :
choisir une photo parmi plusieurs, la donner à l’adulte-animateur ;
L’adulte verbalise le type d’émotion et reproduit la mimique en y associant la
photo et verbalisant « pareil ».
l’adulte mime une émotion et le jeune doit pointer sur un choix d’images,
la même émotion ;
l’adulte propose une photo, le jeune doit pointer le pictogramme
correspondant ;
- 14 -
un scénario social est proposé, le jeune doit pointer le pictogramme
correspondant à la situation ;
choisir une photo et la ranger dans la boîte correspondante ;
Trois boîtes sont placées devant le jeune, chaque boîte représente une émotion à
l’aide d’une photo type (personne homme ou femme réalisant la mimique de
chaque émotion).
Chaque étape est proposée à tous les participants, la demande est adaptée aux
compétences de chacun (plus ou moins de choix pour les réponses par exemple).
- 15 -
66.. LLee ttoouurr ddee FFrraannccee
6-1 L’association Autisme 76
Le travail est réalisé par la psychologue en lien avec une éducatrice.
- Travail autour d’un atelier « connaissance et reconnaissance des
émotions ». Le travail se fait autour de photos et de pictogrammes adaptés au
niveau de chaque enfant. Les participants sont verbaux. L’enfant peut être amené
à donner un point de vue altruiste ou égocentrique.
- Travail autour de l’expérimentation et le partage des émotions.
L’éducateur utilise le mime et le scénario social. L’enfant doit aussi mimer une
émotion sur requête. Il doit reconnaître l’émotion produite par l’adulte.
L’éducateur et l’enfant « discutent » autour de cette émotion et créent une
histoire.
- Travail autour de la reconnaissance de l’émotion in-situ.
Il s’agit d’utiliser les situations vécues par l’enfant et de lui demander de les
commenter. Dans un premier temps, au moment où elles se produisent puis dans un
second temps d’en reparler plus tard avec lui et de lui demander de commenter
son point de vue et celui de son partenaire.
L’atelier sous cette forme n’existe plus, il a été remplacé par un travail autour de
vidéos de Walt Disney, avec un support livre en plus. Les enfants doivent tout
d’abord décrire ce qu’ils voient : les lieux, les personnes, les liens entre les
personnages, tenter d’expliciter la situation, décrire les actions et ensuite
seulement un travail sur les émotions est abordé. L’éducatrice pose des questions à
- 16 -
chaque enfant en fonction de ses compétences. Au début de la séance, les enfants
sont amenés à raconter l’histoire pour savoir où ils en sont.
6-2 Le SESSAD Paris 13ème
Le SESSAD accueille des adolescents autistes de niveau moyen à élevé.
Chaque adolescent est amené à verbaliser ce qu’il a fait dans la journée, ce qu’il a
aimé ou pas et pourquoi. Cette discussion a lieu en groupe autour de la table, au
moment de remplir les cahiers de liaison avec la famille. Ainsi l’adolescent peut
« raconter » lui-même sa journée à sa famille. L’éducatrice invite l’adolescent à
mettre du lien entre l’activité, son comportement et son ressenti. Cette discussion
est bien sûr adaptée à chaque individu.
6-3 Le foyer de vie « l’abri montagnard »
« L’abri montagnard » est une structure pour adultes autistes, située dans la vallée
d’Aspe dans les Pyrénées. Elle accueille 62 résidents.
Le travail sur les émotions et des scénarii sociaux a lieu depuis mai 2005 ; La
psychologue et un éducateur spécialisé animent cet atelier qui a lieu deux fois par
semaine, pendant 2 à 3 heures, avec des groupes de niveaux de 4 à 5 personnes.
Tous les participants sont verbaux. Une boîte permet de définir le tour de parole,
chacun peut parler lorsqu’il a la boîte. Les quatre émotions primaires sont
travaillées, la joie, la colère, la tristesse et la peur. Le travail autour de la peur est
plus difficile car il entraîne des troubles du comportement.
Chaque séance se déroule de la même façon :
- quatre tableaux sont disposés sur le mur pour chacune des émotions, chaque
personne raconte une situation vécue dans la semaine et l’émotion qui est en
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lien avec ce vécu. Il est difficile pour eux de raconter des situations de colère
car la colère est souvent associée à de l’agressivité. Les situations de colère
peuvent être reprises en scénario social.
- une situation est choisie et le travail porte sur leurs réactions face à cette
situation.
- travail sur l’expression physique, la mimique de l’émotion (grâce à des
miroirs), de l’imitation, et des photos.
- jeux de rôle et mise en situation, en général chaque personne joue son
propre rôle sauf les résidents qui ne doivent pas jouer ce qu’il ne faut pas
faire ou ce qui est négatif. Certaines situations peuvent être travaillées
d’abord en atelier puis en situation réelle.
La mise en place de ce travail est maintenant une demande de l’équipe éducative.
Les relations entre les résidents ont changé, certains peuvent montrer une certaine
empathie. Le travail d’abord réalisé en atelier peut être poursuivit aujourd’hui sur
les lieux de vie et à l’extérieur de l’établissement.
77 LLeess éévvoolluuttiioonnss
7-1 Au sein de l’atelier
Les jeunes ont pu nous aider à faire évoluer cet atelier, par leurs réussites mais
aussi leurs échecs. En effet, une jeune ne parvenait pas à ranger la photo qu’elle
avait choisi (joie) dans la boîte de la joie, celle-ci étant symbolisée par la phototype d’un homme joyeux. Elle ne pouvait associer les deux l’une étant un homme
et l’autre une femme.
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Ceci nous a amené à remplacer les photos-types par des pictogrammes type « tête
à toto » ou « smiley » symbolisant les émotions. L’émotion dans ce cas n’étant plus
sexuée.
Nous avons progressivement introduit de nouveaux exercices : scénarii sociaux plus
ou moins complexes, reconstitution de picto-puzzle.
Aujourd’hui, l’atelier est composé de cinq phases. La dernière est toujours restée
identique après le remplacement des photos-types par les pictogrammes. En effet,
il nous paraissait essentiel de garder le même marqueur de fin. De plus une
nouvelle émotion a été introduite : la peur.
Etape 1 : l’animateur mime une émotion, le jeune doit donner la bonne
réponse en verbalisant et/ou en pointant sur les pictogrammes.
Même si le jeune est verbal, les pictogrammes réponse sont toujours positionnés
devant lui, pour l’aider mais aussi pour signifier que c’est son tour de répondre. On
place les quatre pictogrammes (joie, colère, tristesse, peur) ou moins suivant les
compétences de choix de la personne.
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Etape 2 : puzzle : on présente une bouche ou les yeux d’un des
pictogrammes (smiley), le jeune doit parmi les quatre autres moitiés, trouver la
bonne et reconstituer le pictogramme.
Par exemple, on présente la bouche du pictogramme de la joie, le jeune doit
choisir parmi les quatre (au maximum) pictogrammes des yeux celui qui va avec la
bouche et reconstituer sur un support.
Etape 3 : scénario social simple : on présente une fiche sur laquelle se
trouve une image ; sous l’image une phrase décrit la situation, et pose la question
de l’état émotionnel de la personne.
L’animateur décrit l’image ou la fait décrire par le
jeune.
« Mélanie a poussé la tour de cubes d’Angela.
Les cubes sont tombés partout »
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L’animateur pose la question :
« Comment se sent Angela ? (fille de l’image) »
et propose au jeune les pictogrammes des quatre émotions pour répondre.
Etape 4 : scénario social complexe : on présente une fiche sur laquelle se
trouve deux images, la première représente le personnage et ce qu’il désire, la
deuxième représente la situation où le personnage obtient ou pas ce qu’il
veut. Sous les images une phrase décrit la situation, et pose la question de l’état
émotionnel de la personne. L’animateur décrit les images ou les fait décrire par le
jeune.
« Alain veut une glace à la fraise »
« Son papa lui achète une glace au chocolat »
« Comment se sent Alain ? »
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Etape 5 : tri : chaque participant choisit une photo et doit la ranger dans
la boîte correspondante.
7-2 Le groupe
La mise en place de l’atelier, a permis à l’équipe de travailler au quotidien la
compréhension des émotions de façon structurée.
En effet, lors d’expressions positives ou négatives, l’adulte se saisit du
pictogramme correspondant et le présente au jeune pour l’aider à reconnaître ce
qu’il ressent. L’adulte peut aussi verbaliser la cause de cette expression si elle est
connue.
Depuis deux ans, l’équipe a mis en place des bilans de journée. Chaque jour, le
jeune doit remplir une fiche sur laquelle sont figurées les activités de la journée.
Chaque
activité
est
représentée
par
le
pictogramme
correspondant.
Le
pictogramme est suivi des quatre émotions symbolisées par les pictogrammes, un
cinquième pictogramme est ajouté, il représente le « je ne sais pas ».
- 22 -
Après chaque activité, les jeunes sont amenés chacun leur tour à remplir leur
feuille. En fonction de leurs capacités, l’éducatrice peut être amenée à les
accompagner.
88--D
Diissccuussssiioonn
8-1- Les jeunes
Afin de présenter les jeunes ayant participé à l’atelier des émotions, un VINELAND
(échelle du comportement adaptatif, Sparrow S., Balla D., Chicchetti D.) a été
réalisé pour chacun des jeunes. L’échelle d’évaluation du comportement socioadaptatif de Vineland (VABS) renseigne sur les capacités adaptatives de l’enfant,
c’est-à-dire sur la réelle utilisation de ses capacités de communication,
d’autonomie, de socialisation et de motricité dans les actes de la vie quotidienne.
G1 né le 02/03/1991, verbal
G2 né le 23/10/1989, verbal
Communication : 2 ans 7 mois
Communication : 2 ans 2 mois
Autonomie : 4 ans 3 mois
Autonomie : 4 ans 6 mois
Socialisation : 2 ans 1 mois
Socialisation : 1 an 10 mois
Motricité : 4 ans 6 mois
Motricité : 5 ans 3 mois
F1 née le 23/12/1987, non verbale
F2 née le 30/10/1990, non verbale
Communication : 1 an 3 mois
Communication : 1an 2 mois
Autonomie : 3 ans 10 mois
Autonomie : 3 ans 4 mois
Socialisation : 1 an 5 mois
Socialisation : 1 an 7 mois
Motricité : 3 ans 11 mois
Motricité : 4 ans 1 mois
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F3 née le 7/12/1990, non verbale
Communication : 1 ans
Autonomie : 1 ans 8 mois
Socialisation : 1 ans
Motricité : 1 ans 10 mois
F1 et F3 ont participé à l’atelier pendant 5 ans ; F2, G1, G2 pendant 3 ans.
Aujourd’hui, l’atelier n’existe plus en tant que tel. Les jeunes remplissent toujours
la feuille d’expression après chaque activité. Une enquête auprès de personnes
ayant travaillé auprès des jeunes montre que l’atelier des émotions et la prise en
charge adaptée dans laquelle il s’inscrit a permis aux jeunes de réaliser des progrès
qui sont variables selon leur niveau.
G1 et G2 peuvent désormais plus facilement mettre des mots sur ce qu’ils
ressentent et sur ce que montrent les autres. Ils parviennent à dire les mots
émotionnels même si cela reste assez brut et maladroit dans l’expression. Il
semblerait que l’expression spontanée porte plus sur les émotions positives, en
particulier la joie. Pour les émotions négatives comme la colère, la peur et la
tristesse, ils ont encore besoin de l’aide de l’adulte pour exprimer ce qu’ils
ressentent.
Pour F1, F2, F3, elles semblent mieux contrôler leur régulation intra émotionnelle.
En effet, au cinéma par exemple, pour F2, il était très difficile de contrôler sa
joie, depuis l’atelier elle peut avec l’aide de l’adulte se contrôler et se contenir
physiquement.
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8-2 L’atelier
Il existe peu de travaux réalisés avec des personnes autistes de bas niveau sur les
émotions. La plupart du temps, le travail sur les émotions est réalisé auprès de
personnes autistes verbales de bon niveau.
La mise en place de cet atelier, semble avoir permis aux jeunes du groupe de
mieux percevoir leurs émotions et celles des autres. Les jeunes ont toujours été
participants pour venir à l’atelier. Les troubles du comportement ont été similaires
ou moindre durant cet atelier qu’à d’autres moments de la journée. Cependant,
une évaluation adaptée aurait dû être mise en place afin de quantifier les
bénéfices retirés par chacun des jeunes.
Aujourd’hui il est difficile d’évaluer l’amélioration du comportement pour plusieurs
raisons : tout d’abord l’absence d’outils d’évaluation adapté à l’atelier, l’absence
d’évaluation régulière des capacités des jeunes, ensuite les changements de
personnel sur le groupe, le binôme d’éducatrices a changé trois fois avec le
maintien de la présence d’une éducatrice (moi-même) et mon départ en
septembre. L’atelier n’a plus lieu depuis septembre comme nous l’avons vu
précédemment mais le bilan de journée est maintenu. Les changements de repère
sont difficiles pour les personnes autistes, l’équipe a pu observer des modifications
du comportement en lien avec les changements d’équipe.
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CONCLUSION
La mise en place d’un atelier des émotions au sein d’un établissement
offrant une prise en charge adaptée aux difficultés de personnes autistes, a permis
aux jeunes adolescents autistes de bas niveau d’appréhender de façon concrète
leurs propres émotions et celles des autres. La prise en charge des personnes
autistes doit se faire dans un cadre structuré et à l’aide d’une pédagogie adaptée.
Afin de percevoir les améliorations dans la compréhension, l’expression, et la
reconnaissance des émotions, il serait nécessaire d’utiliser un outil d’évaluation,
dans le cadre d’une nouvelle utilisation de cet atelier.
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BIBLIOGRAPHIE
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Brun P. (2001). Psychopathologie de l’émotion chez l’enfant : l’importance des
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Frith, U. (1989). L’énigme de l’autisme, Ed Odile Jacob.
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Masson.
Sigman M., Capps L. (2001). L’enfant autiste et son développement, RETZ.
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ANNEXES
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Questionnaire pour les professionnels
Ce questionnaire s’adresse aux professionnels de l’IME Notre Ecole,
participant à la vie des 5 jeunes ayant participé à l’atelier des
émotions. Professionnels travaillant quotidiennement auprès dès
jeunes sur le groupe et professionnels intervenant ponctuellement.
1- Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression physique de leurs
émotions ?
Meilleure manifestation physique et verbale
Plus de manifestation d’émotions positives
Difficulté à exprimer
2- Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression verbale de leurs
émotions ?
Meilleure manifestation physique et verbale
3- Avez-vous observé
comportement ?
une
réduction
des
troubles
du
Meilleure régulation
Possibilité de mettre de mots pour adulte qui accompagne
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Questionnaire pour les professionnels
Ce questionnaire s’adresse aux professionnels de l’IME Notre Ecole,
participant à la vie des 5 jeunes ayant participé à l’atelier des
émotions. Professionnels travaillant quotidiennement auprès dès
jeunes sur le groupe et professionnels intervenant ponctuellement.
1-Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression physique de leurs
émotions ?
Oui mais plus difficile pour les émotions négatives, et plus facile pour la colère que
la tristesse.
2-Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression verbale de leurs
émotions ?
Oui mais plus difficile pour les émotions négatives
3-Avez-vous observé
comportement ?
une
réduction
des
troubles
du
Pas pour tous F3 non
F2 encore difficile de faire la part des choses dans ce qu’elle ressent mais plus de
contrôle
G2 expression spontanée difficile mais peut y arriver avec stimulation et cela
l’apaise.
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Questionnaire pour les professionnels
Ce questionnaire s’adresse aux professionnels de l’IME Notre Ecole,
participant à la vie des 5 jeunes ayant participé à l’atelier des
émotions. Professionnels travaillant quotidiennement auprès dès
jeunes sur le groupe et professionnels intervenant ponctuellement.
1-Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression physique de leurs
émotions ?
2-Avez-vous observé chez les jeunes ayant participé à l’atelier
des émotions une meilleure expression verbale de leurs
émotions ?
G2 mimique plus adaptée, quand est triste pleure mais sur joue pas de larmes mais
tout de même plus adapté dans le contexte. Son visage montre la douleur quand a
mal, et frayeur quand a peur.
G1 plus de mimique en imitation, mais aussi meilleure compréhension du ressenti
des autres, a conscience que s’il tape quelqu’un la personne va avoir mal.
Meilleure reconnaissance des émotions positives et négatives. Meilleure corrélation
entre ce qu’il pointe comme réponse et ce qu’il dit.
F2 meilleur contrôle de ses émotions (cinéma). Pour les émotions négatives plus
difficiles, pas de mimique pour la douleur ou la peur, fuit face au danger.
3-Avez-vous observé
comportement ?
une
réduction
des
troubles
du
Réduction Troubles du comportement pour F2 car régulation
G2 peut parler en boucle de ce qu’il ressent dit « je suis énerveé » puis « je suis
calmé » et peut continuer longtemps
Mais beaucoup de perturbations et changement de repères sur le groupe.
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