Le couperet de la prescription

Transcription

Le couperet de la prescription
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
Editorial
Une vieille dame de 78 ans bien alerte !
C’est à l’automne 1936 qu’a vu le jour la
Revue de la Banque. A l’origine, cette publication était destinée aux employés et
cadres bancaires motivés, principalement
de la région bruxelloise. C’était une initiative du centre d’études bancaires et financières repris par la suite par le Forum Financier belge.
En 2001, ce magazine a été scindé en
deux périodiques distincts : la Revue Bancaire et Financière (qui traite des thèmes
financiers et économiques) et Droit Bancaire et Financier (qui s’intéresse plus à
des sujets juridiques). Cette revue constitue une plate-forme originale où les universités, les spécialistes et les autorités de
contrôle peuvent dialoguer et publier leurs
idées.
Page 2
Les indemnités de rupture d’un agent
bancaire pour ses activités
d’assurance
Page 8
Le gage pour toutes sommes confère-t-il
un statut de créancier sursitaire
extraordinaire ?
Page 11
La créance n’était pas sérieuse et
la rupture trop brutale
Dès aujourd’hui, je succède à Michel Tison
en tant que président du comité de rédaction de Droit Bancaire et Financier. Je
m’inscrirai dans la lignée de mes prédécesseurs (André Bruyneel, Robert Henrion,
Jacques Heenen, Franck Lierman…) pour
que cette revue constitue une source
d’informations fiables et spécialisées et un
instrument d’analyse critique particulièrement utile.
Jean-Pierre BUYLE
[email protected]
Page 14
Le couperet de la prescription
Page 15
L’usage bancaire du calcul d’intérêt s
sur une base de 360 jours
Page 16
Le devoir de prudence du banquier
en matière de crédit
Page 17
L’affacturage et les paiements
après faillite de créances cédées
Les indemnités de rupture d’un agent bancaire pour ses activités d’assurance
U
ne société était l’agent d’une banque pour la
arrangements internes conclus entre ces deux ins-
distribution de produits bancaires et l’agent d’une
titutions. En réalité, il était, pour la distribution des
compagnie d’assurance pour la distribution d’assu-
produits d’assurance, un sous-agent de la banque
rances. Ces assurances consistaient en des po-
qui était elle-même l’agent principal de la compa-
lices solde restant dû et étaient placées conjointe-
gnie d’assurance.
ment avec les crédits à la consommation de la
La banque et la compagnie d’assurance considé-
banque. La banque avait résilié sa convention et
raient au contraire que les deux contrats étaient
payé les indemnités de préavis et d’éviction calcu-
distincts l’un de l’autre. Elles affirmaient que la
lées sur la base des revenus tirés par la société de
clientèle « assurance » de l’agent lui restait ac-
cette convention. Cette dernière réclamait des in-
quise, que le nouvel agent de la banque n’avait
demnités en lien avec les revenus tirés de la distri-
pas eu accès à la liste des clients de la compagnie
bution d’assurances.
d’assurance développés par l’agent et que ce der-
Un premier juge avait débouté la société de sa de-
nier pouvait continuer à placer des polices de cette
mande. L’agent interjeta appel devant la Cour d’ap-
compagnie auprès de nouveaux clients.
pel de Bruxelles.
La Cour constata, dans un premier temps, que les
parties avaient conclu deux conventions séparées :
1. Intégration des activités d’assurance dans le
chiffre d’affaires de l’agent
L’exécution donnée par les parties à
,
L’agent invoquait que le contrat de la banque lui
leurs conventions avait donc respec-
imposait de placer les polices de la compagnie
té la séparation des deux contrats ;
d’assurance et que la rupture du contrat de la
les commissions sur la vente des
banque avait mis fin en fait à la vente de ces polices. Il précisait que la banque avait imposé à son
nouvel agent de poursuivre la vente des polices de
produits bancaires étaient payées
par la banque, et les commissions
la même compagnie d’assurance auprès de sa
sur la vente des assurances étaient
clientèle et que la banque avait ainsi repris à son
payées par l’assureur.»
profit la clientèle relative tant aux activités bancaires qu’aux activités d’assurance.
L’agent affirmait que les commissions relatives au
placement d’assurances rémunéraient en réalité
l’une entre l’agent
ses activités d’agent de la banque. Selon lui, les
l’agent et la compagnie d’assurance. La banque et
commissions lui étaient payées par la compagnie
la compagnie d’assurance étaient deux entités juri-
d’assurance plutôt que par la banque en raison des
diques distinctes. L’exécution donnée par les par-
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et la banque, l’autre entre
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ties à leurs conventions avait donc respecté la sé-
tincts, et la réalité économique invoquée par
paration des deux contrats ; les commissions sur la
l’agent n’était pas telle qu’il fallait considérer que
vente des produits bancaires étaient payées par la
cette réalité juridique serait fictive ou simulée.
banque, et les commissions sur la vente des assu-
L’allégation de l’agent non contredite par la banque
rances étaient payées par la compagnie d’assu-
et la compagnie d’assurance, selon laquelle la
rance.
banque n’acceptait pas de signer des conventions
Selon elle, l’article de la convention de la banque,
d’agence avec des personnes qui ne signaient pas
qui incluait le placement de polices d’assurance
en même temps une convention avec la compa-
parmi les fonctions de l’agent, n’avait pas pour por-
gnie d’assurance, de sorte que les agents de la
tée de faire de la banque le commettant de l’agent
banque étaient systématiquement obligés de distri-
pour ces produits. Cette clause devait se lire con-
buer les polices de ladite compagnie, ne menait
jointement avec un autre article de la conven-
pas, selon la Cour, à une autre conclusion. L’allégation de l’agent selon laquelle la compagnie rétro-
«L’allégation de l’agent selon laquelle
céderait à la banque une partie des revenus géné-
la
la
rés par les polices adossées aux crédits de la
banque une partie des revenus géné-
banque, à la supposer avérée, n’était pas non plus
compagnie
rétrocéderait
à
rés par les polices adossées aux crédits de la banque, à la supposer avé-
de nature à mener à une autre conclusion.
La thèse selon laquelle l’agent serait, pour les produits d’assurance, un sous-agent de la banque,
rée, n’était pas non plus de nature à
n’est pas conforme aux conventions signées et
mener à une autre conclusion».
exécutées par les parties. C’est avec la compagnie
d’assurance que l’agent avait signé sa convention
d’agence commerciale pour la distribution des pro-
tion qui visait à interdire à l’agent de distribuer
duits d’assurance, et c’était de celle-ci qu’il avait
d’autres assurances que celles des compagnies
perçu ses commissions pour la vente de ces pro-
avec lesquelles la banque avait un accord de coo-
duits pendant toute la durée d’exécution de la con-
pération.
vention. De même, la thèse selon laquelle la
banque aurait, par l’intermédiaire de son nouvel
Certes, la Cour reconnaissait qu’il existait entre les
agent, repris à son profit la clientèle relative aux
deux activités une forte intégration commerciale.
activités d’assurance n’était pas démontrée pour la
En particulier, le processus de vente combinait les
Cour : rien n’indiquait que le nouvel agent ne serait
deux produits. Une telle intégration commerciale,
pas devenu, pour les assurances, l’agent direct de
aussi poussée soit-elle, n’impliquait toutefois pas
la société de la compagnie d’assurance selon le
que la séparation juridique des deux activités soit
même modèle que l’agent précédent.
simulée. La réalité juridique était en l’espèce que
Il n’était en conséquence pas exact que les com-
deux conventions distinctes avaient été conclues
missions perçues sur la vente des assurances
par le même agent avec deux commettants dis-
constituaient la rémunération des activités de
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l’agent en tant qu’agent ou sous-agent de la
deux conditions. En premier lieu, il faut que l’agent
banque, et qu’elles devraient être incluses dans la
ait droit à une indemnité d’éviction conformément à
base de calcul des indemnités de préavis ou
l’article 20. En l’espèce, il n’était pas contesté que
d’éviction dues par la banque.
cette première condition était remplie en ce qui
concerne la banque. Aucune indemnité d’éviction
2. L’indemnité complémentaire
n’était en revanche due par la compagnie d’assu-
L’agent réclamait, à titre subsidiaire, une indemni-
rance, de sorte que la demande d’indemnité com-
té complémentaire sur la base de l’article 21 de la
plémentaire à charge de celle-ci ne pouvait de
LCAC. Il soutenait que ses activités consistaient
toute manière pas être accueillie. Il faut en second
en le placement de produits bancaires et de pro-
lieu que l’agent ait subi un préjudice qui excède le
duits d’assurance auprès de la clientèle de la
montant de l’indemnité d’éviction. L’existence et le
banque, et qu’il avait perdu la possibilité de placer
montant du préjudice doivent être prouvés par
des produits d’assurance auprès de cette clientèle
l’agent. L’indemnité complémentaire de l’article 21
suite à la rupture du contrat de la banque. Le pré-
est dans ce cas égale à l’excédent du préjudice
judice qu’il avait subi excédait dès lors, l’indemnité
réel par rapport au montant de l’indemnité d’évic-
forfaitaire calculée sur la seule base de la rémuné-
tion de l’article 20.
ration relative aux produits bancaires.
La Cour précisa que l’indemnité d’éviction et
La banque et la compagnie d’assurance s’oppo-
l’indemnité complémentaire visent toutes deux à
saient à cette demande aux motifs que le préju-
compenser la perte de clientèle dès lors que seuls
dice invoqué était propre au contrat de la compagnie d’assurance et ne pouvait être réclamé à la
« Il faut en second lieu que l’agent ait
banque.
subi un préjudice qui excède le montant de l’indemnité d’éviction. L’exis-
L’article 21 de la LCAC dispose : « Pour autant
que l’agent commercial ait droit à l’indemnité
d’éviction visée à l’article 20 et que le montant de
tence et le montant du préjudice doivent être prouvés par l’agent.
cette indemnité ne couvre pas l’intégralité du pré-
L’indemnité complémentaire est
judice réellement subi, l’agent commercial peut,
dans ce cas égale à l’excédent du
mais à charge de prouver l’étendue du préjudice
préjudice réel par rapport au mon-
allégué, obtenir en plus de cette indemnité, des
dommages et intérêts à concurrence de la différence entre le montant du préjudice réellement
tant de l’indemnité d’éviction de l’article 20 ».
subi et celui de cette indemnité ».
les préjudices liés à la clientèle pouvaient être pris
La Cour rappela que le droit à l’indemnité complé-
en considération pour le calcul de l’indemnité com-
mentaire prévue par cette disposition est soumis à
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plémentaire. En effet, cette indemnité n’est accor-
l’assuré si elle n’est pas associée à un crédit,
dée qu’à l’agent qui bénéficie d’une indemnité
l’assurance solde restant dû n’étant qu’un acces-
d’éviction, et qui a donc apporté une clientèle ; si
soire. La démarche intellectuelle du client est de
l’article 21 visait à indemniser d’autres types de
d’abord décider de prendre un crédit et ensuite
préjudices, par exemple les investissements non
d’éventuellement y adjoindre une assurance solde
encore amortis, la Cour ne voyait pas pourquoi il
restant dû. La démarche inverse n’aurait pas de
serait subordonné à cette condition. L’indemnité
sens : on n’imagine pas qu’un client décide en pre-
compensatoire de préavis de l’article 18 § 3 n’est
mier lieu de contracter une assurance solde restant
par ailleurs pas imputable sur l’indemnité complé-
dû, pour ensuite examiner l’opportunité de sous-
mentaire, au contraire de l’indemnité d’éviction. Or,
crire à un emprunt correspondant.
certains préjudices non liés à la clientèle, tels les
indemnités de préavis dues au personnel de
La disparition de la clientèle bancaire de la banque
entraînait donc nécessairement chez l’agent la dis-
«La disparition de la clientèle ban-
parition de tout le flux d’affaires constitué des po-
caire de la banque entraînait donc
lices solde restant dû de la compagnie d’assu-
nécessairement chez l’agent la dis-
rance. C’est un préjudice dont la réalité n’était pas
parition de tout le flux d’affaires cons-
douteuse pour la Cour, et qui découlait de la rup-
titué des polices solde restant dû de
la compagnie d’assurance. »
ture du contrat de la banque et de la perte de la
clientèle bancaire. Il ne s’agissait dès lors pas,
contrairement à ce que soutenaient la banque et la
compagnie d’assurance, d’un préjudice propre au
l’agent, sont au moins partiellement couverts par
contrat de la compagnie d’assurance. La Cour re-
l’indemnité compensatoire de préavis qui est calcu-
connaît que le même préjudice serait né si le con-
lée sur la base de la rémunération brute de l’agent,
trat de la compagnie d’assurance avait été rompu,
de sorte qu’il y aurait double indemnisation si ces
mais il restait qu’en l’espèce c’était, pour la Cour,
préjudices étaient également pris en compte pour
la rupture du seul contrat de la banque qui en avait
le calcul de l’indemnité complémentaire.
été la cause.
En l’espère, la clientèle bancaire du contrat de la
Il ne s’agissait pas non plus, contrairement à la
banque permettait à l’agent de placer non seule-
situation envisagée par la Cour de justice de
ment les produits bancaires de la banque (c’est-à-
l’Union européenne dans son arrêt du 26 mars
dire principalement des crédits à la consomma-
2009 (C-348/07, Turgay Semen c. Deutsche Ta-
tion), mais également les polices d’assurance
maoil GmbH), de tenir compte des avantages reti-
solde restant dû de la compagnie d’assurance.
rés par la compagnie d’assurance de la rupture du
La Cour releva qu’une assurance solde restant dû
contrat de la banque, mais plutôt de tenir compte
n’est en pratique vendable que conjointement avec
d’un élément du préjudice subi par l’agent qui, bien
un crédit : une telle police n’a aucun intérêt pour
que consistant en la perte des revenus générés
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par le contrat de la compagnie d’assurance, était
l’agent aurait gagnées à charge de la compagnie
la conséquence de la rupture du contrat de la
d’assurance dans un tel scénario.
banque et de la perte de la clientèle bancaire de la
banque. Le préjudice précité était directement lié à
Vu le parallélisme qui existait entre les deux flux
la clientèle et était donc en principe éligible pour
d’affaires, la Cour estima justifier de retenir pour
une indemnité complémentaire.
l’évaluation de la valeur du flux « assurances » les
mêmes paramètres que ceux qui avaient été rete-
Selon la Cour, le préjudice subi par l’agent en rai-
nus par les parties pour le calcul de l’indemnité
son de la perte de la clientèle bancaire dépasse le
d’éviction, qui correspondait à l’évaluation du flux
montant de l’indemnité d’éviction qu’elle avait per-
bancaire. L’indemnité d’éviction « bancaire » a été
çue. Ce préjudice comprend deux composantes :
fixée à douze mois de commissions calculées sur
la perte du flux de revenus généré par cette clien-
la base de la moyenne des cinq années précédant
tèle par le biais des produits bancaires, et la perte
la rupture.
du flux de revenus généré par cette même clientèle par le biais des assurances solde restant dû.
3. La rupture de fait de la convention de la compa-
La première composante avait été adéquatement
gnie d’assurance
compensée par l’indemnité d’éviction payée par la
L’agent soutenait, à titre subsidiaire encore, que la
banque. Cette indemnité avait été calculée sur la
rupture du contrat de la banque a provoqué la rup-
base des commissions historiques perçues par
ture de fait du contrat de la compagnie d’assu-
l’agent à charge de la banque sur les produits ban-
rance. Vu l’intégration des deux activités, la cessa-
caires uniquement (douze mois de commissions,
sur la base de la moyenne des cinq dernières an-
« la Cour estima justifier de retenir
nées). Elle a compensé complètement les pertes
pour l’évaluation de la valeur du
de revenus de type bancaire, mais rien de plus
flux « assurances » les mêmes pa-
que cela. La seconde composante du préjudice,
consistant en les pertes de revenus produits par
les assurances, correspondait donc exactement à
ramètres que ceux qui avaient été
retenus par les parties pour le cal-
la mesure du préjudice excédentaire qui devait
cul de l’indemnité d’éviction, qui
être couvert par l’indemnité complémentaire.
correspond ait à l’évaluation du flux
bancaire»
La valeur des revenus d’assurance perdus par
l’agent ne pouvait pas en l’espèce être évaluée
autrement qu’ex aequo et bono. Il était en effet
tion des activités bancaires de l’agent avait fait dis-
impossible pour la Cour de rétablir une réalité al-
paraître la clientèle et les commissions relatives
ternative, où le contrat de la banque n’aurait pas
aux assurances. La convention de la compagnie
été rompu, et d’observer combien de commissions
d’assurance était l’accessoire de la convention de
la banque et, en vertu de l’adage accessorium se-
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quitur principale, la rupture de la convention princi-
pas de force obligatoire (Cass., 8 mars 2013).La
pale avait entraîné la rupture de la convention ac-
Cour reconnaît toutefois que la dissolution d’une
cessoire. En outre, la rupture de la convention de
convention peut entraîner la caducité d’une autre
la banque avait entraîné la disparition de l’objet de
convention qui en est l’accessoire, lorsque la dis-
la convention de la compagnie d’assurance et la
parition de la convention principale fait dispa-
dissolution par caducité de cette dernière conven-
raître l’objet de la convention accessoire. La ca-
tion. La banque et la compagnie d’assurance ré-
ducité d’une convention par disparition de son
pondaient que la convention de la compagnie
objet suppose que la poursuite de l’exécution du
d’assurance n’avait pas été résiliée, et qu’au con-
contrat soit devenue matériellement impossible ;
traire la compagnie d’assurance avait expressé-
il ne suffit pas que cette exécution soit devenue
ment confirmé dans une lettre que cette conven-
plus difficile ou économiquement inintéressante,
tion se poursuivait. Elles notent que l’agent avait
étant entendu toutefois que l’impossibilité d’exé-
continué à percevoir des commissions de la part
cution doit s’apprécier de manière raisonnable en
tenant compte de la portée que les parties ont
« l’exécution de la convention de la
voulu donner à leurs obligations. La disparition
compagnie d’assurance restait pos-
de l’intérêt économique de la convention peut
sible après la rupture de la conven-
éventuellement affecter la cause de celle-ci, c’est
tion de la banque : rien n’empêchait
-à-dire les motifs qui avaient déterminé les par-
l’agent de placer des assurances
ties à la conclure, mais la disparition de la cause
après la naissance de la convention ne suffit pas
solde restant dû émises par la com-
à en entraîner la caducité (Cass., 12 décembre
pagnie d’assurance auprès d’une
2008).
nouvelle clientèle bancaire »
En l’espèce, l’exécution de la convention de la
compagnie d’assurance restait possible après la
de la compagnie d’assurance après la rupture de
rupture de la convention de la banque : rien
la convention de la banque.
n’empêchait l’agent de placer des assurances
La Cour rappela qu’en l’absence de clause con-
solde restant dû émises par la compagnie
tractuelle contraire, le fait que des conventions
d’assurance auprès d’une nouvelle clientèle ban-
conclues par une même personne avec des con-
caire qu’elle aurait développée indépendamment
treparties distinctes soient liées entre elles par une
de la banque. Il avait d’ailleurs effectivement dé-
connexité de fait n’avait pas pour conséquence
veloppé une telle clientèle pour une autre
que la dissolution de l’une entraîne nécessaire-
banque, dont il est devenu l’agent quelques mois
ment la dissolution de l’autre. Chaque convention
après la rupture.
n’a d’effet qu’entre ses parties contractantes. Ceci
reste vrai lorsqu’une convention est l’accessoire de
l’autre ; l’adage accessorium sequitur principale ne

constituait pas un principe général du droit et n’a
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Le gage pour toutes sommes confère-t-il un statut de créancier sursitaire extraordinaire ?
D
futures sur la banque en raison d’avoirs en compte
eux sociétés avaient déposé un plan de réor-
ou d’opérations bancaires et de services ban-
ganisation en vue de conclure un accord collectif
caires, ainsi que toutes ses créances actuelles et
avec leurs créanciers. Deux banques créancières
futures sur des tiers. Sont visées, entre autres, les
soutenaient qu’elles devaient être considérées
créances nées de contrats de vente, de locations
comme créancier extraordinaire au motif qu’elles
de services, de dépôts et d’assurances, les
disposaient d’un gage sur toutes les créances ac-
créances découlant de l’activité professionnelle ou
tuelles et futures des deux sociétés en sursis. Or,
commerciale du crédité, les créances sur établisse-
les plans de réorganisation prévoyaient un abatte-
ments financiers en vertu d’avoirs en compte, les
ment à zéro des créances ordinaires. Un litige qui
créances en responsabilité contractuelle et extra-
s’en suivit fut porté devant la Cour d’appel de
contractuelle, les créances sur l’Etat et autres per-
Bruxelles.
sonnes morales de droit public. C’est sur la base
Les deux sociétés en réorganisation soutenaient
de ces dispositions – dont l’opposabilité n’était pas
que :
contestée – que les banques soutenaient que leurs
–
un gage général sur créances actuelles et
créances devaient être considérées comme des
futures ne constituait pas un privilège spé-
créances sursitaires extraordinaires et que, par-
cial ;
–
subsidiairement,
un
créancier
sursitaire
n’était extraordinaire qu’à concurrence de ce
qui subsiste de l’assiette de son privilège
l’article de leurs conditions géné-
spécial au moment de l’ouverture de la pro-
rales qui prévoyait que le client af-
cédure en réorganisation judiciaire ; or, à
fecte en gage toutes ses créances
cette date, les deux sociétés n’étaient pas
actuelles et futures sur la banque
titulaires de créances sur des clients ou des
en raison d’avoirs en compte ou
tiers ;
–
« Les deux banques invoquaient
en tout état de cause, les banques commettaient un abus de droit dans la mesure où
d’opérations bancaires et de services bancaires, ainsi que toutes
elles n’avaient rien à gagner à provoquer
ses créances actuelles et futures
leurs faillites, ce qui serait immanquable-
sur des tiers.»
ment le cas en l’espèce.
Les deux banques invoquaient l’article de leurs
tant, elles ne pouvaient être concernées par les
conditions générales qui prévoyait que le client
plans de réorganisation, tels qu’ils avaient été pro-
affecte en gage toutes ses créances actuelles et
posés.
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L’article 2d, ancien de la loi sur la continuité des
qu’à défaut d’apporter cette preuve, le débiteur
entreprises (LCE) dispose qu’ «on entend par …
entendra ordonner la fin de ce sursis.
« créances sursitaires extraordinaires » : les
Sauf leur consentement individuel ou accord
créances garanties par un privilège spécial ou une
amiable conclu conformément à l’article 15 ou 43,
hypothèque et les créances des créanciers-
dont une copie est jointe au plan lors de son dépôt
propriétaires ».
au greffe, le plan ne peut comporter aucune autre
mesure affectant les droits desdits créanciers. »
La LCE traite plus favorablement les créances extraordinaires puisque l’article 50 prévoit que :
Selon la Cour, les termes « privilège spécial »
«Sans préjudice du paiement des intérêts qui leur
dont il est question dans la LCE devaient s’en-
sont conventionnellement ou légalement dus sur
tendre comme étant une expression synonyme de
leurs créances, le plan peut prévoir le sursis de
« privilèges particuliers », tels qu’ils sont définis
aux articles 158 et suivants de la loi hypothécaire.
« les termes « privilège spécial »
Sont notamment considérés comme des créan-
dont il est question dans la LCE de-
ciers sursitaires extraordinaires ceux dont la
vaient s’entendre comme étant une
créance est garantie par un gage et un gage sur
expression
synonyme
de
fonds de commerce.
Il ne s’agit là que de la stricte application de l’ar-
« privilèges particuliers », tels qu’ils
ticle 20, 3° de la loi hypothécaire. En effet, une
sont définis aux articles 158 et sui-
sûreté est générale lorsqu’elle a pour assiette un
vants de la loi hypothécaire.»
ensemble de biens. Elle est spéciale lorsqu’elle
grève un ou plusieurs biens déterminés, ce qui est
le cas du gage, de l’hypothèque, des privilèges
l’exercice des droits existants des créanciers sursi-
spéciaux sur meubles ou sur immeubles et du pri-
taires extraordinaires pour une durée n’excédant
vilège de l’assureur. Cette distinction ressort de
pas vingt-quatre mois à dater du dépôt de la re-
l’article 18 de la loi hypothécaire selon lequel les
quête. Dans les mêmes conditions, le plan peut
privilèges sont ou généraux ou particuliers sur cer-
prévoir une prorogation extraordinaire de ce sursis
tains meubles. L’article 18 de la loi hypothécaire
pour une durée ne dépassant pas douze mois.
énumère les privilèges généraux sur les meubles
Dans ce cas, le plan prévoit qu’à l’échéance du
et l’article 20 les privilèges sur certains meubles,
premier délai de sursis, le débiteur soumettra au
c’est-à-dire les privilèges spéciaux. L’article 20, 3°
tribunal, son créancier entendu, la preuve que la
de la loi hypothécaire dispose que les créances
situation financière et les recettes prévisibles de
privilégiées sur certains meubles sont, notam-
l’entreprise la mettront, selon les prévisions raison-
ment, la créance, sur le gage dont le créancier est
nables, à même, à l’expiration de cette période
saisi. De plus, les travaux préparatoires de la LCE
supplémentaire, de rembourser intégralement les
précisent clairement que les créances sursitaires
créanciers sursitaires extraordinaires concernés, et
extraordinaires sont notamment celles « garanties
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par une sûreté réelle », comme l’est le gage sur
l’assiette du gage au moment de l’ouverture de la
créances.
procédure en réorganisation.
Par ailleurs, rien n’interdit de constituer un gage
Il ne convient en effet pas de confondre la nature
sur créances futures ou conditionnelles sous la
de la créance et son assiette. Le caractère d’une
réserve que ces dettes soient déterminées ou dé-
créance, ou autrement dit, la question de savoir si
terminables au moment de la constitution de la
une créance est privilégiée ou non, est une ques-
sûreté (art. 1130, 1er al. C. Civ.). Les créances
tion différente de celle de savoir pour quel montant
futures ont un caractère suffisamment déterminé
elle est privilégiée. C’est l’intégralité du montant de
ou déterminable si la convention instituant la sûre-
la créance garantie par le privilège qui doit être
té permet de les définir et s’il résulte des éléments
qualifiée comme étant extraordinaire, peu importe
de la cause qu’elles sont effectivement de celles
dans quelle mesure le créancier sera en fin de
que les parties avaient entendu assortir de la ga-
compte remboursé, la finalité de la LCE étant la
rantie. Tel était le cas en l’espèce. Les conditions
continuité de l’entreprise et l’exécution du plan
générales de banque décrivaient d’une manière
dans le futur, qui doit permettre le remboursement
très claire et pratiquement exhaustive les créances
de la créance. Suivre la thèse des deux sociétés
futures susceptibles d’entrer dans l’assiette du
en
gage, en manière telle qu’elles pouvaient être
créances futures de l’assiette du gage, ce qui ne
identifiées à l’avenir. Elles répondaient dès lors
pouvait être admis pour les motifs développés pré-
selon la Cour à l’exigence du caractère détermi-
cédemment.
nable.
Enfin, c’était tout aussi vainement que les deux
réorganisation
reviendrait
à
exclure
les
Il convient en outre d’observer que le droit futur a
prévu que le gage peut avoir pour objet des biens
« Il convient en outre d’observer
futurs (cf. article 8 du nouveau chapitre 1er du
que le droit futur a prévu que le
Titre XVII du Code civil, inséré par la loi du 11 juillet 2013 qui entre en vigueur à une date fixée par
le Roi et au plus tard le 1er décembre 2014). Il
gage peut avoir pour objet des
biens futurs (cf. article 8 du nou-
s’ensuit que c’était à tort que les deux sociétés en
veau chapitre 1er du Titre XVII du
réorganisation soutenaient, dans le cadre de leur
Code civil, inséré par la loi du 11
appel incident, qu’un gage général sur créances
juillet 2013 qui entre en vigueur à
actuelles et futures ne constituait pas un privilège
spécial. Il ne résulte d’aucune disposition contenue dans la LCE que le législateur ait entendu
une date fixée par le Roi et au plus
tard le 1er décembre 2014).»
limiter les droits des créanciers sursitaires extraordinaires, tels qu’ils découlent notamment de l’ar-
sociétés reprochaient que le gage n’avait pas fait
ticle, ni que la loi doive être interprétée en ce sens
l’objet d’un enregistrement. C’était en effet perdre
que le caractère extraordinaire d’une créance de-
de vue qu’en l’espèce le gage était commercial.
vrait être limité à la valeur de réalisation de
10 / 21
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
La créance n’était pas sérieuse et la rupture trop brutale
D
eux frères associés, poursuivant l’activité de
en 2008.
leurs parents, exploitaient un commerce d’articles
A la fin de l’année 2009, l’avance à termes fixes
de chasse et de pêche. Ils avaient pour cela consti-
accordée à l’association de fait ne fut pas renouve-
tué une association de fait.
lée sans aucun avertissement préalable.
Les crédits nécessaires à cette activité avaient été
octroyés depuis longue date par une banque. Ces
Début 2010, la banque belge avertit les associés
crédits avaient notamment pris la forme d’une
qu’un nouveau renouvellement était subordonné à
avance à termes fixes de six mois, d’un montant
la présentation de solutions globales permettant le
fluctuant dans le temps mais avoisinant la plupart
remboursement des engagements exigibles à
l’égard de la banque tant dans le chef de l’associa-
« Il est inexact d’affirmer que le délai
prévu par la loi hypothécaire inclut le
tion de fait que dans le chef des sociétés françaises. Les associés restant en défaut de rembourser les dettes, la banque demanda et obtint l’autori-
jour de l’inscription. A défaut, le
sation de réaliser le gage sur fonds de commerce.
nombre d’années prévu n’aurait pu
Les associés formèrent opposition à cette ordon-
être entièrement accompli, puisque le
nance devant le tribunal de commerce de Tournai.
jour de l’inscription n’aurait été pris en
compte que partiellement. »
1.La problématique du renouvellement de l’inscription
Le gage sur le fonds de commerce des associés
du temps 250.000 €. Cette avance avait été renou-
avait fait l’objet d’une inscription à la conservation
velée tous les six mois durant de nombreuses an-
des hypothèques le 3 février 1988. Cette inscrip-
nées, sans difficulté apparente.
tion avait été renouvelée le 3 février 1998.
Durant les années 2000, l’un des associés désira
Selon les associés, ce renouvellement était tardif.
diversifier ses activités. Il participa à la création de
En effet, le délai de validité de l’inscription se
deux sociétés françaises en vue d’exploiter un nou-
comptait, selon eux, à partir du jour même de l’ins-
veau magasin dans la région parisienne. L’activité
cription, celui-ci étant inclus dans le délai. Ils esti-
de ces sociétés françaises était en lien étroit avec
maient que la loi sur le gage du fonds de com-
celle de l’association de fait, qui était un de ses im-
merce s’inspirait sur ce point de la loi hypothécaire,
portants fournisseurs. Les crédits pour cet investis-
laquelle dérogeait explicitement aux règles de cal-
sement furent accordés pour partie par une société
cul des délais de procédure et de prescription. Dès
financière française appartenant au même groupe
lors, le délai de dix ans était arrivé à expiration le 2
que la banque belge. Ces crédits furent dénoncés
février 1998. Le renouvellement effectué le 3 février serait ainsi hors délai.
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11 /21
Selon la banque, il y avait lieu d’appliquer les
nées prévu n’aurait pu être entièrement accompli,
règles du Code judiciaire relatives à la computation
puisque le jour de l’inscription n’aurait été pris en
des délais, qui s’appliquent aux délais de prescrip-
compte que partiellement.
tion et aux délais préfix. Dès lors, le point de départ
Il en résulte que le délai doit, conformément à l’ar-
n’est pas compris dans le délai. Le délai de validité
ticle 52 C. Jud., se compter à dater du lendemain
de l’inscription arrivait donc à échéance le 3 février
du point de départ. Dans le cas présent, le délai se
1998. Le renouvellement a ainsi été réalisé en
compte à dater du 4 février 1988 et est arrivé à
temps utile. Selon l’article 9 de la loi du 25 octobre
échéance le 3 février 1998. Le renouvellement de
1919 sur la mise en gage du fonds de commerce,
l’inscription, réalisé le 3 février 1998, n’est donc
l’inscription conserve le gage durant dix ans.
pas tardif.
La banque considérait à juste titre selon le tribunal
2. Le caractère sérieux de la créance
que cette disposition, qui fixe le délai endéans le-
Il n’était guère contestable que la créance de la
quel le créancier doit accomplir une formalité (le
banque était liquide et exigible. La contestation
renouvellement de l’inscription), institue un délai
portait plutôt sur le caractère sérieux de la créance
préfix légal. Les délais préfix se calculent en prin-
de la banque. Il est en effet admis que le président
cipe comme les délais de prescription. Or, le calcul
peut refuser de valider la réalisation du gage si la
des délais de prescription s’opère comme le calcul
créance du créancier gagiste apparaît sérieuse-
des délais de procédure prévus par le Code judi-
ment contestable.
ciaire. En application de l’article 52 C. jud., le jour
La banque relevait que l’avance à termes fixes
qui constitue le point de départ n’est donc pas com-
n’avait pas été renouvelée, de telle sorte qu’elle
pris dans le délai.
« Il est en effet admis que le présiPour le tribunal, s’il est exact que les dispositions
de la loi du 25 octobre 1919 relatives à l’inscription
du gage font à plusieurs reprises référence à la loi
dent peut refuser de valider la réalisation du gage si la créance du
hypothécaire, de telle sorte que le régime de celle-
créancier gagiste apparaît sérieuse-
ci peut être considéré comme une référence pour
ment contestable.»
interpréter la loi sur le gage sur le fonds de commerce. Il est également exact que l’article 90 de la
loi hypothécaire dispose que les inscriptions con-
était devenue remboursable depuis son échéance.
servent les hypothèques pendant 30 ans à compter
Le juge appelé à valider la réalisation du gage,
du jour de leur date. Il est toutefois inexact d’affir-
statuant sur la base des apparences de droit, ne
mer selon le tribunal que le délai prévu par la loi
pourrait que le constater.
hypothécaire inclut le jour de l’inscription. Pour ce
Le tribunal estima toutefois que, même dans le
délai également, le point de départ n’est pas inclus
cadre d’un examen des apparences de droit, il y
dans le calcul du délai. A défaut, le nombre d’an-
avait lieu d’aller plus loin dans l’analyse des rela-
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15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
tions entre parties.
associés à leur conseil du 20 janvier 2010 donnait
Les associés plaidaient que, compte tenu du
à penser que l’absence de renouvellement était
nombre important de renouvellements, les avances
intervenue de manière tout à fait brutale et inopi-
à termes fixes s’étaient muées en ouverture de cré-
née. Aucune motivation n’avait été communiquée
dit à durée indéterminée. La banque contestait à
aux associés. Aucune mise en demeure ne leur
juste titre selon le tribunal cette affirmation, qui
avait été adressée préalablement.
n’était pas conforme au libellé des actes accordant
La banque ne démontrait pas non plus que les
les crédits aux associés. Par ailleurs, la loi ne pré-
associés seraient restés en défaut de respecter
voit pas qu’au bout d’un certain nombre de renou-
leurs engagements, ce qui expliquerait l’absence
vellements, une ouverture de crédit à durée détermi-
de renouvellement du crédit. Elle expose qu’ils
née se transforme en crédit à durée indéterminée.
étaient restés en défaut de rembourser l’avance
En revanche, l’avance à termes fixes avait été re-
du fait du défaut de renouvellement. Mais cette
créance de la banque résulte de l’absence de re-
« A tout le moins, si la banque sou-
nouvellement et ne lui préexistait pas.
haitait refuser ce renouvellement, elle
Le premier rapport de l’administrateur provisoire
devait en avertir le crédité et le mettre
indiquait que la situation de l’association de fait
en demeure de respecter ses obligations, si un problème de cette nature
apparaissait. »
présentait un actif net relativement confortable à
la fin de l’année 2010 c’est-à-dire plusieurs mois
après le non-renouvellement de l’avance.
Le
tribunal
constata
donc
que
le
non-
renouvellement s’était réalisé de manière brutale
nouvelée deux fois par an, durant plus de dix ans. A
et non motivée et n’apercevait pas, à première
défaut de pièces ou d’explications en sens contraire,
lecture, quels pourraient être les motifs qui justi-
il apparaissait que ce renouvellement n’avait été
fiaient ce changement d’attitude.
qu’une simple formalité. Dès lors, au terme d’une
Par ailleurs, le tribunal précisa que la banque
relation contractuelle aussi longue, le crédité était en
n’était pas autorisée à conditionner le renouvelle-
droit d’attendre que le renouvellement à effectuer à
ment de l’avance consentie aux associés au rem-
la fin de l’année 2009 se réalise de manière aussi
boursement de crédits accordés à des tiers,
facile. A tout le moins, si la banque souhaitait refu-
même si un des associés était administrateur des
ser ce renouvellement, elle devait en avertir le crédi-
deux sociétés françaises.
té et le mettre en demeure de respecter ses obliga-
La banque invoquait à cet égard l’existence d’un
tions, si un problème de cette nature apparaissait.
groupe, unissant l’association de fait et les socié-
Or, le dossier ne contenait aucun avertissement de
tés françaises, qui justifierait que le sort de l’asso-
la banque, précisant que le renouvellement serait
ciation de fait puisse être lié à celui de ces deux
conditionné à la régularisation de la situation de
sociétés. Elle relevait qu’il existait un fort courant
l’association de fait. Au contraire, le courrier des
d’affaires entre l’association de fait et les sociétés
françaises, de telle sorte que la situation de celles
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13 /21
-ci influençait celle des associés. Le tribunal ob-
rence, le tribunal considéra que ces affirmations
serva à ce sujet que, si les associés ne niaient
étaient insuffisantes pour établir une imbrication
pas l’existence de ces relations, ils répondaient,
telle entre l’association de fait et les sociétés fran-
justificatifs à l’appui qu’il s’agissait de ventes de
çaises qu’il serait pertinent de refuser l’octroi de
l’association de fait à l’une des sociétés françaises
crédits aux associés parce que les sociétés fran-
(l’association de fait achetait pour compte des
çaises ne rembourseraient pas les leurs.
deux entités), ventes constatées par des factures
Dans le cadre de l’examen limité qui est autorisé
régulières.
dans le contexte de cette procédure, le tribunal
La banque releva également l’existence d’un im-
constate donc que les associés étaient en mesure
portant compte courant entre les deux sociétés
de faire valoir des contestations sérieuses à l’en-
françaises. Le tribunal constata que ce point con-
contre de la créance de la banque de sorte qu’il
cernait les relations entre les sociétés françaises
débouta cette dernière.
entre elles et non l’association de fait.
Dans le cadre d’un examen à première appa-
Le couperet de la prescription
U
n client prétendait qu’il avait appris, dans le
dater de l’opération ou du fait qui donne lieu à la
courant du dernier trimestre de 2010, que des
contestation.
titres déposés sur son dossier-titres avaient fait
Selon le tribunal, il résultait des pièces produites
l’objet d’un transfert sur un compte ouvert au nom
aux débats que le document d’ouverture du
d’une tierce personne. Le litige fut soumis au tribu-
compte du demandeur du 26/04/1999 mention-
nal de commerce de Bruxelles.
nait expressément au point II que le compte,
La banque soulevait l’irrecevabilité de la demande
ainsi que toutes les relations relatives à son
en invoquant la prescription. Elle relevait que les
fonctionnement et aux opérations qui y seront
faits litigieux remontaient aux mois d’avril et mai
effectuées étaient régis par le Règlement Géné-
2009, que le demandeur disait avoir constaté ces
ral des Opérations de la banque (RGO) et qu’un
faits dans le courant du dernier trimestre 2010,
exemplaire du RGO est remis au(x) titulaire(s)/
qu’il n’avait fait sa déclaration auprès des services
au(x) représentant(s) légal (légaux) qui recon-
de la Police de Bruxelles qu’en mai 2011 et qu’il
naît (reconnaissent) l’avoir reçu (pour compte
n’avait lancé citation qu’en mai 2013, soit 4 ans
du titulaire) et en accepter (au nom de celui-ci),
après les faits ;
toutes les dispositions.
Elle faisait valoir qu’en application de l’article 4 du
Ce document d’ouverture du compte a été dû-
Règlement Général des opérations, le droit d’agir
ment signé par le client qui a dès lors accepté
en justice contre la banque se prescrit par l’écou-
expressément l’application des dispositions du
lement d’un délai de trois ans et ce délai court à
RGO.
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Selon le tribunal, la demande, introduite par citation
du 08/05/2013, était dès lors frappée par la prescription.
L’usage bancaire du calcul d’intérêts sur une base de 360 jours
P
ar un arrêt, la Cour d’appel de Liège avait con-
commun accord, avait été imputé par préférence
damné solidairement deux clients d’une banque à
sur le capital, ce qui signifie que le solde éventuel
payer à celle-ci une somme en remboursement
constituait des intérêts qui ne pouvaient produire
d’une ouverture de crédit.
eux-mêmes des intérêts à défaut d’une capitalisation des intérêts effectuée en conformité avec les
La Cour d’appel de Liège avait toutefois omis d’al-
règles du Code civil (article 1154).
louer à l’appelante les intérêts réclamés dans ledit
décompte.
La banque revendiquait pour sa part l’imputation
des paiements intervenus conformément au pres-
Par un jugement du 22 novembre 2006, la chambre
crit de l’article 1254 du Code civil. Au vu des élé-
des saisies du Tribunal de première instance
à
ments auxquels la Cour pouvait avoir égard, rien
Liège a dit pour droit que l’appelante ne disposait
ne permettait de considérer qu’un accord serait
pas d’un titre exécutoire pour réclamer les intérêts
intervenu entre les parties pour déroger à la règle
moratoires et devra lever l’inscription hypothécaire si
de l’imputation de paiements en priorité sur le ca-
elle obtient la somme en principal, majorée des dé-
pital conformément à l’article 1254 du Code civil.
pens et des frais de signification.
Le paiement intervenu en décembre 2006 ne perPar un arrêt du 4 février 2010, la septième chambre
mettait pas de déduire pareil consentement du
de la Cour d’appel de Liège a confirmé le jugement
créancier dès lors que ledit montant correspondait
précité du 22 novembre 2006 en ce qu’il avait déci-
à une partie du solde pour lequel la banque dispo-
dé que l’arrêt du 13 juin 2006 ne constituait pas un
sait d’un titre en vertu de l’arrêt de la Cour d’appel
titre exécutoire pour les intérêts.
de Liège du 13 juin 2006. Par conséquent, les intérêts éventuellement alloués par la Cour s’impute-
Un pourvoi en cassation fut introduit. La Cour de
ront, dans un nouveau décompte, prioritairement
cassation cassa partiellement l’arrêt attaqué et a
sur les intérêts conformément au prescrit de l’ar-
renvoyé la cause, ainsi limitée, devant la cour d’ap-
ticle 1254 du Code civil.
pel de Mons. Les clients estimaient que les sommes
réclamées par la banque n’étaient pas dues au motif
Par ailleurs, la Cour rappela que l’usage bancaire
que le paiement qu’ils avaient effectué en décembre
consistant à calculer les intérêts journaliers sur
2006 représentait la créance en principal et, de
une base de 360 jours par an, critiqué par les
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15 /21
clients, fut admis par la Cour de cassation en son
mées. Lorsqu’une clause est usuelle, c’est-à-dire
arrêt du 22 décembre 2008, dans les termes sui-
lorsqu’elle est généralement reconnue applicable
vants :
dans une région déterminée ou dans un milieu
« En vertu des articles 1135 et 1160 du Code civil,
professionnel déterminé, la loi présume que les
la convention oblige non seulement à ce qui y est
parties ont connaissance de cet usage et qu’en ne
exprimé, mais encore à toutes les suites que
l’excluant pas de leur contrat, elles manifestent
l’usage donne à l’obligation d’après sa nature, et
leur volonté de l’incorporer dans celui-ci ».
on doit suppléer dans le contrat les clauses qui y
sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas expri-
Le devoir de prudence du banquier en matière de crédit
D
es créanciers partiellement impayés du prix
fessionnelle, fonds propres…). Les investiga-
de la vente de leur immeuble à M. X, reprochent à
tions doivent être, selon les cas, plus ou moins
une banque d’avoir accordé à celui-ci différents
approfondies. Il faut aussi, en règle, apprécier et
crédits qui les ont laissé croire à sa solvabilité et
s’en tenir au comportement de la banque au
les ont déterminé à contracter la vente de l’im-
moment de l’octroi des crédits et pas a posterio-
meuble avec lui.
ri, quand l’entreprise de l’emprunteur a périclité,
Le litige fut soumis au tribunal de 1
ère
instance
d’Arlon. Ce dernier rappela dans un premier temps
que conformément aux articles 1382 et 1383 du
les mauvaises affaires voire la faillite de celui-ci
« En règle, l’obligation de la banque
code civil, il appartient aux demandeurs d’établir la
varie en fonction de l’importance du
faute de la banque, le dommage qu’ils subissent,
crédit, de la complexité du dossier
et la relation causale entre la faute et le dommage.
et de la qualité de l’emprunteur (âge,
Quant à la faute, les créanciers soutenaient que la
formation, expérience profession-
banque avait manqué à son devoir d’investigation
sur la situation de M. X et qu’elle avait manqué à
nelle, fonds propres…). Les investi-
son obligation de surveillance et de contrôle de
gations doivent être, selon les cas,
l’utilisation du crédit.
plus ou moins approfondies»
Il n’apparaissait pas du dossier selon le tribunal
que la banque avait manqué à son devoir de pru-
n’établissant pas la faute de la banque.
dence. Le tribunal rappela qu’en règle, l’obligation
La défenderesse a analysé un plan financier
de la banque varie en fonction de l’importance du
(dressé par un cabinet d’expertise comptable)
crédit, de la complexité du dossier et de la qualité
convaincant et a légitimement retenu plusieurs
de l’emprunteur (âge, formation, expérience pro-
éléments de fait donnant à penser que le projet
16 / 21
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
économique de l’emprunteur était sain et dépourvu
banque que celle-ci avait correctement suivi l’enga-
de risques manifestes. Le tribunal releva que la
gement des dépenses par M. X et avait pu consta-
banque avait tenu compte d’une rentrée régulière
ter que ces dépenses se rapportaient bien à l’objet
de loyers, des fonds personnels disponibles, de
des crédits accordés, la transformation de l’im-
l’absence de concurrence à proximité immé-
meuble et l’aménagement d’une discothèque.
diate… C’était donc de façon raisonnable que la
Il n’était dès lors pas établi que la banque avait
banque avait octroyé les crédits à M. X.
commis une faute en accordant les crédits spécifiques à M. X. Un appel a été interjeté.
Par ailleurs, il résultait du dossier déposé par la
L’affacturage et les paiements après faillite de créances cédées
U
ne société Y qui bénéficiait d’une ligne de
crédit straightloan avait conclu un contrat d’affacturage avec une société spécialisée par lequel la première s’engageait à céder à la société d’affacturage
toutes ses créances sur ses acheteurs.
La société donna en gage à la banque toutes les
cédées. Elle l’invita dès lors à lui transférer sans
délai toutes sommes qui par dérogation aux instructions de paiement données aux débiteurs auraient été versées sur le compte bancaire de la
société faillie ou y seraient versées dans l’avenir.
La banque répond à la société d’affacturage que
suite à la faillite elle ne peut réserver de suite à sa
« un tiers peut engager sa responsa-
demande au motif que le fait qu’un contrat de fac-
bilité extracontractuelle envers une
toring ait été conclu n’implique pas que tous les
partie à un contrat lorsqu’il participe à
paiements qui ont été éventuellement crédités au
la violation par l’autre partie de ses
engagements contractuels, bien qu’il
compte de la société après la faillite, soient des
créances cédées ni que la banque soit tenue de
remettre ces montants à la société d’affacturage.
soit étranger au contrat.»
Cette dernière mit en cause la responsabilité extra
créances qu’elle détiendrait envers la société d’affacturage.
Quelques mois plus tard, la société tomba en faillite. La société d’affacturage rappela à la banque
qu’elle était seule habilitée à percevoir les créances
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
contractuelle de la banque pour avoir pendant la
période antérieure à la faillite de la société Y, à se
porter tiers-complice de la violation par la société
Y de son obligation contractuelle de restituer les
sommes qui ont été payées par erreur par les débiteurs sur les comptes de la banque et en ce qui
17 /21
concerne la période postérieure à la faillite à s’ap-
paiements concernaient une créance cédée ou
proprier fautivement les sommes versées par les
pas. Elle affirme que la banque avait, compte tenu
débiteurs ainsi que la dernière avance effectuée le
de sa connaissance i) de l’existence du contrat
jour de la faillite.
d’affacturage, ii) des principes généraux d’une
convention d’affacturage et iii) de la prise en gage
Le dossier fut soumis à la Cour d’appel de
des créances résultant du contrat d’affacturage,
Bruxelles. Dans un premier temps, cette dernière
connaissance de cette obligation contractuelle de
rappela qu’un tiers peut engager sa responsabilité
restitution dans le chef de la société Y et qu’elle a
extracontractuelle envers une partie à un contrat
sciemment coopéré à la violation par la société Y
lorsqu’il participe à la violation par l’autre partie de
de celle-ci, d’une part, par son inaction caractéri-
ses engagements contractuels, bien qu’il soit
sée face aux erreurs de paiement des débiteurs et,
étranger au contrat.
d’autre part, en s’appropriant, par le biais de la
compensation, les sommes payées indument par
Les conditions requises pour la mise en œuvre de
les débiteurs cédés sur le compte de la société Y
cette responsabilité sont les suivantes :
et les avances payées par elle.
–
–
la violation d’une obligation contractuelle par
Selon la Cour, il n’était pas contestable que pesait
une partie du contrat,
sur la société Y en vertu du contrat d’affacturage
l’existence du contrat et de l’obligation en
une obligation de faire parvenir sans délai à la so-
cause doivent être connus du tiers ou à tout
ciété d’affacturage les paiements directement ef-
le moins le tiers doit avoir eu connaissance
de ces éléments ou dû prendre toutes me-
–
–
« il ne pouvait être déduit du contrat
sures utiles pour s’informer à ce sujet,
d’affacturage que l’ensemble des
le tiers doit avoir coopéré sciemment et en
créances, en ce compris celles qui
pleine connaissance de cause à la violation
n’avaient pas été cédées à la socié-
par la partie de son obligation contractuelle,
té d’affacturage, devaient être
cette faute doit avoir causé à l’autre partie
au contrat un préjudice en lien causal avec
celle-ci.
La société d’affacturage soutenait que la société Y
payées sur le compte de cette dernière. »
fectués entre ses mains par les débiteurs.
avait, en vertu de la convention d’affacturage, une
obligation de résultat de lui rétrocéder sans délai
Vainement toutefois, la société d’affacturage con-
toutes les sommes payées par erreur par les débi-
sidérait que cette obligation visait « tous » les
teurs sur ses comptes ouverts auprès de la
paiements faits et pas seulement ceux faits par
banque, indépendamment du fait de savoir si ces
erreur par les seuls débiteurs des créances cédées. En effet, il ne pouvait être déduit du contrat
18 / 21
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
d’affacturage que l’ensemble des créances, en ce
turage, il n’est pas démontré que « l’ensemble des
compris celles qui n’avaient pas été cédées à la so-
paiements directs effectués sur les comptes de la
ciété d’affacturage, devaient être payées sur le
banque au cours de la période litigieuse concer-
compte de cette dernière. Une telle interprétation
nent des créances qui (lui) avaient été cédées en
n’était en effet pas conciliable avec l’article 2 dudit
exécution du contrat d’affacturage ».
contrat qui prévoyait que la cession des créances se
faisait par la remise hebdomadaire d’une Balance
La banque ne contestait pas avoir eu connais-
Acheteurs et qui excluait du champ d’application de
sance de l’exercice du contrat d’affacturage. En
la convention certaines créances qui bien que men-
revanche, elle soutenait qu’elle n’avait pas, ne pou-
tionnées dans la Balance des Acheteurs, ne pou-
vait pas et ne devait pas avoir connaissance de
vaient être cédées.
l’entrée en vigueur du contrat ni des obligations
concrètes qui pesaient sur la société Y en vertu de
celui-ci. Il était exact que quelques mois s’étaient
« Comme le soutenait la banque, la
écoulés entre la signature du contrat d’affacturage
convention d’affacturage était une
et le versement de la première avance et que la
convention cadre et les cessions ne
banque n’avait pas été officiellement informée, par
se réalisaient effectivement qu’au
moment de la remise des Balances
une notification, de l’entrée en vigueur du contrat
d’affacturage. La banque a toutefois reçu communication par la société Y du contrat d’affacturage.
Acheteurs. »
La banque ne pouvait pas davantage ignorer que
Comme le soutenait la banque, la convention d’af-
pesait sur la société Y une obligation contractuelle
facturage était une convention cadre et les cessions
de re-transférer les paiements directs faits entre
ne se réalisaient effectivement qu’au moment de la
ses mains, en dépit de la cession, puisque, comme
remise des Balances Acheteurs. Certaines créances
indiqué ci-dessus, elle avait reçu communication
reprises sur celles-ci n’étant pas cédées en vertu du
du contrat d’affacturage.
contrat d’affacturage, la société d’affacturage ne
disposait d’aucun droit pour en réclamer le paiement
Toutefois, il ressort des considérations qui précè-
sur son compte.
dent que cette obligation contractuelle de la société
Y ne portait que sur les paiements faits par erreur
Il s’en déduisait que seuls les paiements des
par les débiteurs des créances cédées sur le
créances cédées faisaient directement sur les
compte de la société Y et ce, pour autant encore
comptes de la banque de la société Y devaient être
que la société d’affacturage n’ait pas autorisé la
retransférés par cette dernière à la société d’affactu-
société Y à rester dépositaire des fonds ainsi ver-
rage.
sés, comme le prévoyait le contrat d’affacturage.
Contrairement à ce que soutenait la société d’affac-
La Cour rappela qu’après l’ouverture du compte, la
15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
19 /21
mission du banquier consiste exclusivement à véri-
té Y de son obligation contractuelle.
fier la régularité du fonctionnement du compte ou-
Il ne pouvait dès lors être question d’une participa-
vert dans ses livres, sans qu’il soit autorisé à s’im-
tion active et consciente de la part de la banque à
miscer dans les opérations traitées.
la violation prétendue par la société Y de son obligation contractuelle de retransférer les paiements
Certes, le banquier a un devoir de vigilance lequel
faits par erreur par les débiteurs des créances cé-
implique, pour une certaine doctrine, une obliga-
dées. Par ailleurs, l’article 49 du règlement général
tion de « découvrir, parmi les opérations qu’on lui
des opérations de la banque prévoit qu’elle « est
demande de traiter, celle qui présentent une ano-
autorisée à compenser – à tout moment et même
malie apparente et, en présence d’une telle ano-
après faillite du Client – toutes créances, exigibles
malie, de tout mettre en œuvre pour éviter le préju-
ou non, en quelques monnaies ou unité de compte
dice qui résulterait pour le client ou pour un tiers
que ce soit, qu’elle possède à charge du Client
de la réalisation de cette opération ».
avec toutes créances exigibles ou non, en
quelques monnaies ou unités de compte que ce
Encore faut-il, selon la Cour, pour que ce devoir
soit, du Client à son égard pour la protection des
soit conciliable avec le principe de non-immixtion
intérêts légitimes de la banque et pour autant que
du banquier dans les affaires de son client, qu’il
cette compensation ne soit pas interdite par des
s’agisse d’une «opération présentant une anomalie
dispositions légales impératives ».
matérielle apparente en fonction des règles ou pratiques propres à l’opération en question» ou d’une
C’est en exécution de cette clause de compensa-
anomalie évidente qui «crève les yeux» se traduisant dans les comptes et qui serait l’indice d’opérations frauduleuses ou irrégulières. Il est en effet
« Il est en effet matériellement im-
matériellement impossible pour le banquier d’exa-
possible pour le banquier d’exami-
miner chaque opération en compte de chaque
ner chaque opération en compte de
client pour déterminer si cette opération présente
chaque client pour déterminer si
ou non une anomalie.
Il n’était pas établi en l’espèce que la banque au-
cette opération présente ou non
une anomalie»
rait pu déceler l’existence d’une anomalie apparente sur le compte de la société Y qui aurait dû
justifier des investigations supplémentaires de sa
tion que la banque a également perçu les sommes
part.
se trouvant au crédit du compte de la société Y
sans que l’on puisse à nouveau y déceler une
La société restait dès lors en défaut d’établir que la
quelconque participation en pleine connaissance
banque aurait sciemment et en pleine connais-
de cause à la violation par la société Y de son obli-
sance de cause coopéré à la violation par la socié-
gation contractuelle de re-transférer à la société
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15 septembre 2014 au 14 décembre 2014
d’affacturage les paiements faits par erreur par les
connexité étroite résulte de ce que les dettes réci-
débiteurs des créances cédées. Certes, l’article
proques reposent sur une même cause, même
1298 du Code civil dispose en général que la com-
résultant de contrats distincts, se situant cepen-
pensation n’a pas lieu au préjudice des droits ac-
dant dans un rapport de dépendance réciproque.
quis à un tiers, ce qui exclut en principe la compen-
Un tel rapport de dépendance existe en l’espèce,
sation après faillite. La reconnaissance de la com-
et la société d’affacturage ne prétend d’ailleurs pas
pensation dans les cas où il existe une étroite con-
le contraire, entre la créance de la banque née de
nexité entre les créances n’entache toutefois pas la
la ligne de crédit consentie antérieurement à la
règle de l’égalité entre les créanciers en cas de fail-
faillite et la créance de la société Y résultant du
lite. Dans ces circonstances, la compensation est
solde créditeur de son compte à vue sur lequel
possible même si les conditions de la compensation
étaient précisément versées les avances octroyées
ne sont réunies qu’après la faillite.
dans le cadre du crédit straightloan.
Pour la Cour, ce qui est déterminant, c’est que les
Il suit dès lors de l’ensemble de ces considérations
obligations réciproques s’intègrent dans un en-
que la responsabilité de la banque pour tierce-
semble cohérent, qu’elles poursuivent une finalité
complicité n’était pas établie.
commune et qu’elles concourent à l’économie d’une
relation globale. La compensation est un véritable
mécanisme préférentiel dans des cas où il existe un

rapport économique d’ensemble. Le caractère de
Banque & Finance
est publié par l’association d’avocats
blegal société civile à forme de S.C.R.L. avec
la collaboration de
André-Pierre ANDRE-DUMONT
Jean-Pierre BUYLE
Laurent CLOQUET
Sebastien DAEMS
Arno DARCIS
Marie DEFOSSE
Thomas MALENGREAU
Isabelle MOENS de HASE
Sofie NAESSENS
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Pierre PROESMANS
Julien SAD
Daniël VANDERMOSEN
Doriën VAN DONINCK
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Mise en page
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15 juin 2014 au 14 septembre 2014