Article Les portes de Toulon

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Article Les portes de Toulon
Les remparts de Toulon au XIXe siècle
Par Evelyne Maushart
Avant de commencer, je voudrais adresser mes plus chaleureux remerciements à
Monsieur Henri Bouvet, la mémoire vivante de notre ville, qui a eu la gentillesse et la
patience de m’aider à situer l’emplacement des remparts et de chacune des portes de la
ville du XIXe siècle.
Merci aussi à la Société des Amis du Vieux Toulon qui m’a prêté les collections de
cartes postales anciennes qui composent la majorité de la présentation que je fais ce
jour.
.
. .
Les fortifications d’une ville avaient pour but de protéger sa population pour la mettre en état de
résister à des attaques extérieures. Dès le Ve siècle, Toulon, plusieurs fois saccagé par les
Sarrasins, fut alors entouré de remparts. Le premier périmètre de l’enceinte fortifiée mesurait alors
1 136 m pour protéger les 4 000 âmes que composait la ville. L’accroissement de la population
rendit nécessaire l’extension des fortifications en 1589. Les travaux, exécutés par Pierre Hubac,
furent achevés sous Henri IV en 1596. La ville passa alors de 6 à 11 ha dans une ceinture de
pierres de 5 500 m. L’arrivée au pouvoir de Louis XIV, et celle de Colbert 1 à la tête de l’institution
maritime furent décisives dans le destin naval de Toulon. Le roi fit de la ville le centre de la
puissance maritime de la France dans la Méditerranée et chargea Vauban2, en 1679, d’établir les
plans d’un port militaire et de nouveaux remparts qui suffirent à la ville jusqu’au XIXe siècle. En
effet, la peste de 1720 et ses 13 000 morts ramenèrent les chiffres de la population de 26 276 à
13 283 habitants. La Révolution fut elle aussi responsable d’une mortalité importante (environ
4 000 habitants), ce qui explique que l’espace intra muros était suffisant jusqu’au début du XIXe
siècle. Mais le développement de la Marine après la conquête d’Algérie entraîna un essor de la
1
2
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), entré au service de Mazarin en 1664, secrétaire d’Etat à la Marine en 1669. Il
dote le pays d’une importante flotte de guerre.
Sébastien le Prestre de Vauban (1633-1707), maréchal de France, nommé par Louis XIV commissaire général des
fortifications en 1678.
1
ville qui se traduisit par un surpeuplement, rendant nécessaire l’extension des remparts de Vauban.
Le dernier agrandissement de Toulon fut décrété en 1852 par le prince président Louis Napoléon,
remplaçant les remparts de Vauban par de nouvelles murailles de pierres.
La vie dans la ville et les faubourgs
Mettons-nous dans le contexte de l’époque et voir comment la population vivait entre ces murs au
XIXe siècle, et pourquoi il a été décidé de faire tomber les remparts de Vauban.
La ville était en plein essor, lié à la reprise de l’activité politique en Méditerranée et à l’activité de
la Marine a vapeur, mais Toulon restait enfermé dans ses remparts et la zone de non aedificandi.
Le maintien jusqu’en 1852 de la ceinture de remparts a accusé une séparation entre l’intra muros et l’extra
muros, qui partout ailleurs à cette époque tendait à disparaître. Le besoin de logements avait fait décoller les
faubourgs et la ville sortit de ses enceintes.
Années
Le
Mourillon
Saint-Jeandu-Var
Le Pontdu-Las
1836
1851
560
350
350
1 600
600
4 500
Henri Vienne évoque les conditions misérables dans lesquelles vivaient les populations des
quartiers ouest, notamment au Pont du Las : « Dans de misérables cabanes bâties de leurs mains
logent de nombreuses familles d’ouvriers, gagnant trop peu pour payer un loyer…
L’agglomération de ces cases malsaines se nomme Navarin car les premières ont été fabriquées à
l’époque de l’expédition »3. La cherté des loyers en ville (80 à 100 F par an) poussait l’ouvrier à
aller vivre dans les faubourgs4. Le Pont-du-Las est « le quartier misérable par excellence… celui
3
4
Henri Vienne : Esquisse historique ou promenades dans Toulon ancien et moderne, Toulon, 1840, p. 78
Agulhon (Maurice) , Toulon, une ville au temps du socialisme utopique, p. 61.
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des émigrés récents… un bidonville avant la lettre »5. Maurice Agulhon y trouve la justification du
vote massif pour les « Rouges » qui espéraient ainsi voir une amélioration de leurs conditions de
vie.
La population laborieuse faisait peur à la bourgeoisie qui pensait que la pauvreté entraînait
inévitablement la violence. Mais dans Les Misérables, Victor Hugo affirme que « le crime et le
mal ne sont plus une fatalité ni la conséquence d’un vice inné », mais résultent d’un accident et du
malheur. C’est à cette époque que commencent à être dénoncées les lois sociales inhumaines et
l’inconscience coupable des classes dirigeantes. La description de la misère populaire est
également omniprésente dans l’œuvre de Zola, l’Assommoir, 1877. Il explique sa démarche, dans
sa préface : « J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté
de nos faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la
famille, l’oubli progressif des sentiments honnêtes puis comme dénouement la honte et la mort »6.
En lisant ces lignes, on peut craindre que « les ennemis de la République pourraient y trouver une
arme contre le suffrage universel […] et que de tels hommes paraissent peu dignes d’exercer des
droits publics »7. Mais la République va se charger de les instruire pour leur permettre de voter en
toute connaissance de cause.
Pour en revenir à nos remparts et aux motifs de leur démolition, il faut se souvenir que la
population a connu une augmentation très importante suite à la conquête d’Algérie. C’est donc cet
accroissement considérable qui justifia la démolition de l’enceinte Vauban. En effet, la ville doubla
sa population en moins de 50 ans.
5
Ibidem, p. 52.
Bailly, Flaubert, p. 35. Evoque l’œuvre de Zola, L’Assommoir, 1877. Préface.
7
Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, édition de 1878, entrée : Zola.
6
3
Recensements
18068
1831
1851
1872
19069
1911
1925
Population
municipale
28 170
35 322
45 510
53 606
91 971
93 234
Population
flottante
4 784
15 000
23 964
15 621
11 572
10 309
Total
32 954
50 322
69 404
69 127
103 549
104 582
115 120
Dans cet accroissement considérable de la population, les chiffres de la population « flottante »
connaissent le plus fort taux de croissance après 1830. Cette partie de population, comptée à part,
était composée essentiellement des ouvriers de l’arsenal, des officiers de l’armée et de la Marine
basés à Toulon, mais aussi du personnel et des malades des hospices civils, ainsi que les élèves du
lycée, les prisonniers et les hôtes de passage, et surtout le bagne jusqu’en 1873. La population
municipale, quant à elle, représentait les résidents présents au moment du recensement et les
résidents absents mais domiciliés dans la commune.
La conséquence de cet accroissement se solda par une diminution considérable de la surface
habitable par habitant à l’intérieur des murailles. Dans les vieux quartiers on comptait entre 30 et
40 habitants par maison au lieu de 10 à 12 dans les beaux quartiers. « L’augmentation de la
population a fait convertir presque tous les greniers en maison d’habitation » (Agulhon).
Il n’y avait donc pas assez de maisons dans la ville pour le nombre d’habitants, mais le cadre
matériel n’était pas non plus à la mesure du grand port de guerre. Les équipements étaient
insuffisants : rues, égouts, canalisations d’eau, écoles, hôpital, cimetières, mais aussi théâtre,
musée, bibliothèque. De plus, les maisons étaient tellement resserrées dans la vieille ville qu’il n’y avait
plus place pour de la verdure : Stendhal s’en plaignait dans son Journal de voyage lorsqu’il visita
Toulon en 1838 : « Toulon paraît bien laide sans platanes… ». Les rares arbres plantés sur le cours
Lafayette et sur les quelques places de la ville ne suffisaient pas à donner un caractère verdoyant à
la ville qui était, incontestablement, en surcharge démographique après 1830.
1852, extension de la ville
La démolition des remparts de Vauban avait été demandée dès la fin du XVIIIe siècle. Un premier
projet vit le jour dès 1787, mais fut abandonné au début de la Révolution française. La question
revint à l’ordre du jour peu après la conquête de l’Algérie.
Plusieurs raisons avaient poussé les édiles à remettre en question les remparts de Vauban. La
première raison en était que le nombre de deux portes jusqu’en 1830 était trop restreint, même si
une troisième fut ouverte à ce moment : la seconde raison tenait à la fermeture de ces portes la
nuit, empêchant les mouvements de la population. Lorsqu’un habitant des faubourgs était malade
et avait besoin des services de médecins, il ne pouvait se faire soigner car ces derniers habitaient
généralement intra muros. Un autre motif était lié à la politique régionale om, après 1830, de
nombreuses villes du pays provençal avaient commencé à mettre à bas leurs murailles ou du moins
multipliaient les portes (Avignon, Aix, Draguignan avaient gardé leurs remparts jusqu’en 1848
mais ils avaient été percés largement), et Toulon ne voulait pas être en reste dans ce domaine.
8
9
Emilien Constant p. 422.
De 1876 à 1906 : AMT 1 F 3, registre des naissances.
4
Toulon étouffait dans son carcan. La municipalité toulonnaise obtint du gouvernement, dès 1841,
un arrêté d’agrandissement de l’arsenal et de la ville, mais cette décision ne fut pas non plus suivie
d’effet. Octave Teissier nous conte les péripéties qui suivirent cette décision : le colonel Picot fut
chargé d’un premier avant-projet en 1843 et la ville accepta de prendre à sa charge le financement
des travaux qui s’élevèrent à 6 700 000 F. Il fallut deux ans pour que la municipalité approuvât les
conclusions de la commission des travaux et encore une année pour convaincre le député Victor
Clapier de déposer un projet de loi sur le sujet à la Chambre. C’est alors que la France connut une
grave crise financière empêchant le projet de loi d’être voté. Il est d’autant plus oublié que survint
la Révolution de Février 1848. Lorsque l’Empire se mit en place et que le prince président annonça
sa visite dans le port de guerre, Toulon reprit espoir.
Le Prince Louis-Napoléon, après son coup d’Etat, chercha à s’attacher les sympathies des
populations rouges. Un grand voyage à travers la France le conduisit à Toulon pour tenter
d’amadouer les républicains. Son séjour dans la ville en septembre 1852 se solda par la signature
de son décrut du 28 septembre 1852 autorisant l’agrandissement de la ville. Après cette date, les
remparts de Vauban furent remplacés par de nouvelles murailles en pierre. Elles étaient inutiles
étant donné les progrès de l’artillerie car les forts qui dominaient les hauteurs de la ville étaient
suffisants pour la défendre. Le Faron à lui seul constituait un rempart naturel suffisant pour
protéger la ville.
Décret
Louis-Napoléon, Président de la République française,
Voulant donner à la ville de Toulon le développement que réclament, depuis
longtemps, l’importance de sa population et le rang qu’occupe ce grand port
militaire parmi nos gloires et nos richesses nationales.
Sur le rapport du ministre secrétaire d’Etat de la guerre ;
Décrète :
Article 1 : l’enceinte fortifiée de la ville de Toulon sera immédiatement
agrandie ;
Les bases de cet agrandissement seront établies sur le projet de la loi présenté le 7
mai 1846.
Article 2 : le Ministre secrétaire d’Etat de la guerre est chargé de l’exécution
du présent décret.
Fait à Toulon, le 28 septembre 1852.
Louis-Napoléon.
Le ministre de la guerre : A. de St-Arnaud.
La démolition des remparts offrit un gain considérable d’espaces pour la ville et l’arsenal. La
nouvelle enceinte fut achevée en 1856, le projet n’englobant pas les faubourgs. La surface de
l’arsenal fut portée à 151 hectares, représentant désormais « un Etat dans l’Etat », avec une
superficie double de celle de la ville qui ne comptait que 87 hectares.
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L'ARSENAL
Surface
Arsenal principal
Arsenal du Mourillon
Arsenal de Castigneau
Arsenal de Missiessy
TOTAL
34 ha
34 ha
40 ha
53 ha
151 ha
(darse et terre-plein)
(1836)
(1853)
(1862)
LA VILLE
Vieille ville
Nouvelle ville
TOTAL
Surface
32 ha
45 ha
87 ha
Désormais, la ville avait la place pour édifier des monuments culturels sur l’espace des anciens
remparts.
La démolition des remparts permit de dégager une place suffisante pour édifier les monuments
dont la ville avait besoin pour s’élever au rang de ses voisines. C’est ainsi que sur l’emplacement
des remparts, un boulevard de 25 mètres a fut aménagé. De part et d’autre, la seconde moitié du
XIXe siècle vit la construction d’un théâtre municipal (1862), d’un lycée (1867), d’une école
primaire supérieure pour garçons, l’école Rouvière (1882), et d’un musée-bibliothèque (1888). Et
plus tard, ce fut la Chambre de commerce (1914) et le palais de justice (1924).
La nouvelle enceinte et ses portes
Cette nouvelle enceinte fortifiée comprenait 12 portes :
6
7
5
3
4
8
9
2
10
1
6
Cette nouvelle enceinte permettait d’englober toutes les zones militaires de la ville, notamment les
deux nouveaux arsenaux Castigneau et Missiessy à l’ouest et l’arsenal situé au nord de la ville.
Elle prenait sa source aux appontements Milhaud, en bas à votre gauche, remontait jusqu’au fort
Malbousquet, puis, arrivée face à l’entrée de l’arsenal, elle remontait au nord au Clos Fleuri actuel,
traversait la voie ferrée mise en place en 1859, pour englober le quartier de Montéty, puis entourait
l’arsenal au quartier Sainte-Anne et redescendait au sud rejoindre la partie des remparts d’Henri
IV, qui ont été conservés, jusqu’au port. On peut ainsi constater que la ligne est des fortifications,
du bastion nord à la mer, n’a jamais été modifiée depuis la fin du Moyen-Age. Cette muraille
laissait donc en dehors les quartiers populaires du Pont-du-Las, Saint-Roch, Saint-Anne, Siblas et
le quartier du Mourillon.
La nouvelle protection fortifiée était largement percée d’une dizaine de portes qui permettaient une
meilleure circulation de la population ouvrière installée à l’extérieure en direction de l’arsenal,
mais aussi des troupes qui devaient se rendre soit sur les champs de manœuvre, soit dans les divers
dépôts éparpillés aux quatre coins de la ville, notamment les poudrières.
1 – Porte de Lagoubran
Elle fut construite en 1868 et permet l’accès à l’arsenal, près du parc à mazout, situé dans le
quartier Milhaud. Elle se situe actuellement à l’intérieur de l’arsenal, à proximité de l’appontement
n° 6, là où se gare le Charles de Gaule.
7
2 – Porte Malbousquet
Edifiée entre 1865 et 1870 suite à l’extension vers l’ouest de l’arsenal, elle occupe une vaste place
au carrefour Bon Rencontre, avenue des Fusiliers Marins. Elle existe encore de nos jours, agrandie
en 1986 par la création de quatre passages voûtés au travers du bastion.
Monsieur Henri Bouvet me racontait qu’après la Seconde Guerre mondiale, la Marine avait
autorisé (verbalement) madame Watsel à utiliser cet espace pour organiser un centre équestre.
3 – Porte du Las (ou Missiessy)
La porte du Las fut construite en 1864 au nord des bassins n° 2 et 3 à Misiessy.
Elle se situe sous le terrain du stade Jauréguibéry dont le comblement des fossés a permis
l’installation.
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4 – Porte Nationale
Bâtie en 1861, la porte Nationale se situe en face de la porte Castigneau qui donne accès à l’arsenal
maritime, à la hauteur de l’actuelle place Jurien de la Gravière à Castigneau dont on voit la pointe
et les deux voûtes en arrière-plan, celle qui donne accès à l’arsenal maritime.
Elle permet l’entrée et la sortie des ouvriers de l’arsenal. Il reste un morceau de porte à droite de la
porte Castigneau actuelle.
5 – Porte de France
La porte de France fut l’une des premières édifiées en 1856 suite à son agrandissement, en même
temps que les portes Sainte-Anne et Notre-Dame. Les travaux de construction de ces trois portes
ont été menés de front la même année, toujours dans l’esprit de protection de la ville.
9
La porte de France était établie à l’extrémité nord de l’avenue Lazare Carnot, comme on le
découvre sur cette carte. A droite, on aperçoit une petite partie du jardin de la ville, derrière les
grilles.
6 – Porte du Chemin De Fer
Voici la seule représentation que nous avons de cette porte, qu’on ne peut voir que de très loin.
Erigée sur l’actuel boulevard Charles Barnier, elle occupait l’emplacement entre le cercle des
officiers mariniers et l’église Montét, en deçà de la voie ferrée mise en service en 1853.
7 – Porte Sainte-Anne (ancienne Porte du Faron)
10
La porte Sainte-Anne était intitulée initialement porte du Faron, mais suite à la décision du
ministre de la Guerre Vaillant, elle changea de nom avant son achèvement pour prendre celui de
porte Sainte-Anne.
Achevée en 1856, l’année même de sa construction, elle est aujourd’hui située sur le boulevard
Louvois, cinquante mètres après la préfecture, au sud de l’hôpital éponyme. Elle existe donc
encore de nos jours, et dans un parfait état de conservation. Pour ceux qui s’en souviennent, dans
les années 1950, elle servait de refuge pour les chats.
8 – Porte Notre-Dame (ancienne Porte d’Antibes)
Fondée en 1856 en même temps que la porte Sainte-Anne, elle portait initialement le nom de porte
d’Antibes. Elle était placée à l’extrémité du boulevard de Strasbourg sur une partie de la place
Noël Blache, à l’intersection avec le boulevard Clémenceau. Victor Senchet en a fait une toile en
1920, ainsi que José Mange.
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9 – Porte d’Italie
La porte d’Italie est la seule porte qui ne fut pas détruite lors de la démolition de l’enceinte
fortifiée de Henri IV. Elle est située entre l’université de droit et le cours Lafayette, place Armand
Vallée.
Une première porte avait été créée en 1588 sous le nom de porte Saint-Lazare et faisait partie des
cinq portes alors en place. En 1679, Vauban, chargé de transformer l’arsenal et les remparts,
décida de changer l’emplacement de la porte, d’y ajouter une fermeture et de changer le pont-levis.
Le travail ne fut exécuté qu’en 1755. Les remparts de Vauban ne comptaient alors que deux portes
(porte d’Italie et porte de France). La porte que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de la
reconstruction de le la porte et de certaines modifications effectuées entre 1788 et 1791 aux
bastions adjacents effectuées par le Génie militaire.
Pendant la Révolution, et sur décision du conseil municipal du 10 mai 1891, la porte prit le nom de
porte Mirabeau, puis porte Pelletier le 1er janvier 1793, pour reprendre son nom initial de porte
d’Italie après la libération de Toulon en décembre 1893.
Au XIXe siècle, elle servait essentiellement au passage des piétons, jusqu’en novembre 1889 où
elle fut ouverte à l’entrée des voitures dans la ville. François Roustan en a fait une aquarelle en
1923.
12
Enfin, en 1975, une troisième percée fut faite dans le rempart. Aujourd’hui donc, il y a la porte
d’Italie, la vraie porte avec son pont-levis, à gauche, là où ne passent pas les voitures, et à droite
sur la carte, entre le café-théâtre et la porte, il y a les deux passages qui ont été rajoutés. Voici la
porte telle qu’on l’a connaît aujourd’hui.
10 – Porte Neuve
Elle se situait à l’extrémité du quai Cronstadt Quai la Sinse, près de l’immeuble Pons. C’est la
troisième porte qui fut construite entre 1832 et 1834 après décision du conseil municipal du 27
13
février 1831, pour « faciliter les relations entre la ville et les quartiers suburbains sud-est et
décongestionner la porte d’Italie » (Passe partout 21.8.1933). Aujourd’hui on ne peut plus y passer
car le café Florian a agrandi son espace par une salle supplémentaire et s’est relié à l’immeuble
Pons.
La porte est antérieure à l’agrandissement de 1852 puisqu’elle a été construite entre 1832 et 1834,
pour « faciliter les relations entre la ville et les quartiers suburbains sud-est et décongestionner la
porte d’Italie » (Le Passe partout) qui n’avait alors qu’un seul passage.
Au départ, elle n’avait qu’une seule voûte, elle aussi, puis lors des travaux de 1882 à 1888, elle fut
démolie et remplacée par une porte à trois piliers.
C’est donc devenu une porte à ciel ouvert à deux passages. Le financement de l’opération avait été
supporté à la fois par la ville (32 000 F) et par la Marine (14 000 F).
D – Description des murailles et des portes
Les remparts étaient constitués d’une levée de terre retenue par un mur de soutènement de part et
d’autre. La nouvelle enceinte fortifiée comprend 10 portes, sans compter celle porte du Mourillon
qui était une porte d’entrée dans le faubourg, détachée de l’enceinte.
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La pierre de taille était l’élément de base de la construction des portes. Certaines étaient
constituées de deux voûtes (porte de France) pour le passage, d’autres une seule (Sainte-Anne).
Les voûtes étaient toutes constituées d’arcs à plein cintre, parfois de 5 mètres de hauteur, 15
mètres de long et 3 mètres de large (porte d’Italie, porte Sainte-Anne), parfois plus petites : la porte
Neuve mesure 3,50 m de large et 4,40 sous la clé de voûte.
Les portes à ciel ouvert comportaient trois piliers maintenus par des contreforts latéraux à
l’extérieur.
15
Certaines portes étaient encadrées de bâtiments. Dans ceux de la porte Castigneau étaient logés les
corps de garde. Des deux bâtiments de la porte Neuve, l’un servait de corps de garde et de chambre
d’officier et l’autre était destiné au bureau d’octroi de la ville et à la prison. La porte de France
était prolongée par des bâtiments à droite et à gauche, dont un anonyme a fait une esquisse
détaillée. La porte Notre-Dame n’avait pas de bâtiments attenants. Les rails permettaient le passage
du tramway sous la porte. En 1819, des casemates ont été construites de part et d’autre de la porte
d’Italie, 5 à droite, 5 à gauche, pour recevoir les troupes de la garnison. Fin des travaux en 1824.
16
La porte Neuve et la porte d’Italie avaient un pont-levis, ainsi que la porte Sainte-Anne et la porte
Malbousquet. Le pont-levis de la porte Neuve mesure 3,50 m et forme un pont en bois jeté sur le
canal du rempart est pour se terminer par le pont dormant.
La porte Malbousquet était prolongée par des courtines contenant 289 casemates voûtées. On y
entreposait les munitions (poudres et projectiles) dans une superficie de 5 825 mètres carrés et
pouvaient également servir de logement aux militaires en cas de guerre.
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Suppression définitive des remparts (1923-1933)
Dès 1870, la ville, qui comptait 70 000 habitants (50 000 intra-muros et 20 000 extra-muros),
manquait de place. Les parisiens avaient remis une boutade qui courait sous Louis XVI : « Le mur
murant Toulon rend Toulon murmurant ». Ces remparts représentaient en effet un archaïsme
suranné que tous les maires du début de la IIIe République dénoncèrent.
Henri Dutasta plaçait en seconde position de son programme local l’abolition des zones militaires,
l’assainissement de la ville et des faubourgs gardant la priorité. Alphonse Fouroux en fit de même,
mais toujours sans succès. Le commandant Ricard, en 1891, plaçait lui aussi l’assainissement
comme priorité dans son programme local. Mais d’autres priorités occupèrent Prosper Ferrero, en
1897, qui plaça le projet de démolition et la séparation des zones militaires passer en septième
position après :
1 – laïcisation des hospices,
2 – problèmes financiers de la ville,
3 – journée de 8 heures. Le minimum des salaires,
4 – l’assainissement de la ville,
5 – création de bouches d’arrosage,
6 – construction d’écoles dans les quartiers qui en sont dépourvus,
7 – démolition des remparts et séparation des zones militaires10.
La Grande Guerre laissa en sommeil ces problèmes d’agrandissement de la ville, comme la
Révolution française avait fait abandonner le premier projet et la Révolution de 1848 le second. Il
fallut donc attendre les années qui suivirent le retour de la paix et la seconde municipalité
Escartefigue pour évoquer à nouveau la question.
La démolition des remparts fut une décision conjointe des départements de la Guerre, de la Marine
et de la ville de Toulon. L’armée cherchait des terrains pour y établir un champ de manœuvre à
Missiessy-Malbousquet pour les troupes de terre et de mer de la garnison de Toulon. Le coût en fut
supporté par la ville, avec l’aide du gouvernement. La ville procède au comblement des fossés en
utilisant les milliers de mètre cubes de déblais tirés de la démolition des remparts.
La première porte à être démolie fut la porte Notre-Dame, en 1923. Les destructions se faisaient à
l’explosif, ce qui n’était pas sans conséquence lorsque les travaux avaient lieu en centre ville. Le
docteur Antoine Marmottans, dans Toulon et son histoire, du Moyen-Age à la Belle Epoque,
évoque l’accident qui s’est produit lors de la démolition de la porte Notre Dame, tuant un élève du
lycée voisin. L’explosion a projeté un bloc de pierre, tuant le jeune M. N’Guyen Hoï, âgé de 20
ans, fils du tong-doc (préfet) de Bac-Ninh (Vietnam), élève du Lycée de Toulon. Ce fut le seul
incident que nous connaissons.
10
PV du 13 juin 1897, p. 2, Comité socialiste d’action républicaine, manifeste. Programme local.
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L’année suivante, on fit tomber la porte Neuve. On utilisa les déblais pour combler le fossé
longeant le pied du rempart. Il ne reste donc plus rien des piliers qui portaient chacun la date de
leur construction.
La porte du Las et la Porte Lagoubran furent détruites à partir de 1925 dans le but de prolonger le
boulevard de Strasbourg jusqu’au Pont du Las. La décision fut prise dans le courant de l’été 1925
en partenariat avec la Marine, la Guerre et la ville de Toulon. De plus, un champ de manœuvre fut
aménagé, situé sur le terrain militaire disponible au nord de la darse de Missiessy et s’étendant à
travers le rempart de la porte de Malbousquet jusqu’à la route conduisant au 5e dépôt. Les butes,
qui n’étaient pas à proprement parler des fortifications, furent aplanies, la voie de chemin de fer
agrandie, et les appontements de Milhaud construits peu après la guerre de 1914-1918.
Suivent la démolition des portes du Chemin de Fer en 1929 et la porte de France en 1932. Les
débris de cette dernière servirent également au comblement des fossés afin de prolonger l’avenue
Lazare Carnot jusqu’au chemin des Lices afin d’y installer les rails du tramway11.
En 1933, ce fut le tour de la porte Nationale. L’ensemble des portes et grilles défensives des
fortification fut vendu dès 1926.
11
F. Joseph, Le Passe Partout 22.8.1932.
19
Construction et démolition
PORTES
Début
Fin
1856
1923
1832 et 1888
1924
1
Porte Notre-Dame
2
Porte Neuve
3
Porte de Lagoubran
1868
1925
4
Porte du Las (ou Missiessy)
1864
1925
5
Porte du Chemin De Fer
1890
1929
6
Porte de France
1856
1932
7
Porte Nationale
1861
1933
8
Porte Malbousquet
1865-1870
Existe
9
Porte Sainte-Anne
1856
Existe
1588 et 1889
Existe
10 Portes d’Italie
Ne subsistent aujourd’hui que la porte Sainte-Anne, la porte d’Italie et la porte Malbousquet. Cette
dernière a été agrandie en 1986 par la création de quatre passages voûtés au travers du bastion.
L’ancienne porte Malbousquet a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments
historiques le 19 septembre 1989.
La porte du Mourillon (ou porte de Bazeilles), qui ne fait donc pas partie des portes de remparts, et
qui fut construite en 1873 entre la rivière des Amoureux et le fort Lamalgue, fut démolie un peu
avant la guerre pour faciliter l’accès du pont jeté sur le débouché de la rivière des Amoureux et
améliorer la circulation12.
12
Je sis tout, samedi 12 mars 1938, p. 09.
20
Conclusion
Ces murailles ont joué leur rôle de défense au XVIIIe siècle, au cours des trois sièges (1707, 1747,
1793). En revanche, au XIXe siècle, elles étaient devenues inutiles du fait des progrès de
l’artillerie. Cependant, la ville avait pris la décision d’en édifier de nouvelles sur environ 10 000 m
plutôt que de fortifier les hauteurs stratégiques de la ville. Pourtant, les militaires eux-mêmes
contestaient l’efficacité de ces remparts. Ils eurent raison car ils ne servirent jamais à rien, sauf à
engager des dépenses considérables et à empêcher le développement de la ville. Le 6 novembre
1929, un arrêté du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts classa les portes en
monument historique, la porte d’Italie principalement à cause de son pont-levis.
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Table des matières
La vie dans la ville et les faubourgs.......................................................................2
1852, extension de la ville........................................................................................4
La nouvelle enceinte et ses portes..........................................................................6
1 – Porte de Lagoubran...........................................................................................................7
2 – Porte Malbousquet............................................................................................................8
3 – Porte du Las (ou Missiessy) .............................................................................................8
4 – Porte Nationale.................................................................................................................9
5 – Porte de France.................................................................................................................9
6 – Porte du Chemin De Fer.................................................................................................10
7 – Porte Sainte-Anne (ancienne Porte du Faron) ...............................................................10
8 – Porte Notre-Dame (ancienne Porte d’Antibes)...............................................................11
9 – Porte d’Italie ..................................................................................................................12
10 – Porte Neuve...................................................................................................................13
D – Description des murailles et des portes..............................................................................14
Suppression définitive des remparts (1923-1933)...............................................18
Conclusion............................................................................................................................21
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