Article Les portes de Toulon
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Article Les portes de Toulon
Les remparts de Toulon au XIXe siècle Par Evelyne Maushart Avant de commencer, je voudrais adresser mes plus chaleureux remerciements à Monsieur Henri Bouvet, la mémoire vivante de notre ville, qui a eu la gentillesse et la patience de m’aider à situer l’emplacement des remparts et de chacune des portes de la ville du XIXe siècle. Merci aussi à la Société des Amis du Vieux Toulon qui m’a prêté les collections de cartes postales anciennes qui composent la majorité de la présentation que je fais ce jour. . . . Les fortifications d’une ville avaient pour but de protéger sa population pour la mettre en état de résister à des attaques extérieures. Dès le Ve siècle, Toulon, plusieurs fois saccagé par les Sarrasins, fut alors entouré de remparts. Le premier périmètre de l’enceinte fortifiée mesurait alors 1 136 m pour protéger les 4 000 âmes que composait la ville. L’accroissement de la population rendit nécessaire l’extension des fortifications en 1589. Les travaux, exécutés par Pierre Hubac, furent achevés sous Henri IV en 1596. La ville passa alors de 6 à 11 ha dans une ceinture de pierres de 5 500 m. L’arrivée au pouvoir de Louis XIV, et celle de Colbert 1 à la tête de l’institution maritime furent décisives dans le destin naval de Toulon. Le roi fit de la ville le centre de la puissance maritime de la France dans la Méditerranée et chargea Vauban2, en 1679, d’établir les plans d’un port militaire et de nouveaux remparts qui suffirent à la ville jusqu’au XIXe siècle. En effet, la peste de 1720 et ses 13 000 morts ramenèrent les chiffres de la population de 26 276 à 13 283 habitants. La Révolution fut elle aussi responsable d’une mortalité importante (environ 4 000 habitants), ce qui explique que l’espace intra muros était suffisant jusqu’au début du XIXe siècle. Mais le développement de la Marine après la conquête d’Algérie entraîna un essor de la 1 2 Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), entré au service de Mazarin en 1664, secrétaire d’Etat à la Marine en 1669. Il dote le pays d’une importante flotte de guerre. Sébastien le Prestre de Vauban (1633-1707), maréchal de France, nommé par Louis XIV commissaire général des fortifications en 1678. 1 ville qui se traduisit par un surpeuplement, rendant nécessaire l’extension des remparts de Vauban. Le dernier agrandissement de Toulon fut décrété en 1852 par le prince président Louis Napoléon, remplaçant les remparts de Vauban par de nouvelles murailles de pierres. La vie dans la ville et les faubourgs Mettons-nous dans le contexte de l’époque et voir comment la population vivait entre ces murs au XIXe siècle, et pourquoi il a été décidé de faire tomber les remparts de Vauban. La ville était en plein essor, lié à la reprise de l’activité politique en Méditerranée et à l’activité de la Marine a vapeur, mais Toulon restait enfermé dans ses remparts et la zone de non aedificandi. Le maintien jusqu’en 1852 de la ceinture de remparts a accusé une séparation entre l’intra muros et l’extra muros, qui partout ailleurs à cette époque tendait à disparaître. Le besoin de logements avait fait décoller les faubourgs et la ville sortit de ses enceintes. Années Le Mourillon Saint-Jeandu-Var Le Pontdu-Las 1836 1851 560 350 350 1 600 600 4 500 Henri Vienne évoque les conditions misérables dans lesquelles vivaient les populations des quartiers ouest, notamment au Pont du Las : « Dans de misérables cabanes bâties de leurs mains logent de nombreuses familles d’ouvriers, gagnant trop peu pour payer un loyer… L’agglomération de ces cases malsaines se nomme Navarin car les premières ont été fabriquées à l’époque de l’expédition »3. La cherté des loyers en ville (80 à 100 F par an) poussait l’ouvrier à aller vivre dans les faubourgs4. Le Pont-du-Las est « le quartier misérable par excellence… celui 3 4 Henri Vienne : Esquisse historique ou promenades dans Toulon ancien et moderne, Toulon, 1840, p. 78 Agulhon (Maurice) , Toulon, une ville au temps du socialisme utopique, p. 61. 2 des émigrés récents… un bidonville avant la lettre »5. Maurice Agulhon y trouve la justification du vote massif pour les « Rouges » qui espéraient ainsi voir une amélioration de leurs conditions de vie. La population laborieuse faisait peur à la bourgeoisie qui pensait que la pauvreté entraînait inévitablement la violence. Mais dans Les Misérables, Victor Hugo affirme que « le crime et le mal ne sont plus une fatalité ni la conséquence d’un vice inné », mais résultent d’un accident et du malheur. C’est à cette époque que commencent à être dénoncées les lois sociales inhumaines et l’inconscience coupable des classes dirigeantes. La description de la misère populaire est également omniprésente dans l’œuvre de Zola, l’Assommoir, 1877. Il explique sa démarche, dans sa préface : « J’ai voulu peindre la déchéance fatale d’une famille ouvrière, dans le milieu empesté de nos faubourgs. Au bout de l’ivrognerie et de la fainéantise, il y a le relâchement des liens de la famille, l’oubli progressif des sentiments honnêtes puis comme dénouement la honte et la mort »6. En lisant ces lignes, on peut craindre que « les ennemis de la République pourraient y trouver une arme contre le suffrage universel […] et que de tels hommes paraissent peu dignes d’exercer des droits publics »7. Mais la République va se charger de les instruire pour leur permettre de voter en toute connaissance de cause. Pour en revenir à nos remparts et aux motifs de leur démolition, il faut se souvenir que la population a connu une augmentation très importante suite à la conquête d’Algérie. C’est donc cet accroissement considérable qui justifia la démolition de l’enceinte Vauban. En effet, la ville doubla sa population en moins de 50 ans. 5 Ibidem, p. 52. Bailly, Flaubert, p. 35. Evoque l’œuvre de Zola, L’Assommoir, 1877. Préface. 7 Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, édition de 1878, entrée : Zola. 6 3 Recensements 18068 1831 1851 1872 19069 1911 1925 Population municipale 28 170 35 322 45 510 53 606 91 971 93 234 Population flottante 4 784 15 000 23 964 15 621 11 572 10 309 Total 32 954 50 322 69 404 69 127 103 549 104 582 115 120 Dans cet accroissement considérable de la population, les chiffres de la population « flottante » connaissent le plus fort taux de croissance après 1830. Cette partie de population, comptée à part, était composée essentiellement des ouvriers de l’arsenal, des officiers de l’armée et de la Marine basés à Toulon, mais aussi du personnel et des malades des hospices civils, ainsi que les élèves du lycée, les prisonniers et les hôtes de passage, et surtout le bagne jusqu’en 1873. La population municipale, quant à elle, représentait les résidents présents au moment du recensement et les résidents absents mais domiciliés dans la commune. La conséquence de cet accroissement se solda par une diminution considérable de la surface habitable par habitant à l’intérieur des murailles. Dans les vieux quartiers on comptait entre 30 et 40 habitants par maison au lieu de 10 à 12 dans les beaux quartiers. « L’augmentation de la population a fait convertir presque tous les greniers en maison d’habitation » (Agulhon). Il n’y avait donc pas assez de maisons dans la ville pour le nombre d’habitants, mais le cadre matériel n’était pas non plus à la mesure du grand port de guerre. Les équipements étaient insuffisants : rues, égouts, canalisations d’eau, écoles, hôpital, cimetières, mais aussi théâtre, musée, bibliothèque. De plus, les maisons étaient tellement resserrées dans la vieille ville qu’il n’y avait plus place pour de la verdure : Stendhal s’en plaignait dans son Journal de voyage lorsqu’il visita Toulon en 1838 : « Toulon paraît bien laide sans platanes… ». Les rares arbres plantés sur le cours Lafayette et sur les quelques places de la ville ne suffisaient pas à donner un caractère verdoyant à la ville qui était, incontestablement, en surcharge démographique après 1830. 1852, extension de la ville La démolition des remparts de Vauban avait été demandée dès la fin du XVIIIe siècle. Un premier projet vit le jour dès 1787, mais fut abandonné au début de la Révolution française. La question revint à l’ordre du jour peu après la conquête de l’Algérie. Plusieurs raisons avaient poussé les édiles à remettre en question les remparts de Vauban. La première raison en était que le nombre de deux portes jusqu’en 1830 était trop restreint, même si une troisième fut ouverte à ce moment : la seconde raison tenait à la fermeture de ces portes la nuit, empêchant les mouvements de la population. Lorsqu’un habitant des faubourgs était malade et avait besoin des services de médecins, il ne pouvait se faire soigner car ces derniers habitaient généralement intra muros. Un autre motif était lié à la politique régionale om, après 1830, de nombreuses villes du pays provençal avaient commencé à mettre à bas leurs murailles ou du moins multipliaient les portes (Avignon, Aix, Draguignan avaient gardé leurs remparts jusqu’en 1848 mais ils avaient été percés largement), et Toulon ne voulait pas être en reste dans ce domaine. 8 9 Emilien Constant p. 422. De 1876 à 1906 : AMT 1 F 3, registre des naissances. 4 Toulon étouffait dans son carcan. La municipalité toulonnaise obtint du gouvernement, dès 1841, un arrêté d’agrandissement de l’arsenal et de la ville, mais cette décision ne fut pas non plus suivie d’effet. Octave Teissier nous conte les péripéties qui suivirent cette décision : le colonel Picot fut chargé d’un premier avant-projet en 1843 et la ville accepta de prendre à sa charge le financement des travaux qui s’élevèrent à 6 700 000 F. Il fallut deux ans pour que la municipalité approuvât les conclusions de la commission des travaux et encore une année pour convaincre le député Victor Clapier de déposer un projet de loi sur le sujet à la Chambre. C’est alors que la France connut une grave crise financière empêchant le projet de loi d’être voté. Il est d’autant plus oublié que survint la Révolution de Février 1848. Lorsque l’Empire se mit en place et que le prince président annonça sa visite dans le port de guerre, Toulon reprit espoir. Le Prince Louis-Napoléon, après son coup d’Etat, chercha à s’attacher les sympathies des populations rouges. Un grand voyage à travers la France le conduisit à Toulon pour tenter d’amadouer les républicains. Son séjour dans la ville en septembre 1852 se solda par la signature de son décrut du 28 septembre 1852 autorisant l’agrandissement de la ville. Après cette date, les remparts de Vauban furent remplacés par de nouvelles murailles en pierre. Elles étaient inutiles étant donné les progrès de l’artillerie car les forts qui dominaient les hauteurs de la ville étaient suffisants pour la défendre. Le Faron à lui seul constituait un rempart naturel suffisant pour protéger la ville. Décret Louis-Napoléon, Président de la République française, Voulant donner à la ville de Toulon le développement que réclament, depuis longtemps, l’importance de sa population et le rang qu’occupe ce grand port militaire parmi nos gloires et nos richesses nationales. Sur le rapport du ministre secrétaire d’Etat de la guerre ; Décrète : Article 1 : l’enceinte fortifiée de la ville de Toulon sera immédiatement agrandie ; Les bases de cet agrandissement seront établies sur le projet de la loi présenté le 7 mai 1846. Article 2 : le Ministre secrétaire d’Etat de la guerre est chargé de l’exécution du présent décret. Fait à Toulon, le 28 septembre 1852. Louis-Napoléon. Le ministre de la guerre : A. de St-Arnaud. La démolition des remparts offrit un gain considérable d’espaces pour la ville et l’arsenal. La nouvelle enceinte fut achevée en 1856, le projet n’englobant pas les faubourgs. La surface de l’arsenal fut portée à 151 hectares, représentant désormais « un Etat dans l’Etat », avec une superficie double de celle de la ville qui ne comptait que 87 hectares. 5 L'ARSENAL Surface Arsenal principal Arsenal du Mourillon Arsenal de Castigneau Arsenal de Missiessy TOTAL 34 ha 34 ha 40 ha 53 ha 151 ha (darse et terre-plein) (1836) (1853) (1862) LA VILLE Vieille ville Nouvelle ville TOTAL Surface 32 ha 45 ha 87 ha Désormais, la ville avait la place pour édifier des monuments culturels sur l’espace des anciens remparts. La démolition des remparts permit de dégager une place suffisante pour édifier les monuments dont la ville avait besoin pour s’élever au rang de ses voisines. C’est ainsi que sur l’emplacement des remparts, un boulevard de 25 mètres a fut aménagé. De part et d’autre, la seconde moitié du XIXe siècle vit la construction d’un théâtre municipal (1862), d’un lycée (1867), d’une école primaire supérieure pour garçons, l’école Rouvière (1882), et d’un musée-bibliothèque (1888). Et plus tard, ce fut la Chambre de commerce (1914) et le palais de justice (1924). La nouvelle enceinte et ses portes Cette nouvelle enceinte fortifiée comprenait 12 portes : 6 7 5 3 4 8 9 2 10 1 6 Cette nouvelle enceinte permettait d’englober toutes les zones militaires de la ville, notamment les deux nouveaux arsenaux Castigneau et Missiessy à l’ouest et l’arsenal situé au nord de la ville. Elle prenait sa source aux appontements Milhaud, en bas à votre gauche, remontait jusqu’au fort Malbousquet, puis, arrivée face à l’entrée de l’arsenal, elle remontait au nord au Clos Fleuri actuel, traversait la voie ferrée mise en place en 1859, pour englober le quartier de Montéty, puis entourait l’arsenal au quartier Sainte-Anne et redescendait au sud rejoindre la partie des remparts d’Henri IV, qui ont été conservés, jusqu’au port. On peut ainsi constater que la ligne est des fortifications, du bastion nord à la mer, n’a jamais été modifiée depuis la fin du Moyen-Age. Cette muraille laissait donc en dehors les quartiers populaires du Pont-du-Las, Saint-Roch, Saint-Anne, Siblas et le quartier du Mourillon. La nouvelle protection fortifiée était largement percée d’une dizaine de portes qui permettaient une meilleure circulation de la population ouvrière installée à l’extérieure en direction de l’arsenal, mais aussi des troupes qui devaient se rendre soit sur les champs de manœuvre, soit dans les divers dépôts éparpillés aux quatre coins de la ville, notamment les poudrières. 1 – Porte de Lagoubran Elle fut construite en 1868 et permet l’accès à l’arsenal, près du parc à mazout, situé dans le quartier Milhaud. Elle se situe actuellement à l’intérieur de l’arsenal, à proximité de l’appontement n° 6, là où se gare le Charles de Gaule. 7 2 – Porte Malbousquet Edifiée entre 1865 et 1870 suite à l’extension vers l’ouest de l’arsenal, elle occupe une vaste place au carrefour Bon Rencontre, avenue des Fusiliers Marins. Elle existe encore de nos jours, agrandie en 1986 par la création de quatre passages voûtés au travers du bastion. Monsieur Henri Bouvet me racontait qu’après la Seconde Guerre mondiale, la Marine avait autorisé (verbalement) madame Watsel à utiliser cet espace pour organiser un centre équestre. 3 – Porte du Las (ou Missiessy) La porte du Las fut construite en 1864 au nord des bassins n° 2 et 3 à Misiessy. Elle se situe sous le terrain du stade Jauréguibéry dont le comblement des fossés a permis l’installation. 8 4 – Porte Nationale Bâtie en 1861, la porte Nationale se situe en face de la porte Castigneau qui donne accès à l’arsenal maritime, à la hauteur de l’actuelle place Jurien de la Gravière à Castigneau dont on voit la pointe et les deux voûtes en arrière-plan, celle qui donne accès à l’arsenal maritime. Elle permet l’entrée et la sortie des ouvriers de l’arsenal. Il reste un morceau de porte à droite de la porte Castigneau actuelle. 5 – Porte de France La porte de France fut l’une des premières édifiées en 1856 suite à son agrandissement, en même temps que les portes Sainte-Anne et Notre-Dame. Les travaux de construction de ces trois portes ont été menés de front la même année, toujours dans l’esprit de protection de la ville. 9 La porte de France était établie à l’extrémité nord de l’avenue Lazare Carnot, comme on le découvre sur cette carte. A droite, on aperçoit une petite partie du jardin de la ville, derrière les grilles. 6 – Porte du Chemin De Fer Voici la seule représentation que nous avons de cette porte, qu’on ne peut voir que de très loin. Erigée sur l’actuel boulevard Charles Barnier, elle occupait l’emplacement entre le cercle des officiers mariniers et l’église Montét, en deçà de la voie ferrée mise en service en 1853. 7 – Porte Sainte-Anne (ancienne Porte du Faron) 10 La porte Sainte-Anne était intitulée initialement porte du Faron, mais suite à la décision du ministre de la Guerre Vaillant, elle changea de nom avant son achèvement pour prendre celui de porte Sainte-Anne. Achevée en 1856, l’année même de sa construction, elle est aujourd’hui située sur le boulevard Louvois, cinquante mètres après la préfecture, au sud de l’hôpital éponyme. Elle existe donc encore de nos jours, et dans un parfait état de conservation. Pour ceux qui s’en souviennent, dans les années 1950, elle servait de refuge pour les chats. 8 – Porte Notre-Dame (ancienne Porte d’Antibes) Fondée en 1856 en même temps que la porte Sainte-Anne, elle portait initialement le nom de porte d’Antibes. Elle était placée à l’extrémité du boulevard de Strasbourg sur une partie de la place Noël Blache, à l’intersection avec le boulevard Clémenceau. Victor Senchet en a fait une toile en 1920, ainsi que José Mange. 11 9 – Porte d’Italie La porte d’Italie est la seule porte qui ne fut pas détruite lors de la démolition de l’enceinte fortifiée de Henri IV. Elle est située entre l’université de droit et le cours Lafayette, place Armand Vallée. Une première porte avait été créée en 1588 sous le nom de porte Saint-Lazare et faisait partie des cinq portes alors en place. En 1679, Vauban, chargé de transformer l’arsenal et les remparts, décida de changer l’emplacement de la porte, d’y ajouter une fermeture et de changer le pont-levis. Le travail ne fut exécuté qu’en 1755. Les remparts de Vauban ne comptaient alors que deux portes (porte d’Italie et porte de France). La porte que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de la reconstruction de le la porte et de certaines modifications effectuées entre 1788 et 1791 aux bastions adjacents effectuées par le Génie militaire. Pendant la Révolution, et sur décision du conseil municipal du 10 mai 1891, la porte prit le nom de porte Mirabeau, puis porte Pelletier le 1er janvier 1793, pour reprendre son nom initial de porte d’Italie après la libération de Toulon en décembre 1893. Au XIXe siècle, elle servait essentiellement au passage des piétons, jusqu’en novembre 1889 où elle fut ouverte à l’entrée des voitures dans la ville. François Roustan en a fait une aquarelle en 1923. 12 Enfin, en 1975, une troisième percée fut faite dans le rempart. Aujourd’hui donc, il y a la porte d’Italie, la vraie porte avec son pont-levis, à gauche, là où ne passent pas les voitures, et à droite sur la carte, entre le café-théâtre et la porte, il y a les deux passages qui ont été rajoutés. Voici la porte telle qu’on l’a connaît aujourd’hui. 10 – Porte Neuve Elle se situait à l’extrémité du quai Cronstadt Quai la Sinse, près de l’immeuble Pons. C’est la troisième porte qui fut construite entre 1832 et 1834 après décision du conseil municipal du 27 13 février 1831, pour « faciliter les relations entre la ville et les quartiers suburbains sud-est et décongestionner la porte d’Italie » (Passe partout 21.8.1933). Aujourd’hui on ne peut plus y passer car le café Florian a agrandi son espace par une salle supplémentaire et s’est relié à l’immeuble Pons. La porte est antérieure à l’agrandissement de 1852 puisqu’elle a été construite entre 1832 et 1834, pour « faciliter les relations entre la ville et les quartiers suburbains sud-est et décongestionner la porte d’Italie » (Le Passe partout) qui n’avait alors qu’un seul passage. Au départ, elle n’avait qu’une seule voûte, elle aussi, puis lors des travaux de 1882 à 1888, elle fut démolie et remplacée par une porte à trois piliers. C’est donc devenu une porte à ciel ouvert à deux passages. Le financement de l’opération avait été supporté à la fois par la ville (32 000 F) et par la Marine (14 000 F). D – Description des murailles et des portes Les remparts étaient constitués d’une levée de terre retenue par un mur de soutènement de part et d’autre. La nouvelle enceinte fortifiée comprend 10 portes, sans compter celle porte du Mourillon qui était une porte d’entrée dans le faubourg, détachée de l’enceinte. 14 La pierre de taille était l’élément de base de la construction des portes. Certaines étaient constituées de deux voûtes (porte de France) pour le passage, d’autres une seule (Sainte-Anne). Les voûtes étaient toutes constituées d’arcs à plein cintre, parfois de 5 mètres de hauteur, 15 mètres de long et 3 mètres de large (porte d’Italie, porte Sainte-Anne), parfois plus petites : la porte Neuve mesure 3,50 m de large et 4,40 sous la clé de voûte. Les portes à ciel ouvert comportaient trois piliers maintenus par des contreforts latéraux à l’extérieur. 15 Certaines portes étaient encadrées de bâtiments. Dans ceux de la porte Castigneau étaient logés les corps de garde. Des deux bâtiments de la porte Neuve, l’un servait de corps de garde et de chambre d’officier et l’autre était destiné au bureau d’octroi de la ville et à la prison. La porte de France était prolongée par des bâtiments à droite et à gauche, dont un anonyme a fait une esquisse détaillée. La porte Notre-Dame n’avait pas de bâtiments attenants. Les rails permettaient le passage du tramway sous la porte. En 1819, des casemates ont été construites de part et d’autre de la porte d’Italie, 5 à droite, 5 à gauche, pour recevoir les troupes de la garnison. Fin des travaux en 1824. 16 La porte Neuve et la porte d’Italie avaient un pont-levis, ainsi que la porte Sainte-Anne et la porte Malbousquet. Le pont-levis de la porte Neuve mesure 3,50 m et forme un pont en bois jeté sur le canal du rempart est pour se terminer par le pont dormant. La porte Malbousquet était prolongée par des courtines contenant 289 casemates voûtées. On y entreposait les munitions (poudres et projectiles) dans une superficie de 5 825 mètres carrés et pouvaient également servir de logement aux militaires en cas de guerre. 17 Suppression définitive des remparts (1923-1933) Dès 1870, la ville, qui comptait 70 000 habitants (50 000 intra-muros et 20 000 extra-muros), manquait de place. Les parisiens avaient remis une boutade qui courait sous Louis XVI : « Le mur murant Toulon rend Toulon murmurant ». Ces remparts représentaient en effet un archaïsme suranné que tous les maires du début de la IIIe République dénoncèrent. Henri Dutasta plaçait en seconde position de son programme local l’abolition des zones militaires, l’assainissement de la ville et des faubourgs gardant la priorité. Alphonse Fouroux en fit de même, mais toujours sans succès. Le commandant Ricard, en 1891, plaçait lui aussi l’assainissement comme priorité dans son programme local. Mais d’autres priorités occupèrent Prosper Ferrero, en 1897, qui plaça le projet de démolition et la séparation des zones militaires passer en septième position après : 1 – laïcisation des hospices, 2 – problèmes financiers de la ville, 3 – journée de 8 heures. Le minimum des salaires, 4 – l’assainissement de la ville, 5 – création de bouches d’arrosage, 6 – construction d’écoles dans les quartiers qui en sont dépourvus, 7 – démolition des remparts et séparation des zones militaires10. La Grande Guerre laissa en sommeil ces problèmes d’agrandissement de la ville, comme la Révolution française avait fait abandonner le premier projet et la Révolution de 1848 le second. Il fallut donc attendre les années qui suivirent le retour de la paix et la seconde municipalité Escartefigue pour évoquer à nouveau la question. La démolition des remparts fut une décision conjointe des départements de la Guerre, de la Marine et de la ville de Toulon. L’armée cherchait des terrains pour y établir un champ de manœuvre à Missiessy-Malbousquet pour les troupes de terre et de mer de la garnison de Toulon. Le coût en fut supporté par la ville, avec l’aide du gouvernement. La ville procède au comblement des fossés en utilisant les milliers de mètre cubes de déblais tirés de la démolition des remparts. La première porte à être démolie fut la porte Notre-Dame, en 1923. Les destructions se faisaient à l’explosif, ce qui n’était pas sans conséquence lorsque les travaux avaient lieu en centre ville. Le docteur Antoine Marmottans, dans Toulon et son histoire, du Moyen-Age à la Belle Epoque, évoque l’accident qui s’est produit lors de la démolition de la porte Notre Dame, tuant un élève du lycée voisin. L’explosion a projeté un bloc de pierre, tuant le jeune M. N’Guyen Hoï, âgé de 20 ans, fils du tong-doc (préfet) de Bac-Ninh (Vietnam), élève du Lycée de Toulon. Ce fut le seul incident que nous connaissons. 10 PV du 13 juin 1897, p. 2, Comité socialiste d’action républicaine, manifeste. Programme local. 18 L’année suivante, on fit tomber la porte Neuve. On utilisa les déblais pour combler le fossé longeant le pied du rempart. Il ne reste donc plus rien des piliers qui portaient chacun la date de leur construction. La porte du Las et la Porte Lagoubran furent détruites à partir de 1925 dans le but de prolonger le boulevard de Strasbourg jusqu’au Pont du Las. La décision fut prise dans le courant de l’été 1925 en partenariat avec la Marine, la Guerre et la ville de Toulon. De plus, un champ de manœuvre fut aménagé, situé sur le terrain militaire disponible au nord de la darse de Missiessy et s’étendant à travers le rempart de la porte de Malbousquet jusqu’à la route conduisant au 5e dépôt. Les butes, qui n’étaient pas à proprement parler des fortifications, furent aplanies, la voie de chemin de fer agrandie, et les appontements de Milhaud construits peu après la guerre de 1914-1918. Suivent la démolition des portes du Chemin de Fer en 1929 et la porte de France en 1932. Les débris de cette dernière servirent également au comblement des fossés afin de prolonger l’avenue Lazare Carnot jusqu’au chemin des Lices afin d’y installer les rails du tramway11. En 1933, ce fut le tour de la porte Nationale. L’ensemble des portes et grilles défensives des fortification fut vendu dès 1926. 11 F. Joseph, Le Passe Partout 22.8.1932. 19 Construction et démolition PORTES Début Fin 1856 1923 1832 et 1888 1924 1 Porte Notre-Dame 2 Porte Neuve 3 Porte de Lagoubran 1868 1925 4 Porte du Las (ou Missiessy) 1864 1925 5 Porte du Chemin De Fer 1890 1929 6 Porte de France 1856 1932 7 Porte Nationale 1861 1933 8 Porte Malbousquet 1865-1870 Existe 9 Porte Sainte-Anne 1856 Existe 1588 et 1889 Existe 10 Portes d’Italie Ne subsistent aujourd’hui que la porte Sainte-Anne, la porte d’Italie et la porte Malbousquet. Cette dernière a été agrandie en 1986 par la création de quatre passages voûtés au travers du bastion. L’ancienne porte Malbousquet a été inscrite sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques le 19 septembre 1989. La porte du Mourillon (ou porte de Bazeilles), qui ne fait donc pas partie des portes de remparts, et qui fut construite en 1873 entre la rivière des Amoureux et le fort Lamalgue, fut démolie un peu avant la guerre pour faciliter l’accès du pont jeté sur le débouché de la rivière des Amoureux et améliorer la circulation12. 12 Je sis tout, samedi 12 mars 1938, p. 09. 20 Conclusion Ces murailles ont joué leur rôle de défense au XVIIIe siècle, au cours des trois sièges (1707, 1747, 1793). En revanche, au XIXe siècle, elles étaient devenues inutiles du fait des progrès de l’artillerie. Cependant, la ville avait pris la décision d’en édifier de nouvelles sur environ 10 000 m plutôt que de fortifier les hauteurs stratégiques de la ville. Pourtant, les militaires eux-mêmes contestaient l’efficacité de ces remparts. Ils eurent raison car ils ne servirent jamais à rien, sauf à engager des dépenses considérables et à empêcher le développement de la ville. Le 6 novembre 1929, un arrêté du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts classa les portes en monument historique, la porte d’Italie principalement à cause de son pont-levis. 21 Table des matières La vie dans la ville et les faubourgs.......................................................................2 1852, extension de la ville........................................................................................4 La nouvelle enceinte et ses portes..........................................................................6 1 – Porte de Lagoubran...........................................................................................................7 2 – Porte Malbousquet............................................................................................................8 3 – Porte du Las (ou Missiessy) .............................................................................................8 4 – Porte Nationale.................................................................................................................9 5 – Porte de France.................................................................................................................9 6 – Porte du Chemin De Fer.................................................................................................10 7 – Porte Sainte-Anne (ancienne Porte du Faron) ...............................................................10 8 – Porte Notre-Dame (ancienne Porte d’Antibes)...............................................................11 9 – Porte d’Italie ..................................................................................................................12 10 – Porte Neuve...................................................................................................................13 D – Description des murailles et des portes..............................................................................14 Suppression définitive des remparts (1923-1933)...............................................18 Conclusion............................................................................................................................21 22