Diagnostic et traitement de l`asthmedu chat

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Diagnostic et traitement de l`asthmedu chat
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Se former / COURS /
AFFECTIONS RESPIRATOIRES CHEZ LE CHAT
Diagnostic et traitement
de l’asthme du chat
L’asthme félin est caractérisé par des accès de toux et de dyspnée.
Il est la première cause de toux chez cette espèce. Il répond souvent
aux corticoïdes mais lors d’échec, d’autres traitements sont possibles.
Résumé
u
L’asthme du chat ou
“bronchite allergique”
est une obstruction réversible
des voies respiratoires profondes qui résulte d’une diminution brutale du diamètre
des bronches. Les particularités anatomiques de cette
espèce expliquent la facilité
avec laquelle survient le bronchospasme. Le chat asthmatique présente des accès
récurrents de toux, une respiration sifflante et des crises
de dyspnée. La cause la plus
probable est une réaction
d’hypersensibilité de type I de
la paroi bronchique à différents stimuli. Le diagnostic différentiel est principalement
fait avec les bronchopneumopathies infectieuses et l’œdème aigu du poumon d’origine cardiaque. Le traitement
de la crise aiguë fait appel à
la dexaméthasone et à l’oxygénothérapie. Le traitement
d’entretien est constitué par
la corticothérapie.
L
es premiers cas d’asthme chez le chat
ont été décrits dans la littérature
vétérinaire en 1906. Cette affection est
la conséquence d’une obstruction
réversible des voies respiratoires
profondes qui résulte d’une diminution
brutale du diamètre des bronches. Les
symptômes sont proches de ceux de l’asthme
humain, mais pour éviter tout parallèle,
puisque ni la physiologie, ni l’étiologie de cette
affection n’ont été démontrées avec certitude
dans l’espèce féline, le terme de “bronchite
allergique” ou de “bronchite asthmatiforme”
est parfois préféré.
Incidence et prédisposition
L’incidence de l’asthme chez le chat est probablement sous-estimée. Elle serait de 1 % [1].
C’est la cause de toux la plus fréquente dans
l’espèce féline, mais de nombreuses formes
bénignes ne nécessitent pas de traitement.
Il existe une prédisposition raciale chez les
siamois et chez les himalayens, ce qui laisse
supposer un support génétique, comme chez
l’homme [1, 2].
L’asthme atteint les chats de tous âges.
Particularités anatomiques
des bronches du chat
par Anne Thébault
“Brécihan”
35290 Saint-Onen-la-Chapelle
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La motricité bronchique est liée à la présence de fibres musculaires lisses qui agissent
sur le diamètre des voies aériennes. L’amplitude de la variation du diamètre de celles-ci
dépend de la proportion de tissu musculaire
lisse dans leur paroi, et de leur rigidité (cartilage hyalin) ou de leur élasticité (cartilage
élastique).
Le “bronchospasme” est un spasme des fibres lisses de l’arbre bronchique qui provoque
l’obstruction des voies respiratoires. Le chat
y est particulièrement sujet, en raison
notamment de la présence de nombreux récepteurs sensoriels tout le long de l’épithélium respiratoire, qui confère à son poumon
une réactivité élevée aux stimulations [8]
(VOIR LE tableau “Différences anatomiques
entre les appareils respiratoires du chat et du
chien”).
Le Point Vétérinaire / N° 248 / Août-Septembre 2004 /
Étiologie de l’asthme félin
L’origine de l’asthme est encore imparfaitement
connue. Il est en général idiopathique et
multifactoriel [1]. L’hypothèse la plus probable
est une origine allergique, avec réaction d’hypersensibilité immédiate de type I, qui déclenche
un bronchospasme par hyperréactivité contractile [5, α]. Certains éléments sont en faveur de
cette hypothèse :
- la mise en évidence d’anticorps spécifiques
(Ig E) ;
- des tests in vitro qui montrent la bronchoconstriction de fragments pulmonaires après
contact avec des antigènes d’ascarides ;
- une incidence saisonnière des crises [8].
Les facteurs déclencheurs (allergisants ou
irritants) sont nombreux [5, β] :
- agents physiques : poussière de litière, fumée
de cigarette, plume d’oreiller, etc ;
- agents chimiques : bombes insecticides,
ammonium quaternaire, parfum, produits
antiparasitaires externes, etc ;
- agents parasitaires : allergènes de Toxascaris
leonina, Toxocara cati, Aelurostrongylus
abstrusus, etc ;
- agents infectieux : les métabolites de l’infection bactérienne (Bordetella, Pasteurella,
mycoplasmes et Pseudomonas) bloquent les
bêta-2 récepteurs bronchiques.
Pour ces facteurs, souvent incriminés comme
facteurs déclenchants (litière, fumée de cigarette
et surtout aérosols), il n’est pas prouvé s’ils
jouent vraiment un rôle d’allergène ou s’ils
constituent seulement des facteurs irritants [α].
Les crises peuvent aussi être provoquées par des
facteurs non allergisants (stress, exercice, etc.) [2].
L’asthme humain est également la conséquence
d’un bronchospasme, avec une hypersensibilité
de type I mais, à la différence du chat, l’hyperréactivité bronchique immédiate est suivie
d’une bronchoconstriction retardée pendant
quatre à huit heures, qui constitue la crise
d’asthme au sens strict [c, α].
Manifestations cliniques
de l’asthme
Les motifs de consultation les plus fréquents
sont la toux, la dyspnée et l’intolérance à l’effort.
La toux est le symptôme le plus précoce, sous
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forme de quintes de toux sèche, gueule ouverte
et langue sortie, dont la fréquence et la durée
sont variables. Lors de formes chroniques, la
toux est souvent le signe majeur.
Dans les cas graves, le chat présente une toux
chronique, accompagnée de crises aiguës de
dyspnée, avec détresse respiratoire (“crises
d’asthme”).
Un chat en crise est à manipuler avec une
extrême précaution.
Sa position est alors caractéristique : écrasé au
sol (décubitus sternal), la tête et le cou en
extension. Le chat est en orthopnée, gueule
ouverte et respiration sifflante. Si les quintes
durent plusieurs minutes, une cyanose apparaît
et le chat présente un faciès inquiet. Son thorax
est alors en forme de tonneau et de l’aérophagie (distension abdominale) survient [5, c, α, β].
L’intensité de la dyspnée peut être quantifiée
par l’étirement latéral des ailes du nez et des
commissures labiales.
Le chat est fréquemment présenté à la consutation entre deux crises aiguës. Le chat est alors
normal ou présente des signes chroniques (toux).
Démarche diagnostique
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Différences anatomiques entre les appareils respiratoires
du chat et du chien
Chien
Tissu musculaire lisse
Le tissu musculaire lisse diminue
Le tissu musculaire lisse est présent
rapidement avec le diamètre des
jusqu’au fond des voies aériennes ;
bronchioles : il ne reste que quelques
il existe encore un muscle lisse
rares fibres musculaires lisses au niveau à l’extrémité de chaque paroi
des canaux alvéolaires, et plus du tout alvéolaire
au niveau des alvéoles elles-mêmes
Récepteurs sensoriels
Les récepteurs sensoriels sont
Les récepteurs sensoriels sont très
essentiellement situés dans la trachée
nombreux et présents tout le long
et les grosses bronches
de l’épithélium respiratoire, jusque
dans la paroi des alvéoles. Ils peuvent
réagir par bronchospasme à toutes les
stimulations (mécaniques, chimiques,
anaphylactiques, etc.)
Cartilage hyalin
Rigide, le cartilage hyalin est présent
Le cartilage hyalin est rigide vers la
en proportion élevée, jusque
lumière et élastique vers la périphérie
dans les bronchioles
des bronches. La proportion de
cartilage élastique augmente avec la
diminution de diamètre des bronches,
jusqu’aux bronchioles et aux canaux
alvéolaires, où il est seul présent
Glandes sécrétrices
Les glandes sécrétrices de mucus sont
présentes jusqu’aux bronchioles
terminales
1. Examen clinique
• L’inspection permet de remarquer une dyspnée
expiratoire (allongement du temps d’expiration,
visible à l’examen à distance, éventuellement
accompagné d’une participation abdominale)
[6, 10] et une toux sèche quinteuse.
• L’auscultation révèle des crépitements secs,
surtout dans les lobes pulmonaires diaphragmatiques, des sifflements (obstruction
bronchique) et des zones d’auscultation
silencieuses en cas d’obstruction complète avec
atélectasie d’un lobe pulmonaire [5, b].
Chat
Conclusion
Le bronchospasme est rare et peu
Le poumon du chat est très réactif.
marqué.
Fréquence plus élevée des accès
En revanche, le collapsus trachéal,
de bronchospasmes
dû à un affaissement de la membrane
fibromusculaire dorsale par défaut
de tension de l’arc cartilagineux,
est fréquent
D’après [5, β].
2. Examens complémentaires
• Les clichés radiographiques ne permettent
pas de conclure à l’existence ou à l’absence d’un
asthme bronchique ; seuls les signes de complication de la maladie à un stade avancé sont mis
en évidence :
- une densification bronchique et péribronchique (rails et anneaux de bronchite
chronique, non spécifiques) ;
- une hyperclarté de distension ou d’emphysème ;
- une atélectasie du lobe médian droit : ce lobe,
le plus isolé du poumon du chat, ne bénéficie
pas d’une circulation collatérale abondante, d’où
son effondrement lors de spasmes répétés ;
- un emphysème [α].
Le diagnostic radiographique est surtout un
diagnostic d’élimination. Il permet de vérifier
l’absence de collections liquidiennes ou aériennes. La présence d’air dans l’estomac et le tube
digestif est la conséquence de l’aérophagie qui
accompagne les crises de dyspnée [2].
• Le lavage broncho-alvéolaire, réalisé en dehors
des périodes de crise aiguë, présente peu d’intérêt [b, α] :
- L’examen bactériologique est positif chez les
chats malades, mais aussi chez des chats sains
car il existe une flore bactérienne normale dans
l’appareil respiratoire du chat ;
- les neutrophiles et les éosinophiles sont plus
nombreux chez les chats malades, mais il
n’existe pas de corrélation entre les résultats
bactériologique et cytologique, ce qui rend
délicate l’interprétation de l’examen cytologique.
Le lavage broncho-alvéolaire est surtout utile
dans le cadre du diagnostic différentiel des
processus cancéreux, en particulier des
métastases miliaires [2].
• L’échographie thoracique permet d’écarter
l’hypothèse d’épanchements [c].
• Une cause parasitaire peut être recherchée :
- examen coproscopique [β] ;
- test sérologique de recherche de la dirofilariose en zone endémique : la présence d’anticorps confirme une exposition, mais pas
nécessairement une maladie active [1].
• Les mesures de la mécanique ventilatoire
(résistance et compliance pulmonaires),
complétées par des épreuves de bronchoconstriction (méthacholine(2)) et de bronchodilatation (terbutaline(1)), bien que difficiles à réaliser
dans le cadre d’une consultation, donnent des
résultats interprétables chez le chat [3, b]. À
notre connaissance, ces mesures ne sont
réalisées en France que dans quelques centres
de recherche :
(1) Médicament à usage
humain.
(2) Médicament non
disponible en France.
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(2) Médicament non
disponible en France.
- la résistance pulmonaire, en relation directe
avec le diamètre des voies respiratoires, est plus
élevée chez les chats asthmatiques, et proportionnelle à la sévérité de l’atteinte ;
- la compliance pulmonaire, témoin de l’élasticité du poumon, est diminuée chez les asthmatiques ;
- le test de provocation à la méthacholine(2)
entraîne une hyperréactivité plus marquée chez
les chats asthmatiques ;
- le test à la terbutaline(1) diminue la résistance
pulmonaire chez la plupart des chats malades.
• Une nouvelle technique, la pléthysmographie
barométrique, est utilisée depuis peu chez le
chat. Celui-ci est enfermé dans un conteneur
hermétique : les variations de pression dans le
conteneur au cours des mouvements respiratoires sont enregistrées et permettent de quantifier la ventilation, donc de suivre l’évolution de
la maladie et l’efficacité du traitement [4].
Actuellement, cet examen n’est pas pratiqué sur
les animaux en France.
Éléments de diagnostic différentiel de la bronchite allergique
Affections
Diagnostic différentiel
Bronchopneumopathies
infectieuses
- Fièvre
- Auscultation
- Radiographie
Lymphosarcome médiastinal
Radiographie caractéristique
PIF à forme thoracique
- Épanchement
- Fièvre persistante, résistante au traitement
- Sérologie
Traumatismes (hernie
Radiographie caractéristique
diaphragmatique, hémothorax)
OAP cardiogénique
- Inspection : dyspnée inspiratoire et expiratoire
et toux humide expectorante.
- Auscultation respiratoire : râles humides.
- Auscultation cardiaque : tachycardie, souffle,
bruits de galop.
- Radiographie : nombreuses anomalies (taches à
bords flous sur toutes les projections pulmonaires
et silhouette cardiaque caractéristique).
- Échographie : mise en évidence
de la cardiomyopathie
D’après [5].
Degré I
Asymptomatique : l’anamnèse met en évidence un épisode
antérieur.
Degré II
Obstruction modérée des voies respiratoires : toux, râclements
de gorge, augmentation des bruits à l’auscultation, polypnée
modérée ; quelques sifflements respiratoires.
Degré III
Obstruction grave des voies respiratoires : toux, râclements
de gorge, augmentation des bruits respiratoires, polypnée marquée,
respiration bouche ouverte en cas d’excitation, respiration sifflante.
Absence de cyanose.
Degré IV Hypoxémie : bruits respiratoires augmentés, respiration bouche
ouverte, expiration difficile, aérophagie, thorax en tonneau, cyanose,
anxiété.
État de mal asthmatique : bruits respiratoires augmentés, respiration
bouche ouverte, cyanose, respiration râlante, aérophagie
avec distension abdominale, mort.
D’après [β].
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• L’éosinophilie périphérique retrouvée dans
70 % des cas n’est pas la preuve d’un
phénomène allergique : l’hypoxie générée par
le bronchospasme peut être responsable de la
même réaction [5].
• Une leucocytose avec neutrophilie (et
également une monocytose dans les formes les
plus graves) est plus significative, bien que non
spécifique [α].
• Si le prélèvement a lieu après l’administration
de médicaments en urgence, des modifications
iatrogènes sont possibles : éosinopénie,
hyperglycémie [2].
• Un dépistage de la leucémie féline (FeLV) et
de l’immunodéficience féline (FIV) est utile [1] :
l’existence de l’une ou de l’autre de ces affections
peut rendre inutile la mise en place d’un traitement, en raison de l’espérance de vie limitée du
chat.
4. Diagnostic différentiel
L’asthme doit être différencié des autres causes
de toux sèches, fortes, voire paroxystiques, et
des autres causes de dyspnée, lors de crises
aiguës (voir le TABLEAU “Éléments de diagnostic différentiel de la bronchite allergique”) :
- efforts de vomissement ;
- bronchopneumopathies infectieuses ou parasitaires ;
- obstruction des voies respiratoires supérieures : polype naso-pharyngé, paralysie laryngée,
coryza chronique ;
- tumeur : lymphosarcome médiastinal ou
carcinome broncho-alvéolaire, métastases
pulmonaires ;
- péritonite infectieuse féline (forme thoracique) ;
- traumatismes ;
- maladie cardiovasculaire : cardiomyopathie
ou thrombo-embolie.
Une grande attention doit être portée à la
différenciation entre l’asthme et l’œdème aigu
du poumon cardiogénique (deuxième grande
cause de toux-dyspnée chez le chat, mais dont
le traitement est diamétralement opposé à celui
de l’asthme) [5, β].
5. Diagnostic anatomopathologique
Classement de l’asthme en cinq degrés selon son évolution
Degré V
3. Diagnostic biochimique
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La bronchite allergique ne provoque aucune
lésion pathognomonique. Les lésions histologiques sont les mêmes que lors de bronchites
chroniques : hyperplasie et hypertrophie des
cellules à mucus, hypertrophie des muscles
lisses et érosion épithéliale avec infiltration de
l’épithélium et de la lamina propria par des
cellules inflammatoires (surtout des éosinophiles) [9]. Macroscopiquement, un rétrécissement des lumières bronchiques lié à une forte
hyperplasie des glandes de la sous-muqueuse
est observé post-mortem.
Pronostic
Le pronostic est en général favorable car la
bronchite allergique répond bien au traitement.
Pour simplifier, les animaux qui ne présentent
pas de cyanose pendant les crises ont une
atteinte modérée (pronostic bon), alors que ceux
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qui présentent de la cyanose pendant les crises
ont une atteinte sévère (pronostic mauvais).
Il existe une classification américaine en cinq
stades de l’asthme qui permet de préciser le
diagnostic, mais elle est complexe et repose sur
la mesure des pressions partielles en O2 et en
CO2 [5].
En France, une classification fondée sur
les symptômes est utilisée (voir le TABLEAU
“Classement de l’asthme en cinq degrés, selon son
évolution”).
Traitement de l’asthme
Le traitement a pour objectifs de lutter contre
le phénomène d’hypersensibilité, de lever le
bronchospasme pour permettre le passage de
l’air et entraîner la régression de l’emphysème,
et d’éliminer les sécrétions accumulées pendant
la crise [7].
1. Traitement de la crise aiguë
L’état du chat rend en général sa manipulation
difficile.
Le traitement de la crise aiguë fait appel à la
dexaméthasone (1 mg/kg, par voie intraveineuse
ou intramusculaire) et à l’oxygénothérapie (soit
à l’aide d’une sonde nasale, soit dans une cage
à oxygène).
En l’absence d’amélioration après dix à
quinze minutes, des bronchodilatateurs sont
administrés :
- bases xanthiques : théophylline(1) (2 mg/kg par
voie intramusculaire ou intraveineuse) ou
aminophylline(3) (2 à 5 mg/kg, par voie intraveineuse ou intramusculaire), sous surveillance
attentive car elles sont tachycardisantes [c] ;
- o u b ê t a - 2 s t i m u l a n t s : t e r b u t a l i n e (1)
(0,01 mg/kg par voie sous-cutanée, soit
0,1 ml/chat de la solution injectable de
Bricanyl® dosée à 0,5 mg/ml ; ou en aérosol :
les protocoles sont en cours de validation).
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Si les bronchodilatateurs ne procurent pas
d’amélioration en quinze minutes, de l’atropine peut être administrée (une seule injection
de 0,025 mg/kg par voie sous-cutanée ou
intramusculaire). Son efficacité est toutefois
discutable [β]. Elle assèche en outre les
sécrétions bronchiques qui ne peuvent plus
s’évacuer : une injection unique est donc
préconisée [2].
2. Traitement d’entretien
Le traitement d’entretien est fondé sur l’utilisation de corticoïdes, de bases xanthiques, de
bêta-2 stimulants ou d’alpha-1 bloquants (voir
le TABLEAU “Traitement d’entretien lors de
bronchite chronique”).
Les corticoïdes constituent le traitement le plus
efficace sur le long terme, mais leurs effets
indésirables suite à une prise orale prolongée
sont connus : risque de pancréatite, d’insulinorésistance, de polyurie, de cystite, etc. [9].
L’administration par voie nasale diminue les
risques d’effets indésirables, mais il semble que
les inhalations soient la voie d’administration
la plus efficace pour éviter les effets indésirables systémiques [a].
Sa réalisation fait appel à une chambre d’inhalation pédiatrique (de type Babyhaler® de Glaxowellcome) (PHOTO 1) : l’appareil est équipé d’un
système de valves qui n’autorisent les échanges
gazeux avec le compartiment central qu’au
moment de l’inspiration. Après agitation, l’aérosol est placé dans son logement. L’appareil est
maintenu en position horizontale et une dose
de médicament est libérée par pression sur le
fond de l’aérosol. Le masque (masque
pédiatrique ou masque utilisé pour l’induction
de l’anesthésie, spécifiquement félin) est alors
appliqué sur la face du chat (PHOTO 2), pendant
une dizaine de cycles respiratoires (les
battements de valves sont comptés). Les
aérosols peuvent délivrer un corticoïde (le
fluticasone(1), suspension pour inhalation à
Points forts
! L’asthme félin est dû
à une contraction des fibres
musculaires lisses des
bronches. Il se manifeste
par une toux chronique
et des crises de détresse
respiratoire. Son origine est
probablement allergique
comme chez l’homme.
! Le diagnostic est fondé
sur l’exclusion : en médecine
courante, aucun examen
complémentaire ne permet
de conclure à l’existence
ou non d’un asthme.
! La crise d’asthme aiguë est
une urgence médicale :
le traitement repose
sur un soutien respiratoire
et l’administration
de corticoïdes.
(1) Médicament à usage
humain.
(3) Médicament vétérinaire
hors RCP.
À lire également
a - Bureau S. L’asthme félin peut
aussi se traiter par inhalations.
Elles permettent l’administration
de corticoïdes ou de
bronchodilatateurs. La Semaine
Vétérinaire. 2001;1038:14.
b - Le Bobinnec G. L’asthme du
chat est une réalité. La Semaine
Vétérinaire. 2000;984:24.
c - Longueville-Zucchi A. Tout sur
la toux. L’Action Vétérinaire.
1998;1445:13-22.
d - Meyer L. Comment traiter
l’asthme bronchique félin. L’Action
Vétérinaire. 2003;1627:14-16.
Traitement d’entretien lors de bronchite chronique
Principes actifs
Corticoïdes
(1)
Remarques
Prednisone, prednisolone : de 2,5 mg/jour
au départ à 1 mg/semaine en traitement d’entretien,
par voie orale
Effets indésirables moins marqués par inhalation
Triamcinolone : 0,25 à 0,5 mg/jour par voie orale
À essayer si la prednisolone n’apporte pas suffisamment
d’amélioration
Acétate de prednisolone retard (Dépomédrol®): 20 mg
par voie sous-cutanée, pendant deux à trois semaines
Pour les chats qui n’acceptent pas la prise
de médicaments par voie orale
Bases
xanthiques
- Théophylline(1) (Dilatrane®) : 5 à 7,5 mg/kg/12 heures.
- Aminophylline(3) : 5 mg/kg/12 h. Pas de présentation
par voie orale pour les chats. Administrer par voie
intraveineuse lente
Pour les chats chez lesquels l’administration
de corticoïdes est impossible : diabète, insuffisance
rénale chronique.
Attention aux effets secondaires (tachycardie)
β-2
stimulants
- Terbutaline(1) (Bricanyl®) : 0,01 mg/kg en intraveineuse ou
0,625 à 1,25 mg/chat toutes les douze heures par voie
orale.
- Salbutamol(1) (Ventoline®): 0,1 à 0,3 mg/kg/jour
Utiles pendant quatre à cinq jours après une crise
pour éviter les récidives.
Les protocoles pour une utilisation par voie respiratoire
sont en cours de validation
α-1
bloquants
Prazosine(1) (Minipress®): 0,1 mg/kg/jour en 2 prises
Utilisés chez l’homme
Médicament à usage humain. (3)Médicament vétérinaire hors RCP. D’après [1, 5, c, β].
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4. Contre-indications médicamenteuses
Cliché : A. Thébault
Cliché : A. Thébault
huiles de poisson riches en acides gras oméga3) limiteraient la production de médiateurs
chimiques bronchoconstricteurs [1, 5].
1. Chambre d’inhalation de type
Babyhaler®.
PHOTO
(1) Médicament à usage
humain.
Bibliographie
1 - Caron I. et Carioto L. L’asthme
félin… Une maladie à vous couper
le souffle ! Can. Vet. J.
2003;44(8):654-656.
2 - Drouard-Haelewyn C. Asthme
et bronchite chronique du chat : ce
que doit savoir le praticien. Prat.
Méd. Chir. Anim. Comp.
2000;35(5):363-367.
3 - Dye JA, McKiernan BC, Rozanski
EA et coll. Bronchopulmonary
disease in the cat : historical,
physical, radiographic,
clinicopathologic, and pulmonary
functional evaluation of 24 affected
and 15 healthy cats. J. Vet. Intern.
Med. 1996;10(6):385-400.
4 - Hoffman AM, Dhupa N, Cimetti
L. Airway reactivity measured by
barometric wholebody
plethysmography in healthy cats.
Am. J. Vet. Res. 1999;60:14871492.
5 - Le Bobinnec G. L’asthme du
chat : mythe ou réalité clinique.
Point Vét. 1987;19(104):115-122.
6 - Moraillon R. Conduite à tenir
devant la dyspnée chez le chat.
Point Vét. 1995;27(n° spécial
“Pathologie respiratoire”):545-552.
7 - Moraillon R. et coll. Dictionnaire
pratique de thérapeutique canine
et féline. 2e édition. Masson, Paris.
1990:470 p.
8 - Moses BL, Spaulding GL.
Chronic bronchial disease of the
cat. Vet. Clin. N. Amer-Small Anim.
Pract. 1985;15(5):929-948.
9 - Patrid P. Feline asthma.
Diagnosis and treatment. Vet. Clin.
N. Amer-Small Anim. Pract.
2000;30(6):1279-1293.
10 - Pouchelon JP. Nouvelle
terminologie en sémiologie
respiratoire clinique. Point Vét.
1995;27(n°spécial “Pathologie
respiratoire”):371-374.
Retrouvez notre site
www.planete-vet.com
Rubrique formation
30
PHOTO 2. Utilisation d’une chambre
d’inhalation pédiatrique chez un chat.
250 µg/dose, pour la gestion de l’inflammation
sur le long terme, dix à quatorze jours étant
nécessaires pour obtenir le pic d’efficacité) ou
un bronchodilatateur (l’albutérol (1), durée
d’action de quatre heures, pour lever le
bronchospasme).
Ces administrations nécessitent une certaine
coopération de la part du chat traité. L’administration de corticoïdes par inhalation permet
en revanche de diminuer les doses orales.
Certains auteurs [9] préconisent des inhalations
de salbutamol(1) (Ventoline®) “à la demande”
chez les chats dont les crises ne se répètent pas
quotidiennement. Pour ceux qui ont des crises
quotidiennes, un traitement de base de fluticasone(1) (220 µg, deux fois/jour) est instauré, avec
des inhalations de salbutamol(1) (Ventoline®)
lors des crises. Si les crises affectent la qualité
de vie des chats (fatigabilité, toux nocturne), la
prednisone est associée au traitement précédent
(1 mg/kg, deux fois/jour, par voie orale pendant
cinq jours, puis la même dose une fois/jour
pendant cinq jours).
3. Traitements complémentaires
Si la relation avec l’atopie est prouvée, la
désensibilisation ou l’éviction de l’allergène
concerné peut faire disparaître les crises [α].
Par précaution, les litières poussiéreuses, la
poussière, la fumée de cigarette, les aérosols et
les parfums sont éliminés. Les allergènes
alimentaires (dont les acariens) sont également
supprimés, grâce à la prescription de régime
hypo-allergénique. Dans de nombreux cas, le
contrôle de l’environnement permet de prévenir
l’apparition de nouvelles crises.
L’antibiothérapie est justifiée à double titre :
d’une part parce que l’infection bactérienne peut
être une cause déclenchante de la crise par
blocage des bêta-2 récepteurs, et d’autre part
parce que le mucus d’un poumon atteint de
bronchite chronique est un terrain possible de
développement de surinfection.
Les amoxicillines potentialisées (amoxicilline
+ acide clavulanique) sont faciles à utiliser chez
le chat (12,5 mg/kg/jour pendant au moins trois
semaines) [5, β].
La température du chat peut éventuellement
être surveillée afin d’intervenir dès qu’il y a un
signe de surinfection.
Les soins buccodentaires sont indispensables, car
le tartre est la principale source de germes pathogènes. Un détartrage est réalisé chez les chats
asthmatiques dès que leur état le permet [5, β].
Une vermifugation avec du fenbendazole
élimine les éventuelles parasitoses [1, 5, β].
Des précautions alimentaires (régime enrichi en
Le Point Vétérinaire / N° 248 / Août-Septembre 2004 /
Certaines substances sont totalement contreindiquées chez le chat asthmatique [5] :
- les stimulants non-sélectifs : isoprénaline(1)
(Isuprel® : effets bêta-1 cardiaques) et adrénaline (effets alpha et bêta) ;
- les béta-bloquants : propanolol(1) (indiqué dans
les cardiomyopathies hypertrophiques, d’où la
nécessité de réaliser un diagnostic différentiel
minutieux) ;
- les alpha-stimulants : phényléphédrine
(collyres) ;
- les anti-inflammatoires non stéroïdiens : acide
acétyl-salicylique (indiqué lors de thromboembolie des cardiomyopathies hypertrophiques).
Anesthésie des chats
asthmatiques
L’anesthésie ne soulève pas de difficultés chez
les chats stabilisés, en dehors des phases de
crise. L’acépromazine (alpha-bloquant, seule la
dépression respiratoire peut être gênante) et la
kétamine (effet protecteur sur les bêta-2
récepteurs) peuvent ainsi être utilisées sans
risque [5] :
- à T0 : atropine (0,025 mg/kg par voie souscutanée ou intramusculaire) + acépromazine
(0,025 mg/kg par voie sous-cutanée ou intramusculaire) ;
- à T0 + 15 min : kétamine (15 mg/kg par voie
intramusculaire, renouvelable à demi-dose).
La xylazine est contre-indiquée. Il convient en
outre d’éviter l’intubation trachéale en raison
de son effet irritant.
Même si l’asthme félin est une affection encore
imparfaitement connue et difficile à diagnostiquer (aucun signe ou test n’est caractéristique),
il n’est désormais pas aberrant de la considérer
d’un point de vue allergologique, au même titre
que les affections allergiques dermatologiques.
Les règles de prescription sont difficiles à
fixer car la réponse au traitement varie selon
l’individu. Certains chats réponsent aux corticoïdes, d’autres aux bronchodilatateurs, d’autres
à l’association des deux. Certains ne répondent
qu’aux antibiotiques. La démarche thérapeutique réclame donc une certaine souplesse et
une forte motivation de la part du propriétaire
(recherche et éviction des facteurs déclencheurs,
suivi régulier du traitement d’entretien).
L’utilisation des chambres d’inhalation semble
être le traitement d’avenir, lorsque les protocoles seront validés.
■
Congrès
α - Le Bobinnec G. L’asthme félin. CNVSPA (eds).
Congrès annuel, Paris. 1997;(3):597-599.
β - Moraillon R. L’asthme du chat. SNGTV (eds),
Maladies respiratoires. Journées nationales des GTV,
Vichy. 1997:465-468.
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