DANIELLE ROBERT-GUEDON FLORENCE CHEVALLIER PIERRE

VO I X
DANIELLE ROBERT-GUEDON
FLORENCE CHEVALLIER
PIERRE BENIELLI
MAGDI SENADJI
A UNE
SOIE
DANIELLE ROBERT-GUEDON
RUMEUR
J'AVOUE, ici, des nuits épaisses et des jours
ordinaires avec, d'octobre à juin, quotidiennement
annoncé, un ciel de traîne dont les nuages, telles
des voix lointaines, m'allègent : un ciel trop pur
me suffoque comme si le bleu insondable cachait
un abîme. J'aime, quand la nuit a cédé, la stupeur
des matins et vos pas à l'étage, votre approche et
votre renoncement dans une aube sans grand
éclat. Souvent, à cette heure, je me tiens dehors,
au seuil de l'égarement, la fuite à portée de main,
esquissée par des arbres ployés sur l'horizon car
l'océan n'est pas loin qui nous souffle des
tempêtes atténuées. J'attends que chaque buisson
décoiffé par la nuit se redresse, que ravenelles,
bourrache, et soucis anciens relèvent la tête au
creux des fossés, j'attends vos appels, mon nom
harponné. J'esquive à plaisir le bourdonnement de
vos paroles dans la pièce éloignée, le bruit des
chaises tirées sur le plancher, celui d'une assiette
heurtée. Le dos dans l'embrasure de la porte, une
main sur le mur extérieur, j'hésite à la croisée des
chemins. Ce n'est pas grande retenue, il s'en faut
de beaucoup : étrangère à votre langue trop basse
du réveil, je ne sais pas davantage lire un vol
d'oiseaux. Leurs trilles déchirent la brume, plus
vives que la lumière sur les graviers de l'allée que
je ne me résous pas à emprunter. Mais vous parlez
toujours en mots railleurs et désordonnés et je
devine parmi vous une joyeuse turbulence. Il
suffit alors d'un rire coïncidant avec le claquement
d'un volet pour m'enjoindre de vous retrouver ;
l'allégresse d'une voix éraillée, crissante, semblable
à une soie.
FLORENCE CHEVALLIER
MURMURE
PIERRE BENIELLI
BRUIT
S'IL m'arrive parfois d'éprouver un léger trouble,
une vague appréhension, une hésitation - et passer
quel seuil -, à l'heure du départ, marchant le long
d'un quai, dans la sensation du partage proche, de
la séparation imminente, c'est que me revient dans
l'écho assourdi et lointain d'une heure ancienne,
cette image rêvée, recomposée, le frémissement
des mains, la fièvre des lèvres et le sourire
suspendu que dissipa l'ébranlement du train et
qu'éffacèrent les miroitements glissant sur ses
vitres, d'avoir fait volte-face - la verrière, le ciel,
l'angle aigu des toits, la pâleur du soir -, pour me
fondre parmi les ombres furtives, et attendre,
guettant quelque lumière vacillante par- delà la
fenêtre dans une nuit sans reflets, et que
s'impatiente, porter, emporter comme un navire
happé par la vague qui s'ébouriffe à sa proue, ploie
avant de régulièrement et lentement se redresser,
ce moment proche, hasardeux, d'un croisement
fugace dans ce long passage, du lieu même, ni
recherché, ni attendu, et pourquoi d'un seul coup
une effusion, auquel adhère une désolation ou au
contraire qui exhale une beauté, comme un mot
dans une phrase, sans au-delà, rassemble,
cristallise et pointe le sentiment confus de l'heure,
l'éclaire, et signifie "la voie l'ineffable voie la voie
trouvée"*.
*Pierre Jean Jouve, Orphée, Matière Céleste.
MAGDI SENADJI
STRIDENCE
VOIX
dont le tirage est limité
à quatre cents exemplaires
a été achevé d'imprimer
le 15 janvier 1996
sur les presses
des IMPRESSIONS DU SAGITTAIRE
au n 9 de la rue de l'Erbonière
à Cesson-Sévigné
en Ille et Vilaine
Dépôt légal : janvier 1996
ISBN : 2-9507370-5-6
ÉCLATS ROMAINS
Danielle Robert-Guédon - Magdi Senadji - Pierre Benielli
1992
TRAITS SINGULIERS
Paul Facchetti - Bernard Lamarche-Vadel
1993
VANITÉ
Danielle Robert-Guédon - Magdi Senadji - Pierre Benielli
1994
L’IMMÉMORABLE
Pierre Bergounioux - Magdi Senadji
1994
LA MONNAIE DE SINGE
Magdi Senadji - Pierre Benielli - Danielle Robert-Guédon
1995
VOIX
Danielle Robert-Guédon - Florence Chevallier - Pierre Benielli
-Magdi Senadji
1996
DÉPOSITION
Danielle Robert-Guédon - Magdi Senadji
2000
A UNE SOIE
16 rue Guisarde Paris VI – 01 46 33 76 92