Modélisation du trafic

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Modélisation du trafic
Coordination Scientifique
Maurice ARON
Florence BOILLOT
Jean-Patrick LEBACQUE
Modélisation du trafic
Actes du groupe de travail 2001
Actes INRETS n˚ 90
Mai 2004
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Contact : [email protected]
Coordination scientifique :
Maurice Aron, chargé de recherche à l’INRETS-GRETIA
[email protected]
Florence Boillot, chargée de recherches à l’INRETS-GRETIA
[email protected]
Jean-Patrick Lebacque, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
INRETS-GRETIA
[email protected]
Les Unités de recherche :
Laboratoire Génie des Réseaux de Transport et Informatique (INRETS-GRETIA)
Avancée, 2, avenue du Général Malleret-Joinville
94114 ARCUEIL CEDEX – Tél. : 33 (0)1 47 40 71 00
Auteurs des communications :
Cécile Appert (ENS-Paris), Jean-Michel Auberlet (INRETS-CIR),
Ruth Bergel (INRETS-DERA), Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS-LPC),
Alexis Champion (SRILOG, Université de Valencienne et INRETS-CIR), Médhi
Danech-Pajouh (INRETS-GRETIA), Alexandre Depire (INRETS-DERA),
Stéphane Espié (INRETS-CIR), Fabien Leurent (SETRA),
Sébastien Poitrenaud (CNRS, Université Paris VIII), Ludger Santen (Université
de Saarlandes-Allemagne), Véronique Sauvadet (INRETS-GRETIA)
Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité
Service des publications : 2, avenue du Général Malleret-Joinville
94114 ARCUEIL CEDEX Tél. : 33 (0)1 47 40 70 74 – Fax : 01 45 47 56 06
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© Les collections de l’INRETS
N° ISBN 2-85782-582-X N° ISSN 0769-0266
En application du code de la propriété intellectuelle, l’INRETS interdit toute reproduction intégrale ou partielle du
présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, sous réserve des exceptions légales
Fiche bibliographique
UR (1er auteur)
Projet N°
Actes INRETS N° 90
INRETS/GRETIA
Titre
Modélisation du trafic
Sous-titre
Langue
Actes du groupe de travail 2001
F
Auteur(s)
Rattachement ext.
Maurice Aron, Florence Boillot, Jean-Patrick Lebacque
INRETS/GRETIA
INRETS/GRETIA
ENPC-DR & INRETS/GRETIA
Nom adresse financeur, co-éditeur
N° contrat, conv.
Date de publication
Mai 2004
Remarques
Résumé
Ces actes regroupent 8 articles du groupe de travail « Modèles de trafic » pour 2001 :
– Les modèle d’automates cellulaires appliqués au trafic sont des modèles microscopiques discrets. Ces modèles peuvent être résolus par le calcul analytique (dans les cas simples) ou par
simulation. C. Appert et L. Santen (ENS) montrent en particulier l’émergence d’une « méta »stabilité lorsque le temps de réaction après l’arrêt dépasse un certain seuil.
– S. Espié (INRETS) présente les simulations (avec le simulateur ARCHISIM) de trois applications télématiques : la régulation d’accès sur autoroute, la régulation adaptative de vitesse, la
détection d’incidents. Il esquisse ensuite la simulation d’un réseau à forte densité.
– Le temps pour qu’un véhicule rapide rattrape un véhicule lent dans un goulot, suit une loi fonction des lois d’arrivées et des vitesses. F. Leurent en déduit la probabilité de transition d’un état
markovien rapide vers l’état lent. Il traite aussi les dépassements et croisements.
– F. Leurent (SETRA) calcule explicitement la loi de probabilité du temps de parcours en supposant constantes les seules allures des conducteurs (hypothèse plus faible que celle de vitesses
constantes de Wardrop). Le calibrage est possible avec des véhicules flottants.
– V. Sauvadet et M. Danech-Pajouh (INRETS) calculent le niveau de confiance a priori d’une
prévision ou d’une simulation du trafic à partir d’un historique et à partir de l’incertitude sur les
données d’entrée, qu’ils font varier pour obtenir une « prévision d’ensemble ».
– Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS) et Sébastien Poitrenaud (CNRS, PARIS VIII) ont cherché à comprendre le processus mental d’interprétation des messages « temps de parcours » et
leurs incidences sur les critères et décisions des usagers quant au choix des voies rapides urbaines.
– Pour F. Leurent, un usager surestime la variabilité du temps de trajet, il choisit donc subjectivement son heure de départ et son itinéraire. Son « apprentissage » est bayésien : ses connaissances progressent par l’observation, éventuellement par une information dynamique.
– Ruth Bergel et Alexandre Depire (INRETS-DERA) relient les séries mensuelles d’accidents et
de tués sur routes nationales et autoroutes concédées, au débit (transformé par la transformation
non linéaire de Box-Cox) et à quatre variables météorologiques.
Mots clés
Automate cellulaire, prévision, simulation, temps de parcours, bayésien
Nb de pages
Prix
Bibliographie
158
15,24 €
oui
Actes INRETS n° 90
3
Publication data form
UR (1st author)
Projet N°
INRETS/GRETIA
INRETS proceedings
N° 90
Title
Traffic modelisation
Subtitle
Language
Proceedings of the Traffic Group, 2001
F
Author(s)
Affiliation
Maurice Aron, Florence Boillot, Jean-Patrick Lebacque
INRETS/GRETIA
INRETS/GRETIA
ENPC-DR & INRETS/GRETIA
Sponsor, co-editor, name and address
Contract, conv. N°
Publication date
May 2004
Notes
Summary
These proceedings gather 8 papers of the working group on Traffic Models for the year 2001.
– The cellular automat models applied to traffic are discrete microscopic models, intermediate
between microscopic and macroscopic models. They may be solved by analytic calculation (in the
simple cases) or by simulation. C. Appert and L. Santen (ENS) show the emergence of “metastability” when reaction time after stopping exceeds above a threshold.
– S. Espié (INRETS) presents the simulation results (with the microscopic model ARCHISIM) of
three telematics applications : ramp metering, adaptive cruise control, automatic incident detection. Then, he outlines the simulation of a high density network.
– The time required by a fast vehicle to catch up a slow one in a bottleneck follows a probability law related to the arrival laws and to speeds. F. Leurent derives the transition probability of the
markovian state « fast » to « slow ». He also deals with overtaking and crossing.
– F. Leurent explicitly computes the travel times, assuming constant only the rank of the speed
among other drivers (weaker that than the “constant speed” assumed by Wardrop). This probabilistic model deals with bottlenecks ; it may be calibrated using floating vehicles.
– V. Sauvadet and M. Danech-Pajouh (INRETS) derive the a priori confidence level of a forecast
or of a simulation from the uncertainty of the input data and from an historic data file. They use the
METEO-France technique of « prévision d’ensemble » by varying the input data.
– Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS) and Sébastien Poitrenaud (CNRS, PARIS VIII) try to
understand the mental process of the interpretation of the journey time messages ; then they
assess their impact on the criteria and decisions of drivers for road choice/assignment.
– For F. Leurent, a user overvalues the travel time variability, thus selects subjectively his departure time and his route ; his learning process is considered as « bayesian » : his a priori knowledge is improved by his observations, and, if present, by dynamic information.
– Ruth Bergel & Alexandre Depire (INRETS-DERA) calibrate four models linking the monthly
series of accidents and fatalities occurring on national roads and motorways, to the traffic volume
(using the non-linear Box-Cox transformation) and to four meteorological variables.
Key words
Cellular automat, forecasting, simulation, travel time Bayesian
4
Nb of pages
Price
Bibliography
158
15.24 €
yes
Actes INRETS n° 90
Table des matières
A. Modélisation de l’écoulement
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic :
émergence de la métastabilité
Cécile APPERT, Ludger SANTEN
B. Modélisation probabiliste
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules
et les temps de parcours
Fabien LEURENT
Propriétés statistiques du temps d’itinéraire, et généralisation
de deux formules de Wardrop
Fabien LEURENT
C. Etudes statistiques du trafic appliquées à la sécurité routière
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Ruth BERGEL, Alexandre DEPIRE
D. Evaluation à partir de modèles de simulation
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
Alexis CHAMPION, Stéphane ESPIE, Jean-Michel AUBERLET
Une méthode d’évaluation a priori des résultats issus de modèles
de simulation et de prévision du trafic
Mehdi DANECH-PAJOUH, Véronique SAUVADET
9
27
61
83
105
117
E. Impact de l’information routière
L’information dynamique sur les temps de parcours : position statistique,
effet sur le choix d’horaire, mécanisme d’apprentissage
Fabien LEURENT
129
Incidences de l’information « temps de parcours » sur les décisions
adoptées par les usagers des voies rapides urbaines
Brigitte CAMBON DE LAVALETTE, Sébastien POITRENAUD
Actes INRETS n° 90
149
5
A. Modélisation de l’écoulement
Actes INRETS n° 90
7
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
Introduction d’un temps de réaction
dans un modèle simplifié de trafic :
émergence de la métastabilité
Cécile Appert1 et Ludger Santen2
1 CNRS-Labo. de Physique Statistique, Ecole Normale Supérieure,
24, rue Lhomond, F-75231 Paris Cedex 05, France
[email protected]
2 Fachrichtung Theoretische Physik, Univ. d. Saarlandes
Postfach 151150 – Gebaeude 38, 66041 Saarbruecken, Germany
[email protected]
Résumé
Nous présentons un modèle de transport très simple dans lequel les véhicules
ont un certain délai de réaction après l’arrêt. Cette caractéristique rend le
système métastable et permet l’émergence de structures complexes d’embouteillages. Nous évoquons des résultats expérimentaux permettant de faire le lien
avec des situations de trafic routier réel. L’étude présentée ici nous permet de
mettre en évidence le caractère fondamental de la métastabilité et de la
stochasticité des modèles appliqués au trafic.
Mots clés : modèle, automate cellulaire, temps de réaction, métastabilité,
stochasticité
1. Introduction
Depuis une dizaine d’années, de nouvelles approches basées sur les
automates cellulaires se sont développées pour l’étude du trafic routier. Ce
mouvement a été principalement initié lorsque Nagel et Schreckenberg [1] ont
proposé un modèle à temps, espace et vitesses discrets, chaque cellule spatiale
pouvant être occupée ou non par un véhicule. Les voitures avancent en
interagissant entre elles selon des règles simples qui permettent une grande
vitesse de simulation. Depuis, plusieurs variantes de ce modèle ont été proposées, en vue d’une modélisation de plus en plus réaliste du trafic [2-9]. Le travail
que nous présentons ici se situe dans une perspective un peu différente. Nous
Actes INRETS n° 90
9
Modélisation du trafic
nous sommes délibérément intéressés à une version très simplifiée d’automate
cellulaire, appelée TASEP (Totally Symmetric Exclusion Process), qui se trouve
être considérée dans le domaine de la physique statistique comme un archétype
des modèles de transport hors équilibre, et à ce titre a largement été étudiée
analytiquement et numériquement [10-13]. On connaît par exemple la solution
exacte en régime stationnaire, i.e. on peut donner la probabilité d’avoir n’importe
quelle configuration microscopique dans le système, ce qui est très rare pour un
système hors équilibre.
Partant de ce modèle très bien connu, nous avons voulu étudier l’effet de
l’introduction dans le modèle d’un temps de réaction des conducteurs. Cette
modification qui peut paraître a priori anodine transforme en fait profondément
la nature des phases observées. Nous allons en particulier mettre en évidence
que ce temps de réaction est intimement lié à l’émergence de la métastabilité
dans le système. Nous étudierons d’abord le système en conditions aux limites
périodiques, pour caractériser la dynamique intrinsèque du système. Ensuite,
nous considérerons des conditions aux limites ouvertes. Les taux d’injection et
de retrait de véhicules aux deux extrémités du système induisent alors
diverses phases dans le système. Nous étudierons l’ensemble du diagramme
de phase.
2. Le modèle TASEP
On considère des particules se déplaçant sur une chaîne unidimensionnelle
de longueur L (nous gardons dans ce paragraphe la dénomination habituelle
en physique statistique qui parle plutôt de particules que de véhicules !). A
chaque pas de temps, chaque particule saute à la cellule voisine sur sa droite
avec une probabilité p si celle-ci est vide. Ce modèle peut être vu comme une
variante du modèle de Nagel et Schreckenberg [1], avec une vitesse maximale
νmax = 1.
C’est la seule valeur de νmax pour laquelle on ait une solution exacte [11].
Avec des conditions aux limites périodiques, on obtient le diagramme fondamental de la figure 1. La dynamique parallèle inclut déjà naturellement dans le modèle
un temps de réaction des conducteurs.
Pour les conditions aux limites ouvertes, les particules sont injectées dans
la 1ère cellule avec une probabilité α. Une particule se trouvant sur la dernière
cellule sort du système avec probabilité β. Cela peut être vu comme une
représentation d’un tronçon d’autoroute, à l’extrémité duquel se trouve une
cause de perturbation (rampe d’accès, resserrement, intersection...). Alors,
selon les valeurs de α et β, trois régimes d’écoulement peuvent être observés
(fig. 2). Pour un faible taux d’injection et un fort taux de sortie, l’écoulement
est libre. Si au contraire on injecte beaucoup de particules en ayant un faible
taux de sortie, tout le système est envahi par un embouteillage. Ces deux
phases sont séparées par une transition du premier ordre sur la ligne α = β.
10
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
Figure 1 : Diagramme fondamental pour le modèle TASEP en dynamique
parallèle, avec une probabilité d’avancée p = 0,75. La prédiction champ
moyen est également indiquée.
Figure 2 : Diagramme de phase schématique pour le modèle TASEP,
comportant une phase d’écoulement libre (LD), une phase embouteillée
(HD) et une phase de courant maximum (MC).
1
MC
LD
β
HD
0
α
1
La valeur de la densité moyenne – et donc du flux – est imposée dans le
premier cas par la valeur de α et dans le second cas par celle de β. Dans la
3e phase, le facteur limitant n’est plus l’entrée ou la sortie mais la chaîne ellemême. Le flux a alors sa valeur maximale. Cette dernière phase est dite de
courant maximum (MC).
Actes INRETS n° 90
11
Modélisation du trafic
3. Introduction d’un temps de réaction
On définit pour chaque véhicule une variable supplémentaire, la vitesse, qui
prend la valeur 0 ou 1. Cette vitesse est définie comme la distance parcourue par
la voiture au pas de temps précédent. En particulier, une voiture qui a dû s’arrêter
derrière un autre véhicule au pas de temps précédent a donc vu sa vitesse
redescendre à zéro. Au pas de temps suivant, chaque particule avance à la
cellule voisine sur sa droite si celle-ci est vide, avec une probabilité q(ν) qui
dépend maintenant de sa vitesse :
q(0) = q0
q(1) = 1
(1)
(2)
Cette règle est appliquée à tous les véhicules en parallèle (voir fig. 3). Pour
q0 = 1, on retrouve le modèle TASEP. On peut voir ce modèle comme un cas
particulier du modèle VDR introduit récemment par Barlovic et al. [3].
Figure 3 : Règles d’évolution pour le modèle avec temps de réaction.
q0
1
1
1
L
Les disques rayés correspondent à une vitesse nulle, et les disques blancs
à une vitesse unité. Les particules sont représentées au début d’un pas de
temps (pourtour du disque en trait continu) et au début du pas de temps
suivant (pourtour en pointillés).
4. Système avec conditions aux limites périodiques
La figure 4 donne le diagramme fondamental obtenu tant numériquement
qu’analytiquement pour des conditions aux limites périodiques. La structure de ce
diagramme nous sera utile pour comprendre le comportement en conditions aux
limites ouvertes.
La forme de ce diagramme fondamental peut être aisément comprise. Pour
les densités 0 ≤ ρ ≤ 0,5 et une condition initiale adéquate (toutes les vitesses à 1
et au moins une cellule vide devant chaque véhicule), les voitures avancent de
12
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
Figure 4 : Flux en fonction de la densité pour des conditions aux limites
périodiques avec q0 = 0,25 et L = 1 000.
0.5
0.4
asymptotic
homogeneous
condensed
0.3
0.2
0.1
0
0
0.2
0.4 0.6
J( ρ)
0.8
1
Les cercles vides donnent les résultats de simulations initialisées avec toutes
les vitesses des véhicules à 1 et au moins une cellule vide entre les voitures.
Les cercles pleins ont été obtenus en commençant la simulation avec un
agrégat compact de véhicules. Ces résultats sont comparés à notre
prédiction pour L → ∞ (ligne continue).
façon déterministe avec une vitesse 1. Le flux est alors simplement donné par
J = ρ. Dans ce cas, un embouteillage ne peut pas se former spontanément.
Pour les densités supérieures à 0,5, le nombre de voitures dépasse celui des
cellules vides, i.e. on ne peut pas éviter que certains véhicules soient stoppés et
que des bouchons se forment. D’après les simulations, on a coexistence d’un
unique embouteillage compact et d’une zone d’écoulement libre. La densité dans
la zone d’écoulement libre est déterminée par la fréquence avec laquelle les
véhicules quittent le bouchon. La voiture en tête du bouchon met un temps
typique T = q –01 pour se détacher. La densité correspondante vaut alors
ρlibre = 1/(T + 1) = q0/(1 + q0). Les longueurs respectives de l’embouteillage et de
la zone d’écoulement libre sont déterminées par la conservation du nombre de
particules
(3)
On en déduit le nombre de particules en mouvement et le flux. Ce second
régime peut aussi être observé pour des densités comprises entre ρlibre ≤ ρ ≤ 0,5
si la condition initiale comporte déjà un embouteillage. En résumé, le flux
s’exprime en fonction de la densité par
Actes INRETS n° 90
13
Modélisation du trafic
Dans la région intermédiaire ρlibre ≤ ρ ≤ 0,5, les deux solutions coexistent.
Pour des systèmes finis, il est possible que l’embouteillage présent initialement
se dissolve. En ce sens, on peut dire que l’embouteillage est métastable.
Cependant, dans la limite thermodynamique, n’importe quelle configuration
aléatoire conduit à un état embouteillé.
5. Système avec conditions aux limites ouvertes
Les conditions aux limites ouvertes sont mises en œuvre de la façon
suivante : si la première cellule à gauche est vide, un véhicule de vitesse 1 est
injecté avec la probabilité α. A l’autre extrémité, les voitures quittent la chaîne
avec une probabilité β quelle que soit leur vitesse.
A L et q0 constants, les valeurs de α et β déterminent le comportement du
système. Tout d’abord, on peut remarquer que pour β = 1, la seule composante
stochastique provient de l’injection. On retrouve donc le modèle TASEP déterministe (q = 1) pour lequel le flux est connu exactement : J(α) = α/(1 + α) [11], et
cela pour toute valeur de α. En fait, ce résultat peut être étendu à toute la phase
basse densité (écoulement libre), car dans cette phase le flux est contrôlé par
l’injection. On s’attend à trouver cette phase pour un petit α et grand β.
Cela est confirmé par la comparaison avec les simulations directes. Sur la
figure 5, les résultats sont donnés pour le cas déterministe β = 1 (l’accord est obtenu
pour toute valeur de α), mais aussi pour une valeur intermédiaire β = 0,5. On observe
bien que pour les valeurs suffisamment faibles de α, le flux est donné par J(α).
Figure 5 : Comparaison entre l’estimation du flux J(α)
et les résultats numériques.
0.5
J(α)
simu
0.4 estimate
0.3
0.2
0.1
0
0
0.2
0.4
α
0.6
0.8
1
La simulation a été réalisée avec un système de longueur L = 500 et pour
q0 = 0,25. On a choisi comme probabilités de sortie β = 1 et β = 0,5.
14
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
Il est important de noter que pour notre modèle, aucun embouteillage ne peut
se former spontanément dans les zones d’écoulement libre, comme cela a déjà
été mentionné pour les conditions aux limites périodiques. Par contre, des
embouteillages peuvent se former à la sortie si β < 1. Plus précisément, dans la
phase d’écoulement libre et si β < 1, des embouteillages sont effectivement
formés à l’extrémité droite du système. Mais ils se détachent rapidement de celleci et se dissolvent en quelques pas de temps. La densité moyenne sur le dernier
site L vaut ρL = J(α)/β, alors que la densité en volume est égale à ρb(α) = J(α)
(tant qu’une particule n’a pas rencontré d’embouteillage, sa vitesse vaut 1).
Pour de grandes valeurs de α et β << 1, on s’attend plutôt à être dans une
phase haute densité. Si on a un embouteillage compact à la sortie du système, et
si une particule vient de sortir, le temps nécessaire pour que la suivante sorte à
son tour est la somme (i) du temps moyen nécessaire pour que la deuxième
particule saute du site L – 1 au site L, à savoir TJ = 1/q0, et (ii) du temps d’attente
TL = 1/β pour que cette particule quitte le dernier site L. Alors le flux (contrôlé par
la sortie) vaut
(4)
Ce scénario simple ne peut être observé que si l’on a un embouteillage compact
en permanence à la sortie du système, i.e. pour α ≈ 1 et β << 1. Sinon, pour des
valeurs plus grandes de β, il n’est pas impossible que l’embouteillage se décolle de
la frontière droite, suite à l’introduction du temps de réaction au redémarrage. Le
flux de sortie est alors déterminé par la fréquence à laquelle les voitures
s’échappent de l’embouteillage, comme nous allons le calculer maintenant.
La distance temporelle t entre deux véhicules successifs s’étant échappés de
l’embouteillage est donnée par la distribution Ph(t) = q0(1 – q0)t–1 où t ≥ 1.
Calculons maintenant le temps typique entre l’arrivée au site L d’une particule (au
temps 0) et l’arrivée en ce même site de la particule qui la suit (au temps T). Deux
scénarios sont possibles (cf. fig. 6) :
• la deuxième particule arrive au site L – 1 avant que la première particule ait
quitté le système,
• la première voiture est déjà sortie du système quand la deuxième arrive,
c’est-à-dire que celle-ci atteint le dernier site sans être bloquée par le
véhicule qui la précède.
On peut remarquer qu’il serait également possible que plus de deux
particules s’arrêtent à la sortie, si les premières mettaient trop de temps à
sortir. Cela correspond à la nucléation d’un nouvel embouteillage, et on est
ramené au cas précédent (flux d’un embouteillage compact à la sortie). Ici,
nous ne nous intéressons donc qu’au cas où il n’y a pas d’embouteillage
localisé à la sortie.
La probabilité pour que le deuxième véhicule soit bloqué s’il arrive en L – 1
au temps t est égale à la probabilité pour que le premier véhicule n’ait pas
Actes INRETS n° 90
15
Modélisation du trafic
encore quitté le système au bout de ce même temps t, à savoir Pb(t) = (1 – β)t.
De même, la probabilité pour que le second véhicule ne soit pas bloqué vaut
Figure 6 : Représentation schématique du diagramme spatio-temporel
obtenu lorsqu’un embouteillage (zone grise) se détache de la sortie (à droite).
x
t
Les particules quittant l’embouteillage sont représentées par des points
noirs. Leurs trajectoires sont visualisées par une ligne pour pouvoir les
suivre plus facilement. Certaines particules sortent du système sans avoir
rencontré d’autre particule, d’autres sont arrêtées par la particule
précédente lorsque celle-ci met trop longtemps à sortir.
La valeur moyenne de T peut alors s’exprimer comme
(5)
Ce temps est l’inverse du flux moyen à travers la sortie du système. Il est à
remarquer que l’on retrouve exactement la même valeur qu’en (4). Alors,
lorsqu’on a alternance entre des configurations avec un embouteillage localisé à
16
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
la sortie, ou en train de se décoller du bord, le flux reste toujours égal à J(β). Cette
valeur du flux sera observée tant que le système est contrôlé par la sortie, i.e. en
présence d’embouteillages. La figure 7 confirme l’accord avec les simulations
numériques. Pour β proche de 1, un certain écart apparaît. C’est un effet de taille
finie dû au fait que pour des petits systèmes, il peut arriver que le système soit
pendant un moment vide de tout embouteillage, car la durée nécessaire pour
qu’un embouteillage remonte à travers tout le système peut être inférieure à la
durée entre deux nucléations d’embouteillages à la sortie. Le flux est alors
momentanément déterminé par la probabilité d’entrée α.
Figure 7 : Comparaison entre l’estimation du flux J(β)
et les résultats numériques.
0.4
simu
estimate
J(β)
0.3
0.2
0.1
0
0
0.2
0.4
β
0.6
0.8
1
La simulation a été réalisée avec un système de longueur L = 500 et pour
q0 = 0,25. On a choisi comme probabilité d’entrée α = 0,5. L’accord est
obtenu pour des valeurs suffisamment petites de β. Les simulations
réalisées pour plusieurs tailles de systèmes indiquent que les déviations
pour β proche de 1 sont dues à des effets de taille finie.
Dans la phase haute densité, où le système est envahi par les embouteillages,
on peut plutôt voir la sortie comme nucléant des zones d’écoulement libre au sein
d’un embouteillage compact. Ces zones libres sont typiquement composées d’un
seul trou lorsque β < q0, et d’un ensemble de trous et particules en mouvement
lorsque β > q0. Elles remontent l’écoulement, de même que les embouteillages
compacts qui les séparent. Sur un diagramme spatio-temporel, cela se traduit par
une structure en bandes (cf. fig. 9). Aussi longtemps que l’effet de la frontière
gauche ne se fait pas sentir, les flux moyens à l’entrée et à la sortie d’un
embouteillage sont égaux, et la largeur de celui-ci obéit à une marche aléatoire
non biaisée. Il y a donc une probabilité non nulle pour que cette largeur s’annule.
L’embouteillage disparaît, et les deux zones libres voisines fusionnent. Aucune
formation spontanée d’embouteillages ne pouvant avoir lieu dans un écoulement
Actes INRETS n° 90
17
Modélisation du trafic
libre, ces zones ne pourront plus se séparer. A cause du mouvement déterministe des véhicules en mouvement, les zones d’écoulement libre ont une largeur
strictement constante dans le temps – si on considère la largeur prise dans la
direction x = t dans le diagramme spatio-temporel. Lors d’une coalescence, ces
deux largeurs s’additionnent. Les particules en excès provenant de l’embouteillage défunt sont réparties entre les embouteillages voisins, qui s’en trouvent
grossis d’autant. Ainsi, alors qu’on remonte l’écoulement, la largeur des bandes
augmente. La densité moyenne (moyenne d’ensemble ou temporelle) reste
néanmoins constante et égale à la densité sur le dernier site ρ(L) = J(β)/β.
Lorsque les embouteillages arrivent près de l’entrée du système, ils vont
soudainement croître ou se rétracter selon la valeur de α, amenant à une
variation de la densité localisée près de l’entrée. Cet effet de bord n’étant pas
essentiel à notre propos, nous laissons le lecteur intéressé se reporter à [14]. Il
est à noter cependant que ce phénomène se délocalise sur l’ensemble du
système lorsque l’on approche de la ligne de transition β(α).
L’écoulement stationnaire est contrôlé par α ou β selon que J(α) est inférieur
ou supérieur à J(β). La transition entre les deux états a lieu lorsque les deux flux
J(α) et J(β) sont égaux, i.e. pour
(6)
On obtient donc le diagramme de phase de la figure 8. Ce diagramme est
exact pour les systèmes de taille infinie. Les effets de taille finie mentionnés cidessus ont lieu dans la phase hante densité pour β proche de 1 [14].
Figure 8 : Diagramme de phase pour q0 = 0,25.
1
LD
β
SP
0
α
1
La ligne en trait plein indique la transition entre la phase d’écoulement libre
(LD) et la phase d’écoulement en bandes (SP). Sur la ligne α = q0,
le profil de densité est constant.
18
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
6. Remarques à propos de mesures de trafic
Il n’est évidemment pas question avec un modèle aussi simple que celui de
cet article de faire de véritables comparaisons avec des écoulements réels. Nous
souhaiterions plutôt illustrer comment le simple fait d’avoir ajouté un temps de
réaction et donc de la métastabilité permet de retrouver certaines caractéristiques
de l’écoulement. Cela nous semble donc un ingrédient essentiel qui devrait
apparaître dans les modèles plus complexes.
Les mesures de B. Kerner présentées dans [16] ont été obtenues grâce à des
détecteurs placés sur une autoroute en amont d’une perturbation (ici une rampe
d’accès). On voit des séries de petits embouteillages se former au niveau de la
rampe, puis remonter l’écoulement. Au fur et à mesure de cette remontée, les
embouteillages sont de moins en moins nombreux et de plus en plus larges. On
observe donc là aussi un phénomène de coalescence et croissance de domaines
en amont du lieu de formation des embouteillages. Bien sûr, les causes de ce
phénomène de coalescence peuvent être plus diverses que le simple temps de
réaction des chauffeurs. Par exemple, l’adaptation de la vitesse des chauffeurs en
fonction de la distance libre devant eux peut aussi jouer un rôle, etc. D’autre part,
la fenêtre temporelle et spatiale sur laquelle on dispose de données ne nous
permet pas de comparer les exposants de croissance de ces domaines avec ceux
de notre modèle. Néanmoins, ces mesures illustrent que le phénomène, loin d’être
une simple curiosité de laboratoire, se rencontre en écoulement réel et notre
approche permet de le relier à un comportement microscopique de façon simple.
Une grandeur souvent mesurée en trafic est le diagramme fondamental
donnant le flux de véhicules en fonction de la densité. Ces diagrammes ne sont
pas tout à fait de même nature que ceux présentés au début de cet article
(fig. 1, 4), car il s’agit plutôt de grandeurs moyennées sur une certaine durée
(typiquement une minute). La figure 10 en donne un exemple, et montre
comment la durée des moyennes affecte l’allure du diagramme.
Pour se rapprocher des conditions expérimentales, nous avons simulé dans
nos simulations un détecteur localisé sur la chaîne et qui moyenne les données
sur des intervalles de temps fixes. Nous avons pris une chaîne de longueur
L = 100 et une probabilité de redémarrage après arrêt q0 = 0,25. Pour présenter
des résultats dimensionnés, nous avons choisi un pas de temps de 0,45 s et une
taille de cellule de 7,5 mètres, correspondant à l’espace occupé par un véhicule
arrêté dans un embouteillage, distance inter-véhiculaire incluse. Alors la vitesse
de remontée des embouteillages dans notre modèle est de 15 km/h, ce qui est
tout à fait réaliste.
Bien que notre modèle soit extrêmement simple, il capture déjà la structure
stochastique du diagramme fondamental expérimental (v. fig. 11), alors que
d’autres modèles plus complexes peinent à la reproduire. Soulignons que c’est
cette stochasticité qui est responsable de la coalescence des embouteillages,
tant en trafic réel que dans nos simulations. Il y a donc là un ingrédient
fondamental qui est naturellement présent dans les modèles de type automates
cellulaires.
Actes INRETS n° 90
19
Modélisation du trafic
Figure 9 : Diagramme spatio-temporel obtenu pour α = 0,1, β = 0,1, q0 = 0,4.
x
t
Chaque pixel noir correspond à un véhicule.
20
Actes INRETS n° 90
Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic
Figure 10 : Diagramme fondamental obtenu en moyennant sur 1 (en haut)
ou 5 (en bas) minutes.
0%
1000
2000
20%
40%
60%
D1 Middle Lane, ∆t=1min
1500
Flow J [veh/h]
1000
500
0
2000
D1 Middle Lane, ∆t=5min
1500
1000
500
0
0
20
40
60
Density ρ [veh/km]
80
100
L’occupation relative est calculée en utilisant la densité maximale pendant
la période de mesure, à savoir ρmax = 140 véh./km. Extrait de [15].
Figure 11 : Diagramme fondamental obtenu avec le modèle présenté dans
cet article, avec des moyennes sur une minute.
flux j (vehicle/hour)
3000
2000
1000
0
Actes INRETS n° 90
0
50
density ρ (vehicle/km)
100
21
Modélisation du trafic
7. Conclusion
Le but de cet article est, à travers l’étude d’un modèle de transport
extrêmement simple, de mettre en évidence quelques caractéristiques fondamentales pour la simulation du trafic routier. Il s’agit essentiellement de (i) la
stochasticité et de (ii) la métastabilité. La métastabilité (dont la structure à deux
branches du diagramme fondamental est une signature) permet l’émergence
spontanée de structures relativement complexes d’embouteillages, avec coexistence simultanée de plusieurs embouteillages. Grâce au caractère stochastique
du modèle, il apparaît un phénomène de coalescence au cours de la remontée
des embouteillages en amont de la perturbation. Bien que nous ne visions pas à
une description réaliste du trafic réel, ce phénomène peut être relié à des études
expérimentales mettant en évidence l’existence d’embouteillages parallèles sur
les autoroutes [16, 17].
Remerciements : Nous remercions Robert Barlovic, Andreas Schadschneider, et J. Krug pour les discussions que nous avons pu avoir avec eux. L. S.
a bénéficié du soutien de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, bourse
No. SA864/1-1.
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Actes INRETS n° 90
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Actes INRETS n° 90
23
B. Modélisation probabiliste
Actes INRETS n° 90
25
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
Un modèle probabiliste
pour les interactions entre véhicules
et les temps de parcours
F. Leurent
SETRA, 46 avenue Briand, BP 100, 92225 Bagneux Cedex.
Courriel : [email protected]
Résumé
Nous donnons un modèle probabiliste des situations et des événements de
trafic sur une route, en traitant un cas simple à deux classes de mobiles, les
rapides (voitures) et les lents (camions), par sens de circulation. Grâce à un
modèle markovien à deux états, nous obtenons des formules analytiques pour
les taux de transition entre états de vitesse, et pour le temps de parcours en
moyenne et en variance.
Ces formules permettent de traiter des situations variées : en topologie de
route (un ou deux sens, une ou plusieurs voies) et en structure de trafic, avec
plusieurs classes de vitesse libre dans chaque sens de circulation.
1. Introduction
La circulation des mobiles sur une route est connue et analysée selon trois
approches complémentaires : d’abord l’approche expérimentale basée sur des
mesures ; ensuite par des simulations informatiques ; enfin par des modèles
théoriques, qui formalisent des hypothèses et des propriétés logiques. En
particulier les modèles dits désagrégés se concentrent sur un mobile individuel afin de déduire, par agrégation statistique, des conséquences globales :
ainsi le modèle de distribution des vitesses individuelles conduit aux formules
de Wardrop (Wardrop, 1952, 1954), tandis que le modèle des allures
individuelles ajoute la variabilité de la vitesse le long d’une trajectoire
(Leurent, 2001).
Actes INRETS n° 90
27
Modélisation du trafic
Pour affiner l’analyse et mieux comprendre la circulation des mobiles sur une
route, la solution naturelle est de désagréger encore davantage, en explicitant au
niveau microscopique l’environnement de trafic d’un mobile particulier. Cette
approche est classique en théorie des files d’attente : les « arrivées » analogues
aux mobiles sont décrites conjointement, une arrivée peut retarder le service des
autres arrivées etc. La théorie des files d’attente est utilisée intensivement pour
modéliser les carrefours et les jonctions, autrement dit les nœuds du réseau de
transport : cf. TRB (1997) pour un inventaire des travaux en ce sens. En
revanche, concernant les arcs du réseau de transport, les contributions probabilistes se réduisent à quelques articles déjà anciens. Les pionniers ont été Schuhl
(1955) côté français, Kometani (1955) côté japonais, et Winsten (1956) côté
américain. Tanner (1958, 1961) et Yeo (1964) ont développé les modèles les plus
aboutis, en traitant rigoureusement les interactions entre un véhicule rapide et
des pelotons lents en sens direct, face à des pelotons en sens opposé. Ces
articles utilisent non pas un modèle markovien d’état mais un modèle « par
bonds », où le véhicule rapide progresse d’un peloton lent au « suivant ». Les
résultats portent sur la vitesse moyenne du véhicule rapide, et sont valables en
régime stationnaire pour un temps très long, par ergodicité1. En France,
P. LeBreton a travaillé indépendamment sur ce sujet au début des années 1970.
Cet article développe un modèle probabiliste explicite des situations et des
événements de trafic sur une route, pour plusieurs situation simple avec deux
classes de mobiles par sens de circulation : les rapides (voitures) et les lents
(camions). Les situations considérées sont variées : une ou plusieurs voies, un
ou deux sens de circulation, davantage de classes de mobiles et de relations
entre les classes.
Nous considérons une seule route, qui comporte entre deux points une
impossibilité de dépasser : cela force une voiture à ralentir si elle rattrape un
camion. D’où le nom de modèle de goulot spatial.
Nous appelons conflits ces relations, car les mobiles se partagent l’espace
de circulation, les plus lents infligent des retards aux plus rapides. Les conditions
typiques de conflit sont le rattrapage d’un mobile lent par un mobile rapide, donc
une gêne avant, en une position où le dépassement est impossible en raison
d’un goulot ou d’une gêne en face ou d’une gêne arrière ou d’une gêne avant
multiple qui bloque toutes les voies de circulation. Ainsi, quand la route comporte
deux voies ou plus, un retard nécessite la combinaison de plusieurs causes de
gêne.
Le traitement repose sur trois principes : primo l’analyse microscopique,
désagrégée de chaque mobile ; secundo la représentation probabiliste de
1
En comparaison, notre article présente un modèle markovien, qui porte sur les probabilités des
états donc non seulement la moyenne mais aussi la variance, et il est valable en régime stationnaire
ou transitoire pour une distance quelconque (éventuellement infinie). De plus les probabilités des
états permettent de formuler les intensités réduites des classes de mobiles, et donc de traiter des cas
plus complexes que les routes à deux voies et deux sens.
28
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
l’environnement de trafic ; tertio la distance, la position comme paramètre
principal. La clef est un modèle d’état pour chaque mobile selon sa classe : un
état libre et un ou plusieurs états contraints. On passe d’un état à l’autre par une
transition dont la probabilité dépend de l’environnement de trafic. Il s’agit donc
d’un modèle probabiliste markovien. Nous le rattachons au modèle des allures
individuelles, avec une fonction de covariance exponentielle pour les temps
unitaires locaux d’un même mobile.
Le corps de l’article se compose de 8 parties. La partie 2 définit les classes,
les vitesses, les types de gêne et les situations de conflit. La partie 3 donne
l’analyse physique et l’analyse probabiliste du rattrapage, du croisement, du
dépassement et du rabattement ; nous relions leurs probabilités d’occurrence aux
paramètres de trafic.
La partie 4 adapte le formalisme du modèle markovien états-transitions aux
trajectoires individuelles, en fonction de la position. Dans le cas à deux états,
nous établissons des formules macroscopiques pour la moyenne et la variance
du temps de parcours local ou bipolaire. Ce modèle d’état constitue un cas
d’application du modèle des allures individuelles.
Les parties 5 à 8 appliquent le modèle à plusieurs types de voies : les routes
à une voie sont traitées en partie 5. Ensuite nous abordons les routes à deux
voies : conflits par gêne avant et en face sur une route à deux sens en partie 6,
conflits par gêne avant et arrière sur une route à sens unique en partie 7. La
partie 8 considère les routes à trois voies et deux sens, avec un couplage des
deux sens traités de façon symétrique.
La partie 9 conclut : nous résumons les contributions, nous indiquons leur
portée et nous proposons des pistes de recherche.
2. Classes, états de lenteur, gênes et conflits
Nous définissons successivement les classes de mobiles, les états de lenteur,
les types de gêne et les situations de conflit.
2.1 Classes de mobiles
Une classe de mobiles est un ensemble de mobiles qui circulent sur une
même route dans la même direction, avec une même préférence individuelle pour
la vitesse, autrement dit une même allure.
On caractérise une classe i de mobiles par le temps unitaire de son état libre,
noté τi et appelé lenteur libre, ou allure libre par abus de langage.
Les arrivées des mobiles de classe i forment un flux d’intensité λi. En général
nous supposons que ce flux est poissonnien pour bénéficier des propriétés
markoviennes.
Enfin nous considérons la longueur individuelle d’un mobile, notée i pour la
classe i, et aussi la distance minimale de sécurité pour suivre un mobile circulant
Actes INRETS n° 90
29
Modélisation du trafic
à la lenteur τi, notée mi. L’extension spatiale d’un mobile de classe i circulant en
état libre est donc ′i = i + mi.
2.2 Etats de lenteur ; les transitions entre états
Nous définissons la lenteur d’un mobile comme son temps par unité de
distance, donc l’inverse de sa vitesse.
Quand un mobile M de classe B rattrape un mobile plus lent, donc un peloton
emmené par un mobile de classe A avec τA > τB, s’il ne peut le dépasser il ralentit
pour le suivre : alors son état de lenteur est τA et non τB.
A chaque instant et en chaque position s, le mobile M est dans un état de
lenteur eM(s). Si le mobile est libre, il est dans l’état naturel τB de sa classe B.
Sinon le mobile est contraint avec eM(s) = τA > τB.
Nous relions l’état individuel de lenteur à la position sur la route, notée par
une abscisse curviligne s. Hors dépassement nous supposons que le mobile
circule sur la voie de droite.
Une transition entre états survient si une contrainte apparaît ou disparaît, donc
à une position particulière. Alors le mobile passe d’un état à un autre : d’un état
libre à un état contraint ou inversement, ou d’un état contraint à un autre état
contraint.
2.3 Types de gênes
Un mobile M de classe B subit une gêne avant à l’instant t si sa position sM(t)
approche celle d’un mobile plus lent A circulant dans la même direction, à la
lenteur τA ≥ τM.
La gêne avant se produit à droite et à gauche si toutes les voies du sens de
circulation sont localement occupées par des mobiles plus lents que M.
Réciproquement le mobile subit une gêne arrière si sa position est approchée
par celle d’un mobile plus rapide D circulant dans la même direction à une vitesse
supérieure donc τM > τD, et qui le double ce qui l’empêche de dépasser un
troisième mobile plus lent.
Enfin le mobile subit une gêne en face en une position s proche de celle d’un
mobile C circulant en sens opposé et occupant la voie d’un éventuel dépassement par M.
2.4 Situations de conflit, évaluation du retard
Sur une route à une voie, il est impossible de dépasser, donc une gêne avant
implique une situation de conflit pour le mobile courant M de classe B. Pour une
distance élémentaire ds, la gêne provoque un temps de parcours τA ds, donc un
retard (τA – τB) ds par rapport à l’état libre τB du mobile.
Sur une route à deux voies ou plus, une gêne avant n’implique pas
nécessairement une situation de conflit pour le mobile. Pour cela elle doit se
30
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
combiner, selon le type de route, à une gêne en face, ou derrière, ou avant à
gauche.
Dressons la liste des situations de conflit :
• Gêne avant pour une route à une voie.
• Gêne avant et en face pour une route à deux sens, donc à deux voies ou
plus.
• Gêne avant et derrière pour des routes à deux voies, à sens unique ou non.
• Gêne avant multiple pour une route à plusieurs voies, à sens unique ou non.
Ces situations contraignent l’état local eM(s) du mobile M, par opposition à la
situation libre. La tension infligée se mesure par la différence τA – τB entre l’état
ralenti et l’état libre. Le retard r est le produit de cette tension par la distance
contrainte δ, soit r = (τA – τB)δ.
Figure 1 : Mobiles en interaction.
Sens opposé
Sens direct
C
D
B
A
Vecteur vitesse de B
2.5 Principes d’analyse
Les trois principes originaux : analyse désagrégée de chaque mobile, représentation probabiliste de l’environnement et indexation par la position, se
combinent en deux étapes.
Première étape, la probabilité d’occurrence des gênes et des conflits. Pour
chaque type de gêne, on calcule une probabilité d’occurrence entre la position
courante et une position future donnée, donc en fonction de la position relative.
La probabilité d’occurrence d’un conflit par combinaison de plusieurs gênes, sous
l’hypothèse d’indépendance des facteurs de gêne, est le produit des probabilités
d’occurrence des facteurs. Dans un état donné, la probabilité d’occurrence du
conflit ou la probabilité de disparition déterminent les transitions vers l’état
suivant.
Seconde étape, réduire autant que possible le nombre d’états, donc le nombre
de vitesses, donc le nombre de classes. Le nombre de classes doit suffire à
représenter l’essentiel des aspects physiques : pour une route à deux voies il faut
au moins trois classes, deux en sens direct pour représenter la gêne devant, et
une classe en sens opposé ou par l’arrière pour représenter la gêne en face ou
Actes INRETS n° 90
31
Modélisation du trafic
arrière. La classe importante est alors la classe rapide en sens direct, qui subit
les gênes et surtout les retards. Pour cette classe, deux états suffisent : libre ou
contraint. L’état contraint correspond au suivi proche d’un mobile lent, et à
l’attente d’un créneau de dépassement.
A l’évidence, plus la topologie est complexe, plus les états sont nombreux : le
nombre de voies de circulation, et leur affectation aux sens de trafic, sont des
paramètres primordiaux.
3. Rattrapage, croisement, dépassement et rabattement
En probabilisant l’analyse physique du rattrapage et du croisement, nous
mesurons leur probabilité d’occurrence en fonction d’un incrément de distance
(§ 3.1 à 3.3). Nous indiquons l’effet des longueurs individuelles (§ 3.4), puis nous
analysons les conditions de dépassement (§ 3.5). Pour une analyse des conditions de rabattement (cf. Leurent, 2001, § 10B.6).
3.1 Rattraper un mobile lent
Considérons un mobile particulier, appelé mobile courant, passant au point s
à l’instant t, à une lenteur τB. Il rattrape un mobile plus lent de classe A, passé en
s à l’instant t – θ à la lenteur τA > τB au point s + x* qui vérifie la condition
t + τBx* = t – θ + τAx*, donc
x* = θ/(τA – τB) sous la condition τA – τB.
Si nous connaissons la fonction de répartition Fθ de la durée θ écoulée au
point s depuis le passage du dernier mobile lent, nous en déduisons la fonction
Figure 2 : Le rattrapage avant.
Trajectoire de A
Temps
Trajectoire de B
t
t -θ
Position
s
32
s+x*
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
de répartition Xst de la position relative de rattrapage x*. L’identité des deux
événements {x* ≤ L} = {θ ≤ (τA – τB)L} entraîne l’égalité de leurs probabilités
respectives, Xst(L) = Fθ[(τA – τB)L].
Si les arrivées de lenteur τA sont poissonniennes, la durée écoulée θ est une
variable aléatoire (VA) exponentielle de paramètre l’intensité λA du flux, donc
Ainsi la position relative de rattrapage est une VA exponentielle, de paramètre
ρBA = λA(τA – τB).
Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.2).
3.2 Rattrapage par un mobile plus rapide
Le mobile courant de lenteur τB passe à l’instant t au point s. Un mobile de
classe D plus rapide, de lenteur τD < τB, passe en s à un instant ultérieur t + θ , et
rattrape le mobile courant au point s + x* tel que
donc
sous la condition τ B > τ D .
Si nous connaissons la fonction de répartition F θ de la durée θ résiduelle
avant passage en s du mobile rapide, nous déduisons la fonction de répartition
X st de la position relative de rattrapage x*.
L’identité des deux événements {x* ≤ L} = { θ ≤ (τB – τD)L} entraîne l’égalité
de leurs probabilités respectives,
Figure 3 : Le rattrapage arrière et sa probabilité.
θ limite du
rattrapage
avant L
θ
Temps
Trajectoire de D
t +θ
Trajectoire de B
t
1
Pr
0
Fonction de
répartition de θ
Actes INRETS n° 90
s
s+L
Position
33
Modélisation du trafic
Si les arrivées de lenteur τD sont poissonniennes, la durée résiduelle θ est
une variable aléatoire (VA) exponentielle de paramètre l’intensité λD du flux
rapide, donc
Ainsi la position relative du rattrapage arrière est encore une VA exponentielle, de paramètre
Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.3).
3.3 Le croisement
Le mobile courant M de lenteur libre τB passe à l’instant t au point s. Un mobile
de classe C circulant en sens contraire à la lenteur τC, passe en s à un instant
ultérieur t + θ̃ , et croise M au point s + x* tel que τBx* = θ̃ – τCx*, donc
Si nous connaissons la fonction de répartition F de la durée θ̃ résiduelle
θ̃
avant passage en s du mobile C, nous déduisons la fonction de répartition X˜ st
de la position relative de rattrapage x*.
L’identité des deux événements {x* ≤ L} = {θ ≤ (τB + τC)L} entraîne l’égalité de
leurs probabilités respectives,
Si les arrivées de lenteur τ sont poissonniennes, la durée résiduelle θ̃ est une
VA exponentielle de paramètre l’intensité λC du flux, donc
Ainsi la position relative de croisement est également une VA exponentielle,
de paramètre
Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.4).
3.4 Sur les longueurs individuelles (optionnel)
3.4.1 Convention de localisation
Jusqu’à présent nous n’avons pas précisé l’extension spatiale des mobiles,
leurs longueurs individuelles.
Nous posons la convention suivante : la position du mobile correspond à
son extrémité avant. A l’instant t, le mobile localisé au point s occupe sa voie de
circulation sur l’intervalle ]s – – m, s] en sens direct (ou [s, s + + m [ en sens
opposé), avec la longueur individuelle du mobile et m une distance de sécurité
qui dépend de l’état courant de vitesse. Posons ′ = + m.
34
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
3.4.2 Effet sur le rattrapage avant
On considère qu’un mobile rapide B rattrape un mobile lent A dès l’instant t′
où
. En convenant que x* = sB(t′) – sB(t) est la position relative
du rattrapage, elle est caractérisée par
donc
Ainsi
négatives et proches de 0.
non nulle pour certaines valeurs de L
Le mélange de plusieurs lenteurs cause une distribution de l’argument
avec un effet final composite pour les valeurs faibles de L mais
simple pour les valeurs supérieures (précisément, distribution exponentielle audelà de
).
3.4.3 Effet sur le rattrapage arrière
Le mobile lent B est rattrapé par un mobile rapide D dès l’instant t′ où
En convenant encore que x* = sB(t′) – sB(t) est la position
relative du rattrapage, on la caractérise par
donc
Ainsi
Là encore le mélange de plusieurs vitesses rapides cause une distribution de l’argument
3.4.4 Effet sur le croisement
Aucun effet sur le croisement du prochain mobile en face : une distance de
sécurité n’est pas nécessaire tant que les mobiles ne circulent pas sur la même voie !
Cependant la longueur individuelle du précédent mobile en face C′ peut
retarder un éventuel changement de voie de M, si
3.4.5 Effet sur les arrivées et les pelotons
L’hypothèse de longueurs individuelles non nulles contredit l’hypothèse
d’arrivées poissonniennes car, sur n files de circulation, m > n mobiles i de
longueur i > 0 et de temps unitaire τi ne peuvent se succéder qu’à un certain
rythme, nécessairement fini.
Chaque mobile utilise une file pendant ti = i τi. Pour l’ensemble des files, le
temps minimum d’occupation est t* = mini ti, c’est un temps d’attente pour les
m – n mobiles pas encore servis. En notant ν le nombre de services dans la
durée t*, Pr{v > n} = 0 ce qui contredit l’hypothèse poissonnienne.
Si l’on néglige la longueur des mobiles et les distances de sécurité, alors les
pelotons n’ont pas d’extension spatiale, leur longueur totale est nulle ou réduite
à la longueur du mobile de tête. Dans ce cas le nombre de mobiles dans le
peloton ne conditionne pas les probabilités de rattrapage et de croisement.
Actes INRETS n° 90
35
Modélisation du trafic
3.5 Créneaux de dépassement
3.5.1 Occurrence du prochain conflit
Connaissant l’occurrence de chaque cause de gêne, il reste à établir
l’occurrence des conflits qui combinent plusieurs causes. Il est difficile de
formuler précisément un événement de {cumul de plusieurs causes jusqu’à x*},
car chaque cause peut avoir plusieurs occurrences, et chaque occurrence peut
provoquer un conflit.
Le principe d’analyse est de hiérarchiser les causes de gêne, pour révéler
progressivement les situations de conflit, et formuler l’occurrence du prochain
conflit.
La première cause est évidemment la position relative du mobile lent A qui
précède le mobile courant M en sens direct.
La deuxième cause est la nature de la route, qui détermine les conflits
possibles. Ainsi, pour une route à deux sens et deux voies, avec deux classes A
et B en sens direct et une classe C en sens opposé, le principal conflit concerne
B quand C l’empêche de dépasser A.
Si M est ralenti, il peut demeurer dans cet état en raison non seulement de la
gêne en face, mais aussi de la gêne derrière par un autre mobile B de même
classe que M mais non ralenti.
Pour simplifier l’analyse, on traite uniquement le cas où M approche du mobile
lent A : cela suffit pour caractériser les transitions entre l’état libre τB et l’état
ralenti τA sur une distance élémentaire ds.
Enfin une propriété importante est l’indépendance entre les causes de gêne :
le mobile courant M sépare les mobiles précédents des mobiles suivants donc
assure leur indépendance. De même les mobiles en sens direct derrière M et
ceux en face devant M ont des arrivées indépendantes.
3.5.2 Créneau pour l'état libre
Supposons que juste avant le dépassement, à l’instant initial t0, le point arrière
de M se trouve à une distance LB du point arrière de A. A l’instant final du
dépassement, les positions respectives sont inversées, et le point arrière de M
précède celui de A de LA.
Entre les deux instants le mobile lent A franchit une distance δA en un temps
τAδA, tandis que M franchit une distance δ en un temps τBδ.
Le dépassement se termine dès que δ ≥ δΑ + LB + LA, donc dès l’instant
t = t0 + ∆t tel que ∆t/τB ≥ ∆t/τA + LB + LA, soit
36
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
et donc
Cette valeur limite définit le créneau de dépassement pour l’état libre. On peut
′
lui ajouter un terme , BC
pour représenter une marge frontale de sécurité, ainsi
que l’occupation de la file de dépassement : on retient pour la suite LA = A + mA,
′ une marge de sécurité arrière
LB = B + mB et
avec m C
certainement plus petite que mC.
Au total, pour le mobile M en état libre, le créneau de dépassement est
La probabilité de disposer d’une distance libre en face qui dépasse cette limite est
Dans ce cas M ne subit pas de retard puisqu’il circule à sa vitesse libre.
Figure 4 : Créneau pour l’état libre.
Temps
Trajectoire de A
?B
t+∆t*
Trajectoire de B
Trajectoire de C
?A
Trajectoire limite d’un C
t
s
s+x*
Position
δA
δBA
3.5.3 Créneau pour l'état ralenti
Supposons maintenant que M se trouve ralenti par un mobile lent A, et qu’il
tente de le dépasser. Il faut préciser le schéma cinématique de M pour accélérer
et atteindre sa vitesse libre naturelle.
Actes INRETS n° 90
37
Modélisation du trafic
Parmi diverses variantes, nous pouvons supposer que M accélère uniformément
de vA à vB. De t0 à t = t0 + ∆t, M franchit δ = vA∆t + aB(∆t)2 / 2, et il dépasse A si
donc si
cela sans notion de limite de vitesse.
Si M limite sa vitesse à vB, le passage de vA à vB nécessite une durée de
∆t1 = (vB – vA)/aB.
Si ∆t1 ≥ ∆t* alors le temps de dépassement est ∆t*.
Si ∆t1 ≤ ∆t* alors pendant la durée ∆t = ∆t1 + ∆t2 le mobile M franchit
et il dépasse A si
Comme
cédente équivaut à
, l’inégalité pré-
et donc à
Figure 5 : Trajectoire depuis l’état ralenti.
Temps
Trajectoire de A
l
Trajectoire de B
B
t+∆t*
Trajectoire d’un C
∆t1
Limite pour C
t
l
s
A
s+x*
δ
38
Position
δBA
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
En trafic routier, des valeurs « minimales » de LA et LB sont 15 et 10 m
respectivement (en incluant les distances de sécurité) : pour a = .8 m/s2, ∆t* ≈ 8 s
valeur minimale, qui augmente avec la taille LA du mobile lent (peloton lent si
accumulation). Pour vB = 120 km/h et vA = 90 km/h, alors ∆t1 = 10 s. Comme
cette valeur est proche de la valeur minimale de ∆t*, pour la suite nous faisons
l’approximation que ∆t1 ≤ ∆t* et donc que le temps minimum de dépassement est
′
Comme précédemment nous pouvons ajouter un terme CB
qui représente à
la fois une marge frontale de sécurité et un recouvrement éventuel entre M et le
dernier mobile en face.
Au total, pour le mobile M, le créneau de dépassement depuis l’état ralenti est
Ce créneau est disponible avec une probabilité
3.5.4 Créneaux et rattrapage arrière
Le mobile M ne peut dépasser un mobile lent A que s’il dispose d’un créneau
δBA ou δ ′BA sur la file de dépassement, vis-à-vis du croisement par un mobile C
en sens opposé comme du rattrapage par un mobile D plus rapide venu de
l’arrière.
En état libre, la disponibilité du créneau δBA vis-à-vis d’un mobile D plus rapide
venu de l’arrière a une probabilité
En état ralenti, la probabilité est
3.5.5 Temps supplémentaire d’un dépassement, hors attente
Un dépassement opéré en état libre ne coûte pas de temps de parcours
supplémentaire à M, puisque celui-ci ne ralentit pas (sauf effet minime des
changements de voie).
Un dépassement depuis l’état ralenti coûte un temps d’attente égal à (τA – τB)
fois la distance parcourue en suivant A, plus un temps spécifique hors attente,
Actes INRETS n° 90
39
Modélisation du trafic
égal à la différence entre le temps transitoire T pour revenir à la vitesse libre, et
τB fois la distance transitoire D franchie pendant T.
Le passage de l’état libre à l’état ralenti est implicitement pris en compte en
puis une vitesse vA. L’état final de
supposant une vitesse vB jusqu’en
M, en position et en temps, est identique quelle que soit la décélération.
Nous évaluons le temps transitoire en supposant que M plafonne sa vitesse
–1
à τ B . Même si le dépassement dure ∆t* ≤ ∆t1, il faut T = ∆t1 pour retrouver la
vitesse libre. Si le dépassement dure plus que ∆t1, de même T = ∆t1. Le surcoût
en temps est T – τBD avec D = ∆d1 la distance parcourue pendant ∆t1, qui vaut
Aussi
4 Modèle états-transitions pour le temps de parcours
Connaissant les occurrences des gênes et aussi des conflits, nous pouvons
modéliser l’évolution de l’état d’un mobile en fonction de sa position. Pour un petit
incrément ds de position, la probabilité de changer d’état est proportionnelle à ds,
l’état du mobile est donc un modèle markovien à états et transitions.
Nous rappelons les principes du modèle markovien états-transitions, en
adaptant la présentation classique pour remplacer le temps par la position. Nous
détaillons les calculs dans le cas de deux états, pour établir les propriétés du
temps de parcours, local ou bipolaire : cela en moyenne, variance et covariance.
4.1 Principes du modèle états-transitions
Un système M est markovien si son évolution dans le temps dépend
uniquement de l’état présent eM(t) et d’aléas futurs ωt+∆t, encore inconnus à
l’instant t. A défaut de connaître précisément le prochain aléa et son effet, on
connaît la structure probabiliste des aléas potentiels, donc la probabilité des
transitions vers les autres états possibles.
4.1.1 Modèle états-transitions selon la distance
Notons (ei)i=1...n les n états possibles pour le système M. En un point s, l’état
local eM(s) est une variable qui prend sa valeur dans l’un de ces états.
Cas routier. Pour une route à deux voies, deux sens et deux classes d’allure
en sens direct, la classe lente A a un seul état de lenteur τA, tandis que la classe
rapide B a deux états possibles τB et τA.
Au point s on connaît la structure probabiliste des aléas, ou plutôt celle de
leurs effets sur l’évolution entre s et s + ∆s de l’état local eM, selon la valeur
particulière de eM(s).
40
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
Précisément, on connaît la probabilité de transition pij(s, s + ∆s), probabilité de
passer de l’état ei au point s à l’état ej au point s + ∆s. On appelle matrice de
transition de s à s + ∆s la matrice Ps,s+∆s = [pij(s, s + ∆s)]i,j=1...n.
Si l’évolution du système est régulière, la matrice P vérifie les équations d’évolution de Chapman-Kolmogorov (C-K) : l’équation « en avant »
et l’équation « en arrière »
en fonction de la
matrice des taux de transition Qs de termes qij(s) pour i ≠ j définis comme suit
et avec
:
Autrement dit,
Cas routier. Le taux de transition est le quotient de la probabilité de changer
d’état sur l’intervalle ]s, s + ds] par l’incrément de distance ds.
La solution pratique pour déterminer Ps,u donc pour connaître la structure de
l’évolution du système, est de déterminer Qs et d’intégrer l’équation de C-K.
Le système est homogène si la matrice Qs = Q ne dépend pas de s, et alors
Ps,u = eQ(u–s).
Un système markovien homogène est en régime stationnaire si la distribution de probabilité des états ne varie pas, i.e. πu = πsPs,u = πs = η. Comme
∂πu /∂u = πs∂Ps,u /∂u = (πsPs,u) Qu = πsQu, si πu = η alors ηQ = 0 condition caractéristique.
4.1.2 Cas homogène à deux états
Quand le système markovien est homogène à deux états seulement, la
matrice des taux de transition se réduit à
avec α = q12 et β = q21.
La probabilité stationnaire est η = [η1 η2] avec ηQ = 0 donc
et
avec γ = e–(α+β)∆s.
On calcule que
4.2 Propriétés du temps de parcours
4.2.1 Temps local
Au niveau local d’un point s, soit πs = [p
probabilité entre les états (τ1, τ2).
Actes INRETS n° 90
] avec
= 1 – p une distribution de
41
Modélisation du trafic
Le temps unitaire local est uneVA
Bernoulli 0-1, donc ses moments valent
avec ξ une VA de
•
•
- Le temps unitaire en s + ∆s, conditionnellement à πs, a pour distribution
et p′ = p – β′.
en notant
4.2.2 Fonction de covariance spatiale des lenteurs
Par la formule des probabilités totales, on en déduit
=
.
Par soustraction de E[τsπs]E[τs+∆sπs], nous obtenons la fonction de covariance spatiale pour le processus des lenteurs locales de la classe B :
.
C’est une fonction exponentielle qui dépend du point s via la probabilité p de
l’état τ1 en ce point.
4.2.3 Temps bipolaire
Considérons maintenant le temps bipolaire
[s, s + L[.
sur un intervalle
Le temps bipolaire moyen, connaissant πs = [p 1 – p], est
On obtient la variance par une double intégration, cf. le modèle des allures
individuelles :
42
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
avec
et
•
avec
Ici :
γz = e–(α+β)z
et pr = β′ + p′γr–s.
•
Il vient ainsi une formule explicite pour la variance de tL sachant πs :
En régime stationnaire, p′ = 0 donc
5. Routes à voie unique
Soit une route à une seule voie de circulation donc impossibilité de dépasser.
Nous traitons le cas à deux classes pour préciser la covariance spatiale des
lenteurs locales, et retrouver les propriétés du temps de parcours, local ou
bipolaire. cf. Leurent, 2001, chapitres 9 et 10 pour un modèle plus poussé et
notamment le cas à n classes.
5.1 Le cas de deux classes
Nous revenons au modèle de goulot spatial à deux classes : la classe B des
mobiles rapides (voitures) et la classe A des mobiles lents (camions).
5.1.1 Probabilité et taux de transition
D’après le § 3.1, pour un véhicule rapide, le taux de rattrapage d’un véhicule
lent est le paramètre ρ = λA(τA – τB). Donc
Pour la suite on note γ = e–ρL.
5.1.2 Moyenne et covariance du temps unitaire
Soient une position s et [p 1 – p] une distribution de probabilité entre les états
(τA, τB) pour un mobile rapide B (voiture) au point s.
Actes INRETS n° 90
43
Modélisation du trafic
Le temps unitaire local au point s est une VA binaire τs = τA + ξ(τB – τA) avec ξ
une VA 0-1 de Bernoulli de moyenne 1 – p.
Par propagation, au point s + L le temps unitaire local est une VA binaire avec la
distribution de probabilité [1 – (1 – p)γ (1 – p)γ] entre les états (τA, τB). Il a pour moments
•
•
La probabilité stationnaire est [1 0] entre les états τA et τB : seul le régime
transitoire est intéressant.
On déduit du § 4.2.2 la covariance spatiale
:
5.1.3 Moyenne et variance du temps bipolaire
Toujours en application du § 4.2.2, pour la classe rapide B nous obtenons la
moyenne du temps bipolaire tL depuis l’entrée s dans le goulot en état libre : alors
p = 0, β′ = 1, α′ = 0, p′ = – 1 et
De même pour la variance du temps bipolaire tL :
Quand la longueur L croît, toutes choses égales par ailleurs, la variance
–2
tend vers la limite λ A donc l’écart-type du temps bipolaire tend vers l’inverse du
débit en camions.
6. Routes à deux voies et deux sens
Sur une route à deux voies et deux sens, les conflits surviennent par gêne
avant et en face : typiquement, en sens direct un mobile rapide rattrape un
mobile lent et ne le dépasse que quand le créneau en face suffit.
Nous modélisons le sens direct avec deux classes de mobiles : la classe lente A
et la classe rapide B. Celle-ci s’analyse avec un modèle à deux états. Hors
rabattement, les taux de transition s’expriment directement en fonction des
paramètres physiques du modèle : lenteurs, longueurs, accélération, intensités.
C’est pourquoi nous commençons par négliger le rabattement. Après une
application numérique, nous intégrons le rabattement : alors les probabilités
44
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
stationnaires forment la solution d’un système d’équations, par couplage
d’aspects microscopiques et macroscopiques.
6.1 Modèle hors rabattement
6.1.1 Position
Pour une route à deux voies et deux sens de circulation, les dépassements
n’ont lieu que si certains mobiles sont plus rapides que d’autres : nous distinguons deux classes de mobiles en sens direct : classe A lente de lenteur τA,
classe B rapide de lenteur libre τB. Alors le dépassement n’est difficile qu’en
présence de trafic en sens opposé : soit C la classe de mobiles en sens opposé,
avec une lenteur moyenne τC. Les intensités des classes sont respectivement λA,
λB et λC.
Sous ces hypothèses, la classe B a deux états de temps unitaire : un état libre
e1 = τB et un état contraint, ralenti e2 = τA.
6.1.2 Transitions
Deux transitions sont possibles pour un mobile M de classe B : de l’état libre
à l’état ralenti, et réciproquement. Calculons leurs probabilités en fonction d’une
distance élémentaire ds.
De l’état libre à l’état ralenti, la transition est l’événement
= {début de gêne avant de s à s + ds} ∩ {créneau en face insuffisant}.
Comme ces deux événements sont indépendants, la probabilité de l’intersection est le produit des probabilités. En divisant par Pr{eM(s) = τB}, cela donne
= Pr{gêne avant à s + ds | libre à s} X˜ st (δBA).
La probabilité que la gêne avant apparaisse de s à s + ds est
Au total
donc
De l’état ralenti à l’état libre, la transition est l’événement
= {fin de gêne avant de s à s + ds} ∩ {nouveau créneau en face suffisant}.
Actes INRETS n° 90
45
Modélisation du trafic
Comme ces deux événements sont indépendants, la probabilité de l’intersection est le produit des probabilités. En divisant par Pr{eM(s) = τA}, cela donne
= Pr{libre à s + ds | gêne avant à s}
La gêne avant disparaît de s à s + ds si un créneau en face insuffisant se
termine dans cet intervalle, autrement dit si la longueur résiduelle jusqu’au mobile
en face actuel s’annule. Cette longueur résiduelle est une distance de rattrapage
x*, tronquée à δ ′BA créneau minimal en état ralenti. C’est une variable aléatoire
exponentielle de paramètre ρ̃ AC tronquée à δ ′BA , distribuée avec une densité
La probabilité de fin est ds fois la densité en 0, soit
Ainsi
Donc
En fait la distribution exponentielle tronquée ( ρ̃ AC , δ ′BA ) se rapporte à un
créneau insuffisant pour l’état ralenti, après le créneau initial qui force à ralentir.
La distance jusqu’au croisement initial est exponentielle tronquée ( ρ̃ BC , δBA).
Cela ne change pas fondamentalement le modèle.
6.1.3 Relations analytiques
Nous pouvons appliquer les formules du § 4 aux taux de transition α et β.
En régime stationnaire, la lenteur locale est une VA binaire distribuée entre τB
et τA avec les probabilités
Toujours en régime stationnaire, le temps bipolaire tL de s à s + L a pour
valeur moyenne
sachant que :
•
,
•
46
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
•
•
Cela montre l’effet des différents paramètres : les temps unitaires libres τB, τA
′ ; l’accélération a de la
et τC ; les intensités λA et λC ; les longueurs B′ , A′ et C
classe B. Dans ce modèle hors rabattement, l’intensité λB de la classe rapide
n’intervient pas.
Comme la classe B comporte une seule allure, la variance du temps bipolaire
ne comporte pas de variance interallure et se réduit à la variance intraallure,
évaluée au § 4.2 : dans le cas stationnaire,
Le rapport V[tL]/L2 tend vers 0 quand L augmente.
6.2 Application numérique (hors rabattement)
Pour des intensités de λA = 100 et λC = 800 véh/h ; des temps unitaires
de τB = τC = .5 et τA = .7 mn/km, on calcule ρBA = 0,33, ρ̃ AC = 16 et
ρ̃ BC = 13,3 véh/km.
En prenant A = 10 m, B = C = 5 m, mA = mB = m ′C = 5 m, les créneaux
valent δBA = 102 m et δ ′BA = 244 m si a = 0,8 m/s2.
D’où α = .25/km et β = .33/km, E[τs] = .586 mn/km et σ[τs] = .099 mn/km.
Les tableaux suivants continuent l’application numérique en faisant varier les
intensités λA et λC, en véh/h. Ils montrent respectivement la moyenne et l’écarttype du temps unitaire, puis la moyenne et l’écart-type du temps bipolaire pour un
trajet long de 20 km.
Tableau 1 : Temps local de la classe B: moyenne et écart-type (mn/km).
λC/λA
0
0
100
0,5
0,5
0
100
0,5
0,503
0,5
800
0,5
0,5
Actes INRETS n° 90
0,633
0,672
0,094
0,685
0,070
0,699
0,020
0,081
0,100
0,073
0,698
0,039
0,542
0,600
0,650
0
0,064
0,094
0,099
0,692
0
0,523
0,567
0,586
0,5
0
0,048
0,063
0
1 600
0,512
0,522
1 600
0,5
0
0,025
0
800
0,5
0
0
400
400
0,053
0,699
0,014
0,010
47
Modélisation du trafic
Chaque intensité fait croître le temps moyen ; elle fait croître puis décroître
l’écart-type. Bien d’autres études de sensibilité sont possibles avec les
13 paramètres du modèle.
Tableau 2 : Temps de la classe B: moyenne et écart-type (mn).
λC/λA
0
0
100
10,0
10,0
10,0
10,1
400
10,0
10,0
10,0
13,8
0,255
12,7
0,385
13,4
0,466
14,0
0,399
10,8
12,0
13,0
0
0,213
0,418
0,788
0
10,5
11,3
11,7
10,0
0
0,164
0,320
0
1 600
10,2
10,4
0
800
0
0,088
1 600
10,0
0
0
800
10,0
0
100
400
0,298
13,7
0,287
14,0
0,111
0,161
14,0
0,057
0,029
6.3 Dépassements, transitions, rabattement et couplage
6.3.1 Intensité réduite et nombre de dépassements
Dans notre analyse du rabattement (Leurent, 2001, § 10.B.6), nous avons
utilisé une intensité réduite λ ′B des mobiles B qui circulent sur la voie de gauche.
Cette intensité réduite est l’intensité de base λB fois la proportion de distance
passée sur la voie de gauche, évaluée de la manière suivante :
• La lenteur moyenne de B est
.
• Sur une longueur L, chaque mobile B dépasse des mobiles A en nombre
moyen égal à
• Chaque dépassement de A par B nécessite sur la voie de gauche une
distance δBA ou δ ′BA selon l’état initial de B.
• On assimile ici δ ′BA = δBA, une justification étant que le modèle markovien
néglige la distance d’accélération de τA à τB.
• La distance totale sur la voie de gauche est
λ ′B
• En divisant par L, il vient ------ =
λB
• Au total
48
.
.
Ce raisonnement est valide si
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
Nous obtenons également le nombre moyen de dépassements de mobiles A
par des mobiles B sur une longueur L pendant une durée H, égal à
6.3.2 Nombre de transitions (retour à l’état libre)
Dans le même ordre d’idées, nous pouvons dénombrer les transitions de l’état
τA à l’état τB pour un mobile M de classe B. En nous plaçant dans le modèle de
gêne avant et en face, chaque transition correspond à un croisement de B en état
ralenti et C avec un créneau en face suffisant x > δ ′BA . Le nombre v de
croisements ralentis jusqu’à la transition, incluant la transition mais pas le
croisement initial qui provoque le ralentissement, est une variable aléatoire
géométrique de paramètre
Le nombre total N ′BC de croisements ralentis, hormis les croisements initiaux,
est E[v]-1 fois le nombre de transitions TAB, et
Donc
Remarquons maintenant que N ′BC est le nombre de croisements entre le flux C
et le flux de classe B en état ralenti τA, donc d’intensité réduite
Ainsi
Ces nombres de transitions servent à évaluer les effets spécifiques d’accélération et de décélération (coût de la consommation d’énergie, émissions de
polluants et de bruit).
6.3.3 Modèle avec rabattement
L’explicitation du rabattement modifie les taux de transition α et β, qui
dépendent de l’occupation Ω ′d et de l’intensité réduite λ ′B donc de la probabilité
stationnaire ηB/B, elle-même égale à β/(β + α). Les formules caractéristiques de
α, β et ηB/B forment un système de conditions d’équilibre, dont la solution
correspond uniquement au cas stationnaire.
Actes INRETS n° 90
49
Modélisation du trafic
Il reste à préciser l’influence du rabattement sur α et β.
La transition de l’état libre à l’état ralenti devient l’événement
{début gêne avant} ∩ [{créneau en face insuffisant}
∪ ({en face suffit} ∩ {rabattement insuffisant})].
Tandis que la transition de l’état ralenti à l’état libre devient l’événement
{fin gêne avant} ∩ {en face suffit} ∩ {rabattement suffit}.
Dans Leurent, 2001, § 10B.6 nous avons proposé une formule pour Pr{Rabattement suffit}. On peut se conserver α et modifier β en le multipliant par cette
probabilité, soit
7. Route à deux voies en sens unique
Les routes à sens unique et à deux voies constituent un autre cas d’application du modèle à deux états : application plus élaborée, à deux classes
« actives » de trafic et avec un couplage entre ces classes.
7.1 Modélisation
7.1.1 Les classes et leurs relations
Pour une route à sens unique et à deux voies, les contraintes n’ont lieu
qu’avec au moins trois classes de mobiles en sens direct, notées A, B et D en
ordre de vitesse croissante. Un mobile A garde sa vitesse constante. Un mobile B
ne change d’état que s’il rattrape un mobile A sans pouvoir le dépasser en raison
d’une gêne arrière. Un mobile D est soit en état libre τD, soit en état ralenti τB,
quand un mobile B occupe la voie de gauche.
On peut supposer que la classe A correspond à des camions lents, la
classe D à des voitures rapides, et la classe B à des camions rapides ou à des
voitures lentes.
Le modèle à deux états s’applique à chacune des classes B et D. Il faut
cependant préciser la relation entre la classe B et la classe D en cas de conflit,
précisément quand D rattrape B qui rattrape A. Nous supposons que B choisit de
dépasser A, quitte à gêner D, dès que le créneau arrière dépasse un seuil χBD,
éventuellement inférieur au créneau minimal δ BA qui garantit de ne pas gêner D.
Ainsi, pour les distances arrière x ≥ χBD le mobile B choisit de dépasser A sans
ralentir, ce qui retarde D ; tandis que pour x < χBD le mobile B se laisse dépasser
par D avant de dépasser A.
Le seuil varie selon l’état de B, libre ou ralenti : on note respectivement χBD et
χ ′BD .
50
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
7.1.2 Transitions pour la classe B
Pour un mobile de classe B, une transition locale de l’état libre à l’état ralenti
signifie le rattrapage d’un mobile A, de probabilité ρBAds, joint à un créneau
arrière inférieur à χBD, de probabilité X BD (χBD).
Donc
Une transition locale de l’état ralenti à l’état libre signifie la fin d’un créneau
arrière insuffisant, de probabilité
jointe au début d’un
créneau suffisant, de probabilité
Donc
Ces deux taux de transition sont valables hors rabattement, à modéliser
comme au § 6.3. Ils font intervenir l’intensité λD du flux en mobiles rapides D. En
fait seuls comptent les mobiles D en état libre τD, d’intensité réduite
avec
la probabilité de l’état libre pour la classe D.
7.1.3 Transitions pour la classe D
Pour un mobile de classe D, une transition locale de l’état libre τD à l’état
ralenti τB signifie que D rattrape un mobile B qui dépasse un mobile A : le flux de
′ précisée au paragraphe suivant. Alors
ces mobiles B a une intensité réduite λ B
αD = ρ ′DB .
Une transition locale de l’état ralenti τB à l’état libre τD signifie que le mobile B
qui gêne D achève de dépasser un mobile A et se rabat, ce qui nécessite un
créneau de rabattement suffisant. Ce créneau de rabattement est lié à la
formation en pelotons, cf. § 6.3. En le négligeant, la probabilité est ρBAds pour un
flux A poissonnien, donc βD = ρBA.
7.1.4 Couplage et équilibre stochastique
Intensité réduite. Les taux de transition de chaque classe B ou D dépendent
′ ou λ B
′ de l’autre classe. Pour la classe D, l’intensité
de l’intensité réduite λ D
′ = λDηD/D.
réduite est simplement λ D
Pour la classe B, l’intensité réduite est l’intensité de base λB fois la proportion
de distance passée sur la voie de gauche, évaluée comme au § 6.3.1 :
En fait le partage de la voie de gauche entre les classes B et D modifie la
distance bloquée δBA en δBA – χBD ou plus généralement en une fonction
R(δBA, χBD) avec 0 ≤ R(x, y) ≤ x et ∂R/∂x ≥ 0 et ∂R/∂y ≤ 0.
Au total,
: l’ajout de D en indice de
l’intensité réduite marque la relation entre les deux classes. Ce raisonnement est
valide si
Actes INRETS n° 90
51
Modélisation du trafic
Couplage des classes. Chaque mobile B ou D est un système markovien,
système à l’équilibre stochastique en régime stationnaire. Les systèmes B et D
sont couplés l’un à l’autre par les équations caractéristiques des intensités
réduites. L’équilibre global du trafic signifie l’équilibre stochastique de chaque
classe B et D, et la vérification des équations de couplage. Il s’exprime
mathématiquement comme un système de 4 équations à 4 inconnues
:
•
•
,
•
•
On le ramène facilement à un système de deux équations à deux inconnues
ηB/B et ηD/D.
7.1.5 Fonctions de temps de parcours
En supposant que A et B sont deux classes de camions, les débits en voitures
et en camions sont xV = λD et xC = λA + λB.
Les
temps
moyens
sont
des
fonctions
τV = ηD/D τD + ηB/D τB
et
Ces fonctions dépendent non seulement de xV et xC, mais aussi du rapport λA/xC.
7.2 Application numérique (hors rabattement)
Appliquons le modèle à un exemple numérique qui figure les conflits entre
camions et voitures sur une chaussée d’autoroute à deux voies. Les classes A
et B correspondent aux camions lents et rapides, avec τA = 0,8 mn/km et
τB = 0,6 mn/km et aB = 0,5 m/s2.
La classe D correspond à des voitures, avec τD = 0,5 mn/km et aD = 0,8 m/s2.
On fixe des longueurs A = B = 10 m, D = 5 m, mA = mB = mD = 5 m.
Les créneaux de dépassement valent respectivement δBA = 145 m et
δ ′BA = 290 m. On fixe des seuils de χBD = 40 m et χ ′BD = 60 m.
Les tableaux suivants montrent l’effet de λA et λB, en fixant λD = 1 000 véh/h,
sur les temps unitaires de B et D, en moyenne et en écart-type. Pour les valeurs
choisies, l’impact sur les temps unitaires moyens est important pour la classe B
et très faible pour la classe D.
L’impact sur l’écart-type local est réaliste pour la classe D des voitures : on
obtient facilement σ = .04 ou .06 mn/km, proche de ce qui peut être mesuré
(Leurent, 2001, chapitre 2). Pour la classe B, les valeurs obtenues sont élevées
pour des camions : car nos hypothèses surestiment largement les débits de
camions usuels, à des fins de démonstration.
52
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
Pour mesurer la variabilité de la lenteur sur un long trajet, nous avons étudié
le rapport entre l’écart-type du temps bipolaire de la classe D et la distance
parcourue, pour plusieurs distances et plusieurs intensités λB, en fixant
λA = 400 véh/h. La figure 6 montre la décroissance du rapport en fonction de la
longueur.
Tableau 3 : Temps local de la classe B : moyenne et écart-type (mn/km).
λB/λA
0
0
100
0,600
0,777
0
100
0,600
0,774
0,600
800
0,600
0,600
0,623
0,798
0,796
0,772
0,018
0,026
0,041
0,063
0,798
0,797
0,791
0,014
0,025
0,038
0,093
0
0,797
0,793
0,664
0,799
0,025
0,036
0,084
0
1 600
0,793
0,754
1 600
0,797
0,035
0,067
0
800
0,794
0,064
0
400
400
0,018
0,798
0,027
0,795
0,069
0,019
0,798
0,030
0,019
Tableau 4 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km).
λB/λA
0
0
100
0,500
0,500
0
100
0,500
0,502
0,500
800
0,500
0,500
0,500
0,503
0,008
0,501
0,017
0,507
0,045
0,004
0,011
0,025
0,529
0,044
0,500
0,501
0,506
0
0,006
0,016
0,050
0,573
0
0,500
0,503
0,551
0,500
0
0,016
0,036
0
1 600
0,503
0,515
1 600
0,500
0
0,015
0
800
0,500
0
0
400
400
0,011
0,503
0,025
0,017
Quand la distance dépasse 5 km, le rapport baisse de moitié : pour la classe B
le résultat est inférieur à .03 mn/km, puis à .02 mn/km au-delà de 20 km. Cela
montre que la variabilité intraallure du temps bipolaire ne peut à elle seule
expliquer la variabilité des temps bipolaires individuels : conformément au
modèle des allures individuelles, sur une distance longue la variabilité interallure
domine.
Actes INRETS n° 90
53
Modélisation du trafic
Figure 6 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km).
8. Routes à deux sens et trois voies
Les éléments des parties précédentes se transposent aisément au cas d’une
route à trois voies, dont la voie médiane sert aux deux sens de circulation.
Nous traitons ce cas avec un modèle à deux états pour chaque sens de
circulation, avec un couplage entre les deux sens. Puis nous dénombrons les
conflits potentiels et les conflits réalisés entre les deux sens, pour le partage de
la voie médiane. Enfin nous terminons par une application numérique.
8.1 Modélisation
8.1.1 Position
Pour analyser le partage de la voie médiane, nous modélisons deux classes
de lenteur dans chaque sens de circulation : les conflits surgissent entre les
mobiles rapides des deux sens.
En sens direct, soit A la classe lente (camions) et B la classe rapide (voitures).
En sens opposé, soit C la classe lente (camions) et D la classe rapide
(voitures).
Comme précédemment, nous notons i la longueur individuelle d’un mobile de
classe i, mi la marge arrière de sécurité, λi l’intensité de la classe, dont le flux
d’arrivées est supposé poissonnien.
54
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
8.1.2 Analyse du sens direct
En sens direct, les mobiles lents A conservent leur lenteur : état unique τA. Les
mobiles rapides B ont deux états de lenteur, l’état libre τB et l’état contraint τA. Ils
subissent des conflits par gêne avant et en face ; toute la question est de
caractériser la gêne en face pour le sens direct.
Cette gêne en face provient des mobiles D qui dépassent des mobiles C : ces
′ , égale à l’intensité de
mobiles sont dans l’état τD, avec une intensité réduite λ D
base λD fois la proportion de distance passée sur la voie médiane. D’après le
§ 6.3, l’intensité réduite vaut
tant que cette expression est comprise entre 0 et 1.
Connaissant ηD/D, il suffit d’appliquer le modèle de gêne avant et en face
(§ 6.1).
8.1.3 Couplage des deux sens de circulation
On traite le sens opposé de manière symétrique, en échangeant les rôles de
A et C, et de B et D. Connaissant ηB/B, il relève du modèle de gêne avant et en
face.
Les deux sens de circulation sont couplés l’un à l’autre par les équations
caractéristiques des intensités réduites. L’équilibre global du trafic signifie
l’équilibre stochastique de chaque classe A, B, C et D, et la vérification des
équations de couplage. Il s’exprime mathématiquement comme un système de
′ , λD
′ , ηB/B et ηD/D :
4 équations à 4 inconnues λ B
•
•
•
•
On en déduit aisément un système de 2 équations à 2 inconnues ηB/B et ηD/D.
8.2 Les nombres de conflits
En vue d’applications à la sécurité routière, dénombrons les conflits ponctuels
qui peuvent opposer deux mobiles rapides pour occuper la voie médiane.
8.2.1 Nombre de conflits potentiels
Un conflit potentiel est un croisement entre un mobile B et un mobile D.
Calculons le nombre de ces croisements sur une longueur L et pendant une
période H. Durant cette période, environ HλB mobiles B parcourent la longueur.
Chaque mobile B a une lenteur moyenne
il part de 0 à
′ , en croisant tous les mobiles D passés par L de
t0 et arrive en L à t0 + L τ B
′ à t0 – L τ B
′ , donc un nombre
t0 – L τ D
Le nombre total de croisements B-D est
Actes INRETS n° 90
55
Modélisation du trafic
8.2.2 Nombre de conflits réalisés, selon la priorité
Un conflit B-D se réalise avec priorité à B si B occupe la voie médiane et
croise D ralenti par C, ou symétriquement avec priorité à D si D occupe la voie
médiane et croise B ralenti par A.
Pour les conflits réalisés avec priorité à B, on connaît les intensités des flux et
leurs lenteurs : en sens direct flux
et lenteur τB, en
sens opposé flux
et lenteur τC. D’où un nombre
Symétriquement
8.3 Application numérique (hors rabattement)
Paramètres. On fixe les intensités des camions, λA = 100 véh/h et
λC = 400 véh/h ; le sens direct est moins chargé en camions que le sens opposé.
Les paramètres cinématiques sont les mêmes dans les deux sens :
lenteurs τA = τC = 0,8 mn/km, τB = τD = 0,6 mn/km ; longueurs A = C = 10 m,
B = D = 5 m ; des marges
des accélérations aB = aD = 0,8 m/s2.
8.3.1 Temps de parcours
Les tableaux suivants montrent les variations du temps de parcours local,
pour les classes B et D, en moyenne et en écart-type.
On constate quelques paradoxes :
• Le temps moyen d’une classe diminue en fonction de son intensité !
• Les voitures en sens direct sont plus influencées par les camions en sens
opposé que par ceux en sens direct !
Tableau 5 : Temps local de la classe B : moyenne et écart-type (mn/km).
λB/λD
0
0
100
0,600
0,600
0
100
0,600
0,601
0,600
800
0,600
0,600
56
0,611
0,604
0,045
0,610
0,029
0,604
0,020
0,045
0,029
0,020
0,602
0,010
0,611
0,604
0,602
0
0,030
0,020
0,010
0,600
0
0,604
0,602
0,600
0,600
0
0,020
0,010
0
1 600
0,602
0,600
1 600
0,600
0
0,010
0
800
0,600
0
0
400
400
0,044
0,610
0,029
0,044
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
L’explication tient au jeu des classes, qui exercent des influences mutuelles
non seulement directes, mais aussi indirectes. Ainsi une intensité C forte motive
des dépassements fréquents par la classe D, qui s’attribue souvent la voie
médiane, et gêne souvent B.
Tableau 6 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km).
λB/λD
0
0
100
0,600
0,600
0
100
0,600
0,600
0,602
800
0,604
1 600
0,608
0,602
0,604
0,028
0,019
0,604
0,028
0,608
0,039
0,010
0,019
0,604
0,608
0,039
0,600
0,602
0,020
0,028
0
0,010
0,602
0,604
0,028
0,600
0,010
0,020
0,600
0
0,600
0,602
1 600
0,600
0
0,010
0,020
800
0,600
0
0,010
400
400
0,608
0,039
0,027
0,608
0,039
0,038
8.3.2 Nombres de conflits
Les tableaux 7 à 9 indiquent les nombres de conflits potentiels et réalisés, en
fonction de λB et λD. La voie médiane est attribuée à la classe D plus souvent
qu’à la classe B, en raison de l’intensité en camions plus forte dans le sens de D.
Tableau 7 : Conflits potentiels (par unité de temps et de longueur).
λB/λD
0
0
0
0
0
0
0
0
100
0
200
400
802
1 607
3 230
200
0
400
801
1 604
3 214
6 461
400
0
802
1 604
3 211
6 434
12 932
800
0
1 606
3 213
6 432
12 888
25 901
1 600
0
3 223
6 448
12 906
25 859
51 956
Actes INRETS n° 90
100
200
400
800
1 600
57
Modélisation du trafic
Tableau 8 : Conflits réalisés avec priorité à B (par heure et km).
λB/λD
0
100
0
0
100
200
400
800
1 600
0
0
0
0
0
0
0,0
0,0
0,1
0,2
0,3
200
0
0,1
0,2
0,3
0,7
1,2
400
0
0,3
0,7
1,4
2,7
5,0
800
0
1,4
2,8
5,5
10,8
20,3
1 600
0
5,7
11,4
22,6
44,0
82,8
Tableau 9 : Conflits réalisés avec priorité à D (par heure et km).
λB/λD
0
100
200
0
0
0
100
0
200
400
800
1 600
0
0
0
0
0,1
0,4
1,5
6,4
30,3
0
0,2
0,7
2,9
12,7
60,3
400
0
0,3
1,4
5,8
25,2
119,3
800
0
0,7
2,8
11,3
49,2
233,3
1 600
0
1,3
5,3
21,8
94,2
444,9
9. Conclusions
Dans le modèle des conflits, nous décrivons l’environnement individuel de
circulation d’un mobile de manière discrète, microscopique. Cela permet d’approfondir considérablement l’analyse des phénomènes de trafic, grâce à des
résultats faciles à interpréter.
Les situations d’application sont variées : en topologie de route (un ou deux
sens, une ou plusieurs voies) et en structure de trafic, avec plusieurs classes de
vitesse libre dans chaque sens de circulation. Ainsi l’environnement individuel de
circulation est décrit de manière microscopique et réaliste : les paramètres du
modèle incluent, pour chaque classe de mobiles : l’intensité du flot d’arrivées, la
vitesse libre, la longueur individuelle, la distance de sécurité, l’accélération.
Grâce à un modèle états-transitions pour chaque classe de mobiles, nous
avons obtenu des formules analytiques pour les taux de transition entre les états
de lenteur, donc pour les probabilités de séjour dans chaque état, pour les temps
58
Actes INRETS n° 90
Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours
de parcours locaux et bipolaires en moyenne et en variance. En dehors des cas
à une voie ou à deux voies et deux sens, les relations entre classes induisent des
couplages macroscopiques, entre les systèmes d’équations analytiques particuliers à chaque classe.
Bibliographie
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of Transportation. New Haven: Yale University Press.
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Rapport Technique SETRA. SETRA, Bagneux.
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Yeo G.F. (1964) Traffic delays on a two-lane road. Biometrika 51, 11-15.
Actes INRETS n° 90
59
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
Propriétés statistiques du temps
d'itinéraire, et généralisation
de deux formules de Wardrop
F. Leurent
SETRA, 46 avenue Briand, BP 100, 92225 Bagneux Cedex.
Courriel : [email protected]
Résumé
En ingénierie du trafic, on utilise couramment des formules établies par
l’ingénieur anglais Wardrop dans les années 1950 : notamment la formule entre
les vitesses moyennes temporelle et spatiale, et la formule du véhicule flottant.
Ces deux formules résultent d’un modèle de distribution des vitesses parmi
une population de déplacements : avec une vitesse fixée pour chaque déplacement considéré isolément.
Dans des articles précédents, nous avons modélisé à la fois la distribution des
allures individuelles, et, pour chaque déplacement d’allure fixée, les variations
locales de la vitesse qui résultent des aléas de circulation.
Le présent article établit les propriétés statistiques des temps d’itinéraire dans
ce modèle des allures individuelles et des aléas de circulation. Nous montrons
que ces propriétés relativisent les formules de Wardrop.
La formule des vitesses moyennes reste valable au niveau local. Nous
donnons des résultats originaux au niveau bipolaire d’un itinéraire : d’abord dans
l’analyse d’une trajectoire individuelle, ensuite pour un ensemble de trajectoires.
Nous revisitons aussi la méthode du véhicule flottant, avec une nouvelle
méthode d’estimation capable de révéler non seulement la moyenne mais encore
l’écart-type des temps bipolaires.
Actes INRETS n° 90
61
Modélisation du trafic
1. Introduction
1.1 Contexte
L’ingénierie du trafic s’est développée dès les années 1900 pour planifier et
exploiter les réseaux de transport : dans les années 1920 sont apparus des
congrès et des revues pour partager les connaissances. Certaines questions
basiques, en particulier le dimensionnement des routes et des carrefours, ont
rapidement donné lieu à des tâches spécialisées : compter le trafic, mesurer le
temps de parcours par des techniques économes en moyens, modéliser les
attentes aux jonctions, modéliser les choix d’itinéraire.
En 1952, l’ingénieur anglais Wardrop a synthétisé les connaissances de
l’époque dans un article fameux : Some theoretical aspects of road traffic
research, qui comporte aussi des contributions originales : l’application au trafic
de l’équation des ondes (p. 363) reprise ensuite par Lighthill et Whitham (1955),
les principes d’affectation aux itinéraires selon l’optimum individuel et l’optimum
collectif, la formule entre les vitesses moyennes de temps et d’espace. Peu après
(1954), Wardrop a développé la méthode du véhicule « flottant » (dans le trafic)
afin de mesurer le débit ou la vitesse moyenne.
Figure 1 : Les contributions de Wardrop.
Distributions en temps et en espace des
vitesses
Equation de conservation
Relation entre les moyennes
fs(v) ∝ fT(v)/v
q = kv S
2
2
v T = v S (1 + σ S / v S )
Intensité des dépassements
Formation des files d’attente, formule des
ondes de choc
Affectation du trafic
Optimum individuel
Optimum du système
Véhicule flottant
Capacités des routes, des carrefours plans et giratoires
1.2 Objectif : l’analyse des temps d'itinéraire
La formule des vitesses moyennes et la méthode du véhicule flottant
demeurent couramment utilisées en ingénierie du trafic. Elles résultent d’un
modèle de distribution des vitesses parmi une population de déplacements par
62
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
un itinéraire : chaque déplacement, considéré isolément, garde une vitesse
constante.
Dans des travaux antérieurs, nous avons approfondi le sujet en explicitant les
variations locales de la vitesse dans chaque déplacement d’allure fixée, l’allure
étant définie comme la préférence individuelle pour une vitesse de croisière :
c’est le modèle des allures individuelles et des aléas de circulation (Leurent,
2001). L’objectif du présent article est de tirer les conséquences de notre modèle
sur les formules usuelles dues à Wardrop ; et, plus largement, d’établir les
propriétés statistiques du temps d’itinéraire.
1.3 Méthode : la modélisation probabiliste
Nous utilisons la théorie des probabilités, autrement dit la science de
l’agrégation, afin de modéliser :
• L’agrégation des points le long d’une trajectoire, et la composition des
vitesses locales en un temps de parcours « bipolaire » (d’une extrémité à
l’autre).
• Pour une trajectoire potentielle, qui représente un ensemble de trajectoires
individuelles possibles, la diversité des aléas de circulation, et leur influence
d’abord sur les vitesses locales puis sur le temps bipolaire.
• Dans une population de déplacements, la diversité des « mobiles » : leur
classe (ex. type de véhicule), leur préférence pour la vitesse que nous
appelons l’allure individuelle de circulation, l’état macroscopique de trafic.
Nous combinons ces sources de diversité, de variabilité, et nous en hiérarchisons les effets au niveau tant local que bipolaire.
1.4 Plan
La suite de l’article est en trois parties principales, qui traitent respectivement :
les aspects internes à un déplacement (§ 2), les aspects collectifs dans une
population de déplacements (§ 3) et la méthode du véhicule flottant (§ 4).
2. Analyse d’une trajectoire
Nous analysons la trajectoire d’un mobile individuel en deux étapes :
• D’abord, pour une trajectoire réalisée, nous décrivons la diversité des
vitesses locales de manière probabiliste (§ 2.1).
• Puis, pour une trajectoire potentielle, nous modélisons la vitesse en un point
comme une variable aléatoire, compte tenu des aléas de circulation (§ 2.2).
Comme chaque aléa de circulation influence un élément de distance et pas
seulement un point, nous modélisons ensuite la liaison entre les variables
aléatoires « vitesses locales » des différents points, par un processus stochasti-
Actes INRETS n° 90
63
Modélisation du trafic
que indexé à la fois par la position, l’allure de circulation et l’état macroscopique
de trafic (§ 2.3).
Finalement nous donnons un modèle markovien du mobile en circulation,
avec deux états de vitesse, ce qui concrétise le processus (§ 2.4).
2.1 Les vitesses au cours d’une trajectoire
Soit une section S de longueur L, parcourue par un mobile. La trajectoire du
mobile est l’ensemble des couples (instant t, position s) dont la position s
appartient à la section S, soit s ∈ [0, L].
La vitesse instantanée du mobile se rapporte à la fois à la position et à
l’instant : on peut analyser sa distribution statistique pour la population des
positions, ou pour la population des instants.
2.1.1 Vitesses pour la population des positions
Notons F˜ S la fonction de répartition cumulée des vitesses selon les positions ;
˜f la densité ; v˜ la moyenne ; σ̃ 2 la variance.
S
S
vS
2.1.2 Vitesses pour la population des instants
Notons F˜ T la fonction de répartition cumulée des vitesses selon les instants ;
˜f la densité ; v˜ la moyenne ; σ̃ 2 la variance.
T
T
vT
2.1.3 Relations entre les deux distributions « trajectorielles »
des vitesses
Si la vitesse du mobile varie suffisamment lentement, elle présente une
certaine continuité : sur une distance courte ds elle tend à se conserver.
Cette hypothèse de continuité locale a la conséquence suivante : un état de
vitesse compris entre [v, v + dv] au point s, donc qui a la probabilité f˜S (v)dv dans
la population des positions, contribue pendant une durée ds/v à la population des
instants : donc
Notons K˜ la constante de proportionnalité telle que
sont des densités de probabilité, en intégrant il vient
. Comme ce
. En intégrant
après multiplication par v, il vient
. Au total, la vitesse moyenne des
instants est égale à l’inverse de la lenteur moyenne des positions,
.
On en déduit les mêmes propriétés formelles que pour les distributions locales
au § 3.1.3, en intervertissant les références T et S.
64
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
2.1.4 Conséquences macroscopiques
Au cours de la trajectoire, on peut mesurer des caractères macroscopiques
sur l’ensemble des positions ou l’ensemble des instants :
• Durée totale
, car chaque élément ds est parcouru en temps ds/vs
à la vitesse locale vs.
• Donc lenteur moyenne
.
• Vitesse moyenne selon les instants,
.
• Vitesse moyenne selon les positions,
.
• Variance des vitesses selon les instants,
.
• Variance des vitesses locales,
.
• Variance des lenteurs locales,
.
Selon les positions, la lenteur locale τs = 1/vs est plus significative que la
vitesse locale.
2.2 Aspects aléatoires dans une trajectoire
Dans ce qui précède, le formalisme probabiliste est une simple reformulation
de l’agrégation des éléments de distance (ou de temps) en la longueur totale (ou
la durée), pour une trajectoire réalisée. Plus profondément, pour une trajectoire
potentielle donc incomplètement connue, nous modélisons la vitesse en chaque
point par une variable aléatoire, compte tenu des aléas de circulation.
2.2.1 Description statistique de la vitesse en un point
Une « trajectoire potentielle » signifie un ensemble, une population de situations possibles : une situation particulière de cet ensemble résulte d’une influence
extérieure non contrôlée, que dans notre cas nous appelons un « aléa de
circulation » noté ω. Alors la situation potentielle correspond à un ensemble Ω
d’aléas ω.
Sur l’ensemble Ω, en un point s particulier de la section S, nous considérons
la distribution de la vitesse locale Vs, avec
• Une fonction de répartition cumulée F˜ .
s
• Une fonction de densité ˜f s .
Actes INRETS n° 90
65
Modélisation du trafic
• Une moyenne v˜ s .
• Une variance σ̃ 2Vs .
Au § 2.4 nous donnons un exemple avec deux états de vitesse respectivement rapide et lent, pour un mobile d’allure rapide qui serait épisodiquement
ralenti par des mobiles lents.
2.2.2 La lenteur locale
Plus significatif, nous considérons aussi la distribution de la lenteur locale
τs = 1/Vs, avec
• Une fonction de répartition cumulée Gs.
• Une fonction de densité gs.
• Une moyenne τ s .
• Une variance σ 2τs .
2.23 Lien avec une trajectoire réalisée
Une trajectoire réalisée, en chaque point s, présente une vitesse locale vs qui
réalise la variable Vs. Nous avons considéré au § 2.1 la distribution des vs selon
s ∈ S.
Ajoutons deux hypothèses :
• L’homogénéité « spatiale » des différents points s de la section, avec alors
une même distribution F˜ s .
• L’ergodicité de chaque trajectoire, i.e. une trajectoire réalisée donne un
échantillon suffisamment grand de l’ensemble des vitesses locales possibles.
Dans ces conditions, la distribution réalisée F˜ S tend vers la distribution
commune F˜ , d’autant plus que la section S est plus longue.
s
Même sans les hypothèses d’homogénéité et d’ergodicité, on peut encore
relier une trajectoire potentielle à un ensemble I de trajectoires réalisées i : en
chaque point s l’ensemble des vitesses locales [vs(i)]i∈Ι est un échantillon de la
variable Vs.
2.2.4 Lien avec la population des instants
La liaison entre les vitesses considérées selon les positions ou selon les
instants, est valable pour une trajectoire réalisée « suffisamment continue ». Pour
une trajectoire potentielle, même « suffisamment continue », un problème se
pose : la diversité des trajectoires induit une diversité des temps de parcours pour
arriver jusqu’en chaque point s.
Illustrons cela : entre deux trajectoires de durées différentes, comment
mélanger les deux populations des instants, en les unissant sans pondération ce
qui avantage la durée la plus forte, ou en pondérant par l’inverse de la durée ?
66
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
Pour éviter ce problème il suffit de traiter principalement la population des
positions, et de considérer la population des instants seulement pour une
trajectoire réalisée.
2.3 Le processus spatial des lenteurs locales
Au cours d’un déplacement, un aléa de circulation, même bref, s’étend à la
fois dans le temps et dans l’espace, il n’est pas ponctuel. C’est pourquoi, entre
deux positions voisines, les fluctuations des vitesses locales sont mutuellement
liées. Afin de préciser cette liaison, nous modélisons de manière collective les
variables aléatoires τs = 1/Vs, par le processus stochastique des lenteurs locales
(τs)s∈S.
2.3.1 Formalisme
Le processus stochastique (τs)s∈S à index s ∈ S est une famille de variables
aléatoires τs relatives chacune à un point s particulier. On le caractérise par :
• Localement, la fonction de répartition Gs, la moyenne τ s et la variance σ 2s .
• La fonction de covariance spatiale, qui à deux points s et u de S associe
χs(u – s) = cov[τs ; τu]. En particulier χs(0) = σ 2s .
2.3.2 Facteurs de conditionnement
Le processus stochastique se rapporte :
• à une section S,
• à certaines conditions temporelles,
• à des conditions sur le mobile : sa classe, son allure individuelle de
circulation, notée α, qui est la préférence individuelle pour la rapidité,
• à un état macroscopique de trafic, noté M, qui résume les conditions de
circulation mesurables par un observateur extérieur : débit par classe de
mobiles, vitesse moyenne du flot etc.
Pour marquer ces dépendances, on peut expliciter τsαM et χsαM.
2.3.3. Conséquences pour le temps bipolaire
Pour la section S, le temps bipolaire est la somme des lenteurs locales, soit
.
C’est une variable aléatoire, dont les caractères se déduisent de ceux du
processus grâce à la linéarité de l’intégration (cf. Leurent, 2001, chapitre 8) :
• en moyenne
;
• en variance
Actes INRETS n° 90
67
Modélisation du trafic
2.3.4 Propriétés asymptotiques (pour une section longue)
Sur une section longue, les aléas de circulation rencontrés successivement au
cours d’une même trajectoire tendent à se compenser mutuellement : la durée de
trajectoire tS se rapproche de la moyenne E[tS], au sens que le rapport
tS – E[tS]/E[tS] tend vers 0 d’autant plus que la section est plus longue.
C’est l’hypothèse d’ergodicité, que l’on traduit formellement par une fonction
de covariance χs(δ) qui diminue rapidement quand l’argument δ augmente. Alors
la variance V[tS] est bornée par une fonction linéaire de la longueur de section L.
Conséquence concrète : sur une section longue, pour des conditions macroscopiques fixées, la variance totale des temps bipolaires dans une population de
déplacements, dépend surtout de la diversité des mobiles (classes, allures), mais
peu des aléas de circulation. On peut approcher l’écart-type des temps bipolaires
par une fonction linéaire de L si la section est homogène, et on peut le
décomposer additivement en fonction des écarts-types par sous-sections ellesmêmes suffisamment longues.
2.4 Le modèle à deux états
Donnons maintenant un modèle probabiliste du trafic, qui concrétise assez
simplement les considérations précédentes.
2.4.1 Hypothèses
Sur une section de route, dans un sens de circulation, on considère deux
classes de mobiles : les mobiles lents de classe A (camions) et les mobiles
rapides de classe B (voitures), de vitesse libre respective vA et vB. Les débits sont
λA et λB.
Les mobiles lents ont une vitesse constante, tandis que les mobiles rapides
ont deux états de vitesse vB ou vA, selon qu’ils sont libres ou en suivi derrière un
mobile lent (dans l’attente d’une possibilité de dépasser).
Le modèle à deux états porte sur chaque mobile rapide, pour lequel on
suppose :
• l’indépendance par rapport aux autres mobiles rapides ;
• si le mobile est libre en un point s, alors l’intervalle qui le sépare du prochain
mobile lent (précisément, entre l’avant du rapide et l’arrière du lent) est une
variable exponentielle, à une marge de sécurité près ;
• que le changement d’état est instantané.
Sous ces hypothèses, on caractérise les changements d’état de vitesse de
manière probabiliste, par des taux de transition :
• de l’état libre à l’état ralenti, le taux de transition α tel que
68
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
• de l’état ralenti à l’état libre, le taux de transition β tel que
Les taux α et β sont des fonctions de l’état macroscopique de trafic, donc des
paramètres vA, vB, λA, λB, des longueurs individuelles, des marges de sécurité,
et des capacités d’accélération et de freinage : cf. le modèle des conflits (Leurent,
2001, chapitre 10) pour une analyse détaillée, avec des résultats pour le régime
stationnaire et le régime transitoire.
2.4.2 Conséquences en régime stationnaire
Le régime est stationnaire lorsque, pour des conditions macroscopiques
fixées, en chaque point s l’état de lenteur τs du mobile rapide est distribué entre
les états 1/vB ou 1/vA avec les probabilités stationnaires :
•
•
Cela caractérise la distribution de probabilité pour la variable aléatoire τs, avec
en conséquence :
• en moyenne
• en variance
.
.
On calcule aussi la fonction de covariance spatiale, qui est une fonction
exponentielle :
.
2.4.3 Distribution selon les instants
Au lieu de considérer les taux de transition par élément de distance ds, nous
pouvons les rapporter à l’élément de temps dt, avec
•
car alors dt = ds/vB 1,
•
.
On obtient ce résultat en détaillant le taux de transition, et en identifiant ensuite à αvB. Pour relier
directement α’ et αvB il faudrait une hypothèse supplémentaire de « continuité » de la vitesse.
1
Actes INRETS n° 90
69
Modélisation du trafic
On en déduit la distribution de probabilité pour la vitesse instantanée Vt, en
régime stationnaire :
•
•
Les moments de la vitesse instantanée sont :
• en moyenne
,
• en variance
.
Evidemment ces résultats se généralisent à tout nombre d’états de vitesse ;
donc, dans le cas markovien, la relation entre les distributions d’espace et de
temps est valable non seulement pour chaque trajectoire, mais aussi pour tout le
régime stationnaire :2
pour tout état i.
2.4.4 Conséquences pour le temps bipolaire
En régime stationnaire, on obtient :
•
•
en moyenne,
en variance.
2.5 Bilan
Nous avons analysé de manière statistique la distribution des vitesses locales
dans une trajectoire, et la relation entre les populations des positions et des
instants.
La position est le facteur clef pour modéliser les aléas de circulation et leur
influence sur le temps bipolaire. La variabilité de celui-ci, sur section longue,
résulte surtout des différences entre individus et peu des aléas de circulation.
Cette relation entre échelle locale et échelle bipolaire est une contribution
originale, de même que le modèle markovien pour le trafic.
2
La formule suivante est valable pour des densités discrètes de probabilité.
70
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
3. Analyse d’un ensemble de déplacements
Dans une population de déplacements, typiquement l’ensemble des trajectoires sur une section S pendant une période donnée, on peut distinguer plusieurs
groupes : par classe de mobiles, par allure de circulation, par état macroscopique
de trafic.
Nous fixons ici l’état macroscopique, et nous conservons les autres sources
de variabilité : nous notons uniquement
• l’allure α pour la classe et l’allure ;
• les aléas de circulation ω.
Nous commençons par caractériser les distributions des vitesses en temps et
en espace, pour un observateur extérieur, et par montrer leur caractère local
(§ 3.1). Puis nous les relions aux distributions trajectorielles de la partie précédente (§ 3.2). Finalement nous imputons les variabilités des lenteurs locales ou
des temps bipolaires, aux allures et aux aléas (§ 3.3).
3.1 Distributions locales des vitesses, en temps ou en espace
Nous qualifions « d’externes » les vitesses telles qu’un observateur extérieur
peut les mesurer, au bord de la route.
3.1.1 Population des instants de passage
En un point s d’une route, pour une période donnée, les passages des
mobiles d’un certain type forment une population statistique, appelée la population externe temporelle. Leurs vitesses instantanées sont un caractère statistique, une variable aléatoire.
Cette variable aléatoire est conditionnée par deux facteurs :
• La distribution des paramètres individuels α des mobiles, représentée avec
une fonction de répartition A.
• L’état macroscopique M pendant la période.
Ces facteurs influent sur la répartition des vitesses instantanées : en particulier un trafic fort réduit la moyenne, et réduit aussi l’écart-type en resserrant
l’éventail des vitesses.
A position s, structure (α) et état M fixés, notons FTs la fonction de répartition
cumulée des vitesses instantanées pour la population temporelle des passages,
2
fTs la densité, vTs la moyenne, et σ Ts la variance.
3.1.2 Population « spatiale » des couples (position, instant)
Considérons un petit intervalle [s, s + ds] de la route, et les couples (position,
instant) associés à chaque mobile présent dans l’intervalle pendant une période
donnée. Ces couples forment une population statistique, appelée la population
externe spatiale. La vitesse du mobile constitue un caractère statistique de
Actes INRETS n° 90
71
Modélisation du trafic
chaque couple, une variable aléatoire, encore conditionnée par la structure (α) et
par l’état M.
Nous notons FSs la fonction de répartition cumulée des vitesses spatiales, fSs
2
la densité, vSs la moyenne, et σ Ss la variance.
3.1.3 Relations entre les deux distributions
En supposant que chaque mobile i garde sa vitesse vi constante sur
l’intervalle [s, s + ds], il contribue pendant une durée ds/vi à la population spatiale,
donc d’autant plus longtemps qu’il est plus lent : ainsi
.
Notons K la constante de proportionnalité telle que
.
Comme ce sont des densités de probabilité, en intégrant il vient ETs[1/v] = K. En
multipliant par v puis en intégrant, on obtient aussi 1 = K ESs[v] : au total
.
Soit un exposant n. En multipliant la relation de base par vn puis en intégrant,
il vient
.
Le cas n = 2 donne
, appelée la formule
de Wardrop entre la vitesse moyenne temporelle et la vitesse moyenne spatiale.
L’hypothèse de vitesse constante pour chaque mobile sur la distance ds,
limite ces relations à une portée locale.
3.1.4 Conséquences macroscopiques
Soit q le débit au point s (pour la catégorie étudiée). Pendant la durée H de la
période, il passe un nombre qH de mobiles. Le nombre de ces mobiles dont la
vitesse est comprise entre v et v + dv s’élève à qHfTs(v)dv.
Sur l’intervalle [s, s + ds], à un instant donné, soit k la concentration spatiale
en mobiles, donc kds le nombre de mobiles présents. Le nombre de ces mobiles
dont la vitesse est comprise entre v et v + dv s’élève à k ds fSs(v)dv. Pendant H,
la durée totale de séjour passée dans l’intervalle par les mobiles dans cette
tranche de vitesse est donc Hk ds fSs(v)dv.
Comme chaque passage en s à vitesse v provoque un séjour de durée ds/v
sur l’intervalle [s, s + ds], on vérifie qHfTs(v) dvds/v = Hk ds fSs(v) dv, donc aussi
qfTs(v) = kvfSs(v) après simplification, et après intégration q = kvSs.
C’est pourquoi on appelle aussi vSs la vitesse moyenne du flot, égale à q/k.
72
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
3.2 Relation entre les distributions trajectorielles et externes
Au § 3.1 nous avons rappelé la relation
entre la densité
temporelle et la densité spatiale des vitesses externes, en un point donné et pour
une classe de mobiles.
Au § 2.1 nous avons donné une relation « renversée »
entre
la densité temporelle et la densité spatiale des vitesses trajectorielles, au long
d’une trajectoire pour un mobile donné.
Il reste à expliquer la correspondance entre les distributions externes et les
distributions trajectorielles.
Restreignons-nous à une seule classe de mobiles pour toutes ces distributions.
3.2.1 Interception en un point
Chaque passage d’un mobile, au point de mesure s, correspond à un instant
pour un observateur, mais à une position pour le mobile. Donc la densité externe
temporelle fTs correspond à la densité trajectorielle spatiale f˜S .
En conséquence :
• La vitesse trajectorielle en moyenne d’espace, v˜ s , équivaut à la moyenne
temporelle externe v Ts .
2
• La variance σ̃ Vs équivaut à la variance temporelle externe σ 2Ts .
3.2.2 Interception à un instant
Sur un intervalle [s, s + ds], un examen à l’instant t correspond à une
distribution externe spatiale, et pour les trajectoires à une vitesse instantanée,
donc à la distribution trajectorielle temporelle. Donc fSs correspond à f˜ t .
En conséquence :
• La moyenne v˜ t équivaut à la moyenne spatiale externe v Ss .
2
• La variance σ̃ Vt équivaut à la variance spatiale externe σ 2ss .
3.2.3 Au total
Ces relations entre les distributions trajectorielles et externes, justifient les
relations formelles respectives fTs ∝ vfSs côté externe, et f˜ s ∝ vf˜ t côté trajectoriel.
Actes INRETS n° 90
73
Modélisation du trafic
Nous en déduisons une méthode pour analyser la variance temporelle des
vitesses externes locales d’un groupe de déplacements, en la décomposant entre
la variance intra-individu et la variance inter-individus :
• La variance externe locale pour une allure α est
. On peut la
mesurer sur une section homogène car alors
la variance
réalisée : pour le calcul on recueille f˜ T ( α ) , dont on déduit f˜ S ( α ) puis
σ̃ 2vS ( α ) .
• La variance intra-individu est la moyenne des variances externes locales sur
l’ensemble des allures, i.e.
tillon de taille I, avec
. On l’estime par un échan.
• La variance inter-individus est la différence entre la variance temporelle
totale σ 2Ts (mesure directe) et la variance intra-individu σ 2TsA .
3.3 Du niveau local au niveau bipolaire
3.3.1 Niveau local
Au niveau local, chaque allure α a une lenteur locale τsα dont la moyenne τ sα
décroît avec l’allure. En moyenne sur toutes les allures et toutes les lenteurs de
chaque allure, en notant par un indice A l’agrégation selon les allures,
Les variations de lenteur particulières à l’allure α ont une variance V[tsαα]
notée χ̃ sα ( 0 ). En ajoutant les variations entre les différentes allures, il vient
D’où la relation entre les dispersions relatives γX = σX/E[X] :
3.3.2 Niveau bipolaire
Au niveau bipolaire, on montre que
l’hypothèse d’ergodicité. Comme
74
grâce à
cela implique que
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
3.3.3 Relations entre les deux niveaux, local et bipolaire
En reliant les deux niveaux, nous obtenons la relation
entre
les dispersions relatives des deux distributions temporelles, respectivement
locale (γ1/ν) et bipolaire (γL).
Ainsi le modèle des allures individuelles distingue bien le niveau local du
niveau bipolaire.
3.3.4 Evidence empirique
Pour les VL sur autoroute interurbaine (cf. Leurent, 2001, § 8.A4), γT = 11 %,
γL = 8 % et vS = 130 km/h = 2,2 km/mn. Nous en déduisons χ̃ (0) ≈ (0,03 mn/
km)2 : cet ordre de grandeur est confirmé par le modèle microscopique du § 2.4
(cf. Leurent, 2001, § 10).
4. Sur la méthode du véhicule flottant
Un véhicule flottant (VF) est un véhicule qui circule dans un flot de trafic afin
d’en mesurer la vitesse moyenne d’espace. La méthode du véhicule flottant a été
développée par Wardrop et Charlesworth (1954), elle est largement utilisée.
Dans cette partie, grâce à l’analyse désagrégée du trafic, nous étendons la
méthode et ses hypothèses, et nous élargissons ses conditions d’application, sa
portée, ses résultats : nous développons en particulier un estimateur du maximum de vraisemblance pour la distribution des vitesses.
Nous commençons par rappeler son principe et son application courante
(§ 4.1). Puis nous proposons d’autres formes d’application, afin d’estimer non
seulement la vitesse moyenne d’espace, mais encore les distributions temporelle
et spatiale des vitesses (§ 4.2). Ensuite nous discutons les hypothèses de la
méthode, et nous proposons une mesure sommaire de précision pour la vitesse
moyenne estimée (§ 4.3).
Le modèle des allures individuelles implique que le véhicule flottant mesure la
distribution des vitesses trajectorielles moyennes, et non des vitesses instantanées (§ 4.4). Le modèle de goulot spatial invalide la méthode du véhicule flottant
pour des routes à voie unique (§ 4.5). Enfin le modèle des conflits permet une
utilisation très puissante de la méthode, grâce à un estimateur du maximum de
vraisemblance pour la distribution des vitesses (§ 4.6).
4.1 Principe
Soit une section de route de longueur L. On considère un sens de circulation,
de débit q, concentration k, répartition temporelle des vitesses FT et répartition
spatiale FS, vitesse moyenne spatiale vS.
Le véhicule flottant parcourt la section à la vitesse u ; de t0 à t1 = t0 + L/u. Il
rattrape les véhicules moins rapides de vitesse v < u, partis entre t1 – L/v et t0 :
Actes INRETS n° 90
75
Modélisation du trafic
ces véhicules sont en nombre t0 – (t1 – L/v) = L(v–1 – u–1) fois l’intensité qfT(v)dv,
donc qL(v–1 – u–1) fT(v)dv.
Au total le VF rattrape un nombre de véhicules
Il est lui-même rattrapé par les véhicules plus rapides partis entre t0 et t1 – L/v,
en nombre qL(u–1 – v–1) fT(v)dv pour chaque vitesse v > u.
Le nombre total de rattrapants est
.
1 1
La différence des deux décomptes est n + – n – = qL  --- – ------ .
u v 
S
4.2 Application usuelle et variantes
Si le véhicule flottant ajuste sa vitesse u pour que n+ = n–, alors u = vS : c’est
l’application usuelle.
Une variante est de mesurer q par un second observateur, et de fixer u a
priori : on obtient alors le temps moyen
. On peut ainsi mesurer
le temps moyen d’une classe de véhicules lents (ou au contraire rapides) : si le
–
véhicule flottant circule plus vite que les camions, il rattrape n C camions pendant
son parcours, ce qui correspond à
.
Autre variante : on peut spécifier les répartitions FT et FS comme des fonctions
standard de la vitesse et d’un vecteur Θ de paramètres. Alors des mesures
permettent d’estimer Θ, donc de caractériser les distributions.
Nous recommandons d’utiliser une distribution log-normale LN(a, b) des
vitesses spatiales. Dans ce cas
et
. De plus
les vitesses temporelles suivent une distribution log-normale LN(a + b2, b)(3),
avec donc γT = γS. On vérifie bien que
conformé-
ment à la formule de Wardrop puisque dans ce cas
3
En effet
76
.
.
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
Alors un VF à la vitesse ui dépasse
véhicules, ce qui
donne un point d’observation sur q, a et b.
Avec un nombre de points I ≥ 3, on résout le problème et on obtient non
seulement vS mais aussi γS et toute la distribution des vitesses4.
Au § 4.6, nous donnons un estimateur du maximum de vraisemblance pour
estimer Θ et q : une mesure par véhicule flottant et un comptage local peuvent
suffire !
4.3 Hypothèses et précision
La méthode suppose que la section de route est homogène, avec partout la
même distribution spatiale des vitesses, le même trafic.
Sa validité nécessite une taille d’échantillon n = n+ + n– suffisante, donc une
longueur suffisante. Si u ≈ vS alors
car
q/vS = k la concentration et par une approximation dans le cas log-normal.
En notant σS l’écart-type de la distribution spatiale des vitesses, l’approximation gaussienne est valide si n ≥ 30 ou si γS = σS/vS << 1 (vérifié notamment pour
les VL). On peut alors estimer la vraie moyenne vS par intervalle de confiance, de
forme
[n]
avec v̂ s la moyenne estimée et t α ⁄ 2 le fractile d’ordre
1 – α/2 d’une variable de Student à n degrés de liberté.
Rappelons que σS est lié à l’écart-type des temps bipolaires, σP = Lσ, par
l’approximation
donc σS ≈ σv 2S
4.3.1 Application numérique
Un véhicule flottant parcourt une longueur L = 20 km à la vitesse u = 75 km/h.
Il dépasse n– = 19 véhicules et il est lui-même dépassé par n+ = 13 véhicules. Un
observateur extérieur compte le débit q = 800 véh/h.
La vitesse moyenne prédite est
= 72,9483283 km/h.
En supposant σS = 13,5 km/h, comme n = n+ + n– = 32, un intervalle de
confiance à 95 % pour la vraie vitesse moyenne vS est [67,3, 78,6] km/h.
4 La solution à I véhicules flottants peut s’implémenter avec un seul véhicule et I capteurs dans le cas
d’une section homogène très longue, partagée en I arcs i de longueurs Li encore importantes,
équipés chacun d’un capteur. Par homogénéité, FT et FS sont communes aux arcs. Le véhicule
parcourt chaque arc à une vitesse particulière ui, tandis que le capteur de l’arc mesure le débit local
qi. Les I mesures remplacent les I parcours.
Actes INRETS n° 90
77
Modélisation du trafic
Cette mesure de précision est sommaire, car l’écart type σS correspond à la
population spatiale des vitesses, qui n’est pas identique à la population des
vitesses des mobiles rencontrés (celle-ci est le mélange de la distribution
tronquée des vitesses sur [0, u] et de celle sur [u, ∞ [, en proportions respectives
ρ–
p = ------------------ et 1 – p avec les notations du § 4.6. Dans le cas log-normal, avec
ρ– + ρ+
les formules des moments tronqués d’ordre 1 et 2, on calcule facilement la
moyenne et la variance du mélange).
4.4 Enseignements du modèle des allures individuelles
La preuve de Wardrop nécessite que chaque véhicule conserve sa vitesse v.
D’après les modèle des allures individuelles, les vitesses peuvent varier localement au cours de chaque trajectoire individuelle.
Cela ne compromet pas la méthode, à condition d’en renouveler
l’interprétation : il faut interpréter FT et FS comme les répartitions de la vitesse
« moyenne harmonique par trajectoire », notées v˜ α = 1/τα. En effet l’hypothèse
d’ergodicité spatiale assure que chaque véhicule d’allure α a une vitesse
moyenne harmonique de trajectoire proche de 1/τα si la longueur L est
suffisamment grande.
4.5 Enseignements du modèle de goulot spatial
Sur un goulot à voie unique, un mobile ne peut ni dépasser ni se laisser
dépasser. Tant qu’il est isolé, il mesure son propre temps de parcours libre. Dès
qu’il rejoint un autre mobile, il mesure le temps de parcours du peloton.
Dans ce cas, fréquent en milieu urbain, le véhicule flottant devient un véhicule
suiveur. Son temps de parcours a une portée individuelle, et non collective.
Il importe de déduire les goulots d’un itinéraire mesuré par véhicule flottant.
Pour connaître la distribution du temps de parcours du goulot, un modèle
probabiliste est meilleur que des mesures, car la variance est élevée et difficile à
contrôler (elle dépend des arrivées des camions).
La solution astucieuse est de mesurer la position et l’instant du premier
rattrapage dans le goulot. Par différence avec la position et l’instant d’entrée, on
calcule une vitesse individuelle de voiture libre. Ensuite, par différence avec la
position et l’instant de sortie, on calcule une vitesse individuelle de camion. Il
reste à combiner ces éléments avec une mesure exogène du débit en camions,
pour inférer le temps de parcours en moyenne et en variance.
4.6 Enseignements du modèle des conflits
Soit une route sans restriction au dépassement. Faisons l’hypothèse que les
flots d’arrivées des véhicules, respectivement moins rapides ou plus rapides que
le véhicule flottant, sont poissonniens. D’après les formules du rattrapage
78
Actes INRETS n° 90
Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop
(Leurent, 2001, § 10.B), nous connaissons leurs intensités spatiales en fonction
de u, q, et des fonctions de répartition FT et FS :
•
pour les véhicules moins rapides,
•
pour les véhicules plus rapides.
Sur une distance L, le nombre n– (resp. n+) est une VA de Poisson d’intensité
(resp. ρ+L). En supposant l’indépendance des deux flots, le couple (n–, n+) a
pour densité de probabilité
ρ–L
.
En fonction des paramètres Θ de FT et FS, la log-vraisemblance d’une mesure
(n–, n+) est
.
Nous pouvons estimer Θ et q en maximisant la log-vraisemblance Λ. Il suffit
de sommer les log-vraisemblances pour ajouter des mesures indépendantes, par
véhicule flottant, ou la mesure du débit q d’après N véhicules comptés pendant
une durée H. Sous l’hypothèse poissonnienne, la densité du comptage est
e–qH(qH)N/N !, donc on ajoute – qH + N ln(qH) à la log-vraisemblance.
On peut construire des intervalles de confiance pour Θ, basés sur la normalité
asymptotique de l’estimateur du maximum de vraisemblance, et ensuite propager
l’incertitude d’estimation jusque sur les moments des vitesses.
4.6.1 Application numérique
Reprenons les valeurs précédentes et supposons que la population
« spatiale » des vitesses soit distribuée LN(a, b). La maximisation numérique de
Λ par rapport à a et b donne :
• â = 4,27,
• b̂ = 0,18.
On en déduit, par report et calcul d’incertitude, que
2
a+b /2
• pour la moyenne v̂ S = e
= 72,948327 km/h, avec un intervalle de
confiance à 95 % de [69,3 ; 76,7] km/h.
2
• pour l’écart-type σ̂ S = v̂ S exp ( b ) – 1 = 13,5 km/h, avec un intervalle de
confiance à 95 % de [8,7 ; 18,4] km/h.
Actes INRETS n° 90
79
Modélisation du trafic
Remarquer que la moyenne est très proche de la formule déterministe
appliquée au § 4.3. L’intervalle de la moyenne est plus étroit que celui construit
au § 4.3 pour la même valeur d’écart-type.
5. Conclusions
Jusqu’à présent l’analyse statistique des vitesses instantanées et des temps
d’itinéraires, restait subordonnée à l’hypothèse des « vitesses constantes par
trajectoire », développée par Wardrop qui en a tiré des formules fameuses. Nous
avons renouvelé et approfondi cette analyse, en modélisant de plus les fluctuations de vitesse au cours d’une trajectoire, et en remplaçant l’hypothèse de
Wardrop par l’hypothèse des allures individuelles : que chaque mobile conserve
son allure, qui est une préférence individuelle pour la rapidité.
Cet approfondissement a pour conséquences :
• Au niveau d’une trajectoire, l’explicitation de deux distributions des vitesses,
respectivement selon les positions ou selon les instants, reliées par la même
relation formelle que les vitesses externes temporelles ou spatiales chez
Wardrop.
• Au niveau local, la variabilité des vitesses résulte non seulement de la
diversité des allures, mais encore des aléas de circulation.
• Pour une population de trajectoires avec des allures variées, la variabilité
des temps bipolaires dépend à la fois de la variété des allures et de celle
des aléas de circulation. La part relative des allures domine d’autant plus
que la longueur est plus grande.
Pour obtenir ces résultats, nous avons développé considérablement la
modélisation probabiliste du trafic au niveau individuel, avec le processus spatial
des lenteurs locales, et un modèle microscopique d’états qui le concrétise. Le
modèle microscopique nous a permis de renouveler également la méthode du
véhicule flottant.
Bibliographie
Leurent F. (2001).- Modèles Désagrégés du Trafic. Rapport INRETS Outils et
Méthodes # 10. INRETS, Arcueil, France.
Leurent F. (2002).- Probabilistic Properties of Path Travel Times. Bari, Italy.
Lighthill M.H. and Whitham G.B. (1955) On kinematic waves. I – Flood movement
in long rivers. II – A theory of traffic flow on long crowded roads. Proc.
Royal Society, A229, 281-316 and 317-345.
Wardrop J.G. (1952).- Some theoretical aspects of road traffic research. Proc.
Inst. Civil Engrs I, 325-378.
Wardrop J.G. & Charlesworth (1954).- A method of estimating speed and flow of
traffic from a moving vehicle. Proc. Institution of Civil Engineers, 312,
pp. 158 et sq.
80
Actes INRETS n° 90
C. Etudes statistiques du trafic
appliquées à la sécurité routière
Actes INRETS n° 90
81
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Forme fonctionnelle d’un modèle
mensuel agrégé de risque routier
Ruth Bergel1, Alexandre Depire2
1 INRETS-DERA.
2 ISUP, INRETS-DERA.
Résumé
Ce texte présente un modèle explicatif de l’évolution des nombres mensuels
d’accidents corporels et de tués sur les routes nationales et les autoroutes françaises. Deux facteurs de risque sont pris en compte : l’exposition au risque, mesurée
par une variable principale de trafic, et le facteur climatique, mesuré par des variables
secondaires relatives à la température, à l’occurrence de gel et à la pluie.
Un modèle avec transformation logarithmique de l’endogène et transformation
de Box-cox sur l’exogène principale a été établi sur la période 1975-1993, puis
sur la période étendue 1975-1998. Des tests de comparaison de la spécification
initiale à deux cas particuliers ont été réalisés, et les réponses à ces tests sont
les mêmes sur la période 1975-1993 et sur la période 1975-1998.
Il ressort qu’il n’y a pas de différence significative entre le modèle avec
transformation de Box-Cox sur l’exogène principale et le modèle avec transformation logarithmique sur l’exogène principale, de sorte que l’on peut pour des
raisons de parcimonie retenir cette seconde spécification, largement utilisée.
Toutefois, l’utilisation de la forme fonctionnelle optimale permet de s’affranchir
de l’hypothèse d’une élasticité constante au trafic, et de prendre en compte
certains effets de saturation relativement au trafic.
Mots-clés
Risque routier, exposition au risque, accidents, tués, trafic, routes nationales,
autoroutes, climat, température, gel, pluie, Box-Cox.
1. Introduction
Depuis le début des années 1980, le suivi temporel des statistiques mensuelles d’accidents corporels et de victimes (tués, blessés graves et légers) de la
Actes INRETS n° 90
83
Modélisation du trafic
circulation routière ne se limite plus à l’approche descriptive traditionnelle, de
simple constat, mais vise à quantifier l’influence des facteurs explicatifs de la
fréquence et de la gravité des accidents (Lassarre, 1994). A des modèles
descriptifs ont succédé des modèles à variables explicatives ou exogènes,
construits sur la base d’une formulation économique plus riche, avec une
spécification économétrique plus élaborée.
Cette évolution des modèles s’inscrit dans le cadre d’une approche systémique de l’insécurité routière, qui consiste à appréhender le système de sécurité
routière dans sa globalité en prenant en compte l’ensemble des déterminants du
risque routier. Un ensemble de variables associées à des facteurs de risque ont
émergé, grâce à un grand nombre de modèles sur données agrégées, développés sur coupes transversales et sur séries temporelles à périodicité annuelle et
mensuelle (Hakim et al. 1991). Dans cet ensemble, les variables associées à
l’exposition au risque occupent la première place.
En modélisant la tendance annuelle du taux de tués (nombre de tués par
véhicule-kilomètre) comme une fonction exponentielle décroissante du temps,
Koornstra et Oppe (1990), mettent en évidence l’importance du trafic comme
indicateur d’exposition au risque, et son effet multiplicatif sur le nombre de tués1.
La plupart des modèles agrégés, explicatifs des nombres mensuels d’accidents
corporels et de victimes de la circulation routière de la plupart des pays européens,
utilisent le trafic mensuel (voire une proxy du trafic telle que la consommation de
carburant lorsque celui-ci n’est pas connu) comme mesure de l’exposition au
risque, et lui attribuent un effet multiplicatif (COST 329, 2003 à venir).
La forme la plus complexe de modèle explicatif du risque routier est due à
Gaudry (1984), qui propose une représentation structurée du système de
sécurité routière avec un modèle sur données mensuelles agrégées, qui est
explicatif, à trois niveaux et à forme fonctionnelle plus générale que celle des
modèles précédents.
Les trois niveaux considérés sont ceux de l’exposition au risque, du risque
d’accident et de la gravité de l’accident. En utilisant notamment une transformation de Box-Cox sur les variables, il autorise des effets non strictement
multiplicatifs entre les variables explicatives et la variable à expliquer.
2. Problématique
Nous nous intéressons aux deux niveaux de risque routier (risque d’accident
et gravité de l’accident) et nous proposons un modèle explicatif des nombres
1
Le modèle proposé pour le taux de tués a ensuite été suivi d’une formulation plus
générale, dans laquelle le nombre de tués est une fonction directe du trafic. De manière
similaire, la modélisation du taux d’accidents (nombre d’accidents corporels par véhiculekilomètre) a fait place à une modélisation directe du nombre d’accidents par une fonction
du trafic ; cette formulation trouve d’ailleurs sa principale justification dans les résultats des
études microscopiques d’accidents.
84
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
d’accidents corporels et de tués, établi sur données mensuelles et sur longue
période sur les routes nationales et les autoroutes françaises, les deux réseaux
sur lesquels le trafic mensuel est mesuré. Nous ne retenons ici qu’un petit
nombre de facteurs exogènes : l’exposition au risque et le facteur climatique, qui
apparaît significatif du risque routier sur une base mensuelle (Fidstrom et al.,
1995, et de manière plus générale : Gaudry, Lassarre, 2000).
Les deux indicateurs modélisés, représentatifs du risque d’accident et de sa
gravité sont les nombres mensuels d’accidents corporels et de tués, définis
sur un réseau donné. Pour chacun de ces indicateurs, les variables explicatives
retenues sont d’une part le volume de trafic mensuel enregistré sur le réseau, et
d’autre part trois variables météorologiques – la température journalière maximale, l’occurrence journalière de gel et la hauteur journalière de pluie -, agrégées
ou moyennées par mois et sur l’ensemble du territoire.
Dans la spécification que nous retenons, décrite dans l’équation 1, la variable
endogène subit une transformation logarithmique2 et s’exprime comme combinaison linéaire d’une variable principale de trafic subissant une transformation de
Box-Cox de paramètre λ et de variables météorologiques secondaires. Cette
spécification générale comporte les deux cas particuliers : λ = 0 et λ = 1,
correspondant aux équations 2 et 3, et nous chercherons à déterminer si la
spécification générale diffère significativement de l’un et de l’autre de ces deux
cas particuliers. Dans tous les cas, les variables secondaires ont un effet linéaire
sur le logarithme de la variable endogène.
Rappelons la transformation de Box-Cox Tλ de paramètre λ (Box, Cox, 1964)
définie par :
et les trois équations considérées :
Équation 1 : Modèle général
Équation 2 : Cas particulier λ = 0
2 Notons que seule l’ exogène principale subit la transformation T . Nous ne cherchons
λ
pas à estimer le paramètre de Box-Cox pour l’endogène Y, car cela nécessite de faire
l’hypothèse que pour toute valeur de λ, Yλ est une variable gaussienne.
Actes INRETS n° 90
85
Modélisation du trafic
Équation 3 : Cas particulier λ = 1
où φ(B) est un polynôme en B représentant la dynamique du processus corrigé
des effets exogènes, et ut un bruit blanc,
avec : pour Y le nombre d’accidents corporels ou de tués sur un réseau
donné,
pour X1 la variable principale représentant le trafic sur le même réseau,
pour Xj j = 2,...,J + 1 les J variables secondaires représentant la
météorologie.
Le plan que nous retenons est le suivant. Nous décrivons d’abord la base de
données utilisée. Nous exposons ensuite la méthode employée pour estimer le
paramètre de Box-Cox de la variable principale, sur une période initiale fixée à
1975-1993, puis la manière de réaliser des tests d’hypothèse sur ce paramètre ;
nous exposons aussi la démarche retenue pour juger de la stabilité des résultats
par extension de la période d’étude à 1973-1998. Nous interprétons enfin les
résultats obtenus.
3. La base de données
La base de données est constituée de séries chronologiques mensuelles,
entre 1975 et 1998, relatives aux indicateurs de risque (les statistiques d’accidents et de tués), à une mesure d’exposition au risque (le volume de trafic), et au
facteur climatique agrégé sur la France entière.
Les deux réseaux principaux considérés sont les routes nationales et les
autoroutes (ensemble des autoroutes concédées et non concédées). Afin de
mieux mettre en évidence les différences entre ces deux types de réseaux, nous
retenons également le sous-réseau autoroutier concédé, sur lequel s’effectue
maintenant la majeure partie du trafic autoroutier.
Les données agrégées de l’année 1998, pour les indicateurs de risque et
d’exposition au risque, sont données dans le tableau 1. Les graphiques de
l’ensemble des échantillons de données utilisés sont donnés en annexe.
3.1 Indicateurs de risque
Les nombres d’accidents corporels et de tués, mesurés sur routes nationales,
sur autoroutes et sur autoroutes concédées (ACCRN, ACCA et ACCAC d’une
part, TUERN, TUEA et TUEAC d’autre part) sont fournis par le bulletin d’analyse
des accidents de la circulation routière (BAAC). Est comptabilisé comme accident
corporel celui qui génère au moins une victime (tué, blessé grave ou blessé
léger), et comme tué la victime qui décède dans un délai de six jours à compter
de l’accident.
86
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Tableau 1 : Les données de 1998
Routes
nationales
Autoroutes
concédées
Autoroutes
non
concédées
Accidents
moy. Mensuelle
% France entière
11 807
984
9,49 %
2 426
202
1,95 %
3 484
290
2,80 %
17 717 36 278
1 476
3 023
14,24 % 29,17 %
70 392
5 866
56,59 %
124 387
10 366
Tués
moy. Mensuelle
% France entière
1 928
161
22,85 %
341
28
4,04 %
130
11
1,54 %
2 399
4 373
200
364
28,43 % 51,83 %
1 665
139
19,73 %
8 437
703
Trafic
(10*8 veh-km)
moy. Mensuelle
% France entière
886,28
73,86
595,15
50
373,81
31,15
1 855,24
154,6
environ 1/3
24 000
6 646
2 117
32 763
Longeur du
réseau (km)
Réseau
national
Routes
Aggloméseconrations
daires
France
entière
Source : ONISR/SETRA.
Nota :Les données relatives aux routes secondaires, aux agglomérations et à la France entière sont
données à titre indicatif.
3.2 Exposition au risque
Les indicateurs de mesure de l’exposition au risque sont les trafics – ou
kilométrages ou parcours – effectués par l’ensemble des véhicules circulant sur
routes nationales, sur autoroutes et sur autoroutes concédées (PARN, PAAU et
PAAC), mesurés en centaines de millions de véhicules-kilomètres à partir de
compteurs magnétiques (source : système national de recueil de données). Il s’agit
de séries agrégées, qui ne permettent pas de distinguer le type de véhicule circulant.
3.3 Facteur climatique
Les variables météorologiques retenues ici pour modéliser l’influence des
conditions climatiques sur les indicateurs de risque sont relatives à la température,
à l’occurrence de gel et à la pluie. De fait, si la pluie est un facteur de risque connu,
la température et l’occurrence de gel, qui traduit un froid prolongé, ont un effet sur
la mobilité, et donc de manière indirecte sur les indicateurs agrégés retenus.
Les variables mensuelles retenues mesurent la température maximale du
jour, l’occurrence journalière de gel (présence/absence de température maximale
du jour négative) et la hauteur journalière de pluie, agrégées ou moyennées sur
le mois. Les variables journalières retenues sont elles-mêmes des moyennes de
données journalières observées en une centaine de stations météorologiques
réparties sur le territoire national.
Actes INRETS n° 90
87
Modélisation du trafic
4. Recherche du paramètre de Box-Cox
Le but de cette partie est d’exposer la méthode employée pour estimer le
paramètre λ de Box-Cox du modèle général, décrit dans l’équation 1. Les
coefficients des variables exogènes secondaires et les paramètres de la dynamique sont estimés dans le même temps.
La difficulté de cette formulation est l’estimation non linéaire du paramètre de
Box-Cox. Les procédures classiques disponibles dans les logiciels courants ne
permettent pas d’obtenir facilement une estimation, en effet d’une part certaines
estiment des paramètres dans un cadre non linéaire (procédure NLIN dans SAS)
mais ne sont pas adaptées à la modélisation des séries temporelles, d’autres
s’emploient dans un cadre temporel (procédure ARIMA) mais ne permettent pas
de paramétrer une transformation des variables exogènes.
Dans cette partie, nous faisons l’hypothèse que pour tout indicateur et sur tout
réseau, le logarithme de l’indicateur modélisé, conditionnellement aux variables
exogènes, suit une loi approximativement normale. Nous utilisons dans l’algorithme d’estimation exposé maintenant la procédure AUTOREG dans SAS,
appropriée pour estimer un modèle de régression linéaire avec résidus autocorrélés (cf. Brockwell et Davis, 1998).
4.1 Algorithme d’estimation
Pour estimer le paramètre de la transformation de Box-Cox, pour chaque
exogène principale, nous allons procéder par discrétisation selon une grille de
valeurs, ainsi le paramètre λ va successivement parcourir l’intervalle [– 4 ; + 4]
avec un pas δ.
Nous détaillons l’algorithme utilisé.
La difficulté réside dans la non linéarité du modèle en λ, elle est contournée
en fixant la valeur du paramètre.
En pratique, on fixe un pas δ (0,08 afin d’échantillonner l’intervalle sur
100 valeurs) puis on applique l’algorithme suivant pour le iième pas :
1. Application de la transformation avec λi ;
2. Estimation par le maximum de vraisemblance du modèle ARMAX dont
l’exogène principale est
,
3. Calcul d’une fonction objectif, ici la somme des carrés des résidus ;
4. Retour à la phase 1, en prenant λi+1 = λi + δ tant que λi+1 < λmax.
Une fois la procédure achevée, on retient la valeur du paramètre associée à
la plus petite des 100 valeurs prises par la fonction objectif.
Au final, pour le modèle retenu, les tests usuels sur les résidus sont effectués :
tests d’indépendance (test des up and down), de bruit blanc (test utilisant la
88
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
statistique de Shapiro-Wilk), de normalité (test de Fisher), et sont dans l’ensemble satisfaisants, voir tableau 2a ; en particulier, l’hypothèse de non autocorrélation (test de Ljung-Box) a été validée.
4.2 Résultats
Les résultats commentés ci-après sont donnés dans les tableaux 2a et 2b.
Le paramètre de Box-Cox relatif au trafic est négatif dans tous les cas : – 0,28,
– 0,04 et – 0,28 pour les accidents sur autoroutes, sur autoroutes concédées et
sur routes nationales, et – 0,36, – 0,36 et – 1,33 pour les tués respectivement.
Certaines estimations sont égales à la précision de calcul près, qui est de ± 0,04,
et cette égalité apparente résulte du choix fait pour le pas. Une précision plus
grande n’a pas été jugée utile pour notre problématique.
Dans tous les cas, le coefficient β relatif à l’exogène principale est significativement différent de 0, alors que les paramètres relatifs aux variables secondaires
ne sont pas toujours significatifs au seuil habituel. Ainsi sur les vingt-quatre
paramètres des équations de risque et de gravité, seize le sont au seuil de 95 %
(t-ratio > 2), quatre à un seuil compris entre 70 % et 95 % (1 < t-ratio < 2) et
quatre sont non significatifs (t-ratio < 1).
Les variables climatiques ont néanmoins été systématiquement conservées
pour des raisons de commodité.
L’interprétation des paramètres sera abordée dans les paragraphes 7 et 8.
5. Tests d’hypothèse
Cette partie présente l’outil nécessaire pour répondre à la question suivante :
le modèle fourni par l’équation 1 est-il significativement différent du modèle fourni
par l’équation 2 (ou du modèle fourni par l’équation 3) ?
L’approche retenue consiste à comparer la vraisemblance de deux modèles
emboîtés (Enders, 1995) : on cherche à savoir s’ils différent significativement.
Les modèles des équations 2 et 3 sont de fait deux cas particuliers du modèle de
l’équation 1, dans la mesure où la valeur du paramètre est fixée à 0 puis à 1.
La statistique utile est la quantité suivante :
avec : Vu la vraisemblance du modèle où λ a été estimé (unrestricted),
Vr la vraisemblance du modèle où λ a été fixé, à 0 ou à 1 (restricted).
Le test appartient à la famille des tests de rapport de vraisemblance.
La statistique G suit, sous l’hypothèse H0 (λ = 0 ou λ = 1), une distribution du
χ2 centré à d degrés de liberté. Le nombre d de contraintes est ici égal à 1.
Actes INRETS n° 90
89
Modélisation du trafic
Tableau 2a : Nombres d’accidents corporels – Modèles avec forme
fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1993
Autoroutes
Dynamique
A(1)
Autoroutes
concédées
- 0,41
***
- 0,27
***
- 0,37
***
0,24
***
- 0,38
***
0,24
***
A(2)
A(12)
A(14)
Exogènes (*)
Trafic autoroutes
Routes nationales
- 0,47
***
- 0,21
***
- 0,55
***
0,24
***
1,181309
***
- 0,28
0,51/0,46/0,36
Trafic autoroutes concédées
0,465353
***
- 0,04
0,43/0,42/0,41
Trafic routes nationales
0,000076
***
0,008152
***
0,001517
***
0,001858
***
0,000083
***
0,014245
***
0,003130
***
0,003006
***
1,812546
***
- 0,28
0,61/0,59/0,55
0,000065
***
0,001493
*
0,000213
*
0,000602
**
Qualité du modèle
Log vraisemblance
SSE
R2
221,775
1,882
52,1 %
170,166
2,935
68,6 %
286,009
1,053
33,1 %
Tests sur les résidus
Echantillonnage
P-value
Normalité
P-value
Bruit blanc
P-value
accepté
0,30
accepté
0,39
accepté
0,06
rejeté
0,01
accepté
0,54
accepté
0,61
accepté
0,56
rejeté
0,004
accepté
0,14
LV0 = 221,371
H0 acceptée
LV0 = 214,893
H0 rejetée
LV0 = 170,118
H0 acceptée
LV0 = 161,642
H0 rejetée
LV0 = 285,942
H0 acceptée
LV0 = 284,857
H0 acceptée
Hauteur de pluie
Jours de gel
Température été
Température hiver
Test de comparaison
H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0
H0 : da = 1 contre H1 : lambda<>1
Les tableaux 2a et 2b contiennent :
– pour la dynamique et les exogènes secondaires : le paramètre et sa significativité,
– pour l’exogène principale : le paramètre, sa significativité, la valeur de λ et les élasticités, en moyenne
annuelle en 1975, 1984 et 1993 en gras.
Significativité : * (t-ratio < 1),** (1 < t-ratio < 2), *** (t-ratio > 2).
90
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Tableau 2b : Nombres de tués – Modèles avec forme fonctionnelle optimale
pour l’exogène principale, sur 1975-1993
Autoroutes
Autoroutes
concédées
Dynamique
A(1)
A(2)
A(12)
- 0,20
***
- 0,19
***
A(14)
Exogènes (*)
Trafic autoroutes
1,347338
***
- 0,36
0,60/0,46/0,36
Trafic routes nationales
Jours de gel
Température été
Température hiver
Qualité du modèle
Log vraisemblance
SSE
R2
Tests sur les résidus
Echantillonnage
P-value
Normalité
P-value
Bruit blanc
P-value
Test de comparaison
H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0
H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1
- 0,34
***
- 0,33
***
- 0,40
***
0,10
**
1,604658
***
- 0,36
0,55/0,44/0,05
Trafic autoroutes concédées
Hauteur de pluie
Routes nationales
0,000003
*
0,010105
**
0,003344
***
0,003944
***
0,0000001
*
0,014493
**
0,004139
***
0,004475
***
164,155522
***
- 1,33
0,95/0,82/0,64
0,000080
***
0,006577
**
0,000038
*
0,001063
***
2,801
12,997
46,0%
- 65,111
23,544
45,5%
170,851
2,917
27,0%
rejeté
0,02
accepté
0,88
accepté
0,07
accepté
0,12
accepté
0,92
accepté
0,64
rejeté
0,04
accepté
0,34
accepté
0,10
LV0 = 2,562
H0 acceptée
LV0 = - 0,35616
H0 rejetée
LV0 = - 65,416
H0 acceptée
LV0 = - 69,242
H0 rejetée
LV0 = 169,615
H0 acceptée
LV0 = 167,475
H0 rejetée
Les résultats obtenus sont présentés dans la partie basse des tableaux 2a
et 2b.
Actes INRETS n° 90
91
Modélisation du trafic
Pour tous les indicateurs, le modèle de l’équation 1 n’est pas significativement
différent du modèle de l’équation 2 qui ne peut donc être rejeté (l’hypothèse H0
est acceptée).
A l’inverse, il y a dans cinq cas sur six des différences significatives entre
le modèle de l’équation 1 et le modèle de l’équation 3 (l’hypothèse H0 est
rejetée).
6. Stabilité des résultats
Nous avons présenté dans la partie précédente la méthode employée pour
obtenir la valeur du paramètre de Box-Cox permettant de lier de manière
optimale les endogènes que sont les indicateurs de risque et de gravité de
l’accident à leur principal déterminant.
Le modèle a été estimé sur une période plus longue (1975-1998), voir
tableaux 3a et 3b. On peut s’interroger sur la stabilité de ces résultats sur une
période étendue, où stabilité signifie :
- la stabilité de la valeur du paramètre de Box-Cox correspondant à la
variable principale ;
- la stabilité des estimations des paramètres des autres variables,
- la stabilité en terme de réponse aux tests de comparaison de modèles.
Les résultats obtenus, qui ressortent de l’ensemble des tableaux 2a à 3b, sont
maintenant commentés.
Pour le paramètre de Box-Cox pour lequel on n’a pas calculé d’intervalle de
confiance, ni réalisé de test de stabilité, les estimations passent de – 0,28 à –
0,36, de – 0,04 à – 0,28 et de – 0,28 à – 0,53 pour les nombres d’accidents sur
autoroutes, autoroutes concédées et sur routes nationales. Pour les nombres de
tués, elles passent de – 0,36 à – 1,98, de – 0,36 à – 1,17 et de – 1,33 à – 1,25
respectivement.
Pour les paramètres des variables secondaires, on a deux estimations pour le
même paramètre, sur la période initiale et sur la période étendue, et on considère
qu’il y a stabilité si l’estimation 1 est incluse dans l’intervalle de confiance à 95 %
de l’estimation 2, et inversement. On constate que tous les paramètres, et cela
quel que soit l’indicateur modélisé, sont stables au cours du temps.
Enfin, pour la stabilité de la réponse aux tests de comparaison, les tests
d’hypothèse λ = 0 obtiennent tous la même réponse positive (l’hypothèse est
acceptée), comme sur la période initiale, et les tests d’hypothèse λ = 1 obtiennent
tous une réponse négative (l’hypothèse est rejetée), alors que ce n’était le cas
que 5 fois sur 6 sur la période initiale.
Par conséquent, on peut juger comme stables les résultats obtenus dans les
parties précédentes, à l’exception de l’estimation du paramètre de Box-Cox sur
la stabiblité de laquelle on ne peut pas se prononcer.
92
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Tableau 3a : Nombres d’accidents corporels - Modèles avec forme
fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1998
Autoroutes
Dynamique
A(1)
Autoroutes
concédées
- 0,41
***
- 0,26
***
- 0,43
***
0,21
***
- 0,49
***
0,17
***
A(2)
A(12)
A(14)
Exogènes (*)
Trafic autoroutes
Routes nationales
- 0,49
***
- 0,18
***
- 0,54
***
0,21
***
1,450242
***
- 0,36
0,50/0,38/0,29
Trafic autoroutes concédées
0,841966
***
- 0,28
0,45/0,35/0,28
Trafic routes nationales
0,000103
***
0,010644
***
0,001639
***
0,001911
***
0,000105
***
0,014605
***
0,003032
***
0,002767
***
4,737984
***
- 0,53
0,62/0,57/0,49
0,000069
***
0,001354
*
0,000120
*
0,000456
**
Qualité du modèle
Log vraisemblance
SSE
R2
278,806
2,402
46,00%
215,670
3,711
53,50%
358,918
1,295
32,0%
Tests sur les résidus
Echantillonnage
P-value
Normalité
P-value
Bruit blanc
P-value
accepté
0,56
accepté
0,44
accepté
0,05
rejeté
0,05
accepté
0,98
accepté
0,29
accepté
0,44
rejeté
0,0004
rejeté
0,01
LV0 = 277,828
H0 acceptée
LV0 = 272,507
H0 rejetée
LV0 = 210,009
H0 acceptée
LV0 = 202,566
H0 rejetée
LV0 = 358,536
H0 acceptée
LV0 = 356,324
H0 rejetée
Hauteur de pluie
Jours de gel
Température été
Température hiver
Test de comparaison
H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0
H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1
Les tableaux 3a et 3b contiennent :,
pour la dynamique et les exogènes secondaires : le paramètre et sa significativité,
pour l’exogène principale : le paramètre, sa significativité, la valeur de λ et les élasticités, en moyenne
annuelle en 1975, 1986 et 1998 en gras.
Significativité : * (t-ratio < 1),** (1 < t-ratio < 2), *** (t-ratio > 2).
Actes INRETS n° 90
93
Modélisation du trafic
Tableau 3b : Nombres de tués - Modèles avec forme fonctionnelle optimale
pour l’exogène principale, sur 1975-1998
Autoroutes
Autoroutes
Concédées
Dynamique
A(1)
A(2)
A(12)
A(14)
Exogènes (*)
Trafic autoroutes
- 0,25
***
- 0,14
***
- 0,21
***
- 0,34
***
- 0,29
***
- 0,40
***
0,03
*
273,149373
***
- 1,98
0,79/0,18/0,05
Trafic autoroutes concédées
10,277121
***
- 1,17
0,71/0,25/0,11
Trafic routes nationales
Hauteur de pluie
Routes nationales
120,725051
***
- 1,25
0,96/0,76/0,55
0,000041
*
0,013871
**
0,003604
***
0,003845
***
0,000048
*
0,015804
**
0,004382
***
0,004506
***
0,000081
***
0,007500
***
0,000534
**
0,001325
***
Qualité du modèle
Log vraisemblance
SSE
R2
- 7,7464
17,731
28,6%
- 82,679
29,678
39,3%
202,032
3,940
24,4%
Tests sur les résidus
Echantillonnage
P-value
Normalité
P-value
Bruit blanc
P-value
accepté
0,89
accepté
0,54
accepté
0,15
accepté
0,66
accepté
0,95
accepté
0,46
accepté
0,10
rejeté
0,03
rejeté
0,003
LV0 = - 10,1102
H0 acceptée
LV0 = - 12,872
H0 rejetée
LV0 = - 83,582
H0 acceptée
LV0 = - 87,870
H0 rejetée
LV0 = 200,447
H0 acceptée
LV0 = 197,591
H0 rejetée
Jours de gel
Température été
Température hiver
Test de comparaison
H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0
H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1
94
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
7. Interprétation de la forme fonctionnelle
Nous allons successivement présenter les propriétés de la spécification
retenue en terme de lien entre endogène et exogène principale et de fonction
d’élasticité, dans le cas général puis dans le cas de son application aux nombres
d’accidents corporels et de tués sur les deux réseaux considérés.
7.1 Lien entre endogène et exogène principale
Le graphique de la figure 1 présente quelques formes de la fonction
pour les valeurs de λ suivantes : – 2, 0, 0,5 et 2, avec β positif.
Dans le cas où le paramètre λ est négatif, les courbes obtenues sont
croissantes lorsque β est positif, décroissantes lorsque β est négatif, et possèdent une asymptote : lorsque X → ∞, Y → – β/λ.
Dans notre spécification décrite dans l’équation 1 où la variable endogène
subit une transformation logarithmique, la courbe correspondante possède également une asymptote : à météorologie constante, lorsque X → ∞, log Y → – β/λ et
donc Y → exp(– β/λ). Ceci s’interprète comme un effet de saturation, qui n’existe
pas dans un modèle à élasticité constante (cas où λ = 0).
7.2. Fonction d’élasticité
On rappelle que l’élasticité εY|X de l’endogène Y par rapport à l’exogène X est
définie par
Dans le modèle général, l’élasticité de l’endogène par rapport à l’exogène
principale X, à météorologie constante, est donnée par :
avec pour cas particuliers :
- εY|X = β dans le cas où λ = 0 ;
- εY|X = βX dans le cas où λ = 1.
Le graphique de la figure 2 présente quelques formes de la fonction Y = Xλ,
pour les valeurs de λ suivantes : – 2, 0, 0,5 et 2, avec β positif.
Lorsque le paramètre λ est négatif, l’élasticité décroît vers 0, alors qu’elle est
constante ou croissante sinon. Ceci vaut dans le cas β positif.
Actes INRETS n° 90
95
Modélisation du trafic
Figure 1 : Formes de la fonction de Box-Cox,
pour différentes valeurs de λ(β > 0)
2
1,5
X(2)
1
X(1/2)
Y
0,5
0
0,1
1,1
X(0)=log
2,1
-0,5
-1
X(-2)
-1,5
-2
X
Figure 2 : Formes de l’élasticité, de Y par rapport à X,
pour différentes valeurs de λ(β > 0)
2
Lambda = 2
1,8
Lambda = -2
1,6
Lambda = 0,5
1,4
1,2
Lambda = 0
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0,1
1,1
2,1
X
96
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Lorsque le paramètre λ est négatif et β négatif, l’élasticité croît vers 0, alors
qu’elle est constante ou décroissante sinon.
7.3. Résultats
Les modèles avec forme fonctionnelle optimale fournissent dans tous les cas,
sur la période initiale et sur la période étendue, une estimation négative du
paramètre de Box-Cox. La courbe correspondant à l’équation 1 est croissante
avec le trafic, et possède une asymptote. Un effet de saturation des nombres
d’accidents et de tués relativement au trafic apparaît au voisinage de l’asymptote,
pour des valeurs petites de λ et des valeurs élevées du trafic.
Les élasticités des nombres d’accidents et de tués au trafic sont positives et
inférieures à 1, et on retrouve là les ordres de grandeur habituellement proposés,
sur données françaises agrégées et sur données étrangères (cf. COST 329,
2003 à venir).
Dans tous les cas, elles sont décroissantes vers 0, lorsque le trafic augmente.
A titre d’exemple d’amplitude atteinte sur la période, l’élasticité des nombres de
tués au trafic, sur les routes nationales, diminue en moyenne annuelle, de 1 en
1975 à 0,55 en 1998, mais à l’intérieur d’une même année elle varie aussi : en
1998 par exemple, elle est de 0,44 en été lorsque le trafic prend les valeurs les
plus élevées, et de 0,72 en hiver.
8. Effets des variables climatiques
Les effets climatiques pris en compte dans le modèle sont des effets directs
sur les 6 indicateurs modélisés, à niveau de trafic donné. Ils mettent en évidence
une variation du risque routier, qu’il s’agisse du risque d’accident ou du risque
d’être tué, à nombre de véhicules-kilomètres inchangé.
La pluie et l’occurrence de gel, qui réduisent la mobilité, ont néanmoins un
effet direct positif (c’est-à-dire un effet d’augmentation) sur les indicateurs de
risque d’accident et de gravité. La pluie a un effet statistiquement significatif, au
seuil habituel de 95 % (t-ratio > 2) pour 4 indicateurs sur les 6 : 100 mm
additionnels de hauteur de pluie dans le mois induisent une augmentation de
0,4 % à 1 % des indicateurs mensuels. L’occurrence de gel a un effet significatif
ou moyennement significatif au seuil de 70 % (t-ratio > 1) pour 5 indicateurs sur
les 6 : 1 jour de gel additionnel dans le mois induit une augmentation comprise
entre 1,1 % et 1,6 % des indicateurs sur les autoroutes, et de l’ordre de 0,1 %
seulement sur les routes nationales.
Enfin, la température moyenne a un effet très significatif, et particulièrement
élevé sur les autoroutes concédées. Les paramètres relatifs à la température
maximale sont tous significatifs au seuil habituel sur ce réseau : 1 degré
additionnel de température dans le mois induit une augmentation de l’ordre de
3 % des nombres d’accidents, et de l’ordre de 4 % des nombres de tués, que ce
soit en été (avril à septembre) ou en hiver (octobre à mars). Sur l’ensemble des
Actes INRETS n° 90
97
Modélisation du trafic
autoroutes, ces augmentations sont moins importantes, et sont de l’ordre de 2 %
seulement pour les nombres d’accidents. Sur les routes nationales, l’effet de la
température est sensiblement atténué, et plus significatif en hiver qu’en été,
l’impact correspondant étant compris entre 0,5 % et 1,3 % en hiver selon
l’indicateur considéré.
9. Conclusion
Nous avons mis en œuvre un modèle explicatif du risque routier à deux
niveaux (risque d’accident et gravité de l’accident) sur les routes nationales et les
autoroutes françaises. Les indicateurs modélisés sont les nombres mensuels
d’accidents corporels et de tués. Les variables explicatives retenues sont d’une
part le trafic enregistré sur le réseau, variable principale, et d’autre part des
variables météorologiques secondaires.
Un modèle avec transformation logarithmique de l’endogène et transformation
de Box-Cox sur l’exogène principale a été établi sur la période 1975-1993. Des
tests de comparaison de la spécification initiale à deux cas particuliers ont été
réalisés, et les réponses à ces tests sont les mêmes sur la période 1975-1993 et
sur la période 1975-1998.
Il n’y a pas de différence significative entre le modèle avec transformation de
Box-Cox sur l’exogène principale et le modèle avec transformation logarithmique
sur l’exogène principale, de sorte que l’on peut pour des raisons de parcimonie
retenir cette seconde spécification, très largement utilisée. Ce constat s’applique
pour tous les indicateurs modélisés, qu’il s’agisse de risque d’accident ou de sa
gravité, sur les deux réseaux considérés.
Toutefois, l’utilisation de la forme fonctionnelle optimale permet de s’affranchir
de l’hypothèse d’une élasticité constante au trafic, et de prendre en compte
certains effets de saturation relativement au trafic. On peut la préférer dans
certains cas même si elle ne s’impose pas « statistiquement ».
10. Remerciements
Les auteurs remercient Jean Chapelon, Secrétaire Général de l’ONISR, et
Marie-Claire de Franclieu, conseiller technique de la DSCR, pour leur soutien
financier à cette recherche. Ils sont redevables à Colette Decamme et Maryse
Lagache de l’ONISR, et à Evelyne Durand et Patrick Le Breton du SETRA pour
leur contribution à la constitution de la base de données. Les données météorologiques ont été founies par Météo-France, dans le cadre de la convention qui lie
Météo-France et l’INRETS.
Les auteurs remercient tout particulièrement Bernard Girard, Maître de
Conférence à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, pour son conseil scientifique.
98
Actes INRETS n° 90
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Bibliographie
Bergel R., Depire A. (2000).- Modélisation multivariée des indicateurs d’insécurité
routière. Rapport de convention DSCR/INRETS n˚ 98001.
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Royal Statistical Society, B(2) :211-243.
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Lassarre S. (1994).- Cadrage méthodologique d’une modélisation pour un suivi
de l’insécurité routière, Synthèse INRETS, n˚ 26, Arcueil.
Actes INRETS n° 90
99
100
janv-01
janv-00
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
Modélisation du trafic
Annexe
Figure 3 : Nombre d’accidents (routes nationales, autoroutes, aut. concédées)
3500
3000
2500
2000
1500
ACCAC
ACCRN
ACCA
1000
500
0
Figure 4 : Nombre de tués(routes nationales, autoroutes, aut. concédées)
500
450
400
350
300
250
TUEAC
TUERN
TUEA
200
150
100
50
0
Figure 5 : Trafic (routes nationales, autoroutes, aut. concédées)
en millions de véhicules-kilomètres
200
150
100
PAAU
PAACN
PARN
50
0
Actes INRETS n° 90
Actes INRETS n° 90
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
janv-99
janv-98
janv-97
janv-96
janv-95
janv-94
janv-93
janv-92
janv-91
janv-90
janv-89
janv-88
janv-87
janv-86
janv-85
janv-84
janv-83
janv-82
janv-81
janv-80
janv-79
janv-78
janv-77
janv-76
janv-75
Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier
Figure 6 : Température, en 0,1 ˚C
300
250
200
150
100
50
0
3000
Figure 7 : Hauteur de pluie, en mm
2500
2000
1500
1000
500
0
Figure 8 : Occurrence de gel, en nombre de jours
30
25
20
15
10
5
0
101
D. Evaluation à partir de modèles
de simulation
Actes INRETS n° 90
103
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
Behavioral Road Traffic Simulation
with ARCHISIM
Alexis CHAMPION1,2,3, Stéphane ÉSPIÉ3, Jean-Michel AUBERLET3
1 SRILOG, 6 rue des Frères Caudron, F-78140 Vélizy-Villacoublay.
2 LAMIH (UMR CNRS), Université de Valenciennes, F-59313 Valenciennes.
3 INRETS, 2 avenue Général Malleret, Joinville, F-94110 Arcueil.
[email protected]; [email protected]; auberlet}@inrets.fr
Article déjà paru dans les Proceedings of the 2001 Summer Computer
Simulation Conference (SCSC), Orlando, Florida, USA (pp. 359-364) W.F. Waite,
J. Celano (Ed.).
Key-words
Multi-agent systems, driving simulator.
1. Road traffic simulation with ARCHISIM
1.1 Road Traffic Simulation
Simulation modeling is an increasingly popular and effective tool for analyzing
a wide variety of dynamical problems. Road traffic is an example of such
problems.
Road traffic constitutes a dynamic problem associated with complex processes. These processes are characterized by the interaction of the elements of
the system: road users, infrastructures and operators. Traffic can be considered
as a supply and demand problem whose difficulty relies on two opposite
postulates. The offer responds to a collective use: the road network is dimensioned to allow a certain flow. The demand is individual: each driver wishes to
travel under its conditions. Therefore the “traffic system” characteristics imply
strong constraints for the modeling.
Different types of traffic simulation models exist [Lieberman and Rathi 1997].
According to its granularity, a simulation model can be macroscopic or microscopic. A macroscopic model describes the traffic stream, which is represented
in some aggregate manner by scalar values of flow rate, density and speed. A
microscopic model considers all the vehicles as individuals and the fundamental
Actes INRETS n° 90
105
Modélisation du trafic
interactions take the form of mathematical formulas. All these traffic simulation
models describe traffic in statistical formats.
1.2 ARCHISIM: A Behavioral Traffic Simulation Model
In addition to these models, the INRETS (French National Institute for
Research in Transportation and Safety) has done some research on road traffic
simulation based on the real driver behavior for more than ten years. The
INRETS’ ARCHISIM simulation tool makes use of a behavioral submodel for
driver decisions. The driver model results from in depth studies carried out in
driving psychology for actual situations [Saad 1999]. Thus, the behaviors are not
normative. In ARCHISIM, traffic phenomena come from individual actions and
interactions of the various actors of the road situation [Espié 1999].
ARCHISIM is a behavioral simulation model and its implementation follows the
multiagent principles. Within ARCHISIM, agents are simulated drivers in virtual
vehicles and consist of three subsystems: perception, “interpretation – decisionmaking” and action. We focus on the “interpretation – decision-making” part. Each
agent has a model of its environment and interacts with the other agents (cars,
trucks, trams...), the infrastructure (traffic lights) and the road. Each agent has
goals and skills.
In opposition to works done in robotics [Reece and Shafer 1993], the agents’
behavior is not normative. Each agent has its own attitude. The objective is not
to build a robot able to drive automatically but to study the driver’s behavior and
the way in which the traffic phenomena occur. Within ARCHISIM, agents are
autonomous and can potentially react to any situations. The “traffic system” can
then show a greater aptitude to organize and to coordinate itself.
The advantage of multi-agent models is that it offers a more open and
interactive system than classic models do [Champion et al. 1999]. Thus, it is
possible to dynamically modify simulation conditions (virtual drivers’ preferences,
traffic lights control algorithms...). Indeed, ARCHISIM permits a better understanding of the effects of such modifications on the traffic and an enhancement
of the traffic model.
At INRETS, our ambition aims at making ARCHISIM an open tool for the study
of the “traffic system”. The modularity of the simulation architecture offers the
opportunity to integrate various actors such as a scenario module, a 3D-imaging
module, a data recorder module, etc. Moreover, ARCHISIM has been developed
such that the traffic model can host a driving simulator. In this case, the human
subject in the driving simulator interacts with the traffic within the simulation model
(Fig. 1). This step appears significant to us because it makes it possible to confront
the new concepts with the final users while following an iterative process (Fig. 2).
ARCHISIM is a flexible tool for which a set of applications has been found:
new road design, test scenarios (automatic incident detection, adaptive cruise
control), etc. In fact, any study relating to a modification of the “traffic system” and
requiring the use of simulated traffic situations.
106
Actes INRETS n° 90
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
Figure 1: Examples of traffic situations simulated with ARCHISIM
Figure 2: Study and simulation process
Design new
concept
Analyse traffic behavior
relatively to new concept
Traffic simulation
w/ new concept
Validate new concept:
studies w/ driving simulator
Analyse driver behavior
relatively to new concept
Model new driver behavior
relatively to new conept
The ARCHISIM traffic model has been validated for some highway situations
[El Hadouaj 2000] and works are in progress to validate it for critical and urban
situations.
In this paper, we present four traffic simulation projects carried out with
ARCHISIM in partnership with private companies or civic institutes. The first
project deals with new infrastructure concept testing. The next two projects relate
to the evaluation of ATT (advanced transport telematics) systems. Finally, we
present our new project, which deals with the evaluation of control strategies on
high density networks.
2. Examples of traffic simulation projects
The first project we present has used together both the traffic simulation model
and the driving simulator. In this case, the driving simulator is used for identifying
drivers’ behavior relating to a new concept. The two other projects have used
Actes INRETS n° 90
107
Modélisation du trafic
ARCHISIM as a stand-alone traffic simulation model and the assumptions related
to the drivers’ behavior have been previously set. In all cases, simulation is used
to quantify traffic performance at both safety and capacity levels.
2.1 New Concept Evaluation
The investigation power of a driving simulator comes from its ability to let the
various elements of the driver-vehicle-road environment interact. This tool is
particularly interesting for studying risky situations and situations involving
elements that do not exist yet. From a virtual model, driving simulation makes it
possible to study new road concepts by the means of their perception and their
acceptability by the road users. The project we now shortly describe involves new
types of traffic lights for ramp metering (further information can be found in
[Nouvier 2001]).
Ramp metering uses signal control of the on-ramp of a highway intersection
to limit the entry rate and timing of vehicles to the main flow. The benefits of ramp
metering are a reduction in the occurrence and severity of flow breakdown. The
metering of flow on the ramp smoothes entry patterns to the main carriageway at
critical times. This marginally increases delay to vehicles on the ramp but should
improve the total network performance.
Ramp metering in a well-known technique, particularly in the United States. In
Europe, a few interesting experiments have been conducted. Several countries
are now launching significant programs to spread this concept. In France, two
different methods are used: platoon insertion or insertion of a single vehicle at a
time, this method being called the “drop by drop” method. This latter type of
regulation being new in France, it has been necessary to study its implementation
by means of traffic simulation associated with a driving simulator.
The virtual road database includes an urban highway section and an
interchange with entry and exit lanes. Six different scenarios have been
developed. These scenarios relate to the four types of traffic lights (usual two and
three color traffic lights red/yellow/green or modified, green being replaced by
blinking yellow) with short cycle (5 seconds) and two conditions of insertion
(leader vehicle or follower vehicle). A hundred of subjects were involved in the
experiment. After an adaptation to simulator driving, each of them had to make
three journeys on an entry lane in different scenarios. An investigator wrote down
the behavior (hesitation, incomprehension...) and the spontaneous commentaries
of each driver while driving. Moreover, after each journey, the investigator
interviewed the drivers about safety and their acceptance of the concept.
The first qualitative results show that the understanding of the regulation
system is not immediate, particularly during the initialization phase or when the
subject is leading. Some traffic lights are sometimes misinterpreted (red/
blinking yellow). This experiment with driving simulation allowed to make an
assessment of the envisioned solutions and to draw up an experiment in real
conditions.
108
Actes INRETS n° 90
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
2.2 Vehicle Based ATT System Evaluation
The second project is a study carried out to assess large-scale ATT effects
inducted by vehicle based autonomous systems [Aron 1999]. Such systems are
developed to enhance the sensory performance of the driver. They operate using
control and/or advice and operate independently purely within the vehicle. This
section provides a description of the modeling approach used, objectives of the
investigation and the key findings for the ATT system under consideration, which
is an Adaptive Cruise Control (ACC) system.
In an ACC system the control is based upon a sensor (usually a microwave
radar) which measures the distance to the preceding vehicle. The system
attempts to maintain a desired speed (controlled by the driver) by managing the
gas pedal while observing a predefined headway between the vehicles. The
ACC system studied is fully independent (no communication) and assume that
the driver has control of the steering at all times. The first stages of deployment
of ACC are likely to target drivers seeking improved comfort and perceived
safety from the system. The system will only operate in high speed highway
driving conditions. It has been suggested that ACC will improve road capacity,
reduce journey times and improve safety. The objectives of the ACC study are
to identify those parameters within both the ACC algorithm and within the traffic
stream.
There are conditions that must apply before a vehicle enters the ACC following
control. It is assumed that if the ACC system can be used, it is used. The
maximum deceleration of the ACC equipped vehicle when under distance control
mode is limited to – 1.5 m/s2. The maximum acceleration under ACC is 1 m/s2.
Experiments have been limited to target head-ways of 1.5 s and 1.2 s. These
values have been determined by examining the upper and lower ends of a
number of typical following headways.
The study examined the effects of different penetration of ACC to traffic
efficiency and stability on a simple 3-lane stretch of road. For a target headway
of 1.5 s, there is no notable effect on average journey time whereas the travel
time for a target headway of 1.2 s is reduced with up to 20% equipped and then
the effect stabilises (Fig. 3). The modal headway for ARCHISIM is between 1.2 s
and 1.4 s. The headway distribution is therefore not significantly altered when a
target headway of 1.5 is employed for ACC. However, a target headway of 1.2
shifts the headway distribution to the lower end (Fig. 4).
The impact of ACC within ARCHISIM is an increase in short operating
headways with a corresponding increase in larger gaps. This provides greater
lane changing opportunity and reduces delay for vehicles stuck behind slower
vehicles in lanes one and two, reducing delay and increasing average journey
time. The results of the ACC modeling have been shown to be highly dependent
on the baseline time headway distributions within the model. If it can be shown
that the benefits of ACC are highly dependent on the baseline headway
distribution then the impact of ATT technologies and the variations in headway
Actes INRETS n° 90
109
Modélisation du trafic
distributions on existing networks will be important impact areas to decision
makers.
Early indications are that the frequency of very short headways can be
reduced with ACC. Low total time to collision can also be reduced. These findings
may lead to a safety gain although the factors that cause accidents are not yet
sufficiently well known to make this link definite. Currently the understanding of
how drivers will use ACC systems and how non-ACC equipped drivers will
interact with the systems is undefined. Finally, it is important to state that the
benefits that have been shown from the ACC simulations to date are primarily
comfort based. This is a direct result of studying systems that are first to the
market. In the long term, once the technology is proven, it will be possible to
operate with higher desired speeds, shorter headways, externally controlled
headways and algorithms with a greater control range.
Figure 3: Effect of ACC on average journey time for target headway 1.2 s
113
6000 veh/hr maximum flow - ARCHISIM
Average journey time (secs)
112
5700 veh/hr maximum flow - ARCHISIM
111
5400 veh/hr maximum flow - ARCHISIM
110
109
108
107
106
105
104
0%
10%
20%
40%
70%
Percentage equipped
Figure 4: Time headway distribution for peak flow –
target headway 1.2 2000 veh/hr/lane 0% and 70% equipped
45
0% ACC equipped - ARCHISIM
40
70% ACC equipped - ARCHISIM
35
Percentage
30
25
20
15
10
5
0
0.2
0.7
1.1
1.5
1.9
2.3
2.7
3.1
3.5
3.9
4.3
4.7
>5.0
Headway (secs)
110
Actes INRETS n° 90
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
2.3 Infrastructure Based ATT System Evaluation
The third project is a study carried out to assess large-scale ATT effects
inducted by infrastructure based systems. Such systems act to affect the behavior
of different groups of drivers by the provision of information and/or application of
control at specific points on the road network. The ATT system under consideration in this section is an Automatic Incident Detection (AID) system
AID systems monitor traffic conditions on a highway and attempt to identify
abnormal road conditions that pertain to accidents or congestion. The action that
the system then takes can vary significantly between systems. In all cases, the
system is used to inform network monitors who can visually confirm the incident
and inform the emergency services. In some systems, the information concerning
the queues and local changes in recommended speed is communicated via
variable message signs. The principal benefits of AID are a reduction in duration
of the incident and an increase in awareness of drivers approaching the incident
that should reduce secondary conflicts.
The simplest AID system has been modeled. The objective of the modeling
exercise was to determine the reduction in congestion and queue lengths that
would be achieved by a 5-minute earlier clearing of an incident over a range of
demand levels. While any reduction in congestion length implies a reduction in
the opportunities for secondary conflicts, no direct attempt was made to model
the modification of driver behavior to information regarding the incident. Driver
behavior adaptations are not sufficiently well understood for any such modeling
to be valid. Modeling was performed using ARCHISIM on a 3-lane and 4-lane
road without on-ramps. Two constant demand flow levels were applied for a onehour simulation (low demand 1,200 veh/hour/lane and high demand 1,250 veh/hr/
lane).
Figure 5 below shows the average speed in the section before that containing
the lane drop. The lane drop causes a flow breakdown with flows of 3,600 and
3,750 vehicles per hour having to pass through a two-lane section. The reduction
in duration of the speed drop with the reduced clearing time produced by the AID
system is clearly visible. Similar effects were found for the 4-lane scenario.
However, because there are three lanes that are not blocked, there are more
opportunities for vehicles to change lane and avoid queuing near the incident.
The effects are therefore not as severe as for the 3-lane scenario with any given
flow level per lane. It is important to note that while the reduction in average travel
time through the introduction of AID in the low flow scenario is small (5%), the
improvements afforded at the high flow scenario are significantly larger (17%).
Comparing the patterns of average journey times of vehicles over the low and
high flow scenarios (Fig. 6) again highlights the increased benefits of AID. The
reduction in the duration of the flow breakdown, where average journey times are
elevated, is only slightly (approximately one minute) above the 5 minute gain in
early detection for the low flow scenario. The reduction in congestion is three to
seven minutes longer than the 5 minute gain in the high flow scenario. The
Actes INRETS n° 90
111
Modélisation du trafic
Figure 5: Average speed against time for high demand scenario
(Cologne 3-lane site 665 to 100m before lane drop)
Figure 6: Average journey time against start time for journey –
high flow 3-lane
presence of the incident produced large numbers of short inter-vehicular
distances and low Time to Collision values. Incidents also increase lane
changing to avoid the queue. The reduction in the duration of the incident and
associated queuing reduced the occurrence of these low headway and time to
collision values. No behavioral shift is implied in this but it is a benefit of early
detection.
As presented, ARCHISIM – like mathematical models – can be used for
various traffic studies. But, unlike these models, ARCHISIM gives the possibility
to dynamically modify some simulation conditions and can host a driving
simulator. However, a behavioral model does not only show advantages and
112
Actes INRETS n° 90
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
some limitations exist. The first limitation is that the development of a tool such
as ARCHISIM is extremely costly because the driver behavior is not completely
modeled yet and its implementation is not trivial. The second limitation is that
behavioral simulation needs more computing than mathematical simulation
because the system is distributed and simulated vehicles are fully autonomous.
Therefore, until now, the experiments and studies led with ARCHISIM have
been mostly done for low-density road networks. Indeed, the number of
simulated vehicles could not exceed one thousand while classic models can
manage several dozens thousand vehicles. To mitigate this gap, some current
works conducted by INRETS and SRILOG – a company specialized in traffic
studies – aim at using ARCHISIM for traffic studies requiring high density
networks.
3. Towards hard density networks
We wish to conduct traffic study projects for high density networks for two
reasons. First, at SRILOG, we intend to conduct traffic studies with ARCHISIM
because we have measured the potential of a behavioral simulation tool and think
that it would be more interesting, in some cases, to go for such a tool rather than
a mathematical model based tool. Secondly, at INRETS, our will to validate
ARCHISIM for most situations urges us to work on innovative projects.
Hence, the project we present now is a test project, on which we are currently
working to validate ARCHISIM for traffic studies requiring the simulation of a highdensity highway network. This traffic study conducted by means of the behavioral
model ARCHISIM is the simulation of a real experiment conducted in 1999. This
experiment consisted in measuring and studying the impact of ramp metering on
a 16 km 3-lane section of the highway 6 to Paris. On this site, place of frequent
disturbances during the morning rush hours, four over five ramps are equipped
with a regulation device including a detection system for flow breakdown on the
local area network. The experiment, which concerned an evaluation of regulation
devices (regulation by fixed traffic lights cycle and adaptive regulation), showed
that the adaptive regulation gives best results and that route time decreases of
15% with regard to the reference situation (without regulation).
The project stages for the simulation of this experiment are: 1) simulate the
traffic on the network without regulation and validate it with regard to the
reference situation; 2) simulate the traffic with regulation by fixed traffic lights
cycle; 3) simulate the traffic with adaptive regulation.
The work to be made for this project is:
1) Create the virtual roads network (the highway 6 section). Create the traffic
demand corresponding to the rush hours (from 6 am to 9.30 am). Verify the traffic
validity by comparing the simulation data to the real data collected during the
experiment. In this project, up to vehicles 10,000 are to be considered at the
same time and this is our main obstacle. To overcome it, at least two solutions
Actes INRETS n° 90
113
Modélisation du trafic
are to be investigated. The first idea is that it is not necessary, for a traffic study,
to use real time simulation. The second idea is that it is possible to save
computation time by optimizing the algorithms related to the perception and the
interpretation of the simulated situation. Indeed the traffic almost immobility,
bound to its high density, allows limiting the useful environment of each simulated
road user.
2) Set up regulation strategies. This part does not really show any difficulty
because ARCHISIM is conceived to manage this type of systems.
3) Compare the data obtained from the simulations to the real experiment
results.
This project should allow us to validate ARCHISIM for traffic studies involving
high-density highway networks. Design, studies and coding are in progress and
the first results are encouraging. We hope to get the work done by the end of July
and are looking forward for new projects.
4. Conclusion and perspectives
The results obtained with the behavioral road traffic simulation tool ARCHISIM
allow to show the capacity of this type of non-mathematical model to answer
various projects. In this frame, ARCHISIM is validated and has been used for
several years for simulations of highway networks requiring a high precision,
flexibility or interactivity. Behavioral simulation allows henceforth being able to
propose a large field of application for traffic studies.
After these first successes, we now try to meet a new challenge: conduct
traffic studies related to high-density networks with a behavioral simulation tool. If
the test study reproducing a real experiment is decisive, we shall have then the
possibility of proposing ARCHISIM on a market today held by mathematics-based
simulation tools.
Ultimately, our intention is to be able to conduct specific traffic studies
requiring an important opening of the simulation tool and a high level of detail,
whatever the network and the traffic density are. The perspectives of application
are encouraging and, even if the work is still important and that of numerous
unknowns persist, we intend to make ARCHISIM a commercial product before the
end of next year.
5. Acknowledgment
The authors would like to thank Mr. Aron of INRETS, Mrs. Lancelin and
Torjemane of SRILOG and Profs. Kolski and Mandiau of the LAMIH Lab at the
University of Valenciennes for their support.
This work was partly sponsored by ANRT through a research grant CIFRE.
114
Actes INRETS n° 90
Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM
Bibliographie
Aron M. and Espié S. (1999).- “DIATS Deployment of Interurban ATT Test
Scenarios.” Technical Report RO-96-SC.301. INRETS, Arcueil, France.
Champion, A., Mandiau R., Kolski C., Heidet A. and Kemeny A. (1999).- “Traffic
generation with the SCANeR II simulator: towards a multi-agent architecture”. In Proceedings of the Driving Simulation Conference’99 (Paris,
France, Jul. 7-8). Renault, Guyancourt, France, 311-324.
El Hadouaj S., Espié S. and Drogoul A. (2000).- “To combine reactivity and
anticipation: the case of conflicts resolution in a simulated road traffic”.
In Proceedings of the MABS 2000 at ICMAS 2000 (Boston, USA,
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Espié S. (1999).- “Vehicle-driven simulator versus traffic-driven simulator: the
INRETS approach”. In Proceedings of the Driving Simulation Conference’99 (Paris, France, Jul. 7-8). Renault, Guyancourt, France, 367376.
Lieberman E. and Rathi A.K. (1997).- “Traffic simulation” in Traffic flow theory,
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Nouvier J., Duraz M. and Aillerie I. (2001).- “Evaluation on driving simulator of
new solutions for the regulation of access to urban highways”. In
Proceedings of the Driving Simulation Conference 2001 (SophiaAntipolis, France, Sept. 5-7). Renault, Guyancourt, France, Forthcoming.
Saad F. (1999).- “Analyses of drivers’ activity in real driving conditions: theoretical
and methodological issues”. In Proceedings of the First Internationnal
DRiiVE workshop (Espoo, Finland, Jul. 21-23).
Actes INRETS n° 90
115
Une méthode d’évaluation a priori
Une méthode d’évaluation a priori
des résultats issus de modèles
de simulation et de prévision du trafic
Mehdi Danech-Pajouh, Véronique Sauvadet
INRETS, GRETIA.
1. Introduction
L’évaluation a posteriori des résultats d’un modèle de prévision consiste à les
comparer avec les données réelles. Cette opération ne peut être faite qu’à
l’échéance de l’horizon de la prévision. L’objectif de cet article est de proposer
une méthode d’évaluation a priori afin de pouvoir attribuer aux valeurs prédites
un certain degré de confiance. Dans cette démarche nous nous sommes inspirés
des travaux des météorologistes.
Aujourd’hui le moyen de prévision le plus sûr et le plus efficace en météorologie est la prévision numérique, c’est-à-dire l’intégration temporelle d’un système
d’équations aux dérivées partielles décrivant les grandes lois physiques de
l’atmosphère : lois de la thermodynamique et de la dynamique des fluides
(Coiffier, 2000). Du caractère chaotique de l’écoulement atmosphérique et de
l’incertitude sur l’état actuel de l’atmosphère résulte rapidement une incertitude
sur son état futur. Pour l’évaluation a priori des résultats de tels modèles, les
météorologues ont introduit la notion de « prévision d’ensemble » et construisent
autour d’une valeur prédite un ensemble de prévisions. C’est l’analyse statistique
de cet ensemble qui permet alors de qualifier le degré d’incertitude de la prévision
météorologique, celle diffusée par les médias.
Dans l’étude présentée dans cet article, nous avons utilisé le concept de
prévision d’ensemble pour procéder à une évaluation a priori des prévisions de
trafic préparées un an à l’avance par le dispositif Bison Futé. Ce rapprochement
n’est pas absurde, puisque l’effet de variables exogènes, telles que le comportement de l’automobiliste (par exemple son degré d’obéissance aux conseils de
Bison futé), une grève, tous événements imprévisibles à l’horizon d’un an rend
incertaine la prévision de l’état du trafic.
Nous proposons, aussi, d’appliquer cette approche d’évaluation aux résultats
provenant des modèles de simulation du trafic.
Actes INRETS n° 90
117
Modélisation du trafic
2. Premier champs d’application : les modèles de prévision
2.1 Un court aperçu du nouveau modèle de prévision intégré
au dispositif Bison Futé
Le dispositif Bison Futé est un outil d’information routière au service des
usagers de la route. Il comporte plusieurs éléments, dont un noyau calculatoire
ayant pour but de prévoir l’état du trafic sur les grands axes routiers à l’horizon
d’un an. Ce noyau contient essentiellement un modèle de prévision, lequel a subi
des évolutions importantes depuis la création du dispositif, il y a vingt-cinq ans.
La méthode d’évaluation proposée dans cet article s’intéresse à la dernière
évolution de ce modèle, à laquelle l’inrets a apporté sa contribution (Danech,
2002).
Toute modélisation statistique est fondée, d’une part sur les connaissances
existantes (l’historique disponible), d’autre part sur un certain nombre d’hypothèses. La première hypothèse consiste à admettre que dans des situations
semblables le comportement des usagers de la route est presque identique. La
seconde hypothèse concerne la formulation mathématique de la similarité des
comportements : elle est prise comme fonction linéaire des variables calendaires
(mois, type de jour, fête, congé scolaire, pont...) ainsi que les interactions d’ordre
deux entre ces variables.
La seule modélisation calendaire ne permettant pas d’expliquer la tendance
annuelle du trafic, c’est plutôt au rapport des débits sur le TMJA (trafic moyen
journalier annuel), et non aux débits bruts, qu’est appliqué le modèle linéaire
choisi. La méthode de prévision donne donc aux débits une structure multiplicative,
où un jour est caractérisé par sa date (jour j, mois m, année a),
TMJA (a) désigne le TMJA de l’année a,
q(j, m, a) les débits journaliers pour la date (j, m, a),
qr(j, m, a) les débits journaliers relatifs pour la même date.
Quant au processus de calcul des prévisions, il suit le schéma suivant :
– calcul des TMJA de l’historique ;
– prévision du trafic moyen journalier annuel de l’année b de prévision
TMJA*(b).
(Pour cette prévision la méthode employée est du type Holt-Winters).
– calcul des débits relatifs de l’historique qr(j, m, a), tels que :
118
Actes INRETS n° 90
Une méthode d’évaluation a priori
– prévision des débits journaliers relatifs qr*(j, m, b) à la date (j ,m, b) ;
(Le modèle de prévision appliquée ici est du type GLM).
– calcul des débits prédits q*(j, m, b), tels que :
Le caractère fortement agrégé du TMJA fait que sa prévision ne pose pas de
problème particulier. Par contre la prévision des débits journaliers relatifs fait
appel à une modélisation relativement complexe, nous sommes donc intéressés
à l’évaluation de celle-ci.
2.2 Construction d’un indice de confiance a priori
Les météorologues construisent autour d’une valeur prédite un ensemble de
prévisions, soit en faisant tourner quelques dizaines fois leurs modèles sur des
données différant par des conditions initiales faiblement perturbées, soit en se
référant aux prévisions faites par le passé. Cette seconde solution, évidemment
bien moins coûteuse que la première, a été surnommée par les météorologues
système du pauvre. Notre méthode s’en inspire.
Selon que l’ensemble des prévisions est homogène ou au contraire très
dispersé et que la valeur prédite est bien ou mal positionnée au sein de cet
ensemble, on attribuera un indice de confiance plus ou moins élevé.
Nous allons construire cet ensemble de prévisions pour un débit journalier
relatif, qr*(j, m, b) prévu pour la date (j, m, b). Pour cela, nous allons utiliser les
débits relatifs de l’historique, dont nous connaissons les valeurs réelles et
estimées1.
Cette construction se fait en trois étapes.
La première consiste à sélectionner dans les variables calendaires les jours
de l’historique les plus semblables à celui de la prévision, au sens des variables
calendaires. Cet ensemble, appelé ensemble des jours semblables, sera noté
j
E s1 . On ne peut cependant imposer trop de contraintes de ressemblance, car
j
l’ensemble E s1 ne contiendra pas suffisamment d’éléments.
j
Pour les jours de l’ensemble E s1 , on dispose des débits relatifs estimés. La
deuxième étape consiste alors à sélectionner les N jours, dont le débit relatif
estimé est le plus proche du débit relatif prédit pour le jour j. Le sous-ensemble
j
ainsi crée sera noté E s2 . L’homogénéité calendaire de ce sous-ensemble doit
être vérifiée.
1
Un modèle de prévision prédit des valeurs n’appartenant pas à l’historique et il peut aussi estimer
celles qui sont présentes dans l’historique.
Actes INRETS n° 90
119
Modélisation du trafic
j
Dans la troisième étape, on constitue l’ensemble de prévisions noté R p en
ajoutant au débit relatif prédit pour le jour j les débits relatifs réels de sous
j
ensemble E s2 .
Notons donc que si l’on s’appuie sur des estimations pour choisir les jours les
plus proches du jour j au sens de la prévision, ce sont des valeurs réelles qui sont
retenues dans l’ensemble final, ce qui évite de conserver des erreurs. Or, les
résidus sont le résultat d’erreurs indissociables, dont certaines sont dues à la
modélisation et d’autres à des événements exogènes, inaccessibles à l’échéance
de la prévision. Par exemple, une forte erreur peut provenir du fait que les gens
ont cette fois-ci bien tenu compte des conseils de Bison futé et changé de
comportement ou encore de conditions météorologiques défavorables... Nous ne
devons en aucun cas tenir compte des contributions de ces erreurs exogènes
dans la recherche de l’indice de confiance.
Pour que les statistiques calculées à partir de cet ensemble aient un sens, son
effectif (N + 1) ne doit pas être inférieur à trente.
j
Dans la démarche finale, on recherche la loi de distribution de l’ensemble R p ,
soit par une méthode empirique, soit par la méthode des noyaux de la statistique
non paramétrique. En traçant son histogramme, on examine sa dispersion et on
positionne sur cet histogramme la prévision qr*(j). On en déduit un indice de
confiance permettant de qualifier (a priori) cette prévision2. Cet indice prend la
forme d’une note entre un et quatre selon les caractéristiques du tableau 1 .
Tableau 1 : Critère d’attribution de l’indice de confiance a priori
1
Confiance nulle
Prévision mal positionnée et/ou histogramme plat
2
Confiance faible
Prévision bien positionnée, mais au moins deux classes équiprobables loin l’une de l’autre sur l’histogramme (le nombre de
véhicules en jeu)
3
Confiance moyenne
Prévision bien positionnée et histogramme asymétrique mais
non plat
4
Confiance élevée
Prévision bien positionnée et histogramme proche d’une loi
normale
2
A la suite d’un modèle de régression multiple (comme celui employé par le nouveau modèle) on
peut aussi calculer un intervalle de confiance, mais celui-ci est fondé entièrement sur les résidus des
estimations.
120
Actes INRETS n° 90
Une méthode d’évaluation a priori
2.2.1 Exemple d’un jour ordinaire
Cet exemple ainsi que le suivant sont fondés sur l’historique de la station Saint
Arnoult dans le sens Paris-Province.
On veut construire l’ensemble de prévisions pour le dimanche 27 septembre
1998, qui est un jour ordinaire. Pour cela on applique le système du pauvre, avec
pour historique tous les dimanches ordinaires du passé, c’est-à-dire des années
j
1987 à 1997. On obtient ce faisant un ensemble E s2 assez homogène du point
de vue calendaire, comprenant les dimanches des mois de septembre, octobre,
décembre, mars, avril.
j
L’effectif de l’ensemble R p est de 50 jours, sa moyenne vaut 0,69, avec un
écart type de 0,047.
j
Figure 1 : Histogrammes de l’ensemble R p
14
12
Fréquence
10
8
6
4
2
0
<0,59
[0,59 ; 0,62]
[0,62 ; 0,65]
[0,65 ; 0,68]
[0,68 ; 0,7]
[0,7 ; 0,73]*
[0,73 ; 0,76]
>0,76
Classes
Compte tenu de la forme classique de l’histogramme (Fig. 1), on remarque
j
que l’ensemble R p se disperse d’une manière assez homogène autour de la
valeur moyenne, donc également autour de la prévision, puisque les deux
valeurs sont voisines. L’indice de confiance attribué est égal à 4. La confiance a
priori en la prévision est bonne.
La valeur réelle du débit relatif pour ce jour 0,679 (23 600 véhicules) confirme
cet indice.
Le signe + indique la position de la valeur prédite (0,69) sur l’histogramme
2.2.2 Exemple d’un jour exceptionnel
Pour le vendredi 7 août 1998, premier vendredi du mois d’août, pour lequel on
j
s’attend à beaucoup de départs en vacances, on cherche l’ensemble E s2 . Pour
sa construction, on a sélectionné dans l’historique les seuls vendredis exception-
Actes INRETS n° 90
121
Modélisation du trafic
j
nels des mois de juin à septembre (30 jours). La moyenne de l’ensemble final R p
vaut 1,97, tandis que la prévision issue du nouveau modèle pour ce jour est égale
à 1,87. On constate donc que la moyenne de l’ensemble diffère sensiblement de
la valeur prédite, la différence étant d’environ 0,1, ce qui correspond à près de
3 500 véhicules, valeur qui est significative.
La position du débit relatif prédit sur l’histogramme (Fig. 2) laisse à penser
qu’il y a de fortes chances que l’on soit dans un cas de sous-estimation. En effet,
en regardant de plus près les fréquences associées on a :
L’indice de confiance associé à cette prévision est donc de 2, à savoir une
faible confiance. Cet indice est d’ailleurs confirmé par la valeur réelle du débit
relatif 2,1 (72 700 véhicules), relativement éloignée de la valeur prédite.
j
Figure 2 : Histogrammes de l’ensembleR p
12
10
Fréquence
8
6
4
2
0
<1,54
[1,54 ; 1,69]
[1,69 ; 1,85]
[1,85 ; 2]
[2 ; 2,15]
>2,15
Classes
Le signe + indique la position de la valeur prédite (1,87) sur l’histogramme
j
Néanmoins, la répartition de l’ensemble final R p n’est pas complètement
aléatoire. En considérant la moyenne comme nouvelle prévision, on peut
s’attendre à corriger du moins en partie la sous-estimation sur la prévision. Il
semble plus logique de s’attendre à un débit relatif voisin de 1,97 que de 1,87.
Les jours auxquels on attribue un faible indice de confiance (a priori), alors
que la prévision s’avère juste a posteriori sont souvent des jours où l’ensemble
j
E s2 n’avait pas une bonne homogénéité d’un point de vue calendaire. Il reste
122
Actes INRETS n° 90
Une méthode d’évaluation a priori
que cette méthodologie d’évaluation a priori permet souvent de détecter les cas
de sous-estimation (ou de surestimation). Il est de plus rare qu’on arrive à un
indice de confiance fort (égal à 4) et que la prévision s’avère réellement
mauvaise.
3. Deuxième champ d’application : les modèles de
simulation du trafic
3.1 Un court aperçu des modèles de simulation
Ces modèles permettent de donner une représentation simplifiée de la réalité
sous forme de lois (c’est-à-dire de variables et de relations entre ces variables)
et sont destinés aussi bien à améliorer la connaissance de cette réalité qu’à être
partie intégrante d’un processus de contrôle. L’objectif des modèles est alors de
tester des hypothèses d’évolution, d’évaluer des stratégies de commande ou
l’influence d’un paramètre sur le comportement d’ensemble. La simulation est un
processus de résolution du modèle, c’est-à-dire le calcul des états successifs. Un
même modèle peut faire l’objet de divers modes de résolution, et un outil de
simulation intègre éventuellement plusieurs modèles (CERTU, 2000).
A partir d’un ensemble de conditions initiales (état du réseau au début de
l’étude) et de conditions aux limites (demande en entrée du réseau, contraintes
en sortie du réseau, incidents...) le modèle doit permettre de déterminer
l’évolution des variables.
Il existe essentiellement trois grandes catégories de modèles en trafic :
– Modèles microscopiques : gèrent le trafic en individualisant chaque mobile
– Modèles macroscopiques : considèrent le trafic comme un écoulement
continu. Les lois utilisées (dérivées de l’hydrodynamique) sont des équations liant les variables entre elles et des lois de propagation. Le trafic est
donc représenté comme un flux homogène.
– Modèles mésoscopiques : intermédiaires entre la finesse des modèles
microscopiques et la généralisation des modèles macroscopiques. Ils
représentent le trafic sous forme de paquets de véhicules et traitent
l’évolution de ces paquets individuellement.
3.2 Incertitude sur les données d’entrée
Les valeurs observées en trafic sont rarement très homogènes. Il y a deux
explications à ceci. Tout d’abord il existe une erreur matérielle, due à l’éventuel
mauvais fonctionnement des capteurs. De plus, les phénomènes que l’on
cherche à mesurer sont, par eux-mêmes, bruités car il représente le comportement d’usagers difficilement mesurable.
Dans le cas microscopique, la description du modèle doit s’accompagner d’un
modèle d’injection individuelle de véhicules fondé par exemple sur une loi de
Actes INRETS n° 90
123
Modélisation du trafic
distribution statistique. Les caractéristiques individuelles des véhicules, vitesse
désirée, peuvent elles-mêmes faire l’objet d’une distribution. Une description
microscopique rend également nécessaire un modèle pour reproduire les
dépassements, les changements de file. L’existence d’un certain nombre
d’aspects stochastiques rend donc non représentatifs les résultats obtenus à
partir d’un seul calcul. Ils ne représentent en effet qu’une réalisation unique d’un
phénomène aléatoire. La prise en compte de la distribution autour d’une valeur
moyenne ne peut être faite que si un nombre significatif de valeurs définit un
ensemble de conditions initiales (et non pas une seule).
La méconnaissance des données initiales influe donc sur les résultats de la
simulation. Il importe alors d’avoir une analyse critique des résultats par rapport
aux données d’entrée. Ceci peut permettre de juger, qualitativement ou quantitativement, de la validité et de la portée des résultats.
3.3 Evaluation a priori via la méthode de « prévision d’ensemble »
3.3.1 Cas de simulation macroscopique
Dans la construction d’un outil de simulation, il existe plusieurs étapes :
1) On choisit un modèle pour décrire l’écoulement du trafic par un certain
nombre d’équations liant les variables.
2) La phase de calibrage permet d’ajuster les paramètres du modèle aux
caractéristiques physiques du réseau. Ces deux étapes servent à construire le
modèle.
3) Il faut définir les conditions aux limites. Pour un modèle macroscopique les
conditions aux limites sont les valeurs du débit, de la vitesse, du taux d’occupation au temps initial aux entrées et sorties du réseau.
4) La simulation s’effectue à partir des conditions aux limites et suit l’évolution
du trafic dans le temps et l’espace.
En météorologie pour construire la prévision d’ensemble, les météorologues
cherchent à intervenir dès la troisième étape. En effet, l’objectif n’est pas de
remettre en cause le modèle (et ainsi d’intervenir dans la définition et le calibrage
du modèle) mais plutôt de jouer sur les conditions aux limites afin d’envisager
plusieurs possibilités futures.
Dans le cas de la simulation du trafic, on propose de faire varier les
conditions limites, représentant l’incertitude sur l’état initial. Une fonction de
génération de nombres aléatoires (un hasard maîtrisé) permet de reconstituer
des variables limites que ce soit le débit, la vitesse aux entrées et sorties du
réseau. Les variables générées doivent être cohérentes avec les courbes
fondamentales relatives à chaque entrée sortie. Ainsi au lieu d’un seul résultat
nous en obtenons plusieurs qui forme un ensemble appelé ici « ensemble
final ».
124
Actes INRETS n° 90
Une méthode d’évaluation a priori
Dans le cas d’un réseau de taille importante, pour faciliter le travail, nous
proposons de s’intéresser non plus aux résultats détaillés mais à certains
indicateurs globaux relatifs à la totalité du réseau (temps global passé, distance
globale parcourue, temps de parcours moyen...).
3.3.2 Cas de simulation microscopique
Dans ce cas, le recours à la prévision d’ensemble peut s’expliquer, outre par
les erreurs de mesure, par la présence du caractère stochastique de certaines
variables. Plusieurs variables d’entrée ont un comportement stochastique,
notamment l’injection individuelle de véhicules fondée par exemple sur une loi de
Poisson ayant pour paramètre l’inverse du débit. L’idée la plus simple est
d’envisager de générer plusieurs fois la même loi ce qui peut donner des temps
d’arrivée différents.
On peut également, comme pour le cas macroscopique, faire varier le débit et
la vitesse initiaux aléatoirement dans les limites que l’on connaît (notamment par
rapport à l’erreur de mesure).
Remarque
Une autre façon de construire l’ensemble final consiste à utiliser les résultats
issus du même modèle et calculés sur un intervalle de temps antérieur au temps
de la simulation. Cette façon de procéder est la même que les météorologistes
appellent « système du pauvre », celle évoquée plus haut.
3.3.3 Analyse statistique de l’ensemble final
Quelle que soit la méthode retenue, on obtient alors non plus un seul résultat
mais un ensemble qu’il est nécessaire d’analyser. En premier lieu, même si les
trois variables essentielles du trafic ne sont pas indépendantes (de part la
construction du modèle, elles doivent vérifier certaines équations), on peut
débuter l’analyse par une étude unidimensionnelle. Pour chaque variable on
trace l’histogramme associé à l’ensemble. La dispersion de l’histogramme peut
mettre en évidence des cas d’aberration. De plus, on peut analyser les valeurs
de la moyenne, de l’écart type et du coefficient de variation. Il sera également
possible de donner des seuils critiques empiriques voire même de faire une
estimation non paramétrique de la densité pour chaque variable. L’analyse des
différents histogrammes donne directement une première idée de la confiance à
accorder au résultat de contrôle.
Les variables étant liées les unes aux autres on ne peut s’en tenir à un regard
unidimensionnel. Il est souhaitable de se placer aussi dans un espace à trois
dimensions (débit, vitesse, taux d’occupation). Dans cet espace, il convient de
regarder comment les résultats se ressemblent ou diffèrent des uns des autres.
On peut aussi envisager une classification des résultats. Le nombre de situations
divergentes de la situation envisagée donnera alors une idée de la qualité du
résultat de contrôle. En phase finale, on peut s’inspirer du tableau 1 pour attribuer
aux résultats un indice de confiance.
Actes INRETS n° 90
125
Modélisation du trafic
4. Conclusion
Le concept d’évaluation a priori d’une prévision est fortement utilisé
aujourd’hui en météorologie. Certes, il n’existe pas d’analogie directe entre la
météorologie et le trafic. Par contre, l’approche de calcul de l’incertitude utilisée
en météorologie peut être transposable au trafic. C’est dans cette optique que
nous avons étudié le modèle de prévision du dispositif Bison Futé.
Pour chaque jour, un ensemble de prévisions a été construit via le concept de
système du pauvre appliqué au débit journalier relatif. L’analyse statistique de cet
ensemble a permis alors d’associer à chaque prévision dite de contrôle un indice
de confiance. Il convient de noter que cet indice n’est en aucun cas une
probabilité mais un qualificatif de la prévision variant de un à quatre. De plus, la
prévision d’ensemble permet aussi de tirer à priori d’autres renseignements
quantitatifs sur les valeurs prédites.
Certes, un modèle est toujours améliorable mais l’objectif ici était bien de faire
une évaluation a priori des prévisions issues de ce modèle. Autrement dit dans
ce genre d’évaluation, il faut d’abord avoir une très grande confiance dans le
modèle lui-même. En effet, l’erreur doit essentiellement provenir de l’effet de
variables exogènes non prévisibles et non pas d’un mauvais calibrage du
modèle. De plus, c’est le même modèle qui doit servir à la prévision et à
l’estimation sur l’historique. Il semble alors très délicat et difficile d’appliquer ce
genre de concept en temps réel où l’équation de prévision (type ARMA) est
amenée à être modifiée (ne serait-ce que dans les valeurs des paramètres).
Nous avons tenté de montrer que cette approche peut s’appliquer à l’évaluation a priori des résultats issus des modèles de simulation. Certains phénomènes
peuvent rendre incertain l’écoulement du trafic (erreur sur les mesures, présence
de variables stochastiques...). Le recours au système du pauvre ou à la variation
des données initiales permet alors l’obtention d’un ensemble de résultats.
L’analyse statistique de ce lui-ci donnera une idée a priori de la qualité du résultat
à fournir aux exploitants.
Bibliographie
Certu (2000).- Simulation dynamique du trafic routier ; Collections du Certu
dossier 106, décembre.
Coiffier J. (2000).- Un demi-siècle de prévision numérique du temps, La
Météorologie, 8e série, juin.
Danech-Pajouh M.- Les modèles de prévision du dispositif Bison futé et leur
évolution, à paraître dans le n˚ 73 de la revue RTS.
126
Actes INRETS n° 90
E. Impact de l’information
routière
Actes INRETS n° 90
127
L’information dynamique sur les temps de parcours…
L’information dynamique
sur les temps de parcours :
position statistique,
effet sur le choix d’horaire,
mécanisme d’apprentissage
F. Leurent
SETRA, 46 avenue Briand, BP 100, 92225 Bagneux Cedex.
Courriel : [email protected]
Résumé
Depuis l’avènement des systèmes informatiques et de télécommunication, les
exploitants des réseaux de transport se sont équipés de systèmes d’information
qui mesurent en temps réel l’état du trafic. Une partie de cette information
dynamique peut aussi servir aux usagers, dans leur choix d’itinéraire ou d’horaire
de départ.
L’article a pour objectif de définir précisément l’information relative aux temps
de parcours, et de modéliser ses effets pour l’usager. Pour cela nous modélisons
le temps de parcours (objectif ou subjectif) comme une variable aléatoire, dont la
distribution est conditionnée par l’information dynamique.
L’article comprend trois parties :
1. des définitions pour le temps de parcours, sa variabilité, son conditionnement par des facteurs exogènes comme le niveau de trafic, et sa prédiction. Nous
distinguons nettement les aspects objectifs et les aspects subjectifs ;
2. un modèle de choix d’horaire de départ en fonction d’une certaine
information. Nous formulons l’horaire de départ optimal en fonction de l’horaire
cible d’arrivée, de la distribution des temps de parcours, du péage marginal et
des coûts marginaux d’avance, de retard, d’origine et de transport ;
3. un modèle d’apprentissage de l’information par l’exploitant ou l’usager,
fondé sur l’analyse bayésienne.
Actes INRETS n° 90
129
Modélisation du trafic
1. Temps objectif et temps subjectif
Nous traitons d’abord le temps objectif, tel que mesuré par un ingénieur ou
traité par un système d’exploitation : ce cas met en scène la variabilité, les
caractères aléatoires et l’incertitude objective.
Nous passons ensuite au temps subjectif, qui ajoute deux autres sources
d’incertitude : spécificités de l’individu, et erreur de perception.
1.1 Connaissance objective du temps de parcours
Un temps objectif est une grandeur physique mesurable par des techniques
d’observation objectives, par opposition au temps subjectif perçu par un individu.
Avant la réalisation du déplacement, on ne connaît pas le temps comme une
valeur précise. On connaît au mieux la distribution statistique du temps, sa
structure probabiliste, grâce à des observations passées ou à un transfert de
connaissance.
Dans la suite, nous nous attachons à traiter le temps de parcours de manière
statistique, afin de révéler les dispersions (§ 1.1.1), les incertitudes et leur nature
(§ 1.1.2), les possibilités de prévoir et de communiquer (§ 1.1.3).
1.1.1 Hypothèses et définitions
Par nature le temps de parcours tP est variable. Considérer tP comme une
variable aléatoire est déjà une hypothèse forte de régularité, un axiome de
structure probabiliste.
Pour définir la VA tP, il faut préciser la population statistique des
déplacements : a priori un itinéraire unique dans un seul sens de circulation, une
classe de mobiles et certaines conditions temporelles notamment l’horaire de
départ. On peut alors caractériser la structure de tP, grâce à sa fonction de
répartition FP dans la population :
FP(x) = Pr{ tP ≤ x }, d’où la moyenne τP et la variance σ 2P .
On peut préciser la structure de tP en affinant la population de référence : par
segmentation (ex. des conditions temporelles ou de la classe de mobiles) ou plus
généralement par un conditionnement, selon une autre VA observable Y. Dans
ce cas, on caractérise la fonction de répartition conditionnelle FP/
Y=y = Pr{tP ≤ x  Y = y}, d’où la moyenne conditionnelle τP/Y et la variance conditionnelle σ 2P/Y .
Pour un temps de parcours, la variable Y englobe typiquement les débits par
classe sur les arcs de l’itinéraire à des périodes antérieures, les conditions
temporelles (jour ou nuit, météo) et même d’autres trafics sur le réseau (en aval
ou sur les itinéraires parallèles).
130
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
1.1.2 Analyse d’incertitude pour un temps moyen prédit
En réalité la connaissance objective d’une distribution statistique empirique
n’est jamais parfaite : elle est soumise aux incertitudes de mesure et à une
incertitude de transfert temporel entre passé, présent et futur.
L’incertitude de mesure, par imprécision ou échantillon partiel, et l’erreur de
formulation, limitent la connaissance de FP, τP et σ 2P à F̂ P , τ̂ P et σ̂ 2P entachées
d’erreur.
De même pour le conditionnement par Y : même en négligeant l’erreur de
mesure de Y, on dispose de moins d’observations empiriques par valeur Y = y
que pour l’ensemble, donc les F̂ P/Y , τ̂ P/Y et σ̂ 2P/Y sont plus imprécises que leurs
homologues globales.
La prédiction du temps moyen mh pour les mobiles circulant à une période
donnée est soumise à trois sources d’incertitude :
• L’incertitude de réalisation εR = mh – τP/Y car les mobiles forment un échantillon de la population. En fonction de la variance individuelle σ 2h et du
nombre de mobiles n, la variance de εR est V[εR] = σ 2h ⁄ n puisque mh est
une moyenne empirique.
• L’incertitude de spécification εM = τP/Y – τ̂ P/Y , qui englobe l’erreur de formulation et l’erreur d’estimation.
• Enfin l’incertitude d’anticipation εA = τ̂ P/Y – τ̂
, entre la vraie variable de
P/Ŷ
conditionnement Y et la variable anticipée Ŷ .
Typiquement on anticipe les volumes de trafic par arc et par période, qui
constituent le vecteur Ŷ anticipé a priori, tandis que Y correspond aux mêmes
grandeurs mesurées a posteriori.
L’anticipation de Y par Ŷ est d’autant plus fiable que εA est plus faible.
L’incertitude de prédiction est
. Les trois composantes sont à peu près indépendantes (même si l’effectif n apparaît dans Ŷ ),
donc la variance se décompose en
.
On peut approcher
. La variance V[εM] est inaccessible sauf
investigation spéciale (modèle plus fin), mais réduite si le modèle est réaliste.
Pour V[εA], on approche
et
dans le cas à une composante.
L’écart Y – Ŷ se mesure a posteriori, tandis que ∇ Y τ̂ se calcule directement.
1.1.3 Communiquer la connaissance objective
Si l’exploitant d’un système dispose d’une connaissance objective approchée
τ̂ P/Y suffisamment précise, il peut la communiquer aux usagers en service ou
Actes INRETS n° 90
131
Modélisation du trafic
potentiels par un instrument d’information, un média. Le média touche une
certaine population, pas nécessairement identique à la population de référence
de τ̂ P . Par exemple, une information de temps moyen sur autoroute concerne
l’ensemble des véhicules ; elle sous-estime le temps des camions, et à l’intérieur
d’une classe de mobiles elle néglige la dispersion des allures.
Cela soulève deux questions : quel temps moyen annoncer, et quelle
variabilité annoncer ? A la première, la réponse actuelle est le temps moyen tous
véhicules, proche du temps moyen des voitures qui sont les plus nombreuses.
La seconde question n’est pas tranchée : aucune variabilité n’est encore
annoncée. Les deux réponses à privilégier sont l’une la variabilité du temps
moyen ; l’autre celle des temps individuels, qui intègre en plus la dispersion des
temps individuels. La forme à privilégier est l’annonce M ± αS, avec M la
moyenne, S l’écart-type, et α un coefficient compris entre 1 et 2.
1.2 Connaissance subjective du temps
Le temps subjectif est le temps ressenti par un individu. Quand celui-ci
mesure son temps de parcours à l’issue d’un déplacement, il connaît le temps
objectif et adapte sa perception a posteriori. Mais avant un déplacement, donc a
priori, l’individu estime la valeur possible du temps de manière subjective.
1.2.1 Distribution subjective du temps
La distribution subjective est la distribution de probabilité du temps de parcours
telle que ressentie a priori par l’individu. Elle peut différer de la distribution objective.
Une cause d’écart importante est la spécificité objective de l’individu, notamment son allure individuelle qui distingue son déplacement parmi la population
des déplacements. C’est un facteur de conditionnement, déjà évoqué pour la
connaissance objective des temps.
L’autre cause d’écart est l’erreur de perception : l’individu, qui tire son
expérience de parcours antérieurs, tend à amplifier les écarts à la moyenne,
avances ou retards. De même que, dans le choix du mode de transport, l’individu
tend à surestimer les gains de temps procurés par le mode qu’il choisit.
Ainsi l’erreur de perception induit probablement une surestimation de l’écart
type. Elle induit aussi une surestimation de la moyenne, car par précaution
l’individu prend une marge de temps et l’intègre au temps moyen en négligeant
le reliquat éventuel.
Pour formaliser l’erreur de perception, nous marquons par un prime le temps
de parcours perçu a priori par l’individu : τ ′P , avec une fonction de répartition F ′P ,
une moyenne τ ′P et une variance σ ′P2 .
1.2.2 Relation avec le temps objectif
Probablement l’individu surestime les moments du temps de parcours :
τ ′P ≥ τP et σ ′P ≥ σP. Pour bien comparer les distributions objective et subjective,
132
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
il faut analyser la distribution conjointe de tP et t ′P . En l’absence d’information
exogène, on peut admettre l’indépendance de ces deux variables aléatoires.
Mais une information exogène Y′ (restreinte par rapport à Y disponible pour
l’exploitant) induit une corrélation positive, car probablement τ P/Y′ et τ ′P/Y′
varient dans le même sens selon Y′, et de même pour σP/Y′ et σ ′P/Y′ .
1.2.3 Fonction de coût subjectif
Dans un problème de choix discret d’une option parmi un nombre fixé, la
fonction de coût mesure le coût d’une option en fonction de ses attributs en prix,
en temps etc. Ainsi, pour l’individu i le coût généralisé de l’option k est une
fonction Gk(i) = Pk + αi tk avec Pk le prix, tk le temps et αi l’arbitrage prix-temps de
l’individu. C’est une variable aléatoire puisque le temps est aléatoire.
La fonction de coût sert à évaluer les différentes options et à choisir celle de
coût minimal. Elle intervient a priori, avant la réalisation du déplacement.
En réalité, même si l’individu n’effectue pas une évaluation quantitative
formalisée, son choix obéit à une fonction plus ou moins intuitive de coût, qu’un
observateur peut formuler. Il appartient à cet observateur de modéliser la
perception subjective du temps, par deux moyens : le remplacement de tk objectif
par t ′k subjectif, ou la modulation de αi.
Le remplacement de tk par t ′k a l’avantage théorique d’expliciter la distribution
subjective, même si on ne la mesure pas.
La modulation de αi permet d’accorder les moyennes τP et τ ′P , en modulant
αi τP = α ′i τ ′P . Mais cela ne suffit pas pour accorder les dispersions σP et σ ′P , car
la relation est plus complexe.
En pratique, un bon compromis est une fonction de coût
,
ce qui explicite à la fois la moyenne et la dispersion. Les effets subjectifs sont
présents dans les paramètres d’arbitrage αi et βi. Pour un individu donné, cela
équivaut à postuler les moments de la distribution subjective en fonction de la
distribution objective :
.
La distinction entre paramètres objectifs αi et subjectifs α ′i a une grande
importance pratique pour la mesure des fonctions de coût : les subjectifs
s’appliquent aux techniques de préférences déclarées, tandis que les objectifs
s’appliquent aux techniques de préférences révélées.
2. Analyse du Choix d’horaire optimal
Les considérations précédentes sur la connaissance objective ou subjective
du temps de parcours s’appliquent au choix d’horaire et d’itinéraire. Pour
simplifier nous traitons ici uniquement le choix d’horaire.
Actes INRETS n° 90
133
Modélisation du trafic
Nous en définissons les aspects (§ 2.1) et les coûts (§ 2.2). Ensuite nous
analysons le choix d’horaire comme le problème de minimiser le coût moyen de
déplacement (§ 2.3). En posant certaines hypothèses analytiques, nous obtenons la solution mathématique du problème de choix (§ 2.4), avec une formule
explicite dans un cas relativement simple. Alors nous pouvons discuter le rôle
d’une information statique a priori (§ 2.5) et celui de l’information dynamique
(§ 2.6). Nous terminons par des commentaires (§ 2.7).
2.1 Aspects du choix d’horaire
Le déplacement est une transition depuis un état d’origine, avec un lieu
d’origine z et un horaire de départ h, vers un état de destination, avec un lieu de
destination z′ et un horaire d’arrivée h′.
Le temps de trajet est la différence entre l’horaire d’arrivée et l’horaire de
départ : on le note par th = h′ – h. L’horaire de départ est porté en indice pour
marquer le choix de l’individu. Après ce choix, le temps dépend d’autres facteurs :
conditions de trafic, fluctuations aléatoires, qui dépendent peu ou pas de
l’individu.
A priori l’individu choisit h afin d’arriver en z′ à un horaire cible hC : la nature
aléatoire du temps nécessite de distinguer entre hC et l’horaire d’arrivée effectif h′, constaté a posteriori.
Pour choisir un horaire de départ h parmi un ensemble H d’options, l’individu
associe un coût à chaque option et il choisit l’option de coût minimal. On note
Gi(h) le coût généralisé de l’option h pour l’individu i.
2.2 Fonction de coût d’un horaire de départ
Pour préciser la fonction de coût G(h), ses paramètres et sa forme, examinons
d’abord le coût a posteriori, puis les aspects stochastiques.
A posteriori, le coût de transition de (z, h) à (z′, h′) est une fonction G(h, h′). Il
intègre le coût d’arriver à h′ soit CA(h′), le coût de transport proprement dit,
CT(h, h′ – h) et le coût de quitter l’origine à h, noté CO(h).
Intuitivement CA est une fonction décroissante jusqu’à l’horaire cible hC puis
croissante. Le coût CT(h, th) croît avec th mais pas forcément avec h (notamment
en cas de péage variable), tandis que CO(h) décroît avec h.
A horaire h fixé,
est une fonction
décroissante puis croissante de h′, ou uniquement croissante si la décroissance
initiale du coût d’arrivée est compensée par les autres termes.
Exemple. Une fonction simple pour le coût à l’origine est CO(h) = Cte = αOh
avec αO la valeur du temps à l’origine, qui mesure la valeur des activités
possibles en z. Pour le coût de transport,
avec αT
le coût marginal du temps en cours de transport et Ph,h′ les frais monétaires de
circulation.
134
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
avec δhj le temps passé en
On peut aussi décomposer
état j.
Une fonction simple de coût à l’arrivée est, avec (x)+ = max{x, 0} et K une
constante,
Le paramètre β′ est le coût marginal du temps en retard, et – β le coût
marginal du temps en avance. Le changement de signe indique que l’individu
peut mettre en valeur le temps en avance.
Cette spécification est très simplifiée : nous ne limitons pas les variations de
CO ni de CA, ce qui est irréaliste en théorie mais ne pose pas de difficulté tant que
les écarts entre h′ et hC restent faibles.
A priori le temps de transport est une VA th, conditionnelle à l’horaire de départ h. Par conséquent le coût de transition est aussi une VA conditionnelle à h
qui tient deux rôles : variable de décision et variable de conditionnement.
Exemple. Nous pouvons spécifier th comme une VA exponentielle de
1
paramètre λh décalée de rh le temps minimal : alors le temps moyen est r h + -----λh
ln 2
et le temps médian r h + -------- . Alternativement, une VA gaussienne de moyenne
λh
2
t h et variance σ h .
Nous ne détaillons pas le conditionnement entre les VA th des horaires de
départ successifs : ce conditionnement impose pourtant la contrainte de nondépassement : th ≤ ∆h + th+∆h pour ∆h ≥ 0, i.e. dans chaque situation possible si
le mobile part avant il arrive plus tôt.
2.3 Problème de choix et fonction de coût moyen
L’individu choisit l’horaire de départ qui minimise le coût de transition : c’est un
problème d’optimisation stochastique. En l’absence d’information exogène, le
meilleur horaire est celui dont le coût moyen, espéré, est minimal.
La fonction de coût moyen est
, elle combine les
aspects déterministes du coût et les aspects stochastiques du temps.
Evidemment la fonction de coût moyen est assez complexe. On calcule terme
à terme :
• A l’origine,
. On note pour la suite sa dérivée
Ċ O = ∂C O ⁄ ∂h . Si CO = Cte – αOh, alors Ċ O = – αO.
• Au cours du transport proprement dit, si
donc
Actes INRETS n° 90
alors
.
135
Modélisation du trafic
• A l’arrivée,
. On note sa dérivée
.
Le terme d’arrivée est le plus complexe. Des intermédiaires de calcul sont la
fonction de répartition de th, Fh(x) = Pr(th ≤ x), et sa fonction primitive
, qui dépend du moment tronqué d’ordre 1 par la relation
.
Si
x = th = h′ – h,
, alors, en notant y = hC – h et
Dans le cas exponentiel décalé, il vient
.
avec Φ la
Dans le cas gaussien,
fonction de répartition d’une VA gaussienne réduite.
En injectant le détail des termes dans la formule générale du coût moyen
, nous obtenons le
coût moyen en fonction de h et de paramètres relatifs aux termes du coût, ou bien
à la distribution statistique de th.
2.4 Solution du problème de choix
La solution du problème de choix est l’horaire de départ h* qui minimise G ( h ) .
Lorsque cette fonction est dérivable, la solution vérifie la condition d’optimalité
∂G
au premier ordre ------- = 0 avec
∂h
.
Le coût C A dépend de h directement et aussi via la distribution de th.
Pour des temps de parcours distribués exponentiels décalés, il vient
et
136
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
Comme
au total
Si λ est constant
termes, la condition d’optimalité devient l’équation
. En combinant aux autres
On la résout sous la forme suivante, qui est explicite quand Ċ O ,
et aussi
, αT, β, β′
sont constants :
Cette formule intègre les effets des divers paramètres, depuis l’horaire cible
jusqu’aux paramètres de la distribution du temps de parcours, en passant par le
péage marginal et les coûts marginaux d’avance, de retard, d’origine, de
transport. La dérivée du temps moyen est un terme original, absent des autres
modèles de choix de déplacement.
Une condition de validité est que > – 1 : cela signifie que l’on arrive toujours
plus tôt en partant à h qu’à h + dh, cf. la condition de non dépassement. Il faut
également la positivité du numérateur dans le logarithme, soit
:
quand
= 0 cela signifie que le coût marginal de transport est inférieur à la
somme des valeurs du temps à l’origine et en avance.
Une autre condition économique intuitive est que β′ ≥ – Ċ O , pour justifier le
déplacement. Alors, au moins pour ≥ 0 le numérateur est inférieur au dénominateur dans le logarithme, donc h* ≤ hC – r : l’individu ajoute une marge de
précaution hC – r – h* ≥ 0 au temps minimal r.
L’horaire optimal décroît en fonction de r, β′,
dépend du signe de
Actes INRETS n° 90
et Ċ O . L’influence de αT
, donc de la situation par rapport à la pointe de trafic : en
137
Modélisation du trafic
montée vers la pointe
≥ 0 donc h* décroît avec αT, en descente depuis la pointe
≤ 0 donc h* croît avec αT : l’individu s’écarte d’autant plus de la pointe que son
coût marginal du temps de transport est plus élevé, toutes choses égales par
ailleurs1.
La formule explicite permet de calculer le coût moyen minimal G * = G (h*), la
variance du coût a posteriori V[G(h*, h* + th*) | h = h*] etc.
Enfin examinons le cas déterministe, sans variabilité. Alors le coût d’arrivée
est une fonction affine par morceaux
dont la dérivée
présente un saut au point h = hC – r.
La condition d’optimalité devient la disjonction des trois conditions :
•
•
•
2.5 Désagrégation et valeur de l’information statique
L’information statique consiste en la connaissance objective de la distribution
du temps de parcours. On peut la segmenter selon l’horaire de départ, auquel cas
il s’agit d’information statique désagrégée, par opposition à l’information statique
agrégée.
L’information statique désagrégée permet à l’individu de rationaliser son
choix, par rapport à une connaissance subjective désagrégée ou non. Si l’individu
dispose seulement d’une connaissance subjective t h′ avec t ′h et σ ′2
h , il choisit
h′* d’après la fonction de coût subjectif moyen G ′ déduite de G en remplaçant
la distribution du temps. L’horaire « optimal » perçu h′* est probablement différent
de h*, donc a posteriori ( G h′*) ≥ G (h*). La différence G (h′*) – G (h*) est la
valeur de l’information statique désagrégée relativement à la connaissance
subjective.
Si l’individu dispose seulement d’une information statique agrégée t, t et σ2,
il choisit h* probablement différent de h*, donc a posteriori G ( h* ) ≥ G (h*). La
différence G ( h* ) – G (h*) est la valeur de désagréger l’information statique.
Il n’existe pas de relation évidente entre G (h′*) et G ( h* ) : l’information
statique agrégée ne domine pas nécessairement la connaissance subjective.
Cependant, si en pratique le système varie faiblement au cours du temps, alors
la distribution agrégée est proche de chaque distribution agrégée donc h* est
proche de h*, tandis que la connaissance subjective surestime largement σ2 donc
En particulier les coefficients β et β′. Mais entre deux individus avec αT1 > αT2, pour un motif
professionnel certainement β ′1 > β ′2 .
1
138
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
h′* est plus éloigné de h* : alors l’information statique domine la connaissance
subjective.
2.6. Nature et valeur de l’information dynamique
L’information dynamique consiste en une variable exogène Y, typiquement
une observation en temps réel ou différé, qui conditionne la distribution de th donc
qui resserre l’éventail des possibilités : cf. § 1.1.
Conditionnellement à Y = y, le temps de trajet pour l’horaire de départ h est
une VA th/y de fonction de répartition Fh/y, moyenne t
h/y
et variance σ 2h ⁄ y .
D’après la décomposition de la variance totale,
en moyenne sur les
valeurs y de Y, ce qui montre le resserrement des possibilités.
Le conditionnement modifie la fonction de coût moyen, qui devient
Le problème de choix d’horaire ainsi conditionné a pour solution h *y : le choix
est adapté à l’information dynamique.
Le gain d’adaptation se mesure de la manière suivante : sachant Y = y,
donc
La différence G* – G *Y est la valeur de l’information dynamique. Elle est
d’autant plus grande que G *Y est plus faible, donc que la connaissance de Y
précise mieux les coûts.
Exemple. Au § 2.3 nous avons donné les éléments du coût moyen pour th
gaussien de moyenne t h et variance σ 2h . Nous pouvons modéliser le conditionnement par Y en supposant que le vecteur (th, Y) est gaussien2 : si Y est distribué
N(µY,
σ 2Y ) alors, sachant Y = y, th/y est gaussien avec une moyenne
et
une
variance
pour
χh = cov(th, Y) : la variance est réduite de χ 2h / σ 2y .
2.7 Discussion
Les définitions multiples sont nécessaires pour représenter avec réalisme les
relations entre choix et information. En donnant des formes mathématiques
Une hypothèse plus réaliste est un vecteur (ln th, ln Y) gaussien : alors la variance σ 2h/y peut croître
avec y, ce qui est réaliste si Y représente le niveau de trafic.
2
Actes INRETS n° 90
139
Modélisation du trafic
simples aux éléments du modèle, nous avons obtenu une formule analytique
pour l’horaire de départ optimal. Cette formule résume, concentre les effets des
paramètres suivants : horaire cible d’arrivée, distribution du temps de trajet, coûts
marginaux à l’origine, en transport et à l’arrivée.
La formule met en évidence la marge de précaution, ajoutée par l’individu au
temps minimum pour compenser économiquement la variabilité du temps. Une
information désagrégée, ou mieux dynamique, permet d’adapter l’horaire optimal,
donc la marge, au contexte particulier du trajet. D’où en moyenne un gain par
réduction d’incertitude.
Même à information dynamique parfaite, il subsiste une incertitude non nulle :
cf. les aléas de circulation dans le modèle des conflits (Leurent, 2001,
chapitre 10). Cette incertitude résiduelle marque la limite physique des systèmes d’information dynamique. Pour la mesurer, il importe de bien distinguer les
causes de variabilité : variations du temps moyen en fonction de l’état macroscopique, ou fluctuations résiduelles.
Enfin nous avons considéré la valeur individuelle de l’information désagrégée
ou dynamique. Au niveau collectif, les économies de coût direct sont amplifiées
par des économies de coût externe, cf. (Leurent, 2001, § 13.D1). A ces valeurs
individuelle et collective, il faut bien sûr retrancher le coût d’acquisition de
l’information pour l’individu, et le coût de production de l’information pour la
collectivité : c’est la limite économique de l’information dynamique.
3. Un modèle bayesien pour l’apprentissage de l’information
La connaissance du temps de parcours, sous la forme d’une distribution
statistique, est élaborée au fil du temps par l’acteur, usager ou exploitant. Dans
un ensemble de situations « voisines » et donc répétitives, l’acteur observe la
réalisation de la variable aléatoire « temps » : les observations constituent un
échantillon, que l’on peut exploiter par des méthodes statistiques rigoureuses ou
de manière intuitive, ce qui paraît plus plausible dans le cas des usagers.
Aussi existait-il précédemment deux approches pour modéliser l’apprentissage des temps et de l’information dynamique sur les temps :
1. les méthodes statistiques usuelles d’inférence : estimation de la moyenne
et de l’écart-type pour la distribution du temps. C’est l’approche usuelle des
exploitants de réseau et autres serveurs d’information. Evidemment il s’agit alors
de temps objectif ;
2. des méthodes basées sur la logique floue, i.e. sur un ensemble de règles
quantitatives pour formuler des variabilités et les combiner ; cf. la thèse de
Vincent Henn (2001) pour une revue de ces approches. Précisément, on
distingue deux types de variabilité en logique floue : l’incertitude d’ordre conceptuel-perceptif, par opposition à l’imprécision numérique (ex. peu de chiffres
significatifs pour un nombre). Les chercheurs qui choisissent cette approche,
souhaitent privilégier la capacité à représenter l’incertitude et l’imprécision.
140
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
Dans la suite de cette partie, nous développons une troisième approche,
basée sur l’analyse bayésienne : ce cadre statistique permet de représenter une
connaissance incertaine, ainsi que l’apport d’une information supplémentaire
pour augmenter cette connaissance.
Ainsi la troisième approche est médiane entre les deux premières : de nature
statistique, mais avec des capacités de représentation et des principes de
combinaison, comparables à la logique floue3.
A notre avis, l’analyse bayésienne tire le meilleur parti des deux premières
approches : bon pouvoir de représentation, et caractère statistique qui assure un
lien solide et clair avec l’expérience et l’observation.
Nous présentons successivement :
1. les principes de l’analyse bayésienne, son application à la connaissance
d’une proportion, d’une distribution et d’un modèle de régression ;
2. les utilisations possibles pour la connaissance des temps de parcours :
formation de l’expérience, représentation de l’imprécision ;
3. la place de l’information dynamique, dans le cas d’un exploitant puis d’un
usager.
3.1 Sur l’analyse bayésienne
3.1.1 Principes
Soient deux variables aléatoires X et Y. Une connaissance probabiliste
exhaustive du couple (X, Y) consiste en la connaissance des Pr{X ∈ A ∩ Y ∈ B}
pour tous les événements A et B relatifs à X et Y respectivement.
Les distributions individuelles de X et Y, les Pr{X ∈ A} et Pr{Y ∈ B}, constituent
une connaissance partielle, marginale, pour le couple (X, Y).
Un autre élément de connaissance probabiliste est l’information sur Y
conditionnelle à X, i.e. les probabilités conditionnelles Pr{Y ∈ B  X ∈ A} pour tous
événements A et B.
L’information marginale Pr{X ∈ A} et l’information conditionnelle Pr{Y ∈ B  X ∈ A}
sont exhaustives, puisque Pr{X ∈ A ∩ Y ∈ B} = Pr{Y ∈ B  X ∈ A} Pr{X ∈ A}.
En particulier elles révèlent l’autre distribution marginale Pr{Y ∈ B} grâce à la
règle des causes totales, pour une partition d’événements As qui recouvrent
l’ensemble des valeurs possibles de X sans se recouper :
3
Cette analogie du pouvoir de représentation a été démontrée dans des travaux de logique
théorique.
Actes INRETS n° 90
141
Modélisation du trafic
Nous en déduisons également l’information sur X conditionnelle à Y, par la
règle de Bayes
Figure 1 : Schéma de l’analyse bayésienne
Pr{X ∈ A  Y ∈ B}
∝
Connaissance
a posteriori
Pr{Y ∈ B  X ∈ A}
Pr{X ∈ A}
Information
conditionnelle
Connaissance
a priori
3.1.2 Connaissance bayésienne d’une proportion
Soit une proportion p, qui peut représenter la probabilité d’occurrence d’un
certain événement. Une connaissance incertaine de p se modélise par une
distribution de probabilité, d’autant plus concentrée autour d’une valeur « la plus
plausible » que l’incertitude est plus faible.
La formule usuelle pour une distribution de probabilité adaptée à une
proportion, donc étendue entre 0 et 1, est la loi Beta-I à deux paramètres α et γ,
qui admet la densité
avec une constante de normalisation
Les paramètres α et γ modulent la forme de la distribution, notamment ses
moments :
•
pour la moyenne,
•
pour la variance.
On utilise une telle distribution pour modéliser la connaissance a priori de la
proportion.
Une observation consiste en la réalisation, ou non, de l’événement de probabilité p : c’est une variable aléatoire binaire y qui prend la valeur 0 en cas d’échec
ou 1 en cas de succès. La variable y a pour fonction de densité, sachant p :
• f(0) = Pr{y = 0 | p} = 1 – p,
• f(1) = Pr{y = 1 | p} = p,
soit f(y) = (1 – p)1–y py de manière générique. On en déduit la fonction de
vraisemblance de p sachant y, Pr{p | y} = (1 – p)1–y py.
142
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
En combinant la connaissance a priori et la vraisemblance de l’observation,
nous obtenons la connaissance a posteriori g(p | y) ∝ pα+y–1(1 – p)γ–y, qui est
encore une distribution Beta-I, avec des paramètres modifiés
• α′ = α + y,
• γ′ = γ + 1– y.
Ces deux formules d’actualisation sont très simples, ce qui justifie l’emploi de
la distribution. Graphiquement, la figure 2 montre la formation de l’expérience
dans le cas où y = 1.
Figure 2 : Connaissance d’une proportion : a priori (cloche de gauche),
observé (segment), a posteriori (cloche de droite).
3.1.3 Connaissance bayésienne d’une distribution
La distribution statistique d’une variable t sur un intervalle réel, contient
davantage d’information qu’une simple proportion.
Le modèle le plus simple est une distribution gaussienne à la fois pour la
connaissance a priori, la vraisemblance d’observation et la connaissance a
posteriori (cf. Judge et al., 1988). Il suffit alors de deux paramètres, la moyenne et
l’écart-type, qui sont des nombres réels que des observations peuvent modifier.
Un modèle plus sophistiqué nous semble nécessaire pour la connaissance de
la distribution : à savoir le modèle gaussien – gamma inverse, qui considère la
variable t comme gaussienne N(β, σ), mais avec
• une moyenne β elle-même distribuée
en fonction de deux
hyper-paramètres µ, τ et de l’écart-type.
• un écart-type σ distribué gamma inverse à deux hyper-paramètres ν, θ.
Actes INRETS n° 90
143
Modélisation du trafic
En fonction des quatre hyper-paramètres µ, τ, ν, θ, la variable t a pour moments
• E[t] = µ
•
Pour la composition de la fonction de densité, cf. Judge et al. (1988) ou
l’appendice.
Une observation y de t provient de la distribution N(β, σ), donc elle induit une
vraisemblance
En combinant la connaissance a priori et la vraisemblance de l’observation,
nous obtenons la connaissance a posteriori de la distribution, qui est encore un
modèle gaussien – gamma inverse dont les quatre hyper-paramètres vérifient :
• τ′ = τ + T,
• ν′ = ν + T,
• µ′ = (τµ + Ty)/(τ +T),
• θ′ = θ – τ′µ′2 + τµ2 + Ty2 + (T – 1)z2.
Ces formules sont données dans le cas de T valeurs observées4, de moyenne
y et de variance corrigée z2.
3.1.4 Connaissance bayésienne d’un modèle de régression
Un modèle de régression est une dépendance quantitative d’une variable y
dite endogène, envers des variables xj appelées les facteurs exogènes.
La régression la plus simple a la forme linéaire suivante, en fonction de
coefficients θj :
Cela sert à modéliser l’influence conjointe des facteurs exogènes, et de traiter
de manière unifiée une grande diversité de cas particuliers.
On peut traiter la régression linéaire de manière bayésienne, en associant aux
coefficients θj une distribution gaussienne multivariée.
3.2 Application au temps de parcours
Nous considérons le temps de parcours comme une grandeur réelle
soumise à des fluctuations, afin de lui appliquer l’analyse bayésienne d’une
distribution.
4
Pour des observations indépendantes.
144
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
3.2.1 La formation progressive de l’expérience
Pour appliquer la formation progressive de l’expérience, autant pour un
usager que pour un exploitant, on applique le schéma « en boucle » :
1. connaissance a priori + observation ⇒ connaissance a posteriori, selon les
formules du § 3.1.3 ;
2. connaissance a posteriori ⇒ nouvelle connaissance a priori, par simple
report ; ce qui permet d’incorporer chacune des observations successives.
3.2.2 Ajout de l’imprécision
Si de plus la précision de l’observation est limitée, nous pouvons modéliser
l’imprécision en supposant que la valeur observée y est la somme du temps réel
x (pas observé) et d’une perturbation aléatoire ε de moyenne nulle et variance u2.
Dans ce cas l’usager perçoit la situation imprécise avec observation de y,
comme un mélange de situations précises avec observation de x.
Dans le mélange, la proportion de chaque valeur x est la densité au point x
d’une variable aléatoire gaussienne de moyenne y et variance u2.
Pour obtenir rapidement les conséquences d’une observation imprécise, il
suffit de reprendre les formules d’actualisation des hyper-paramètres, et de les
moyenner selon la distribution de l’imprécision ε. Alors seule la formule de
l’hyper-paramètre θ change : dans le cas à une observation (T = 1), elle devient
3.3. Place de l’information dynamique
3.3.1 Cas d’un exploitant
Pour un itinéraire donné, dans certaines conditions de période, un exploitant
qui peut observer systématiquement le temps peut constituer progressivement
une connaissance statistique.
Plus profondément, il peut observer conjointement le temps de parcours et
certains facteurs comme le niveau de trafic, et les exploiter avec un modèle de
régression (cf. § 3.1.4). En situation de prévision, il peut alors fournir la
distribution statistique du temps conditionnel à ce facteur.
3.3.2 Cas d’un usager
Un usager sans accès à l’information de l’exploitant, utilise seulement ses
observations individuelles pour former son expérience du temps de parcours.
Cette expérience correspond uniquement aux situations qu’il rencontre, donc elle
ne représente pas nécessairement une situation moyenne.
En supposant un usager « statisticien », on peut modéliser l’observation
conjointe du temps et du trafic rencontré, ou encore l’observation conjointe du
temps et d’une information diffusée par l’exploitant.
Actes INRETS n° 90
145
Modélisation du trafic
Bibliographie
Henn V. (2001) Information routière et affectation dynamique : vers une modélisation floue. Thèse de l’Université de Saint-Etienne.
Judge G.G., Hill R.C., Griffith W.E., Lütkepohl H. & Lee T.C. (1988) Introduction
to the Theory and Practice of Econometrics. Wiley, New York.
Leurent F. (2001) Modèles Désagrégés du Trafic. Rapport INRETS Outils et
Méthodes # 10. INRETS, Arcueil, France.
Zerguini S. (1998) Variabilité des temps de parcours et incertitude des usagers
sur le temps de déplacement. Congrès international francophone de
l’ATEC, Vincennes, janvier.
5. Appendice : connaissance bayésienne d’une distribution
Nous précisons ci-après le détail des calculs pour traiter une variable aléatoire
gaussienne – gamma inverse, en analyse bayésienne.
5.1 Hypothèses de la distribution gaussienne – gamma inverse
Les densités de la variable aléatoire primaire notée t, et des variables
secondaires β et σ sont respectivement :
•
•
• σ ≈ Inverse – Gamma (ν, θ) :
•
Pour cette dernière, E[σ] =
et
5.2 Conséquences
En fonction des quatre hyper-paramètres µ, τ, ν et θ, la VA t admet une
densité, une moyenne et une variance. La moyenne découle du théorème de
l’espérance totale :
E[t] = E[E[E[t | β, σ] | σ]] = E[E[µ | σ]] = µ.
Pour la variance, on applique le théorème de l’espérance totale à t2 :
E[t2] = E[E[E[t2 | β, σ] | σ]] = E[E[β2 + σ2 | σ]] =
,
donc
146
Actes INRETS n° 90
L’information dynamique sur les temps de parcours…
Pour la densité, on applique la règle des causes totales. Pour un T-uplet
d’observations indépendantes, de moyenne empirique y et de variance empirique
corrigée z2, la distribution conditionnelle à β et σ admet la densité
avec r = T – 1
Soient τ′ = τ + T et
:
alors
avec
L’intégration selon σ utilise la constante de normalisation de la distribution
inverse-gamma :
avec ν′ = ν + T
Pour faciliter l’implémentation pratique des calculs, on peut définir trois
constantes auxiliaires
et
Actes INRETS n° 90
147
Modélisation du trafic
5.3 Formules d’actualisation des quatre hyper-paramètres
• τ′ = τ + T,
•
• ν′ = ν + T,
•
148
Actes INRETS n° 90
Incidences de l’information « temps de parcours »…
Incidences de l’information
« temps de parcours » sur
les décisions adoptées par les usagers
des voies rapides urbaines
Brigitte Cambon de Lavalette
INRETS-LPC
Sébastien Poitrenaud
Laboratoire CNRS ESA-7021 « Cognition & Activités Finalisées »,
Université Paris VIII.
Résumé
La présentation était destinée à exposer les résultats actuels d’une recherche
concernant l’utilisation des messages « temps de parcours » annoncés sur les
PMV des voies rapides urbaines. Sa particularité est de chercher à comprendre
l’impact de l’information « durée de parcours » à partir des processus mentaux
qu’elle sollicite chez les individus, dans le courant de leur activité mentale, et non
à partir de la modélisation du trafic. L’objectif était de définir une méthodologie
permettant d’évaluer les comportements des usagers en réponse à ces
messages : l’activité mentale engagée et les moyens de l’analyser.
1. Introduction
La particularité des messages temps de parcours est qui informent les
usagers en temps réel sur l’état du trafic. Ils ne donnent pas d’ordres, ni même
de conseils, comme c’est le cas avec la signalétique routière traditionnelle.
Néanmoins, ils apportent à l’usager une information qui peut concerner un
meilleur acheminement de son itinéraire. Celui-ci est libre d’utiliser ou non. Les
usagers apprécient favorablement ce nouveau service.
Comme ils sont de forme alphanumérique, une autre caractéristique de ces
messages est leur obligatoire brièveté du fait des contraintes de l’affichage sur
PMV et du temps de lecture de l’usager. Le contenu doit en être synthétique. De
ce fait, ces messages sont contraints d’éluder un certain nombre de connaissan-
Actes INRETS n° 90
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Modélisation du trafic
ces que l’usager doit avoir en mémoire pour en comprendre la teneur. Pour en
restituer le sens, il doit établir des correspondances entre le contenu du message
et des éléments en mémoire résultant de son expérience passée. On comprend
alors que l’utilisation de ces messages génère des processus cognitifs d’activation mentale qui vont varier pour le moins selon que l’usager possède ou non les
prérequits nécessaires à son interprétation. A partir du contenu du message,
l’usager doit inférer un autre contenu qui va être celui qui guidera son action.
Dans le cas des messages indiquant les durées de parcours, le contenu désigne
un lieu et une durée. Par exemple à Paris « P. Italie 7 mn.» ce qui signifie « si les
conditions de circulation ne changent pas, je vais mettre maintenant 7 minutes
pour atteindre la porte d’Italie », et cela sous entend éventuellement que la zone
est plus ou moins encombrée. Selon la signification qu’il lui donne, le conducteur
peut inférer ou non la présence d’un bouchon sur son itinéraire aval. Il a alors la
possibilité soit de quitter la voie sur laquelle il se trouve soit de maintenir son
itinéraire.
Selon la façon avec laquelle chacun organise ses déplacements, l’impact de
ces informations sur le comportement et la décision induite à la lecture du
message peuvent entraîner des modifications de l’état du trafic et ainsi faire
surgir de nouveaux problèmes. C’est en quoi la connaissance des réactions des
usagers à ces messages est un sujet de recherche intéressant pour l’ergonomie
routière du point de vue de l’adaptation de l’humain au système. Concernant les
messages durée de parcours, la principale question est celle de la décision
adoptée à la lecture du message : en cas d’encombrement , décide-t-il de
changer d’itinéraire ou de patienter dans de meilleures conditions ? L’intérêt qu’il
y a à analyser ce sujet est qu’une meilleure connaissance du processus peut
éventuellement contribuer à apporter un meilleur éclairage sur des outils de
régulation du trafic.
Selon les recherches faites sur l’écoulement du trafic, il semblerait que la
seconde solution soit plus adoptée que la première (Cohen, S., & Hadj-Salem, H.,
1996, et Jardin, P., & Laterrasse 1998) : les conducteurs se délestent peu à
l’annonce des durées de parcours. Cependant, tous les usagers ne se comportent
pas à l’identique. L’objectif de notre recherche a été d’identifier des catégories
d’usager en fonction des décisions qu’ils prennent à partir de ces messages.
Dans la première partie de cette présentation, nous allons exposer l’analyse
de l’activité mentale sollicitée à la lecture de ces messages, c’est-à-dire les
inférences qu’ils en avancent, les différentes formes d’interprétation de son
contenu. Nous allons alors constater que tous les usagers ne peuvent se
comporter de façon identique. Dans la seconde partie, les résultats d’une
approche exploratoire seront exposés.
2. Processus mentaux d’interprétation des messages
Pour beaucoup, la brièveté des messages, un lieu, une durée, fait que leur
signification semble évidente, induisant par là même directement l’action appro-
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Actes INRETS n° 90
Incidences de l’information « temps de parcours »…
priée. Cela peut être le cas pour les individus ayant déjà élaboré leur propre
représentation du dispositif. La notion de représentation est ici employée pour
désigner le modèle mental que l’individu, à partir de ses expériences, se fait de
son environnement, des objets qu’il y rencontre et des interactions qu’il développe avec eux (M. Denis 1998 ; Tijus 2001 ; Richard, 1998). C’est une construction mentale qui permet à l’individu de faire face aux exigences d’une tâche
particulière.
A la lecture des messages sur les durées de parcours, comment cette
représentation se construit-elle ? Notre hypothèse repose sur l’idée que, afin
d’interpréter correctement le message et décider de la conduite à adopter, le
conducteur doit disposer d’un certain nombre de connaissances, et, selon l’état
de ces connaissances, mais aussi selon son intention d’atteindre le plus
rapidement possible sa destination, il décidera soit de maintenir son itinéraire,
soit d’en changer.
2.1 Les connaissances impliquées dans la compréhension du message.
2.1.1 Les connaissances de la toponymie et de la topographie des lieux.
Avec évidence, il est indispensable de connaître le nom des lieux indiqués sur
les panneaux, leurs positions dans l’espace, et leur situation par rapport à
l’itinéraire poursuivi. Les usagers peu accoutumés à la toponymie d’une région,
les touristes par exemple, ne sont probablement pas du tout concernés : ils ne
peuvent décider d’une action sur cette base. De plus, il arrive que la terminologie
en vigueur sur les PMV utilise une dénomination des voies qui n’est pas celle de
l’usager : les axes sont parfois désignés selon un code différent de celui employé
par le public.
2.1.2 La connaissance des durées habituelle de parcours.
Pour que l’information permette à l’usager d’inférer l’état du trafic aval, il doit
avoir en mémoire la connaissance de la durée de parcours en période de fluidité
afin de la comparer à la durée de parcours annoncée pour évaluer le degré de
congestion. Si par exemple, il sait qu’un trajet se parcourt habituellement en
5 minutes, la décision qu’il prendra devrait, on le suppose, varier si on lui signale
une durée de 10 minutes, ou bien de 40 minutes. Il faut donc avoir déjà fait le
parcours concerné, évalué la durée nécessaire pour le parcourir, peut-être tenir
compte des variations horaires dans la journée, avoir mémorisé toutes ces
données, pour attribuer une signification à la durée annoncée en termes de degré
de congestion du trafic, et de là, décider ou non de modifier du projet initial
d’itinéraire. Il y a donc une phase préalable dans la construction de la représentation mentale de l’individu au cours de laquelle il va établir des comparaisons,
pour en inférer un état qualitatif de la circulation (plus ou moins encombrée). En
revanche, les usagers occasionnels qui ne connaissent pas la durée habituelle
ne devraient pas pouvoir inférer aussi bien que les autres la présence d’un
bouchon.
Actes INRETS n° 90
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Modélisation du trafic
2.1.3 La connaissance d’itinéraires alternatifs.
Dans la mesure où nous avons envisagé deux modalités d’action induites par
les messages, changer d’itinéraire ou patienter, on conçoit aisément que la
décision de changer soit liée à la plus ou moins bonne connaissance du réseau
et s’opérera d’autant plus facilement que l’usager a une représentation de
l’espace environnant et la connaissance de trajet lui permettant d’atteindre sa
destination, c’est-à-dire qu’il aura déjà pu élaborer une carte mentale de l’espace
concerné. De ce fait, la connaissance du réseau devrait interférer elle aussi avec
la modalité décisionnelle adoptée et opérer une sélection entre les usagers selon
leur expérience de l’espace : en l’absence de connaissance d’itinéraire de
rechange et des durées probables sur ces itinéraires, l’usager va-t-il prendre le
risque de chercher un autre parcours, et peut-être de perdre autant de temps ?
Cela est peu probable et mériterait d’être étudié.
2.1.4 La confiance dans la fiabilité des messages sur les durées
de parcours.
Pour que les usagers soient incités à agir à partir des messages, quelle que
soit l’issue de l’action, il semble indispensable qu’ils soient assurés du fait que la
durée annoncée représente bien la durée actuelle, en temps réel, du parcours
qu’ils vont effectuer. Ce qui constitue l’intérêt principal de la durée annoncée sur
les PMV est qu’elle résulte d’une évaluation en temps réel, qu’elle donne ainsi
une image, un « instantané » de la situation actuelle. A ce sujet, plusieurs
éléments sont à considérer. Le premier est que le bien fondé de la signalisation
routière est bien souvent remis en question par les usagers qui s’y conforment
d’une façon variable, en la réinterprétant souvent d’une façon personnelle.
Ensuite, s’agissant d’une évaluation en temps réel, ils doivent avoir à l’esprit que
cette évaluation résulte d’un système collecteur de données sur le trafic actuel de
la circulation et non d’une valeur moyenne indiquant la durée moyenne du
parcours. Il est donc impératif qu’ils aient construit une représentation mentale
d’un système susceptible de produire des données fiables. Or, il n’y a pas
d’information au public sur le fonctionnement réel du système PMV qu’ils ne sont
pas supposés connaître. Par ailleurs, il est difficile d’inférer le fonctionnement réel
de ses dispositifs sans avoir en mémoire un certain nombre de connaissances
sur les technologies avancées, sur les capteurs notamment, et de « deviner »
comment ça marche. Tous ces éléments font que la crédibilité de l’information
n’est pas acquise d’emblée.
2.2 L’intention
Dans la décision que l’usager adopte à la lecture du message, il nous a
semblé nécessaire de tenir également compte de l’intention des usagers en
matière d’organisation des déplacements. En effet, il peut posséder les connaissances requises pour interpréter correctement le message, mais suivant son
intention, il les utilisera ou pas. Cela revient à dire que l’intention organise l’action
(Pacherie, 1993), exprimant ce que l’individu pense ou désire à propos de
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Actes INRETS n° 90
Incidences de l’information « temps de parcours »…
l’organisation de son trajet. Il s’agit d’une disposition à agir d’une certaine façon,
de ce que l’on peut voir comme un critère d’obtention du but qu’il s’est fixé.
Nous sommes intéressés par deux catégories d’intention : celle qui consiste à
vouloir atteindre sa destination le plus rapidement possible et celle qui consiste à
vouloir ménager son confort.
2.3 Conclusion : modélisation de l’activité mentale sollicitée
En conclusion, suivant la façon avec laquelle les usagers conçoivent les
déplacements urbains, les intentions qui les animent dans ce but, suivant les
diverses catégories de signification accordées aux messages, nous supposons
qu’ils auront l’intention :
• soit d’atteindre le plus rapidement possible leur destination, et désirer le
faire en utilisant tout ce qu’ils pensent leur permettre de réaliser cette
intention ; et alors, selon la signification donnée au message, ils l’utiliseront
ou non pour éviter les zones saturée.
• soit de ménager leur confort en faisant l’économie de ne pas chercher un
autre itinéraire, et alors, suivant la signification donnée au message, ils
peuvent se trouver confortés ou non dans l’idée qu’ils peuvent patienter.
Le processus qui peut être schématisé de la façon suivante :
Figure 1 : Schématisation des processus mentaux impliqués
•
•
•
•
•
•
•
Cela implique que la décision adoptée, maintenir son itinéraire ou en changer
si la durée de parcours paraît excessive, doit avoir un caractère rationnel, qui
peut par exemple être énoncé sous la forme d’une proposition de la façon
suivante :
• si j’ai l’intention d’atteindre ma destination le plus rapidement possible
• que je juge le temps annoncé supérieur au temps habituel, que je sais que
cette information est fiable, que ma connaissance du réseau m’indique un
autre itinéraire possible
• alors je décide de changer d’itinéraire.
Actes INRETS n° 90
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Modélisation du trafic
3. Comportements adoptés par les usagers à la lecture
des messages : approche exploratoire
A partir de cette modélisation du comportement, une enquête exploratoire a
été réalisée auprès des usagers du boulevard périphérique de Paris. La difficulté
résidait cependant dans l’analyse des entretiens si l’on veut comprendre le lien
sémantique reliant les termes de la proposition. C’est la raison pour laquelle nous
avons utilisé le programme STONE(Semantic Tree based Object Navigator and
Editor) ) qui a en effet été développé afin de disposer d’un outil de manipulation
de données arborescentes, mettant en pratique l’analyse hiérarchique des
propriétés.
3.1 Méthodologie
Nous avons procédé par enquête auprès d’usagers habituels de cet axe,
l’utilisant plusieurs fois par semaine depuis plusieurs années.
3.1.1 Les entretiens
18 automobilistes ont ainsi été interviewés. Les entretiens duraient 45 minutes
environ, et étaient réalisés selon la méthode semi-directive, sur les thèmes
suivants :
1. La « pression temporelle » évoquée à partir des raisons de leur choix
modal en faveur de la voiture pour les déplacements urbains, et qui apparaissait
également à partir de l’exposé des motifs de leur passage par le BP.
2. L’évocation des différents itinéraires utilisés ce qui permettait d’amener le
sujet à parler de la place occupée par les messages sur les durées de parcours
dans le choix de l’itinéraire.
3. Le récit d’itinéraire réel récent ce qui avait pour objectif de chercher à
vérifier les allégations exposées précédemment.
4. Leur représentation du dispositif PMV avec temps de parcours.
3.1.2 Analyse des entretiens : le programme STONE
Les données issues des entretiens ont ensuite été analysées à l’aide du
logiciel STONE (Poitrenaud, 1998). Il permet d’articuler des données sur des
plans successifs, ce qui a permis ici d’envisager pour chaque sujet la succession
des instances impliquées dans l’action : intention, connaissances, décision, sans
avoir à les reconstituer arbitrairement à posteriori ; le lien entre elles apparaît
directement sur le graphe de Stone.
La plupart des systèmes de gestion de base de données codent les propriétés
des entités représentées à l’aide de la notion de couple attribut-valeur, dans des
tables ou relations : les colonnes représentent les différents attributs et les lignes
les différentes entités sous la forme d’un vecteur de valeurs exclusives. Un
ensemble d’attributs munis chacun d’un ensemble de valeurs possibles constitue
un type d’entité.
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Actes INRETS n° 90
Incidences de l’information « temps de parcours »…
En revanche, dans une description Stone, il n’y a ni table, ni attribut, ni valeur,
ni classes prédéfinies, mais des lignées de propriétés organisées de façon
arborescente. Les objets décrits par ces propriétés sont munis d’un identificateur
unique : c’est un système à objets nommés. Le schéma attribut valeur du modèle
relationnel peut être vu comme un cas particulier de description Stone dans
lequel la « profondeur » de la description est systématiquement de 3 : au premier
niveau, on a les types d’objet (les différentes tables relationnelles) ; au deuxième
niveau, les attributs ; et au troisième niveau, les valeurs des attributs.
Figure 2 : Graphe Stone représentant les modalités de la décision d’un sujet
Actes INRETS n° 90
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Modélisation du trafic
La figure 2 ci-dessous présente la formalisation STONE des liens entre les
états successifs impliqués, suite à l’information du PMV, dans la décision de
rester ou de quitter un itinéraire. Elle représente sous forme d’arborescence tous
les motifs alternatifs qui composent le plan de l’action : l’intention inférée à partir
des raisons du choix (dans la figure : choix) pour la voiture (voiture,) ou pour le
passage par le BP (BP (confort ou simplification tache) ; les connaissances sur
la configuration du réseau (connaissances réseau) les indices (indices) à partir
desquels les sujets prennent leurs décisions ; les inférences (raisonnement)
qu’ils établissent à partir du message affiché sur le PMV avant d’accéder au BP
(action 1), puis quand ils sont déjà sur le BP et qu’un bouchon se forme soudain
(action 2). Dans les 2 cas, la décision consiste soit à changer d’itinéraire pour
éviter le bouchon, soit à rester dans le bouchon en organisant le délai de temps
perdu.
3.2 Résultats
Sur l’ensemble des sujets de l’échantillon, 5 privilégient d’arriver le plus
rapidement possible à destination, et 13 le confort du déplacement. En présence
de bouchons sur leurs itinéraires, que décident-ils de faire ? Nous avons observé
trois types de comportement selon la décision de changer d’itinéraire, de rester
dans les encombrements, ou rester dans un bouchon quand le report de temps,
selon le PMV, n’est pas excessif.
• Les premiers (5 sujets) qui agissent donc dans le sens attendu, sont
rébarbatifs à toute forme d’acceptation des bouchons ; ils changent d’itinéraire avant de s’engager sur le BP si la durée leur paraît excessive ; ils sont
fortement motivés par le désir d’atteindre le plus rapidement possible leur
destination (c’est la raison pour laquelle ils empruntent cette voie rapide, et
pour la plupart, celle du choix de la voiture pour se déplacer) ; la décision de
se délester est favorisée par le fait qu’ils ont en général une connaissance
étendue du réseau, des itinéraires « de secours », vers lesquels ils se
délestent dès que ça « bouchonne ». Et alors, la connaissance de la durée
de l’immobilisation peut leur servir à éviter les zones encombrées.
• A l’opposé, se trouve le groupe de ceux sur lesquels le dispositif ne semble
pas agir (7 sujets) : ils acceptent les bouchons avec une grande patience, et
qui sont les plus nombreux parmi nos sujets. Ceux-là ne changent pas
d’itinéraire quelque soient les durées annoncées à l’abord du BP ou sur le
BP lui-même, préférant ménager le confort de leur trajet pour la plupart, ils
connaissent peu d’autres trajets, et n’en cherchent pas. Ils semblent
« économes » de leurs actions ; certains ont même l’habitude de partir en
avance. L’information sur les durées de parcours les renforce dans leurs
convictions que « de toute façon, c’est partout pareil... », et que ce n’est pas
la peine de changer de trajet.
• Enfin, parmi eux, nous avons observé un sous-groupe de 3 conducteurs qui
adoptent, pragmatiques, les comportements des deux précédents groupe.
D’une part, comme le second groupe, ils n’ont pas l’intention d’aller vite,
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Incidences de l’information « temps de parcours »…
mais s’ils passent par le BP, c’est parce que c’est plus rapide, comme le
premier groupe. Ils ne rentrent pas sur le BP encombré mais acceptent des
reports de temps, non pas d’une façon inconditionnelle comme semblent le
faire les sujets du groupe précédent, mais dans une certaine marge qu’ils
précisent en général. Ils ont une bonne connaissance du réseau, ce qui fait
qu’ils pourraient changer d’itinéraire. Les PMV leur servent soit à éviter de
s’engager sur le BP encombré (la durée leur indique l’état du trafic au-delà
du champ visuel), soit, si le bouchon se forme quand ils s’y trouvent déjà, à
patienter pendant un certain temps.
Ces résultats ne sont pas représentatifs d’une population : le nombre des
usagers interviewés est trop restreint. En outre, il s’agit d’usagers réguliers,
connaissant les durées moyennes de parcours et la toponymie des lieux. Ils
permettent cependant de mettre en évidence plusieurs éléments particulièrement
intéressants :
• L’idée assez commune selon laquelle les automobilistes cherchent à
atteindre leur destination le plus rapidement possible ne correspond pas à
tous les usagers. Bien au contraire, on trouve des usagers qui s’installent
confortablement dans les bouchons : on pourra téléphoner, bien écouter de
la musique, etc. Comme le dit très clairement l’un d’eux : ... j’aime bien
l’intimité de mon propre véhicule... c’est un lieu de vie j’écoute la musique
que je veux. Je ne suis pas obligé de subir le contact des autres je peux
regarder le journal, je peux faire plein de choses dans une voiture... Ce n’est
donc pas un moment que tous les conducteurs vont chercher obligatoirement à écourter.
• Les conducteurs venant chaque jour de la banlieue éloignée ne connaissent
pas forcement d’itinéraire alternatif : ils préfèrent maintenir leur route sur le
boulevard périphérique plutôt que de perdre du temps sur un autre itinéraire,
surtout depuis que les durées de trajets sont annoncées.
• La représentation du fonctionnement du dispositif producteur des messages
est bien souvent qu’il est assuré par des caméras qui « observent » le trafic,
la qualité de l’information en serait donc moins bonne que celle des capteurs
qui évaluent le trafic en temps réel. La fiabilité accordée aux messages en
est sans doute moins bonne.
4. Conclusion
Ces résultats font apparaître des éléments intéressants quant aux habitudes
de trajet, comme la préférence pour son confort vs sa rapidité. Ils montrent
également que les messages durées de parcours sont très utiles aux usagers qui
désirent ménager leur confort, les rassurant sur l’issue de la situation, ce qui n’est
pas le cas lorsque les messages annoncés sur les PMV sont « bouchon » ou à
fortiori « accident » : dans ce cas ils changent d’itinéraire. Ceci suggère que les
messages durées de parcours pourraient donc contribuer à un accroissement du
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Modélisation du trafic
trafic. Une meilleure information du fonctionnement du dispositif permettrait peutêtre d’améliorer la confiance dans la valeur du message.
S’agissant d’une recherche exploratoire, portant sur un nombre restreint de
sujets, les résultats ne peuvent cependant en être considérés comme représentatifs d’une population d’usagers. Nous ne savons pas comment se comportent
les usagers occasionnels. L’enquête par entretiens que nous avons entreprise,
devrait être prolongée de façon à s’assurer englober l’ensemble des catégories
de sujets. Par exemple, les sujets que nous avons interviewés ne mettent pas
radicalement en doute la fiabilité du dispositif. Or, des enquêtes d’opinions faites
à l’instigation des pouvoirs publics (DREIF, 1997), montrent que 10 % des
usagers dénient toute forme d’intérêt à ces messages. Il aurait été intéressant
d’avoir pu interviewer des représentants de cette opinion pour en comprendre les
raisons. Ensuite, une enquête extensive sur la répartition des différentes
catégories d’usagers devrait être entreprise de façon à avoir une meilleure
représentation de leurs motivations et de leurs comportements dans la circulation.
Bibliographie
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Denis M. (1998) Vocabulaire des sciences cognitives, PUF, p. 345.
DREIF, SIER (1997) Baromètre d’image des panneaux à message.
Jardin P. & Laterrasse J. (1998) Méthode d’analyse de l’impact des informations
dynamiques des panneaux à message variables sur le comportement
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pp. 159-170.
Pacherie E. (1993) Naturaliser l’intentionnalité, PUF.
Poitrenaud S. (1998) La représentation des Procédures chez l’opérateur :
description et mise en œuvre des savoir-faire. Thèse de Doctorat,
Université de Paris VIII.
Richard J.F. (1998) Les activités mentales, Armand Colin.
Tijus C. (2001) Introduction à la psychologie cognitive, Nathan Universités.
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Imprimé en France – JOUVE, 11, bd Sébastopol, 75001 Paris
N° 338199E – Dépôt légal : Juin 2004
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