Modélisation du trafic
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Modélisation du trafic
Coordination Scientifique Maurice ARON Florence BOILLOT Jean-Patrick LEBACQUE Modélisation du trafic Actes du groupe de travail 2001 Actes INRETS n˚ 90 Mai 2004 Conformément à la note du 04/07/2014 de la direction générale de l'Ifsttar précisant la politique de diffusion des ouvrages parus dans les collections éditées par l'Institut, la reproduction de cet ouvrage est autorisée selon les termes de la licence CC BY-NC-ND. Cette licence autorise la redistribution non commerciale de copies identiques à l’original. Dans ce cadre, cet ouvrage peut être copié, distribué et communiqué par tous moyens et sous tous formats. Attribution — Vous devez créditer l'Oeuvre et intégrer un lien vers la licence. Vous devez indiquer ces informations par tous les moyens possibles mais vous ne pouvez pas suggérer que l'Ifsttar vous soutient ou soutient la façon dont vous avez utilisé son Oeuvre. 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Le service Politique éditoriale scientifique et technique de l'Ifsttar diffuse différentes collections qui sont le reflet des recherches menées par l'institut : • Les collections de l'INRETS, Actes • Les collections de l'INRETS, Outils et Méthodes • Les collections de l'INRETS, Recherches • Les collections de l'INRETS, Synthèses • Les collections du LCPC, Actes • Les collections du LCPC, Etudes et recherches des laboratoires des ponts et chaussées • Les collections du LCPC, Rapport de recherche des laboratoires des ponts et chaussées • Les collections du LCPC, Techniques et méthodes des laboratoires des ponts et chaussées, Guide technique • Les collections du LCPC, Techniques et méthodes des laboratoires des ponts et chaussées, Méthode d'essai www.ifsttar.fr Institut Français des Sciences et Techniques des Réseaux, de l'Aménagement et des Transports 14-20 Boulevard Newton, Cité Descartes, Champs sur Marne F-77447 Marne la Vallée Cedex 2 Contact : [email protected] Coordination scientifique : Maurice Aron, chargé de recherche à l’INRETS-GRETIA [email protected] Florence Boillot, chargée de recherches à l’INRETS-GRETIA [email protected] Jean-Patrick Lebacque, Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées INRETS-GRETIA [email protected] Les Unités de recherche : Laboratoire Génie des Réseaux de Transport et Informatique (INRETS-GRETIA) Avancée, 2, avenue du Général Malleret-Joinville 94114 ARCUEIL CEDEX – Tél. : 33 (0)1 47 40 71 00 Auteurs des communications : Cécile Appert (ENS-Paris), Jean-Michel Auberlet (INRETS-CIR), Ruth Bergel (INRETS-DERA), Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS-LPC), Alexis Champion (SRILOG, Université de Valencienne et INRETS-CIR), Médhi Danech-Pajouh (INRETS-GRETIA), Alexandre Depire (INRETS-DERA), Stéphane Espié (INRETS-CIR), Fabien Leurent (SETRA), Sébastien Poitrenaud (CNRS, Université Paris VIII), Ludger Santen (Université de Saarlandes-Allemagne), Véronique Sauvadet (INRETS-GRETIA) Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité Service des publications : 2, avenue du Général Malleret-Joinville 94114 ARCUEIL CEDEX Tél. : 33 (0)1 47 40 70 74 – Fax : 01 45 47 56 06 www.inrets.fr © Les collections de l’INRETS N° ISBN 2-85782-582-X N° ISSN 0769-0266 En application du code de la propriété intellectuelle, l’INRETS interdit toute reproduction intégrale ou partielle du présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, sous réserve des exceptions légales Fiche bibliographique UR (1er auteur) Projet N° Actes INRETS N° 90 INRETS/GRETIA Titre Modélisation du trafic Sous-titre Langue Actes du groupe de travail 2001 F Auteur(s) Rattachement ext. Maurice Aron, Florence Boillot, Jean-Patrick Lebacque INRETS/GRETIA INRETS/GRETIA ENPC-DR & INRETS/GRETIA Nom adresse financeur, co-éditeur N° contrat, conv. Date de publication Mai 2004 Remarques Résumé Ces actes regroupent 8 articles du groupe de travail « Modèles de trafic » pour 2001 : – Les modèle d’automates cellulaires appliqués au trafic sont des modèles microscopiques discrets. Ces modèles peuvent être résolus par le calcul analytique (dans les cas simples) ou par simulation. C. Appert et L. Santen (ENS) montrent en particulier l’émergence d’une « méta »stabilité lorsque le temps de réaction après l’arrêt dépasse un certain seuil. – S. Espié (INRETS) présente les simulations (avec le simulateur ARCHISIM) de trois applications télématiques : la régulation d’accès sur autoroute, la régulation adaptative de vitesse, la détection d’incidents. Il esquisse ensuite la simulation d’un réseau à forte densité. – Le temps pour qu’un véhicule rapide rattrape un véhicule lent dans un goulot, suit une loi fonction des lois d’arrivées et des vitesses. F. Leurent en déduit la probabilité de transition d’un état markovien rapide vers l’état lent. Il traite aussi les dépassements et croisements. – F. Leurent (SETRA) calcule explicitement la loi de probabilité du temps de parcours en supposant constantes les seules allures des conducteurs (hypothèse plus faible que celle de vitesses constantes de Wardrop). Le calibrage est possible avec des véhicules flottants. – V. Sauvadet et M. Danech-Pajouh (INRETS) calculent le niveau de confiance a priori d’une prévision ou d’une simulation du trafic à partir d’un historique et à partir de l’incertitude sur les données d’entrée, qu’ils font varier pour obtenir une « prévision d’ensemble ». – Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS) et Sébastien Poitrenaud (CNRS, PARIS VIII) ont cherché à comprendre le processus mental d’interprétation des messages « temps de parcours » et leurs incidences sur les critères et décisions des usagers quant au choix des voies rapides urbaines. – Pour F. Leurent, un usager surestime la variabilité du temps de trajet, il choisit donc subjectivement son heure de départ et son itinéraire. Son « apprentissage » est bayésien : ses connaissances progressent par l’observation, éventuellement par une information dynamique. – Ruth Bergel et Alexandre Depire (INRETS-DERA) relient les séries mensuelles d’accidents et de tués sur routes nationales et autoroutes concédées, au débit (transformé par la transformation non linéaire de Box-Cox) et à quatre variables météorologiques. Mots clés Automate cellulaire, prévision, simulation, temps de parcours, bayésien Nb de pages Prix Bibliographie 158 15,24 € oui Actes INRETS n° 90 3 Publication data form UR (1st author) Projet N° INRETS/GRETIA INRETS proceedings N° 90 Title Traffic modelisation Subtitle Language Proceedings of the Traffic Group, 2001 F Author(s) Affiliation Maurice Aron, Florence Boillot, Jean-Patrick Lebacque INRETS/GRETIA INRETS/GRETIA ENPC-DR & INRETS/GRETIA Sponsor, co-editor, name and address Contract, conv. N° Publication date May 2004 Notes Summary These proceedings gather 8 papers of the working group on Traffic Models for the year 2001. – The cellular automat models applied to traffic are discrete microscopic models, intermediate between microscopic and macroscopic models. They may be solved by analytic calculation (in the simple cases) or by simulation. C. Appert and L. Santen (ENS) show the emergence of “metastability” when reaction time after stopping exceeds above a threshold. – S. Espié (INRETS) presents the simulation results (with the microscopic model ARCHISIM) of three telematics applications : ramp metering, adaptive cruise control, automatic incident detection. Then, he outlines the simulation of a high density network. – The time required by a fast vehicle to catch up a slow one in a bottleneck follows a probability law related to the arrival laws and to speeds. F. Leurent derives the transition probability of the markovian state « fast » to « slow ». He also deals with overtaking and crossing. – F. Leurent explicitly computes the travel times, assuming constant only the rank of the speed among other drivers (weaker that than the “constant speed” assumed by Wardrop). This probabilistic model deals with bottlenecks ; it may be calibrated using floating vehicles. – V. Sauvadet and M. Danech-Pajouh (INRETS) derive the a priori confidence level of a forecast or of a simulation from the uncertainty of the input data and from an historic data file. They use the METEO-France technique of « prévision d’ensemble » by varying the input data. – Brigitte Cambon de Lavalette (INRETS) and Sébastien Poitrenaud (CNRS, PARIS VIII) try to understand the mental process of the interpretation of the journey time messages ; then they assess their impact on the criteria and decisions of drivers for road choice/assignment. – For F. Leurent, a user overvalues the travel time variability, thus selects subjectively his departure time and his route ; his learning process is considered as « bayesian » : his a priori knowledge is improved by his observations, and, if present, by dynamic information. – Ruth Bergel & Alexandre Depire (INRETS-DERA) calibrate four models linking the monthly series of accidents and fatalities occurring on national roads and motorways, to the traffic volume (using the non-linear Box-Cox transformation) and to four meteorological variables. Key words Cellular automat, forecasting, simulation, travel time Bayesian 4 Nb of pages Price Bibliography 158 15.24 € yes Actes INRETS n° 90 Table des matières A. Modélisation de l’écoulement Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic : émergence de la métastabilité Cécile APPERT, Ludger SANTEN B. Modélisation probabiliste Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours Fabien LEURENT Propriétés statistiques du temps d’itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop Fabien LEURENT C. Etudes statistiques du trafic appliquées à la sécurité routière Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Ruth BERGEL, Alexandre DEPIRE D. Evaluation à partir de modèles de simulation Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM Alexis CHAMPION, Stéphane ESPIE, Jean-Michel AUBERLET Une méthode d’évaluation a priori des résultats issus de modèles de simulation et de prévision du trafic Mehdi DANECH-PAJOUH, Véronique SAUVADET 9 27 61 83 105 117 E. Impact de l’information routière L’information dynamique sur les temps de parcours : position statistique, effet sur le choix d’horaire, mécanisme d’apprentissage Fabien LEURENT 129 Incidences de l’information « temps de parcours » sur les décisions adoptées par les usagers des voies rapides urbaines Brigitte CAMBON DE LAVALETTE, Sébastien POITRENAUD Actes INRETS n° 90 149 5 A. Modélisation de l’écoulement Actes INRETS n° 90 7 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic : émergence de la métastabilité Cécile Appert1 et Ludger Santen2 1 CNRS-Labo. de Physique Statistique, Ecole Normale Supérieure, 24, rue Lhomond, F-75231 Paris Cedex 05, France [email protected] 2 Fachrichtung Theoretische Physik, Univ. d. Saarlandes Postfach 151150 – Gebaeude 38, 66041 Saarbruecken, Germany [email protected] Résumé Nous présentons un modèle de transport très simple dans lequel les véhicules ont un certain délai de réaction après l’arrêt. Cette caractéristique rend le système métastable et permet l’émergence de structures complexes d’embouteillages. Nous évoquons des résultats expérimentaux permettant de faire le lien avec des situations de trafic routier réel. L’étude présentée ici nous permet de mettre en évidence le caractère fondamental de la métastabilité et de la stochasticité des modèles appliqués au trafic. Mots clés : modèle, automate cellulaire, temps de réaction, métastabilité, stochasticité 1. Introduction Depuis une dizaine d’années, de nouvelles approches basées sur les automates cellulaires se sont développées pour l’étude du trafic routier. Ce mouvement a été principalement initié lorsque Nagel et Schreckenberg [1] ont proposé un modèle à temps, espace et vitesses discrets, chaque cellule spatiale pouvant être occupée ou non par un véhicule. Les voitures avancent en interagissant entre elles selon des règles simples qui permettent une grande vitesse de simulation. Depuis, plusieurs variantes de ce modèle ont été proposées, en vue d’une modélisation de plus en plus réaliste du trafic [2-9]. Le travail que nous présentons ici se situe dans une perspective un peu différente. Nous Actes INRETS n° 90 9 Modélisation du trafic nous sommes délibérément intéressés à une version très simplifiée d’automate cellulaire, appelée TASEP (Totally Symmetric Exclusion Process), qui se trouve être considérée dans le domaine de la physique statistique comme un archétype des modèles de transport hors équilibre, et à ce titre a largement été étudiée analytiquement et numériquement [10-13]. On connaît par exemple la solution exacte en régime stationnaire, i.e. on peut donner la probabilité d’avoir n’importe quelle configuration microscopique dans le système, ce qui est très rare pour un système hors équilibre. Partant de ce modèle très bien connu, nous avons voulu étudier l’effet de l’introduction dans le modèle d’un temps de réaction des conducteurs. Cette modification qui peut paraître a priori anodine transforme en fait profondément la nature des phases observées. Nous allons en particulier mettre en évidence que ce temps de réaction est intimement lié à l’émergence de la métastabilité dans le système. Nous étudierons d’abord le système en conditions aux limites périodiques, pour caractériser la dynamique intrinsèque du système. Ensuite, nous considérerons des conditions aux limites ouvertes. Les taux d’injection et de retrait de véhicules aux deux extrémités du système induisent alors diverses phases dans le système. Nous étudierons l’ensemble du diagramme de phase. 2. Le modèle TASEP On considère des particules se déplaçant sur une chaîne unidimensionnelle de longueur L (nous gardons dans ce paragraphe la dénomination habituelle en physique statistique qui parle plutôt de particules que de véhicules !). A chaque pas de temps, chaque particule saute à la cellule voisine sur sa droite avec une probabilité p si celle-ci est vide. Ce modèle peut être vu comme une variante du modèle de Nagel et Schreckenberg [1], avec une vitesse maximale νmax = 1. C’est la seule valeur de νmax pour laquelle on ait une solution exacte [11]. Avec des conditions aux limites périodiques, on obtient le diagramme fondamental de la figure 1. La dynamique parallèle inclut déjà naturellement dans le modèle un temps de réaction des conducteurs. Pour les conditions aux limites ouvertes, les particules sont injectées dans la 1ère cellule avec une probabilité α. Une particule se trouvant sur la dernière cellule sort du système avec probabilité β. Cela peut être vu comme une représentation d’un tronçon d’autoroute, à l’extrémité duquel se trouve une cause de perturbation (rampe d’accès, resserrement, intersection...). Alors, selon les valeurs de α et β, trois régimes d’écoulement peuvent être observés (fig. 2). Pour un faible taux d’injection et un fort taux de sortie, l’écoulement est libre. Si au contraire on injecte beaucoup de particules en ayant un faible taux de sortie, tout le système est envahi par un embouteillage. Ces deux phases sont séparées par une transition du premier ordre sur la ligne α = β. 10 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic Figure 1 : Diagramme fondamental pour le modèle TASEP en dynamique parallèle, avec une probabilité d’avancée p = 0,75. La prédiction champ moyen est également indiquée. Figure 2 : Diagramme de phase schématique pour le modèle TASEP, comportant une phase d’écoulement libre (LD), une phase embouteillée (HD) et une phase de courant maximum (MC). 1 MC LD β HD 0 α 1 La valeur de la densité moyenne – et donc du flux – est imposée dans le premier cas par la valeur de α et dans le second cas par celle de β. Dans la 3e phase, le facteur limitant n’est plus l’entrée ou la sortie mais la chaîne ellemême. Le flux a alors sa valeur maximale. Cette dernière phase est dite de courant maximum (MC). Actes INRETS n° 90 11 Modélisation du trafic 3. Introduction d’un temps de réaction On définit pour chaque véhicule une variable supplémentaire, la vitesse, qui prend la valeur 0 ou 1. Cette vitesse est définie comme la distance parcourue par la voiture au pas de temps précédent. En particulier, une voiture qui a dû s’arrêter derrière un autre véhicule au pas de temps précédent a donc vu sa vitesse redescendre à zéro. Au pas de temps suivant, chaque particule avance à la cellule voisine sur sa droite si celle-ci est vide, avec une probabilité q(ν) qui dépend maintenant de sa vitesse : q(0) = q0 q(1) = 1 (1) (2) Cette règle est appliquée à tous les véhicules en parallèle (voir fig. 3). Pour q0 = 1, on retrouve le modèle TASEP. On peut voir ce modèle comme un cas particulier du modèle VDR introduit récemment par Barlovic et al. [3]. Figure 3 : Règles d’évolution pour le modèle avec temps de réaction. q0 1 1 1 L Les disques rayés correspondent à une vitesse nulle, et les disques blancs à une vitesse unité. Les particules sont représentées au début d’un pas de temps (pourtour du disque en trait continu) et au début du pas de temps suivant (pourtour en pointillés). 4. Système avec conditions aux limites périodiques La figure 4 donne le diagramme fondamental obtenu tant numériquement qu’analytiquement pour des conditions aux limites périodiques. La structure de ce diagramme nous sera utile pour comprendre le comportement en conditions aux limites ouvertes. La forme de ce diagramme fondamental peut être aisément comprise. Pour les densités 0 ≤ ρ ≤ 0,5 et une condition initiale adéquate (toutes les vitesses à 1 et au moins une cellule vide devant chaque véhicule), les voitures avancent de 12 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic Figure 4 : Flux en fonction de la densité pour des conditions aux limites périodiques avec q0 = 0,25 et L = 1 000. 0.5 0.4 asymptotic homogeneous condensed 0.3 0.2 0.1 0 0 0.2 0.4 0.6 J( ρ) 0.8 1 Les cercles vides donnent les résultats de simulations initialisées avec toutes les vitesses des véhicules à 1 et au moins une cellule vide entre les voitures. Les cercles pleins ont été obtenus en commençant la simulation avec un agrégat compact de véhicules. Ces résultats sont comparés à notre prédiction pour L → ∞ (ligne continue). façon déterministe avec une vitesse 1. Le flux est alors simplement donné par J = ρ. Dans ce cas, un embouteillage ne peut pas se former spontanément. Pour les densités supérieures à 0,5, le nombre de voitures dépasse celui des cellules vides, i.e. on ne peut pas éviter que certains véhicules soient stoppés et que des bouchons se forment. D’après les simulations, on a coexistence d’un unique embouteillage compact et d’une zone d’écoulement libre. La densité dans la zone d’écoulement libre est déterminée par la fréquence avec laquelle les véhicules quittent le bouchon. La voiture en tête du bouchon met un temps typique T = q –01 pour se détacher. La densité correspondante vaut alors ρlibre = 1/(T + 1) = q0/(1 + q0). Les longueurs respectives de l’embouteillage et de la zone d’écoulement libre sont déterminées par la conservation du nombre de particules (3) On en déduit le nombre de particules en mouvement et le flux. Ce second régime peut aussi être observé pour des densités comprises entre ρlibre ≤ ρ ≤ 0,5 si la condition initiale comporte déjà un embouteillage. En résumé, le flux s’exprime en fonction de la densité par Actes INRETS n° 90 13 Modélisation du trafic Dans la région intermédiaire ρlibre ≤ ρ ≤ 0,5, les deux solutions coexistent. Pour des systèmes finis, il est possible que l’embouteillage présent initialement se dissolve. En ce sens, on peut dire que l’embouteillage est métastable. Cependant, dans la limite thermodynamique, n’importe quelle configuration aléatoire conduit à un état embouteillé. 5. Système avec conditions aux limites ouvertes Les conditions aux limites ouvertes sont mises en œuvre de la façon suivante : si la première cellule à gauche est vide, un véhicule de vitesse 1 est injecté avec la probabilité α. A l’autre extrémité, les voitures quittent la chaîne avec une probabilité β quelle que soit leur vitesse. A L et q0 constants, les valeurs de α et β déterminent le comportement du système. Tout d’abord, on peut remarquer que pour β = 1, la seule composante stochastique provient de l’injection. On retrouve donc le modèle TASEP déterministe (q = 1) pour lequel le flux est connu exactement : J(α) = α/(1 + α) [11], et cela pour toute valeur de α. En fait, ce résultat peut être étendu à toute la phase basse densité (écoulement libre), car dans cette phase le flux est contrôlé par l’injection. On s’attend à trouver cette phase pour un petit α et grand β. Cela est confirmé par la comparaison avec les simulations directes. Sur la figure 5, les résultats sont donnés pour le cas déterministe β = 1 (l’accord est obtenu pour toute valeur de α), mais aussi pour une valeur intermédiaire β = 0,5. On observe bien que pour les valeurs suffisamment faibles de α, le flux est donné par J(α). Figure 5 : Comparaison entre l’estimation du flux J(α) et les résultats numériques. 0.5 J(α) simu 0.4 estimate 0.3 0.2 0.1 0 0 0.2 0.4 α 0.6 0.8 1 La simulation a été réalisée avec un système de longueur L = 500 et pour q0 = 0,25. On a choisi comme probabilités de sortie β = 1 et β = 0,5. 14 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic Il est important de noter que pour notre modèle, aucun embouteillage ne peut se former spontanément dans les zones d’écoulement libre, comme cela a déjà été mentionné pour les conditions aux limites périodiques. Par contre, des embouteillages peuvent se former à la sortie si β < 1. Plus précisément, dans la phase d’écoulement libre et si β < 1, des embouteillages sont effectivement formés à l’extrémité droite du système. Mais ils se détachent rapidement de celleci et se dissolvent en quelques pas de temps. La densité moyenne sur le dernier site L vaut ρL = J(α)/β, alors que la densité en volume est égale à ρb(α) = J(α) (tant qu’une particule n’a pas rencontré d’embouteillage, sa vitesse vaut 1). Pour de grandes valeurs de α et β << 1, on s’attend plutôt à être dans une phase haute densité. Si on a un embouteillage compact à la sortie du système, et si une particule vient de sortir, le temps nécessaire pour que la suivante sorte à son tour est la somme (i) du temps moyen nécessaire pour que la deuxième particule saute du site L – 1 au site L, à savoir TJ = 1/q0, et (ii) du temps d’attente TL = 1/β pour que cette particule quitte le dernier site L. Alors le flux (contrôlé par la sortie) vaut (4) Ce scénario simple ne peut être observé que si l’on a un embouteillage compact en permanence à la sortie du système, i.e. pour α ≈ 1 et β << 1. Sinon, pour des valeurs plus grandes de β, il n’est pas impossible que l’embouteillage se décolle de la frontière droite, suite à l’introduction du temps de réaction au redémarrage. Le flux de sortie est alors déterminé par la fréquence à laquelle les voitures s’échappent de l’embouteillage, comme nous allons le calculer maintenant. La distance temporelle t entre deux véhicules successifs s’étant échappés de l’embouteillage est donnée par la distribution Ph(t) = q0(1 – q0)t–1 où t ≥ 1. Calculons maintenant le temps typique entre l’arrivée au site L d’une particule (au temps 0) et l’arrivée en ce même site de la particule qui la suit (au temps T). Deux scénarios sont possibles (cf. fig. 6) : • la deuxième particule arrive au site L – 1 avant que la première particule ait quitté le système, • la première voiture est déjà sortie du système quand la deuxième arrive, c’est-à-dire que celle-ci atteint le dernier site sans être bloquée par le véhicule qui la précède. On peut remarquer qu’il serait également possible que plus de deux particules s’arrêtent à la sortie, si les premières mettaient trop de temps à sortir. Cela correspond à la nucléation d’un nouvel embouteillage, et on est ramené au cas précédent (flux d’un embouteillage compact à la sortie). Ici, nous ne nous intéressons donc qu’au cas où il n’y a pas d’embouteillage localisé à la sortie. La probabilité pour que le deuxième véhicule soit bloqué s’il arrive en L – 1 au temps t est égale à la probabilité pour que le premier véhicule n’ait pas Actes INRETS n° 90 15 Modélisation du trafic encore quitté le système au bout de ce même temps t, à savoir Pb(t) = (1 – β)t. De même, la probabilité pour que le second véhicule ne soit pas bloqué vaut Figure 6 : Représentation schématique du diagramme spatio-temporel obtenu lorsqu’un embouteillage (zone grise) se détache de la sortie (à droite). x t Les particules quittant l’embouteillage sont représentées par des points noirs. Leurs trajectoires sont visualisées par une ligne pour pouvoir les suivre plus facilement. Certaines particules sortent du système sans avoir rencontré d’autre particule, d’autres sont arrêtées par la particule précédente lorsque celle-ci met trop longtemps à sortir. La valeur moyenne de T peut alors s’exprimer comme (5) Ce temps est l’inverse du flux moyen à travers la sortie du système. Il est à remarquer que l’on retrouve exactement la même valeur qu’en (4). Alors, lorsqu’on a alternance entre des configurations avec un embouteillage localisé à 16 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic la sortie, ou en train de se décoller du bord, le flux reste toujours égal à J(β). Cette valeur du flux sera observée tant que le système est contrôlé par la sortie, i.e. en présence d’embouteillages. La figure 7 confirme l’accord avec les simulations numériques. Pour β proche de 1, un certain écart apparaît. C’est un effet de taille finie dû au fait que pour des petits systèmes, il peut arriver que le système soit pendant un moment vide de tout embouteillage, car la durée nécessaire pour qu’un embouteillage remonte à travers tout le système peut être inférieure à la durée entre deux nucléations d’embouteillages à la sortie. Le flux est alors momentanément déterminé par la probabilité d’entrée α. Figure 7 : Comparaison entre l’estimation du flux J(β) et les résultats numériques. 0.4 simu estimate J(β) 0.3 0.2 0.1 0 0 0.2 0.4 β 0.6 0.8 1 La simulation a été réalisée avec un système de longueur L = 500 et pour q0 = 0,25. On a choisi comme probabilité d’entrée α = 0,5. L’accord est obtenu pour des valeurs suffisamment petites de β. Les simulations réalisées pour plusieurs tailles de systèmes indiquent que les déviations pour β proche de 1 sont dues à des effets de taille finie. Dans la phase haute densité, où le système est envahi par les embouteillages, on peut plutôt voir la sortie comme nucléant des zones d’écoulement libre au sein d’un embouteillage compact. Ces zones libres sont typiquement composées d’un seul trou lorsque β < q0, et d’un ensemble de trous et particules en mouvement lorsque β > q0. Elles remontent l’écoulement, de même que les embouteillages compacts qui les séparent. Sur un diagramme spatio-temporel, cela se traduit par une structure en bandes (cf. fig. 9). Aussi longtemps que l’effet de la frontière gauche ne se fait pas sentir, les flux moyens à l’entrée et à la sortie d’un embouteillage sont égaux, et la largeur de celui-ci obéit à une marche aléatoire non biaisée. Il y a donc une probabilité non nulle pour que cette largeur s’annule. L’embouteillage disparaît, et les deux zones libres voisines fusionnent. Aucune formation spontanée d’embouteillages ne pouvant avoir lieu dans un écoulement Actes INRETS n° 90 17 Modélisation du trafic libre, ces zones ne pourront plus se séparer. A cause du mouvement déterministe des véhicules en mouvement, les zones d’écoulement libre ont une largeur strictement constante dans le temps – si on considère la largeur prise dans la direction x = t dans le diagramme spatio-temporel. Lors d’une coalescence, ces deux largeurs s’additionnent. Les particules en excès provenant de l’embouteillage défunt sont réparties entre les embouteillages voisins, qui s’en trouvent grossis d’autant. Ainsi, alors qu’on remonte l’écoulement, la largeur des bandes augmente. La densité moyenne (moyenne d’ensemble ou temporelle) reste néanmoins constante et égale à la densité sur le dernier site ρ(L) = J(β)/β. Lorsque les embouteillages arrivent près de l’entrée du système, ils vont soudainement croître ou se rétracter selon la valeur de α, amenant à une variation de la densité localisée près de l’entrée. Cet effet de bord n’étant pas essentiel à notre propos, nous laissons le lecteur intéressé se reporter à [14]. Il est à noter cependant que ce phénomène se délocalise sur l’ensemble du système lorsque l’on approche de la ligne de transition β(α). L’écoulement stationnaire est contrôlé par α ou β selon que J(α) est inférieur ou supérieur à J(β). La transition entre les deux états a lieu lorsque les deux flux J(α) et J(β) sont égaux, i.e. pour (6) On obtient donc le diagramme de phase de la figure 8. Ce diagramme est exact pour les systèmes de taille infinie. Les effets de taille finie mentionnés cidessus ont lieu dans la phase hante densité pour β proche de 1 [14]. Figure 8 : Diagramme de phase pour q0 = 0,25. 1 LD β SP 0 α 1 La ligne en trait plein indique la transition entre la phase d’écoulement libre (LD) et la phase d’écoulement en bandes (SP). Sur la ligne α = q0, le profil de densité est constant. 18 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic 6. Remarques à propos de mesures de trafic Il n’est évidemment pas question avec un modèle aussi simple que celui de cet article de faire de véritables comparaisons avec des écoulements réels. Nous souhaiterions plutôt illustrer comment le simple fait d’avoir ajouté un temps de réaction et donc de la métastabilité permet de retrouver certaines caractéristiques de l’écoulement. Cela nous semble donc un ingrédient essentiel qui devrait apparaître dans les modèles plus complexes. Les mesures de B. Kerner présentées dans [16] ont été obtenues grâce à des détecteurs placés sur une autoroute en amont d’une perturbation (ici une rampe d’accès). On voit des séries de petits embouteillages se former au niveau de la rampe, puis remonter l’écoulement. Au fur et à mesure de cette remontée, les embouteillages sont de moins en moins nombreux et de plus en plus larges. On observe donc là aussi un phénomène de coalescence et croissance de domaines en amont du lieu de formation des embouteillages. Bien sûr, les causes de ce phénomène de coalescence peuvent être plus diverses que le simple temps de réaction des chauffeurs. Par exemple, l’adaptation de la vitesse des chauffeurs en fonction de la distance libre devant eux peut aussi jouer un rôle, etc. D’autre part, la fenêtre temporelle et spatiale sur laquelle on dispose de données ne nous permet pas de comparer les exposants de croissance de ces domaines avec ceux de notre modèle. Néanmoins, ces mesures illustrent que le phénomène, loin d’être une simple curiosité de laboratoire, se rencontre en écoulement réel et notre approche permet de le relier à un comportement microscopique de façon simple. Une grandeur souvent mesurée en trafic est le diagramme fondamental donnant le flux de véhicules en fonction de la densité. Ces diagrammes ne sont pas tout à fait de même nature que ceux présentés au début de cet article (fig. 1, 4), car il s’agit plutôt de grandeurs moyennées sur une certaine durée (typiquement une minute). La figure 10 en donne un exemple, et montre comment la durée des moyennes affecte l’allure du diagramme. Pour se rapprocher des conditions expérimentales, nous avons simulé dans nos simulations un détecteur localisé sur la chaîne et qui moyenne les données sur des intervalles de temps fixes. Nous avons pris une chaîne de longueur L = 100 et une probabilité de redémarrage après arrêt q0 = 0,25. Pour présenter des résultats dimensionnés, nous avons choisi un pas de temps de 0,45 s et une taille de cellule de 7,5 mètres, correspondant à l’espace occupé par un véhicule arrêté dans un embouteillage, distance inter-véhiculaire incluse. Alors la vitesse de remontée des embouteillages dans notre modèle est de 15 km/h, ce qui est tout à fait réaliste. Bien que notre modèle soit extrêmement simple, il capture déjà la structure stochastique du diagramme fondamental expérimental (v. fig. 11), alors que d’autres modèles plus complexes peinent à la reproduire. Soulignons que c’est cette stochasticité qui est responsable de la coalescence des embouteillages, tant en trafic réel que dans nos simulations. Il y a donc là un ingrédient fondamental qui est naturellement présent dans les modèles de type automates cellulaires. Actes INRETS n° 90 19 Modélisation du trafic Figure 9 : Diagramme spatio-temporel obtenu pour α = 0,1, β = 0,1, q0 = 0,4. x t Chaque pixel noir correspond à un véhicule. 20 Actes INRETS n° 90 Introduction d’un temps de réaction dans un modèle simplifié de trafic Figure 10 : Diagramme fondamental obtenu en moyennant sur 1 (en haut) ou 5 (en bas) minutes. 0% 1000 2000 20% 40% 60% D1 Middle Lane, ∆t=1min 1500 Flow J [veh/h] 1000 500 0 2000 D1 Middle Lane, ∆t=5min 1500 1000 500 0 0 20 40 60 Density ρ [veh/km] 80 100 L’occupation relative est calculée en utilisant la densité maximale pendant la période de mesure, à savoir ρmax = 140 véh./km. Extrait de [15]. Figure 11 : Diagramme fondamental obtenu avec le modèle présenté dans cet article, avec des moyennes sur une minute. flux j (vehicle/hour) 3000 2000 1000 0 Actes INRETS n° 90 0 50 density ρ (vehicle/km) 100 21 Modélisation du trafic 7. Conclusion Le but de cet article est, à travers l’étude d’un modèle de transport extrêmement simple, de mettre en évidence quelques caractéristiques fondamentales pour la simulation du trafic routier. Il s’agit essentiellement de (i) la stochasticité et de (ii) la métastabilité. La métastabilité (dont la structure à deux branches du diagramme fondamental est une signature) permet l’émergence spontanée de structures relativement complexes d’embouteillages, avec coexistence simultanée de plusieurs embouteillages. Grâce au caractère stochastique du modèle, il apparaît un phénomène de coalescence au cours de la remontée des embouteillages en amont de la perturbation. Bien que nous ne visions pas à une description réaliste du trafic réel, ce phénomène peut être relié à des études expérimentales mettant en évidence l’existence d’embouteillages parallèles sur les autoroutes [16, 17]. Remerciements : Nous remercions Robert Barlovic, Andreas Schadschneider, et J. Krug pour les discussions que nous avons pu avoir avec eux. L. S. a bénéficié du soutien de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, bourse No. SA864/1-1. Bibliographie [1] Nagel K. and Schreckenberg M. (1992).- A cellular automaton model for freeway traffic. J. Phys. I, 2, 2221-2229. [2] Chowdhury D., Santen L. and Schadschneider A. (2000).- Statistical physics of vehicular traffic and some related systems. Phys. Reports, 329, 199. [3] Barlovic R., Santen L., Schadschneider A. and Schreckenberg M. (1998).Metastable states in cellular automata for traffic flow. Eur. Phys. J. B, 5, 793. [4] Brilon W. and Wu N. (1999).- In Traffic and Mobility, M. Schreckenberg, W. Brilon, F. Huber and H. Wallentowitz, editors, Berlin: Springer. [5] Emmerich H. and Rank E. (1997).- Physica A, 234, 676. [6] Helbing D. and Schreckenberg M. (1999).- Phys. Rev. E, 59, R2505. [7] Knospe W., Santen L., Schadschneider A. and Schreckenberg M. (2000).Towards a realistic microscopic description of highway traffic. J. 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Grâce à un modèle markovien à deux états, nous obtenons des formules analytiques pour les taux de transition entre états de vitesse, et pour le temps de parcours en moyenne et en variance. Ces formules permettent de traiter des situations variées : en topologie de route (un ou deux sens, une ou plusieurs voies) et en structure de trafic, avec plusieurs classes de vitesse libre dans chaque sens de circulation. 1. Introduction La circulation des mobiles sur une route est connue et analysée selon trois approches complémentaires : d’abord l’approche expérimentale basée sur des mesures ; ensuite par des simulations informatiques ; enfin par des modèles théoriques, qui formalisent des hypothèses et des propriétés logiques. En particulier les modèles dits désagrégés se concentrent sur un mobile individuel afin de déduire, par agrégation statistique, des conséquences globales : ainsi le modèle de distribution des vitesses individuelles conduit aux formules de Wardrop (Wardrop, 1952, 1954), tandis que le modèle des allures individuelles ajoute la variabilité de la vitesse le long d’une trajectoire (Leurent, 2001). Actes INRETS n° 90 27 Modélisation du trafic Pour affiner l’analyse et mieux comprendre la circulation des mobiles sur une route, la solution naturelle est de désagréger encore davantage, en explicitant au niveau microscopique l’environnement de trafic d’un mobile particulier. Cette approche est classique en théorie des files d’attente : les « arrivées » analogues aux mobiles sont décrites conjointement, une arrivée peut retarder le service des autres arrivées etc. La théorie des files d’attente est utilisée intensivement pour modéliser les carrefours et les jonctions, autrement dit les nœuds du réseau de transport : cf. TRB (1997) pour un inventaire des travaux en ce sens. En revanche, concernant les arcs du réseau de transport, les contributions probabilistes se réduisent à quelques articles déjà anciens. Les pionniers ont été Schuhl (1955) côté français, Kometani (1955) côté japonais, et Winsten (1956) côté américain. Tanner (1958, 1961) et Yeo (1964) ont développé les modèles les plus aboutis, en traitant rigoureusement les interactions entre un véhicule rapide et des pelotons lents en sens direct, face à des pelotons en sens opposé. Ces articles utilisent non pas un modèle markovien d’état mais un modèle « par bonds », où le véhicule rapide progresse d’un peloton lent au « suivant ». Les résultats portent sur la vitesse moyenne du véhicule rapide, et sont valables en régime stationnaire pour un temps très long, par ergodicité1. En France, P. LeBreton a travaillé indépendamment sur ce sujet au début des années 1970. Cet article développe un modèle probabiliste explicite des situations et des événements de trafic sur une route, pour plusieurs situation simple avec deux classes de mobiles par sens de circulation : les rapides (voitures) et les lents (camions). Les situations considérées sont variées : une ou plusieurs voies, un ou deux sens de circulation, davantage de classes de mobiles et de relations entre les classes. Nous considérons une seule route, qui comporte entre deux points une impossibilité de dépasser : cela force une voiture à ralentir si elle rattrape un camion. D’où le nom de modèle de goulot spatial. Nous appelons conflits ces relations, car les mobiles se partagent l’espace de circulation, les plus lents infligent des retards aux plus rapides. Les conditions typiques de conflit sont le rattrapage d’un mobile lent par un mobile rapide, donc une gêne avant, en une position où le dépassement est impossible en raison d’un goulot ou d’une gêne en face ou d’une gêne arrière ou d’une gêne avant multiple qui bloque toutes les voies de circulation. Ainsi, quand la route comporte deux voies ou plus, un retard nécessite la combinaison de plusieurs causes de gêne. Le traitement repose sur trois principes : primo l’analyse microscopique, désagrégée de chaque mobile ; secundo la représentation probabiliste de 1 En comparaison, notre article présente un modèle markovien, qui porte sur les probabilités des états donc non seulement la moyenne mais aussi la variance, et il est valable en régime stationnaire ou transitoire pour une distance quelconque (éventuellement infinie). De plus les probabilités des états permettent de formuler les intensités réduites des classes de mobiles, et donc de traiter des cas plus complexes que les routes à deux voies et deux sens. 28 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours l’environnement de trafic ; tertio la distance, la position comme paramètre principal. La clef est un modèle d’état pour chaque mobile selon sa classe : un état libre et un ou plusieurs états contraints. On passe d’un état à l’autre par une transition dont la probabilité dépend de l’environnement de trafic. Il s’agit donc d’un modèle probabiliste markovien. Nous le rattachons au modèle des allures individuelles, avec une fonction de covariance exponentielle pour les temps unitaires locaux d’un même mobile. Le corps de l’article se compose de 8 parties. La partie 2 définit les classes, les vitesses, les types de gêne et les situations de conflit. La partie 3 donne l’analyse physique et l’analyse probabiliste du rattrapage, du croisement, du dépassement et du rabattement ; nous relions leurs probabilités d’occurrence aux paramètres de trafic. La partie 4 adapte le formalisme du modèle markovien états-transitions aux trajectoires individuelles, en fonction de la position. Dans le cas à deux états, nous établissons des formules macroscopiques pour la moyenne et la variance du temps de parcours local ou bipolaire. Ce modèle d’état constitue un cas d’application du modèle des allures individuelles. Les parties 5 à 8 appliquent le modèle à plusieurs types de voies : les routes à une voie sont traitées en partie 5. Ensuite nous abordons les routes à deux voies : conflits par gêne avant et en face sur une route à deux sens en partie 6, conflits par gêne avant et arrière sur une route à sens unique en partie 7. La partie 8 considère les routes à trois voies et deux sens, avec un couplage des deux sens traités de façon symétrique. La partie 9 conclut : nous résumons les contributions, nous indiquons leur portée et nous proposons des pistes de recherche. 2. Classes, états de lenteur, gênes et conflits Nous définissons successivement les classes de mobiles, les états de lenteur, les types de gêne et les situations de conflit. 2.1 Classes de mobiles Une classe de mobiles est un ensemble de mobiles qui circulent sur une même route dans la même direction, avec une même préférence individuelle pour la vitesse, autrement dit une même allure. On caractérise une classe i de mobiles par le temps unitaire de son état libre, noté τi et appelé lenteur libre, ou allure libre par abus de langage. Les arrivées des mobiles de classe i forment un flux d’intensité λi. En général nous supposons que ce flux est poissonnien pour bénéficier des propriétés markoviennes. Enfin nous considérons la longueur individuelle d’un mobile, notée i pour la classe i, et aussi la distance minimale de sécurité pour suivre un mobile circulant Actes INRETS n° 90 29 Modélisation du trafic à la lenteur τi, notée mi. L’extension spatiale d’un mobile de classe i circulant en état libre est donc ′i = i + mi. 2.2 Etats de lenteur ; les transitions entre états Nous définissons la lenteur d’un mobile comme son temps par unité de distance, donc l’inverse de sa vitesse. Quand un mobile M de classe B rattrape un mobile plus lent, donc un peloton emmené par un mobile de classe A avec τA > τB, s’il ne peut le dépasser il ralentit pour le suivre : alors son état de lenteur est τA et non τB. A chaque instant et en chaque position s, le mobile M est dans un état de lenteur eM(s). Si le mobile est libre, il est dans l’état naturel τB de sa classe B. Sinon le mobile est contraint avec eM(s) = τA > τB. Nous relions l’état individuel de lenteur à la position sur la route, notée par une abscisse curviligne s. Hors dépassement nous supposons que le mobile circule sur la voie de droite. Une transition entre états survient si une contrainte apparaît ou disparaît, donc à une position particulière. Alors le mobile passe d’un état à un autre : d’un état libre à un état contraint ou inversement, ou d’un état contraint à un autre état contraint. 2.3 Types de gênes Un mobile M de classe B subit une gêne avant à l’instant t si sa position sM(t) approche celle d’un mobile plus lent A circulant dans la même direction, à la lenteur τA ≥ τM. La gêne avant se produit à droite et à gauche si toutes les voies du sens de circulation sont localement occupées par des mobiles plus lents que M. Réciproquement le mobile subit une gêne arrière si sa position est approchée par celle d’un mobile plus rapide D circulant dans la même direction à une vitesse supérieure donc τM > τD, et qui le double ce qui l’empêche de dépasser un troisième mobile plus lent. Enfin le mobile subit une gêne en face en une position s proche de celle d’un mobile C circulant en sens opposé et occupant la voie d’un éventuel dépassement par M. 2.4 Situations de conflit, évaluation du retard Sur une route à une voie, il est impossible de dépasser, donc une gêne avant implique une situation de conflit pour le mobile courant M de classe B. Pour une distance élémentaire ds, la gêne provoque un temps de parcours τA ds, donc un retard (τA – τB) ds par rapport à l’état libre τB du mobile. Sur une route à deux voies ou plus, une gêne avant n’implique pas nécessairement une situation de conflit pour le mobile. Pour cela elle doit se 30 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours combiner, selon le type de route, à une gêne en face, ou derrière, ou avant à gauche. Dressons la liste des situations de conflit : • Gêne avant pour une route à une voie. • Gêne avant et en face pour une route à deux sens, donc à deux voies ou plus. • Gêne avant et derrière pour des routes à deux voies, à sens unique ou non. • Gêne avant multiple pour une route à plusieurs voies, à sens unique ou non. Ces situations contraignent l’état local eM(s) du mobile M, par opposition à la situation libre. La tension infligée se mesure par la différence τA – τB entre l’état ralenti et l’état libre. Le retard r est le produit de cette tension par la distance contrainte δ, soit r = (τA – τB)δ. Figure 1 : Mobiles en interaction. Sens opposé Sens direct C D B A Vecteur vitesse de B 2.5 Principes d’analyse Les trois principes originaux : analyse désagrégée de chaque mobile, représentation probabiliste de l’environnement et indexation par la position, se combinent en deux étapes. Première étape, la probabilité d’occurrence des gênes et des conflits. Pour chaque type de gêne, on calcule une probabilité d’occurrence entre la position courante et une position future donnée, donc en fonction de la position relative. La probabilité d’occurrence d’un conflit par combinaison de plusieurs gênes, sous l’hypothèse d’indépendance des facteurs de gêne, est le produit des probabilités d’occurrence des facteurs. Dans un état donné, la probabilité d’occurrence du conflit ou la probabilité de disparition déterminent les transitions vers l’état suivant. Seconde étape, réduire autant que possible le nombre d’états, donc le nombre de vitesses, donc le nombre de classes. Le nombre de classes doit suffire à représenter l’essentiel des aspects physiques : pour une route à deux voies il faut au moins trois classes, deux en sens direct pour représenter la gêne devant, et une classe en sens opposé ou par l’arrière pour représenter la gêne en face ou Actes INRETS n° 90 31 Modélisation du trafic arrière. La classe importante est alors la classe rapide en sens direct, qui subit les gênes et surtout les retards. Pour cette classe, deux états suffisent : libre ou contraint. L’état contraint correspond au suivi proche d’un mobile lent, et à l’attente d’un créneau de dépassement. A l’évidence, plus la topologie est complexe, plus les états sont nombreux : le nombre de voies de circulation, et leur affectation aux sens de trafic, sont des paramètres primordiaux. 3. Rattrapage, croisement, dépassement et rabattement En probabilisant l’analyse physique du rattrapage et du croisement, nous mesurons leur probabilité d’occurrence en fonction d’un incrément de distance (§ 3.1 à 3.3). Nous indiquons l’effet des longueurs individuelles (§ 3.4), puis nous analysons les conditions de dépassement (§ 3.5). Pour une analyse des conditions de rabattement (cf. Leurent, 2001, § 10B.6). 3.1 Rattraper un mobile lent Considérons un mobile particulier, appelé mobile courant, passant au point s à l’instant t, à une lenteur τB. Il rattrape un mobile plus lent de classe A, passé en s à l’instant t – θ à la lenteur τA > τB au point s + x* qui vérifie la condition t + τBx* = t – θ + τAx*, donc x* = θ/(τA – τB) sous la condition τA – τB. Si nous connaissons la fonction de répartition Fθ de la durée θ écoulée au point s depuis le passage du dernier mobile lent, nous en déduisons la fonction Figure 2 : Le rattrapage avant. Trajectoire de A Temps Trajectoire de B t t -θ Position s 32 s+x* Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours de répartition Xst de la position relative de rattrapage x*. L’identité des deux événements {x* ≤ L} = {θ ≤ (τA – τB)L} entraîne l’égalité de leurs probabilités respectives, Xst(L) = Fθ[(τA – τB)L]. Si les arrivées de lenteur τA sont poissonniennes, la durée écoulée θ est une variable aléatoire (VA) exponentielle de paramètre l’intensité λA du flux, donc Ainsi la position relative de rattrapage est une VA exponentielle, de paramètre ρBA = λA(τA – τB). Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.2). 3.2 Rattrapage par un mobile plus rapide Le mobile courant de lenteur τB passe à l’instant t au point s. Un mobile de classe D plus rapide, de lenteur τD < τB, passe en s à un instant ultérieur t + θ , et rattrape le mobile courant au point s + x* tel que donc sous la condition τ B > τ D . Si nous connaissons la fonction de répartition F θ de la durée θ résiduelle avant passage en s du mobile rapide, nous déduisons la fonction de répartition X st de la position relative de rattrapage x*. L’identité des deux événements {x* ≤ L} = { θ ≤ (τB – τD)L} entraîne l’égalité de leurs probabilités respectives, Figure 3 : Le rattrapage arrière et sa probabilité. θ limite du rattrapage avant L θ Temps Trajectoire de D t +θ Trajectoire de B t 1 Pr 0 Fonction de répartition de θ Actes INRETS n° 90 s s+L Position 33 Modélisation du trafic Si les arrivées de lenteur τD sont poissonniennes, la durée résiduelle θ est une variable aléatoire (VA) exponentielle de paramètre l’intensité λD du flux rapide, donc Ainsi la position relative du rattrapage arrière est encore une VA exponentielle, de paramètre Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.3). 3.3 Le croisement Le mobile courant M de lenteur libre τB passe à l’instant t au point s. Un mobile de classe C circulant en sens contraire à la lenteur τC, passe en s à un instant ultérieur t + θ̃ , et croise M au point s + x* tel que τBx* = θ̃ – τCx*, donc Si nous connaissons la fonction de répartition F de la durée θ̃ résiduelle θ̃ avant passage en s du mobile C, nous déduisons la fonction de répartition X˜ st de la position relative de rattrapage x*. L’identité des deux événements {x* ≤ L} = {θ ≤ (τB + τC)L} entraîne l’égalité de leurs probabilités respectives, Si les arrivées de lenteur τ sont poissonniennes, la durée résiduelle θ̃ est une VA exponentielle de paramètre l’intensité λC du flux, donc Ainsi la position relative de croisement est également une VA exponentielle, de paramètre Le cas d’une distribution de lenteurs est traité dans Leurent (2001, § 10.B.4). 3.4 Sur les longueurs individuelles (optionnel) 3.4.1 Convention de localisation Jusqu’à présent nous n’avons pas précisé l’extension spatiale des mobiles, leurs longueurs individuelles. Nous posons la convention suivante : la position du mobile correspond à son extrémité avant. A l’instant t, le mobile localisé au point s occupe sa voie de circulation sur l’intervalle ]s – – m, s] en sens direct (ou [s, s + + m [ en sens opposé), avec la longueur individuelle du mobile et m une distance de sécurité qui dépend de l’état courant de vitesse. Posons ′ = + m. 34 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours 3.4.2 Effet sur le rattrapage avant On considère qu’un mobile rapide B rattrape un mobile lent A dès l’instant t′ où . En convenant que x* = sB(t′) – sB(t) est la position relative du rattrapage, elle est caractérisée par donc Ainsi négatives et proches de 0. non nulle pour certaines valeurs de L Le mélange de plusieurs lenteurs cause une distribution de l’argument avec un effet final composite pour les valeurs faibles de L mais simple pour les valeurs supérieures (précisément, distribution exponentielle audelà de ). 3.4.3 Effet sur le rattrapage arrière Le mobile lent B est rattrapé par un mobile rapide D dès l’instant t′ où En convenant encore que x* = sB(t′) – sB(t) est la position relative du rattrapage, on la caractérise par donc Ainsi Là encore le mélange de plusieurs vitesses rapides cause une distribution de l’argument 3.4.4 Effet sur le croisement Aucun effet sur le croisement du prochain mobile en face : une distance de sécurité n’est pas nécessaire tant que les mobiles ne circulent pas sur la même voie ! Cependant la longueur individuelle du précédent mobile en face C′ peut retarder un éventuel changement de voie de M, si 3.4.5 Effet sur les arrivées et les pelotons L’hypothèse de longueurs individuelles non nulles contredit l’hypothèse d’arrivées poissonniennes car, sur n files de circulation, m > n mobiles i de longueur i > 0 et de temps unitaire τi ne peuvent se succéder qu’à un certain rythme, nécessairement fini. Chaque mobile utilise une file pendant ti = i τi. Pour l’ensemble des files, le temps minimum d’occupation est t* = mini ti, c’est un temps d’attente pour les m – n mobiles pas encore servis. En notant ν le nombre de services dans la durée t*, Pr{v > n} = 0 ce qui contredit l’hypothèse poissonnienne. Si l’on néglige la longueur des mobiles et les distances de sécurité, alors les pelotons n’ont pas d’extension spatiale, leur longueur totale est nulle ou réduite à la longueur du mobile de tête. Dans ce cas le nombre de mobiles dans le peloton ne conditionne pas les probabilités de rattrapage et de croisement. Actes INRETS n° 90 35 Modélisation du trafic 3.5 Créneaux de dépassement 3.5.1 Occurrence du prochain conflit Connaissant l’occurrence de chaque cause de gêne, il reste à établir l’occurrence des conflits qui combinent plusieurs causes. Il est difficile de formuler précisément un événement de {cumul de plusieurs causes jusqu’à x*}, car chaque cause peut avoir plusieurs occurrences, et chaque occurrence peut provoquer un conflit. Le principe d’analyse est de hiérarchiser les causes de gêne, pour révéler progressivement les situations de conflit, et formuler l’occurrence du prochain conflit. La première cause est évidemment la position relative du mobile lent A qui précède le mobile courant M en sens direct. La deuxième cause est la nature de la route, qui détermine les conflits possibles. Ainsi, pour une route à deux sens et deux voies, avec deux classes A et B en sens direct et une classe C en sens opposé, le principal conflit concerne B quand C l’empêche de dépasser A. Si M est ralenti, il peut demeurer dans cet état en raison non seulement de la gêne en face, mais aussi de la gêne derrière par un autre mobile B de même classe que M mais non ralenti. Pour simplifier l’analyse, on traite uniquement le cas où M approche du mobile lent A : cela suffit pour caractériser les transitions entre l’état libre τB et l’état ralenti τA sur une distance élémentaire ds. Enfin une propriété importante est l’indépendance entre les causes de gêne : le mobile courant M sépare les mobiles précédents des mobiles suivants donc assure leur indépendance. De même les mobiles en sens direct derrière M et ceux en face devant M ont des arrivées indépendantes. 3.5.2 Créneau pour l'état libre Supposons que juste avant le dépassement, à l’instant initial t0, le point arrière de M se trouve à une distance LB du point arrière de A. A l’instant final du dépassement, les positions respectives sont inversées, et le point arrière de M précède celui de A de LA. Entre les deux instants le mobile lent A franchit une distance δA en un temps τAδA, tandis que M franchit une distance δ en un temps τBδ. Le dépassement se termine dès que δ ≥ δΑ + LB + LA, donc dès l’instant t = t0 + ∆t tel que ∆t/τB ≥ ∆t/τA + LB + LA, soit 36 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours et donc Cette valeur limite définit le créneau de dépassement pour l’état libre. On peut ′ lui ajouter un terme , BC pour représenter une marge frontale de sécurité, ainsi que l’occupation de la file de dépassement : on retient pour la suite LA = A + mA, ′ une marge de sécurité arrière LB = B + mB et avec m C certainement plus petite que mC. Au total, pour le mobile M en état libre, le créneau de dépassement est La probabilité de disposer d’une distance libre en face qui dépasse cette limite est Dans ce cas M ne subit pas de retard puisqu’il circule à sa vitesse libre. Figure 4 : Créneau pour l’état libre. Temps Trajectoire de A ?B t+∆t* Trajectoire de B Trajectoire de C ?A Trajectoire limite d’un C t s s+x* Position δA δBA 3.5.3 Créneau pour l'état ralenti Supposons maintenant que M se trouve ralenti par un mobile lent A, et qu’il tente de le dépasser. Il faut préciser le schéma cinématique de M pour accélérer et atteindre sa vitesse libre naturelle. Actes INRETS n° 90 37 Modélisation du trafic Parmi diverses variantes, nous pouvons supposer que M accélère uniformément de vA à vB. De t0 à t = t0 + ∆t, M franchit δ = vA∆t + aB(∆t)2 / 2, et il dépasse A si donc si cela sans notion de limite de vitesse. Si M limite sa vitesse à vB, le passage de vA à vB nécessite une durée de ∆t1 = (vB – vA)/aB. Si ∆t1 ≥ ∆t* alors le temps de dépassement est ∆t*. Si ∆t1 ≤ ∆t* alors pendant la durée ∆t = ∆t1 + ∆t2 le mobile M franchit et il dépasse A si Comme cédente équivaut à , l’inégalité pré- et donc à Figure 5 : Trajectoire depuis l’état ralenti. Temps Trajectoire de A l Trajectoire de B B t+∆t* Trajectoire d’un C ∆t1 Limite pour C t l s A s+x* δ 38 Position δBA Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours En trafic routier, des valeurs « minimales » de LA et LB sont 15 et 10 m respectivement (en incluant les distances de sécurité) : pour a = .8 m/s2, ∆t* ≈ 8 s valeur minimale, qui augmente avec la taille LA du mobile lent (peloton lent si accumulation). Pour vB = 120 km/h et vA = 90 km/h, alors ∆t1 = 10 s. Comme cette valeur est proche de la valeur minimale de ∆t*, pour la suite nous faisons l’approximation que ∆t1 ≤ ∆t* et donc que le temps minimum de dépassement est ′ Comme précédemment nous pouvons ajouter un terme CB qui représente à la fois une marge frontale de sécurité et un recouvrement éventuel entre M et le dernier mobile en face. Au total, pour le mobile M, le créneau de dépassement depuis l’état ralenti est Ce créneau est disponible avec une probabilité 3.5.4 Créneaux et rattrapage arrière Le mobile M ne peut dépasser un mobile lent A que s’il dispose d’un créneau δBA ou δ ′BA sur la file de dépassement, vis-à-vis du croisement par un mobile C en sens opposé comme du rattrapage par un mobile D plus rapide venu de l’arrière. En état libre, la disponibilité du créneau δBA vis-à-vis d’un mobile D plus rapide venu de l’arrière a une probabilité En état ralenti, la probabilité est 3.5.5 Temps supplémentaire d’un dépassement, hors attente Un dépassement opéré en état libre ne coûte pas de temps de parcours supplémentaire à M, puisque celui-ci ne ralentit pas (sauf effet minime des changements de voie). Un dépassement depuis l’état ralenti coûte un temps d’attente égal à (τA – τB) fois la distance parcourue en suivant A, plus un temps spécifique hors attente, Actes INRETS n° 90 39 Modélisation du trafic égal à la différence entre le temps transitoire T pour revenir à la vitesse libre, et τB fois la distance transitoire D franchie pendant T. Le passage de l’état libre à l’état ralenti est implicitement pris en compte en puis une vitesse vA. L’état final de supposant une vitesse vB jusqu’en M, en position et en temps, est identique quelle que soit la décélération. Nous évaluons le temps transitoire en supposant que M plafonne sa vitesse –1 à τ B . Même si le dépassement dure ∆t* ≤ ∆t1, il faut T = ∆t1 pour retrouver la vitesse libre. Si le dépassement dure plus que ∆t1, de même T = ∆t1. Le surcoût en temps est T – τBD avec D = ∆d1 la distance parcourue pendant ∆t1, qui vaut Aussi 4 Modèle états-transitions pour le temps de parcours Connaissant les occurrences des gênes et aussi des conflits, nous pouvons modéliser l’évolution de l’état d’un mobile en fonction de sa position. Pour un petit incrément ds de position, la probabilité de changer d’état est proportionnelle à ds, l’état du mobile est donc un modèle markovien à états et transitions. Nous rappelons les principes du modèle markovien états-transitions, en adaptant la présentation classique pour remplacer le temps par la position. Nous détaillons les calculs dans le cas de deux états, pour établir les propriétés du temps de parcours, local ou bipolaire : cela en moyenne, variance et covariance. 4.1 Principes du modèle états-transitions Un système M est markovien si son évolution dans le temps dépend uniquement de l’état présent eM(t) et d’aléas futurs ωt+∆t, encore inconnus à l’instant t. A défaut de connaître précisément le prochain aléa et son effet, on connaît la structure probabiliste des aléas potentiels, donc la probabilité des transitions vers les autres états possibles. 4.1.1 Modèle états-transitions selon la distance Notons (ei)i=1...n les n états possibles pour le système M. En un point s, l’état local eM(s) est une variable qui prend sa valeur dans l’un de ces états. Cas routier. Pour une route à deux voies, deux sens et deux classes d’allure en sens direct, la classe lente A a un seul état de lenteur τA, tandis que la classe rapide B a deux états possibles τB et τA. Au point s on connaît la structure probabiliste des aléas, ou plutôt celle de leurs effets sur l’évolution entre s et s + ∆s de l’état local eM, selon la valeur particulière de eM(s). 40 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours Précisément, on connaît la probabilité de transition pij(s, s + ∆s), probabilité de passer de l’état ei au point s à l’état ej au point s + ∆s. On appelle matrice de transition de s à s + ∆s la matrice Ps,s+∆s = [pij(s, s + ∆s)]i,j=1...n. Si l’évolution du système est régulière, la matrice P vérifie les équations d’évolution de Chapman-Kolmogorov (C-K) : l’équation « en avant » et l’équation « en arrière » en fonction de la matrice des taux de transition Qs de termes qij(s) pour i ≠ j définis comme suit et avec : Autrement dit, Cas routier. Le taux de transition est le quotient de la probabilité de changer d’état sur l’intervalle ]s, s + ds] par l’incrément de distance ds. La solution pratique pour déterminer Ps,u donc pour connaître la structure de l’évolution du système, est de déterminer Qs et d’intégrer l’équation de C-K. Le système est homogène si la matrice Qs = Q ne dépend pas de s, et alors Ps,u = eQ(u–s). Un système markovien homogène est en régime stationnaire si la distribution de probabilité des états ne varie pas, i.e. πu = πsPs,u = πs = η. Comme ∂πu /∂u = πs∂Ps,u /∂u = (πsPs,u) Qu = πsQu, si πu = η alors ηQ = 0 condition caractéristique. 4.1.2 Cas homogène à deux états Quand le système markovien est homogène à deux états seulement, la matrice des taux de transition se réduit à avec α = q12 et β = q21. La probabilité stationnaire est η = [η1 η2] avec ηQ = 0 donc et avec γ = e–(α+β)∆s. On calcule que 4.2 Propriétés du temps de parcours 4.2.1 Temps local Au niveau local d’un point s, soit πs = [p probabilité entre les états (τ1, τ2). Actes INRETS n° 90 ] avec = 1 – p une distribution de 41 Modélisation du trafic Le temps unitaire local est uneVA Bernoulli 0-1, donc ses moments valent avec ξ une VA de • • - Le temps unitaire en s + ∆s, conditionnellement à πs, a pour distribution et p′ = p – β′. en notant 4.2.2 Fonction de covariance spatiale des lenteurs Par la formule des probabilités totales, on en déduit = . Par soustraction de E[τsπs]E[τs+∆sπs], nous obtenons la fonction de covariance spatiale pour le processus des lenteurs locales de la classe B : . C’est une fonction exponentielle qui dépend du point s via la probabilité p de l’état τ1 en ce point. 4.2.3 Temps bipolaire Considérons maintenant le temps bipolaire [s, s + L[. sur un intervalle Le temps bipolaire moyen, connaissant πs = [p 1 – p], est On obtient la variance par une double intégration, cf. le modèle des allures individuelles : 42 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours avec et • avec Ici : γz = e–(α+β)z et pr = β′ + p′γr–s. • Il vient ainsi une formule explicite pour la variance de tL sachant πs : En régime stationnaire, p′ = 0 donc 5. Routes à voie unique Soit une route à une seule voie de circulation donc impossibilité de dépasser. Nous traitons le cas à deux classes pour préciser la covariance spatiale des lenteurs locales, et retrouver les propriétés du temps de parcours, local ou bipolaire. cf. Leurent, 2001, chapitres 9 et 10 pour un modèle plus poussé et notamment le cas à n classes. 5.1 Le cas de deux classes Nous revenons au modèle de goulot spatial à deux classes : la classe B des mobiles rapides (voitures) et la classe A des mobiles lents (camions). 5.1.1 Probabilité et taux de transition D’après le § 3.1, pour un véhicule rapide, le taux de rattrapage d’un véhicule lent est le paramètre ρ = λA(τA – τB). Donc Pour la suite on note γ = e–ρL. 5.1.2 Moyenne et covariance du temps unitaire Soient une position s et [p 1 – p] une distribution de probabilité entre les états (τA, τB) pour un mobile rapide B (voiture) au point s. Actes INRETS n° 90 43 Modélisation du trafic Le temps unitaire local au point s est une VA binaire τs = τA + ξ(τB – τA) avec ξ une VA 0-1 de Bernoulli de moyenne 1 – p. Par propagation, au point s + L le temps unitaire local est une VA binaire avec la distribution de probabilité [1 – (1 – p)γ (1 – p)γ] entre les états (τA, τB). Il a pour moments • • La probabilité stationnaire est [1 0] entre les états τA et τB : seul le régime transitoire est intéressant. On déduit du § 4.2.2 la covariance spatiale : 5.1.3 Moyenne et variance du temps bipolaire Toujours en application du § 4.2.2, pour la classe rapide B nous obtenons la moyenne du temps bipolaire tL depuis l’entrée s dans le goulot en état libre : alors p = 0, β′ = 1, α′ = 0, p′ = – 1 et De même pour la variance du temps bipolaire tL : Quand la longueur L croît, toutes choses égales par ailleurs, la variance –2 tend vers la limite λ A donc l’écart-type du temps bipolaire tend vers l’inverse du débit en camions. 6. Routes à deux voies et deux sens Sur une route à deux voies et deux sens, les conflits surviennent par gêne avant et en face : typiquement, en sens direct un mobile rapide rattrape un mobile lent et ne le dépasse que quand le créneau en face suffit. Nous modélisons le sens direct avec deux classes de mobiles : la classe lente A et la classe rapide B. Celle-ci s’analyse avec un modèle à deux états. Hors rabattement, les taux de transition s’expriment directement en fonction des paramètres physiques du modèle : lenteurs, longueurs, accélération, intensités. C’est pourquoi nous commençons par négliger le rabattement. Après une application numérique, nous intégrons le rabattement : alors les probabilités 44 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours stationnaires forment la solution d’un système d’équations, par couplage d’aspects microscopiques et macroscopiques. 6.1 Modèle hors rabattement 6.1.1 Position Pour une route à deux voies et deux sens de circulation, les dépassements n’ont lieu que si certains mobiles sont plus rapides que d’autres : nous distinguons deux classes de mobiles en sens direct : classe A lente de lenteur τA, classe B rapide de lenteur libre τB. Alors le dépassement n’est difficile qu’en présence de trafic en sens opposé : soit C la classe de mobiles en sens opposé, avec une lenteur moyenne τC. Les intensités des classes sont respectivement λA, λB et λC. Sous ces hypothèses, la classe B a deux états de temps unitaire : un état libre e1 = τB et un état contraint, ralenti e2 = τA. 6.1.2 Transitions Deux transitions sont possibles pour un mobile M de classe B : de l’état libre à l’état ralenti, et réciproquement. Calculons leurs probabilités en fonction d’une distance élémentaire ds. De l’état libre à l’état ralenti, la transition est l’événement = {début de gêne avant de s à s + ds} ∩ {créneau en face insuffisant}. Comme ces deux événements sont indépendants, la probabilité de l’intersection est le produit des probabilités. En divisant par Pr{eM(s) = τB}, cela donne = Pr{gêne avant à s + ds | libre à s} X˜ st (δBA). La probabilité que la gêne avant apparaisse de s à s + ds est Au total donc De l’état ralenti à l’état libre, la transition est l’événement = {fin de gêne avant de s à s + ds} ∩ {nouveau créneau en face suffisant}. Actes INRETS n° 90 45 Modélisation du trafic Comme ces deux événements sont indépendants, la probabilité de l’intersection est le produit des probabilités. En divisant par Pr{eM(s) = τA}, cela donne = Pr{libre à s + ds | gêne avant à s} La gêne avant disparaît de s à s + ds si un créneau en face insuffisant se termine dans cet intervalle, autrement dit si la longueur résiduelle jusqu’au mobile en face actuel s’annule. Cette longueur résiduelle est une distance de rattrapage x*, tronquée à δ ′BA créneau minimal en état ralenti. C’est une variable aléatoire exponentielle de paramètre ρ̃ AC tronquée à δ ′BA , distribuée avec une densité La probabilité de fin est ds fois la densité en 0, soit Ainsi Donc En fait la distribution exponentielle tronquée ( ρ̃ AC , δ ′BA ) se rapporte à un créneau insuffisant pour l’état ralenti, après le créneau initial qui force à ralentir. La distance jusqu’au croisement initial est exponentielle tronquée ( ρ̃ BC , δBA). Cela ne change pas fondamentalement le modèle. 6.1.3 Relations analytiques Nous pouvons appliquer les formules du § 4 aux taux de transition α et β. En régime stationnaire, la lenteur locale est une VA binaire distribuée entre τB et τA avec les probabilités Toujours en régime stationnaire, le temps bipolaire tL de s à s + L a pour valeur moyenne sachant que : • , • 46 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours • • Cela montre l’effet des différents paramètres : les temps unitaires libres τB, τA ′ ; l’accélération a de la et τC ; les intensités λA et λC ; les longueurs B′ , A′ et C classe B. Dans ce modèle hors rabattement, l’intensité λB de la classe rapide n’intervient pas. Comme la classe B comporte une seule allure, la variance du temps bipolaire ne comporte pas de variance interallure et se réduit à la variance intraallure, évaluée au § 4.2 : dans le cas stationnaire, Le rapport V[tL]/L2 tend vers 0 quand L augmente. 6.2 Application numérique (hors rabattement) Pour des intensités de λA = 100 et λC = 800 véh/h ; des temps unitaires de τB = τC = .5 et τA = .7 mn/km, on calcule ρBA = 0,33, ρ̃ AC = 16 et ρ̃ BC = 13,3 véh/km. En prenant A = 10 m, B = C = 5 m, mA = mB = m ′C = 5 m, les créneaux valent δBA = 102 m et δ ′BA = 244 m si a = 0,8 m/s2. D’où α = .25/km et β = .33/km, E[τs] = .586 mn/km et σ[τs] = .099 mn/km. Les tableaux suivants continuent l’application numérique en faisant varier les intensités λA et λC, en véh/h. Ils montrent respectivement la moyenne et l’écarttype du temps unitaire, puis la moyenne et l’écart-type du temps bipolaire pour un trajet long de 20 km. Tableau 1 : Temps local de la classe B: moyenne et écart-type (mn/km). λC/λA 0 0 100 0,5 0,5 0 100 0,5 0,503 0,5 800 0,5 0,5 Actes INRETS n° 90 0,633 0,672 0,094 0,685 0,070 0,699 0,020 0,081 0,100 0,073 0,698 0,039 0,542 0,600 0,650 0 0,064 0,094 0,099 0,692 0 0,523 0,567 0,586 0,5 0 0,048 0,063 0 1 600 0,512 0,522 1 600 0,5 0 0,025 0 800 0,5 0 0 400 400 0,053 0,699 0,014 0,010 47 Modélisation du trafic Chaque intensité fait croître le temps moyen ; elle fait croître puis décroître l’écart-type. Bien d’autres études de sensibilité sont possibles avec les 13 paramètres du modèle. Tableau 2 : Temps de la classe B: moyenne et écart-type (mn). λC/λA 0 0 100 10,0 10,0 10,0 10,1 400 10,0 10,0 10,0 13,8 0,255 12,7 0,385 13,4 0,466 14,0 0,399 10,8 12,0 13,0 0 0,213 0,418 0,788 0 10,5 11,3 11,7 10,0 0 0,164 0,320 0 1 600 10,2 10,4 0 800 0 0,088 1 600 10,0 0 0 800 10,0 0 100 400 0,298 13,7 0,287 14,0 0,111 0,161 14,0 0,057 0,029 6.3 Dépassements, transitions, rabattement et couplage 6.3.1 Intensité réduite et nombre de dépassements Dans notre analyse du rabattement (Leurent, 2001, § 10.B.6), nous avons utilisé une intensité réduite λ ′B des mobiles B qui circulent sur la voie de gauche. Cette intensité réduite est l’intensité de base λB fois la proportion de distance passée sur la voie de gauche, évaluée de la manière suivante : • La lenteur moyenne de B est . • Sur une longueur L, chaque mobile B dépasse des mobiles A en nombre moyen égal à • Chaque dépassement de A par B nécessite sur la voie de gauche une distance δBA ou δ ′BA selon l’état initial de B. • On assimile ici δ ′BA = δBA, une justification étant que le modèle markovien néglige la distance d’accélération de τA à τB. • La distance totale sur la voie de gauche est λ ′B • En divisant par L, il vient ------ = λB • Au total 48 . . Ce raisonnement est valide si Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours Nous obtenons également le nombre moyen de dépassements de mobiles A par des mobiles B sur une longueur L pendant une durée H, égal à 6.3.2 Nombre de transitions (retour à l’état libre) Dans le même ordre d’idées, nous pouvons dénombrer les transitions de l’état τA à l’état τB pour un mobile M de classe B. En nous plaçant dans le modèle de gêne avant et en face, chaque transition correspond à un croisement de B en état ralenti et C avec un créneau en face suffisant x > δ ′BA . Le nombre v de croisements ralentis jusqu’à la transition, incluant la transition mais pas le croisement initial qui provoque le ralentissement, est une variable aléatoire géométrique de paramètre Le nombre total N ′BC de croisements ralentis, hormis les croisements initiaux, est E[v]-1 fois le nombre de transitions TAB, et Donc Remarquons maintenant que N ′BC est le nombre de croisements entre le flux C et le flux de classe B en état ralenti τA, donc d’intensité réduite Ainsi Ces nombres de transitions servent à évaluer les effets spécifiques d’accélération et de décélération (coût de la consommation d’énergie, émissions de polluants et de bruit). 6.3.3 Modèle avec rabattement L’explicitation du rabattement modifie les taux de transition α et β, qui dépendent de l’occupation Ω ′d et de l’intensité réduite λ ′B donc de la probabilité stationnaire ηB/B, elle-même égale à β/(β + α). Les formules caractéristiques de α, β et ηB/B forment un système de conditions d’équilibre, dont la solution correspond uniquement au cas stationnaire. Actes INRETS n° 90 49 Modélisation du trafic Il reste à préciser l’influence du rabattement sur α et β. La transition de l’état libre à l’état ralenti devient l’événement {début gêne avant} ∩ [{créneau en face insuffisant} ∪ ({en face suffit} ∩ {rabattement insuffisant})]. Tandis que la transition de l’état ralenti à l’état libre devient l’événement {fin gêne avant} ∩ {en face suffit} ∩ {rabattement suffit}. Dans Leurent, 2001, § 10B.6 nous avons proposé une formule pour Pr{Rabattement suffit}. On peut se conserver α et modifier β en le multipliant par cette probabilité, soit 7. Route à deux voies en sens unique Les routes à sens unique et à deux voies constituent un autre cas d’application du modèle à deux états : application plus élaborée, à deux classes « actives » de trafic et avec un couplage entre ces classes. 7.1 Modélisation 7.1.1 Les classes et leurs relations Pour une route à sens unique et à deux voies, les contraintes n’ont lieu qu’avec au moins trois classes de mobiles en sens direct, notées A, B et D en ordre de vitesse croissante. Un mobile A garde sa vitesse constante. Un mobile B ne change d’état que s’il rattrape un mobile A sans pouvoir le dépasser en raison d’une gêne arrière. Un mobile D est soit en état libre τD, soit en état ralenti τB, quand un mobile B occupe la voie de gauche. On peut supposer que la classe A correspond à des camions lents, la classe D à des voitures rapides, et la classe B à des camions rapides ou à des voitures lentes. Le modèle à deux états s’applique à chacune des classes B et D. Il faut cependant préciser la relation entre la classe B et la classe D en cas de conflit, précisément quand D rattrape B qui rattrape A. Nous supposons que B choisit de dépasser A, quitte à gêner D, dès que le créneau arrière dépasse un seuil χBD, éventuellement inférieur au créneau minimal δ BA qui garantit de ne pas gêner D. Ainsi, pour les distances arrière x ≥ χBD le mobile B choisit de dépasser A sans ralentir, ce qui retarde D ; tandis que pour x < χBD le mobile B se laisse dépasser par D avant de dépasser A. Le seuil varie selon l’état de B, libre ou ralenti : on note respectivement χBD et χ ′BD . 50 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours 7.1.2 Transitions pour la classe B Pour un mobile de classe B, une transition locale de l’état libre à l’état ralenti signifie le rattrapage d’un mobile A, de probabilité ρBAds, joint à un créneau arrière inférieur à χBD, de probabilité X BD (χBD). Donc Une transition locale de l’état ralenti à l’état libre signifie la fin d’un créneau arrière insuffisant, de probabilité jointe au début d’un créneau suffisant, de probabilité Donc Ces deux taux de transition sont valables hors rabattement, à modéliser comme au § 6.3. Ils font intervenir l’intensité λD du flux en mobiles rapides D. En fait seuls comptent les mobiles D en état libre τD, d’intensité réduite avec la probabilité de l’état libre pour la classe D. 7.1.3 Transitions pour la classe D Pour un mobile de classe D, une transition locale de l’état libre τD à l’état ralenti τB signifie que D rattrape un mobile B qui dépasse un mobile A : le flux de ′ précisée au paragraphe suivant. Alors ces mobiles B a une intensité réduite λ B αD = ρ ′DB . Une transition locale de l’état ralenti τB à l’état libre τD signifie que le mobile B qui gêne D achève de dépasser un mobile A et se rabat, ce qui nécessite un créneau de rabattement suffisant. Ce créneau de rabattement est lié à la formation en pelotons, cf. § 6.3. En le négligeant, la probabilité est ρBAds pour un flux A poissonnien, donc βD = ρBA. 7.1.4 Couplage et équilibre stochastique Intensité réduite. Les taux de transition de chaque classe B ou D dépendent ′ ou λ B ′ de l’autre classe. Pour la classe D, l’intensité de l’intensité réduite λ D ′ = λDηD/D. réduite est simplement λ D Pour la classe B, l’intensité réduite est l’intensité de base λB fois la proportion de distance passée sur la voie de gauche, évaluée comme au § 6.3.1 : En fait le partage de la voie de gauche entre les classes B et D modifie la distance bloquée δBA en δBA – χBD ou plus généralement en une fonction R(δBA, χBD) avec 0 ≤ R(x, y) ≤ x et ∂R/∂x ≥ 0 et ∂R/∂y ≤ 0. Au total, : l’ajout de D en indice de l’intensité réduite marque la relation entre les deux classes. Ce raisonnement est valide si Actes INRETS n° 90 51 Modélisation du trafic Couplage des classes. Chaque mobile B ou D est un système markovien, système à l’équilibre stochastique en régime stationnaire. Les systèmes B et D sont couplés l’un à l’autre par les équations caractéristiques des intensités réduites. L’équilibre global du trafic signifie l’équilibre stochastique de chaque classe B et D, et la vérification des équations de couplage. Il s’exprime mathématiquement comme un système de 4 équations à 4 inconnues : • • , • • On le ramène facilement à un système de deux équations à deux inconnues ηB/B et ηD/D. 7.1.5 Fonctions de temps de parcours En supposant que A et B sont deux classes de camions, les débits en voitures et en camions sont xV = λD et xC = λA + λB. Les temps moyens sont des fonctions τV = ηD/D τD + ηB/D τB et Ces fonctions dépendent non seulement de xV et xC, mais aussi du rapport λA/xC. 7.2 Application numérique (hors rabattement) Appliquons le modèle à un exemple numérique qui figure les conflits entre camions et voitures sur une chaussée d’autoroute à deux voies. Les classes A et B correspondent aux camions lents et rapides, avec τA = 0,8 mn/km et τB = 0,6 mn/km et aB = 0,5 m/s2. La classe D correspond à des voitures, avec τD = 0,5 mn/km et aD = 0,8 m/s2. On fixe des longueurs A = B = 10 m, D = 5 m, mA = mB = mD = 5 m. Les créneaux de dépassement valent respectivement δBA = 145 m et δ ′BA = 290 m. On fixe des seuils de χBD = 40 m et χ ′BD = 60 m. Les tableaux suivants montrent l’effet de λA et λB, en fixant λD = 1 000 véh/h, sur les temps unitaires de B et D, en moyenne et en écart-type. Pour les valeurs choisies, l’impact sur les temps unitaires moyens est important pour la classe B et très faible pour la classe D. L’impact sur l’écart-type local est réaliste pour la classe D des voitures : on obtient facilement σ = .04 ou .06 mn/km, proche de ce qui peut être mesuré (Leurent, 2001, chapitre 2). Pour la classe B, les valeurs obtenues sont élevées pour des camions : car nos hypothèses surestiment largement les débits de camions usuels, à des fins de démonstration. 52 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours Pour mesurer la variabilité de la lenteur sur un long trajet, nous avons étudié le rapport entre l’écart-type du temps bipolaire de la classe D et la distance parcourue, pour plusieurs distances et plusieurs intensités λB, en fixant λA = 400 véh/h. La figure 6 montre la décroissance du rapport en fonction de la longueur. Tableau 3 : Temps local de la classe B : moyenne et écart-type (mn/km). λB/λA 0 0 100 0,600 0,777 0 100 0,600 0,774 0,600 800 0,600 0,600 0,623 0,798 0,796 0,772 0,018 0,026 0,041 0,063 0,798 0,797 0,791 0,014 0,025 0,038 0,093 0 0,797 0,793 0,664 0,799 0,025 0,036 0,084 0 1 600 0,793 0,754 1 600 0,797 0,035 0,067 0 800 0,794 0,064 0 400 400 0,018 0,798 0,027 0,795 0,069 0,019 0,798 0,030 0,019 Tableau 4 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km). λB/λA 0 0 100 0,500 0,500 0 100 0,500 0,502 0,500 800 0,500 0,500 0,500 0,503 0,008 0,501 0,017 0,507 0,045 0,004 0,011 0,025 0,529 0,044 0,500 0,501 0,506 0 0,006 0,016 0,050 0,573 0 0,500 0,503 0,551 0,500 0 0,016 0,036 0 1 600 0,503 0,515 1 600 0,500 0 0,015 0 800 0,500 0 0 400 400 0,011 0,503 0,025 0,017 Quand la distance dépasse 5 km, le rapport baisse de moitié : pour la classe B le résultat est inférieur à .03 mn/km, puis à .02 mn/km au-delà de 20 km. Cela montre que la variabilité intraallure du temps bipolaire ne peut à elle seule expliquer la variabilité des temps bipolaires individuels : conformément au modèle des allures individuelles, sur une distance longue la variabilité interallure domine. Actes INRETS n° 90 53 Modélisation du trafic Figure 6 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km). 8. Routes à deux sens et trois voies Les éléments des parties précédentes se transposent aisément au cas d’une route à trois voies, dont la voie médiane sert aux deux sens de circulation. Nous traitons ce cas avec un modèle à deux états pour chaque sens de circulation, avec un couplage entre les deux sens. Puis nous dénombrons les conflits potentiels et les conflits réalisés entre les deux sens, pour le partage de la voie médiane. Enfin nous terminons par une application numérique. 8.1 Modélisation 8.1.1 Position Pour analyser le partage de la voie médiane, nous modélisons deux classes de lenteur dans chaque sens de circulation : les conflits surgissent entre les mobiles rapides des deux sens. En sens direct, soit A la classe lente (camions) et B la classe rapide (voitures). En sens opposé, soit C la classe lente (camions) et D la classe rapide (voitures). Comme précédemment, nous notons i la longueur individuelle d’un mobile de classe i, mi la marge arrière de sécurité, λi l’intensité de la classe, dont le flux d’arrivées est supposé poissonnien. 54 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours 8.1.2 Analyse du sens direct En sens direct, les mobiles lents A conservent leur lenteur : état unique τA. Les mobiles rapides B ont deux états de lenteur, l’état libre τB et l’état contraint τA. Ils subissent des conflits par gêne avant et en face ; toute la question est de caractériser la gêne en face pour le sens direct. Cette gêne en face provient des mobiles D qui dépassent des mobiles C : ces ′ , égale à l’intensité de mobiles sont dans l’état τD, avec une intensité réduite λ D base λD fois la proportion de distance passée sur la voie médiane. D’après le § 6.3, l’intensité réduite vaut tant que cette expression est comprise entre 0 et 1. Connaissant ηD/D, il suffit d’appliquer le modèle de gêne avant et en face (§ 6.1). 8.1.3 Couplage des deux sens de circulation On traite le sens opposé de manière symétrique, en échangeant les rôles de A et C, et de B et D. Connaissant ηB/B, il relève du modèle de gêne avant et en face. Les deux sens de circulation sont couplés l’un à l’autre par les équations caractéristiques des intensités réduites. L’équilibre global du trafic signifie l’équilibre stochastique de chaque classe A, B, C et D, et la vérification des équations de couplage. Il s’exprime mathématiquement comme un système de ′ , λD ′ , ηB/B et ηD/D : 4 équations à 4 inconnues λ B • • • • On en déduit aisément un système de 2 équations à 2 inconnues ηB/B et ηD/D. 8.2 Les nombres de conflits En vue d’applications à la sécurité routière, dénombrons les conflits ponctuels qui peuvent opposer deux mobiles rapides pour occuper la voie médiane. 8.2.1 Nombre de conflits potentiels Un conflit potentiel est un croisement entre un mobile B et un mobile D. Calculons le nombre de ces croisements sur une longueur L et pendant une période H. Durant cette période, environ HλB mobiles B parcourent la longueur. Chaque mobile B a une lenteur moyenne il part de 0 à ′ , en croisant tous les mobiles D passés par L de t0 et arrive en L à t0 + L τ B ′ à t0 – L τ B ′ , donc un nombre t0 – L τ D Le nombre total de croisements B-D est Actes INRETS n° 90 55 Modélisation du trafic 8.2.2 Nombre de conflits réalisés, selon la priorité Un conflit B-D se réalise avec priorité à B si B occupe la voie médiane et croise D ralenti par C, ou symétriquement avec priorité à D si D occupe la voie médiane et croise B ralenti par A. Pour les conflits réalisés avec priorité à B, on connaît les intensités des flux et leurs lenteurs : en sens direct flux et lenteur τB, en sens opposé flux et lenteur τC. D’où un nombre Symétriquement 8.3 Application numérique (hors rabattement) Paramètres. On fixe les intensités des camions, λA = 100 véh/h et λC = 400 véh/h ; le sens direct est moins chargé en camions que le sens opposé. Les paramètres cinématiques sont les mêmes dans les deux sens : lenteurs τA = τC = 0,8 mn/km, τB = τD = 0,6 mn/km ; longueurs A = C = 10 m, B = D = 5 m ; des marges des accélérations aB = aD = 0,8 m/s2. 8.3.1 Temps de parcours Les tableaux suivants montrent les variations du temps de parcours local, pour les classes B et D, en moyenne et en écart-type. On constate quelques paradoxes : • Le temps moyen d’une classe diminue en fonction de son intensité ! • Les voitures en sens direct sont plus influencées par les camions en sens opposé que par ceux en sens direct ! Tableau 5 : Temps local de la classe B : moyenne et écart-type (mn/km). λB/λD 0 0 100 0,600 0,600 0 100 0,600 0,601 0,600 800 0,600 0,600 56 0,611 0,604 0,045 0,610 0,029 0,604 0,020 0,045 0,029 0,020 0,602 0,010 0,611 0,604 0,602 0 0,030 0,020 0,010 0,600 0 0,604 0,602 0,600 0,600 0 0,020 0,010 0 1 600 0,602 0,600 1 600 0,600 0 0,010 0 800 0,600 0 0 400 400 0,044 0,610 0,029 0,044 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours L’explication tient au jeu des classes, qui exercent des influences mutuelles non seulement directes, mais aussi indirectes. Ainsi une intensité C forte motive des dépassements fréquents par la classe D, qui s’attribue souvent la voie médiane, et gêne souvent B. Tableau 6 : Temps local de la classe D : moyenne et écart-type (mn/km). λB/λD 0 0 100 0,600 0,600 0 100 0,600 0,600 0,602 800 0,604 1 600 0,608 0,602 0,604 0,028 0,019 0,604 0,028 0,608 0,039 0,010 0,019 0,604 0,608 0,039 0,600 0,602 0,020 0,028 0 0,010 0,602 0,604 0,028 0,600 0,010 0,020 0,600 0 0,600 0,602 1 600 0,600 0 0,010 0,020 800 0,600 0 0,010 400 400 0,608 0,039 0,027 0,608 0,039 0,038 8.3.2 Nombres de conflits Les tableaux 7 à 9 indiquent les nombres de conflits potentiels et réalisés, en fonction de λB et λD. La voie médiane est attribuée à la classe D plus souvent qu’à la classe B, en raison de l’intensité en camions plus forte dans le sens de D. Tableau 7 : Conflits potentiels (par unité de temps et de longueur). λB/λD 0 0 0 0 0 0 0 0 100 0 200 400 802 1 607 3 230 200 0 400 801 1 604 3 214 6 461 400 0 802 1 604 3 211 6 434 12 932 800 0 1 606 3 213 6 432 12 888 25 901 1 600 0 3 223 6 448 12 906 25 859 51 956 Actes INRETS n° 90 100 200 400 800 1 600 57 Modélisation du trafic Tableau 8 : Conflits réalisés avec priorité à B (par heure et km). λB/λD 0 100 0 0 100 200 400 800 1 600 0 0 0 0 0 0 0,0 0,0 0,1 0,2 0,3 200 0 0,1 0,2 0,3 0,7 1,2 400 0 0,3 0,7 1,4 2,7 5,0 800 0 1,4 2,8 5,5 10,8 20,3 1 600 0 5,7 11,4 22,6 44,0 82,8 Tableau 9 : Conflits réalisés avec priorité à D (par heure et km). λB/λD 0 100 200 0 0 0 100 0 200 400 800 1 600 0 0 0 0 0,1 0,4 1,5 6,4 30,3 0 0,2 0,7 2,9 12,7 60,3 400 0 0,3 1,4 5,8 25,2 119,3 800 0 0,7 2,8 11,3 49,2 233,3 1 600 0 1,3 5,3 21,8 94,2 444,9 9. Conclusions Dans le modèle des conflits, nous décrivons l’environnement individuel de circulation d’un mobile de manière discrète, microscopique. Cela permet d’approfondir considérablement l’analyse des phénomènes de trafic, grâce à des résultats faciles à interpréter. Les situations d’application sont variées : en topologie de route (un ou deux sens, une ou plusieurs voies) et en structure de trafic, avec plusieurs classes de vitesse libre dans chaque sens de circulation. Ainsi l’environnement individuel de circulation est décrit de manière microscopique et réaliste : les paramètres du modèle incluent, pour chaque classe de mobiles : l’intensité du flot d’arrivées, la vitesse libre, la longueur individuelle, la distance de sécurité, l’accélération. Grâce à un modèle états-transitions pour chaque classe de mobiles, nous avons obtenu des formules analytiques pour les taux de transition entre les états de lenteur, donc pour les probabilités de séjour dans chaque état, pour les temps 58 Actes INRETS n° 90 Un modèle probabiliste pour les interactions entre véhicules et les temps de parcours de parcours locaux et bipolaires en moyenne et en variance. En dehors des cas à une voie ou à deux voies et deux sens, les relations entre classes induisent des couplages macroscopiques, entre les systèmes d’équations analytiques particuliers à chaque classe. Bibliographie Beckmann M.J., McGuire C.B. & Winsten C.B. (1956) Studies in the Economics of Transportation. New Haven: Yale University Press. Galin D. & Epstein B. (1974) Speeds and Delays on two-lane Roads where Passing is possible at given points of the road. Transportation Research, 8, 29-37. Kometani E. (1955) On the theoretical solution of highway traffic capacity under mixed traffic. 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Ces deux formules résultent d’un modèle de distribution des vitesses parmi une population de déplacements : avec une vitesse fixée pour chaque déplacement considéré isolément. Dans des articles précédents, nous avons modélisé à la fois la distribution des allures individuelles, et, pour chaque déplacement d’allure fixée, les variations locales de la vitesse qui résultent des aléas de circulation. Le présent article établit les propriétés statistiques des temps d’itinéraire dans ce modèle des allures individuelles et des aléas de circulation. Nous montrons que ces propriétés relativisent les formules de Wardrop. La formule des vitesses moyennes reste valable au niveau local. Nous donnons des résultats originaux au niveau bipolaire d’un itinéraire : d’abord dans l’analyse d’une trajectoire individuelle, ensuite pour un ensemble de trajectoires. Nous revisitons aussi la méthode du véhicule flottant, avec une nouvelle méthode d’estimation capable de révéler non seulement la moyenne mais encore l’écart-type des temps bipolaires. Actes INRETS n° 90 61 Modélisation du trafic 1. Introduction 1.1 Contexte L’ingénierie du trafic s’est développée dès les années 1900 pour planifier et exploiter les réseaux de transport : dans les années 1920 sont apparus des congrès et des revues pour partager les connaissances. Certaines questions basiques, en particulier le dimensionnement des routes et des carrefours, ont rapidement donné lieu à des tâches spécialisées : compter le trafic, mesurer le temps de parcours par des techniques économes en moyens, modéliser les attentes aux jonctions, modéliser les choix d’itinéraire. En 1952, l’ingénieur anglais Wardrop a synthétisé les connaissances de l’époque dans un article fameux : Some theoretical aspects of road traffic research, qui comporte aussi des contributions originales : l’application au trafic de l’équation des ondes (p. 363) reprise ensuite par Lighthill et Whitham (1955), les principes d’affectation aux itinéraires selon l’optimum individuel et l’optimum collectif, la formule entre les vitesses moyennes de temps et d’espace. Peu après (1954), Wardrop a développé la méthode du véhicule « flottant » (dans le trafic) afin de mesurer le débit ou la vitesse moyenne. Figure 1 : Les contributions de Wardrop. Distributions en temps et en espace des vitesses Equation de conservation Relation entre les moyennes fs(v) ∝ fT(v)/v q = kv S 2 2 v T = v S (1 + σ S / v S ) Intensité des dépassements Formation des files d’attente, formule des ondes de choc Affectation du trafic Optimum individuel Optimum du système Véhicule flottant Capacités des routes, des carrefours plans et giratoires 1.2 Objectif : l’analyse des temps d'itinéraire La formule des vitesses moyennes et la méthode du véhicule flottant demeurent couramment utilisées en ingénierie du trafic. Elles résultent d’un modèle de distribution des vitesses parmi une population de déplacements par 62 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop un itinéraire : chaque déplacement, considéré isolément, garde une vitesse constante. Dans des travaux antérieurs, nous avons approfondi le sujet en explicitant les variations locales de la vitesse dans chaque déplacement d’allure fixée, l’allure étant définie comme la préférence individuelle pour une vitesse de croisière : c’est le modèle des allures individuelles et des aléas de circulation (Leurent, 2001). L’objectif du présent article est de tirer les conséquences de notre modèle sur les formules usuelles dues à Wardrop ; et, plus largement, d’établir les propriétés statistiques du temps d’itinéraire. 1.3 Méthode : la modélisation probabiliste Nous utilisons la théorie des probabilités, autrement dit la science de l’agrégation, afin de modéliser : • L’agrégation des points le long d’une trajectoire, et la composition des vitesses locales en un temps de parcours « bipolaire » (d’une extrémité à l’autre). • Pour une trajectoire potentielle, qui représente un ensemble de trajectoires individuelles possibles, la diversité des aléas de circulation, et leur influence d’abord sur les vitesses locales puis sur le temps bipolaire. • Dans une population de déplacements, la diversité des « mobiles » : leur classe (ex. type de véhicule), leur préférence pour la vitesse que nous appelons l’allure individuelle de circulation, l’état macroscopique de trafic. Nous combinons ces sources de diversité, de variabilité, et nous en hiérarchisons les effets au niveau tant local que bipolaire. 1.4 Plan La suite de l’article est en trois parties principales, qui traitent respectivement : les aspects internes à un déplacement (§ 2), les aspects collectifs dans une population de déplacements (§ 3) et la méthode du véhicule flottant (§ 4). 2. Analyse d’une trajectoire Nous analysons la trajectoire d’un mobile individuel en deux étapes : • D’abord, pour une trajectoire réalisée, nous décrivons la diversité des vitesses locales de manière probabiliste (§ 2.1). • Puis, pour une trajectoire potentielle, nous modélisons la vitesse en un point comme une variable aléatoire, compte tenu des aléas de circulation (§ 2.2). Comme chaque aléa de circulation influence un élément de distance et pas seulement un point, nous modélisons ensuite la liaison entre les variables aléatoires « vitesses locales » des différents points, par un processus stochasti- Actes INRETS n° 90 63 Modélisation du trafic que indexé à la fois par la position, l’allure de circulation et l’état macroscopique de trafic (§ 2.3). Finalement nous donnons un modèle markovien du mobile en circulation, avec deux états de vitesse, ce qui concrétise le processus (§ 2.4). 2.1 Les vitesses au cours d’une trajectoire Soit une section S de longueur L, parcourue par un mobile. La trajectoire du mobile est l’ensemble des couples (instant t, position s) dont la position s appartient à la section S, soit s ∈ [0, L]. La vitesse instantanée du mobile se rapporte à la fois à la position et à l’instant : on peut analyser sa distribution statistique pour la population des positions, ou pour la population des instants. 2.1.1 Vitesses pour la population des positions Notons F˜ S la fonction de répartition cumulée des vitesses selon les positions ; ˜f la densité ; v˜ la moyenne ; σ̃ 2 la variance. S S vS 2.1.2 Vitesses pour la population des instants Notons F˜ T la fonction de répartition cumulée des vitesses selon les instants ; ˜f la densité ; v˜ la moyenne ; σ̃ 2 la variance. T T vT 2.1.3 Relations entre les deux distributions « trajectorielles » des vitesses Si la vitesse du mobile varie suffisamment lentement, elle présente une certaine continuité : sur une distance courte ds elle tend à se conserver. Cette hypothèse de continuité locale a la conséquence suivante : un état de vitesse compris entre [v, v + dv] au point s, donc qui a la probabilité f˜S (v)dv dans la population des positions, contribue pendant une durée ds/v à la population des instants : donc Notons K˜ la constante de proportionnalité telle que sont des densités de probabilité, en intégrant il vient . Comme ce . En intégrant après multiplication par v, il vient . Au total, la vitesse moyenne des instants est égale à l’inverse de la lenteur moyenne des positions, . On en déduit les mêmes propriétés formelles que pour les distributions locales au § 3.1.3, en intervertissant les références T et S. 64 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop 2.1.4 Conséquences macroscopiques Au cours de la trajectoire, on peut mesurer des caractères macroscopiques sur l’ensemble des positions ou l’ensemble des instants : • Durée totale , car chaque élément ds est parcouru en temps ds/vs à la vitesse locale vs. • Donc lenteur moyenne . • Vitesse moyenne selon les instants, . • Vitesse moyenne selon les positions, . • Variance des vitesses selon les instants, . • Variance des vitesses locales, . • Variance des lenteurs locales, . Selon les positions, la lenteur locale τs = 1/vs est plus significative que la vitesse locale. 2.2 Aspects aléatoires dans une trajectoire Dans ce qui précède, le formalisme probabiliste est une simple reformulation de l’agrégation des éléments de distance (ou de temps) en la longueur totale (ou la durée), pour une trajectoire réalisée. Plus profondément, pour une trajectoire potentielle donc incomplètement connue, nous modélisons la vitesse en chaque point par une variable aléatoire, compte tenu des aléas de circulation. 2.2.1 Description statistique de la vitesse en un point Une « trajectoire potentielle » signifie un ensemble, une population de situations possibles : une situation particulière de cet ensemble résulte d’une influence extérieure non contrôlée, que dans notre cas nous appelons un « aléa de circulation » noté ω. Alors la situation potentielle correspond à un ensemble Ω d’aléas ω. Sur l’ensemble Ω, en un point s particulier de la section S, nous considérons la distribution de la vitesse locale Vs, avec • Une fonction de répartition cumulée F˜ . s • Une fonction de densité ˜f s . Actes INRETS n° 90 65 Modélisation du trafic • Une moyenne v˜ s . • Une variance σ̃ 2Vs . Au § 2.4 nous donnons un exemple avec deux états de vitesse respectivement rapide et lent, pour un mobile d’allure rapide qui serait épisodiquement ralenti par des mobiles lents. 2.2.2 La lenteur locale Plus significatif, nous considérons aussi la distribution de la lenteur locale τs = 1/Vs, avec • Une fonction de répartition cumulée Gs. • Une fonction de densité gs. • Une moyenne τ s . • Une variance σ 2τs . 2.23 Lien avec une trajectoire réalisée Une trajectoire réalisée, en chaque point s, présente une vitesse locale vs qui réalise la variable Vs. Nous avons considéré au § 2.1 la distribution des vs selon s ∈ S. Ajoutons deux hypothèses : • L’homogénéité « spatiale » des différents points s de la section, avec alors une même distribution F˜ s . • L’ergodicité de chaque trajectoire, i.e. une trajectoire réalisée donne un échantillon suffisamment grand de l’ensemble des vitesses locales possibles. Dans ces conditions, la distribution réalisée F˜ S tend vers la distribution commune F˜ , d’autant plus que la section S est plus longue. s Même sans les hypothèses d’homogénéité et d’ergodicité, on peut encore relier une trajectoire potentielle à un ensemble I de trajectoires réalisées i : en chaque point s l’ensemble des vitesses locales [vs(i)]i∈Ι est un échantillon de la variable Vs. 2.2.4 Lien avec la population des instants La liaison entre les vitesses considérées selon les positions ou selon les instants, est valable pour une trajectoire réalisée « suffisamment continue ». Pour une trajectoire potentielle, même « suffisamment continue », un problème se pose : la diversité des trajectoires induit une diversité des temps de parcours pour arriver jusqu’en chaque point s. Illustrons cela : entre deux trajectoires de durées différentes, comment mélanger les deux populations des instants, en les unissant sans pondération ce qui avantage la durée la plus forte, ou en pondérant par l’inverse de la durée ? 66 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop Pour éviter ce problème il suffit de traiter principalement la population des positions, et de considérer la population des instants seulement pour une trajectoire réalisée. 2.3 Le processus spatial des lenteurs locales Au cours d’un déplacement, un aléa de circulation, même bref, s’étend à la fois dans le temps et dans l’espace, il n’est pas ponctuel. C’est pourquoi, entre deux positions voisines, les fluctuations des vitesses locales sont mutuellement liées. Afin de préciser cette liaison, nous modélisons de manière collective les variables aléatoires τs = 1/Vs, par le processus stochastique des lenteurs locales (τs)s∈S. 2.3.1 Formalisme Le processus stochastique (τs)s∈S à index s ∈ S est une famille de variables aléatoires τs relatives chacune à un point s particulier. On le caractérise par : • Localement, la fonction de répartition Gs, la moyenne τ s et la variance σ 2s . • La fonction de covariance spatiale, qui à deux points s et u de S associe χs(u – s) = cov[τs ; τu]. En particulier χs(0) = σ 2s . 2.3.2 Facteurs de conditionnement Le processus stochastique se rapporte : • à une section S, • à certaines conditions temporelles, • à des conditions sur le mobile : sa classe, son allure individuelle de circulation, notée α, qui est la préférence individuelle pour la rapidité, • à un état macroscopique de trafic, noté M, qui résume les conditions de circulation mesurables par un observateur extérieur : débit par classe de mobiles, vitesse moyenne du flot etc. Pour marquer ces dépendances, on peut expliciter τsαM et χsαM. 2.3.3. Conséquences pour le temps bipolaire Pour la section S, le temps bipolaire est la somme des lenteurs locales, soit . C’est une variable aléatoire, dont les caractères se déduisent de ceux du processus grâce à la linéarité de l’intégration (cf. Leurent, 2001, chapitre 8) : • en moyenne ; • en variance Actes INRETS n° 90 67 Modélisation du trafic 2.3.4 Propriétés asymptotiques (pour une section longue) Sur une section longue, les aléas de circulation rencontrés successivement au cours d’une même trajectoire tendent à se compenser mutuellement : la durée de trajectoire tS se rapproche de la moyenne E[tS], au sens que le rapport tS – E[tS]/E[tS] tend vers 0 d’autant plus que la section est plus longue. C’est l’hypothèse d’ergodicité, que l’on traduit formellement par une fonction de covariance χs(δ) qui diminue rapidement quand l’argument δ augmente. Alors la variance V[tS] est bornée par une fonction linéaire de la longueur de section L. Conséquence concrète : sur une section longue, pour des conditions macroscopiques fixées, la variance totale des temps bipolaires dans une population de déplacements, dépend surtout de la diversité des mobiles (classes, allures), mais peu des aléas de circulation. On peut approcher l’écart-type des temps bipolaires par une fonction linéaire de L si la section est homogène, et on peut le décomposer additivement en fonction des écarts-types par sous-sections ellesmêmes suffisamment longues. 2.4 Le modèle à deux états Donnons maintenant un modèle probabiliste du trafic, qui concrétise assez simplement les considérations précédentes. 2.4.1 Hypothèses Sur une section de route, dans un sens de circulation, on considère deux classes de mobiles : les mobiles lents de classe A (camions) et les mobiles rapides de classe B (voitures), de vitesse libre respective vA et vB. Les débits sont λA et λB. Les mobiles lents ont une vitesse constante, tandis que les mobiles rapides ont deux états de vitesse vB ou vA, selon qu’ils sont libres ou en suivi derrière un mobile lent (dans l’attente d’une possibilité de dépasser). Le modèle à deux états porte sur chaque mobile rapide, pour lequel on suppose : • l’indépendance par rapport aux autres mobiles rapides ; • si le mobile est libre en un point s, alors l’intervalle qui le sépare du prochain mobile lent (précisément, entre l’avant du rapide et l’arrière du lent) est une variable exponentielle, à une marge de sécurité près ; • que le changement d’état est instantané. Sous ces hypothèses, on caractérise les changements d’état de vitesse de manière probabiliste, par des taux de transition : • de l’état libre à l’état ralenti, le taux de transition α tel que 68 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop • de l’état ralenti à l’état libre, le taux de transition β tel que Les taux α et β sont des fonctions de l’état macroscopique de trafic, donc des paramètres vA, vB, λA, λB, des longueurs individuelles, des marges de sécurité, et des capacités d’accélération et de freinage : cf. le modèle des conflits (Leurent, 2001, chapitre 10) pour une analyse détaillée, avec des résultats pour le régime stationnaire et le régime transitoire. 2.4.2 Conséquences en régime stationnaire Le régime est stationnaire lorsque, pour des conditions macroscopiques fixées, en chaque point s l’état de lenteur τs du mobile rapide est distribué entre les états 1/vB ou 1/vA avec les probabilités stationnaires : • • Cela caractérise la distribution de probabilité pour la variable aléatoire τs, avec en conséquence : • en moyenne • en variance . . On calcule aussi la fonction de covariance spatiale, qui est une fonction exponentielle : . 2.4.3 Distribution selon les instants Au lieu de considérer les taux de transition par élément de distance ds, nous pouvons les rapporter à l’élément de temps dt, avec • car alors dt = ds/vB 1, • . On obtient ce résultat en détaillant le taux de transition, et en identifiant ensuite à αvB. Pour relier directement α’ et αvB il faudrait une hypothèse supplémentaire de « continuité » de la vitesse. 1 Actes INRETS n° 90 69 Modélisation du trafic On en déduit la distribution de probabilité pour la vitesse instantanée Vt, en régime stationnaire : • • Les moments de la vitesse instantanée sont : • en moyenne , • en variance . Evidemment ces résultats se généralisent à tout nombre d’états de vitesse ; donc, dans le cas markovien, la relation entre les distributions d’espace et de temps est valable non seulement pour chaque trajectoire, mais aussi pour tout le régime stationnaire :2 pour tout état i. 2.4.4 Conséquences pour le temps bipolaire En régime stationnaire, on obtient : • • en moyenne, en variance. 2.5 Bilan Nous avons analysé de manière statistique la distribution des vitesses locales dans une trajectoire, et la relation entre les populations des positions et des instants. La position est le facteur clef pour modéliser les aléas de circulation et leur influence sur le temps bipolaire. La variabilité de celui-ci, sur section longue, résulte surtout des différences entre individus et peu des aléas de circulation. Cette relation entre échelle locale et échelle bipolaire est une contribution originale, de même que le modèle markovien pour le trafic. 2 La formule suivante est valable pour des densités discrètes de probabilité. 70 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop 3. Analyse d’un ensemble de déplacements Dans une population de déplacements, typiquement l’ensemble des trajectoires sur une section S pendant une période donnée, on peut distinguer plusieurs groupes : par classe de mobiles, par allure de circulation, par état macroscopique de trafic. Nous fixons ici l’état macroscopique, et nous conservons les autres sources de variabilité : nous notons uniquement • l’allure α pour la classe et l’allure ; • les aléas de circulation ω. Nous commençons par caractériser les distributions des vitesses en temps et en espace, pour un observateur extérieur, et par montrer leur caractère local (§ 3.1). Puis nous les relions aux distributions trajectorielles de la partie précédente (§ 3.2). Finalement nous imputons les variabilités des lenteurs locales ou des temps bipolaires, aux allures et aux aléas (§ 3.3). 3.1 Distributions locales des vitesses, en temps ou en espace Nous qualifions « d’externes » les vitesses telles qu’un observateur extérieur peut les mesurer, au bord de la route. 3.1.1 Population des instants de passage En un point s d’une route, pour une période donnée, les passages des mobiles d’un certain type forment une population statistique, appelée la population externe temporelle. Leurs vitesses instantanées sont un caractère statistique, une variable aléatoire. Cette variable aléatoire est conditionnée par deux facteurs : • La distribution des paramètres individuels α des mobiles, représentée avec une fonction de répartition A. • L’état macroscopique M pendant la période. Ces facteurs influent sur la répartition des vitesses instantanées : en particulier un trafic fort réduit la moyenne, et réduit aussi l’écart-type en resserrant l’éventail des vitesses. A position s, structure (α) et état M fixés, notons FTs la fonction de répartition cumulée des vitesses instantanées pour la population temporelle des passages, 2 fTs la densité, vTs la moyenne, et σ Ts la variance. 3.1.2 Population « spatiale » des couples (position, instant) Considérons un petit intervalle [s, s + ds] de la route, et les couples (position, instant) associés à chaque mobile présent dans l’intervalle pendant une période donnée. Ces couples forment une population statistique, appelée la population externe spatiale. La vitesse du mobile constitue un caractère statistique de Actes INRETS n° 90 71 Modélisation du trafic chaque couple, une variable aléatoire, encore conditionnée par la structure (α) et par l’état M. Nous notons FSs la fonction de répartition cumulée des vitesses spatiales, fSs 2 la densité, vSs la moyenne, et σ Ss la variance. 3.1.3 Relations entre les deux distributions En supposant que chaque mobile i garde sa vitesse vi constante sur l’intervalle [s, s + ds], il contribue pendant une durée ds/vi à la population spatiale, donc d’autant plus longtemps qu’il est plus lent : ainsi . Notons K la constante de proportionnalité telle que . Comme ce sont des densités de probabilité, en intégrant il vient ETs[1/v] = K. En multipliant par v puis en intégrant, on obtient aussi 1 = K ESs[v] : au total . Soit un exposant n. En multipliant la relation de base par vn puis en intégrant, il vient . Le cas n = 2 donne , appelée la formule de Wardrop entre la vitesse moyenne temporelle et la vitesse moyenne spatiale. L’hypothèse de vitesse constante pour chaque mobile sur la distance ds, limite ces relations à une portée locale. 3.1.4 Conséquences macroscopiques Soit q le débit au point s (pour la catégorie étudiée). Pendant la durée H de la période, il passe un nombre qH de mobiles. Le nombre de ces mobiles dont la vitesse est comprise entre v et v + dv s’élève à qHfTs(v)dv. Sur l’intervalle [s, s + ds], à un instant donné, soit k la concentration spatiale en mobiles, donc kds le nombre de mobiles présents. Le nombre de ces mobiles dont la vitesse est comprise entre v et v + dv s’élève à k ds fSs(v)dv. Pendant H, la durée totale de séjour passée dans l’intervalle par les mobiles dans cette tranche de vitesse est donc Hk ds fSs(v)dv. Comme chaque passage en s à vitesse v provoque un séjour de durée ds/v sur l’intervalle [s, s + ds], on vérifie qHfTs(v) dvds/v = Hk ds fSs(v) dv, donc aussi qfTs(v) = kvfSs(v) après simplification, et après intégration q = kvSs. C’est pourquoi on appelle aussi vSs la vitesse moyenne du flot, égale à q/k. 72 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop 3.2 Relation entre les distributions trajectorielles et externes Au § 3.1 nous avons rappelé la relation entre la densité temporelle et la densité spatiale des vitesses externes, en un point donné et pour une classe de mobiles. Au § 2.1 nous avons donné une relation « renversée » entre la densité temporelle et la densité spatiale des vitesses trajectorielles, au long d’une trajectoire pour un mobile donné. Il reste à expliquer la correspondance entre les distributions externes et les distributions trajectorielles. Restreignons-nous à une seule classe de mobiles pour toutes ces distributions. 3.2.1 Interception en un point Chaque passage d’un mobile, au point de mesure s, correspond à un instant pour un observateur, mais à une position pour le mobile. Donc la densité externe temporelle fTs correspond à la densité trajectorielle spatiale f˜S . En conséquence : • La vitesse trajectorielle en moyenne d’espace, v˜ s , équivaut à la moyenne temporelle externe v Ts . 2 • La variance σ̃ Vs équivaut à la variance temporelle externe σ 2Ts . 3.2.2 Interception à un instant Sur un intervalle [s, s + ds], un examen à l’instant t correspond à une distribution externe spatiale, et pour les trajectoires à une vitesse instantanée, donc à la distribution trajectorielle temporelle. Donc fSs correspond à f˜ t . En conséquence : • La moyenne v˜ t équivaut à la moyenne spatiale externe v Ss . 2 • La variance σ̃ Vt équivaut à la variance spatiale externe σ 2ss . 3.2.3 Au total Ces relations entre les distributions trajectorielles et externes, justifient les relations formelles respectives fTs ∝ vfSs côté externe, et f˜ s ∝ vf˜ t côté trajectoriel. Actes INRETS n° 90 73 Modélisation du trafic Nous en déduisons une méthode pour analyser la variance temporelle des vitesses externes locales d’un groupe de déplacements, en la décomposant entre la variance intra-individu et la variance inter-individus : • La variance externe locale pour une allure α est . On peut la mesurer sur une section homogène car alors la variance réalisée : pour le calcul on recueille f˜ T ( α ) , dont on déduit f˜ S ( α ) puis σ̃ 2vS ( α ) . • La variance intra-individu est la moyenne des variances externes locales sur l’ensemble des allures, i.e. tillon de taille I, avec . On l’estime par un échan. • La variance inter-individus est la différence entre la variance temporelle totale σ 2Ts (mesure directe) et la variance intra-individu σ 2TsA . 3.3 Du niveau local au niveau bipolaire 3.3.1 Niveau local Au niveau local, chaque allure α a une lenteur locale τsα dont la moyenne τ sα décroît avec l’allure. En moyenne sur toutes les allures et toutes les lenteurs de chaque allure, en notant par un indice A l’agrégation selon les allures, Les variations de lenteur particulières à l’allure α ont une variance V[tsαα] notée χ̃ sα ( 0 ). En ajoutant les variations entre les différentes allures, il vient D’où la relation entre les dispersions relatives γX = σX/E[X] : 3.3.2 Niveau bipolaire Au niveau bipolaire, on montre que l’hypothèse d’ergodicité. Comme 74 grâce à cela implique que Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop 3.3.3 Relations entre les deux niveaux, local et bipolaire En reliant les deux niveaux, nous obtenons la relation entre les dispersions relatives des deux distributions temporelles, respectivement locale (γ1/ν) et bipolaire (γL). Ainsi le modèle des allures individuelles distingue bien le niveau local du niveau bipolaire. 3.3.4 Evidence empirique Pour les VL sur autoroute interurbaine (cf. Leurent, 2001, § 8.A4), γT = 11 %, γL = 8 % et vS = 130 km/h = 2,2 km/mn. Nous en déduisons χ̃ (0) ≈ (0,03 mn/ km)2 : cet ordre de grandeur est confirmé par le modèle microscopique du § 2.4 (cf. Leurent, 2001, § 10). 4. Sur la méthode du véhicule flottant Un véhicule flottant (VF) est un véhicule qui circule dans un flot de trafic afin d’en mesurer la vitesse moyenne d’espace. La méthode du véhicule flottant a été développée par Wardrop et Charlesworth (1954), elle est largement utilisée. Dans cette partie, grâce à l’analyse désagrégée du trafic, nous étendons la méthode et ses hypothèses, et nous élargissons ses conditions d’application, sa portée, ses résultats : nous développons en particulier un estimateur du maximum de vraisemblance pour la distribution des vitesses. Nous commençons par rappeler son principe et son application courante (§ 4.1). Puis nous proposons d’autres formes d’application, afin d’estimer non seulement la vitesse moyenne d’espace, mais encore les distributions temporelle et spatiale des vitesses (§ 4.2). Ensuite nous discutons les hypothèses de la méthode, et nous proposons une mesure sommaire de précision pour la vitesse moyenne estimée (§ 4.3). Le modèle des allures individuelles implique que le véhicule flottant mesure la distribution des vitesses trajectorielles moyennes, et non des vitesses instantanées (§ 4.4). Le modèle de goulot spatial invalide la méthode du véhicule flottant pour des routes à voie unique (§ 4.5). Enfin le modèle des conflits permet une utilisation très puissante de la méthode, grâce à un estimateur du maximum de vraisemblance pour la distribution des vitesses (§ 4.6). 4.1 Principe Soit une section de route de longueur L. On considère un sens de circulation, de débit q, concentration k, répartition temporelle des vitesses FT et répartition spatiale FS, vitesse moyenne spatiale vS. Le véhicule flottant parcourt la section à la vitesse u ; de t0 à t1 = t0 + L/u. Il rattrape les véhicules moins rapides de vitesse v < u, partis entre t1 – L/v et t0 : Actes INRETS n° 90 75 Modélisation du trafic ces véhicules sont en nombre t0 – (t1 – L/v) = L(v–1 – u–1) fois l’intensité qfT(v)dv, donc qL(v–1 – u–1) fT(v)dv. Au total le VF rattrape un nombre de véhicules Il est lui-même rattrapé par les véhicules plus rapides partis entre t0 et t1 – L/v, en nombre qL(u–1 – v–1) fT(v)dv pour chaque vitesse v > u. Le nombre total de rattrapants est . 1 1 La différence des deux décomptes est n + – n – = qL --- – ------ . u v S 4.2 Application usuelle et variantes Si le véhicule flottant ajuste sa vitesse u pour que n+ = n–, alors u = vS : c’est l’application usuelle. Une variante est de mesurer q par un second observateur, et de fixer u a priori : on obtient alors le temps moyen . On peut ainsi mesurer le temps moyen d’une classe de véhicules lents (ou au contraire rapides) : si le – véhicule flottant circule plus vite que les camions, il rattrape n C camions pendant son parcours, ce qui correspond à . Autre variante : on peut spécifier les répartitions FT et FS comme des fonctions standard de la vitesse et d’un vecteur Θ de paramètres. Alors des mesures permettent d’estimer Θ, donc de caractériser les distributions. Nous recommandons d’utiliser une distribution log-normale LN(a, b) des vitesses spatiales. Dans ce cas et . De plus les vitesses temporelles suivent une distribution log-normale LN(a + b2, b)(3), avec donc γT = γS. On vérifie bien que conformé- ment à la formule de Wardrop puisque dans ce cas 3 En effet 76 . . Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop Alors un VF à la vitesse ui dépasse véhicules, ce qui donne un point d’observation sur q, a et b. Avec un nombre de points I ≥ 3, on résout le problème et on obtient non seulement vS mais aussi γS et toute la distribution des vitesses4. Au § 4.6, nous donnons un estimateur du maximum de vraisemblance pour estimer Θ et q : une mesure par véhicule flottant et un comptage local peuvent suffire ! 4.3 Hypothèses et précision La méthode suppose que la section de route est homogène, avec partout la même distribution spatiale des vitesses, le même trafic. Sa validité nécessite une taille d’échantillon n = n+ + n– suffisante, donc une longueur suffisante. Si u ≈ vS alors car q/vS = k la concentration et par une approximation dans le cas log-normal. En notant σS l’écart-type de la distribution spatiale des vitesses, l’approximation gaussienne est valide si n ≥ 30 ou si γS = σS/vS << 1 (vérifié notamment pour les VL). On peut alors estimer la vraie moyenne vS par intervalle de confiance, de forme [n] avec v̂ s la moyenne estimée et t α ⁄ 2 le fractile d’ordre 1 – α/2 d’une variable de Student à n degrés de liberté. Rappelons que σS est lié à l’écart-type des temps bipolaires, σP = Lσ, par l’approximation donc σS ≈ σv 2S 4.3.1 Application numérique Un véhicule flottant parcourt une longueur L = 20 km à la vitesse u = 75 km/h. Il dépasse n– = 19 véhicules et il est lui-même dépassé par n+ = 13 véhicules. Un observateur extérieur compte le débit q = 800 véh/h. La vitesse moyenne prédite est = 72,9483283 km/h. En supposant σS = 13,5 km/h, comme n = n+ + n– = 32, un intervalle de confiance à 95 % pour la vraie vitesse moyenne vS est [67,3, 78,6] km/h. 4 La solution à I véhicules flottants peut s’implémenter avec un seul véhicule et I capteurs dans le cas d’une section homogène très longue, partagée en I arcs i de longueurs Li encore importantes, équipés chacun d’un capteur. Par homogénéité, FT et FS sont communes aux arcs. Le véhicule parcourt chaque arc à une vitesse particulière ui, tandis que le capteur de l’arc mesure le débit local qi. Les I mesures remplacent les I parcours. Actes INRETS n° 90 77 Modélisation du trafic Cette mesure de précision est sommaire, car l’écart type σS correspond à la population spatiale des vitesses, qui n’est pas identique à la population des vitesses des mobiles rencontrés (celle-ci est le mélange de la distribution tronquée des vitesses sur [0, u] et de celle sur [u, ∞ [, en proportions respectives ρ– p = ------------------ et 1 – p avec les notations du § 4.6. Dans le cas log-normal, avec ρ– + ρ+ les formules des moments tronqués d’ordre 1 et 2, on calcule facilement la moyenne et la variance du mélange). 4.4 Enseignements du modèle des allures individuelles La preuve de Wardrop nécessite que chaque véhicule conserve sa vitesse v. D’après les modèle des allures individuelles, les vitesses peuvent varier localement au cours de chaque trajectoire individuelle. Cela ne compromet pas la méthode, à condition d’en renouveler l’interprétation : il faut interpréter FT et FS comme les répartitions de la vitesse « moyenne harmonique par trajectoire », notées v˜ α = 1/τα. En effet l’hypothèse d’ergodicité spatiale assure que chaque véhicule d’allure α a une vitesse moyenne harmonique de trajectoire proche de 1/τα si la longueur L est suffisamment grande. 4.5 Enseignements du modèle de goulot spatial Sur un goulot à voie unique, un mobile ne peut ni dépasser ni se laisser dépasser. Tant qu’il est isolé, il mesure son propre temps de parcours libre. Dès qu’il rejoint un autre mobile, il mesure le temps de parcours du peloton. Dans ce cas, fréquent en milieu urbain, le véhicule flottant devient un véhicule suiveur. Son temps de parcours a une portée individuelle, et non collective. Il importe de déduire les goulots d’un itinéraire mesuré par véhicule flottant. Pour connaître la distribution du temps de parcours du goulot, un modèle probabiliste est meilleur que des mesures, car la variance est élevée et difficile à contrôler (elle dépend des arrivées des camions). La solution astucieuse est de mesurer la position et l’instant du premier rattrapage dans le goulot. Par différence avec la position et l’instant d’entrée, on calcule une vitesse individuelle de voiture libre. Ensuite, par différence avec la position et l’instant de sortie, on calcule une vitesse individuelle de camion. Il reste à combiner ces éléments avec une mesure exogène du débit en camions, pour inférer le temps de parcours en moyenne et en variance. 4.6 Enseignements du modèle des conflits Soit une route sans restriction au dépassement. Faisons l’hypothèse que les flots d’arrivées des véhicules, respectivement moins rapides ou plus rapides que le véhicule flottant, sont poissonniens. D’après les formules du rattrapage 78 Actes INRETS n° 90 Propriétés statistiques du temps d'itinéraire, et généralisation de deux formules de Wardrop (Leurent, 2001, § 10.B), nous connaissons leurs intensités spatiales en fonction de u, q, et des fonctions de répartition FT et FS : • pour les véhicules moins rapides, • pour les véhicules plus rapides. Sur une distance L, le nombre n– (resp. n+) est une VA de Poisson d’intensité (resp. ρ+L). En supposant l’indépendance des deux flots, le couple (n–, n+) a pour densité de probabilité ρ–L . En fonction des paramètres Θ de FT et FS, la log-vraisemblance d’une mesure (n–, n+) est . Nous pouvons estimer Θ et q en maximisant la log-vraisemblance Λ. Il suffit de sommer les log-vraisemblances pour ajouter des mesures indépendantes, par véhicule flottant, ou la mesure du débit q d’après N véhicules comptés pendant une durée H. Sous l’hypothèse poissonnienne, la densité du comptage est e–qH(qH)N/N !, donc on ajoute – qH + N ln(qH) à la log-vraisemblance. On peut construire des intervalles de confiance pour Θ, basés sur la normalité asymptotique de l’estimateur du maximum de vraisemblance, et ensuite propager l’incertitude d’estimation jusque sur les moments des vitesses. 4.6.1 Application numérique Reprenons les valeurs précédentes et supposons que la population « spatiale » des vitesses soit distribuée LN(a, b). La maximisation numérique de Λ par rapport à a et b donne : • â = 4,27, • b̂ = 0,18. On en déduit, par report et calcul d’incertitude, que 2 a+b /2 • pour la moyenne v̂ S = e = 72,948327 km/h, avec un intervalle de confiance à 95 % de [69,3 ; 76,7] km/h. 2 • pour l’écart-type σ̂ S = v̂ S exp ( b ) – 1 = 13,5 km/h, avec un intervalle de confiance à 95 % de [8,7 ; 18,4] km/h. Actes INRETS n° 90 79 Modélisation du trafic Remarquer que la moyenne est très proche de la formule déterministe appliquée au § 4.3. L’intervalle de la moyenne est plus étroit que celui construit au § 4.3 pour la même valeur d’écart-type. 5. Conclusions Jusqu’à présent l’analyse statistique des vitesses instantanées et des temps d’itinéraires, restait subordonnée à l’hypothèse des « vitesses constantes par trajectoire », développée par Wardrop qui en a tiré des formules fameuses. Nous avons renouvelé et approfondi cette analyse, en modélisant de plus les fluctuations de vitesse au cours d’une trajectoire, et en remplaçant l’hypothèse de Wardrop par l’hypothèse des allures individuelles : que chaque mobile conserve son allure, qui est une préférence individuelle pour la rapidité. Cet approfondissement a pour conséquences : • Au niveau d’une trajectoire, l’explicitation de deux distributions des vitesses, respectivement selon les positions ou selon les instants, reliées par la même relation formelle que les vitesses externes temporelles ou spatiales chez Wardrop. • Au niveau local, la variabilité des vitesses résulte non seulement de la diversité des allures, mais encore des aléas de circulation. • Pour une population de trajectoires avec des allures variées, la variabilité des temps bipolaires dépend à la fois de la variété des allures et de celle des aléas de circulation. La part relative des allures domine d’autant plus que la longueur est plus grande. Pour obtenir ces résultats, nous avons développé considérablement la modélisation probabiliste du trafic au niveau individuel, avec le processus spatial des lenteurs locales, et un modèle microscopique d’états qui le concrétise. Le modèle microscopique nous a permis de renouveler également la méthode du véhicule flottant. Bibliographie Leurent F. (2001).- Modèles Désagrégés du Trafic. Rapport INRETS Outils et Méthodes # 10. INRETS, Arcueil, France. Leurent F. (2002).- Probabilistic Properties of Path Travel Times. Bari, Italy. Lighthill M.H. and Whitham G.B. (1955) On kinematic waves. I – Flood movement in long rivers. II – A theory of traffic flow on long crowded roads. Proc. Royal Society, A229, 281-316 and 317-345. Wardrop J.G. (1952).- Some theoretical aspects of road traffic research. Proc. Inst. Civil Engrs I, 325-378. Wardrop J.G. & Charlesworth (1954).- A method of estimating speed and flow of traffic from a moving vehicle. Proc. Institution of Civil Engineers, 312, pp. 158 et sq. 80 Actes INRETS n° 90 C. Etudes statistiques du trafic appliquées à la sécurité routière Actes INRETS n° 90 81 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Ruth Bergel1, Alexandre Depire2 1 INRETS-DERA. 2 ISUP, INRETS-DERA. Résumé Ce texte présente un modèle explicatif de l’évolution des nombres mensuels d’accidents corporels et de tués sur les routes nationales et les autoroutes françaises. Deux facteurs de risque sont pris en compte : l’exposition au risque, mesurée par une variable principale de trafic, et le facteur climatique, mesuré par des variables secondaires relatives à la température, à l’occurrence de gel et à la pluie. Un modèle avec transformation logarithmique de l’endogène et transformation de Box-cox sur l’exogène principale a été établi sur la période 1975-1993, puis sur la période étendue 1975-1998. Des tests de comparaison de la spécification initiale à deux cas particuliers ont été réalisés, et les réponses à ces tests sont les mêmes sur la période 1975-1993 et sur la période 1975-1998. Il ressort qu’il n’y a pas de différence significative entre le modèle avec transformation de Box-Cox sur l’exogène principale et le modèle avec transformation logarithmique sur l’exogène principale, de sorte que l’on peut pour des raisons de parcimonie retenir cette seconde spécification, largement utilisée. Toutefois, l’utilisation de la forme fonctionnelle optimale permet de s’affranchir de l’hypothèse d’une élasticité constante au trafic, et de prendre en compte certains effets de saturation relativement au trafic. Mots-clés Risque routier, exposition au risque, accidents, tués, trafic, routes nationales, autoroutes, climat, température, gel, pluie, Box-Cox. 1. Introduction Depuis le début des années 1980, le suivi temporel des statistiques mensuelles d’accidents corporels et de victimes (tués, blessés graves et légers) de la Actes INRETS n° 90 83 Modélisation du trafic circulation routière ne se limite plus à l’approche descriptive traditionnelle, de simple constat, mais vise à quantifier l’influence des facteurs explicatifs de la fréquence et de la gravité des accidents (Lassarre, 1994). A des modèles descriptifs ont succédé des modèles à variables explicatives ou exogènes, construits sur la base d’une formulation économique plus riche, avec une spécification économétrique plus élaborée. Cette évolution des modèles s’inscrit dans le cadre d’une approche systémique de l’insécurité routière, qui consiste à appréhender le système de sécurité routière dans sa globalité en prenant en compte l’ensemble des déterminants du risque routier. Un ensemble de variables associées à des facteurs de risque ont émergé, grâce à un grand nombre de modèles sur données agrégées, développés sur coupes transversales et sur séries temporelles à périodicité annuelle et mensuelle (Hakim et al. 1991). Dans cet ensemble, les variables associées à l’exposition au risque occupent la première place. En modélisant la tendance annuelle du taux de tués (nombre de tués par véhicule-kilomètre) comme une fonction exponentielle décroissante du temps, Koornstra et Oppe (1990), mettent en évidence l’importance du trafic comme indicateur d’exposition au risque, et son effet multiplicatif sur le nombre de tués1. La plupart des modèles agrégés, explicatifs des nombres mensuels d’accidents corporels et de victimes de la circulation routière de la plupart des pays européens, utilisent le trafic mensuel (voire une proxy du trafic telle que la consommation de carburant lorsque celui-ci n’est pas connu) comme mesure de l’exposition au risque, et lui attribuent un effet multiplicatif (COST 329, 2003 à venir). La forme la plus complexe de modèle explicatif du risque routier est due à Gaudry (1984), qui propose une représentation structurée du système de sécurité routière avec un modèle sur données mensuelles agrégées, qui est explicatif, à trois niveaux et à forme fonctionnelle plus générale que celle des modèles précédents. Les trois niveaux considérés sont ceux de l’exposition au risque, du risque d’accident et de la gravité de l’accident. En utilisant notamment une transformation de Box-Cox sur les variables, il autorise des effets non strictement multiplicatifs entre les variables explicatives et la variable à expliquer. 2. Problématique Nous nous intéressons aux deux niveaux de risque routier (risque d’accident et gravité de l’accident) et nous proposons un modèle explicatif des nombres 1 Le modèle proposé pour le taux de tués a ensuite été suivi d’une formulation plus générale, dans laquelle le nombre de tués est une fonction directe du trafic. De manière similaire, la modélisation du taux d’accidents (nombre d’accidents corporels par véhiculekilomètre) a fait place à une modélisation directe du nombre d’accidents par une fonction du trafic ; cette formulation trouve d’ailleurs sa principale justification dans les résultats des études microscopiques d’accidents. 84 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier d’accidents corporels et de tués, établi sur données mensuelles et sur longue période sur les routes nationales et les autoroutes françaises, les deux réseaux sur lesquels le trafic mensuel est mesuré. Nous ne retenons ici qu’un petit nombre de facteurs exogènes : l’exposition au risque et le facteur climatique, qui apparaît significatif du risque routier sur une base mensuelle (Fidstrom et al., 1995, et de manière plus générale : Gaudry, Lassarre, 2000). Les deux indicateurs modélisés, représentatifs du risque d’accident et de sa gravité sont les nombres mensuels d’accidents corporels et de tués, définis sur un réseau donné. Pour chacun de ces indicateurs, les variables explicatives retenues sont d’une part le volume de trafic mensuel enregistré sur le réseau, et d’autre part trois variables météorologiques – la température journalière maximale, l’occurrence journalière de gel et la hauteur journalière de pluie -, agrégées ou moyennées par mois et sur l’ensemble du territoire. Dans la spécification que nous retenons, décrite dans l’équation 1, la variable endogène subit une transformation logarithmique2 et s’exprime comme combinaison linéaire d’une variable principale de trafic subissant une transformation de Box-Cox de paramètre λ et de variables météorologiques secondaires. Cette spécification générale comporte les deux cas particuliers : λ = 0 et λ = 1, correspondant aux équations 2 et 3, et nous chercherons à déterminer si la spécification générale diffère significativement de l’un et de l’autre de ces deux cas particuliers. Dans tous les cas, les variables secondaires ont un effet linéaire sur le logarithme de la variable endogène. Rappelons la transformation de Box-Cox Tλ de paramètre λ (Box, Cox, 1964) définie par : et les trois équations considérées : Équation 1 : Modèle général Équation 2 : Cas particulier λ = 0 2 Notons que seule l’ exogène principale subit la transformation T . Nous ne cherchons λ pas à estimer le paramètre de Box-Cox pour l’endogène Y, car cela nécessite de faire l’hypothèse que pour toute valeur de λ, Yλ est une variable gaussienne. Actes INRETS n° 90 85 Modélisation du trafic Équation 3 : Cas particulier λ = 1 où φ(B) est un polynôme en B représentant la dynamique du processus corrigé des effets exogènes, et ut un bruit blanc, avec : pour Y le nombre d’accidents corporels ou de tués sur un réseau donné, pour X1 la variable principale représentant le trafic sur le même réseau, pour Xj j = 2,...,J + 1 les J variables secondaires représentant la météorologie. Le plan que nous retenons est le suivant. Nous décrivons d’abord la base de données utilisée. Nous exposons ensuite la méthode employée pour estimer le paramètre de Box-Cox de la variable principale, sur une période initiale fixée à 1975-1993, puis la manière de réaliser des tests d’hypothèse sur ce paramètre ; nous exposons aussi la démarche retenue pour juger de la stabilité des résultats par extension de la période d’étude à 1973-1998. Nous interprétons enfin les résultats obtenus. 3. La base de données La base de données est constituée de séries chronologiques mensuelles, entre 1975 et 1998, relatives aux indicateurs de risque (les statistiques d’accidents et de tués), à une mesure d’exposition au risque (le volume de trafic), et au facteur climatique agrégé sur la France entière. Les deux réseaux principaux considérés sont les routes nationales et les autoroutes (ensemble des autoroutes concédées et non concédées). Afin de mieux mettre en évidence les différences entre ces deux types de réseaux, nous retenons également le sous-réseau autoroutier concédé, sur lequel s’effectue maintenant la majeure partie du trafic autoroutier. Les données agrégées de l’année 1998, pour les indicateurs de risque et d’exposition au risque, sont données dans le tableau 1. Les graphiques de l’ensemble des échantillons de données utilisés sont donnés en annexe. 3.1 Indicateurs de risque Les nombres d’accidents corporels et de tués, mesurés sur routes nationales, sur autoroutes et sur autoroutes concédées (ACCRN, ACCA et ACCAC d’une part, TUERN, TUEA et TUEAC d’autre part) sont fournis par le bulletin d’analyse des accidents de la circulation routière (BAAC). Est comptabilisé comme accident corporel celui qui génère au moins une victime (tué, blessé grave ou blessé léger), et comme tué la victime qui décède dans un délai de six jours à compter de l’accident. 86 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Tableau 1 : Les données de 1998 Routes nationales Autoroutes concédées Autoroutes non concédées Accidents moy. Mensuelle % France entière 11 807 984 9,49 % 2 426 202 1,95 % 3 484 290 2,80 % 17 717 36 278 1 476 3 023 14,24 % 29,17 % 70 392 5 866 56,59 % 124 387 10 366 Tués moy. Mensuelle % France entière 1 928 161 22,85 % 341 28 4,04 % 130 11 1,54 % 2 399 4 373 200 364 28,43 % 51,83 % 1 665 139 19,73 % 8 437 703 Trafic (10*8 veh-km) moy. Mensuelle % France entière 886,28 73,86 595,15 50 373,81 31,15 1 855,24 154,6 environ 1/3 24 000 6 646 2 117 32 763 Longeur du réseau (km) Réseau national Routes Aggloméseconrations daires France entière Source : ONISR/SETRA. Nota :Les données relatives aux routes secondaires, aux agglomérations et à la France entière sont données à titre indicatif. 3.2 Exposition au risque Les indicateurs de mesure de l’exposition au risque sont les trafics – ou kilométrages ou parcours – effectués par l’ensemble des véhicules circulant sur routes nationales, sur autoroutes et sur autoroutes concédées (PARN, PAAU et PAAC), mesurés en centaines de millions de véhicules-kilomètres à partir de compteurs magnétiques (source : système national de recueil de données). Il s’agit de séries agrégées, qui ne permettent pas de distinguer le type de véhicule circulant. 3.3 Facteur climatique Les variables météorologiques retenues ici pour modéliser l’influence des conditions climatiques sur les indicateurs de risque sont relatives à la température, à l’occurrence de gel et à la pluie. De fait, si la pluie est un facteur de risque connu, la température et l’occurrence de gel, qui traduit un froid prolongé, ont un effet sur la mobilité, et donc de manière indirecte sur les indicateurs agrégés retenus. Les variables mensuelles retenues mesurent la température maximale du jour, l’occurrence journalière de gel (présence/absence de température maximale du jour négative) et la hauteur journalière de pluie, agrégées ou moyennées sur le mois. Les variables journalières retenues sont elles-mêmes des moyennes de données journalières observées en une centaine de stations météorologiques réparties sur le territoire national. Actes INRETS n° 90 87 Modélisation du trafic 4. Recherche du paramètre de Box-Cox Le but de cette partie est d’exposer la méthode employée pour estimer le paramètre λ de Box-Cox du modèle général, décrit dans l’équation 1. Les coefficients des variables exogènes secondaires et les paramètres de la dynamique sont estimés dans le même temps. La difficulté de cette formulation est l’estimation non linéaire du paramètre de Box-Cox. Les procédures classiques disponibles dans les logiciels courants ne permettent pas d’obtenir facilement une estimation, en effet d’une part certaines estiment des paramètres dans un cadre non linéaire (procédure NLIN dans SAS) mais ne sont pas adaptées à la modélisation des séries temporelles, d’autres s’emploient dans un cadre temporel (procédure ARIMA) mais ne permettent pas de paramétrer une transformation des variables exogènes. Dans cette partie, nous faisons l’hypothèse que pour tout indicateur et sur tout réseau, le logarithme de l’indicateur modélisé, conditionnellement aux variables exogènes, suit une loi approximativement normale. Nous utilisons dans l’algorithme d’estimation exposé maintenant la procédure AUTOREG dans SAS, appropriée pour estimer un modèle de régression linéaire avec résidus autocorrélés (cf. Brockwell et Davis, 1998). 4.1 Algorithme d’estimation Pour estimer le paramètre de la transformation de Box-Cox, pour chaque exogène principale, nous allons procéder par discrétisation selon une grille de valeurs, ainsi le paramètre λ va successivement parcourir l’intervalle [– 4 ; + 4] avec un pas δ. Nous détaillons l’algorithme utilisé. La difficulté réside dans la non linéarité du modèle en λ, elle est contournée en fixant la valeur du paramètre. En pratique, on fixe un pas δ (0,08 afin d’échantillonner l’intervalle sur 100 valeurs) puis on applique l’algorithme suivant pour le iième pas : 1. Application de la transformation avec λi ; 2. Estimation par le maximum de vraisemblance du modèle ARMAX dont l’exogène principale est , 3. Calcul d’une fonction objectif, ici la somme des carrés des résidus ; 4. Retour à la phase 1, en prenant λi+1 = λi + δ tant que λi+1 < λmax. Une fois la procédure achevée, on retient la valeur du paramètre associée à la plus petite des 100 valeurs prises par la fonction objectif. Au final, pour le modèle retenu, les tests usuels sur les résidus sont effectués : tests d’indépendance (test des up and down), de bruit blanc (test utilisant la 88 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier statistique de Shapiro-Wilk), de normalité (test de Fisher), et sont dans l’ensemble satisfaisants, voir tableau 2a ; en particulier, l’hypothèse de non autocorrélation (test de Ljung-Box) a été validée. 4.2 Résultats Les résultats commentés ci-après sont donnés dans les tableaux 2a et 2b. Le paramètre de Box-Cox relatif au trafic est négatif dans tous les cas : – 0,28, – 0,04 et – 0,28 pour les accidents sur autoroutes, sur autoroutes concédées et sur routes nationales, et – 0,36, – 0,36 et – 1,33 pour les tués respectivement. Certaines estimations sont égales à la précision de calcul près, qui est de ± 0,04, et cette égalité apparente résulte du choix fait pour le pas. Une précision plus grande n’a pas été jugée utile pour notre problématique. Dans tous les cas, le coefficient β relatif à l’exogène principale est significativement différent de 0, alors que les paramètres relatifs aux variables secondaires ne sont pas toujours significatifs au seuil habituel. Ainsi sur les vingt-quatre paramètres des équations de risque et de gravité, seize le sont au seuil de 95 % (t-ratio > 2), quatre à un seuil compris entre 70 % et 95 % (1 < t-ratio < 2) et quatre sont non significatifs (t-ratio < 1). Les variables climatiques ont néanmoins été systématiquement conservées pour des raisons de commodité. L’interprétation des paramètres sera abordée dans les paragraphes 7 et 8. 5. Tests d’hypothèse Cette partie présente l’outil nécessaire pour répondre à la question suivante : le modèle fourni par l’équation 1 est-il significativement différent du modèle fourni par l’équation 2 (ou du modèle fourni par l’équation 3) ? L’approche retenue consiste à comparer la vraisemblance de deux modèles emboîtés (Enders, 1995) : on cherche à savoir s’ils différent significativement. Les modèles des équations 2 et 3 sont de fait deux cas particuliers du modèle de l’équation 1, dans la mesure où la valeur du paramètre est fixée à 0 puis à 1. La statistique utile est la quantité suivante : avec : Vu la vraisemblance du modèle où λ a été estimé (unrestricted), Vr la vraisemblance du modèle où λ a été fixé, à 0 ou à 1 (restricted). Le test appartient à la famille des tests de rapport de vraisemblance. La statistique G suit, sous l’hypothèse H0 (λ = 0 ou λ = 1), une distribution du χ2 centré à d degrés de liberté. Le nombre d de contraintes est ici égal à 1. Actes INRETS n° 90 89 Modélisation du trafic Tableau 2a : Nombres d’accidents corporels – Modèles avec forme fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1993 Autoroutes Dynamique A(1) Autoroutes concédées - 0,41 *** - 0,27 *** - 0,37 *** 0,24 *** - 0,38 *** 0,24 *** A(2) A(12) A(14) Exogènes (*) Trafic autoroutes Routes nationales - 0,47 *** - 0,21 *** - 0,55 *** 0,24 *** 1,181309 *** - 0,28 0,51/0,46/0,36 Trafic autoroutes concédées 0,465353 *** - 0,04 0,43/0,42/0,41 Trafic routes nationales 0,000076 *** 0,008152 *** 0,001517 *** 0,001858 *** 0,000083 *** 0,014245 *** 0,003130 *** 0,003006 *** 1,812546 *** - 0,28 0,61/0,59/0,55 0,000065 *** 0,001493 * 0,000213 * 0,000602 ** Qualité du modèle Log vraisemblance SSE R2 221,775 1,882 52,1 % 170,166 2,935 68,6 % 286,009 1,053 33,1 % Tests sur les résidus Echantillonnage P-value Normalité P-value Bruit blanc P-value accepté 0,30 accepté 0,39 accepté 0,06 rejeté 0,01 accepté 0,54 accepté 0,61 accepté 0,56 rejeté 0,004 accepté 0,14 LV0 = 221,371 H0 acceptée LV0 = 214,893 H0 rejetée LV0 = 170,118 H0 acceptée LV0 = 161,642 H0 rejetée LV0 = 285,942 H0 acceptée LV0 = 284,857 H0 acceptée Hauteur de pluie Jours de gel Température été Température hiver Test de comparaison H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0 H0 : da = 1 contre H1 : lambda<>1 Les tableaux 2a et 2b contiennent : – pour la dynamique et les exogènes secondaires : le paramètre et sa significativité, – pour l’exogène principale : le paramètre, sa significativité, la valeur de λ et les élasticités, en moyenne annuelle en 1975, 1984 et 1993 en gras. Significativité : * (t-ratio < 1),** (1 < t-ratio < 2), *** (t-ratio > 2). 90 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Tableau 2b : Nombres de tués – Modèles avec forme fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1993 Autoroutes Autoroutes concédées Dynamique A(1) A(2) A(12) - 0,20 *** - 0,19 *** A(14) Exogènes (*) Trafic autoroutes 1,347338 *** - 0,36 0,60/0,46/0,36 Trafic routes nationales Jours de gel Température été Température hiver Qualité du modèle Log vraisemblance SSE R2 Tests sur les résidus Echantillonnage P-value Normalité P-value Bruit blanc P-value Test de comparaison H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0 H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1 - 0,34 *** - 0,33 *** - 0,40 *** 0,10 ** 1,604658 *** - 0,36 0,55/0,44/0,05 Trafic autoroutes concédées Hauteur de pluie Routes nationales 0,000003 * 0,010105 ** 0,003344 *** 0,003944 *** 0,0000001 * 0,014493 ** 0,004139 *** 0,004475 *** 164,155522 *** - 1,33 0,95/0,82/0,64 0,000080 *** 0,006577 ** 0,000038 * 0,001063 *** 2,801 12,997 46,0% - 65,111 23,544 45,5% 170,851 2,917 27,0% rejeté 0,02 accepté 0,88 accepté 0,07 accepté 0,12 accepté 0,92 accepté 0,64 rejeté 0,04 accepté 0,34 accepté 0,10 LV0 = 2,562 H0 acceptée LV0 = - 0,35616 H0 rejetée LV0 = - 65,416 H0 acceptée LV0 = - 69,242 H0 rejetée LV0 = 169,615 H0 acceptée LV0 = 167,475 H0 rejetée Les résultats obtenus sont présentés dans la partie basse des tableaux 2a et 2b. Actes INRETS n° 90 91 Modélisation du trafic Pour tous les indicateurs, le modèle de l’équation 1 n’est pas significativement différent du modèle de l’équation 2 qui ne peut donc être rejeté (l’hypothèse H0 est acceptée). A l’inverse, il y a dans cinq cas sur six des différences significatives entre le modèle de l’équation 1 et le modèle de l’équation 3 (l’hypothèse H0 est rejetée). 6. Stabilité des résultats Nous avons présenté dans la partie précédente la méthode employée pour obtenir la valeur du paramètre de Box-Cox permettant de lier de manière optimale les endogènes que sont les indicateurs de risque et de gravité de l’accident à leur principal déterminant. Le modèle a été estimé sur une période plus longue (1975-1998), voir tableaux 3a et 3b. On peut s’interroger sur la stabilité de ces résultats sur une période étendue, où stabilité signifie : - la stabilité de la valeur du paramètre de Box-Cox correspondant à la variable principale ; - la stabilité des estimations des paramètres des autres variables, - la stabilité en terme de réponse aux tests de comparaison de modèles. Les résultats obtenus, qui ressortent de l’ensemble des tableaux 2a à 3b, sont maintenant commentés. Pour le paramètre de Box-Cox pour lequel on n’a pas calculé d’intervalle de confiance, ni réalisé de test de stabilité, les estimations passent de – 0,28 à – 0,36, de – 0,04 à – 0,28 et de – 0,28 à – 0,53 pour les nombres d’accidents sur autoroutes, autoroutes concédées et sur routes nationales. Pour les nombres de tués, elles passent de – 0,36 à – 1,98, de – 0,36 à – 1,17 et de – 1,33 à – 1,25 respectivement. Pour les paramètres des variables secondaires, on a deux estimations pour le même paramètre, sur la période initiale et sur la période étendue, et on considère qu’il y a stabilité si l’estimation 1 est incluse dans l’intervalle de confiance à 95 % de l’estimation 2, et inversement. On constate que tous les paramètres, et cela quel que soit l’indicateur modélisé, sont stables au cours du temps. Enfin, pour la stabilité de la réponse aux tests de comparaison, les tests d’hypothèse λ = 0 obtiennent tous la même réponse positive (l’hypothèse est acceptée), comme sur la période initiale, et les tests d’hypothèse λ = 1 obtiennent tous une réponse négative (l’hypothèse est rejetée), alors que ce n’était le cas que 5 fois sur 6 sur la période initiale. Par conséquent, on peut juger comme stables les résultats obtenus dans les parties précédentes, à l’exception de l’estimation du paramètre de Box-Cox sur la stabiblité de laquelle on ne peut pas se prononcer. 92 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Tableau 3a : Nombres d’accidents corporels - Modèles avec forme fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1998 Autoroutes Dynamique A(1) Autoroutes concédées - 0,41 *** - 0,26 *** - 0,43 *** 0,21 *** - 0,49 *** 0,17 *** A(2) A(12) A(14) Exogènes (*) Trafic autoroutes Routes nationales - 0,49 *** - 0,18 *** - 0,54 *** 0,21 *** 1,450242 *** - 0,36 0,50/0,38/0,29 Trafic autoroutes concédées 0,841966 *** - 0,28 0,45/0,35/0,28 Trafic routes nationales 0,000103 *** 0,010644 *** 0,001639 *** 0,001911 *** 0,000105 *** 0,014605 *** 0,003032 *** 0,002767 *** 4,737984 *** - 0,53 0,62/0,57/0,49 0,000069 *** 0,001354 * 0,000120 * 0,000456 ** Qualité du modèle Log vraisemblance SSE R2 278,806 2,402 46,00% 215,670 3,711 53,50% 358,918 1,295 32,0% Tests sur les résidus Echantillonnage P-value Normalité P-value Bruit blanc P-value accepté 0,56 accepté 0,44 accepté 0,05 rejeté 0,05 accepté 0,98 accepté 0,29 accepté 0,44 rejeté 0,0004 rejeté 0,01 LV0 = 277,828 H0 acceptée LV0 = 272,507 H0 rejetée LV0 = 210,009 H0 acceptée LV0 = 202,566 H0 rejetée LV0 = 358,536 H0 acceptée LV0 = 356,324 H0 rejetée Hauteur de pluie Jours de gel Température été Température hiver Test de comparaison H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0 H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1 Les tableaux 3a et 3b contiennent :, pour la dynamique et les exogènes secondaires : le paramètre et sa significativité, pour l’exogène principale : le paramètre, sa significativité, la valeur de λ et les élasticités, en moyenne annuelle en 1975, 1986 et 1998 en gras. Significativité : * (t-ratio < 1),** (1 < t-ratio < 2), *** (t-ratio > 2). Actes INRETS n° 90 93 Modélisation du trafic Tableau 3b : Nombres de tués - Modèles avec forme fonctionnelle optimale pour l’exogène principale, sur 1975-1998 Autoroutes Autoroutes Concédées Dynamique A(1) A(2) A(12) A(14) Exogènes (*) Trafic autoroutes - 0,25 *** - 0,14 *** - 0,21 *** - 0,34 *** - 0,29 *** - 0,40 *** 0,03 * 273,149373 *** - 1,98 0,79/0,18/0,05 Trafic autoroutes concédées 10,277121 *** - 1,17 0,71/0,25/0,11 Trafic routes nationales Hauteur de pluie Routes nationales 120,725051 *** - 1,25 0,96/0,76/0,55 0,000041 * 0,013871 ** 0,003604 *** 0,003845 *** 0,000048 * 0,015804 ** 0,004382 *** 0,004506 *** 0,000081 *** 0,007500 *** 0,000534 ** 0,001325 *** Qualité du modèle Log vraisemblance SSE R2 - 7,7464 17,731 28,6% - 82,679 29,678 39,3% 202,032 3,940 24,4% Tests sur les résidus Echantillonnage P-value Normalité P-value Bruit blanc P-value accepté 0,89 accepté 0,54 accepté 0,15 accepté 0,66 accepté 0,95 accepté 0,46 accepté 0,10 rejeté 0,03 rejeté 0,003 LV0 = - 10,1102 H0 acceptée LV0 = - 12,872 H0 rejetée LV0 = - 83,582 H0 acceptée LV0 = - 87,870 H0 rejetée LV0 = 200,447 H0 acceptée LV0 = 197,591 H0 rejetée Jours de gel Température été Température hiver Test de comparaison H0 : lambda = 0 contre H1 : lambda<>0 H0 : lambda = 1 contre H1 : lambda<>1 94 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier 7. Interprétation de la forme fonctionnelle Nous allons successivement présenter les propriétés de la spécification retenue en terme de lien entre endogène et exogène principale et de fonction d’élasticité, dans le cas général puis dans le cas de son application aux nombres d’accidents corporels et de tués sur les deux réseaux considérés. 7.1 Lien entre endogène et exogène principale Le graphique de la figure 1 présente quelques formes de la fonction pour les valeurs de λ suivantes : – 2, 0, 0,5 et 2, avec β positif. Dans le cas où le paramètre λ est négatif, les courbes obtenues sont croissantes lorsque β est positif, décroissantes lorsque β est négatif, et possèdent une asymptote : lorsque X → ∞, Y → – β/λ. Dans notre spécification décrite dans l’équation 1 où la variable endogène subit une transformation logarithmique, la courbe correspondante possède également une asymptote : à météorologie constante, lorsque X → ∞, log Y → – β/λ et donc Y → exp(– β/λ). Ceci s’interprète comme un effet de saturation, qui n’existe pas dans un modèle à élasticité constante (cas où λ = 0). 7.2. Fonction d’élasticité On rappelle que l’élasticité εY|X de l’endogène Y par rapport à l’exogène X est définie par Dans le modèle général, l’élasticité de l’endogène par rapport à l’exogène principale X, à météorologie constante, est donnée par : avec pour cas particuliers : - εY|X = β dans le cas où λ = 0 ; - εY|X = βX dans le cas où λ = 1. Le graphique de la figure 2 présente quelques formes de la fonction Y = Xλ, pour les valeurs de λ suivantes : – 2, 0, 0,5 et 2, avec β positif. Lorsque le paramètre λ est négatif, l’élasticité décroît vers 0, alors qu’elle est constante ou croissante sinon. Ceci vaut dans le cas β positif. Actes INRETS n° 90 95 Modélisation du trafic Figure 1 : Formes de la fonction de Box-Cox, pour différentes valeurs de λ(β > 0) 2 1,5 X(2) 1 X(1/2) Y 0,5 0 0,1 1,1 X(0)=log 2,1 -0,5 -1 X(-2) -1,5 -2 X Figure 2 : Formes de l’élasticité, de Y par rapport à X, pour différentes valeurs de λ(β > 0) 2 Lambda = 2 1,8 Lambda = -2 1,6 Lambda = 0,5 1,4 1,2 Lambda = 0 1 0,8 0,6 0,4 0,2 0 0,1 1,1 2,1 X 96 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Lorsque le paramètre λ est négatif et β négatif, l’élasticité croît vers 0, alors qu’elle est constante ou décroissante sinon. 7.3. Résultats Les modèles avec forme fonctionnelle optimale fournissent dans tous les cas, sur la période initiale et sur la période étendue, une estimation négative du paramètre de Box-Cox. La courbe correspondant à l’équation 1 est croissante avec le trafic, et possède une asymptote. Un effet de saturation des nombres d’accidents et de tués relativement au trafic apparaît au voisinage de l’asymptote, pour des valeurs petites de λ et des valeurs élevées du trafic. Les élasticités des nombres d’accidents et de tués au trafic sont positives et inférieures à 1, et on retrouve là les ordres de grandeur habituellement proposés, sur données françaises agrégées et sur données étrangères (cf. COST 329, 2003 à venir). Dans tous les cas, elles sont décroissantes vers 0, lorsque le trafic augmente. A titre d’exemple d’amplitude atteinte sur la période, l’élasticité des nombres de tués au trafic, sur les routes nationales, diminue en moyenne annuelle, de 1 en 1975 à 0,55 en 1998, mais à l’intérieur d’une même année elle varie aussi : en 1998 par exemple, elle est de 0,44 en été lorsque le trafic prend les valeurs les plus élevées, et de 0,72 en hiver. 8. Effets des variables climatiques Les effets climatiques pris en compte dans le modèle sont des effets directs sur les 6 indicateurs modélisés, à niveau de trafic donné. Ils mettent en évidence une variation du risque routier, qu’il s’agisse du risque d’accident ou du risque d’être tué, à nombre de véhicules-kilomètres inchangé. La pluie et l’occurrence de gel, qui réduisent la mobilité, ont néanmoins un effet direct positif (c’est-à-dire un effet d’augmentation) sur les indicateurs de risque d’accident et de gravité. La pluie a un effet statistiquement significatif, au seuil habituel de 95 % (t-ratio > 2) pour 4 indicateurs sur les 6 : 100 mm additionnels de hauteur de pluie dans le mois induisent une augmentation de 0,4 % à 1 % des indicateurs mensuels. L’occurrence de gel a un effet significatif ou moyennement significatif au seuil de 70 % (t-ratio > 1) pour 5 indicateurs sur les 6 : 1 jour de gel additionnel dans le mois induit une augmentation comprise entre 1,1 % et 1,6 % des indicateurs sur les autoroutes, et de l’ordre de 0,1 % seulement sur les routes nationales. Enfin, la température moyenne a un effet très significatif, et particulièrement élevé sur les autoroutes concédées. Les paramètres relatifs à la température maximale sont tous significatifs au seuil habituel sur ce réseau : 1 degré additionnel de température dans le mois induit une augmentation de l’ordre de 3 % des nombres d’accidents, et de l’ordre de 4 % des nombres de tués, que ce soit en été (avril à septembre) ou en hiver (octobre à mars). Sur l’ensemble des Actes INRETS n° 90 97 Modélisation du trafic autoroutes, ces augmentations sont moins importantes, et sont de l’ordre de 2 % seulement pour les nombres d’accidents. Sur les routes nationales, l’effet de la température est sensiblement atténué, et plus significatif en hiver qu’en été, l’impact correspondant étant compris entre 0,5 % et 1,3 % en hiver selon l’indicateur considéré. 9. Conclusion Nous avons mis en œuvre un modèle explicatif du risque routier à deux niveaux (risque d’accident et gravité de l’accident) sur les routes nationales et les autoroutes françaises. Les indicateurs modélisés sont les nombres mensuels d’accidents corporels et de tués. Les variables explicatives retenues sont d’une part le trafic enregistré sur le réseau, variable principale, et d’autre part des variables météorologiques secondaires. Un modèle avec transformation logarithmique de l’endogène et transformation de Box-Cox sur l’exogène principale a été établi sur la période 1975-1993. Des tests de comparaison de la spécification initiale à deux cas particuliers ont été réalisés, et les réponses à ces tests sont les mêmes sur la période 1975-1993 et sur la période 1975-1998. Il n’y a pas de différence significative entre le modèle avec transformation de Box-Cox sur l’exogène principale et le modèle avec transformation logarithmique sur l’exogène principale, de sorte que l’on peut pour des raisons de parcimonie retenir cette seconde spécification, très largement utilisée. Ce constat s’applique pour tous les indicateurs modélisés, qu’il s’agisse de risque d’accident ou de sa gravité, sur les deux réseaux considérés. Toutefois, l’utilisation de la forme fonctionnelle optimale permet de s’affranchir de l’hypothèse d’une élasticité constante au trafic, et de prendre en compte certains effets de saturation relativement au trafic. On peut la préférer dans certains cas même si elle ne s’impose pas « statistiquement ». 10. Remerciements Les auteurs remercient Jean Chapelon, Secrétaire Général de l’ONISR, et Marie-Claire de Franclieu, conseiller technique de la DSCR, pour leur soutien financier à cette recherche. Ils sont redevables à Colette Decamme et Maryse Lagache de l’ONISR, et à Evelyne Durand et Patrick Le Breton du SETRA pour leur contribution à la constitution de la base de données. Les données météorologiques ont été founies par Météo-France, dans le cadre de la convention qui lie Météo-France et l’INRETS. Les auteurs remercient tout particulièrement Bernard Girard, Maître de Conférence à l’Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, pour son conseil scientifique. 98 Actes INRETS n° 90 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Bibliographie Bergel R., Depire A. (2000).- Modélisation multivariée des indicateurs d’insécurité routière. Rapport de convention DSCR/INRETS n˚ 98001. Box G.E.P., Cox D.R. (1964).- « An analysis of transformation ». Journal of the Royal Statistical Society, B(2) :211-243. Brockwell P.J., Davis R.A. (1998).- Introduction to Time Series and Forecasting, Springer Verlag. COST 329 (2003).- Models for traffic and safety development and interventions, European Commission, Directorate General for Transport, Brussels, final report of the Action, à venir. Enders W. (1995).- Applied econometric time series, Wiley. Fridstrom L. et al. (1995).- « Measuring the contribution of randomness, exposure, weather, and daylight to the variation in road accident counts », Accident Analysis & Prevention, Vol. 27 n˚ 1 pp. 1-20. Gaudry M. (1984).- DRAG, un modèle de la Demande Routière, des Accidents et de leur Gravité, appliqué au Québec de 1956 à 1982, Publication 359, Centre de Recherche sur les Transports, Université de Montréal. Gaudry M., Lassarre S. (2000).- Structural Road Accident Models - The International DRAG Family, Pergamon. Hakim S., Hakkert S., Hocherman I., Shefert D. (1991) « A critical Review of macro models for road accidents ». Accident Analysis & Prevention, Vol. 23, n˚ 5, pp. 379-400. Koornstra, Oppe S. (1990).- « A mathematical theory for related long term developments of road traffic and fatalities ». Transportation and Traffic Theory. Lassarre S. (1994).- Cadrage méthodologique d’une modélisation pour un suivi de l’insécurité routière, Synthèse INRETS, n˚ 26, Arcueil. Actes INRETS n° 90 99 100 janv-01 janv-00 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 Modélisation du trafic Annexe Figure 3 : Nombre d’accidents (routes nationales, autoroutes, aut. concédées) 3500 3000 2500 2000 1500 ACCAC ACCRN ACCA 1000 500 0 Figure 4 : Nombre de tués(routes nationales, autoroutes, aut. concédées) 500 450 400 350 300 250 TUEAC TUERN TUEA 200 150 100 50 0 Figure 5 : Trafic (routes nationales, autoroutes, aut. concédées) en millions de véhicules-kilomètres 200 150 100 PAAU PAACN PARN 50 0 Actes INRETS n° 90 Actes INRETS n° 90 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 janv-99 janv-98 janv-97 janv-96 janv-95 janv-94 janv-93 janv-92 janv-91 janv-90 janv-89 janv-88 janv-87 janv-86 janv-85 janv-84 janv-83 janv-82 janv-81 janv-80 janv-79 janv-78 janv-77 janv-76 janv-75 Forme fonctionnelle d’un modèle mensuel agrégé de risque routier Figure 6 : Température, en 0,1 ˚C 300 250 200 150 100 50 0 3000 Figure 7 : Hauteur de pluie, en mm 2500 2000 1500 1000 500 0 Figure 8 : Occurrence de gel, en nombre de jours 30 25 20 15 10 5 0 101 D. Evaluation à partir de modèles de simulation Actes INRETS n° 90 103 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM Alexis CHAMPION1,2,3, Stéphane ÉSPIÉ3, Jean-Michel AUBERLET3 1 SRILOG, 6 rue des Frères Caudron, F-78140 Vélizy-Villacoublay. 2 LAMIH (UMR CNRS), Université de Valenciennes, F-59313 Valenciennes. 3 INRETS, 2 avenue Général Malleret, Joinville, F-94110 Arcueil. [email protected]; [email protected]; auberlet}@inrets.fr Article déjà paru dans les Proceedings of the 2001 Summer Computer Simulation Conference (SCSC), Orlando, Florida, USA (pp. 359-364) W.F. Waite, J. Celano (Ed.). Key-words Multi-agent systems, driving simulator. 1. Road traffic simulation with ARCHISIM 1.1 Road Traffic Simulation Simulation modeling is an increasingly popular and effective tool for analyzing a wide variety of dynamical problems. Road traffic is an example of such problems. Road traffic constitutes a dynamic problem associated with complex processes. These processes are characterized by the interaction of the elements of the system: road users, infrastructures and operators. Traffic can be considered as a supply and demand problem whose difficulty relies on two opposite postulates. The offer responds to a collective use: the road network is dimensioned to allow a certain flow. The demand is individual: each driver wishes to travel under its conditions. Therefore the “traffic system” characteristics imply strong constraints for the modeling. Different types of traffic simulation models exist [Lieberman and Rathi 1997]. According to its granularity, a simulation model can be macroscopic or microscopic. A macroscopic model describes the traffic stream, which is represented in some aggregate manner by scalar values of flow rate, density and speed. A microscopic model considers all the vehicles as individuals and the fundamental Actes INRETS n° 90 105 Modélisation du trafic interactions take the form of mathematical formulas. All these traffic simulation models describe traffic in statistical formats. 1.2 ARCHISIM: A Behavioral Traffic Simulation Model In addition to these models, the INRETS (French National Institute for Research in Transportation and Safety) has done some research on road traffic simulation based on the real driver behavior for more than ten years. The INRETS’ ARCHISIM simulation tool makes use of a behavioral submodel for driver decisions. The driver model results from in depth studies carried out in driving psychology for actual situations [Saad 1999]. Thus, the behaviors are not normative. In ARCHISIM, traffic phenomena come from individual actions and interactions of the various actors of the road situation [Espié 1999]. ARCHISIM is a behavioral simulation model and its implementation follows the multiagent principles. Within ARCHISIM, agents are simulated drivers in virtual vehicles and consist of three subsystems: perception, “interpretation – decisionmaking” and action. We focus on the “interpretation – decision-making” part. Each agent has a model of its environment and interacts with the other agents (cars, trucks, trams...), the infrastructure (traffic lights) and the road. Each agent has goals and skills. In opposition to works done in robotics [Reece and Shafer 1993], the agents’ behavior is not normative. Each agent has its own attitude. The objective is not to build a robot able to drive automatically but to study the driver’s behavior and the way in which the traffic phenomena occur. Within ARCHISIM, agents are autonomous and can potentially react to any situations. The “traffic system” can then show a greater aptitude to organize and to coordinate itself. The advantage of multi-agent models is that it offers a more open and interactive system than classic models do [Champion et al. 1999]. Thus, it is possible to dynamically modify simulation conditions (virtual drivers’ preferences, traffic lights control algorithms...). Indeed, ARCHISIM permits a better understanding of the effects of such modifications on the traffic and an enhancement of the traffic model. At INRETS, our ambition aims at making ARCHISIM an open tool for the study of the “traffic system”. The modularity of the simulation architecture offers the opportunity to integrate various actors such as a scenario module, a 3D-imaging module, a data recorder module, etc. Moreover, ARCHISIM has been developed such that the traffic model can host a driving simulator. In this case, the human subject in the driving simulator interacts with the traffic within the simulation model (Fig. 1). This step appears significant to us because it makes it possible to confront the new concepts with the final users while following an iterative process (Fig. 2). ARCHISIM is a flexible tool for which a set of applications has been found: new road design, test scenarios (automatic incident detection, adaptive cruise control), etc. In fact, any study relating to a modification of the “traffic system” and requiring the use of simulated traffic situations. 106 Actes INRETS n° 90 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM Figure 1: Examples of traffic situations simulated with ARCHISIM Figure 2: Study and simulation process Design new concept Analyse traffic behavior relatively to new concept Traffic simulation w/ new concept Validate new concept: studies w/ driving simulator Analyse driver behavior relatively to new concept Model new driver behavior relatively to new conept The ARCHISIM traffic model has been validated for some highway situations [El Hadouaj 2000] and works are in progress to validate it for critical and urban situations. In this paper, we present four traffic simulation projects carried out with ARCHISIM in partnership with private companies or civic institutes. The first project deals with new infrastructure concept testing. The next two projects relate to the evaluation of ATT (advanced transport telematics) systems. Finally, we present our new project, which deals with the evaluation of control strategies on high density networks. 2. Examples of traffic simulation projects The first project we present has used together both the traffic simulation model and the driving simulator. In this case, the driving simulator is used for identifying drivers’ behavior relating to a new concept. The two other projects have used Actes INRETS n° 90 107 Modélisation du trafic ARCHISIM as a stand-alone traffic simulation model and the assumptions related to the drivers’ behavior have been previously set. In all cases, simulation is used to quantify traffic performance at both safety and capacity levels. 2.1 New Concept Evaluation The investigation power of a driving simulator comes from its ability to let the various elements of the driver-vehicle-road environment interact. This tool is particularly interesting for studying risky situations and situations involving elements that do not exist yet. From a virtual model, driving simulation makes it possible to study new road concepts by the means of their perception and their acceptability by the road users. The project we now shortly describe involves new types of traffic lights for ramp metering (further information can be found in [Nouvier 2001]). Ramp metering uses signal control of the on-ramp of a highway intersection to limit the entry rate and timing of vehicles to the main flow. The benefits of ramp metering are a reduction in the occurrence and severity of flow breakdown. The metering of flow on the ramp smoothes entry patterns to the main carriageway at critical times. This marginally increases delay to vehicles on the ramp but should improve the total network performance. Ramp metering in a well-known technique, particularly in the United States. In Europe, a few interesting experiments have been conducted. Several countries are now launching significant programs to spread this concept. In France, two different methods are used: platoon insertion or insertion of a single vehicle at a time, this method being called the “drop by drop” method. This latter type of regulation being new in France, it has been necessary to study its implementation by means of traffic simulation associated with a driving simulator. The virtual road database includes an urban highway section and an interchange with entry and exit lanes. Six different scenarios have been developed. These scenarios relate to the four types of traffic lights (usual two and three color traffic lights red/yellow/green or modified, green being replaced by blinking yellow) with short cycle (5 seconds) and two conditions of insertion (leader vehicle or follower vehicle). A hundred of subjects were involved in the experiment. After an adaptation to simulator driving, each of them had to make three journeys on an entry lane in different scenarios. An investigator wrote down the behavior (hesitation, incomprehension...) and the spontaneous commentaries of each driver while driving. Moreover, after each journey, the investigator interviewed the drivers about safety and their acceptance of the concept. The first qualitative results show that the understanding of the regulation system is not immediate, particularly during the initialization phase or when the subject is leading. Some traffic lights are sometimes misinterpreted (red/ blinking yellow). This experiment with driving simulation allowed to make an assessment of the envisioned solutions and to draw up an experiment in real conditions. 108 Actes INRETS n° 90 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM 2.2 Vehicle Based ATT System Evaluation The second project is a study carried out to assess large-scale ATT effects inducted by vehicle based autonomous systems [Aron 1999]. Such systems are developed to enhance the sensory performance of the driver. They operate using control and/or advice and operate independently purely within the vehicle. This section provides a description of the modeling approach used, objectives of the investigation and the key findings for the ATT system under consideration, which is an Adaptive Cruise Control (ACC) system. In an ACC system the control is based upon a sensor (usually a microwave radar) which measures the distance to the preceding vehicle. The system attempts to maintain a desired speed (controlled by the driver) by managing the gas pedal while observing a predefined headway between the vehicles. The ACC system studied is fully independent (no communication) and assume that the driver has control of the steering at all times. The first stages of deployment of ACC are likely to target drivers seeking improved comfort and perceived safety from the system. The system will only operate in high speed highway driving conditions. It has been suggested that ACC will improve road capacity, reduce journey times and improve safety. The objectives of the ACC study are to identify those parameters within both the ACC algorithm and within the traffic stream. There are conditions that must apply before a vehicle enters the ACC following control. It is assumed that if the ACC system can be used, it is used. The maximum deceleration of the ACC equipped vehicle when under distance control mode is limited to – 1.5 m/s2. The maximum acceleration under ACC is 1 m/s2. Experiments have been limited to target head-ways of 1.5 s and 1.2 s. These values have been determined by examining the upper and lower ends of a number of typical following headways. The study examined the effects of different penetration of ACC to traffic efficiency and stability on a simple 3-lane stretch of road. For a target headway of 1.5 s, there is no notable effect on average journey time whereas the travel time for a target headway of 1.2 s is reduced with up to 20% equipped and then the effect stabilises (Fig. 3). The modal headway for ARCHISIM is between 1.2 s and 1.4 s. The headway distribution is therefore not significantly altered when a target headway of 1.5 is employed for ACC. However, a target headway of 1.2 shifts the headway distribution to the lower end (Fig. 4). The impact of ACC within ARCHISIM is an increase in short operating headways with a corresponding increase in larger gaps. This provides greater lane changing opportunity and reduces delay for vehicles stuck behind slower vehicles in lanes one and two, reducing delay and increasing average journey time. The results of the ACC modeling have been shown to be highly dependent on the baseline time headway distributions within the model. If it can be shown that the benefits of ACC are highly dependent on the baseline headway distribution then the impact of ATT technologies and the variations in headway Actes INRETS n° 90 109 Modélisation du trafic distributions on existing networks will be important impact areas to decision makers. Early indications are that the frequency of very short headways can be reduced with ACC. Low total time to collision can also be reduced. These findings may lead to a safety gain although the factors that cause accidents are not yet sufficiently well known to make this link definite. Currently the understanding of how drivers will use ACC systems and how non-ACC equipped drivers will interact with the systems is undefined. Finally, it is important to state that the benefits that have been shown from the ACC simulations to date are primarily comfort based. This is a direct result of studying systems that are first to the market. In the long term, once the technology is proven, it will be possible to operate with higher desired speeds, shorter headways, externally controlled headways and algorithms with a greater control range. Figure 3: Effect of ACC on average journey time for target headway 1.2 s 113 6000 veh/hr maximum flow - ARCHISIM Average journey time (secs) 112 5700 veh/hr maximum flow - ARCHISIM 111 5400 veh/hr maximum flow - ARCHISIM 110 109 108 107 106 105 104 0% 10% 20% 40% 70% Percentage equipped Figure 4: Time headway distribution for peak flow – target headway 1.2 2000 veh/hr/lane 0% and 70% equipped 45 0% ACC equipped - ARCHISIM 40 70% ACC equipped - ARCHISIM 35 Percentage 30 25 20 15 10 5 0 0.2 0.7 1.1 1.5 1.9 2.3 2.7 3.1 3.5 3.9 4.3 4.7 >5.0 Headway (secs) 110 Actes INRETS n° 90 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM 2.3 Infrastructure Based ATT System Evaluation The third project is a study carried out to assess large-scale ATT effects inducted by infrastructure based systems. Such systems act to affect the behavior of different groups of drivers by the provision of information and/or application of control at specific points on the road network. The ATT system under consideration in this section is an Automatic Incident Detection (AID) system AID systems monitor traffic conditions on a highway and attempt to identify abnormal road conditions that pertain to accidents or congestion. The action that the system then takes can vary significantly between systems. In all cases, the system is used to inform network monitors who can visually confirm the incident and inform the emergency services. In some systems, the information concerning the queues and local changes in recommended speed is communicated via variable message signs. The principal benefits of AID are a reduction in duration of the incident and an increase in awareness of drivers approaching the incident that should reduce secondary conflicts. The simplest AID system has been modeled. The objective of the modeling exercise was to determine the reduction in congestion and queue lengths that would be achieved by a 5-minute earlier clearing of an incident over a range of demand levels. While any reduction in congestion length implies a reduction in the opportunities for secondary conflicts, no direct attempt was made to model the modification of driver behavior to information regarding the incident. Driver behavior adaptations are not sufficiently well understood for any such modeling to be valid. Modeling was performed using ARCHISIM on a 3-lane and 4-lane road without on-ramps. Two constant demand flow levels were applied for a onehour simulation (low demand 1,200 veh/hour/lane and high demand 1,250 veh/hr/ lane). Figure 5 below shows the average speed in the section before that containing the lane drop. The lane drop causes a flow breakdown with flows of 3,600 and 3,750 vehicles per hour having to pass through a two-lane section. The reduction in duration of the speed drop with the reduced clearing time produced by the AID system is clearly visible. Similar effects were found for the 4-lane scenario. However, because there are three lanes that are not blocked, there are more opportunities for vehicles to change lane and avoid queuing near the incident. The effects are therefore not as severe as for the 3-lane scenario with any given flow level per lane. It is important to note that while the reduction in average travel time through the introduction of AID in the low flow scenario is small (5%), the improvements afforded at the high flow scenario are significantly larger (17%). Comparing the patterns of average journey times of vehicles over the low and high flow scenarios (Fig. 6) again highlights the increased benefits of AID. The reduction in the duration of the flow breakdown, where average journey times are elevated, is only slightly (approximately one minute) above the 5 minute gain in early detection for the low flow scenario. The reduction in congestion is three to seven minutes longer than the 5 minute gain in the high flow scenario. The Actes INRETS n° 90 111 Modélisation du trafic Figure 5: Average speed against time for high demand scenario (Cologne 3-lane site 665 to 100m before lane drop) Figure 6: Average journey time against start time for journey – high flow 3-lane presence of the incident produced large numbers of short inter-vehicular distances and low Time to Collision values. Incidents also increase lane changing to avoid the queue. The reduction in the duration of the incident and associated queuing reduced the occurrence of these low headway and time to collision values. No behavioral shift is implied in this but it is a benefit of early detection. As presented, ARCHISIM – like mathematical models – can be used for various traffic studies. But, unlike these models, ARCHISIM gives the possibility to dynamically modify some simulation conditions and can host a driving simulator. However, a behavioral model does not only show advantages and 112 Actes INRETS n° 90 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM some limitations exist. The first limitation is that the development of a tool such as ARCHISIM is extremely costly because the driver behavior is not completely modeled yet and its implementation is not trivial. The second limitation is that behavioral simulation needs more computing than mathematical simulation because the system is distributed and simulated vehicles are fully autonomous. Therefore, until now, the experiments and studies led with ARCHISIM have been mostly done for low-density road networks. Indeed, the number of simulated vehicles could not exceed one thousand while classic models can manage several dozens thousand vehicles. To mitigate this gap, some current works conducted by INRETS and SRILOG – a company specialized in traffic studies – aim at using ARCHISIM for traffic studies requiring high density networks. 3. Towards hard density networks We wish to conduct traffic study projects for high density networks for two reasons. First, at SRILOG, we intend to conduct traffic studies with ARCHISIM because we have measured the potential of a behavioral simulation tool and think that it would be more interesting, in some cases, to go for such a tool rather than a mathematical model based tool. Secondly, at INRETS, our will to validate ARCHISIM for most situations urges us to work on innovative projects. Hence, the project we present now is a test project, on which we are currently working to validate ARCHISIM for traffic studies requiring the simulation of a highdensity highway network. This traffic study conducted by means of the behavioral model ARCHISIM is the simulation of a real experiment conducted in 1999. This experiment consisted in measuring and studying the impact of ramp metering on a 16 km 3-lane section of the highway 6 to Paris. On this site, place of frequent disturbances during the morning rush hours, four over five ramps are equipped with a regulation device including a detection system for flow breakdown on the local area network. The experiment, which concerned an evaluation of regulation devices (regulation by fixed traffic lights cycle and adaptive regulation), showed that the adaptive regulation gives best results and that route time decreases of 15% with regard to the reference situation (without regulation). The project stages for the simulation of this experiment are: 1) simulate the traffic on the network without regulation and validate it with regard to the reference situation; 2) simulate the traffic with regulation by fixed traffic lights cycle; 3) simulate the traffic with adaptive regulation. The work to be made for this project is: 1) Create the virtual roads network (the highway 6 section). Create the traffic demand corresponding to the rush hours (from 6 am to 9.30 am). Verify the traffic validity by comparing the simulation data to the real data collected during the experiment. In this project, up to vehicles 10,000 are to be considered at the same time and this is our main obstacle. To overcome it, at least two solutions Actes INRETS n° 90 113 Modélisation du trafic are to be investigated. The first idea is that it is not necessary, for a traffic study, to use real time simulation. The second idea is that it is possible to save computation time by optimizing the algorithms related to the perception and the interpretation of the simulated situation. Indeed the traffic almost immobility, bound to its high density, allows limiting the useful environment of each simulated road user. 2) Set up regulation strategies. This part does not really show any difficulty because ARCHISIM is conceived to manage this type of systems. 3) Compare the data obtained from the simulations to the real experiment results. This project should allow us to validate ARCHISIM for traffic studies involving high-density highway networks. Design, studies and coding are in progress and the first results are encouraging. We hope to get the work done by the end of July and are looking forward for new projects. 4. Conclusion and perspectives The results obtained with the behavioral road traffic simulation tool ARCHISIM allow to show the capacity of this type of non-mathematical model to answer various projects. In this frame, ARCHISIM is validated and has been used for several years for simulations of highway networks requiring a high precision, flexibility or interactivity. Behavioral simulation allows henceforth being able to propose a large field of application for traffic studies. After these first successes, we now try to meet a new challenge: conduct traffic studies related to high-density networks with a behavioral simulation tool. If the test study reproducing a real experiment is decisive, we shall have then the possibility of proposing ARCHISIM on a market today held by mathematics-based simulation tools. Ultimately, our intention is to be able to conduct specific traffic studies requiring an important opening of the simulation tool and a high level of detail, whatever the network and the traffic density are. The perspectives of application are encouraging and, even if the work is still important and that of numerous unknowns persist, we intend to make ARCHISIM a commercial product before the end of next year. 5. Acknowledgment The authors would like to thank Mr. Aron of INRETS, Mrs. Lancelin and Torjemane of SRILOG and Profs. Kolski and Mandiau of the LAMIH Lab at the University of Valenciennes for their support. This work was partly sponsored by ANRT through a research grant CIFRE. 114 Actes INRETS n° 90 Behavioral Road Traffic Simulation with ARCHISIM Bibliographie Aron M. and Espié S. (1999).- “DIATS Deployment of Interurban ATT Test Scenarios.” Technical Report RO-96-SC.301. INRETS, Arcueil, France. Champion, A., Mandiau R., Kolski C., Heidet A. and Kemeny A. (1999).- “Traffic generation with the SCANeR II simulator: towards a multi-agent architecture”. In Proceedings of the Driving Simulation Conference’99 (Paris, France, Jul. 7-8). Renault, Guyancourt, France, 311-324. El Hadouaj S., Espié S. and Drogoul A. (2000).- “To combine reactivity and anticipation: the case of conflicts resolution in a simulated road traffic”. In Proceedings of the MABS 2000 at ICMAS 2000 (Boston, USA, Jul. 10-14). Springer Verlag LNAI series. Espié S. (1999).- “Vehicle-driven simulator versus traffic-driven simulator: the INRETS approach”. In Proceedings of the Driving Simulation Conference’99 (Paris, France, Jul. 7-8). Renault, Guyancourt, France, 367376. Lieberman E. and Rathi A.K. (1997).- “Traffic simulation” in Traffic flow theory, Gartner and Messer, eds, Oak Ridge National Laboratory. http://wwwcta.ornl.gov/cta/research/trb/tft.html Reece D.A. et Shafer S.A. (1993).- “A computational model of driving for autonomous vehicles”. Transpn. Res.-1. Vol. 27A, No. 1, Pergamon Press Ltd, 23-50. Nouvier J., Duraz M. and Aillerie I. (2001).- “Evaluation on driving simulator of new solutions for the regulation of access to urban highways”. In Proceedings of the Driving Simulation Conference 2001 (SophiaAntipolis, France, Sept. 5-7). Renault, Guyancourt, France, Forthcoming. Saad F. (1999).- “Analyses of drivers’ activity in real driving conditions: theoretical and methodological issues”. In Proceedings of the First Internationnal DRiiVE workshop (Espoo, Finland, Jul. 21-23). Actes INRETS n° 90 115 Une méthode d’évaluation a priori Une méthode d’évaluation a priori des résultats issus de modèles de simulation et de prévision du trafic Mehdi Danech-Pajouh, Véronique Sauvadet INRETS, GRETIA. 1. Introduction L’évaluation a posteriori des résultats d’un modèle de prévision consiste à les comparer avec les données réelles. Cette opération ne peut être faite qu’à l’échéance de l’horizon de la prévision. L’objectif de cet article est de proposer une méthode d’évaluation a priori afin de pouvoir attribuer aux valeurs prédites un certain degré de confiance. Dans cette démarche nous nous sommes inspirés des travaux des météorologistes. Aujourd’hui le moyen de prévision le plus sûr et le plus efficace en météorologie est la prévision numérique, c’est-à-dire l’intégration temporelle d’un système d’équations aux dérivées partielles décrivant les grandes lois physiques de l’atmosphère : lois de la thermodynamique et de la dynamique des fluides (Coiffier, 2000). Du caractère chaotique de l’écoulement atmosphérique et de l’incertitude sur l’état actuel de l’atmosphère résulte rapidement une incertitude sur son état futur. Pour l’évaluation a priori des résultats de tels modèles, les météorologues ont introduit la notion de « prévision d’ensemble » et construisent autour d’une valeur prédite un ensemble de prévisions. C’est l’analyse statistique de cet ensemble qui permet alors de qualifier le degré d’incertitude de la prévision météorologique, celle diffusée par les médias. Dans l’étude présentée dans cet article, nous avons utilisé le concept de prévision d’ensemble pour procéder à une évaluation a priori des prévisions de trafic préparées un an à l’avance par le dispositif Bison Futé. Ce rapprochement n’est pas absurde, puisque l’effet de variables exogènes, telles que le comportement de l’automobiliste (par exemple son degré d’obéissance aux conseils de Bison futé), une grève, tous événements imprévisibles à l’horizon d’un an rend incertaine la prévision de l’état du trafic. Nous proposons, aussi, d’appliquer cette approche d’évaluation aux résultats provenant des modèles de simulation du trafic. Actes INRETS n° 90 117 Modélisation du trafic 2. Premier champs d’application : les modèles de prévision 2.1 Un court aperçu du nouveau modèle de prévision intégré au dispositif Bison Futé Le dispositif Bison Futé est un outil d’information routière au service des usagers de la route. Il comporte plusieurs éléments, dont un noyau calculatoire ayant pour but de prévoir l’état du trafic sur les grands axes routiers à l’horizon d’un an. Ce noyau contient essentiellement un modèle de prévision, lequel a subi des évolutions importantes depuis la création du dispositif, il y a vingt-cinq ans. La méthode d’évaluation proposée dans cet article s’intéresse à la dernière évolution de ce modèle, à laquelle l’inrets a apporté sa contribution (Danech, 2002). Toute modélisation statistique est fondée, d’une part sur les connaissances existantes (l’historique disponible), d’autre part sur un certain nombre d’hypothèses. La première hypothèse consiste à admettre que dans des situations semblables le comportement des usagers de la route est presque identique. La seconde hypothèse concerne la formulation mathématique de la similarité des comportements : elle est prise comme fonction linéaire des variables calendaires (mois, type de jour, fête, congé scolaire, pont...) ainsi que les interactions d’ordre deux entre ces variables. La seule modélisation calendaire ne permettant pas d’expliquer la tendance annuelle du trafic, c’est plutôt au rapport des débits sur le TMJA (trafic moyen journalier annuel), et non aux débits bruts, qu’est appliqué le modèle linéaire choisi. La méthode de prévision donne donc aux débits une structure multiplicative, où un jour est caractérisé par sa date (jour j, mois m, année a), TMJA (a) désigne le TMJA de l’année a, q(j, m, a) les débits journaliers pour la date (j, m, a), qr(j, m, a) les débits journaliers relatifs pour la même date. Quant au processus de calcul des prévisions, il suit le schéma suivant : – calcul des TMJA de l’historique ; – prévision du trafic moyen journalier annuel de l’année b de prévision TMJA*(b). (Pour cette prévision la méthode employée est du type Holt-Winters). – calcul des débits relatifs de l’historique qr(j, m, a), tels que : 118 Actes INRETS n° 90 Une méthode d’évaluation a priori – prévision des débits journaliers relatifs qr*(j, m, b) à la date (j ,m, b) ; (Le modèle de prévision appliquée ici est du type GLM). – calcul des débits prédits q*(j, m, b), tels que : Le caractère fortement agrégé du TMJA fait que sa prévision ne pose pas de problème particulier. Par contre la prévision des débits journaliers relatifs fait appel à une modélisation relativement complexe, nous sommes donc intéressés à l’évaluation de celle-ci. 2.2 Construction d’un indice de confiance a priori Les météorologues construisent autour d’une valeur prédite un ensemble de prévisions, soit en faisant tourner quelques dizaines fois leurs modèles sur des données différant par des conditions initiales faiblement perturbées, soit en se référant aux prévisions faites par le passé. Cette seconde solution, évidemment bien moins coûteuse que la première, a été surnommée par les météorologues système du pauvre. Notre méthode s’en inspire. Selon que l’ensemble des prévisions est homogène ou au contraire très dispersé et que la valeur prédite est bien ou mal positionnée au sein de cet ensemble, on attribuera un indice de confiance plus ou moins élevé. Nous allons construire cet ensemble de prévisions pour un débit journalier relatif, qr*(j, m, b) prévu pour la date (j, m, b). Pour cela, nous allons utiliser les débits relatifs de l’historique, dont nous connaissons les valeurs réelles et estimées1. Cette construction se fait en trois étapes. La première consiste à sélectionner dans les variables calendaires les jours de l’historique les plus semblables à celui de la prévision, au sens des variables calendaires. Cet ensemble, appelé ensemble des jours semblables, sera noté j E s1 . On ne peut cependant imposer trop de contraintes de ressemblance, car j l’ensemble E s1 ne contiendra pas suffisamment d’éléments. j Pour les jours de l’ensemble E s1 , on dispose des débits relatifs estimés. La deuxième étape consiste alors à sélectionner les N jours, dont le débit relatif estimé est le plus proche du débit relatif prédit pour le jour j. Le sous-ensemble j ainsi crée sera noté E s2 . L’homogénéité calendaire de ce sous-ensemble doit être vérifiée. 1 Un modèle de prévision prédit des valeurs n’appartenant pas à l’historique et il peut aussi estimer celles qui sont présentes dans l’historique. Actes INRETS n° 90 119 Modélisation du trafic j Dans la troisième étape, on constitue l’ensemble de prévisions noté R p en ajoutant au débit relatif prédit pour le jour j les débits relatifs réels de sous j ensemble E s2 . Notons donc que si l’on s’appuie sur des estimations pour choisir les jours les plus proches du jour j au sens de la prévision, ce sont des valeurs réelles qui sont retenues dans l’ensemble final, ce qui évite de conserver des erreurs. Or, les résidus sont le résultat d’erreurs indissociables, dont certaines sont dues à la modélisation et d’autres à des événements exogènes, inaccessibles à l’échéance de la prévision. Par exemple, une forte erreur peut provenir du fait que les gens ont cette fois-ci bien tenu compte des conseils de Bison futé et changé de comportement ou encore de conditions météorologiques défavorables... Nous ne devons en aucun cas tenir compte des contributions de ces erreurs exogènes dans la recherche de l’indice de confiance. Pour que les statistiques calculées à partir de cet ensemble aient un sens, son effectif (N + 1) ne doit pas être inférieur à trente. j Dans la démarche finale, on recherche la loi de distribution de l’ensemble R p , soit par une méthode empirique, soit par la méthode des noyaux de la statistique non paramétrique. En traçant son histogramme, on examine sa dispersion et on positionne sur cet histogramme la prévision qr*(j). On en déduit un indice de confiance permettant de qualifier (a priori) cette prévision2. Cet indice prend la forme d’une note entre un et quatre selon les caractéristiques du tableau 1 . Tableau 1 : Critère d’attribution de l’indice de confiance a priori 1 Confiance nulle Prévision mal positionnée et/ou histogramme plat 2 Confiance faible Prévision bien positionnée, mais au moins deux classes équiprobables loin l’une de l’autre sur l’histogramme (le nombre de véhicules en jeu) 3 Confiance moyenne Prévision bien positionnée et histogramme asymétrique mais non plat 4 Confiance élevée Prévision bien positionnée et histogramme proche d’une loi normale 2 A la suite d’un modèle de régression multiple (comme celui employé par le nouveau modèle) on peut aussi calculer un intervalle de confiance, mais celui-ci est fondé entièrement sur les résidus des estimations. 120 Actes INRETS n° 90 Une méthode d’évaluation a priori 2.2.1 Exemple d’un jour ordinaire Cet exemple ainsi que le suivant sont fondés sur l’historique de la station Saint Arnoult dans le sens Paris-Province. On veut construire l’ensemble de prévisions pour le dimanche 27 septembre 1998, qui est un jour ordinaire. Pour cela on applique le système du pauvre, avec pour historique tous les dimanches ordinaires du passé, c’est-à-dire des années j 1987 à 1997. On obtient ce faisant un ensemble E s2 assez homogène du point de vue calendaire, comprenant les dimanches des mois de septembre, octobre, décembre, mars, avril. j L’effectif de l’ensemble R p est de 50 jours, sa moyenne vaut 0,69, avec un écart type de 0,047. j Figure 1 : Histogrammes de l’ensemble R p 14 12 Fréquence 10 8 6 4 2 0 <0,59 [0,59 ; 0,62] [0,62 ; 0,65] [0,65 ; 0,68] [0,68 ; 0,7] [0,7 ; 0,73]* [0,73 ; 0,76] >0,76 Classes Compte tenu de la forme classique de l’histogramme (Fig. 1), on remarque j que l’ensemble R p se disperse d’une manière assez homogène autour de la valeur moyenne, donc également autour de la prévision, puisque les deux valeurs sont voisines. L’indice de confiance attribué est égal à 4. La confiance a priori en la prévision est bonne. La valeur réelle du débit relatif pour ce jour 0,679 (23 600 véhicules) confirme cet indice. Le signe + indique la position de la valeur prédite (0,69) sur l’histogramme 2.2.2 Exemple d’un jour exceptionnel Pour le vendredi 7 août 1998, premier vendredi du mois d’août, pour lequel on j s’attend à beaucoup de départs en vacances, on cherche l’ensemble E s2 . Pour sa construction, on a sélectionné dans l’historique les seuls vendredis exception- Actes INRETS n° 90 121 Modélisation du trafic j nels des mois de juin à septembre (30 jours). La moyenne de l’ensemble final R p vaut 1,97, tandis que la prévision issue du nouveau modèle pour ce jour est égale à 1,87. On constate donc que la moyenne de l’ensemble diffère sensiblement de la valeur prédite, la différence étant d’environ 0,1, ce qui correspond à près de 3 500 véhicules, valeur qui est significative. La position du débit relatif prédit sur l’histogramme (Fig. 2) laisse à penser qu’il y a de fortes chances que l’on soit dans un cas de sous-estimation. En effet, en regardant de plus près les fréquences associées on a : L’indice de confiance associé à cette prévision est donc de 2, à savoir une faible confiance. Cet indice est d’ailleurs confirmé par la valeur réelle du débit relatif 2,1 (72 700 véhicules), relativement éloignée de la valeur prédite. j Figure 2 : Histogrammes de l’ensembleR p 12 10 Fréquence 8 6 4 2 0 <1,54 [1,54 ; 1,69] [1,69 ; 1,85] [1,85 ; 2] [2 ; 2,15] >2,15 Classes Le signe + indique la position de la valeur prédite (1,87) sur l’histogramme j Néanmoins, la répartition de l’ensemble final R p n’est pas complètement aléatoire. En considérant la moyenne comme nouvelle prévision, on peut s’attendre à corriger du moins en partie la sous-estimation sur la prévision. Il semble plus logique de s’attendre à un débit relatif voisin de 1,97 que de 1,87. Les jours auxquels on attribue un faible indice de confiance (a priori), alors que la prévision s’avère juste a posteriori sont souvent des jours où l’ensemble j E s2 n’avait pas une bonne homogénéité d’un point de vue calendaire. Il reste 122 Actes INRETS n° 90 Une méthode d’évaluation a priori que cette méthodologie d’évaluation a priori permet souvent de détecter les cas de sous-estimation (ou de surestimation). Il est de plus rare qu’on arrive à un indice de confiance fort (égal à 4) et que la prévision s’avère réellement mauvaise. 3. Deuxième champ d’application : les modèles de simulation du trafic 3.1 Un court aperçu des modèles de simulation Ces modèles permettent de donner une représentation simplifiée de la réalité sous forme de lois (c’est-à-dire de variables et de relations entre ces variables) et sont destinés aussi bien à améliorer la connaissance de cette réalité qu’à être partie intégrante d’un processus de contrôle. L’objectif des modèles est alors de tester des hypothèses d’évolution, d’évaluer des stratégies de commande ou l’influence d’un paramètre sur le comportement d’ensemble. La simulation est un processus de résolution du modèle, c’est-à-dire le calcul des états successifs. Un même modèle peut faire l’objet de divers modes de résolution, et un outil de simulation intègre éventuellement plusieurs modèles (CERTU, 2000). A partir d’un ensemble de conditions initiales (état du réseau au début de l’étude) et de conditions aux limites (demande en entrée du réseau, contraintes en sortie du réseau, incidents...) le modèle doit permettre de déterminer l’évolution des variables. Il existe essentiellement trois grandes catégories de modèles en trafic : – Modèles microscopiques : gèrent le trafic en individualisant chaque mobile – Modèles macroscopiques : considèrent le trafic comme un écoulement continu. Les lois utilisées (dérivées de l’hydrodynamique) sont des équations liant les variables entre elles et des lois de propagation. Le trafic est donc représenté comme un flux homogène. – Modèles mésoscopiques : intermédiaires entre la finesse des modèles microscopiques et la généralisation des modèles macroscopiques. Ils représentent le trafic sous forme de paquets de véhicules et traitent l’évolution de ces paquets individuellement. 3.2 Incertitude sur les données d’entrée Les valeurs observées en trafic sont rarement très homogènes. Il y a deux explications à ceci. Tout d’abord il existe une erreur matérielle, due à l’éventuel mauvais fonctionnement des capteurs. De plus, les phénomènes que l’on cherche à mesurer sont, par eux-mêmes, bruités car il représente le comportement d’usagers difficilement mesurable. Dans le cas microscopique, la description du modèle doit s’accompagner d’un modèle d’injection individuelle de véhicules fondé par exemple sur une loi de Actes INRETS n° 90 123 Modélisation du trafic distribution statistique. Les caractéristiques individuelles des véhicules, vitesse désirée, peuvent elles-mêmes faire l’objet d’une distribution. Une description microscopique rend également nécessaire un modèle pour reproduire les dépassements, les changements de file. L’existence d’un certain nombre d’aspects stochastiques rend donc non représentatifs les résultats obtenus à partir d’un seul calcul. Ils ne représentent en effet qu’une réalisation unique d’un phénomène aléatoire. La prise en compte de la distribution autour d’une valeur moyenne ne peut être faite que si un nombre significatif de valeurs définit un ensemble de conditions initiales (et non pas une seule). La méconnaissance des données initiales influe donc sur les résultats de la simulation. Il importe alors d’avoir une analyse critique des résultats par rapport aux données d’entrée. Ceci peut permettre de juger, qualitativement ou quantitativement, de la validité et de la portée des résultats. 3.3 Evaluation a priori via la méthode de « prévision d’ensemble » 3.3.1 Cas de simulation macroscopique Dans la construction d’un outil de simulation, il existe plusieurs étapes : 1) On choisit un modèle pour décrire l’écoulement du trafic par un certain nombre d’équations liant les variables. 2) La phase de calibrage permet d’ajuster les paramètres du modèle aux caractéristiques physiques du réseau. Ces deux étapes servent à construire le modèle. 3) Il faut définir les conditions aux limites. Pour un modèle macroscopique les conditions aux limites sont les valeurs du débit, de la vitesse, du taux d’occupation au temps initial aux entrées et sorties du réseau. 4) La simulation s’effectue à partir des conditions aux limites et suit l’évolution du trafic dans le temps et l’espace. En météorologie pour construire la prévision d’ensemble, les météorologues cherchent à intervenir dès la troisième étape. En effet, l’objectif n’est pas de remettre en cause le modèle (et ainsi d’intervenir dans la définition et le calibrage du modèle) mais plutôt de jouer sur les conditions aux limites afin d’envisager plusieurs possibilités futures. Dans le cas de la simulation du trafic, on propose de faire varier les conditions limites, représentant l’incertitude sur l’état initial. Une fonction de génération de nombres aléatoires (un hasard maîtrisé) permet de reconstituer des variables limites que ce soit le débit, la vitesse aux entrées et sorties du réseau. Les variables générées doivent être cohérentes avec les courbes fondamentales relatives à chaque entrée sortie. Ainsi au lieu d’un seul résultat nous en obtenons plusieurs qui forme un ensemble appelé ici « ensemble final ». 124 Actes INRETS n° 90 Une méthode d’évaluation a priori Dans le cas d’un réseau de taille importante, pour faciliter le travail, nous proposons de s’intéresser non plus aux résultats détaillés mais à certains indicateurs globaux relatifs à la totalité du réseau (temps global passé, distance globale parcourue, temps de parcours moyen...). 3.3.2 Cas de simulation microscopique Dans ce cas, le recours à la prévision d’ensemble peut s’expliquer, outre par les erreurs de mesure, par la présence du caractère stochastique de certaines variables. Plusieurs variables d’entrée ont un comportement stochastique, notamment l’injection individuelle de véhicules fondée par exemple sur une loi de Poisson ayant pour paramètre l’inverse du débit. L’idée la plus simple est d’envisager de générer plusieurs fois la même loi ce qui peut donner des temps d’arrivée différents. On peut également, comme pour le cas macroscopique, faire varier le débit et la vitesse initiaux aléatoirement dans les limites que l’on connaît (notamment par rapport à l’erreur de mesure). Remarque Une autre façon de construire l’ensemble final consiste à utiliser les résultats issus du même modèle et calculés sur un intervalle de temps antérieur au temps de la simulation. Cette façon de procéder est la même que les météorologistes appellent « système du pauvre », celle évoquée plus haut. 3.3.3 Analyse statistique de l’ensemble final Quelle que soit la méthode retenue, on obtient alors non plus un seul résultat mais un ensemble qu’il est nécessaire d’analyser. En premier lieu, même si les trois variables essentielles du trafic ne sont pas indépendantes (de part la construction du modèle, elles doivent vérifier certaines équations), on peut débuter l’analyse par une étude unidimensionnelle. Pour chaque variable on trace l’histogramme associé à l’ensemble. La dispersion de l’histogramme peut mettre en évidence des cas d’aberration. De plus, on peut analyser les valeurs de la moyenne, de l’écart type et du coefficient de variation. Il sera également possible de donner des seuils critiques empiriques voire même de faire une estimation non paramétrique de la densité pour chaque variable. L’analyse des différents histogrammes donne directement une première idée de la confiance à accorder au résultat de contrôle. Les variables étant liées les unes aux autres on ne peut s’en tenir à un regard unidimensionnel. Il est souhaitable de se placer aussi dans un espace à trois dimensions (débit, vitesse, taux d’occupation). Dans cet espace, il convient de regarder comment les résultats se ressemblent ou diffèrent des uns des autres. On peut aussi envisager une classification des résultats. Le nombre de situations divergentes de la situation envisagée donnera alors une idée de la qualité du résultat de contrôle. En phase finale, on peut s’inspirer du tableau 1 pour attribuer aux résultats un indice de confiance. Actes INRETS n° 90 125 Modélisation du trafic 4. Conclusion Le concept d’évaluation a priori d’une prévision est fortement utilisé aujourd’hui en météorologie. Certes, il n’existe pas d’analogie directe entre la météorologie et le trafic. Par contre, l’approche de calcul de l’incertitude utilisée en météorologie peut être transposable au trafic. C’est dans cette optique que nous avons étudié le modèle de prévision du dispositif Bison Futé. Pour chaque jour, un ensemble de prévisions a été construit via le concept de système du pauvre appliqué au débit journalier relatif. L’analyse statistique de cet ensemble a permis alors d’associer à chaque prévision dite de contrôle un indice de confiance. Il convient de noter que cet indice n’est en aucun cas une probabilité mais un qualificatif de la prévision variant de un à quatre. De plus, la prévision d’ensemble permet aussi de tirer à priori d’autres renseignements quantitatifs sur les valeurs prédites. Certes, un modèle est toujours améliorable mais l’objectif ici était bien de faire une évaluation a priori des prévisions issues de ce modèle. Autrement dit dans ce genre d’évaluation, il faut d’abord avoir une très grande confiance dans le modèle lui-même. En effet, l’erreur doit essentiellement provenir de l’effet de variables exogènes non prévisibles et non pas d’un mauvais calibrage du modèle. De plus, c’est le même modèle qui doit servir à la prévision et à l’estimation sur l’historique. Il semble alors très délicat et difficile d’appliquer ce genre de concept en temps réel où l’équation de prévision (type ARMA) est amenée à être modifiée (ne serait-ce que dans les valeurs des paramètres). Nous avons tenté de montrer que cette approche peut s’appliquer à l’évaluation a priori des résultats issus des modèles de simulation. Certains phénomènes peuvent rendre incertain l’écoulement du trafic (erreur sur les mesures, présence de variables stochastiques...). Le recours au système du pauvre ou à la variation des données initiales permet alors l’obtention d’un ensemble de résultats. L’analyse statistique de ce lui-ci donnera une idée a priori de la qualité du résultat à fournir aux exploitants. Bibliographie Certu (2000).- Simulation dynamique du trafic routier ; Collections du Certu dossier 106, décembre. Coiffier J. (2000).- Un demi-siècle de prévision numérique du temps, La Météorologie, 8e série, juin. Danech-Pajouh M.- Les modèles de prévision du dispositif Bison futé et leur évolution, à paraître dans le n˚ 73 de la revue RTS. 126 Actes INRETS n° 90 E. Impact de l’information routière Actes INRETS n° 90 127 L’information dynamique sur les temps de parcours… L’information dynamique sur les temps de parcours : position statistique, effet sur le choix d’horaire, mécanisme d’apprentissage F. Leurent SETRA, 46 avenue Briand, BP 100, 92225 Bagneux Cedex. Courriel : [email protected] Résumé Depuis l’avènement des systèmes informatiques et de télécommunication, les exploitants des réseaux de transport se sont équipés de systèmes d’information qui mesurent en temps réel l’état du trafic. Une partie de cette information dynamique peut aussi servir aux usagers, dans leur choix d’itinéraire ou d’horaire de départ. L’article a pour objectif de définir précisément l’information relative aux temps de parcours, et de modéliser ses effets pour l’usager. Pour cela nous modélisons le temps de parcours (objectif ou subjectif) comme une variable aléatoire, dont la distribution est conditionnée par l’information dynamique. L’article comprend trois parties : 1. des définitions pour le temps de parcours, sa variabilité, son conditionnement par des facteurs exogènes comme le niveau de trafic, et sa prédiction. Nous distinguons nettement les aspects objectifs et les aspects subjectifs ; 2. un modèle de choix d’horaire de départ en fonction d’une certaine information. Nous formulons l’horaire de départ optimal en fonction de l’horaire cible d’arrivée, de la distribution des temps de parcours, du péage marginal et des coûts marginaux d’avance, de retard, d’origine et de transport ; 3. un modèle d’apprentissage de l’information par l’exploitant ou l’usager, fondé sur l’analyse bayésienne. Actes INRETS n° 90 129 Modélisation du trafic 1. Temps objectif et temps subjectif Nous traitons d’abord le temps objectif, tel que mesuré par un ingénieur ou traité par un système d’exploitation : ce cas met en scène la variabilité, les caractères aléatoires et l’incertitude objective. Nous passons ensuite au temps subjectif, qui ajoute deux autres sources d’incertitude : spécificités de l’individu, et erreur de perception. 1.1 Connaissance objective du temps de parcours Un temps objectif est une grandeur physique mesurable par des techniques d’observation objectives, par opposition au temps subjectif perçu par un individu. Avant la réalisation du déplacement, on ne connaît pas le temps comme une valeur précise. On connaît au mieux la distribution statistique du temps, sa structure probabiliste, grâce à des observations passées ou à un transfert de connaissance. Dans la suite, nous nous attachons à traiter le temps de parcours de manière statistique, afin de révéler les dispersions (§ 1.1.1), les incertitudes et leur nature (§ 1.1.2), les possibilités de prévoir et de communiquer (§ 1.1.3). 1.1.1 Hypothèses et définitions Par nature le temps de parcours tP est variable. Considérer tP comme une variable aléatoire est déjà une hypothèse forte de régularité, un axiome de structure probabiliste. Pour définir la VA tP, il faut préciser la population statistique des déplacements : a priori un itinéraire unique dans un seul sens de circulation, une classe de mobiles et certaines conditions temporelles notamment l’horaire de départ. On peut alors caractériser la structure de tP, grâce à sa fonction de répartition FP dans la population : FP(x) = Pr{ tP ≤ x }, d’où la moyenne τP et la variance σ 2P . On peut préciser la structure de tP en affinant la population de référence : par segmentation (ex. des conditions temporelles ou de la classe de mobiles) ou plus généralement par un conditionnement, selon une autre VA observable Y. Dans ce cas, on caractérise la fonction de répartition conditionnelle FP/ Y=y = Pr{tP ≤ x Y = y}, d’où la moyenne conditionnelle τP/Y et la variance conditionnelle σ 2P/Y . Pour un temps de parcours, la variable Y englobe typiquement les débits par classe sur les arcs de l’itinéraire à des périodes antérieures, les conditions temporelles (jour ou nuit, météo) et même d’autres trafics sur le réseau (en aval ou sur les itinéraires parallèles). 130 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… 1.1.2 Analyse d’incertitude pour un temps moyen prédit En réalité la connaissance objective d’une distribution statistique empirique n’est jamais parfaite : elle est soumise aux incertitudes de mesure et à une incertitude de transfert temporel entre passé, présent et futur. L’incertitude de mesure, par imprécision ou échantillon partiel, et l’erreur de formulation, limitent la connaissance de FP, τP et σ 2P à F̂ P , τ̂ P et σ̂ 2P entachées d’erreur. De même pour le conditionnement par Y : même en négligeant l’erreur de mesure de Y, on dispose de moins d’observations empiriques par valeur Y = y que pour l’ensemble, donc les F̂ P/Y , τ̂ P/Y et σ̂ 2P/Y sont plus imprécises que leurs homologues globales. La prédiction du temps moyen mh pour les mobiles circulant à une période donnée est soumise à trois sources d’incertitude : • L’incertitude de réalisation εR = mh – τP/Y car les mobiles forment un échantillon de la population. En fonction de la variance individuelle σ 2h et du nombre de mobiles n, la variance de εR est V[εR] = σ 2h ⁄ n puisque mh est une moyenne empirique. • L’incertitude de spécification εM = τP/Y – τ̂ P/Y , qui englobe l’erreur de formulation et l’erreur d’estimation. • Enfin l’incertitude d’anticipation εA = τ̂ P/Y – τ̂ , entre la vraie variable de P/Ŷ conditionnement Y et la variable anticipée Ŷ . Typiquement on anticipe les volumes de trafic par arc et par période, qui constituent le vecteur Ŷ anticipé a priori, tandis que Y correspond aux mêmes grandeurs mesurées a posteriori. L’anticipation de Y par Ŷ est d’autant plus fiable que εA est plus faible. L’incertitude de prédiction est . Les trois composantes sont à peu près indépendantes (même si l’effectif n apparaît dans Ŷ ), donc la variance se décompose en . On peut approcher . La variance V[εM] est inaccessible sauf investigation spéciale (modèle plus fin), mais réduite si le modèle est réaliste. Pour V[εA], on approche et dans le cas à une composante. L’écart Y – Ŷ se mesure a posteriori, tandis que ∇ Y τ̂ se calcule directement. 1.1.3 Communiquer la connaissance objective Si l’exploitant d’un système dispose d’une connaissance objective approchée τ̂ P/Y suffisamment précise, il peut la communiquer aux usagers en service ou Actes INRETS n° 90 131 Modélisation du trafic potentiels par un instrument d’information, un média. Le média touche une certaine population, pas nécessairement identique à la population de référence de τ̂ P . Par exemple, une information de temps moyen sur autoroute concerne l’ensemble des véhicules ; elle sous-estime le temps des camions, et à l’intérieur d’une classe de mobiles elle néglige la dispersion des allures. Cela soulève deux questions : quel temps moyen annoncer, et quelle variabilité annoncer ? A la première, la réponse actuelle est le temps moyen tous véhicules, proche du temps moyen des voitures qui sont les plus nombreuses. La seconde question n’est pas tranchée : aucune variabilité n’est encore annoncée. Les deux réponses à privilégier sont l’une la variabilité du temps moyen ; l’autre celle des temps individuels, qui intègre en plus la dispersion des temps individuels. La forme à privilégier est l’annonce M ± αS, avec M la moyenne, S l’écart-type, et α un coefficient compris entre 1 et 2. 1.2 Connaissance subjective du temps Le temps subjectif est le temps ressenti par un individu. Quand celui-ci mesure son temps de parcours à l’issue d’un déplacement, il connaît le temps objectif et adapte sa perception a posteriori. Mais avant un déplacement, donc a priori, l’individu estime la valeur possible du temps de manière subjective. 1.2.1 Distribution subjective du temps La distribution subjective est la distribution de probabilité du temps de parcours telle que ressentie a priori par l’individu. Elle peut différer de la distribution objective. Une cause d’écart importante est la spécificité objective de l’individu, notamment son allure individuelle qui distingue son déplacement parmi la population des déplacements. C’est un facteur de conditionnement, déjà évoqué pour la connaissance objective des temps. L’autre cause d’écart est l’erreur de perception : l’individu, qui tire son expérience de parcours antérieurs, tend à amplifier les écarts à la moyenne, avances ou retards. De même que, dans le choix du mode de transport, l’individu tend à surestimer les gains de temps procurés par le mode qu’il choisit. Ainsi l’erreur de perception induit probablement une surestimation de l’écart type. Elle induit aussi une surestimation de la moyenne, car par précaution l’individu prend une marge de temps et l’intègre au temps moyen en négligeant le reliquat éventuel. Pour formaliser l’erreur de perception, nous marquons par un prime le temps de parcours perçu a priori par l’individu : τ ′P , avec une fonction de répartition F ′P , une moyenne τ ′P et une variance σ ′P2 . 1.2.2 Relation avec le temps objectif Probablement l’individu surestime les moments du temps de parcours : τ ′P ≥ τP et σ ′P ≥ σP. Pour bien comparer les distributions objective et subjective, 132 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… il faut analyser la distribution conjointe de tP et t ′P . En l’absence d’information exogène, on peut admettre l’indépendance de ces deux variables aléatoires. Mais une information exogène Y′ (restreinte par rapport à Y disponible pour l’exploitant) induit une corrélation positive, car probablement τ P/Y′ et τ ′P/Y′ varient dans le même sens selon Y′, et de même pour σP/Y′ et σ ′P/Y′ . 1.2.3 Fonction de coût subjectif Dans un problème de choix discret d’une option parmi un nombre fixé, la fonction de coût mesure le coût d’une option en fonction de ses attributs en prix, en temps etc. Ainsi, pour l’individu i le coût généralisé de l’option k est une fonction Gk(i) = Pk + αi tk avec Pk le prix, tk le temps et αi l’arbitrage prix-temps de l’individu. C’est une variable aléatoire puisque le temps est aléatoire. La fonction de coût sert à évaluer les différentes options et à choisir celle de coût minimal. Elle intervient a priori, avant la réalisation du déplacement. En réalité, même si l’individu n’effectue pas une évaluation quantitative formalisée, son choix obéit à une fonction plus ou moins intuitive de coût, qu’un observateur peut formuler. Il appartient à cet observateur de modéliser la perception subjective du temps, par deux moyens : le remplacement de tk objectif par t ′k subjectif, ou la modulation de αi. Le remplacement de tk par t ′k a l’avantage théorique d’expliciter la distribution subjective, même si on ne la mesure pas. La modulation de αi permet d’accorder les moyennes τP et τ ′P , en modulant αi τP = α ′i τ ′P . Mais cela ne suffit pas pour accorder les dispersions σP et σ ′P , car la relation est plus complexe. En pratique, un bon compromis est une fonction de coût , ce qui explicite à la fois la moyenne et la dispersion. Les effets subjectifs sont présents dans les paramètres d’arbitrage αi et βi. Pour un individu donné, cela équivaut à postuler les moments de la distribution subjective en fonction de la distribution objective : . La distinction entre paramètres objectifs αi et subjectifs α ′i a une grande importance pratique pour la mesure des fonctions de coût : les subjectifs s’appliquent aux techniques de préférences déclarées, tandis que les objectifs s’appliquent aux techniques de préférences révélées. 2. Analyse du Choix d’horaire optimal Les considérations précédentes sur la connaissance objective ou subjective du temps de parcours s’appliquent au choix d’horaire et d’itinéraire. Pour simplifier nous traitons ici uniquement le choix d’horaire. Actes INRETS n° 90 133 Modélisation du trafic Nous en définissons les aspects (§ 2.1) et les coûts (§ 2.2). Ensuite nous analysons le choix d’horaire comme le problème de minimiser le coût moyen de déplacement (§ 2.3). En posant certaines hypothèses analytiques, nous obtenons la solution mathématique du problème de choix (§ 2.4), avec une formule explicite dans un cas relativement simple. Alors nous pouvons discuter le rôle d’une information statique a priori (§ 2.5) et celui de l’information dynamique (§ 2.6). Nous terminons par des commentaires (§ 2.7). 2.1 Aspects du choix d’horaire Le déplacement est une transition depuis un état d’origine, avec un lieu d’origine z et un horaire de départ h, vers un état de destination, avec un lieu de destination z′ et un horaire d’arrivée h′. Le temps de trajet est la différence entre l’horaire d’arrivée et l’horaire de départ : on le note par th = h′ – h. L’horaire de départ est porté en indice pour marquer le choix de l’individu. Après ce choix, le temps dépend d’autres facteurs : conditions de trafic, fluctuations aléatoires, qui dépendent peu ou pas de l’individu. A priori l’individu choisit h afin d’arriver en z′ à un horaire cible hC : la nature aléatoire du temps nécessite de distinguer entre hC et l’horaire d’arrivée effectif h′, constaté a posteriori. Pour choisir un horaire de départ h parmi un ensemble H d’options, l’individu associe un coût à chaque option et il choisit l’option de coût minimal. On note Gi(h) le coût généralisé de l’option h pour l’individu i. 2.2 Fonction de coût d’un horaire de départ Pour préciser la fonction de coût G(h), ses paramètres et sa forme, examinons d’abord le coût a posteriori, puis les aspects stochastiques. A posteriori, le coût de transition de (z, h) à (z′, h′) est une fonction G(h, h′). Il intègre le coût d’arriver à h′ soit CA(h′), le coût de transport proprement dit, CT(h, h′ – h) et le coût de quitter l’origine à h, noté CO(h). Intuitivement CA est une fonction décroissante jusqu’à l’horaire cible hC puis croissante. Le coût CT(h, th) croît avec th mais pas forcément avec h (notamment en cas de péage variable), tandis que CO(h) décroît avec h. A horaire h fixé, est une fonction décroissante puis croissante de h′, ou uniquement croissante si la décroissance initiale du coût d’arrivée est compensée par les autres termes. Exemple. Une fonction simple pour le coût à l’origine est CO(h) = Cte = αOh avec αO la valeur du temps à l’origine, qui mesure la valeur des activités possibles en z. Pour le coût de transport, avec αT le coût marginal du temps en cours de transport et Ph,h′ les frais monétaires de circulation. 134 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… avec δhj le temps passé en On peut aussi décomposer état j. Une fonction simple de coût à l’arrivée est, avec (x)+ = max{x, 0} et K une constante, Le paramètre β′ est le coût marginal du temps en retard, et – β le coût marginal du temps en avance. Le changement de signe indique que l’individu peut mettre en valeur le temps en avance. Cette spécification est très simplifiée : nous ne limitons pas les variations de CO ni de CA, ce qui est irréaliste en théorie mais ne pose pas de difficulté tant que les écarts entre h′ et hC restent faibles. A priori le temps de transport est une VA th, conditionnelle à l’horaire de départ h. Par conséquent le coût de transition est aussi une VA conditionnelle à h qui tient deux rôles : variable de décision et variable de conditionnement. Exemple. Nous pouvons spécifier th comme une VA exponentielle de 1 paramètre λh décalée de rh le temps minimal : alors le temps moyen est r h + -----λh ln 2 et le temps médian r h + -------- . Alternativement, une VA gaussienne de moyenne λh 2 t h et variance σ h . Nous ne détaillons pas le conditionnement entre les VA th des horaires de départ successifs : ce conditionnement impose pourtant la contrainte de nondépassement : th ≤ ∆h + th+∆h pour ∆h ≥ 0, i.e. dans chaque situation possible si le mobile part avant il arrive plus tôt. 2.3 Problème de choix et fonction de coût moyen L’individu choisit l’horaire de départ qui minimise le coût de transition : c’est un problème d’optimisation stochastique. En l’absence d’information exogène, le meilleur horaire est celui dont le coût moyen, espéré, est minimal. La fonction de coût moyen est , elle combine les aspects déterministes du coût et les aspects stochastiques du temps. Evidemment la fonction de coût moyen est assez complexe. On calcule terme à terme : • A l’origine, . On note pour la suite sa dérivée Ċ O = ∂C O ⁄ ∂h . Si CO = Cte – αOh, alors Ċ O = – αO. • Au cours du transport proprement dit, si donc Actes INRETS n° 90 alors . 135 Modélisation du trafic • A l’arrivée, . On note sa dérivée . Le terme d’arrivée est le plus complexe. Des intermédiaires de calcul sont la fonction de répartition de th, Fh(x) = Pr(th ≤ x), et sa fonction primitive , qui dépend du moment tronqué d’ordre 1 par la relation . Si x = th = h′ – h, , alors, en notant y = hC – h et Dans le cas exponentiel décalé, il vient . avec Φ la Dans le cas gaussien, fonction de répartition d’une VA gaussienne réduite. En injectant le détail des termes dans la formule générale du coût moyen , nous obtenons le coût moyen en fonction de h et de paramètres relatifs aux termes du coût, ou bien à la distribution statistique de th. 2.4 Solution du problème de choix La solution du problème de choix est l’horaire de départ h* qui minimise G ( h ) . Lorsque cette fonction est dérivable, la solution vérifie la condition d’optimalité ∂G au premier ordre ------- = 0 avec ∂h . Le coût C A dépend de h directement et aussi via la distribution de th. Pour des temps de parcours distribués exponentiels décalés, il vient et 136 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… Comme au total Si λ est constant termes, la condition d’optimalité devient l’équation . En combinant aux autres On la résout sous la forme suivante, qui est explicite quand Ċ O , et aussi , αT, β, β′ sont constants : Cette formule intègre les effets des divers paramètres, depuis l’horaire cible jusqu’aux paramètres de la distribution du temps de parcours, en passant par le péage marginal et les coûts marginaux d’avance, de retard, d’origine, de transport. La dérivée du temps moyen est un terme original, absent des autres modèles de choix de déplacement. Une condition de validité est que > – 1 : cela signifie que l’on arrive toujours plus tôt en partant à h qu’à h + dh, cf. la condition de non dépassement. Il faut également la positivité du numérateur dans le logarithme, soit : quand = 0 cela signifie que le coût marginal de transport est inférieur à la somme des valeurs du temps à l’origine et en avance. Une autre condition économique intuitive est que β′ ≥ – Ċ O , pour justifier le déplacement. Alors, au moins pour ≥ 0 le numérateur est inférieur au dénominateur dans le logarithme, donc h* ≤ hC – r : l’individu ajoute une marge de précaution hC – r – h* ≥ 0 au temps minimal r. L’horaire optimal décroît en fonction de r, β′, dépend du signe de Actes INRETS n° 90 et Ċ O . L’influence de αT , donc de la situation par rapport à la pointe de trafic : en 137 Modélisation du trafic montée vers la pointe ≥ 0 donc h* décroît avec αT, en descente depuis la pointe ≤ 0 donc h* croît avec αT : l’individu s’écarte d’autant plus de la pointe que son coût marginal du temps de transport est plus élevé, toutes choses égales par ailleurs1. La formule explicite permet de calculer le coût moyen minimal G * = G (h*), la variance du coût a posteriori V[G(h*, h* + th*) | h = h*] etc. Enfin examinons le cas déterministe, sans variabilité. Alors le coût d’arrivée est une fonction affine par morceaux dont la dérivée présente un saut au point h = hC – r. La condition d’optimalité devient la disjonction des trois conditions : • • • 2.5 Désagrégation et valeur de l’information statique L’information statique consiste en la connaissance objective de la distribution du temps de parcours. On peut la segmenter selon l’horaire de départ, auquel cas il s’agit d’information statique désagrégée, par opposition à l’information statique agrégée. L’information statique désagrégée permet à l’individu de rationaliser son choix, par rapport à une connaissance subjective désagrégée ou non. Si l’individu dispose seulement d’une connaissance subjective t h′ avec t ′h et σ ′2 h , il choisit h′* d’après la fonction de coût subjectif moyen G ′ déduite de G en remplaçant la distribution du temps. L’horaire « optimal » perçu h′* est probablement différent de h*, donc a posteriori ( G h′*) ≥ G (h*). La différence G (h′*) – G (h*) est la valeur de l’information statique désagrégée relativement à la connaissance subjective. Si l’individu dispose seulement d’une information statique agrégée t, t et σ2, il choisit h* probablement différent de h*, donc a posteriori G ( h* ) ≥ G (h*). La différence G ( h* ) – G (h*) est la valeur de désagréger l’information statique. Il n’existe pas de relation évidente entre G (h′*) et G ( h* ) : l’information statique agrégée ne domine pas nécessairement la connaissance subjective. Cependant, si en pratique le système varie faiblement au cours du temps, alors la distribution agrégée est proche de chaque distribution agrégée donc h* est proche de h*, tandis que la connaissance subjective surestime largement σ2 donc En particulier les coefficients β et β′. Mais entre deux individus avec αT1 > αT2, pour un motif professionnel certainement β ′1 > β ′2 . 1 138 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… h′* est plus éloigné de h* : alors l’information statique domine la connaissance subjective. 2.6. Nature et valeur de l’information dynamique L’information dynamique consiste en une variable exogène Y, typiquement une observation en temps réel ou différé, qui conditionne la distribution de th donc qui resserre l’éventail des possibilités : cf. § 1.1. Conditionnellement à Y = y, le temps de trajet pour l’horaire de départ h est une VA th/y de fonction de répartition Fh/y, moyenne t h/y et variance σ 2h ⁄ y . D’après la décomposition de la variance totale, en moyenne sur les valeurs y de Y, ce qui montre le resserrement des possibilités. Le conditionnement modifie la fonction de coût moyen, qui devient Le problème de choix d’horaire ainsi conditionné a pour solution h *y : le choix est adapté à l’information dynamique. Le gain d’adaptation se mesure de la manière suivante : sachant Y = y, donc La différence G* – G *Y est la valeur de l’information dynamique. Elle est d’autant plus grande que G *Y est plus faible, donc que la connaissance de Y précise mieux les coûts. Exemple. Au § 2.3 nous avons donné les éléments du coût moyen pour th gaussien de moyenne t h et variance σ 2h . Nous pouvons modéliser le conditionnement par Y en supposant que le vecteur (th, Y) est gaussien2 : si Y est distribué N(µY, σ 2Y ) alors, sachant Y = y, th/y est gaussien avec une moyenne et une variance pour χh = cov(th, Y) : la variance est réduite de χ 2h / σ 2y . 2.7 Discussion Les définitions multiples sont nécessaires pour représenter avec réalisme les relations entre choix et information. En donnant des formes mathématiques Une hypothèse plus réaliste est un vecteur (ln th, ln Y) gaussien : alors la variance σ 2h/y peut croître avec y, ce qui est réaliste si Y représente le niveau de trafic. 2 Actes INRETS n° 90 139 Modélisation du trafic simples aux éléments du modèle, nous avons obtenu une formule analytique pour l’horaire de départ optimal. Cette formule résume, concentre les effets des paramètres suivants : horaire cible d’arrivée, distribution du temps de trajet, coûts marginaux à l’origine, en transport et à l’arrivée. La formule met en évidence la marge de précaution, ajoutée par l’individu au temps minimum pour compenser économiquement la variabilité du temps. Une information désagrégée, ou mieux dynamique, permet d’adapter l’horaire optimal, donc la marge, au contexte particulier du trajet. D’où en moyenne un gain par réduction d’incertitude. Même à information dynamique parfaite, il subsiste une incertitude non nulle : cf. les aléas de circulation dans le modèle des conflits (Leurent, 2001, chapitre 10). Cette incertitude résiduelle marque la limite physique des systèmes d’information dynamique. Pour la mesurer, il importe de bien distinguer les causes de variabilité : variations du temps moyen en fonction de l’état macroscopique, ou fluctuations résiduelles. Enfin nous avons considéré la valeur individuelle de l’information désagrégée ou dynamique. Au niveau collectif, les économies de coût direct sont amplifiées par des économies de coût externe, cf. (Leurent, 2001, § 13.D1). A ces valeurs individuelle et collective, il faut bien sûr retrancher le coût d’acquisition de l’information pour l’individu, et le coût de production de l’information pour la collectivité : c’est la limite économique de l’information dynamique. 3. Un modèle bayesien pour l’apprentissage de l’information La connaissance du temps de parcours, sous la forme d’une distribution statistique, est élaborée au fil du temps par l’acteur, usager ou exploitant. Dans un ensemble de situations « voisines » et donc répétitives, l’acteur observe la réalisation de la variable aléatoire « temps » : les observations constituent un échantillon, que l’on peut exploiter par des méthodes statistiques rigoureuses ou de manière intuitive, ce qui paraît plus plausible dans le cas des usagers. Aussi existait-il précédemment deux approches pour modéliser l’apprentissage des temps et de l’information dynamique sur les temps : 1. les méthodes statistiques usuelles d’inférence : estimation de la moyenne et de l’écart-type pour la distribution du temps. C’est l’approche usuelle des exploitants de réseau et autres serveurs d’information. Evidemment il s’agit alors de temps objectif ; 2. des méthodes basées sur la logique floue, i.e. sur un ensemble de règles quantitatives pour formuler des variabilités et les combiner ; cf. la thèse de Vincent Henn (2001) pour une revue de ces approches. Précisément, on distingue deux types de variabilité en logique floue : l’incertitude d’ordre conceptuel-perceptif, par opposition à l’imprécision numérique (ex. peu de chiffres significatifs pour un nombre). Les chercheurs qui choisissent cette approche, souhaitent privilégier la capacité à représenter l’incertitude et l’imprécision. 140 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… Dans la suite de cette partie, nous développons une troisième approche, basée sur l’analyse bayésienne : ce cadre statistique permet de représenter une connaissance incertaine, ainsi que l’apport d’une information supplémentaire pour augmenter cette connaissance. Ainsi la troisième approche est médiane entre les deux premières : de nature statistique, mais avec des capacités de représentation et des principes de combinaison, comparables à la logique floue3. A notre avis, l’analyse bayésienne tire le meilleur parti des deux premières approches : bon pouvoir de représentation, et caractère statistique qui assure un lien solide et clair avec l’expérience et l’observation. Nous présentons successivement : 1. les principes de l’analyse bayésienne, son application à la connaissance d’une proportion, d’une distribution et d’un modèle de régression ; 2. les utilisations possibles pour la connaissance des temps de parcours : formation de l’expérience, représentation de l’imprécision ; 3. la place de l’information dynamique, dans le cas d’un exploitant puis d’un usager. 3.1 Sur l’analyse bayésienne 3.1.1 Principes Soient deux variables aléatoires X et Y. Une connaissance probabiliste exhaustive du couple (X, Y) consiste en la connaissance des Pr{X ∈ A ∩ Y ∈ B} pour tous les événements A et B relatifs à X et Y respectivement. Les distributions individuelles de X et Y, les Pr{X ∈ A} et Pr{Y ∈ B}, constituent une connaissance partielle, marginale, pour le couple (X, Y). Un autre élément de connaissance probabiliste est l’information sur Y conditionnelle à X, i.e. les probabilités conditionnelles Pr{Y ∈ B X ∈ A} pour tous événements A et B. L’information marginale Pr{X ∈ A} et l’information conditionnelle Pr{Y ∈ B X ∈ A} sont exhaustives, puisque Pr{X ∈ A ∩ Y ∈ B} = Pr{Y ∈ B X ∈ A} Pr{X ∈ A}. En particulier elles révèlent l’autre distribution marginale Pr{Y ∈ B} grâce à la règle des causes totales, pour une partition d’événements As qui recouvrent l’ensemble des valeurs possibles de X sans se recouper : 3 Cette analogie du pouvoir de représentation a été démontrée dans des travaux de logique théorique. Actes INRETS n° 90 141 Modélisation du trafic Nous en déduisons également l’information sur X conditionnelle à Y, par la règle de Bayes Figure 1 : Schéma de l’analyse bayésienne Pr{X ∈ A Y ∈ B} ∝ Connaissance a posteriori Pr{Y ∈ B X ∈ A} Pr{X ∈ A} Information conditionnelle Connaissance a priori 3.1.2 Connaissance bayésienne d’une proportion Soit une proportion p, qui peut représenter la probabilité d’occurrence d’un certain événement. Une connaissance incertaine de p se modélise par une distribution de probabilité, d’autant plus concentrée autour d’une valeur « la plus plausible » que l’incertitude est plus faible. La formule usuelle pour une distribution de probabilité adaptée à une proportion, donc étendue entre 0 et 1, est la loi Beta-I à deux paramètres α et γ, qui admet la densité avec une constante de normalisation Les paramètres α et γ modulent la forme de la distribution, notamment ses moments : • pour la moyenne, • pour la variance. On utilise une telle distribution pour modéliser la connaissance a priori de la proportion. Une observation consiste en la réalisation, ou non, de l’événement de probabilité p : c’est une variable aléatoire binaire y qui prend la valeur 0 en cas d’échec ou 1 en cas de succès. La variable y a pour fonction de densité, sachant p : • f(0) = Pr{y = 0 | p} = 1 – p, • f(1) = Pr{y = 1 | p} = p, soit f(y) = (1 – p)1–y py de manière générique. On en déduit la fonction de vraisemblance de p sachant y, Pr{p | y} = (1 – p)1–y py. 142 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… En combinant la connaissance a priori et la vraisemblance de l’observation, nous obtenons la connaissance a posteriori g(p | y) ∝ pα+y–1(1 – p)γ–y, qui est encore une distribution Beta-I, avec des paramètres modifiés • α′ = α + y, • γ′ = γ + 1– y. Ces deux formules d’actualisation sont très simples, ce qui justifie l’emploi de la distribution. Graphiquement, la figure 2 montre la formation de l’expérience dans le cas où y = 1. Figure 2 : Connaissance d’une proportion : a priori (cloche de gauche), observé (segment), a posteriori (cloche de droite). 3.1.3 Connaissance bayésienne d’une distribution La distribution statistique d’une variable t sur un intervalle réel, contient davantage d’information qu’une simple proportion. Le modèle le plus simple est une distribution gaussienne à la fois pour la connaissance a priori, la vraisemblance d’observation et la connaissance a posteriori (cf. Judge et al., 1988). Il suffit alors de deux paramètres, la moyenne et l’écart-type, qui sont des nombres réels que des observations peuvent modifier. Un modèle plus sophistiqué nous semble nécessaire pour la connaissance de la distribution : à savoir le modèle gaussien – gamma inverse, qui considère la variable t comme gaussienne N(β, σ), mais avec • une moyenne β elle-même distribuée en fonction de deux hyper-paramètres µ, τ et de l’écart-type. • un écart-type σ distribué gamma inverse à deux hyper-paramètres ν, θ. Actes INRETS n° 90 143 Modélisation du trafic En fonction des quatre hyper-paramètres µ, τ, ν, θ, la variable t a pour moments • E[t] = µ • Pour la composition de la fonction de densité, cf. Judge et al. (1988) ou l’appendice. Une observation y de t provient de la distribution N(β, σ), donc elle induit une vraisemblance En combinant la connaissance a priori et la vraisemblance de l’observation, nous obtenons la connaissance a posteriori de la distribution, qui est encore un modèle gaussien – gamma inverse dont les quatre hyper-paramètres vérifient : • τ′ = τ + T, • ν′ = ν + T, • µ′ = (τµ + Ty)/(τ +T), • θ′ = θ – τ′µ′2 + τµ2 + Ty2 + (T – 1)z2. Ces formules sont données dans le cas de T valeurs observées4, de moyenne y et de variance corrigée z2. 3.1.4 Connaissance bayésienne d’un modèle de régression Un modèle de régression est une dépendance quantitative d’une variable y dite endogène, envers des variables xj appelées les facteurs exogènes. La régression la plus simple a la forme linéaire suivante, en fonction de coefficients θj : Cela sert à modéliser l’influence conjointe des facteurs exogènes, et de traiter de manière unifiée une grande diversité de cas particuliers. On peut traiter la régression linéaire de manière bayésienne, en associant aux coefficients θj une distribution gaussienne multivariée. 3.2 Application au temps de parcours Nous considérons le temps de parcours comme une grandeur réelle soumise à des fluctuations, afin de lui appliquer l’analyse bayésienne d’une distribution. 4 Pour des observations indépendantes. 144 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… 3.2.1 La formation progressive de l’expérience Pour appliquer la formation progressive de l’expérience, autant pour un usager que pour un exploitant, on applique le schéma « en boucle » : 1. connaissance a priori + observation ⇒ connaissance a posteriori, selon les formules du § 3.1.3 ; 2. connaissance a posteriori ⇒ nouvelle connaissance a priori, par simple report ; ce qui permet d’incorporer chacune des observations successives. 3.2.2 Ajout de l’imprécision Si de plus la précision de l’observation est limitée, nous pouvons modéliser l’imprécision en supposant que la valeur observée y est la somme du temps réel x (pas observé) et d’une perturbation aléatoire ε de moyenne nulle et variance u2. Dans ce cas l’usager perçoit la situation imprécise avec observation de y, comme un mélange de situations précises avec observation de x. Dans le mélange, la proportion de chaque valeur x est la densité au point x d’une variable aléatoire gaussienne de moyenne y et variance u2. Pour obtenir rapidement les conséquences d’une observation imprécise, il suffit de reprendre les formules d’actualisation des hyper-paramètres, et de les moyenner selon la distribution de l’imprécision ε. Alors seule la formule de l’hyper-paramètre θ change : dans le cas à une observation (T = 1), elle devient 3.3. Place de l’information dynamique 3.3.1 Cas d’un exploitant Pour un itinéraire donné, dans certaines conditions de période, un exploitant qui peut observer systématiquement le temps peut constituer progressivement une connaissance statistique. Plus profondément, il peut observer conjointement le temps de parcours et certains facteurs comme le niveau de trafic, et les exploiter avec un modèle de régression (cf. § 3.1.4). En situation de prévision, il peut alors fournir la distribution statistique du temps conditionnel à ce facteur. 3.3.2 Cas d’un usager Un usager sans accès à l’information de l’exploitant, utilise seulement ses observations individuelles pour former son expérience du temps de parcours. Cette expérience correspond uniquement aux situations qu’il rencontre, donc elle ne représente pas nécessairement une situation moyenne. En supposant un usager « statisticien », on peut modéliser l’observation conjointe du temps et du trafic rencontré, ou encore l’observation conjointe du temps et d’une information diffusée par l’exploitant. Actes INRETS n° 90 145 Modélisation du trafic Bibliographie Henn V. (2001) Information routière et affectation dynamique : vers une modélisation floue. Thèse de l’Université de Saint-Etienne. Judge G.G., Hill R.C., Griffith W.E., Lütkepohl H. & Lee T.C. (1988) Introduction to the Theory and Practice of Econometrics. Wiley, New York. Leurent F. (2001) Modèles Désagrégés du Trafic. Rapport INRETS Outils et Méthodes # 10. INRETS, Arcueil, France. Zerguini S. (1998) Variabilité des temps de parcours et incertitude des usagers sur le temps de déplacement. Congrès international francophone de l’ATEC, Vincennes, janvier. 5. Appendice : connaissance bayésienne d’une distribution Nous précisons ci-après le détail des calculs pour traiter une variable aléatoire gaussienne – gamma inverse, en analyse bayésienne. 5.1 Hypothèses de la distribution gaussienne – gamma inverse Les densités de la variable aléatoire primaire notée t, et des variables secondaires β et σ sont respectivement : • • • σ ≈ Inverse – Gamma (ν, θ) : • Pour cette dernière, E[σ] = et 5.2 Conséquences En fonction des quatre hyper-paramètres µ, τ, ν et θ, la VA t admet une densité, une moyenne et une variance. La moyenne découle du théorème de l’espérance totale : E[t] = E[E[E[t | β, σ] | σ]] = E[E[µ | σ]] = µ. Pour la variance, on applique le théorème de l’espérance totale à t2 : E[t2] = E[E[E[t2 | β, σ] | σ]] = E[E[β2 + σ2 | σ]] = , donc 146 Actes INRETS n° 90 L’information dynamique sur les temps de parcours… Pour la densité, on applique la règle des causes totales. Pour un T-uplet d’observations indépendantes, de moyenne empirique y et de variance empirique corrigée z2, la distribution conditionnelle à β et σ admet la densité avec r = T – 1 Soient τ′ = τ + T et : alors avec L’intégration selon σ utilise la constante de normalisation de la distribution inverse-gamma : avec ν′ = ν + T Pour faciliter l’implémentation pratique des calculs, on peut définir trois constantes auxiliaires et Actes INRETS n° 90 147 Modélisation du trafic 5.3 Formules d’actualisation des quatre hyper-paramètres • τ′ = τ + T, • • ν′ = ν + T, • 148 Actes INRETS n° 90 Incidences de l’information « temps de parcours »… Incidences de l’information « temps de parcours » sur les décisions adoptées par les usagers des voies rapides urbaines Brigitte Cambon de Lavalette INRETS-LPC Sébastien Poitrenaud Laboratoire CNRS ESA-7021 « Cognition & Activités Finalisées », Université Paris VIII. Résumé La présentation était destinée à exposer les résultats actuels d’une recherche concernant l’utilisation des messages « temps de parcours » annoncés sur les PMV des voies rapides urbaines. Sa particularité est de chercher à comprendre l’impact de l’information « durée de parcours » à partir des processus mentaux qu’elle sollicite chez les individus, dans le courant de leur activité mentale, et non à partir de la modélisation du trafic. L’objectif était de définir une méthodologie permettant d’évaluer les comportements des usagers en réponse à ces messages : l’activité mentale engagée et les moyens de l’analyser. 1. Introduction La particularité des messages temps de parcours est qui informent les usagers en temps réel sur l’état du trafic. Ils ne donnent pas d’ordres, ni même de conseils, comme c’est le cas avec la signalétique routière traditionnelle. Néanmoins, ils apportent à l’usager une information qui peut concerner un meilleur acheminement de son itinéraire. Celui-ci est libre d’utiliser ou non. Les usagers apprécient favorablement ce nouveau service. Comme ils sont de forme alphanumérique, une autre caractéristique de ces messages est leur obligatoire brièveté du fait des contraintes de l’affichage sur PMV et du temps de lecture de l’usager. Le contenu doit en être synthétique. De ce fait, ces messages sont contraints d’éluder un certain nombre de connaissan- Actes INRETS n° 90 149 Modélisation du trafic ces que l’usager doit avoir en mémoire pour en comprendre la teneur. Pour en restituer le sens, il doit établir des correspondances entre le contenu du message et des éléments en mémoire résultant de son expérience passée. On comprend alors que l’utilisation de ces messages génère des processus cognitifs d’activation mentale qui vont varier pour le moins selon que l’usager possède ou non les prérequits nécessaires à son interprétation. A partir du contenu du message, l’usager doit inférer un autre contenu qui va être celui qui guidera son action. Dans le cas des messages indiquant les durées de parcours, le contenu désigne un lieu et une durée. Par exemple à Paris « P. Italie 7 mn.» ce qui signifie « si les conditions de circulation ne changent pas, je vais mettre maintenant 7 minutes pour atteindre la porte d’Italie », et cela sous entend éventuellement que la zone est plus ou moins encombrée. Selon la signification qu’il lui donne, le conducteur peut inférer ou non la présence d’un bouchon sur son itinéraire aval. Il a alors la possibilité soit de quitter la voie sur laquelle il se trouve soit de maintenir son itinéraire. Selon la façon avec laquelle chacun organise ses déplacements, l’impact de ces informations sur le comportement et la décision induite à la lecture du message peuvent entraîner des modifications de l’état du trafic et ainsi faire surgir de nouveaux problèmes. C’est en quoi la connaissance des réactions des usagers à ces messages est un sujet de recherche intéressant pour l’ergonomie routière du point de vue de l’adaptation de l’humain au système. Concernant les messages durée de parcours, la principale question est celle de la décision adoptée à la lecture du message : en cas d’encombrement , décide-t-il de changer d’itinéraire ou de patienter dans de meilleures conditions ? L’intérêt qu’il y a à analyser ce sujet est qu’une meilleure connaissance du processus peut éventuellement contribuer à apporter un meilleur éclairage sur des outils de régulation du trafic. Selon les recherches faites sur l’écoulement du trafic, il semblerait que la seconde solution soit plus adoptée que la première (Cohen, S., & Hadj-Salem, H., 1996, et Jardin, P., & Laterrasse 1998) : les conducteurs se délestent peu à l’annonce des durées de parcours. Cependant, tous les usagers ne se comportent pas à l’identique. L’objectif de notre recherche a été d’identifier des catégories d’usager en fonction des décisions qu’ils prennent à partir de ces messages. Dans la première partie de cette présentation, nous allons exposer l’analyse de l’activité mentale sollicitée à la lecture de ces messages, c’est-à-dire les inférences qu’ils en avancent, les différentes formes d’interprétation de son contenu. Nous allons alors constater que tous les usagers ne peuvent se comporter de façon identique. Dans la seconde partie, les résultats d’une approche exploratoire seront exposés. 2. Processus mentaux d’interprétation des messages Pour beaucoup, la brièveté des messages, un lieu, une durée, fait que leur signification semble évidente, induisant par là même directement l’action appro- 150 Actes INRETS n° 90 Incidences de l’information « temps de parcours »… priée. Cela peut être le cas pour les individus ayant déjà élaboré leur propre représentation du dispositif. La notion de représentation est ici employée pour désigner le modèle mental que l’individu, à partir de ses expériences, se fait de son environnement, des objets qu’il y rencontre et des interactions qu’il développe avec eux (M. Denis 1998 ; Tijus 2001 ; Richard, 1998). C’est une construction mentale qui permet à l’individu de faire face aux exigences d’une tâche particulière. A la lecture des messages sur les durées de parcours, comment cette représentation se construit-elle ? Notre hypothèse repose sur l’idée que, afin d’interpréter correctement le message et décider de la conduite à adopter, le conducteur doit disposer d’un certain nombre de connaissances, et, selon l’état de ces connaissances, mais aussi selon son intention d’atteindre le plus rapidement possible sa destination, il décidera soit de maintenir son itinéraire, soit d’en changer. 2.1 Les connaissances impliquées dans la compréhension du message. 2.1.1 Les connaissances de la toponymie et de la topographie des lieux. Avec évidence, il est indispensable de connaître le nom des lieux indiqués sur les panneaux, leurs positions dans l’espace, et leur situation par rapport à l’itinéraire poursuivi. Les usagers peu accoutumés à la toponymie d’une région, les touristes par exemple, ne sont probablement pas du tout concernés : ils ne peuvent décider d’une action sur cette base. De plus, il arrive que la terminologie en vigueur sur les PMV utilise une dénomination des voies qui n’est pas celle de l’usager : les axes sont parfois désignés selon un code différent de celui employé par le public. 2.1.2 La connaissance des durées habituelle de parcours. Pour que l’information permette à l’usager d’inférer l’état du trafic aval, il doit avoir en mémoire la connaissance de la durée de parcours en période de fluidité afin de la comparer à la durée de parcours annoncée pour évaluer le degré de congestion. Si par exemple, il sait qu’un trajet se parcourt habituellement en 5 minutes, la décision qu’il prendra devrait, on le suppose, varier si on lui signale une durée de 10 minutes, ou bien de 40 minutes. Il faut donc avoir déjà fait le parcours concerné, évalué la durée nécessaire pour le parcourir, peut-être tenir compte des variations horaires dans la journée, avoir mémorisé toutes ces données, pour attribuer une signification à la durée annoncée en termes de degré de congestion du trafic, et de là, décider ou non de modifier du projet initial d’itinéraire. Il y a donc une phase préalable dans la construction de la représentation mentale de l’individu au cours de laquelle il va établir des comparaisons, pour en inférer un état qualitatif de la circulation (plus ou moins encombrée). En revanche, les usagers occasionnels qui ne connaissent pas la durée habituelle ne devraient pas pouvoir inférer aussi bien que les autres la présence d’un bouchon. Actes INRETS n° 90 151 Modélisation du trafic 2.1.3 La connaissance d’itinéraires alternatifs. Dans la mesure où nous avons envisagé deux modalités d’action induites par les messages, changer d’itinéraire ou patienter, on conçoit aisément que la décision de changer soit liée à la plus ou moins bonne connaissance du réseau et s’opérera d’autant plus facilement que l’usager a une représentation de l’espace environnant et la connaissance de trajet lui permettant d’atteindre sa destination, c’est-à-dire qu’il aura déjà pu élaborer une carte mentale de l’espace concerné. De ce fait, la connaissance du réseau devrait interférer elle aussi avec la modalité décisionnelle adoptée et opérer une sélection entre les usagers selon leur expérience de l’espace : en l’absence de connaissance d’itinéraire de rechange et des durées probables sur ces itinéraires, l’usager va-t-il prendre le risque de chercher un autre parcours, et peut-être de perdre autant de temps ? Cela est peu probable et mériterait d’être étudié. 2.1.4 La confiance dans la fiabilité des messages sur les durées de parcours. Pour que les usagers soient incités à agir à partir des messages, quelle que soit l’issue de l’action, il semble indispensable qu’ils soient assurés du fait que la durée annoncée représente bien la durée actuelle, en temps réel, du parcours qu’ils vont effectuer. Ce qui constitue l’intérêt principal de la durée annoncée sur les PMV est qu’elle résulte d’une évaluation en temps réel, qu’elle donne ainsi une image, un « instantané » de la situation actuelle. A ce sujet, plusieurs éléments sont à considérer. Le premier est que le bien fondé de la signalisation routière est bien souvent remis en question par les usagers qui s’y conforment d’une façon variable, en la réinterprétant souvent d’une façon personnelle. Ensuite, s’agissant d’une évaluation en temps réel, ils doivent avoir à l’esprit que cette évaluation résulte d’un système collecteur de données sur le trafic actuel de la circulation et non d’une valeur moyenne indiquant la durée moyenne du parcours. Il est donc impératif qu’ils aient construit une représentation mentale d’un système susceptible de produire des données fiables. Or, il n’y a pas d’information au public sur le fonctionnement réel du système PMV qu’ils ne sont pas supposés connaître. Par ailleurs, il est difficile d’inférer le fonctionnement réel de ses dispositifs sans avoir en mémoire un certain nombre de connaissances sur les technologies avancées, sur les capteurs notamment, et de « deviner » comment ça marche. Tous ces éléments font que la crédibilité de l’information n’est pas acquise d’emblée. 2.2 L’intention Dans la décision que l’usager adopte à la lecture du message, il nous a semblé nécessaire de tenir également compte de l’intention des usagers en matière d’organisation des déplacements. En effet, il peut posséder les connaissances requises pour interpréter correctement le message, mais suivant son intention, il les utilisera ou pas. Cela revient à dire que l’intention organise l’action (Pacherie, 1993), exprimant ce que l’individu pense ou désire à propos de 152 Actes INRETS n° 90 Incidences de l’information « temps de parcours »… l’organisation de son trajet. Il s’agit d’une disposition à agir d’une certaine façon, de ce que l’on peut voir comme un critère d’obtention du but qu’il s’est fixé. Nous sommes intéressés par deux catégories d’intention : celle qui consiste à vouloir atteindre sa destination le plus rapidement possible et celle qui consiste à vouloir ménager son confort. 2.3 Conclusion : modélisation de l’activité mentale sollicitée En conclusion, suivant la façon avec laquelle les usagers conçoivent les déplacements urbains, les intentions qui les animent dans ce but, suivant les diverses catégories de signification accordées aux messages, nous supposons qu’ils auront l’intention : • soit d’atteindre le plus rapidement possible leur destination, et désirer le faire en utilisant tout ce qu’ils pensent leur permettre de réaliser cette intention ; et alors, selon la signification donnée au message, ils l’utiliseront ou non pour éviter les zones saturée. • soit de ménager leur confort en faisant l’économie de ne pas chercher un autre itinéraire, et alors, suivant la signification donnée au message, ils peuvent se trouver confortés ou non dans l’idée qu’ils peuvent patienter. Le processus qui peut être schématisé de la façon suivante : Figure 1 : Schématisation des processus mentaux impliqués • • • • • • • Cela implique que la décision adoptée, maintenir son itinéraire ou en changer si la durée de parcours paraît excessive, doit avoir un caractère rationnel, qui peut par exemple être énoncé sous la forme d’une proposition de la façon suivante : • si j’ai l’intention d’atteindre ma destination le plus rapidement possible • que je juge le temps annoncé supérieur au temps habituel, que je sais que cette information est fiable, que ma connaissance du réseau m’indique un autre itinéraire possible • alors je décide de changer d’itinéraire. Actes INRETS n° 90 153 Modélisation du trafic 3. Comportements adoptés par les usagers à la lecture des messages : approche exploratoire A partir de cette modélisation du comportement, une enquête exploratoire a été réalisée auprès des usagers du boulevard périphérique de Paris. La difficulté résidait cependant dans l’analyse des entretiens si l’on veut comprendre le lien sémantique reliant les termes de la proposition. C’est la raison pour laquelle nous avons utilisé le programme STONE(Semantic Tree based Object Navigator and Editor) ) qui a en effet été développé afin de disposer d’un outil de manipulation de données arborescentes, mettant en pratique l’analyse hiérarchique des propriétés. 3.1 Méthodologie Nous avons procédé par enquête auprès d’usagers habituels de cet axe, l’utilisant plusieurs fois par semaine depuis plusieurs années. 3.1.1 Les entretiens 18 automobilistes ont ainsi été interviewés. Les entretiens duraient 45 minutes environ, et étaient réalisés selon la méthode semi-directive, sur les thèmes suivants : 1. La « pression temporelle » évoquée à partir des raisons de leur choix modal en faveur de la voiture pour les déplacements urbains, et qui apparaissait également à partir de l’exposé des motifs de leur passage par le BP. 2. L’évocation des différents itinéraires utilisés ce qui permettait d’amener le sujet à parler de la place occupée par les messages sur les durées de parcours dans le choix de l’itinéraire. 3. Le récit d’itinéraire réel récent ce qui avait pour objectif de chercher à vérifier les allégations exposées précédemment. 4. Leur représentation du dispositif PMV avec temps de parcours. 3.1.2 Analyse des entretiens : le programme STONE Les données issues des entretiens ont ensuite été analysées à l’aide du logiciel STONE (Poitrenaud, 1998). Il permet d’articuler des données sur des plans successifs, ce qui a permis ici d’envisager pour chaque sujet la succession des instances impliquées dans l’action : intention, connaissances, décision, sans avoir à les reconstituer arbitrairement à posteriori ; le lien entre elles apparaît directement sur le graphe de Stone. La plupart des systèmes de gestion de base de données codent les propriétés des entités représentées à l’aide de la notion de couple attribut-valeur, dans des tables ou relations : les colonnes représentent les différents attributs et les lignes les différentes entités sous la forme d’un vecteur de valeurs exclusives. Un ensemble d’attributs munis chacun d’un ensemble de valeurs possibles constitue un type d’entité. 154 Actes INRETS n° 90 Incidences de l’information « temps de parcours »… En revanche, dans une description Stone, il n’y a ni table, ni attribut, ni valeur, ni classes prédéfinies, mais des lignées de propriétés organisées de façon arborescente. Les objets décrits par ces propriétés sont munis d’un identificateur unique : c’est un système à objets nommés. Le schéma attribut valeur du modèle relationnel peut être vu comme un cas particulier de description Stone dans lequel la « profondeur » de la description est systématiquement de 3 : au premier niveau, on a les types d’objet (les différentes tables relationnelles) ; au deuxième niveau, les attributs ; et au troisième niveau, les valeurs des attributs. Figure 2 : Graphe Stone représentant les modalités de la décision d’un sujet Actes INRETS n° 90 155 Modélisation du trafic La figure 2 ci-dessous présente la formalisation STONE des liens entre les états successifs impliqués, suite à l’information du PMV, dans la décision de rester ou de quitter un itinéraire. Elle représente sous forme d’arborescence tous les motifs alternatifs qui composent le plan de l’action : l’intention inférée à partir des raisons du choix (dans la figure : choix) pour la voiture (voiture,) ou pour le passage par le BP (BP (confort ou simplification tache) ; les connaissances sur la configuration du réseau (connaissances réseau) les indices (indices) à partir desquels les sujets prennent leurs décisions ; les inférences (raisonnement) qu’ils établissent à partir du message affiché sur le PMV avant d’accéder au BP (action 1), puis quand ils sont déjà sur le BP et qu’un bouchon se forme soudain (action 2). Dans les 2 cas, la décision consiste soit à changer d’itinéraire pour éviter le bouchon, soit à rester dans le bouchon en organisant le délai de temps perdu. 3.2 Résultats Sur l’ensemble des sujets de l’échantillon, 5 privilégient d’arriver le plus rapidement possible à destination, et 13 le confort du déplacement. En présence de bouchons sur leurs itinéraires, que décident-ils de faire ? Nous avons observé trois types de comportement selon la décision de changer d’itinéraire, de rester dans les encombrements, ou rester dans un bouchon quand le report de temps, selon le PMV, n’est pas excessif. • Les premiers (5 sujets) qui agissent donc dans le sens attendu, sont rébarbatifs à toute forme d’acceptation des bouchons ; ils changent d’itinéraire avant de s’engager sur le BP si la durée leur paraît excessive ; ils sont fortement motivés par le désir d’atteindre le plus rapidement possible leur destination (c’est la raison pour laquelle ils empruntent cette voie rapide, et pour la plupart, celle du choix de la voiture pour se déplacer) ; la décision de se délester est favorisée par le fait qu’ils ont en général une connaissance étendue du réseau, des itinéraires « de secours », vers lesquels ils se délestent dès que ça « bouchonne ». Et alors, la connaissance de la durée de l’immobilisation peut leur servir à éviter les zones encombrées. • A l’opposé, se trouve le groupe de ceux sur lesquels le dispositif ne semble pas agir (7 sujets) : ils acceptent les bouchons avec une grande patience, et qui sont les plus nombreux parmi nos sujets. Ceux-là ne changent pas d’itinéraire quelque soient les durées annoncées à l’abord du BP ou sur le BP lui-même, préférant ménager le confort de leur trajet pour la plupart, ils connaissent peu d’autres trajets, et n’en cherchent pas. Ils semblent « économes » de leurs actions ; certains ont même l’habitude de partir en avance. L’information sur les durées de parcours les renforce dans leurs convictions que « de toute façon, c’est partout pareil... », et que ce n’est pas la peine de changer de trajet. • Enfin, parmi eux, nous avons observé un sous-groupe de 3 conducteurs qui adoptent, pragmatiques, les comportements des deux précédents groupe. D’une part, comme le second groupe, ils n’ont pas l’intention d’aller vite, 156 Actes INRETS n° 90 Incidences de l’information « temps de parcours »… mais s’ils passent par le BP, c’est parce que c’est plus rapide, comme le premier groupe. Ils ne rentrent pas sur le BP encombré mais acceptent des reports de temps, non pas d’une façon inconditionnelle comme semblent le faire les sujets du groupe précédent, mais dans une certaine marge qu’ils précisent en général. Ils ont une bonne connaissance du réseau, ce qui fait qu’ils pourraient changer d’itinéraire. Les PMV leur servent soit à éviter de s’engager sur le BP encombré (la durée leur indique l’état du trafic au-delà du champ visuel), soit, si le bouchon se forme quand ils s’y trouvent déjà, à patienter pendant un certain temps. Ces résultats ne sont pas représentatifs d’une population : le nombre des usagers interviewés est trop restreint. En outre, il s’agit d’usagers réguliers, connaissant les durées moyennes de parcours et la toponymie des lieux. Ils permettent cependant de mettre en évidence plusieurs éléments particulièrement intéressants : • L’idée assez commune selon laquelle les automobilistes cherchent à atteindre leur destination le plus rapidement possible ne correspond pas à tous les usagers. Bien au contraire, on trouve des usagers qui s’installent confortablement dans les bouchons : on pourra téléphoner, bien écouter de la musique, etc. Comme le dit très clairement l’un d’eux : ... j’aime bien l’intimité de mon propre véhicule... c’est un lieu de vie j’écoute la musique que je veux. Je ne suis pas obligé de subir le contact des autres je peux regarder le journal, je peux faire plein de choses dans une voiture... Ce n’est donc pas un moment que tous les conducteurs vont chercher obligatoirement à écourter. • Les conducteurs venant chaque jour de la banlieue éloignée ne connaissent pas forcement d’itinéraire alternatif : ils préfèrent maintenir leur route sur le boulevard périphérique plutôt que de perdre du temps sur un autre itinéraire, surtout depuis que les durées de trajets sont annoncées. • La représentation du fonctionnement du dispositif producteur des messages est bien souvent qu’il est assuré par des caméras qui « observent » le trafic, la qualité de l’information en serait donc moins bonne que celle des capteurs qui évaluent le trafic en temps réel. La fiabilité accordée aux messages en est sans doute moins bonne. 4. Conclusion Ces résultats font apparaître des éléments intéressants quant aux habitudes de trajet, comme la préférence pour son confort vs sa rapidité. Ils montrent également que les messages durées de parcours sont très utiles aux usagers qui désirent ménager leur confort, les rassurant sur l’issue de la situation, ce qui n’est pas le cas lorsque les messages annoncés sur les PMV sont « bouchon » ou à fortiori « accident » : dans ce cas ils changent d’itinéraire. Ceci suggère que les messages durées de parcours pourraient donc contribuer à un accroissement du Actes INRETS n° 90 157 Modélisation du trafic trafic. Une meilleure information du fonctionnement du dispositif permettrait peutêtre d’améliorer la confiance dans la valeur du message. S’agissant d’une recherche exploratoire, portant sur un nombre restreint de sujets, les résultats ne peuvent cependant en être considérés comme représentatifs d’une population d’usagers. Nous ne savons pas comment se comportent les usagers occasionnels. L’enquête par entretiens que nous avons entreprise, devrait être prolongée de façon à s’assurer englober l’ensemble des catégories de sujets. Par exemple, les sujets que nous avons interviewés ne mettent pas radicalement en doute la fiabilité du dispositif. Or, des enquêtes d’opinions faites à l’instigation des pouvoirs publics (DREIF, 1997), montrent que 10 % des usagers dénient toute forme d’intérêt à ces messages. Il aurait été intéressant d’avoir pu interviewer des représentants de cette opinion pour en comprendre les raisons. Ensuite, une enquête extensive sur la répartition des différentes catégories d’usagers devrait être entreprise de façon à avoir une meilleure représentation de leurs motivations et de leurs comportements dans la circulation. Bibliographie Cohen S. & Hadj-Salem H. (1996) Évaluation comparative des affichages bouchons et temps de parcours. L’expérience de la ville de Paris. RTS, 51. Denis M. (1998) Vocabulaire des sciences cognitives, PUF, p. 345. DREIF, SIER (1997) Baromètre d’image des panneaux à message. Jardin P. & Laterrasse J. (1998) Méthode d’analyse de l’impact des informations dynamiques des panneaux à message variables sur le comportement des usagers franciliens. Congrès International de l’ATEC : Déplacements : l’ère de la gestion. Presses des Ponts et Chaussées eds. pp. 159-170. Pacherie E. (1993) Naturaliser l’intentionnalité, PUF. Poitrenaud S. (1998) La représentation des Procédures chez l’opérateur : description et mise en œuvre des savoir-faire. Thèse de Doctorat, Université de Paris VIII. Richard J.F. (1998) Les activités mentales, Armand Colin. Tijus C. (2001) Introduction à la psychologie cognitive, Nathan Universités. 158 Imprimé en France – JOUVE, 11, bd Sébastopol, 75001 Paris N° 338199E – Dépôt légal : Juin 2004 Actes INRETS n° 90